le naufrage du derbyshire

Transcription

le naufrage du derbyshire
Efforts des vagues sur le pont des
navires vraquiers type Capesize ou Panamax
_________
Le naufrage du M.V. Derbyshire et ses conséquences
Par
Guilhem GAILLARDE
Project Manager Ships – Seakeeping
Maritime Research Institute Netherlands
2, Haagsteeg P.O. Box 28
6700 AA Wageningen Pays-Bas
Tél. direct : +31 (0)317 493 488
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Internet : www.marin.nl
SOMMAIRE
Le Derbyshire, navire vraquier de 294 mètres, sombra avec ses 44 membres d’équipage alors
qu’il rencontrait le typhon Orchid dans la nuit du 9 au 10 Septembre 1980 au large du Japon. Sa perte,
qui n'a pas fait de vague pendant près de 20 ans, à part dans l’opinion publique britannique, est
aujourd’hui à l’origine d’une étude scientifique sans précédent ordonnée par le ministère des
transports et la haute cour de justice britanniques. Les résultats de cette étude seront mis à la
disposition de l’Organisation Maritime Internationale et des membres de l’ IACS (Association
Internationale des Sociétés de Classification) afin de leur permettre de réviser les réglementations en
vigueur et d’élaborer de nouvelles normes de sécurité concernant ces navires.
Cette présentation retrace l’histoire du Derbyshire et le rôle joué par le Maritime Research
Institute Netherlands (MARIN) dans la compréhension de l’accident. Elle détaille l’ensemble des
moyens d’essais mis en oeuvre pour évaluer les risques de rupture de panneaux d’écoutille sur les
navires vraquiers de conception récente.
SUMMARY
The Derbyshire, a 294 meters bulk carrier, disappeared with her 44 members of crew when
she encountered the Thypoon Orchid off the coast of Japan on 9th September 1980. Although her loss
did not make a lot of noise for the last 20 years, apart in the british public opinion, she yields
nowadays a unique in depth scientific study undertaken on behalf of the UK Department of Tranport
and the High Court. The results of this study will be delivered to the International Maritime
Organisation and the IACS members (International Association of Classification Societies) in order
for them to revise their actual regulation and establish new standards to increase the safety of such
vessels.
This paper explains the role played by the Maritime Research Institute Netherlands (MARIN)
during the Derbyshire court case and gives a summary of the model tests techniques used to determine
the hatch cover loads and related collapse risks for recently built bulk carriers.
1. LE NAUFRAGE DU DERBYSHIRE1
Le Derbyshire, navire vraquier de 294
m, lancé en 1976 aux chantiers Haverton Hill
de Teeside, sombra avec ses 42 membres
d’équipage et deux de leur femme alors qu’il
approchait du terme d’un de ses voyages près
des côtes du Japon, dans la nuit du 9 au 10
Septembre 1980.
Le navire croisa la route du typhon
Orchid, qui générait des vagues d’une hauteur
significative de 10.86 mètres et des vents de 56
noeuds. La vitesse au sol du navire peu avant sa
disparition était d’environ deux noeuds. Un tel
état de mer, sévère, n’est pourtant pas
exceptionnel pour un typhon du Pacifique Nord
Ouest, et n’aurait dû en théorie poser aucun
problème de sécurité pour un navire d’une telle
taille et d’une telle catégorie. Seule la durée
pendant laquelle le navire est resté exposé à un
tel état de mer a été anormale.
Les routes suivies par l’oeil du typhon
et le navire expliquent en partie cette durée
(voir figure suivante).
lieu supposé
du naufrage
route suivie par
l’oeil du typhon
route suivie par
le Derbyshire
Figure 1 : routes du typhon Orchid et du Derbyshire.
Ce navire de quatre ans, battant pavillon anglais
et mené par un équipage anglais, classifié par le
Lloyd’s Register of Shipping, avait reçu toutes
les certifications du Lloyd’s Register lors des
visites de contrôle. Il était réputé pour son bon
état de maintenance et le sérieux de son
1
l’ensemble des informations concernant cette
section provient du ‘’Report of the re-opened formal
investigation into the loss of the M/V Derbyshire –
Executive
summary’’.
voir
www.mvderbyshire.org.uk
équipage. Sa perte, qui n'a fait aucune vague
pendant près de 20 ans, mis à part dans
l’opinion publique britannique, est aujourd’hui
à l’origine d’une étude scientifique sans
précédent ordonnée par le ministère des
transports et la haute cour de justice
britanniques. La route a cependant été longue
pour arriver une réelle compréhension (et
volonté de compréhension) des causes du
drame.
En 1980, après une première demande
des familles des victimes, le gouvernement
anglais statuait que, dans l’absence totale de
données matérielles (le navire gisant par plus de
4000 mètres de fond), une investigation
formelle ne pouvait être menée pour établir
clairement les raisons de la perte du navire.
Cependant, sur plusieurs des sisterships
du Derbyshire, construits par le même chantier
naval, des fractures étaient apparus au niveau
du pont (frame 65), relançant les suspicions
concernant les causes de la perte du Derbyshire.
Le gouvernement anglais ordonnait en
Décembre 1986 une investigation formelle. En
Juin 1989, la cour rendit son verdict :
‘‘Le Derbyshire a probablement été submergé
avec ses 44 membres d’équipage par les forces
de la nature dans le typhon Orchid, au large
d’Okinawa, dans la pénombre de la nuit du 9 au
10 Septembre 1980. Aucune des preuves
disponibles ne peut amener à une conclusion
définitive.’’
Cette conclusion pour le moins homérique de la
perte du Derbyshire n’a pas decouragé les
familles qui ont obtenu en 1994 la mise en
place d’une mission. Celle-ci avait pour but de
localiser l’épave dans un premier temps puis
d’envoyer un sous-marin pour effectuer une
inspection de la coque. Le coût d’une telle
mission fut évaluée à quelques 20 millions de
francs (financé par l’Angleterre et l’Union
Européenne), et fut réalisée conjointement par
la Woods Hole Oceanographic Institution et la
marine américaine.
La mission fut conduite avec succès en 1997 et
1998. La surface couverte par les débris de
l’épave représentait environ 1000*1500 mètres,
135774 clichés furent pris, reconstituant 98%
de l’ensemble de la zone. Environs 2500 débris
furent identifiés (voir page suivante la
cartographie du champ des débris identifiés).
au juge Colman. Celui-ci s’est entouré d’une
équipe d’experts maritime qui ont mené une
enquète minutieuse. L’ensemble des clichés pris
lors de la mission sur l’épave a été ré-analysé
afin d’imaginer les scénarios les plus probables
ayant conduit à la perte du navire, voir G. Sole
[1]. Une des techniques les plus étonnante
utilisée lors de la reconnaissance de l’épave à
été la construction d’une mosaique d’images
afin d’obtenir une vue d’ensemble de certaines
parties de l’épave.
La vue d’ensemble du pont avant a ainsi pu être
reconstituée grâce à l’assemblage de centaines
de clichés effectués par de nombreux passages
du rov (voir ci-dessous).
1.5 km
1 km
Figure 2 : Champ couvert par les 2500 débris répertoriés.
En conclusion, le scénario le plus probable était
composé des séquences suivantes :
• perte de franc-bord à l’avant, due à
l’envahissement des compartiments avants.
• pont avant et panneau d’écoutille No.1
submergés par les vagues.
• Pression des impacts de vagues sur le
panneau d’écoutille No.1 supèrieure à la
limite admissible.
• Effondrement du panneau d’écoutille No.1
et envahissement du compartiment.
• Nouvelle perte de franc-bord à l’avant.
• Exposition aux vagues des panneaux
d’écoutille No.2 et 3, cédant à leur tour et
laissant entrer l’eau jusqu’à ce que le navire
sombre.
La cause de l’entrée d’eau initiale ne fut pas
clairement expliquée et fut attibuée à une
probable négligence de l’équipage. Cette
conclusion balayait tout doute sur la conception
et construction du navire.
Devant la réaction pour le moins négative des
familles et la pression de l’opinion publique, le
gouvernement anglais demanda la ré-ouverture
formelle de l’investigation devant la haute court
de justice britannique, ce qui est une première
dans une catastrophe maritime.
2. LA RE-OUVERTURE FORMELLE DE
L’INVESTIGATION (RFI)
Analyse des clichés de l’épave
La ré-ouverture formelle du dossier devant la
haute cour de justice britannique à été confiée
Figure 3 : Les pont avant du Derbyshire.
La photo suivante montre un détail pris sur le
pont avant du navire.
Figure 4 : Photo prise sur le pont avant de l’épave.
Le croquis présenté sur la page suivante est la
partie avant du Derbyshire telle qu’elle se
trouve par 4000 mètres de fond.
Figure 5 : Croquis de la partie avant de l’épave.
L’ensemble des compartiments avants sont
quasiment intacts (au contraire de tout les autres
qui ont implosé sous la pression lorsque le
navire à coulé). Ceci n’a pu être possible que
s’ils avaient été envahis par l’eau avant que le
navire ne coule. L’hypothèse d’une défaillance
de l’étanchéité des compartiments avants à donc
été de nouveau comfirmée.
Les hypothèses d’une écoutille laissée ouverte
par l’équipage ou d’une fermeture de sécurité
des panneaux d’écoutilles mal arrimée ont été
écartées par les observations faites sur l’épave,
mettant hors de cause l’équipage sur ce point.
Les efforts des vagues passant par dessus le
franc-bord et "attérissant" sur le pont restait la
solution la plus plausible pour créer des entrées
d’eau dans le pont. Cependant, dans des vagues
d’une hauteur significative de 10.86 mètres,
seules quelques vagues auraient pu atteindre ce
franc-bord. La cause de l’envahissement initial
des compartiments avants restait donc
inconnue, mais bien réelle, puisque observée
sur d’autres vraquiers. Les deux photos
suivantes montrent un vraquiers dont les
compartiments avants ont été envahis.
Figure 7 : Pont avant d’un vraquier
dans une tempète après avarie.
La figure 8 montre une coupe longitudinale de
la partie avant d’un vraquier et les espaces
‘‘libres’’ où l’eau peut s’engouffrer. La figure 9
montre une simulation de l’enfoncement de
l’avant du navire entrainant l’implosion des
compartiments plus en arrière, restés étanches.
Figure 8 : Coupe longitudinal d’un vraquier.
Figure 9 : Enfoncement du vraquier par l’avant.
Figure 6 : Perte de franc-bord suite à l’envahissement des
compartiments avants.
La photo suivante montre le Derbyshire
pendant sa construction aux chantiers
d’Haverton Hill.
Figure 10 : Le derbyshire pendant sa construction.
Cette photo permet de réaliser la taille de ces
géants des mers. Maintenant que les scénarios
les plus plausibles de la perte du Derbyshire ont
été élaborés, encore fallait-il prouver leur
validité et comprendre pourquoi et comment un
état de mer sévère mais non extrême pouvait
causer un tel désastre.
Pour cela, un seul moyen, déterminer avec
exactitude les conditions météorologiques au
moment de l’accident et essayer de reproduire
les scénarios avec le maximum de réalisme, en
bassin de carène.
Figure 11 : Spectre de vague et durée du typhon.
Un modèle atmosphèrique a été utilisé par
Oceanweather afin de recalculer l'évolution du
typhon sur une grille relativement fine (20
miles nautique) et 15 degrés de longitude et
latitude autour du centre de ce typhon (voir
Figure 12 ci-dessous). Cette analyse a permis
de connaitre le climat en terme de spectre et
direction des vagues. Ce dernier point est
important car, l'oeil du cyclone ayant tourner
deux fois sur lui-même, le spectre de vague
était contenu dans un secteur d'environ 90
degres et était assymétrique.
Le typhon Orchid
Comme il a été dit précédemment, le typhon
Orchid n'avait rien d' exceptionnel en terme de
hauteur de vagues, il était même jugé
relativement faible. Sa durée par contre, pour le
Derbyshire, a été anormalement longue (voir
Figue 11). Le centre d'une dépression se
déplaçant relativement vite et les navires faisant
généralement route pour s'en éloigner, ces
derniers ont en général a affronter les pires
vagues pendant quelques heures. Le Derbyshire
est resté près de 24 heures dans des conditions
de mer se dégradant petit à petit. Peu avant le
drame, la hauteur significative des vagues
atteignait environ 11 metres (hauteur cependant
rencontrée dans des dépressions en Atlantique
Nord).
Cette description du climat, bien que très utile,
n'était cependant pas suffisament précise pour
comprendre la perte du navire.
Derbyshire
Figure 12 : Champ de vent (Oceanweather) autour du
Derbyshire quelques heures avant qu'il disparaisse.
Après cette étape décisive, l'ensemble des
données était disponible pour recréer les
scénarios en bassin d'essais: climat (spectre de
vagues, direction principale et répartition
directionnelle) et état du navire (chargement,
position, direction et vitesse au sol).
3. LES MOYENS D’ESSAIS ET LES
MESURES EFFECTUEES
Le bassin
Une large série d'essais a été effectuée tout
d'abord au Danish Maritime Institute (DMI)
puis à l'Université de Strathclyde en Ecosse
sous la direction du professeur Vassalos [2], où
de nombreux paramètres de vagues et de
chargements ont été testés. Au cours de la réouverture formelle de l'enquète, le ministère des
transports britannique a cependant fait appel au
Maritime Research Institute Netherlands
(MARIN) pour reproduire exactement les
conditions climatiques lors de l'accident et
valider les différents scénarios. Le bassin de
manoeuvre et tenue à la mer (voir figure 13 cidessous), inauguré en été 1999, est en effet
équipé de batteurs de houle pouvant reproduire
des vagues multidirectionnelles, ce qui était une
des caractéristiques de l'état de mer généré par
le typhon Orchid.
La géométrie du bassin ainsi que les
caractéristiques des batteurs permettent de
couvrir un secteur de +90 à –70 degrés pour la
répartition directionnelle autour de la direction
d’avance du navire (voir figure 14 ci-dessous).
- 70 deg
+ 90 deg
mean wave
direction
WAVE MAKERS
Figure 14 : Schéma des possibiltés de vagues
directionnelles dans le bassin.
Main Carriage
6 m/s
Adjustable
Beach
5m
Flap Type
Wave Maker
37.5 m
Subcarriage
4 m/s
Observation
Carriage
170 m
Offshore
Basin
Seakeeping &
Manoeuvring Basin
Figure 13 : Le bassin de tenue à la mer et manoeuvre de MARIN.
0 10 20 30 40 50
La philosophie générale des essais a été très
proche de celle de
l’ensemble
de
l’investigation: reconstituer le plus fidèlement
possible l’ensemble des paramètres concernant
le navire et le climat, sans simplification inutile,
observer et mesurer le plus objectivement
possible et laisser place à l’inattendu. Ce
dernier point peu difficilement être obtenu par
le biais de simulations numériques.
Le typhon Orchid
Les spectres de vagues obtenus par
Oceanweather, correspondant aux situations à
12.00 heures et à 15.00 heures au 9 Septembre
1980, ont été recrées dans le bassin, en
respectant les répartitions fréquentielle et
directionnelle d’énergie des vagues. Même si
d’après les derniers contacts radio le navire
faisait face aux vagues à une vitesse au sol
d’environ 2 noeuds, il était impossible de
connaitre sa direction juste avant sa disparition.
Ainsi, les spectres multidirectionnels ont été
générés autour de trois directions supposées du
navire par rapport à la direction d’énergie
maximum du spectre: mer de face, mer de troisquart avant et mer de côté (résultant d’une
possible perte de manoeuvrabilité à faible
vitesse). Les spectres de vagues ont été calibrés
avant les essais, la figure 15 suivante montre
une de ces réalisations.
Figure 15 : Spectre de vague multidirectionnel
réalisé en bassin.
Le modèle du Derbyshire
Un modèle construit à échelle 1:65 pour de tests
précédents à Glasgow a été utilisé. La figure 16
ci-dessous montre l’arrangement général du
navire ainsi qu’un plan de forme. La
distribution de masse a été modélisée avant les
essais afin de respecter le cas de chargement du
navire intact et après avarie (compartiments
avants envahis et calle No.1.
Figure 16 : Arrangement général et plan de forme du Derbyshire.
(les panneaux d’écoutille 1 et 5 ainsi que le pnt avant en grisé était équipés pour mesurer
les efforts, les points indiquent des jauges de mesure de hauteur de vague)
La quantité d’eau embarquée sur le pont avant
étant un des paramètres déterminant pour les
efforts sur les panneaux d’écoutille, une
attention particulière a été apportée à la
modélisation de la hauteur du pont et du pavois,
ainsi que la tonture et courbure du pont.
Tout élément pouvant influencer le comportement dynamique ou la quantité d’eau
embarquée a été modélisé, tels que les winchs.
La figure suivante montre en détail le pont
avant du modèle. La figure 18 illustre
l’importance de la présence d’obstructions sur
le pont avant et leur interaction avec les vagues.
ressorts. La période propre de cet ensemble de
ressorts a été sélectionnée de telle sorte qu’ils
n’interfèrent pas avec les mouvements du
navire dus aux vagues.
Cependant, un effet secondaire a été observé,
entrainant des inexactitudes sur l’évaluation de
la vitesse réelle du navire. Dans un train de
houles irrégulières, les vagues les plus grosses
se déplacent en groupe. Ces groupes de vagues
induisent une résistance ajoutée et une perte de
vitesse brutale. Cela suggère que les plus hautes
vagues sont rencontrées systématiquement à
vitesse réduite par rapport à la vitesse moyenne
du navire, ce qui n’est pas le cas si le modèle
est tracté a vitesse constante.
4
auto-propulsé
Speed variation in knots
3
2
1
0
1
2
Figure 17 : Arrangement général du pont avant.
La propulsion du modèle
La vitesse d’avance du navire étant proche de
zéro, le modèle a été tracté par le chariot mobile
à vitesse constante grâce à un arrangement de
Jet of water between
the two winches
système de ressorts
0
1
"
2
3
Prototype time in minutes
4
Figure 19 : Comparaison des variation de vitesse.
La figure ci-dessus montre la différence entre
les variations de vitesses pour un modèle
stationnaire est un modèle auto-propulsé. La
fréquence des oscillations dans le cas du
modèle relié aux ressorts est la fréquence
propre du système de
ressorts. Les variations
de vitesse lorsque le
modèle
est
autopropulsé sont bien plus
réaliste,
avec
des
ralentissements lors de
la rencontre de groupes
de vagues.
"Shadow" created
by the winch
Figure 18 : Illustration de l’intéraction entre les vagues déferlants sur le pont et
les obstructions telles que les winchs.
La figure 20 page suivante montre une comparaison des spectres de
vitesse pour deux cas
tractés (vitesse nulle et
+2 noeuds) et un cas
auto-propulsé.
La
fréquence propre du
système de ressorts est
clairement
identifiée
grâce à ce graphe.
5
cas auto-propulsé
fréquence propre
du système de ressort
modèle tracté à
+2 noeuds
modèle stationnaire
Figure 20: Spectre de la vitesse d’avance.
L’instrumentation
Les mesures suivantes ont été effectuées :
• mouvements du navire
• hauteur relative des vagues le long de la
coque et sur le pont
• efforts
verticaux,
transversaux
et
longitudinaux sur les panneaux d’écoutille
1, 5 et pont avant, mesurés à 2000 Hz.
• quantité d’eau entrant par 11 orifices situés
sur le pont avant.
Dans un premier temps, les panneaux
d’écoutille ont été montés sur une balance de 6
jauges d’efforts. L’effort global sur le panneau
était ainsi mesuré, à la fois verticalement,
longitudinalement et transversalement.
Une des limitations de ce système de mesure
vient du fait qu’il réagit lui-même aux impacts
comme un système masse-ressort. Ce système
marche correctement en condition quasistatique , mais non en condition dynamique.
Sa masse n’étant pas négligeable et sa
fréquence propre relativement ’’faible’’, ses
propres oscillations (accélérations) après un
impacts étaient aussi mesurées. Dans des cas
typique d’impacts, où l’excitation haute
fréquence était relativement proche de la
fréquence propre du système de mesure, les
vibrations du système tendaient à sous-estimer
la magnitude réelle de la force extèrieure.
Les essais ont été répétés avec une
instrumentation beaucoup plus rigide sur le
panneau d’écoutille No.1. Une matrice des 12
panneaux de mesure d’efforts a été placée sur sa
surface. Chaque panneau, dont la masse était
relativement faible, était monté sur un capteur
mesurant l’effort vertical. La fréquence propre
de chaque capteur était telle que les impacts des
vagues ne créait plus ou peu d’excitation et
d’oscillation du système de mesure.
Cette technique a permis de capter la magnitude
réelle des efforts extèrieurs.
Une observation très importante et inattendue
faite avec cette matrice de capteurs a été que les
efforts verticaux appliqués sur le panneau
d’écoutille sont très loin d’être uniforméments
répartis. Sur certains impacts, seuls 1 ou 2
capteurs sur 12 mesuraient un effort significatif.
Figure 21 : Instrumentation optimisée du panneau d’écoutille No.1.
Les calculs de résistance des matériaux
effectués pour ces panneaux supposent en
général des efforts maximum tolérés quasistatiques, mais surtout uniformément répartis,
ce qui n’est en fait jamais le cas lors d’impacts
de vagues.
de franc-bord significative, exposait le
panneaux d’écoutille No.1 aux assauts des
vagues.
Avant d’atteindre les panneaux d’écoutille, la
masse d’eau embarquée heurte l’ensemble des
équipements présents sur le pont avant : winch,
mât pour les plus gros éléments, mais aussi les
conduits d’aération. Ceux-ci peuvent aisément
être endommagés ou arrachés, laissant un faible
diamètre d’ouverture sur le pont.
Malgré les points intéressants qu’elle a
apportée, cette technique de matrice ne
permettait plus de mesurer les efforts latéraux.
Lors de la série complète d’essais réalisée sur
des vraquiers modernes en 2000 et 2001, voir
G. Gaillarde [4], une instrumentation plus
sophistiquée a été développée (voir figure 21
sur la page précèdente). La balance pour
mesurer l’effort global vertical et les efforts
latéraux a été conservée, ainsi que la matrice de
panneaux pour mesurer la répartition des
efforts. Des accéléromètres ont été placés sur la
balance, dont la masse était connue, afin de
corriger le signal de sortie et ne mesurer que les
efforts extèrieurs (et non les efforts dus à
l’inertie de l’instrumentation). Grâce à cette
correction des efforts d’inertie, les même
valeurs d’efforts verticaux ont été obtenue par
les deux systèmes de mesures (balance totale et
somme des panneaux de la matrice), voir figure
suivante.
Un total de 11 points d’envahissement de faible
diamètre ont été modélisés et testés séparément
ou combinés. L’eau entrant par l’orifice était
drainée jusqu’à un récipient placé dans le
modèle. Afin d’effectuer les essais dans des
conditions stationnaires (pas de perte de francbord), l’eau presente dans les récipients était
pompée pendant l’essai à l’extérieure du
modèle puis mesurée.
4. LES RESULTATS DES ESSAIS ET
LEUR ANALYSE
Envahissement initial des compartiments
avants
La relative grande quantité d’eau entrant par un
seul des orifices le plus proches de l’étrave
permettait de remplir l’ensemble des
compartiments avants en moins de 5 heures. Si
plusieurs conduits étaient endommagés, cette
durée diminuait encore.
Cette conclusion
n’avait jamais été envisagée, chacun pensant
que le temps d’envahissement par de si faible
diamètre d’ouverture étaient bien supérieur.
140
9 panels vertical press ure [ kPa]
120
100
80
60
40
20
0
0
20
40
60
80
100
120
140
D’autres éléments du pont avant, malgré leur
taille et apparente solidité, aurait pu être simplement arrachés. Ceci a été confirmé durant la
série d’essais réalisés sur les vraquiers modernes, voir G. Gaillarde [4], ou les efforts ont été
mesurés sur les winchs. Leur magnitude peut
dépasser la valeur maximale de traction des
ancrages utilisée pour leur dimensionnement.
6- com p o ne nt f r am e ve r t ic al pr e s s ur e [k Pa]
Figure 22 : Corrélation des deux systèmes de mesures.
Les larges efforts horizontaux mesurés sur le
côté des panneaux d’écoutille a permis de
réaliser la puissance de la masse d’eau transitant sur le pont. Ce point a permis d’imaginer
la cause probable de l’envahissement initial des
compartiments avants qui, en causant une perte
Pour le Derbyshire, le rapide envahissement des
compartiments avants par des conduits
d’aération endommagés, avarie non détectable
depuis la passerelle, aurait donc entrainé une
perte de franc-bord progressive augmentant
l’embarquement d’eau et ainsi les efforts sur les
équipements du pont avant et le premier
panneau d’écoutille.
Ce processus, une fois engagé, conduirait à la
perte certaine du navire si les pressions sur le
panneau d'écoutille No.1 dépassaient les valeurs
admissible dictées par la norme UR S21 en
vigueur (42 kPa).
Risque de rupture du panneau d’écoutille
No.1
Tout le problème a consisté à évaluer le risque
de rupture du panneau No.1 dans les conditions
du typhon Orchid. L’ensemble de l’étude s’est
basée sur la mesure des pressions maximales
obtenue en bassin d’essais. Or, d’un point de
vue statistique, l’obtention de données
maximale lors d’un essai de durée limitée est un
exercice relativement risqué.
La durée de chaque essai a été choisie à 2
heures, afin de s’assurer de la mesure d’un
nombre suffisant d’evènements. Les probabilités d’excédance des maxima mesurés ont été
étudiés afin de trouver la meilleure loi de
distribution et permettre ainsi d’extrapoler les
résultats des essais. La figure 23 ci-dessous
montre d’une part qu’une distribution de
Weibull décrit relatvement correctement loi de
probabilité des pressions, mais qu’elle diverge
pour les valeurs les plus extrêmes. D’autres
part, elle illustre le fait que la valeur maximale
obtenue lors d’un essai en bassin doit être prise
avec précaution. Un même état de mer peut être
simulé en bassin par une infinité de réalisations.
Seul un test infiniment long pourrait garantir la
simulation de toutes les superpositions possibles de toutes les fréquences definissant le
spectre. Chaque réalisation représentera le
même spectre de houle, mais sa réprentation
spatiale et temporelle sera simplement
différente.
La figure 23 montre qu’une pression maximale
de 70 kPa a été obtenue lors d’un essai de 2
heures. Pour le même état de mer ayant une
réalisation différente et une durée de 6 heures,
une pression maximale de 55 kPa a été obtenue.
En revanche, la loi de distribtion des maxima
est identique.
Vertical pressure - Hatch cover No 1
Vertical pressure - Hatch cover No 1
1
Probability of exeedance
Probability of exeedance
1
0.1
0.01
1 .10
2 hours tests
(full scale)
70 kpa
0.5
3
0
20
40
60
Pressure (kPa)
80
100
0
Measured datas
Weilbull fit
Vertical pressure - Hatch cover No 1
80
100
Vertical pressure - Hatch cover No 1
1
Probability of exeedance
Probability of exeedance
40
60
Pressure (kPa)
Measured datas
Weilbull fit
1
0.1
0.01
1 .10
20
6 hours tests
(full scale)
55 kpa
0.5
3
0
20
40
60
Pressure (kPa)
Measured datas
Weilbull fit
80
100
0
20
40
60
Pressure (kPa)
80
Measured datas
Weilbull fit
Figure 23 : Distribution des maxima des pressions verticales mesurés sur le panneau d’écoutille No.1.
Comparaison des résultats obtenus pour une durée de 2 heures et 6 heures.
100
Les principales remarques liées à la recherche
de valeurs extrêmes par des essais en bassin
sont :
• la durée d’un essai ne garantie en rien
l’obtention de valeurs plus grandes que
pour un essai plus court.
• un maxima obtenu lors d’un test ne
représente rien en soit, seule la distribution
de probabilité des valeurs maximales est
d’intérêt.
• la durée d’un essai doit être longue pour
obtenir suffisament de valeurs extrêmes et
pouvoir modélisé la loi de distribution de
ces valeurs.
Le deuxième pas a été de relié des paramètres
’’mesurables’’ et ‘’physiques’’ à la magnitude
et à la fréquence des impacts. Les paramètres
choisis ont été la hauteur relative à l’étrave et le
franc-bord.
La figure 24 ci-dessous montre les relations
empiriques qui ont été établies:
Afin de donner une conclusion sur le risque de
rupture du panneau d’écoutille No.1 lors de
l’évolution du typhon Orchid, deux paramètres
devaientt être obtenus :
• le nombre d’évènements (impacts) sur le
panneau d’écoutille No.1.
• La probabilité d’excéder la pression
admissible de 42 kPa pour chaque impact.
Ces relations ont montré une grande cohérence
pour l’ensemble des conditions testées. Des
relations empiriques ont alors été établies afin
de pouvoir simuler pour tout état de mer, le
risque (probabilité) de dépassement de la
contrainte admissible.
L’analyse a été réalisée de la manière suivante
pour chaque spectre de vague mis à jour chaque
heure :
- pression moyenne lors d’un essai et moyenne
du dixième des plus hauts dépassements de
franc-bord (hauteur relative moins le francbord).
- fréquence des impacts supérieurs à 5 kPa et
fréquence de dépassement du franc-bord.
Le premier pas dans cette analyse a été de
modéliser la loi de distribution des maximas de
pressions. Lors de la première approche réalisée
par MARIN, une distribution de Weibull à deux
paramètres a été suggérée (voir figure 23) . Le
professeur Tawn, du département de
mathématique de l’université de Lancaster, a
proposé par la suite une distribution de Pareto
modifiée étant plus exacte pour les valeurs
extrêmes.
•
•
•
35
y = 1.934x
25
20
15
10
5
Freq imp > 5kpa (measured)
1.00
30
mean impact pressure (kPa)
estimation de la déviation standard de la
hauteur relative à l’étrave;
evaluation du nombre de dépassement de
franc-bord et estimation (grâce aux
relations empiriques) du nombre de
pressions dépassant 5 kPa;
evaluation de la moyenne du dixième des
plus haut dépassements de franc-bord et
estimation (grâce aux relations empiriques)
de la pression moyenne sur le panneau;
0.90
0.80
0.70
0.60
0.50
0.40
0.30
0.20
0.10
0.00
0.00
0
0
5
10
15
1/10th highest FB exedance (m )
20
0.20
0.40
0.60
0.80
Freq FB exc (theoritical)
Figure 24 : Relations entre les caractéristiques de la hauteur relative à l’étrave et la
magnitude et fréquence des impacts.
1.00
1
4 knots
0.1
04i
max. sust.speed
Cumulative
_104
i
04i
0.01
_104i
s _104
per Hour
zero spee d .
i
t s_104i
1 10
3
1 10 4
8
8.2 5
Sept.8 00:00
8.5
8. 75
9
9.25
Se pt.9 00:00
9 .5
ddhr
i
9.75
10
10. 25
Sept.10 00:00
10.5
1 0.75
11
Sept.11 00:00
Figure 25 : Evolution typique de la probabilité cumulée de dépassement des
contraintes admissibles sur le panneau d’écoutille No.1.
•
calcul du facteur de forme de la distribution
à partir de la pression moyenne et calcul de
la probabilité de rencontrer au moins une
pression supérieure à 42 kPa;
L’intérêt d’avoir utilisé le franc-bord comme
paramètre réside dans le fait qu’un cas
d’envahissement progressif pouvait être
modélisé. A chaque pas de temps de l’analyse,
le franc-bord pouvait être revu à la baisse et
ainsi influencer la quantité d’eau embarquée et
donc la magnitude des pressions sur le panneau
No.1. L’évolution de la perte de franc-bord
dans le temps a été évaluée grâce à des essais
où l’eau n’était plus pompée hors du navire.
La figure 25 ci-dessus montre une évolution
typique du risque calculé heure par heure dans
le cas d’un envahissement progressif des
compartiments avants.
Les résultats essentiels de cette analyse de
risque ont été les suivants:
•
Avec un navire resté intact, la probabilité
de dépasser la pression admissible lors du
typhon Orchid a été très faible.
•
Si un ou plusieurs conduits d’aération ont
été endommagés, la progressive perte de
franc-bord au cours du typhon a conduit
inéluctablement à la rencontre de pressions
supérieures à la limite admissible.
Seule l’intégrité parfaite du navire permettait un
risque minimal voir négligeable. A partir du
moment où une ouverture permettait
l’envahissement des compartiments avants, la
perte du Derbyshire semblait inéluctable.
D’autant plus qu’un endommagement d’équipements tels que les conduits d’aérations ne
pouvait pas être détecté par l’équipage, tout
comme l’envahissement des compartiments
avants et la faible perte de franc-bord initial.
Cette ensemble de conclusions obtenues par le
biais de cette campagne en bassin a convaincu
la haute cour de justice d’une défaillance de la
conception de ces navires, tant au niveau de la
hauteur de franc-bord admissible pour ces
navires qu’au niveau operationnel lors de
conditions de mer difficiles (impossibilité de
suivie de l’état du pont avant, pas d’alarmes
d’envahissements d’eau, etc ...).
Les responsabilités n’ont pas été clairement
établies, mais une révision urgente des normes
des sécurités établies par les sociétés de
classification a été demandée.
5. POST-DERBYSHIRE
En 2000 et 2001 ont eu lieu des essais sur trois
navires vraquiers de conception récente, sous la
direction du Maritime Coastguard Agency et du
Lloyd’s Register of Shipping (voir Gaillarde
[4]). Les fonds ont été apportés par le ministère
britannique des Transports.
Deux navires vraquiers de type Capesize et un
navire de type Panamax ont été testés afin
d’obtenir des valeurs statistiques sur les
pressions mesurées sur les panneaux d’écoutille
No.1 et 2 à l’avant ainsi que sur le panneau
d’écoutille central.
L’instrumentation développée lors de l’investigation du Derbyshire est arrivée à maturité et
l’ensemble des efforts verticaux (pression
globale et distribution des pressions),
transversaux et longitudinaux ont été mesurés
dans des conditions précises. Les lois de
distribution de pressions sont actuellement
analysées par l’Université de Lancaster afin de
modéliser les risque de rupture des panneaux
d’écoutille lors de la vie d’un navire vraquier.
Les efforts sur les équipements du pont avant
ont aussi été mesurés afin de revoir leur
contraintes maximum admissibles.
Le Lloyd’s Register of Shipping, représentant
l’IACS, devrait présenter avant la fin de l’année
l’ensemble des dispositions et révisions
découlants des résultats obtenus sur cette
récente étude en bassin.
De nouvelles dispositions au niveau de l’OMI
devraient aussi voir le jour l’an prochain.
Remerciements
Je tiens à remercier Geoff Sole et Xing Zheng
du Lloyd’s Register ainsi que Simon Milne du
MCA pour leur implication dans l’ensemble des
essais effectués depuis deux ans sur les navires
vraquiers.
Les prouesses techniques au niveau des essais,
de l’instrumentation ainsi que de l’analyse des
données n’auraient jamais pu être réalisées sans
la patience, l’expérience et l’enthousiasme des
membres du département de tenue à la mer.
Je tiens aussi à témoigner ma gratitude auprès
de Reint Dallinga, manager du département de
tenue à la mer de MARIN, qui a initié ce projet
et nous a guidé aux moments clés de cette étude
complexe.
Le dernier mot ira aux marins qui naviguent
aujourd’hui sur des navires vraquiers, en
espérant que les recherches que nous effectuons
en bassin soient bénéfiques pour leur sécurité
en mer.
[1]
G. Sole (Lloyd's Register of Shipping): "Derbyshire - The Longest Maritime Investigation?",
Glasgow marine fair and international workshop on safety of bulkcarriers, Glasgow, May 2001.
[2]
D. Vassalos, L. Guarin, A. Jasionowski (Strathclyde University): "Original Tests on M.V.
Derbyshire and the Seakeeping Investigation on the Safety of Bulk Carriers", Glasgow marine fair and
international workshop on safety of bulkcarriers, Glasgow, May 2001.
[3] R. Dallinga, G. Gaillarde (MARIN): "Hatch Cover Loads Experienced by M.V. Derbyshire during
Typhoon Orchid", Glasgow marine fair and international workshop on safety of bulkcarriers, Glasgow,
May 2001.
[4] G.Gaillarde (MARIN), X. Zheng (Lloyd’s Register of Shipping): ‘’MARIN Model Tests – Green Seas
Hatch loading on Bulk Carriers’’, Design and operation of bulk carriers – Post M.V. Derbyshire, Royal
Institution of Naval Architects International Conference, London, October 2001.