structure et grh des ong de developpement

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structure et grh des ong de developpement
DEA INTERUNIVERSITAIRE EN DEVELOPPEMENT, ENVIRONNEMENT ET SOCIETES
ORIENTATION ECONOMIE SOCIALE ET SOCIETE CIVILE
STRUCTURE ET GRH DES ONG DE DEVELOPPEMENT : QUAND
MISSION ET VIABILITE ORGANISATIONNELLE COEXISTENT
Théorie et pratique
Mémoire présenté par Julie RIJPENS,
pour l’obtention du diplôme d’études
approfondies en développement,
environnement et sociétés.
Directrice de mémoire : Sybille MERTENS
Lecteurs : Frédéric MOENS et Marthe NYSSENS
Année académique 2006-2007
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS ____________________________________________________________________ 4
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE THEORIQUE : DE LA REVUE DE LITTERATURE AU MODELE D'ANALYSE
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CHAPITRE 1 – LA REVUE DE LITTÉRATURE ________________________________________________ 11
Section 1.
Qu’est-ce qu’une ONG ?_____________________________________________________ 11
Section 2.
La professionnalisation des ONG de développement_______________________________ 13
Section 3.
Quelle gestion pour les ONG de développement ?_________________________________ 18
Section 4.
La structure d’organisation et la GRH des ONG de développement____________________ 22
4.1.
La structure d’organisation des ONG de développement ______________________________________ 22
4.2.
La gestion des ressources humaines des ONG de développement ______________________________ 26
4.3.
La structure et la gestion des ressources humaines des ONG de développement ___________________ 32
CHAPITRE 2 – LE MODÈLE D’ANALYSE____________________________________________________ 35
PARTIE PRATIQUE : ETUDE DE CAS - LES ONG SOS FAIM ET ILES DE PAIX
38
CHAPITRE 3 - LA MÉTHODOLOGIE_______________________________________________________ 39
CHAPITRE 4 - LES OBSERVATIONS ET LES RÉSULTATS ________________________________________ 43
Section 1.
Le cas SOS Faim __________________________________________________________ 43
1.1.
Les observations _____________________________________________________________________ 43
1.2.
Les résultats objectifs__________________________________________________________________ 51
Section 2.
Le cas Iles de Paix _________________________________________________________ 59
2.1.
Les observations _____________________________________________________________________ 59
2.2.
Les résultats objectifs__________________________________________________________________ 68
CONCLUSIONS : DISCUSSION DES RESULTATS ET APPRENTISSAGES
76
CHAPITRE 5 : LA DISCUSSION DES RÉSULTATS _____________________________________________ 77
CHAPITRE 6 : LA CONCLUSION GÉNÉRALE _________________________________________________ 80
LE GLOSSAIRE ____________________________________________________________________ 86
LA BIBLIOGRAPHIE _________________________________________________________________ 85
LES ANNEXES
90
ANNEXE A – LES DÉFIS DES ONG DE DÉVELOPPEMENT _______________________________________ 91
ANNEXE B – LA SYNTHÈSE DES CONFIGURATIONS DE J. NIZET ET F. PICHAULT ______________________ 92
ANNEXE C – LA SYNTHÈSE DES MODÈLES DE GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT _____________________ 94
ANNEXE D – LA GRILLE DE LECTURE CONTINGENTE POUR LA GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT __________ 96
ANNEXE E – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « SOS FAIM » _________________ 97
ANNEXE F – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « ILES DE PAIX »________________ 99
ANNEXE G – LE GUIDE D’ENTRETIEN « BELGIQUE »_________________________________________ 101
ANNEXE H – EL CUESTIONARIO “SOS FAIM - AMÉRICA DEL SUR” _______________________________ 104
ANNEXE I – EL CUESTIONARIO “ISLAS DE PAZ - AMÉRICA DEL SUR”______________________________ 108
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AVANT-PROPOS
Ce travail est l’aboutissement d’une année d’étude riche en apprentissages, en expériences et en
rencontres. Je me suis octroyée cette formation complémentaire d’une part pour prendre le temps de
me pencher sur un domaine qui m’intéresse depuis longtemps, celui du développement, d’autre part
afin d’acquérir les mécanismes et la rigueur d’une approche orientée recherche pour traiter ce sujet.
Cinq années d’études préliminaires en ingénieur de gestion, une formation déjà multidisciplinaire, ont
attisé mon intérêt pour ces problématiques et m’ont permis, un tant soit peu, d’aborder des sujets liés
aux conditions des pays du Sud ou aux dynamiques de développement. Dans la continuité de celles-ci,
cette formation interuniversitaire en développement, environnement et sociétés –orientation économie
sociale et société civile– m’a permis de réfléchir spécifiquement à cette question, de dépasser le cadre
strict de la gestion et d’insuffler davantage de contenu, de rigueur et d’esprit critique à ma réflexion. Ce
travail se veut faire le lien entre deux formations qui, à mon sens, se complètent bien, et aborde par
conséquent une problématique à cheval sur le domaine du développement et celui de la gestion.
Cependant, je ne serais arrivée au terme de cette formation et de ce mémoire sans le soutien
indéfectible de nombreuses personnes que je tiens à remercier pour leur précieuse contribution.
Mes plus sincères remerciements s’adressent d’abord à Sybille Mertens, directrice de ce
mémoire, et Catherine Davister, chargée de recherches au Centre d’économie sociale. Toutes deux se
sont montrées disponibles pour répondre à mes questions et partager leurs connaissances, leurs
compétences et leurs expériences. Nos discussions et leurs conseils avisés m’ont guidée au long de
cette étude. Pour cela et pour la confiance qu’elles m’ont témoignée, je leur suis reconnaissante. Je
remercie également Frédéric Moens et Marthe Nyssens, lecteurs, pour leurs conseils plus ponctuels
quant à certaines problématiques spécifiques.
Je remercie également chaleureusement tous les membres des équipes de SOS Faim et d’Iles
de Paix, tant en Belgique qu’en Amérique Latine, pour leur accueil sympathique, leur disponibilité, leur
patience et l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail. Ils se sont prêtés au jeu d’entretiens ou ont accepté
quelque discussion informelle afin de me fournir les informations nécessaires à cette étude. Leurs
commentaires ont soulevé dans mon chef de nouvelles questions et m’ont orientée vers d’autres
réflexions. Je remercie particulièrement les équipes des représentations locales, à Lima (Pérou) et
Riobamba (Equateur) qui, avec enthousiasme, m’ont fait découvrir et apprécier, une région qui m’était
alors inconnue. Lors de ce séjour en Amérique Latine, chaque personne m’a accueillie
chaleureusement, contribuant à sa manière à la réussite de ce travail. Ma reconnaissance, et surtout
mon admiration pour leur optimisme et leur détermination, va enfin à chaque individu rencontré lors des
visites de terrain, à chaque communauté, à chaque partenaire, avec qui le dialogue a pu s’ouvrir de
manière sincère. Pour cela, et pour tout ce que ces différentes personnes m’ont appris lors de nos
échanges, je les remercie énormément.
Enfin, je tiens particulièrement à remercier mes proches pour leur présence. Ma famille trouvera
dans ce travail mon entière gratitude pour son soutien, ses encouragements et sa présence
réconfortante. Que mes amis reçoivent quant à eux toute ma reconnaissance pour leur appui incessant,
leur amitié précieuse et ces heures de détente partagées. Un tout grand merci à tous.
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INTRODUCTION GENERALE
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Acteurs aujourd’hui incontournables, notamment dans le secteur de la coopération au
développement, les organisations non gouvernementales (ONG) ne sont pas moins le centre de débats
animés. Concept difficile à appréhender, à situer, le terme ONG recouvre des réalités très différentes :
diversité par leur origine, diversité des actions entreprises, des philosophies, des stratégies ou lieux
d’intervention, diversité structurelle et des modes de fonctionnement, diversité des impacts, etc. Alors
qu’aujourd’hui encore, aucune définition ne fait consensus, il est cependant possible de mettre en avant
une série de caractéristiques ou de valeurs communes à cet ensemble hétéroclite d’organisations,
notamment la notion d’association, les valeurs d’engagement libre et consenti, de respect, de justice
sociale, de démocratie, d’équité ou de solidarité.
Acteurs incontournables certes, mais souvent contestés. En effet, alors qu’il se passe rarement
un jour sans que l’actualité ne fasse mention des ONG, celles-ci sont la cible de critiques quant à leur
légitimité, leur représentativité, leur efficacité, leur indépendance financière et politique, le rôle qu’elles
ont à tenir au sein de la société contemporaine, etc. Ce rôle précisément évolue et les confronte dès
lors à de nouveaux défis : nécessité de davantage de professionnalisme, besoin de plus de
transparence et d’autonomie financière, positionnement des ONG dans la société civile, nouvelles
formes d’intervention dans les pays du sud, et bien d’autres. Face à ces nouveaux défis et pour
répondre aux reproches répétés, les ONG elles-mêmes ou leurs parties prenantes ont amorcé, il y a
une quinzaine d’années, un processus de remise en question de leur gestion, des pratiques qui y sont
exercées et des valeurs qui les animent. Comme le souligne T. Wallace, « les ONG ont le devoir de
prendre du recul et d’être critiques à l’égard d’elles-mêmes tant pour examiner jusqu’à quel point leurs
propres pratiques encouragent les valeurs qu’elles épousent, que pour évaluer si leur logique de
fonctionnement leur permet ou non de s’engager positivement dans la vie des personnes
défavorisées. » (2000, p. 19)
Particulièrement, pour répondre aux critiques formulées à l’encontre de leurs pratiques de gestion
et de gouvernance (Quéinnec et Igalens, 2004), les ONG sont entrées, à l’image du secteur de
l’économie sociale, dans une phase de professionnalisation, principalement dans les domaines du
marketing, de la gestion financière, de la gestion des ressources humaines et de la gouvernance. Si
l’objectif de la professionnalisation est honorable, dans la mesure où il s’agit d’ « améliorer la gestion
pour mieux remplir la mission » (Mertens, 2006), cette démarche peut être vécue comme problématique
au sein des ONG de développement du fait des questions qui surgissent lorsque l’on considère la mise
en œuvre, les coûts engendrés et les risques sous-jacents à celle-ci.
Abordant le thème de la gestion des ONG de développement, plusieurs interrogations surgissent.
Il est vrai que, depuis leur apparition et jusqu’il y a peu, ces organisations se sont peu intéressées aux
questions de gestion, voire se sont refusées à introduire toute pratique de gestion au sein de leur
structure. Les raisons de ce désintéressement ou de ces réticences sont multiples et diverses. D. Lewis
(2003) en énonce trois principales. D’une part, les ONG de développement se considèrent comme des
acteurs alternatifs, elles refusent donc l’idée de management qui est l’apanage des organisations de
type classique ; d’autre part, les ONG mettent en avant une culture d’action et ne peuvent pas ou ne
veulent pas prendre le temps de s’attarder sur des questions annexes à leur action ; enfin, à l’origine,
les ONG sont généralement des petites structures informelles, mises sur pied par une personne ou un
groupe restreint de personnes et qui ne nécessitent peut-être pas une véritable politique de gestion.
Dès lors, et jusqu’au début des années ’90, les ONG de développement ont parfois reflété une
image de relatif amateurisme, de chaos organisationnel, de structure informelle caractérisée par des
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conditions de vie précaires et une rotation du personnel fréquente (COTA, 2005). Pour casser cette
image notamment et pour diverses raisons plus pragmatiques, les ONG ont pris et prennent davantage
en considération des questions de management. Ces raisons sont les suivantes : d’une part, la
complexification des activités de développement et les pressions liées à la croissance organisationnelle
les poussent à prendre la voie de la professionnalisation ; d’autre part, les ONG se doivent de rendre
des comptes et de répondre de manière flexible aux nouvelles exigences administratives,
méthodologiques ou financières des parties prenantes, dont les bailleurs de fonds ; par ailleurs, une
concurrence de plus en plus vive se met en place entre les ONG, notamment dans la course aux
financements, ce qui les oblige à se démarquer des autres ; enfin, bon nombre d’ONG sont arrivées à
un point de maturité de leur cycle de vie et entrent dès lors dans un processus de réflexion et de remise
en question de leur organisation. (Lewis, 2003 ; COTA, 2005)
Si les arguments avancés ci-dessus témoignent de la nécessité pour les ONG de développement
de se tourner vers la professionnalisation et de considérer des questions de management, ce afin de se
donner les moyens d’être performantes, professionnelles, décideuses et gestionnaires de leur destin, il
n’en reste pas moins que la mise en œuvre pose la question de la spécificité ou non de la gestion des
ONG de développement, question encore en chantier à ce jour.
C’est dans ce contexte que s’inscrit ce travail, un contexte marqué par une médiatisation du
phénomène « ONG », un flou autour de la définition de ce terme et un intérêt de plus en plus vif
accordé à la gestion des ONG de développement tout en prêtant attention aux spécificités de celles-ci.
La problématique générale de ce mémoire-recherche se rapporte à la gestion des ONG de
développement, et c’est une des spécificités de ce type d’organisation qui sert de point de départ à la
question de recherche : la coexistence de deux logiques, l’une guidée par les valeurs,
l’accomplissement de la mission, l’autre par l’efficience, la viabilité de l’organisation. Adoptant l’optique
des économistes, A. Piveteau souligne ce mélange entre une rationalité économique et sociale dans la
mesure où il définit une ONG comme une « organisation économique dont l’objectif original ou
l’ensemble des contraintes qu’elle cherche à résoudre définit son action comme une redistribution
philanthropique de ressources (…) en faveur du développement. » (Piveteau, 1998, p. 279, cité par
Ryfman, 2004, p. 25) C’est cet aspect qui mène à l’énoncé de la question de recherche, celle-ci traitant
en particulier de la manière dont la coexistence de ces deux logiques se traduit au niveau des pratiques
de gestion dans une ONG de développement. Cependant, alors que le système de gestion d’une
organisation présente différentes dimensions (le système organisationnel, la gestion des ressources
humaines, la gestion financière, le système de production, le système commercial, la gestion des
systèmes d’information), ce travail ne s’intéresse qu’à la structure d’organisation et aux pratiques de
gestion des ressources humaines des ONG de développement, afin de prendre en considération un
facteur majeur des ONG : le capital humain. En effet, non seulement les ressources humaines
contribuent au bon fonctionnement des ONG, mais elles participent aussi fortement à la plus-value de
ces organisations. Or, le rôle des ONG évolue, les profils d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui,
pourtant ces organisations restent de manière générale peu proactives en termes de gestion des
ressources humaines, si ce n’est pour se mettre en conformité avec la législation, ce qui paraît quelque
peu paradoxal dans une organisation où le premier « facteur de production » est le capital humain.
La question de recherche s’intéresse dès lors à la manière dont la tension entre
l’accomplissement de la mission et la viabilité organisationnelle se traduit au niveau de la structure
d’organisation et des pratiques de gestion des ressources humaines. Aborder cette question revient à
répondre à un « comment ? », et prévoit de s’attarder sur des mécanismes ou de mettre en évidence
des éléments qui, en regard de la structure particulière d’objectifs, peuvent influencer les pratiques de
gestion des ressources humaines dans une ONG de développement. L’idéal au terme de cette
recherche serait de dégager une nouvelle configuration organisationnelle qui se rapproche davantage
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de la réalité des ONG de développement et qui intègre un modèle de GRH approprié à cette nouvelle
forme d’organisation. Cet objectif reste cependant ambitieux, par le seul fait de la diversité des ONG de
développement. Comme le souligne T. Wallace très justement, « [les ONG de développement] sont
tellement diverses que quoiqu’on dise sur un type d’ONG, cela peut être contredit en en regardant une
autre à un autre endroit. » (Wallace, 2000, p. 20)
La problématique et les objectifs dévoilés, revenons quelques instants sur les aspects
intéressants et originaux que cette recherche présente. Les ONG sont un objet d’étude interpellant par
leur présence forte dans l’actualité, par les nombreux questionnements qui les entourent ou l’intérêt que
le grand public leur porte, parfois aveuglément. Acteurs de la société civile, les ONG sont
principalement l’objet de recherches qui s’intéressent aux aspects politiques ou sociaux de ces
organisations, à leur impact, leur légitimité ou leur indépendance mais peu de chercheurs se sont
penchés sur les caractéristiques intrinsèques de ce type d’organisation, leur mode de fonctionnement,
leur structure ou les pratiques de gestion qui y sont adoptées.
Cette recherche répond donc d’abord à une motivation scientifique, celle de s’intéresser de
manière systématique et plus approfondie à la gestion des ONG de développement. Mais cela
présente-t-il réellement un intérêt dans la mesure où une ONG de développement est finalement une
organisation, au même titre qu’une entreprise par exemple ? Le débat est encore ouvert quant à
l’influence ou non des spécificités des ONG de développement sur la gestion, débat qui peut être posé
en ces termes : « Y a-t-il plus de différences entre associations et entreprises, issues de leurs finalités
respectivement « désintéressées » et « lucratives » que de ressemblances découlant de leur nature
commune d’organisation ? » (Quéinnec et Igalens, 2004, p. 8) Il reste qu’une ONG de développement
n’est pas seulement une association sans but de lucre, c’est aussi par nature une organisation
complexe, multidimensionnelle et hétérogène, œuvrant dans un contexte généralement pluriculturel,
tiraillée entre des logiques qui peuvent paraître contradictoires, entre des parties prenantes aux intérêts
divergents, une organisation qui doit être appréhendée sous tous ses angles, au risque d’en altérer la
nature. C’est donc d’une série de spécificités qu’il faut tenir compte lorsque l’on s’intéresse aux ONG de
développement, et c’est ce qui fait l’attrait de ce travail.
L’intérêt de cette recherche réside également dans le fait de se pencher sur le cas d’ONG belges
en particulier. Peu d’auteurs, qu’ils soient belges ou non, se sont attardés sur la gestion des ONG de
chez nous. Or, comme toute organisation, une ONG évolue dans un environnement national, s’ancre
dans un certain contexte historique qui forge son identité. Ainsi, une ONG belge se différencie sur
certains points des ONG d’autres pays généralement plus étudiées, telles que les ONG françaises ou
anglo-saxonnes. Par exemple, un entretien avec un collaborateur d’une ONG belge, qui avait eu
l’occasion de côtoyer de près des ONG françaises, a souligné le caractère plus formel de celles-ci dans
le fonctionnement de l’organisation. Un autre met en évidence la différence entre les ONG « latines » et
anglo-saxonnes ou nordiques : les ONG « latines » montrent encore une forte prégnance de
l’engagement et proposent des salaires bas, tandis que les ONG anglo-saxonnes offrent des salaires
très élevés à des individus peut-être moins engagés.
Par ailleurs, il est intéressant de se pencher sur le modèle de gestion des ONG en tant qu’acteurs
du développement, en y portant d’abord un regard managérial avant de faire appel à d’autres
disciplines plus communément utilisées pour étudier les ONG. Sans que ce mémoire-recherche ne
prétende à une vocation normative, il s’agit là d’une demande émanant de la base, des dirigeants
d’ONG, dans un contexte marqué par une concurrence accrue, que d’être éclairés sur les tenants et
aboutissants de la mise en place de telle ou telle pratique de gestion dans leur organisation. Enfin, bien
que le regard principal que j’ai choisi de porter sur cette question de recherche soit celui de la gestion,
le sujet traité et l’objet d’étude ne peuvent cantonner ce travail à cette seule discipline mais forcent à
l’interdisciplinarité, impliquant d’autres domaines tels que celui de la sociologie, l’économie, l’histoire,
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etc. C’est pourquoi cette question de recherche présente un caractère attrayant, interpellant et
stimulant.
Qu’en est-il dès lors de la démarche mise en œuvre pour étudier la problématique et atteindre les
objectifs de ce travail ? Ce mémoire s’articule en deux parties avec des finalités distinctes, l’une
théorique, l’autre pratique.
La partie théorique d’abord répond à un double objectif : d’une part dresser une revue de la
littérature actuelle afin de donner au lecteur des repères utiles pour aborder la question de recherche,
d’autre part présenter le modèle d’analyse qui articule les hypothèses de travail formulées à partir de la
revue de littérature. Le premier chapitre présente la revue de littérature qui mobilise divers champs pour
apporter un regard interdisciplinaire à la question de recherche : gestion, sociologie, économie,
sciences politiques ou développement. Particulièrement, à cause du peu de littérature explicite sur la
gestion des ONG de développement, il a fallu mobiliser un cadre théorique plus généraliste, celui
développé par J. Nizet et F. Pichault, afin de structurer la réflexion autour des aspects spécifiques à la
structure d’organisation et à la gestion des ressources humaines. Le deuxième chapitre propose
ensuite de débroussailler les nombreux questionnements soulevés dans la revue de littérature en vue
de formuler quelques hypothèses de travail autour de la question étudiée et de les articuler dans un
modèle d’analyse.
Dans un deuxième temps, la partie pratique répond quant à elle à un objectif simple, celui de
mettre à l’épreuve des faits le modèle d’analyse élaboré afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses
formulées et de montrer dans quelle mesure le cadre théorique mobilisé peut apporter des éléments de
compréhension, d’intelligibilité par rapport à la question de recherche. Le premier chapitre de cette
partie fait état de la méthodologie mise en œuvre afin de préciser sur quelle organisation le modèle est
testé et comment les données sont récoltées. Le second chapitre s’intéresse quant à lui aux deux
études de cas, SOS Faim et Iles de Paix, et confronte la théorie à ces réalités de terrain. Il traite chaque
organisation isolément en s’attardant d’une part sur les observations, d’autre part sur les résultats.
Enfin, la dernière partie conclusive propose dans un premier temps une discussion des résultats
afin de les mettre en perspective, de les interpréter et de les confronter au contexte de cette recherche,
dans un deuxième temps une conclusion générale qui reprend les apprentissages et limites de ce
travail ainsi que les pistes de recherche à creuser.
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PARTIE THÉORIQUE
De la revue de littérature au modèle d’analyse
L’élaboration de la partie théorique
répond à un double objectif. Premièrement,
cette partie dresse un état des lieux de la
littérature
actuelle
problématique
autour
étudiée
-la
de
la
structure
d’organisation et la GRH dans les ONG de
développement- avec comme optique de
donner au lecteur des repères pour se
pencher sur la question de recherche.
Deuxièmement,
la
littérature
mobilisée
soulevant de nombreuses interrogations
liées à la question de recherche, un certain
nombre
d’hypothèses
de
travail
sont
formulées et articulées dans un modèle
d’analyse afin de structurer la réflexion.
Chapitre 1 – La revue de littérature
Chapitre 2 – Le modèle d’analyse
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CHAPITRE 1
LA REVUE DE LITTÉRATURE
Le développement et la gestion sont des matières interdisciplinaires qui nécessitent de mobiliser
divers champs de la littérature afin de les traiter de manière complète. Par ailleurs, la structure
d’organisation et la gestion des ressources humaines, spécifiquement, se trouvent également à la
croisée entre plusieurs disciplines. Dans cette optique, cette revue de la littérature fait tant appel à des
sources issues du champ de la gestion pure qu’à des références en sociologie, en économie, en
sciences politiques ou en développement.
Ce chapitre présente d’abord quelques éléments pour mieux appréhender le concept
d’organisation non gouvernementale, ensuite il propose une réflexion sur la professionnalisation des
ONG de développement, pour finalement s’attarder sur la question qui nous préoccupe et aborder en
détail la gestion des ONG de développement, leur structure et leur gestion des ressources humaines.
Section 1.
Qu’est-ce qu’une ONG ?
Avant d’aborder spécifiquement la thématique de recherche et les concepts mobilisés pour
l’étudier, cette première section tente de définir les organisations non gouvernementales, objets de
cette recherche. Comme évoqué dans l’introduction, ce vocable recouvre des réalités bien différentes,
englobe des organisations hétérogènes par leur origine, leur taille, leur structure, leur philosophie, leur
logique d’intervention, leur secteur d’activités, le type de compétences mobilisées, etc. Par ailleurs, P.
Ryfman rappelle qu’étant donné qu’il « s’agit d’un terme libre d’appropriation et qui ne constitue pas, à
de rares exceptions, dans les droits nationaux une catégorie juridique spécifiquement délimitée, et
encore moins en droit international (contrairement aux OI [Organisations Internationales]), de plus en
plus d’entités, petites ou grandes, tendent à s’auto-baptiser ou se rebaptiser ’ONG’ » (2004, p. 5).
Examiner le monde des ONG implique donc de s’intéresser à un ensemble d’organisations hétéroclite
et difficile à circonscrire.
Le terme « organisation non gouvernementale » date de l’après-Seconde Guerre mondiale : il
apparaît pour la première fois en 1945 dans la Charte des Nations Unies, ce qui marque la
reconnaissance par l’ONU et la communauté internationale de l’existence d’autres acteurs et de la
place qu’il convient de leur assigner. Depuis l’apparition du vocable « ONG », nombreuses ont été les
tentatives de définition, distinctes selon la perspective adoptée (celle des juristes, des sociologues, des
politologues ou des économistes) ou selon les caractéristiques appuyées. Mais à ce jour, aucune
définition ne fait consensus et n’arrive à rendre compte de l’hétérogénéité du monde des ONG.
Cependant, une autre manière de distinguer les ONG dans le champ organisationnel est de
mettre en évidence une série de caractéristiques minimales communes, un faisceau de critères
similaires que présentent généralement ces organisations (Ryfman, 2004). De la lecture de divers
auteurs (Ryfman, 2004 ; Quéinnec et Igalens, 2004 ; COTA, 2005), j’ai synthétisé cinq traits principaux.
Il s’agit d’une part de la notion d’association, de regroupement de personnes dans une structure
permanente autour d’un objectif commun sans but de lucre, celui de la réalisation d’un projet au
bénéfice d’autrui notamment. D’autre part, les ONG doivent présenter une forme juridique particulière,
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qui fasse état du fait qu’elles ne poursuivent pas un objectif de profit. Par ailleurs, les ONG doivent faire
preuve d’indépendance à l’égard des pouvoirs publics et privés, au niveau national et international,
c’est-à-dire qu’elles doivent bénéficier d’une totale autonomie de gestion et de décision. De plus, ces
organisations, enracinées dans la société civile, promeuvent certaines valeurs à travers leurs actions,
telles que l’engagement libre et consenti, le respect des droits humains, la justice sociale, la
démocratie, le développement durable, la solidarité, l’altruisme, le partenariat Nord-Sud, etc. Enfin, les
actions menées par les ONG revêtent généralement un caractère transnational.
Enfin, face à la difficulté de parvenir à une définition, une dernière approche permet
d’appréhender le champ des ONG, celle de la classification en fonction de divers critères pour souligner
ce qui fait leur diversité (COTA, 2005, p. 109) :
- leur origine et leur implantation à un niveau local, national ou international ;
- leur champ d’action géographique ;
- leurs sources de financement, selon que les ONG font appel ou non aux financements des
pouvoirs publics, selon qu’elles se financent en combinant ou non financements publics et privés, selon
qu’elles ont accès ou non aux différents types de financements, etc. ;
- leurs activités : les ONG œuvrent principalement dans les domaines tels que l’aide au
développement, l’urgence ou l’humanitaire, l’environnement, les droits de l’homme, la construction de la
paix, le commerce équitable, la protection des biens culturels, etc. (Ryfman, 2004) ;
- ou leur logique d’intervention : certaines ONG jouent un rôle de groupe de pression ou de
défense de causes définies, elles réalisent alors un travail de sensibilisation du public ou interviennent
directement auprès des pouvoirs publics. D’autres ONG, celles qualifiées d’humanitaires, sont en
première ligne lors des catastrophes ou des conflits. Un certain nombre d’ONG ont un rôle
d’intervention sociale ou de développement avec un objectif de long terme. D’autres encore sont des
ONG de soutien, notamment technique, à d’autres structures. Enfin, il existe des ONG faîtières, qui sont
des regroupements d’ONG.
Ces quelques paragraphes mettent en évidence la difficulté à appréhender le concept d’ONG, qui
recouvre des réalités très différentes selon l’approche adoptée. Ils soulignent dès lors la diversité des
contextes organisationnels dans lesquels s’inscrit la question de recherche, diversité en termes de
taille, de structure, de compétences mobilisées, de culture organisationnelle, d’environnement, etc.
Pour terminer cette section, étant donné que l’accent est mis particulièrement sur les ONG de
développement dans le cadre de ce mémoire, il me paraît intéressant de considérer brièvement les
défis auxquels ces organisation sont aujourd’hui confrontées, défis qui se posent tant à l’intérieur du
secteur que dans ses relations avec son environnement. D. Brown et A. Kalegaonkar (2002) évoquent
brièvement ces différents défis et soulignent qu’ils ont des implications pour la majorité des ONG de
développement mais à des degrés variables selon l’organisation considérée.
Un premier challenge externe concerne leur manque de légitimité publique et le fait que les ONG
doivent répondre de leurs actions envers plusieurs stakeholders1. Le second surgit dans les relations
des ONG avec les gouvernements et interroge leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Le
troisième touche aux relations des ONG avec le secteur marchand, aux alliances conclues avec des
Selon une définition d’un ouvrage de stratégie, « les stakeholders sont les individus ou groupes d’individus qui dépendent
de l’organisation pour remplir leurs propres objectifs et dont l’organisation, à son tour, dépend. » (Johnson et Scholes, 2002,
p. 206). Ce concept, généralement traduit par « parties prenantes » fait donc référence, au sens le plus large, à l’ensemble
des individus ou groupes susceptibles d’être affectés ou d’affecter les activités de l’organisation.
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entreprises privées et aux risques que cela peut comporter. Enfin, le dernier défi se manifeste dans les
relations avec des acteurs internationaux (Banque Mondiale par exemple) et dans les alliances avec
ceux-ci qui peuvent également altérer l’indépendance et l’identité des ONG.
Quant aux défis qualifiés d’internes par les auteurs, ceux-ci découlent des caractéristiques du
secteur lui-même et sont les suivants : l’amateurisme, un focus restreint (que ce soit par rapport aux
groupes cibles ou aux problématiques traitées), le manque de ressources, la fragmentation due au
grand nombre d’acteurs et d’initiatives, ainsi que le paternalisme. Les auteurs dressent un tableau
synthétique (cf. Annexe A – Les défis des ONG de développement) de ces challenges en identifiant
également la base du problème ainsi que les implications pour le secteur.
La mise en évidence de ces challenges laisse entrevoir les interrogations qui surgissent
aujourd’hui dans le chef des ONG de développement et qui sous-tendent le processus de remise en
question actuellement en cours.
Section 2.
La professionnalisation des ONG de développement
Comme affirmé dans l’introduction, la professionnalisation des organisations du secteur de
l’économie sociale2, parmi lesquelles les ONG de développement, est aujourd’hui une réalité. Si le
terme « professionnalisation » est en effet le plus couramment utilisé pour dépeindre cette tendance du
secteur, la signification de celui-ci n’est pas toujours claire. Selon C. Davister (2006), cette notion peut
être envisagée sous trois formes : d’une part comme la complexification des métiers et la nécessité de
niveaux de formation plus élevés, d’autre part comme l’amélioration des pratiques de gestion, enfin
comme le recours au salariat plutôt qu’au bénévolat pour certaines fonctions. La professionnalisation
est donc un concept multiforme qui décrit notamment l’engouement de plus en plus vif du secteur pour
des questions de gestion.
Cette tendance à la professionnalisation des ONG de développement se conçoit parfois comme
une démarche problématique de changement, qui met en balance militantisme et professionnalisme.
C’est surtout un processus de questionnements stratégiques qui met en jeu l’identité de l’organisation,
l’image qu’elle renvoie d’elle-même et l’organisation interne. De différentes lectures réalisées, il ressort
que cette démarche de professionnalisation intervient dans quatre lieux principaux : (i) la gestion
financière pour accroître la transparence, (ii) la gestion des ressources humaines afin d’optimiser le
facteur essentiel que sont les personnes, (iii) les mécanismes de gouvernance avec le souci de
conserver les valeurs de participation et de démocratie, et (iv) le marketing avec une nécessité d’arbitrer
entre éthique, efficacité et rentabilité. Face à la complexité des enjeux de cette démarche, d’aucuns
s’interrogent quant à la réelle pertinence de celle-ci dans les ONG de développement. Les
problématiques considérées dans cette section sont le fruit de lectures, ainsi que de réflexions
collectives et personnelles autour de la question de la professionnalisation des ONG. Cette discussion
n’entend pas aborder le sujet de manière exhaustive mais fait état des questionnements qui sont posés
aujourd’hui quant à cette démarche.
Sans que cette discussion ne remette en cause les arguments qui témoignent de la nécessité de
la professionnalisation, trois questions sont mises en débat : (i) le choix des pratiques et les spécificités
2 Selon une définition largement acceptée, « l’économie sociale regroupe les activités économiques exercées par des
sociétés, principalement coopératives, des mutualités et des associations dont l’éthique se traduit par les principes suivants :
(i) finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit ; (ii) autonomie de gestion ; (iii) processus de
décision démocratique ; (iv) et primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. »
(Defourny et Develtere, 1999, p. 38)
13
de la gestion des ONG de développement ; (ii) la problématique des freins inhérents à la mise en
œuvre d’une démarche de professionnalisation ; (iii) la question des risques que celle-ci entraîne.
•
Le choix des pratiques de gestion
Quelle gestion pour les ONG de développement ? Bien que la section suivante traite plus
précisément de ce sujet et des spécificités de ces organisations, voici déjà quelques éléments de
réponses. L’article de D. Lewis (2003) est éclairant à propos de la gestion des ONG de
développement : celles-ci peuvent s’inspirer des pratiques de gestion dans différents domaines déjà
largement étudiés, tels que le management du secteur classique, le management public, le
management du tiers-secteur3 et le management du développement. Cependant, elles doivent
improviser et adapter ces pratiques de gestion en fonction de leurs spécificités afin de construire leur
propre modèle de gestion. En poussant plus loin le raisonnement de D. Lewis et à l’instar de ce qui
existe dans les autres champs de management, la question de la généralisation d’un modèle de gestion
pour les ONG de développement peut se poser. Toutefois, face à l’hétérogénéité des ONG de
développement, en particulier en termes d’origine, de structure, de logique d’intervention, de secteur
d’activités, etc., cette généralisation est-elle faisable ou souhaitable ? Il reste que la recherche, en
partenariat avec les praticiens, a encore beaucoup à faire pour fournir aux dirigeants des ONG et aux
autres membres de leurs équipes, parfois dépourvus de compétences en gestion, un cadre de réflexion
et d’action pour les accompagner dans ce processus de professionnalisation, que ce cadre soit au
moins une base sur laquelle les dirigeants d’ONG puissent s’appuyer pour inventer leurs propres
pratiques.
•
Les freins à la professionnalisation
Par ailleurs, qu’en est-il des freins inhérents à la mise en œuvre d’un processus de
professionnalisation dans les ONG de développement ? Les obstacles sont en effet nombreux et
concernent principalement le manque de moyens, la culture et les caractéristiques structurelles.
De nombreux auteurs s’accordent d’abord sur le fait que les ONG de développement évoluent
généralement dans un contexte de rareté des ressources, tant d’un point de vue des ressources
financières ou humaines que sur le plan des compétences. Quelques questions se posent alors :
quelles ressources mobiliser ? Comment mobiliser des ressources pour mener à bien cette
professionnalisation ? Est-ce pertinent, souhaitable, voire acceptable de consacrer des ressources déjà
rares à la gestion ou à la professionnalisation de ses pratiques de gestion alors que les moyens
disponibles en fonds propres restent souvent limités ? Comment le justifier vis-à-vis des donateurs ou
des bénéficiaires ?
Une deuxième spécificité concerne les aspects culturels liés aux valeurs de l’organisation. Les
ONG de développement présentent un patrimoine culturel spécifique, largement fondé sur des valeurs
d’action, d’engagement, de solidarité. Si les membres d’une ONG sont généralement tous portés par la
Le terme « tiers-secteur » est la dénomination la plus largement acceptée au niveau international pour désigner les
initiatives ou activités qui ne relèvent ni du secteur public, ni du secteur privé. Cette notion fait donc référence à un ensemble
diversifié d’organisations se trouvant entre le marché et l’Etat, et qui ne sont strictement ni des organisations publiques ou
parapubliques, ni des entreprises privées ayant comme finalité première la recherche de profit.
3
14
mission de l’organisation, le processus de professionnalisation va cependant confronter deux registres,
celui du militantisme et celui du professionnalisme, qui se basent sur des valeurs différentes : la
philanthropie, le désintéressement, la citoyenneté et la responsabilité pour le premier ; la qualification,
la standardisation, le service et la neutralité d’action pour le deuxième (Vedelago, Valéau et Quéinnec,
2004). Les tensions susceptibles de se cristalliser peuvent alors ralentir la mise en œuvre de la
démarche de professionnalisation, voire la bloquer. Ce sont donc ici les valeurs de l’organisation qui ne
s’accordent pas avec des impératifs de professionnalisation, alors qu’elles pourraient jouer le rôle de
levier ou de creuset pour obtenir l’adhésion de tous au projet et amorcer le processus.
Enfin, une autre spécificité réside dans les caractéristiques structurelles de l’organisation, telles
que la taille de l’organisation, son origine, les mécanismes de gouvernance en place, la multiplicité des
parties prenantes, la composition hétérogène du personnel, etc. Autant de traits qui vont aller dans le
sens ou à l’encontre d’un processus de professionnalisation selon les organisations considérées.
Il est également intéressant de lancer quelques réflexions quant au processus de
professionnalisation dans les ONG du Sud. Les partenariats Nord-Sud, qui se traduisent par des
relations directes entre bailleurs de fonds internationaux et ONG du Sud ou par des partenariats ONG
Nord-ONG Sud, entraînent le fait que ces dernières sont désormais confrontées aux mêmes exigences
méthodologiques et administratives que leurs consœurs du Nord. Une manière d’y répondre est d’entrer
dans un processus de professionnalisation. Se pose dès lors la question de la transposition des
expériences d’une région à l’autre. En effet, ce mouvement n’est-il pas issu, ou davantage initié, par le
Nord ? Alors que les ONG du Nord attendent de la part de leurs partenaires le même effort de
professionnalisation, ne serait-ce pas à nouveau « imposer » un modèle de gestion Nord que
d’encourager ou d’amener les ONG du Sud à suivre cette vague de professionnalisation ? Comment
tenir compte des aspects spécifiques des ONG du Sud ? Comment donner les moyens aux structures
plus modestes, peut-être plus proches des réalités de terrain, de se doter des outils nécessaires pour
faire face à ces nouvelles exigences et rester dans la course ? Que faire pour que la
professionnalisation ne déconnecte pas davantage les ONG du sud de leurs pouvoirs publics ? Autant
d’interrogations qui nécessitent que l’on s’y attarde davantage…
La question devient dès lors de déterminer jusqu’à quel point laisser intervenir ces obstacles
spécifiques ? Faut-il les prévenir au préalable ? Comment les surmonter ? Jusqu’à quel point les ONG
doivent-elles entrer dans le processus de professionnalisation ? Et que professionnaliser ? A quel
domaine, entre la gestion des ressources humaines, la gestion financière, le marketing et la
gouvernance, donner la priorité et consacrer les ressources ? Peut-on voir un lien entre ces
caractéristiques spécifiques et le degré de professionnalisation souhaitable ?
•
Les risques de la professionnalisation
Finalement, qu’en est-il des risques qu’encourent les ONG de développement à se lancer dans
une démarche de professionnalisation. A la lecture de différents auteurs (Quéinnec et Haddad, 2004 ;
Ryfman, 2004 ; Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004), quatre risques principaux peuvent être relevés :
le risque de détournement de la mission, le risque de bureaucratie associative, le risque de salarisation
abusive et le risque de déstabilisation de l’ordre social et organisationnel.
15
S’intéresser à la question de la professionnalisation amène tout d’abord à relever un paradoxe
sous-jacent à cette démarche. En effet, celle-ci pousse les ONG à produire des résultats non plus par
rapport à leurs bénéficiaires, mais bien par rapport à elles-mêmes. Comme le souligne D. Corsino
(1997, p. 36), « pour l’avenir, les ONGD devront certainement se professionnaliser, ce qui ne va pas
sans provoquer des attentes contradictoires à leur égard ». Il en résulte que la tension existant entre les
impératifs de viabilité organisationnelle et d’accomplissement de la mission se fait plus criante : quelle
place accorder à ces différents impératifs et comment atteindre un équilibre ? Bien que cette démarche
de professionnalisation, rappelons-le, répond à un objectif d’amélioration des pratiques de gestion au
service de l’accomplissement de la mission, celle-ci n’en viendrait-elle pas finalement à déforcer
l’accomplissement de la mission au profit de la viabilité de l’organisation, voire à détourner l’organisation
de sa mission première ? Et ce risque de détournement de la mission se fait d’autant plus sentir au
siège des organisations que les individus qui y travaillent sont davantage soumis à la pression des
bailleurs de fonds et qu’ils sont plus éloignés des réalités de terrain. Néanmoins, en examinant le
problème sous un autre angle, les actions des ONG de développement auraient-elles encore un sens si
les organisations ne peuvent assurer leur pérennité, leur existence, leur viabilité afin que ces actions
s’inscrivent dans la durée ? Il réside dans cette double question un paradoxe intéressant quant aux
tenants et aboutissants de la professionnalisation des ONG de développement.
Deuxièmement, si professionnaliser signifie améliorer la gestion, cela implique également de
centraliser certaines fonctions de support, d’intégrer des outils de gestion (informatique, descriptifs de
tâches, organigrammes, processus de prise de décision formalisés, etc.), de réorganiser la structure de
l’organisation, de la formaliser davantage, voire de la rigidifier, au risque de perdre la souplesse et la
flexibilité qui caractérisent ce type d’organisation ainsi que ses mécanismes de prise de décision. E.
Quéinnec et L. Haddad en viennent dès lors à poser la question suivante : « Est-il possible de prendre
telle ou telle ONG en flagrant délit de bureaucratie ? » (2004, p. 206), alors que ces organisations se
sont toujours défendues d’utiliser des pratiques bureaucratiques ? Les auteurs affirment cependant que
le profil configurationnel des ONG reste hybride et ne glisse tout de même pas complètement vers la
bureaucratie, des caractéristiques essentielles telles que la flexibilité, la souplesse, l’interpersonnalité
sont encore prédominantes dans les ONG de développement.
Par ailleurs, le processus de professionnalisation entraîne des modifications en termes de
composition du personnel, au risque notamment d’une salarisation abusive. Dans la mesure où toutes
les ONG de développement ne sont pas dotées des compétences nécessaires, une démarche de
professionnalisation nécessite de s’adjoindre des compétences supplémentaires, notamment en termes
de gestion, d’organisation sociale, de communication, de capacité de négociation, d’animation, de
créativité, etc. La salarisation du personnel est donc inévitable, dès lors se posent plusieurs questions :
sur quels éléments se fonde la légitimité de la politique salariale ? Dans la structure des coûts,
comment trouver le juste équilibre entre salaires et investissements dans le projet ? Comment
sélectionner et recruter les nouveaux profils ? Comment s’assurer que les personnes engagées pour
leurs compétences techniques plutôt tournées vers le registre de la professionnalisation adhèrent ou
adhéreront au projet de l’organisation afin de ne pas affaiblir le « capital philanthropique » ou
« altruiste » ? Les dirigeants ont-ils intérêt à recruter un individu au profil « technique » adéquat mais
sans intérêt particulier pour le projet ou un individu qui adhère complètement aux missions et valeurs de
l’organisation avec des compétences moindres ? Les avis des personnes de terrain semblent converger
vers la nécessité d’engager quelqu’un pour ses compétences et de lui insuffler ensuite les valeurs de
l’organisation car il semble plus aisé et moins coûteux de travailler sur l’acquisition des valeurs que sur
16
l’acquisition des compétences. Ils reconnaissent cependant que l’idéal est de trouver : « des
collaborateurs qui s’identifient à la philosophie et au mouvement. Mais ce n’est pas une raison pour ne
pas rechercher la plus grande efficacité. Nous devons identifier les compétences nécessaires et faire en
sorte que les personnes fassent preuve de professionnalisme, ce qui doit être considéré autant que
l’engagement militant. Nous devons avoir des gens performants dans leur métier et qui ont aussi un
regard sur notre objet social. » (Lo Giudice, 2006, p. 10)
Enfin, cette recomposition du personnel risque de faire basculer l’ordre social et de créer des
tensions à l’intérieur de l’organisation. D’une part, le processus de professionnalisation implique une
redistribution des tâches au sein de l’organisation, voire une redéfinition des rôles, notamment des rôles
des bénévoles à qui il devient de plus en plus complexe d’attribuer des tâches valorisantes, ce qui se
répercute sur leur motivation, leur spontanéité et leur esprit d’initiative, pourtant sources de dynamisme.
Dès lors, quels incitants mettre en place dans l’organisation pour s’assurer de garder « ses » bénévoles
alors que ceux-ci sont déjà si difficiles à retenir ? D’autre part, la juxtaposition de profils différents,
certains plutôt portés par la mission, d’autre davantage orientés vers la viabilité organisationnelle peut
créer des tensions4, qui participent bien entendu à la dynamique de remise en question de
l’organisation mais peuvent également entraîner des luttes d’influence, des jeux de pouvoir et des
conflits.
Chacun de ces deux pôles ont leur vision de l’équilibre idéal à trouver entre les registres de
professionnalisme et de militantisme, entre accomplissement des missions et viabilité organisationnelle,
et « l’enjeu de ce conflit, au sein de la relation professionnel-militant se noue autour de deux questions
essentielles : d’une part, le problème de la finalisation de l’action et du contrôle des pratiques (idéalisme
associatif versus réalisme managérial, professionnel) ; d’autre part, le risque de voir les professionnels
substituer leurs objectifs propres à la vocation altruiste –voire oblative– de l’organisation
(désintéressement versus intérêt personnel). » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 136). Dès lors,
comment définir le point d’équilibre entre professionnalisme et militantisme et comment limiter les zones
de conflits ?
Au vu de cette réflexion, la question principale qui se pose concerne la nécessité ou non d’entrer
dans une démarche de professionnalisation pour les ONG de développement. Cette démarche a-t-elle
de la pertinence pour toutes les organisations compte tenu de leurs caractéristiques spécifiques en
termes d’origine, de structure, de taille, de logique d’intervention, de secteur d’activité, de champ
d’action, etc. ? Et comment trouver le juste équilibre entre les ressources allouées au projet et celles
allouées à la gestion (GRH, gestion financière, marketing, gouvernance) ? Il paraît évident que cette
problématique se pose dans un contexte hétérogène et qu’il convient d’apporter des nuances au cas
par cas, en fonction des ONG de développement considérées.
Toutefois, certains éléments peuvent être soulignés, tels que la nécessité pour les ONG de
développement qui se lancent dans un processus de professionnalisation, de commencer par mettre en
évidence leurs propres motivations à se professionnaliser, ce afin de répondre à une série de questions
soulevées ci-dessus. Par ailleurs, elles doivent également avoir intégré et pesé la tension entre viabilité
organisationnelle et accomplissement de la mission afin de choisir les outils de gestion adéquats et de
les adapter correctement au contexte spécifique de l’organisation, pour que professionnalisation ne
rime pas avec perte d’indépendance, d’autonomie ou de flexibilité. Enfin, elles doivent adopter une
Dans certains cas, ces tensions se cristallisent entre salariés et bénévoles, mais pas forcément. C’est pourquoi, afin
d’utiliser des vocables généralisables, nous préférons parler de tensions entre profils professionnels et profils militants.
4
17
communication proactive sur ces questions de professionnalisation, tant en interne que vers l’extérieur,
car se joue, via ce processus, l’image de l’organisation et son identité.
Cette section a permis de mettre en évidence le contexte dans lequel une ONG de
développement est amenée à faire des choix par rapport à la gestion, elle a permis de souligner une
série de questions qui se posent face à cette vague de professionnalisation, afin d’aborder de manière
plus posée, la problématique soulevée dans ce travail.
Section 3.
Quelle gestion pour les ONG de développement ?
Dernièrement un article dans un quotidien affirmait ceci, en parlant du secteur non-marchand :
« La gestion quotidienne ? Un savant mélange de militance et de gouvernance ; d’autogestion et de
management. Un besoin, petit ou grand, de médiatisation. Une somme d’ego, d’idéologies, de conflits
d’intérêts, d’agendas cachés, d’intimes convictions, etc. » (Dorzée, 2006, p. 6) Si cette affirmation ne
s’avère pas incorrecte et reflète la complexité de la gestion du secteur non marchand, et des ONG de
développement, elle se révèle quelque peu emprunte de stéréotypie et manquant de nuance.
•
Un cadre conceptuel pour la gestion des ONG de développement
Dans le contexte actuel marqué par un vif intérêt porté aux ONG ainsi qu’une tendance du
secteur à se pencher sur des questions de gestion et à se professionnaliser, quelques auteurs se sont
attardés spécifiquement sur la question de la gestion des ONG, bien que la littérature à ce sujet reste
peu étoffée. D. Lewis (2003) propose un article dont l’objectif est d’établir un cadre conceptuel pour
cerner le management des ONG de développement en tant que champ de recherche et en tant que
pratique. L’auteur soutient la thèse que le management des ONG de développement peut être
appréhendé en termes composites comme la combinaison flexible de théories et de pratiques
provenant d’autres champs de la gestion, d’une part afin de capter les apports de ces autres champs,
d’autre part pour tenir compte des défis de management spécifiques auxquels les ONG font face.
Il part en effet du postulat que les ONG sont des organisations distinctes, ce pour deux raisons :
elles se consacrent à des tâches de développement et elles appartiennent au tiers-secteur. Ce dernier
élément implique la notion de « normative compliance », développée par A. Etzioni (1961, cité par
Lewis, 2003), qui suppose que les relations de pouvoir se fondent sur les récompenses symboliques,
l’adhésion à des valeurs partagées, la persuasion, etc. Cela implique également que les ONG
présentent les cinq caractéristiques du tiers-secteur, au sens ici de secteur non-profit, énoncées par L.
Salamon et H. Anheier (1999, cité par Lewis, 2003, p. 328), à savoir la réalité institutionnelle, le
caractère privé de l’organisation, la contrainte de non-distribution des profits aux propriétaires et
directeurs, l’autonomie de gestion et le degré de participation volontaire. Néanmoins l’auteur insiste sur
le fait que cet ensemble d’organisations est hétéroclite, notamment du point de vue de l’origine, de la
structure et des motivations des organisations.
S’intéresser au management des ONG implique donc de prendre en considération certains
aspects clés que l’auteur met en relation dans le schéma suivant, il s’agit du contexte (environnement)
et de trois variables liées aux activités de développement des ONG (activités, relations, organisations).
18
La variable « environnement » comporte plusieurs dimensions. D’une part, l’environnement dans
lequel œuvrent les ONG de développement est souvent marqué par l’instabilité, le risque, la précarité,
un environnement politique et géographique difficile, la rareté des ressources (financières et humaines),
éléments auxquels s’ajoutent des aspects culturels. D’autre part, les ONG de développement
appartiennent à « l’industrie de l’aide », qui englobe les donneurs bilatéraux et multilatéraux, les ONG
humanitaires et/ou de développement ainsi que les organisations intergouvernementales. Par
conséquent elles se doivent de participer à ce système qui leur impose certaines contraintes (effets de
mode, problèmes administratifs, etc.). Enfin, les ONG du Nord et les ONG du Sud font face à des
contextes spécifiques. Les ONG du Sud, en relation avec les ONG du Nord qui sont soit des bailleurs,
soit des partenaires, doivent tenter de réconcilier leurs rôles de bénéficiaires et de partenaires. Les
ONG du Nord quant à elles remettent en question leur propre légitimité et sont en pleine crise d’identité
depuis le début des années 1990.
La variable « activités » met en évidence que les ONG de développement peuvent assumer trois
ensembles d’activités et de rôles (qui peuvent coexister au sein d’une même organisation). D’une part,
elles peuvent jouer le rôle d’implémenteur, c’est-à-dire qu’elles mobilisent des ressources pour fournir
des biens et services dans le cadre d’un projet ou programme propre ou commandité par un bailleur, un
gouvernement ou autre. D’autre part, elles peuvent jouer le rôle de partenaire, c’est-à-dire qu’elles
travaillent avec un gouvernement, un bailleur, une entreprise du secteur privé ou une ONG de
développement sur des activités conjointes. Le risque est alors de perdre son indépendance, de se faire
coopter ou que les objectifs de l’ONG ne se modifient pour rejoindre les objectifs des organisations
partenaires. Enfin, les ONG de développement peuvent jouer le rôle de catalyseur, c’est-à-dire qu’elles
travaillent afin d’inspirer, de faciliter ou de contribuer à un changement dans le mode de développement
à un niveau individuel ou organisationnel.
La variable « relations » souligne que les ONG appartiennent à des systèmes ouverts et sont
donc dépendantes des évènements et ressources de leur environnement qu’elles sont capables
d’influencer. Les ONG entretiennent des relations avec les autres ONG, avec les gouvernements, avec
le secteur privé et elles ont un degré de contrôle différent sur ces relations. Le management des ONG
se doit donc d’être stratégique et flexible, pour favoriser les actions de développement et la possibilité
de saisir les opportunités ou de faire face aux contraintes provenant de l’environnement.
19
Enfin, la variable « organisation » implique la structure et les processus organisationnels internes.
Bien que peu étudiée de manière systématique par les chercheurs, un certain nombre de critiques sont
cependant soulevées par l’auteur à ce sujet : d’une part les ONG de développement accordent peu
d’attention aux éléments basiques du management ; d’autre part, elles font face à des problèmes
récurrents liés au management (communication, leadership, planification, gestion des ressources
humaines, etc.) ; enfin, elles mettent leur priorité sur la flexibilité et l’idéalisme, plutôt que sur
l’organisation et la hiérarchie.
Le management des ONG se doit donc d’être spécifique et innovant, notamment pour équilibrer
d’un côté les aspects instrumentaux et relatifs à la viabilité organisationnelle, d’un autre côté les aspects
de participation et liés à l’accomplissement de la mission.
•
Spécificités des ONG de développement et pratiques de gestion
Afin de compléter cette discussion, il est important de souligner plus particulièrement certaines
caractéristiques spécifiques des ONG de développement, qui influencent de manière significative les
pratiques de gestion. Les traits propres mis en évidence découlent de l’objet social, de l’absence de but
de lucre de ce type d’organisation, de la mission des organisations, et concernent principalement la
multiplicité des parties prenantes ainsi que la structure d’objectifs particulière.
Abordant la thématique de la gestion des associations, ce que les ONG sont également, P.
Valéau souligne une des caractéristiques essentielles de celles-ci : l’hétérogénéité, tant des
performances que des attentes, qui appelle à la recherche de compromis. Parlant d’hétérogénéité des
performances, il entend trois types de performances produites par les associations : d’une part, des
performances sociales qui ont trait à l’adhésion, à l’action collective, à la capacité d’influencer
durablement leur environnement et aux liens sociaux que ce type d’organisation peuvent restaurer
grâce à leurs actions ; d’autre part, des performances technico-économiques qui découlent de la
capacité des associations à satisfaire des demandes négligées ou ignorées par les secteurs privé et
public ; enfin, des performances politiques par le fait que le système associatif est plus ouvert aux
mondes et enjeux en présence. Par ailleurs, l’auteur soulève également la question de l’hétérogénéité
des attentes des différents acteurs, hétérogénéité qui implique soit la recherche d’un consensus, soit le
fait de satisfaire aux prérogatives des coalitions ou acteurs dominants. P. Valéau insiste sur le fait que
ces différentes performances sont complémentaires et pas spécialement contradictoires, mais que leur
articulation n’est pas toujours évidente. En effet, dans l’impossibilité, sauf exception, d’optimiser
plusieurs variables simultanément, il convient de poser des arbitrages afin d’être dans la mesure de
cumuler les normes et performances des mondes militant et professionnel. Enfin, il conclut en posant la
question de la spécificité des associations et en affirmant que celle-ci « résiderait moins dans leur « non
lucrativité » que dans l’absence de principe universellement supérieur, capable de transcender
l’hétérogénéité des attentes qu’elles suscitent. » (Valéau, 2003, p. 20)
C. Davister (2006), quant à elle, formule le même type d’arguments à propos des organisations
d’économie sociale, dont font partie les ONG de développement. Elle rappelle que celles-ci ont à jongler
avec diverses parties prenantes. Ces différents acteurs qui prennent part à la vie de l’organisation, de
manière plus ou moins impliquée, sont : les bénéficiaires et les partenaires, les fondateurs du projet,
l’assemblée générale, le conseil d’administration et les dirigeants, les travailleurs salariés, les bénévoles
actifs et passifs, les représentants des pouvoirs publics, les mécènes d’organisations privées, les
20
donateurs et l’opinion publique. Dès lors, un acteur de terrain pose la question de « comment mieux
assumer notre triple responsabilité, celle, prioritaire, qui nous lie aux populations en détresse ; celle,
citoyenne, que nous devons aux hommes et aux femmes qui, directement ou indirectement, nous
permettent de travailler et enfin, celle, sociale, dont nous sommes dépositaires envers nos « troupes »
de salariés, volontaires et bénévoles ? » (Quéinnec et Igalens, 2004, p. 2) Cette situation peut entraîner
des conflits dans la mesure où ces différents acteurs peuvent présenter des logiques d’action
différentes ou avoir des intérêts divergents. Mais cette multiplicité des parties prenantes pose
également la question de l’ « accountability »5 de l’organisation : à qui l’ONG doit-elle donner la priorité
parmi les différents stakeholders ? Envers qui doit-elle répondre de ses actions de manière privilégiée ?
D. Brown et M. Moore (2001) se penchent plus en détails sur cette question de la nécessité des
ONG de répondre de leurs actions envers les diverses parties prenantes. « Les ONG savent qu’elles
doivent servir de nombreux stakeholders, mais elles adoptent des approches qui ne sont pas conçues
pour une responsabilité multiple. » (Wallace, 2000, p. 27) Selon Brown et Moore, un problème peut
surgir si les revendications des différents stakeholders ne s’alignent ni entre elles, ni avec les objectifs
définis par les dirigeants de l’organisation et poursuivis par celle-ci. Dans ce cas, les dirigeants se
voient contraints de faire un choix, celui de résister ou de céder aux demandes ou exigences de
certaines parties prenantes, ce qui peut notamment affaiblir le soutien des stakeholders lésés. Cette
notion renvoie aussi à la tension entre les objectifs de viabilité de l’organisation et d’accomplissement
de la mission dans la mesure où satisfaire aux demandes de certains stakeholders peut garantir ou non
de la viabilité de l’organisation ou de l’accomplissement de la mission selon les exigences de ce
stakeholder.
Par ailleurs, une autre caractéristique spécifique des organisations de l’économie sociale, et des
ONG, est leur structure d’objectifs particulière (Davister, 2006). En effet, du fait de l’absence de but de
lucre, se côtoient des objectifs très différents, parfois même divergents : les objectifs sociaux, les
raisons d’exister, l’accomplissement de la mission se confrontent à des objectifs économiques, aux
moyens d’exister, à la viabilité de l’organisation. J. Nizet et F. Pichault théorisent ce concept en parlant
de buts de mission et buts de système : les premiers renvoient « aux produits, aux services ou encore
aux clients de l’organisation », les seconds « à l’état de l’organisation et à ses membres » (Nizet et
Pichault, 1995, p. 99-100). Ces deux auteurs considèrent également les liens que les buts entretiennent
les uns avec les autres et parlent de systèmes de buts qui peuvent être soit intégrés, soit conflictuels.
Dans une organisation marquée par des objectifs parfois divergents, Valéau (2003) insiste sur le fait
qu’il faut poser a priori tout ou partie des arbitrages à faire pour une gestion plus cohérente, ce afin de
cumuler les normes et les performances de l’association et de la gestion.
Pour en revenir à la gestion proprement dite des ONG de développement, D. Lewis (2003)
termine son article en proposant le modèle de management qu’il pense le plus adéquat pour les ONG
de développement. D. Lewis considère que celui-ci doit être un modèle hybride, composite qui puise
dans les pratiques de gestion répandues afin d’augmenter le niveau d’efficacité et de répondre aux
nouvelles attentes, avec l’avantage pour les praticiens de pouvoir « se montrer plus sélectif sur base de
ce qui a déjà été testé et a marché ou non ailleurs » (Lo Giudice, 2006, p. 7). Les quatre sources
pertinentes dont les ONG peuvent s’inspirer sont le management classique, le management du secteur
Les auteurs entendent par « accountability » le fait de répondre de ses actions envers quelqu’un. Etant donné que la
traduction française du terme « accountability » (responsabilité) rend mal le sens du mot dans ce contexte, le terme anglais
est préféré à une traduction maladroite qui pourrait prêter à confusion.
5
21
public, le management du tiers-secteur et le management du développement. Mais il est essentiel que
les ONG gardent leur capacité d’improvisation et que ces pratiques soient adaptées afin que
l’importation de techniques de management n’entraîne pas une perte de regard critique, de
discernement, voire d’indépendance pour les ONG de développement.
Section 4.
La structure d’organisation et la GRH des ONG de développement
Les auteurs qui traitent de la gestion des ONG de développement restent peu loquaces ou peu
explicites quant à la structure d’organisation ou aux pratiques de gestion des ressources humaines.
Ceux-ci abordent généralement la question de manière plutôt générale, peut-être du fait de la diversité
des organisations ou du peu de recherche systématique sur la question. Le cadre théorique mobilisé
afin de traiter les problématiques étudiées, à savoir la structure d’organisation et la gestion des
ressources humaines, n’est donc pas un cadre développé particulièrement pour les ONG de
développement ou les organisations de l’économie sociale, mais pour tout type d’organisation, d’origine
privée ou publique. Ce cadre théorique est celui établi par J. Nizet et F. Pichault et construit sur base
des travaux de H. Mintzberg. Il se révèle adéquat par sa souplesse, son adaptabilité à différents
contextes et surtout sa faculté à « mettre de l’ordre » dans la variété de situations potentielles
auxquelles nous confronte l’étude des ONG de développement du fait de leur diversité. En effet, les
auteurs présentent une typologie de différentes configurations organisationnelles, au nombre de cinq,
typologie qui permet de mener une réflexion sur les pratiques de gestion des ressources humaines en
s’appuyant sur un cadre structuré qui considère des variables contextuelles, politiques et structurelles.
4.1.
La structure d’organisation des ONG de développement
La littérature qui traite des ONG de développement dépeint la structure d’organisation de ces
organisations en insistant sur certains traits saillants, sans réellement se poser la question de leur
articulation, de la manière dont les éléments se juxtaposent pour donner tel type de structure. Je
propose tout d’abord un bref aperçu de la littérature consacrée aux ONG de développement qui aborde
la structure de ces organisations, avant de présenter les fondements du cadre théorique mobilisé pour
appréhender la question de recherche, à savoir celui de J. Nizet et F. Pichault.
•
Caractéristiques générales de la structure des ONG de développement
L’éditorial d’une revue Alternatives Sud (CETRI, 1997) consacrée aux ONG de développement
s’attarde quelque peu sur les structures des ONG. Il souligne le caractère évolutif et hybride du
personnel (cet élément est davantage abordé dans le point suivant), la souplesse de l’organisation et
des mécanismes de prise de décision, une nécessité de mieux définir les rôles de chacun, une
augmentation des fonctions administratives et des investissements dans les équipements, une variété
d’idéologies influencées par le type d’actions menées, par l’origine des ONG, par leur univers culturel,
etc., une culture spécifique ainsi qu’une structure de financement particulière avec des apports
provenant de sources publiques et privées.
B. Sanyal (1999) dans un article consacré au potentiel et limites du développement « par le bas »
met en évidence la taille généralement petite des ONG, un style de gestion non bureaucratique et les
caractéristiques spécifiques du personnel.
22
E. Quéinnec et L. Haddad (2004), quant à eux, évoquent des éléments qui pourraient témoigner
d’un phénomène de bureaucratisation associative, tels que le développement de services de support, la
formalisation de procédures, la mise en avant de stratégies de croissance, mais sans que ce
phénomène ne soit vérifié dans les faits. Les auteurs préfèrent parler de profil configurationnel hybride,
caractérisé par la prééminence de la coordination par l’ajustement mutuel et les groupes transversaux
de travail ou la propension à l’innovation opérationnelle. Cependant, selon P. Valéau (1999), les
coordinations prennent souvent la forme d’une « autonomie conditionnelle », dans la mesure où celle-ci
est maintenue tant que les contributions du personnel satisfont l’organisation, tant qu’aucune
divergence n’apparaît. Il ajoute que « cette façon de faire respecte avec pragmatisme une certaine
culture associative : elle gère tout en admettant une part de désordre. » (Louart, 1993, cité par Valéau,
2003, p. 20)
Enfin, P. Ryfman (2004), quant à lui, pose la question du paradigme organisationnel à mobiliser
pour caractériser la structure organisationnelle des ONG de développement et leur efficacité. Il trouve le
modèle de « bureaucratie professionnelle » développé par H. Mintzberg bien adapté du fait de la faible
formalisation, la décentralisation, la départementalisation par fonction et la (relative) standardisation des
qualifications. A moins que le paradigme « post-bureaucratique » établi par Lewin et Stephens ne
s’avère plus adéquat par ce qu’il suppose de valorisation du fonctionnement participatif, de réduction
des niveaux hiérarchiques comme de leur poids et du travail en réseau. L’auteur insiste en tout cas sur
les nombreux chantiers qu’attend la sociologie des organisations en ce qui concerne les ONG.
•
La typologie des configurations de J. Nizet et F. Pichault
Ces auteurs mettent donc en avant quelques caractéristiques structurelles des ONG de
développement, sans les approfondir réellement, et s’accordent sur certains traits tels que le caractère
hybride du personnel, la souplesse de la forme organisationnelle et la flexibilité des mécanismes de
prise de décision ou de coordination. Mais rares sont les articles ou recherches qui s’attardent de
manière systématique sur ces différents aspects. C’est pourquoi le recours à la typologie des
configurations organisationnelles développée par J. Nizet et F. Pichault pour tout type d’organisation
s’avère intéressant car il permet de mener une réflexion organisée sur la structure des ONG de
développement en s’intéressant à trois types de variables : politique, structurelle et contextuelle.
Dans leur ouvrage consacré à la synthèse des apports de H. Mintzberg (Nizet et Pichaut, 1995),
les auteurs mettent en évidence quatre dimensions afin d’appréhender les configurations
organisationnelles : la structure, le contexte, les buts et la distribution du pouvoir. Ces différentes
variables s’articulent pour former des configurations-types, au nombre de cinq : les configurations
entrepreneuriale, missionnaire, bureaucratique, adhocratique et professionnelle.
La dimension structurelle comporte deux variables-clés : la division et la coordination du travail au
niveau des opérateurs et au niveau des départements. D’une part, sur le plan des opérateurs, la
division du travail concerne la répartition des tâches en postes : les auteurs distinguent la division
horizontale, plus ou moins forte selon que les opérateurs effectuent un nombre plus ou moins élevé de
tâches, ainsi que la division verticale, qui se réfère à la séparation entre le travail d’exécution et de
conception. Quant à la coordination, les mécanismes mis en évidence sont :
- l’ajustement mutuel, c’est-à-dire la communication informelle entre opérateurs ;
- la supervision directe ;
- la standardisation des procédés de travail, lorsque les tâches et les comportements sont
programmés ;
23
la standardisation des résultats, qui implique que les objectifs sont clairement fixés ;
la standardisation des qualifications, quand les formations sont programmées ;
et la standardisation des normes afin que chaque travailleur adhère aux valeurs
organisationnelles.
En ce qui concerne la différenciation et les liaisons entre unités, les auteurs soulignent deux types
de départementalisation, qui peuvent d’ailleurs coexister au sein d’une même organisation. Il s’agit de la
départementalisation par input, selon la nature des conditions de production (c’est-à-dire sur base de
l’activité exercée, des qualifications et compétences requises, des contraintes techniques, etc.), ainsi
que la départementalisation par output, selon la nature des produits et marchés (c’est-à-dire sur base
du type de produits, des clients visés, de la localisation géographique, etc.). La différenciation est
également décomposée en une dimension verticale (le nombre d’échelons hiérarchiques) et une
dimension horizontale (le nombre de départements). Les mécanismes de liaison, quant à eux,
reposent :
- sur les relations interpersonnelles entre membres de différents départements ;
- sur la formalisation (planification des activités, contrôle des performances) ;
- ou sur des représentations mentales des opérateurs, ce qui peut impliquer la mise en avant
de la culture organisationnelle, une certaine mobilisation idéologique, des formations en
interne, etc.
Ces variables-clés se combinent pour former des formes structurelles très différentes, allant de la
structure en clocher à la forme plane pure.
-
La seconde dimension étudiée par J. Nizet et F. Pichault est la variable contextuelle, qui revêt
une importance non négligeable car « les organisations sont des systèmes ouverts, en équilibre
dynamique avec leur environnement » (Strategor, 1997, p. 264) auquel elles doivent s’adapter tant du
point de vue des contraintes internes qu’externes. Les auteurs insistent sur les facteurs internes et
externes suivants : taille, âge, technologie pour les premiers, marché pour les seconds, bien qu’il existe
d’autres facteurs contextuels que ceux développés par H. Mintzberg, comme des éléments culturels par
exemple.
Les facteurs internes examinés sont donc la taille, l’âge et la technologie. Les auteurs établissent
certaines relations entre ceux-ci et la structure organisationnelle : d’une part, l’âge élevé conduit à la
formalisation et à la rigidification d’un certain nombre de pratiques et à la simplification de la structure ;
d’autre part, selon Mintzberg, la taille de l’organisation, en termes d’effectifs, du volume d’activités ou du
chiffre d’affaires croit généralement avec l’âge ; par ailleurs, plus le système de production est régulé ou
uniformisé, plus il y a tendance à la formalisation de la structure ; enfin, plus le système de production
est sophistiqué, plus la structure devient flexible.
Quant au facteur externe de contingence pris en considération, à savoir l’environnement de
marché, les auteurs en examinent quatre dimensions :
- le degré de stabilité du marché ou le caractère plus ou moins prévisible de ses évolutions ;
- le degré de complexité du marché, qui renvoie à l’étendue des compétences requises pour
y opérer ;
- le degré d’hostilité du marché ou son caractère plus ou moins menaçant pour la survie de
l’organisation ;
- et le degré d’hétérogénéité, qui a trait à l’intensité de la diversité de la demande.
La troisième composante examinée par J. Nizet et F. Pichault concerne les buts. Les auteurs
affirment tout d’abord que, généralement, les organisations poursuivent plusieurs buts. Considérant les
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différents objectifs de manière isolée, une première distinction s’opère entre les buts de mission, liés à
l’objet de l’organisation, ceux qui « se réfèrent aux produits, aux services ou encore aux clients de
l’organisation » (1995, p. 99), et les buts de système relatifs à l’organisation en tant que structure et qui
s’énoncent « en référence à l’organisation ou à ses membres, indépendamment des biens ou des
services qu’elle produit » (1995, p. 100). La théorie propose ensuite de distinguer les buts selon leur
degré d’opérationnalité, c’est-à-dire « selon qu’il est aisé de déterminer si (ou dans quelle mesure) le
but est atteint ou non » (1995, p. 108). Par ailleurs, une distinction peut être effectuée entre buts
opérants, découlant des décisions organisationnelles, et buts officiels définis dans les statuts et les
rapports d'activité (1995, p. 111). Enfin, les auteurs font également une différence entre les buts
organisationnels et les buts spécifiques à un (ou des) acteur(s).
Ils s’attardent finalement sur la combinaison des divers buts organisationnels, qu’ils appellent
« systèmes de buts » (1995, p. 115). Les systèmes de buts, propres à chaque organisation, se révèlent
être soit intégrés, lorsqu’il n’y a pas de tension entre les buts et que la poursuite des uns favorise la
réalisation des autres, soit conflictuels, lorsque la poursuite de certains buts contrarie la poursuite
d’autres buts.
Enfin, la dernière dimension analysée par J. Nizet et F. Pichault est la distribution du pouvoir dans
une organisation. Plus précisément les auteurs posent la question de la localisation du pouvoir informel,
c’est-à-dire de la capacité de chaque acteur à influer effectivement et de manière significative sur les
décisions de l’organisation, et en particulier les décisions d’importance stratégique.
Les auteurs proposent d’abord leur propre typologie pour identifier les acteurs et définissent sept
catégories d’acteurs : les propriétaires, le sommet stratégique (direction), la ligne hiérarchique (entre le
sommet stratégique et les opérateurs), la base opérationnelle, les analystes de la technostructure
(s’occupent des différentes formes de standardisation), le personnel d’appui (ou support logistique –
fonctions annexes) et les associations d’employés (syndicats et corporations professionnelles).
Ces différentes catégories d’acteurs peuvent mobiliser certaines ressources à leur disposition,
telles que l’expertise, l’information, les ressources financières, les règles, le langage et les symboles,
pour exercer leur pouvoir et influencer la prise de décision. Cependant, toutes les catégories d’acteurs
ne disposent pas de ressources suffisantes et n’exercent pas tous leur pouvoir de la même manière :
ainsi, outre ceux qui pèsent sur les processus de décision, certains acteurs font montre de loyalisme et
d’autres de non-implication. La manière dont le pouvoir est localisé aux mains des différentes
catégories d’acteurs dessine des systèmes d’influence différents : plutôt centralisés lorsque la majorité
du pouvoir est aux mains des propriétaires et/ou du sommet stratégique, plutôt décentralisés lorsque
les opérateurs, souvent qualifiés, influencent les décisions de manière significative.
Les quatre variables analysées par J. Nizet et F. Pichault peuvent être articulées de différentes
manières pour donner des configurations organisationnelles très différentes. Les auteurs mettent en
évidence cinq configurations pures (1995, p. 216-229), qui sont des types idéaux d’organisations, c’està-dire « des élaborations théoriques qui entendent, non pas décrire le réel, mais davantage en exprimer
la rationalité. » (Pirotton, 2000, p. 50). Ces idéaux-types sont :
- la configuration entrepreneuriale, qui caractérise « une organisation placée sous l’autorité
personnelle d’un leader généralement propriétaire et fondateur, où les décisions sont donc
centralisées aux mains d’un seul acteur » ;
- la configuration missionnaire, qui présente une « nette prédominance des buts de mission
sur les buts de système » ;
25
la configuration bureaucratique, « marquée par une forte division horizontale et verticale du
travail, par la standardisation des procédés, etc. » ;
- la configuration adhocratique, qui suppose que « les opérateurs travaillent dans le cadre de
groupes de projet, en vue de répondre aux demandes spécifiques des clients » ;
- et la configuration professionnelle, qui caractérise des organisations qui « s’appuient sur les
compétences professionnelles spécifiques que le personnel a pu acquérir dans des
institutions de formation. »
Il convient de noter que les organisations correspondent rarement à un idéal-type, mais
combinent généralement des caractéristiques de plusieurs configurations, c’est ce que H. Mintzberg
appelle des configurations hybrides6.
-
La typologie des configurations de J. Nizet et F. Pichault permet de structurer la réflexion autour
de la structure d’organisation, mais elle invite également à la prise en compte des différences entre les
organisations. Cet élément est essentiel pour la suite du développement car il permet de « dégager des
cohérences. Dès lors, des solutions, des conduites, des pratiques qui auraient montré leur pertinence
dans une configuration déterminée peuvent s’avérer dissonantes dans d’autres. » (Pirotton, 2000, p. 51)
Cette constatation permet de relier structure d’organisation et gestion des ressources humaines.
4.2.
La gestion des ressources humaines des ONG de développement
A l’instar de la structure d’organisation des ONG de développement, leur gestion des ressources
humaines (GRH), soit les pratiques et outils mis en œuvre afin de s’assurer que les personnes
développent des comportements conformes aux attentes de l’organisation, reste peu étudiée de
manière spécifique et systématique dans ce secteur. C’est pourquoi le recours à des auteurs qui traitent
la question de manière plus large, soit en abordant la gestion des ressources humaines en général, soit
en se concentrant sur la GRH en économie sociale, s’avère essentiel pour aborder cette section.
•
Les ressources humaines dans les ONG de développement
Traiter de la GRH, que ce soit de manière générale ou spécifique, nécessite d’abord de définir de
quelles ressources humaines il est question. Les auteurs qui abordent les aspects internes des ONG de
développement s’accordent généralement sur le caractère évolutif et hybride du personnel : les
organisations, fondées à l’origine sur le volontariat et le bénévolat7, sont contraintes, petit à petit, à se
constituer un noyau stable. Ainsi, une relève du personnel a lieu dans les ONG créées dans les années
1960 et 1970, modification du personnel qui s’accompagne d’un changement de perspective et d’une
transition du militantisme au professionnalisme, si bien que la plupart des ONG mêlent désormais
salariat et bénévolat (CETRI, 1997).
6 Pour une synthèse des caractéristiques des configurations, voir annexe B. Pour une description détaillée de chaque
configuration, voir Nizet et Pichault, 1995, p. 215-290.
7 La différence entre volontariat et bénévolat est ténue. D’aucuns considèrent que l’élément qui fait la différence entre le
bénévole et le volontaire est la possibilité pour le volontaire d’être indemnisé ou défrayé. Cependant, cette opinion n’est pas
partagée par tous et la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires « désigne dorénavant par un seul et même
vocable, celui de volontaire, des personnes anciennement qualifiées de bénévoles ou de volontaires, du moment qu’elles
réunissent les caractéristiques fixées par ses différentes dispositions. » (Henkinbrant, 2007, p. 57) Ce terme offre aussi
l’avantage d’une harmonisation du vocabulaire au niveau fédéral et international.
26
Plusieurs auteurs ont tenté de répertorier les différentes catégories d’acteurs qui travaillent dans
les ONG. F. Mayaux et R. Revat (1993) notamment, dans un article consacré au marketing interne des
associations, proposent de considérer les différents types de ressources humaines en fonction de la
relation qui les lie à l’organisation. Ainsi, ils distinguent les salariés, les indépendants, les bénévoles
passifs, les bénévoles actifs et les bénévoles élus. Certains profils peuvent être ajoutés afin de
correspondre davantage à la réalité des ONG de développement, tels que les expatriés, les coopérants8
ou les locaux. Le fait de différencier les ressources humaines revêt un intérêt dans la mesure où ces
acteurs présentent un profil différent, des motivations et aspirations diverses, ainsi que des besoins
spécifiques, ce qui peut influencer les pratiques de gestion mises en œuvre.
La littérature spécifique aux ONG de développement s’intéresse beaucoup à ces motivations
diverses, à ce qui pousse les individus à s’impliquer dans ce type d’organisation. G. Stangherlin (2005)
par exemple, fait une analyse fouillée de l’engagement pour l’autre lointain, en soulignant que : « la
spécificité de l’engagement dans les ONGD [ONG de développement] réside dans le fait que des
individus deviennent solidaires de catégories sociales ou de groupes auxquels ils n’appartiennent pas
eux-mêmes. » (2005, p. 9). L’auteur part du fait que l’individu ne naît pas « militant » mais que
l’engagement est un cheminement influencé par différents facteurs biographiques, organisationnels et
institutionnels. Il affirme tout d’abord que l’engagement nécessite la détention d’une série de ressources
(relationnelles, culturelles, cognitives et expériences au Sud) par les acteurs. Celles-ci sont
progressivement acquises dans le milieu familial et dans les institutions de socialisation secondaire
(écoles, réseaux relationnels divers, etc.) et participent à la sensibilisation de l’individu aux
problématiques de la coopération au développement et aux relations Nord-Sud. La détention de
ressources spécifiques devient essentielle pour travailler au sein des ONG de développement et y
assumer certaines fonctions spécifiques suite à la professionnalisation du secteur. Il souligne
également que la détention de ressources est certes nécessaire avant l’adhésion à l’ONG, mais que
l’organisation joue aussi un rôle important dans la production des ressources.
L’auteur développe ensuite les raisons d’agir avancées par les acteurs par rapport à leur
engagement. Pour cela, il distingue trois types d’acteurs : les coopérants, les employés et les
bénévoles. Les raisons d’agir évoquées par les coopérants concernent : le rejet du monde
professionnel dans lequel ils évoluent et la recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle, le
goût du voyage et de la découverte, le fait d’aider et de se rendre utile, la volonté de vivre et de
partager une expérience sociale et spirituelle profonde, l’adhésion au projet ou à une cause et le fait de
prendre du recul par rapport à des problèmes personnels. Les employés, quant à eux, avancent le rejet
du monde professionnel traditionnel et la recherche d’un travail humain et enrichissant, le fait de
participer et de promouvoir une cause collective et le fait de trouver un emploi ou une réinsertion
socioprofessionnelle en Belgique après un séjour dans les pays en développement. Enfin, les
bénévoles mettent en avant quatre types de motifs : des raisons morales, au nom d’une responsabilité
historique ; des raisons instrumentales, afin de trouver une occupation pour se rendre utile ; des raisons
relationnelles, pour garder des contacts et éviter l’isolement social ; et des raisons politiques, de l’ordre
de la défense d’une cause collective. Enfin, G. Stangherlin nous apprend également que les trois
raisons principales énoncées par les employés et bénévoles confondus sont la solidarité avec les
Aujourd’hui, la loi belge confère un statut assorti de droits et de devoirs au « coopérant ONG ». Certaines conditions
doivent en effet être remplies pour pouvoir partir comme coopérant et le respect de ces conditions octroie certains avantages
au coopérant lié à ce statut. (Belgique, DGCD, p. 26)
8
27
pauvres et les personnes défavorisées, le fait d’amener un changement politique et social et le fait
d’aider des personnes défavorisées à retrouver leur dignité.
P. Ryfman (2004), quant à lui, souligne également l’évolution dans les motivations des individus à
s’engager. Ceux-ci en effet ne s’engagent plus seulement par militantisme : d’une part, des jeunes
diplômés font le choix délibéré de travailler dans le milieu non gouvernemental afin de valoriser cette
expérience par après au sein des entreprises, s’engager devient donc un tremplin pour l’avenir ; d’autre
part, des salariés travaillant au sein des ONG se dessinent un cursus professionnel et font
véritablement carrière dans le milieu ; enfin, inversement, des cadres travaillant dans les entreprises
quittent aussi ce secteur pour les ONG de développement et l’auteur met en évidence le fait que ces
individus issus du secteur marchand restent généralement profondément marqués par les critères
managériaux dans la gestion de projet ou dans leur rapport à l’efficacité de l’action.
•
Les caractéristiques générales de la GRH dans les ONG de développement
Qu’en est-il dès lors de la gestion de ces différents individus aux motivations et aspirations
divergentes dans les ONG de développement ? La gestion des ressources humaines est un enjeu
important dans tout type d’organisation, dans la mesure où elle donne à l’organisation les moyens de
réaliser ses objectifs. Dans les ONG de développement ou toute autre organisation relevant du secteur
de l’économie sociale, celle-ci est d’autant plus essentielle que les ressources humaines sont le
« facteur de production » primordial ; pourtant, ces organisations ne portent pas encore à la GRH
l’intérêt qu’elle mérite. Dans un cahier consacré à la GRH en économie sociale, C. Davister (2006)
présente ce paradoxe interpellant. D’une part, la gestion des ressources humaines est un enjeu
fondamental dans les organisations d’économie sociale, ce pour plusieurs raisons : le travailleur prime
sur le capital, les RH sont le principal facteur de production ainsi que le moteur de l’action collective,
elles sont aussi un facteur-clé dans un contexte marqué par la concurrence, la croissance et la
complexification. Mais d’autre part, la GRH reste un domaine peu développé, souvent informel, dans les
organisations d’économie sociale et d’aucuns pointent les motifs de ce peu d’intérêt, à savoir le manque
de formation en gestion des dirigeants, le manque d’outils de GRH adaptés à l’économie sociale ou les
réticences vis-à-vis des pratiques de gestion « classiques ».
P. Valéau (2006) pour sa part souligne un autre paradoxe, à savoir le décalage entre le discours
et la pratique du point de vue de la gestion des ressources humaines en économie sociale. En effet, si
le discours prône une organisation égalitaire, communautaire, libertaire, solidaire, les réalités sur le
terrain sont autres et parfois très éloignées de cet idéal. L’auteur explique ce décalage par la mise à
l’épreuve des faits de trois valeurs fondatrices de toute organisation d’économie sociale : la
communauté, la liberté et la solidarité. D’une part, l’organisation d’économie sociale se construit autour
d’un projet commun et de valeurs fondatrices qui appellent à un minimum d’adhésion et de consensus
de la part des membres ; cependant, l’implication de chacun est complexe et ne se limite pas à
l’organisation, et la valeur communautaire peut entrer en contradiction avec la liberté individuelle.
D’autre part, la valeur de liberté qui s’exprime au travers de la liberté d’association, de la liberté
d’adhésion, de l’autonomie et de la participation est également une valeur fondatrice ; mais dans les
faits, il existe une nécessité de coordonner, de diriger, et l’autonomie peut être qualifiée de
conditionnelle, dans la mesure où celle-ci est acceptée jusqu’au moment où des divergences ou
tensions apparaissent, auquel cas des jeux de pouvoir informel se mettent en place. Finalement, la
valeur de solidarité peut présager d’une GRH également plus solidaire, opposée à toute forme
d’exploitation ou d’exclusion mais en réalité, les pratiques mises en place gagent d’une certaine
précarité des emplois, d’une hétérogénéité au niveau des pratiques salariales, etc. L’auteur souligne
28
ainsi une série de contradictions qui peuvent surgir dans les organisations d’économie sociale entre le
discours et les pratiques, contradictions liées non seulement au fait que ce sont des organisations, mais
également au fait que des valeurs, fondatrices du projet commun, sont introduites dans l’organisation.
Dans ce contexte, certains auteurs mettent en évidence les enjeux spécifiques de la gestion des
ressources humaines en économie sociale, et dans les ONG de développement. Si l’enjeu majeur reste
« d’amener les individus à coopérer avec l’organisation, autrement dit à travailler dans le sens de ses
objectifs, compte tenu de ses valeurs » (Valéau, 2004, p. 254), il n’en reste pas moins que l’ONG doit
pouvoir s’accommoder de et jongler avec la gestion de la diversité des ressources humaines, avec des
processus démocratiques de décision, avec la gestion de ressources humaines bénévoles, avec la
gestion des relations entre salariés et bénévoles, avec la gestion de la motivation et de l’implication de
tous, peut-être davantage des salariés, avec l’arrivée d’une nouvelle génération ayant une vision plus
entrepreneuriale de la gestion. (Davister, 2006)
•
Les pratiques de GRH dans les ONG de développement
Il convient désormais de s’intéresser spécifiquement aux pratiques de gestion des ressources
humaines. La GRH est un domaine large et parfois flou, qui couvre différentes fonctions. Selon M.
Gonthier (2006), la GRH présente cinq dimensions : la dotation en personnel (planification, recrutement
et sélection), le développement du personnel (formation, évaluation), le maintien du personnel
(implication, motivation), la communication (communication interne, culture organisationnelle) et la
gestion du changement. Cependant, s’il est aisé de lister les fonctions de gestion des ressources
humaines, il est moins facile de répertorier les pratiques existantes. Celles-ci sont en effet multiples et
aussi variées que le sont les organisations. Différents facteurs, internes et externes, expliquent en effet
le choix des pratiques et outils de gestion mis en place dans une organisation : en interne, la taille, la
mission, les caractéristiques du personnel, l’importance du bénévolat ou la structure hiérarchique
peuvent influencer les choix ; en externe, la structure de financement, le secteur d’activités, la
concurrence plus ou moins vive, les législations en vigueur, le contexte culturel ou le marché du travail
impliquent la mise en place de telle ou telle pratique (Davister, 2006).
La fédération francophone et germanophone des associations de coopération au développement
(ACODEV) a cependant réalisé en 2001 une enquête9 auprès des collaborateurs et responsables
d’ONG de développement afin de dresser une image du secteur quant aux pratiques de gestions des
ressources humaines en place dans ces organisations.
La première constatation est l’absence quasi-systématique de stratégie globale en matière de
gestion des ressources humaines : les ONG adoptent généralement une stratégie en matière de
rémunération ou de recrutement ou de formation, etc. et appliquent une méthode au cas par cas, mais
les différentes dimensions de la GRH sont rarement intégrées dans une politique globale.
Par ailleurs, en ce qui concerne les caractéristiques du personnel, l’enquête relève le fait que le
milieu des ONG de développement reste relativement cloisonné bien qu’il se dit ouvert. Les résultats
montrent en effet peu de diversité culturelle au sein du personnel et peu d’ouverture envers des
Cette enquête a été réalisée en 2001 pour dresser une image du secteur, mettre en évidence des faits et des corrélations
afin d’amener les responsables et collaborateurs d’ONG de développement à se poser des questions. Cette enquête a été
menée auprès des ONG membres de la fédération : 350 collaborateurs d’ONG ont répondu à un questionnaire et 50
responsables d’ONG se sont prêtés au jeu d’entretiens individuels. Les objectifs de l’enquête, la méthodologie, les résultats
commentés et une conclusion de l’enquête sont disponibles sur le site internet d’ACODEV, à l’adresse suivante :
http://www.acodev.be/ProjetCD1/Home.htm.
9
29
personnes n’appartenant pas déjà au secteur. Les ONG fonctionnent beaucoup par réseau de
connaissances, notamment pour le recrutement. L’enquête souligne également le niveau d’engagement
ou d’investissement personnel important et la grande satisfaction des collaborateurs d’ONG. L’intérêt
d’une politique de GRH réside dès lors dans la possibilité d’optimiser l’efficacité du personnel, ce en
combinant la prise en compte de chacun en tant que personne ainsi qu’une réflexion plus globale sur la
mission à réaliser et les résultats que l’organisation se donne d’atteindre. L’enquête met également en
évidence le peu de discrimination envers les femmes qui trouvent tout à fait leur place dans le
secteur des ONG de développement : en effet, la parité est atteinte pour les postes opérationnels de
l’organisation, et bien que la proportion hommes-femmes soit en défaveur de ces dernières pour les
postes stratégiques, le différentiel est cependant moindre que dans le secteur marchand. Finalement, le
taux de réponse élevé des collaborateurs des ONG au questionnaire qui leur a été soumis peut sousentendre une réelle attente de la part des collaborateurs que leurs dirigeants prennent ces questions de
GRH en compte.
En ce qui concerne les pratiques de GRH proprement dites, l’enquête montre une certaine
disparité en fonction de la taille des ONG : en effet, les grandes ONG présentent généralement une
structure plus formalisée tandis que les petites compensent par une meilleure communication interne et
un personnel plus motivé, plus stable et plus présent.
Concernant les modalités de travail, la formule du temps partiel est souvent préférée par les
collaborateurs qui gardent une grande maîtrise de leur temps de travail malgré des heures
supplémentaires incontournables et une charge de travail importante.
En termes d’évaluation du personnel, on observe peu de pratiques formelles alors qu’une
méthode d’évaluation permettrait d’augmenter l’efficacité du personnel et que les ONG qui pratiquent
l’évaluation soulignent des résultats intéressants.
Concernant la formation du personnel, la pratique est répandue mais souvent organisée sur un
mode « à la carte ». La politique n’entre donc pas dans une politique globale, intégrée de GRH qui
permettrait un renforcement institutionnel stratégique.
En ce qui concerne la communication finalement, celle-ci est très peu construite et les flux
d’informations ne sont pas gérés. L’enquête pose dès lors la question de comment faire des ONG des
organisations apprenantes et capitaliser l’expérience si la communication n’est pas construite.
•
Les modèles de GRH de J. Nizet et F. Pichault
A défaut d’un modèle développé spécifiquement pour le secteur des ONG de développement
pour appréhender les pratiques de gestion des ressources humaines, je propose de mobiliser le cadre
théorique établi par J. Nizet et F. Pichault (2000) pour tout type d’organisation à la suite de leur réflexion
sur les configurations organisationnelles. Ce cadre permet à nouveau d’offrir une vision structurée des
pratiques existantes afin de les mettre en lien.
Les auteurs s’accordent d’abord sur la diversité des pratiques de GRH qu’ils démontrent en
examinant une série d’études de cas pratiques. Ils se focalisent particulièrement sur la gestion des
effectifs (entrées et départs), les formations et l’évaluation des performances, et je propose de
reprendre de manière synthétique les questionnements qui se posent quant à ces différentes
fonctions10.
Dans la partie pratique, l’analyse des deux études de cas examine les réponses apportées à ces questions par les
organisations étudiées.
10
30
D’une part, en abordant la gestion des effectifs (entrées et sorties), les interrogations suivantes se
posent : qui détermine la procédure de recrutement et de sélection et quelle est cette procédure ?
Quels acteurs sont impliqués dans les pratiques d’entrées et de sorties ? Y a-t-il des définitions de
postes ? Quels sont les critères de sélection ? L’organisation a-t-elle recours davantage aux
recrutements internes ou externes ? Les pratiques sont-elles différenciées selon les catégories de
personnel, voire selon les individus ? Quels sont les motifs de départs les plus fréquents ? Les
procédures de sélection ou de licenciement sont-elles décentralisées ?
D’autre part, en ce qui concerne les formations, quelles formations sont octroyées au personnel
et sous quelles modalités (contenu, formateur, en interne ou en externe, pour qui, individuelle ou
collective, …) ? Comment un individu a-t-il accès à une formation et qui prend la décision de la lui
octroyer ? Quels sont les objectifs des formations ?
Par ailleurs, les pratiques en termes d’évaluations des performances sont également diverses :
qui évalue quoi et à quelle fréquence ? Les évaluations sont-elles formelles ou informelles ? Quels sont
les objectifs des évaluations ? Les procédures d’évaluation sont-elles formalisées ? Sont-elles
uniformes ou dépendent-elles de l’individu ?
Enfin, la gestion du temps de travail, les pratiques de promotion et les rémunérations conduisent
également à des pratiques différenciées dans les organisations. Les questions principales qui se posent
sont les suivantes : ces pratiques reflètent-elles les valeurs de l’organisation ? Sont-elles uniformisées
au sein de l’organisation ? Quels acteurs sont impliqués dans les décisions portant sur ces sujets ?
Quelles sont les attentes des uns et des autres par rapport à cela ? Les pratiques sont-elles flexibles ?
Formalisées ?
Autant de questions quant aux pratiques que les auteurs proposent d’examiner de manière plus
spécifique à la lumière de trois critères : le degré de formalisation des pratiques de gestion des
ressources humaines, selon que les modalités sont plus ou moins fixées de manière explicite ; leur
degré de flexibilité, selon l’adaptabilité des pratiques aux circonstances ; et leur degré de centralisation,
selon que les pratiques sont prises en charge par les dirigeants ou par les opérateurs. Ils s’attardent
également sur une quatrième dimension, de manière plus implicite, à savoir le degré d’individualisation
des pratiques, selon qu’elles sont définies au cas par cas ou de manière globale.
Dans la suite de leur réflexion, J. Nizet et F. Pichault en arrivent à dégager les caractéristiques
principales de cinq modèles de GRH : les modèles11 conventionnaliste, valoriel, individualisant,
objectivant et arbitraire, qu’ils mettent ensuite en relation avec les configurations organisationnelles
évoquées dans le paragraphe précédent.
Ainsi, le modèle arbitraire implique que les principales dimensions de la gestion des ressources
humaines sont concentrées dans les mains du seul dirigeant de l’organisation, qui prend des décisions
selon ses propres critères, sans que ceux-ci ne soient prédéfinis. Ce modèle est donc caractérisé par
une prédominance de l’informel, une grande flexibilité et une faible décentralisation.
Les pratiques de GRH dans le modèle valoriel sont, quant à elles, « étroitement commandées par
les missions de l’organisation, se vivent sur un mode informel, et les tentatives d’explicitation
apparaissent comme peu légitimes. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) En effet, la prégnance des
valeurs censée mobiliser les membres rend les questions de salaire, de formations, d’évaluations, etc.
peu dignes d’intérêt. La fonction de gestion des ressources humaines en devient implicite et les
Pour une synthèse des caractéristiques des modèles de GRH, voir annexe C. Pour une description détaillée de chaque
configuration, voir Nizet et Pichault, 2000, p. 115-152.
11
31
pratiques de GRH ne sont plus l’expression cohérente d’une vision managériale. Les critères adoptés
pour sous-tendre aux pratiques de GRH sont implicites et se réfèrent aux valeurs, la GRH est
caractérisée par une prédominance de l’informel, une flexibilité élevée et une décentralisation
conditionnelle dans la mesure où l’adhésion effective aux valeurs conditionne la mise en place d’un
modèle décentralisé.
Le modèle objectivant suppose une systématisation des dimensions de la GRH, menant à une
homogénéisation des pratiques. Les critères adoptés sont impersonnels et valables, si pas pour tous,
au moins pour une majorité du personnel. Ces critères, formalisés dans des règles, s’appliquent de
manière uniforme pour régir les relations sociales de travail. La plupart des décisions sont centralisées
au sommet de l’organisation ou chez les analystes et la flexibilité des pratiques est faible.
Le modèle individualisant est caractérisé « par une forte flexibilité, puisque les modalités de
formation, d’évaluation, de rémunération, etc. font l’objet d’une négociation entre chaque membre du
personnel et son responsable hiérarchique. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) Les critères sont donc
négociés dans le cadre d’accords interpersonnels entre la ligne hiérarchique et les opérateurs, le plus
souvent qualifiés, en tenant compte des spécificités de chacun. La formalisation et la flexibilité sont
plutôt élevées, tandis que la décentralisation est intermédiaire.
Enfin, le modèle conventionnaliste fait apparaître une GRH caractérisée par la décentralisation :
« les opérateurs qualifiés conviennent collectivement des pratiques qui sont sous leur contrôle
individuel et de celles qui sont régies par des procédures plus formelles et plus rigides qu’ils mettent
eux-mêmes au point. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) Les opérateurs disposent donc d’une maîtrise
informelle sur la plupart des dimensions de GRH et les critères adoptés sont formalisés après débats
entre pairs. La formalisation et la flexibilité sont donc variables.
J. Nizet et F. Pichault, relayés par G. Pirotton (2000), rappellent la nécessité de mettre en
évidence la configuration organisationnelle, pour ensuite relier celle-ci avec les pratiques de gestion des
ressources humaines et s’interroger quant à leur cohérence, ce qui fait l’objet de la section suivante.
4.3.
La structure et la gestion des ressources humaines des ONG de développement
La théorie de J. Nizet et F. Pichault non seulement offre un cadre structuré pour appréhender la
structure des organisations et la gestion des ressources humaines, elle va plus loin et permet
également de relier les configurations organisationnelles aux modèles de GRH spécifiques. En effet,
« le diagnostic correct de la configuration dominante d’une organisation permet aussi de concevoir des
politiques et des pratiques de GRH cohérentes, qu’il s’agisse de renforcer cette configuration ou de
contribuer à son évolution vers une autre. » (Pirotton, 2000, p. 52) Et l’intérêt de la démarche réside
moins dans la concordance théorique d’une configuration et d’un modèle de GRH, que dans les
discontinuités qui peuvent apparaître dans la pratique et perturber les organisations.
Les auteurs postulent donc que théoriquement, à une configuration organisationnelle
correspond un modèle de GRH, et l’élément qui permet de faire le lien entre ces deux éléments
consiste en la localisation du pouvoir. En effet, dans chaque configuration, le pouvoir est davantage
localisé dans les mains d’une certaine catégorie d’acteurs, ce qui va impliquer la mise en place de
certaines pratiques de GRH plutôt que d’autres.
Ainsi, la configuration entrepreneuriale confirme la toute-puissance du leader, généralement
fondateur, et fait plutôt référence à un modèle de GRH arbitraire. La configuration missionnaire implique
32
une prise de décision marquée par la décentralisation et un mode de fonctionnement davantage
implicite, ce qui correspond au modèle valoriel. La configuration bureaucratique se base sur la
standardisation, des procédés ou des résultats, donc sur la mise en place de critères formels et
imposés à tous, ce qui est très proche du modèle objectivant. La configuration adhocratique mêle à la
fois différenciation et intégration, ce qui s’accommode bien d’un modèle individualisant. Enfin, la
configuration professionnelle rassemble des opérateurs qualifiés et autonomes, le modèle
conventionnaliste est donc le plus adapté.
Figure 2 : La localisation du pouvoir comme lien entre configurations et modèles de GRH
Configuration
Localisation du pouvoir
Modèle de GRH
entrepreneuriale
Sommet stratégique
arbitraire
missionnaire
Pas d’acteur dominant
valoriel
bureaucratique
Analystes et sommet stratégique
objectivant
adhocratique
Opérateurs qualifiés, ligne hiérarchique
individualisant
professionnelle
Opérateurs qualifiés
conventionnaliste
(Source : Nizet et Pichault, 2000, p. 164)
Cependant, les continuités logiques mises en évidence ci-dessus sont de l’ordre de la réflexion
théorique. En effet, les situations de discontinuités empiriques sont fréquentes, et les auteurs expliquent
ces décalages notamment :
- par l’influence de l’environnement (marché du travail, législations en vigueur, marché des
biens et services, contexte culturel et technologie) ;
- par l’influence des orientations stratégiques de l’organisation aux niveaux business et
corporate sur les politiques de gestion des ressources humaines ;
- et par un décalage temporel possible entre les différentes variables, chacune évoluant à
son propre rythme (dans le texte, les auteurs s’attardent davantage sur le décalage entre
les mutations de la configuration organisationnelle d’un côté et du modèle de GRH de
l’autre.)
Ils proposent ainsi une grille de lecture contingente pour la gestion des ressources humaines,
qui met en évidence les relations entre GRH, configuration et facteurs de contingence12. Mais J. Nizet et
F. Pichault n’arrêtent pas leur raisonnement à cet endroit, lui reprochant d’offrir une vision trop
mécaniste de la réalité : les discontinuités apparaissent uniquement comme « le fruit d’ajustements
mécaniques à l’influence de multiples facteurs de contingence. » (2000, p. 213) En effet, ce serait sans
tenir compte du rôle que les acteurs peuvent jouer dans une organisation et des stratégies que ceux-ci
élaborent. Ils proposent ainsi une vision plus constructiviste des pratiques de gestion des ressources
humaines, en examinant la manière dont les acteurs mobilisent des éléments de contexte pour faire
basculer les modèles de GRH13.
Cette grille est établie sur base du développement de J. Nizet et F. Pichault et est présentée en annexe D.
L’intégralité du raisonnement des auteurs dépasse le cadre de cette recherche. Le lecteur intéressé peut se plonger dans
la lecture de l’ouvrage de J. Nizet et F. Pichault (2000) pour poursuivre sa réflexion.
12
13
33
Ainsi se termine ce chapitre de revue de littérature, qui s’est efforcé au long de ces quelques
pages de brosser un état de la question, de donner au lecteur des repères afin d’aborder la question de
recherche. Cette revue de littérature a également permis de soulever bon nombre de problématiques ou
d’interrogations liées à la question de recherche, et plus largement à la gestion des ONG de
développement. Il convient dès lors de construire une réflexion à partir de ces questionnements, qui
puisse mener à la formulation d’hypothèses de travail et à l’élaboration d’un modèle à tester.
Cette réflexion part de deux constats. Premièrement, les ONG de développement doivent se
professionnaliser, c’est-à-dire renforcer les compétences au sein des équipes, introduire ou améliorer
les pratiques de gestion et avoir recours au salariat pour diverses fonctions. Deuxièmement, les ONG
de développement peuvent puiser des pratiques de gestion dans d’autres secteurs mais il est
nécessaire que ces pratiques soient adaptées aux spécificités de ce type d’organisation, telles que la
structure particulière d’objectifs.
Ensuite, posant l’hypothèse que cette structure particulière d’objectifs peut s’exprimer par une
tension entre mission et viabilité organisationnelle, je me suis posée la question de savoir sous quelles
formes et à quels endroits dans l’organisation cette tension peut apparaître afin de mettre en évidence
d’autres facteurs qui peuvent influencer les pratiques de gestion dans une ONG de développement.
Cette tension peut d’abord s’exprimer entre deux registres de valeurs, celui du militantisme et
celui du professionnalisme, soit entre deux catégories d’acteurs davantage portés par les valeurs de
l’un ou de l’autre. Cette tension peut également se poser entre des structures n’évoluant pas dans le
même contexte et qui ne sont donc pas confrontées aux mêmes risques de la professionnalisation.
Enfin, la gestion de cette tension est liée à la logique d’intervention, aux priorités de l’organisation dans
sa démarche de développement. Tous ces aspects sont susceptibles d’avoir une influence plus ou
moins grande d’abord sur la structure d’organisation, ensuite sur le choix des pratiques de gestion, et
notamment de gestion des ressources humaines.
Ces quelques étapes dans la réflexion à partir des questions évoquées dans la revue de
littérature m’ont donc permis de formuler des hypothèses de travail et d’articuler celles-ci dans un
modèle d’analyse à tester. Cette démarche fait l’objet du chapitre suivant.
34
CHAPITRE 2
LE MODÈLE D’ANALYSE
La revue de littérature réalisée dans le chapitre précédent permet de soulever de nombreuses
problématiques liées à la gestion des ONG de développement. Un élément particulier a retenu mon
attention afin d’énoncer la question de recherche de ce travail, à savoir la structure particulière
d’objectifs des organisations d’économie sociale, et des ONG, structure d’objectifs caractérisée par la
coexistence de buts parfois divergents. Comme énoncé dans l’introduction, cet aspect spécifique sert
de point de départ à la problématique étudiée qui traite de la manière dont la coexistence entre viabilité
organisationnelle et accomplissement de la mission se traduit au niveau de la structure d’organisation et
des pratiques de gestion des ressources humaines d’une ONG de développement.
Aborder cette question revient à répondre à un « comment ? », et prévoit donc de s’attarder sur
des mécanismes, sur la manière dont certains éléments interagissent avec d’autres ou les influencent.
Sur base des lectures réalisées et dans une bien moindre mesure, de l’intuition, j’ai mis en évidence
quelques facteurs qui peuvent influencer le mécanisme étudié. Ceux-ci sont traduits en hypothèses qui
apportent des éléments de réponse sur la manière dont un aspect spécifique des ONG de
développement –la structure d’objectifs particulière- influe sur la structure et les pratiques de gestion
des ressources humaines.
Afin de répondre à la question principale, une série d’hypothèses, de réponses provisoires ont
donc été formulées Celles-ci, au nombre de cinq, sont articulées dans un modèle d’analyse proposé à
la fin de ce chapitre.
La première hypothèse concerne la structure d’organisation des ONG de développement.
Certains sont en effet tentés de caractériser les ONG de développement comme relevant uniquement
de la configuration missionnaire, au sens de J. Nizet et F. Pichault, c’est-à-dire comme des
organisations caractérisées par une nette prédominance des buts de mission (ceux qui concernent les
clients ou les bénéficiaires) sur les buts de système (ceux qui concernent l’organisation), du fait de
l’importance de l’idéologie, des buts de mission et des valeurs véhiculées dans l’organisation ou en
dehors de celle-ci. Les ONG de développement présentent en effet certains traits de cette configuration
mais cette affirmation est à nuancer dans un contexte marqué notamment par la professionnalisation
croissante des organisations d’économie sociale et par les changements au sein du personnel qui ne
compte plus exclusivement des personnes animées par les seuls objectifs de l’organisation et prêtes à
mettre au second plan leurs objectifs professionnels propres. Les ONG de développement présentent
également des traits relatifs à d’autres configurations : l’adhocratique et la professionnelle,
caractéristiques telles qu’une structure flexible, des opérateurs compétents avec un haut niveau de
formation et valorisés pour le contenu de cette formation, un système de buts pas complètement
intégré, etc.
Comme explicité dans la revue de littérature, les ONG de développement présentent une
structure d’objectifs particulière, découlant de la finalité sociale de l’ONG. La deuxième hypothèse
formulée suppose que le système de buts, l’articulation des objectifs se caractérise par une tension
présente entre les buts de système et les buts de mission, entre la viabilité de l’organisation et
l’accomplissement de la mission, entre les moyens d’exister et la raison d’exister, tension qui est
assimilée à un conflit entre réalisme managérial et idéal associatif, voire entre différents acteurs, par
35
exemple les équipes du Nord plus proches de préoccupations organisationnelles et les équipes du Sud
davantage portées par l’accomplissement de la mission.
Si cette tension peut se cristalliser entre différents acteurs ou groupes d’acteurs, cela résulte du
fait que ceux-ci n’évoluent pas dans le même contexte ou présentent des expériences ou des vécus
différents. Les deux hypothèses suivantes, davantage fondées sur l’intuition, explorent cet élément. En
effet, la troisième hypothèse s’attarde sur les contextes de travail des équipes au Nord et au Sud. Elle
suppose que la tension est perçue ou vécue différemment du fait des pressions qui pèsent plus
fortement sur les équipes dans leur contexte particulier, et que la réponse apportée à cette tension peut
également être de nature différente. Par exemple, la pression sur la viabilité organisationnelle est plus
forte, plus importante au Nord qu’au Sud et cela peut impliquer que le risque de détournement de la
mission y soit également plus fort. Cette pression est fortement liée aux données spécifiques du siège
et du terrain dans leur rapport à leur environnement.
La quatrième hypothèse quant à elle s’attarde davantage sur l’individu. Chaque acteur est porté
par des dimensions propres (identité culturelle, contexte, objectifs et intérêts propres, représentation
des autres et de son environnement). Celles-ci amènent les acteurs à percevoir les objectifs
organisationnels de manière différente, à accorder leur priorité à certains objectifs plutôt qu’à d’autres,
donc à répondre à la tension entre les objectifs de manière différente. Cela peut amener à mettre en
place une structure d’organisation et des pratiques de gestion différentes selon les individus en
présence, ou inversement, les individus, par leurs comportements propres, peuvent également avoir
une influence sur la structure et les pratiques qui se mettent en place dans l’organisation. Cette
hypothèse rejoint en partie l’approche constructiviste dont J. Nizet et F. Pichault font mention (1995),
approche selon laquelle « l’organisation et l’environnement sont créés ensemble au travers des
processus d’interaction des membres de l’organisation. » (Nizet et Pichault, 1995, p. 194)
Enfin, la dernière hypothèse explore l’influence que peut avoir une certaine conception du
développement soutenue par l’ONG sur la structure et les pratiques de gestion. Elle suppose que cette
conception du développement ou les valeurs que l’organisation associe à une démarche de
développement peuvent influencer le fonctionnement de l’organisation et les pratiques en place, par
exemple en termes de relations interpersonnelles, en termes de processus de prise de décision ou de
participation, etc.
Les hypothèses formulées, il reste à les soumettre à l’épreuve des faits, afin de les infirmer ou de
les confirmer, en gardant en mémoire que l’idéal serait de dégager de ce modèle d’analyse une
nouvelle configuration organisationnelle qui intègre un modèle de gestion des ressources humaines
propre et qui ait assimilé les spécificités des ONG de développement, dont la structure d’objectifs
particulière. Afin de se rapprocher de cet objectif, ambitieux du seul fait de la diversité des ONG de
développement, je voudrais pouvoir mettre en évidence des caractéristiques communes sur lesquelles
construire une nouvelle configuration organisationnelle. En me basant ensuite sur les cohérences
supposées par J. Nizet et F. Pichault entre configurations et modèles de GRH, et en incluant des
résultats obtenus quant aux autres facteurs d’influence (acteurs, contextes de travail, conception du
développement), il devrait être possible de dégager des traits généraux en ce qui concerne les
pratiques de gestion des ressources humaines.
La mise à l’épreuve des faits, l’observation, l’analyse et la discussion des résultats font l’objet de
la partie suivante.
36
FIGURE 3 – LE MODÈLE D’ANALYSE
Question de recherche
Comment la tension entre accomplissement de la mission et
viabilité organisationnelle se traduit au niveau de la
structure d’organisation et des pratiques de GRH dans une
ONG de développement ?
Configuration
La configuration n’est pas systématiquement
missionnaire, elle peut être professionnelle et/ou
adhocratique. La mobilisation idéologique n’est donc
plus le ciment de l’organisation et une tension
système-mission peut apparaître
Acteur
Système de buts conflictuel
Buts de mission
Accompliss. mission
Idéal associatif
Raison d’exister
Rationalité sociale
⇔
⇔
⇔
⇔
⇔
Buts de système
Viabilité organisation
Réalisme managérial
Moyens d’exister
Rationalité économ.
Equipe Sud ⇔ Equipe Nord
Bénévoles ⇔ Salariés
Chaque acteur est porté par des
dimensions propres (identité culturelle,
contexte, objectifs et intérêts,
représentation de soi, de l’autre, de son
environnement). Chacun a donc sa
propre perception des objectifs
organisationnels et de la tension
système-mission.
Contexte de travail
La tension est vécue différemment du
fait des pressions qui pèsent plus
lourdement sur les équipes dans leur
contexte particulier, ce qui peut amener
à mettre en place des pratiques de GRH
différentes.
Structure d’organisation
Pratiques de GRH
La tension système-mission influence la
structure d’organisation et les pratiques de
GRH. D’autres éléments (le contexte de travail,
l’acteur, la conception du développement)
entrent également dans l’équation.
Conception du développement
La conception du développement et les
valeurs que l’organisation associe à une
démarche de développement peuvent
influencer le choix des pratiques de gestion
à mettre en place.
37
PARTIE PRATIQUE
Etude de cas : les ONG SOS Faim et Iles de Paix
La
réalisation
de
la
partie
pratique répond à un objectif simple,
celui de mettre à l’épreuve des faits le
modèle
d’analyse
élaboré
dans
le
chapitre précédent, afin de montrer
dans quelle mesure le cadre théorique
mobilisé peut apporter des éléments de
compréhension,
d’intelligibilité
et
éclairer la vision de la question de
recherche.
Chapitre 3 – La méthodologie
Chapitre 4 – Les observations et les résultats
38
CHAPITRE 3
LA MÉTHODOLOGIE
Le modèle d’analyse présenté au chapitre précédent est construit dans le but d’étudier la manière
dont la coexistence entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission se traduit au
niveau de la structure d’organisation et des pratiques de gestion des ressources humaines dans une
ONG de développement. Ce modèle pourrait a priori s’appliquer à n’importe quelle ONG, quelque soit
sa taille, sa structure, sa localisation géographique, sa branche d’activité, sa logique d’intervention, etc.
Cependant, afin de le mettre à l’épreuve des faits, de le confronter à la réalité observable, et vu la
diversité des ONG de développement, il est essentiel de circonscrire l’objet d’étude, de préciser sur quel
type d’organisation les hypothèses formulées sont testées afin d’obtenir les données nécessaires pour
infirmer ou confirmer les suppositions.
Ce chapitre se veut donc répondre à trois questions : quelles organisations sont observées et
pourquoi ? Quelles méthodes d’observation sont utilisées ? Et concrètement, comment la récolte
d’informations s’est déroulée ?
Comme explicité dans le premier chapitre de ce travail, le secteur des ONG de développement
est vaste, et surtout très diversifié. De ce fait, ce travail adopte une méthodologie « étude de cas » pour
deux raisons : la question de recherche n’appelle pas à une étude quantitative et la diversité des ONG
de développement rend difficile la construction d’un échantillon raisonnable en nombre qui soit vraiment
représentatif du secteur. Il convient donc d’opérer un choix, de circonscrire le champ d’analyse, de
définir certains critères sur lesquels se baser afin d’isoler un échantillon dans cette ensemble hétéroclite
d’organisations. Certains de ces critères sont établis de manière péremptoire par choix personnel ;
d’autres découlent d’une nécessité méthodologique afin que l’observation apporte des données
utilisables pour soumettre le modèle d’analyse à l’épreuve des faits.
Ainsi, un souhait personnel porte mon choix sur des ONG de développement belges implantées
au Sud, particulièrement en Amérique Latine. Cela répond à une envie de m’intéresser à une réalité
autre, ayant déjà approché une ONG active en Afrique (République Démocratique du Congo) dans un
travail antérieur. Les autres critères répondent quant à eux à des impératifs méthodologiques. En effet,
il a d’abord été décidé que les ONG étudiées présenteraient une structure bipolaire avec une équipe en
Belgique et une autre sur le terrain constituée d’autochtones. Ensuite, vu que l’étude porte sur la
structure d’organisation et les pratiques de gestion des ressources humaines, la taille de l’organisation,
notamment en termes d’effectifs est importante afin d’assurer l’existence d’une politique de GRH
minimale, qu’elle soit formelle ou non. Ces trois critères, couplés à la volonté des ONG elles-mêmes de
participer à cette étude, ont permis d’isoler deux organisations : SOS Faim, active notamment au Pérou,
et Iles de Paix, présente en Equateur.
Qu’en est-il dès lors des méthodes utilisées afin de récolter l’information nécessaire à la mise à
l’épreuve des faits du modèle d’analyse ? Etant donné le type d’informations requises et le temps
relativement limité à ma disposition, les instruments d’observation mis en pratique relèvent
principalement de l’observation indirecte, dans la mesure où je m’adresse aux sujets pour récolter
39
l’information recherchée14. Par ailleurs, vu le caractère non mesurable des informations à collecter et le
nombre peu élevé d’organisations étudiées, la récolte d’informations se fait exclusivement par le biais
de méthodes qualitatives.
Ainsi, une partie mineure des informations est récoltée via une observation directe, par ma
participation, en Amérique Latine uniquement, à quelques réunions internes à l’organisation ou
rencontres entre les organisations et leurs partenaires. Si les informations récoltées lors de ces
échanges sont essentielles, elles représentent une part moindre par rapport aux informations récoltées
via les autres méthodes d’observation indirecte.
D’autres données sont en effet glanées par le biais de l’examen de documents divers émanant
des organisations elles-mêmes ou d’organismes externes, et mis à ma disposition par les ONG15. La
lecture de ces documents m’a permis d’avoir une première approche du fonctionnement de
l’organisation, de ses activités, tant en Belgique que sur le terrain, ce qui a mis en évidence les aspects
à creuser et a fortement aidé l’élaboration du guide d’entretien.
Enfin, la méthode la plus utilisée, et qui a permis de récolter la majeure partie de l’information, est
l’entretien avec les membres des organisations et avec leurs partenaires sur le terrain. Tous les
entretiens menés sont semi-directifs ou structurés, c’est-à-dire qu’ils ne sont « ni entièrement ouverts,
ni canalisés par un grand nombre de questions précises. » (Quivy et Van Campenhoudt, 1995). Ces
entretiens sont dirigés par un guide d’entretien reprenant les différents thèmes à approfondir détaillés
en questions ouvertes, ce qui exige une préparation en amont. La méthode de l’entretien semi-directif
offre l’avantage d’un contact direct avec l’interlocuteur et lui laisse une grande liberté de réponse. Elle
donne également la possibilité de recueillir indirectement des opinions, sentiments personnels,
motivations, impressions, etc. Par ailleurs, ce type d’entretien permet à tout moment de relancer
l’interlocuteur sur des thèmes qui n’ont pas été abordés de manière assez précise, de recentrer la
discussion autour des hypothèses de travail ou de couper court aux digressions. Il privilégie donc la
richesse et la quantité d’informations en permettant à la personne interrogée de s’exprimer librement.
Ces entretiens semi-directifs ont été menés avec diverses personnes de chaque équipe en Belgique et
en Amérique Latine.
Concrètement, comment la prise de contact et la récolte d’informations se sont-elles déroulées ?
Après avoir déterminé le type d’ONG de développement avec lesquelles je souhaitais travailler, j’ai pris
contact par courriel avec onze ONG actives en Amérique Latine qui semblaient correspondre au profil
recherché. Sur ces onze organisations contactées, sept m’ont répondu, dont deux positivement : SOS
Faim, active au Pérou, en Equateur et en Bolivie, et Iles de Paix, présente en Equateur.
Une première entrevue avec des responsables de chaque ONG a permis de clarifier quelque peu
les objectifs de ce travail ainsi que mes attentes par rapport à leur participation. Sur base d’un
document reprenant les modalités d’entretien (durée, contenu) et les personnes que je souhaitais
rencontrer, le programme des entretiens en Belgique a été fixé avec chaque organisation, celui des
rencontres en Amérique Latine ayant été fixé avec les équipes locales dès mon arrivée sur place16.
14 En effet, il m’était impossible de passer assez de temps au sein de chaque organisation pour m’imprégner de son
fonctionnement et ainsi procéder à la récolte d’informations sans passer par les membres des organisations eux-mêmes.
15 Ces documents sont divers : rapports d’activités, règlements de travail, publications des ONG, évaluations internes et
externes, rapports de mission, charte, … Ces documents sont listés dans le programme détaillé des rencontres avec les
ONG en annexes E et F.
16 Un programme détaillé de toutes les rencontres avec les ONG se trouve en annexes E et F.
40
L’étape suivante a consisté en l’élaboration du guide d’entretien17. Le guide de base comporte
plusieurs parties qui regroupent des questions destinées à éclairer chaque hypothèse. La première
série de questions a trait à l’organisation et à son contexte. Elle porte sur les variables structurelles,
contextuelles et politiques afin de dégager la structure d’organisation, de mettre en évidence les
pratiques mises en place (et notamment les pratiques de gestion des ressources humaines), de mettre
en avant les objectifs de l’organisation et de faire ressortir le contexte dans lequel l’organisation évolue
et les individus travaillent. La finalité est de dégager la configuration de l’organisation et d’avoir un
aperçu solide des pratiques en œuvre. La deuxième série de questions porte sur l’acteur, l’individu et a
pour objectif de dresser une typologie des acteurs en présence et de tenter de mettre en évidence les
dimensions propres des acteurs, dont leurs objectifs, motivations, intérêts, priorités. Enfin, une dernière
série de questions porte sur la conception de la personne par rapport au projet de développement et à
la démarche de professionnalisation. Ce guide d’entretien de base a permis de récolter des
informations sur le mode de fonctionnement de l’organisation, les opinions des membres, leur manière
de percevoir l’organisation, etc. Il est également la base sur laquelle je me suis appuyée afin d’élaborer
un second guide d’entretien destiné aux équipes de terrain et construit après lectures de documents sur
place.
En Belgique, les personnes rencontrées dans chaque organisation sont les suivantes18 : le
secrétaire général, le responsable projet « Amérique Latine » et/ou le responsable du service
« projets », le responsable campagne, le responsable administration et finances, le responsable récolte
de fonds et le responsable éducation au développement. Le guide d’entretien n’a pas été proposé tel
quel à chaque membre de l’organisation mais a fait l’objet d’ajustements en fonction de la personne, de
sa fonction et de son expérience de l’organisation. C’est pourquoi la durée des entretiens est variable,
allant d’une demi-heure à plus de deux heures et totalisant plus de quinze heures d’entretiens.
En Amérique Latine, un séjour d’environ dix jours dans chaque ONG a été prévu afin de
rencontrer les équipes locales, de visiter les projets et d’échanger avec les partenaires et bénéficiaires
des actions de chaque ONG. Chaque séjour a débuté par quelques jours de lectures de divers
documents mis à ma disposition : rapports annuels, publications, évaluations de projets, évaluations du
fonctionnement, etc. Ces lectures m’ont permis d’adapter le guide d’entretien élaboré en Belgique au
contexte des antennes locales. Les personnes des ONG rencontrées sont les suivantes : les
responsables des antennes locales, les chefs de projets, un expatrié (dans l’une des ONG), les
comptables et responsables de l’administration et des finances, le responsable du service information.
A nouveau, le guide d’entretien a été adapté en fonction de chaque personne et les entretiens ont duré
d’une vingtaine de minutes à près de deux heures, totalisant plus de quinze heures également.
Les entretiens menés m’ont donc permis de rencontrer deux types de personnes, à savoir des
« consultants » qui possèdent une approche plus générale de l’organisation ou de la problématique,
ainsi que des « récitants » qui m’ont raconté leur vision, la manière dont eux vivent la situation. Les
conditions d’entretien avec les membres des ONG en Belgique et en Amérique Latine ont été très
positives. Généralement, les entretiens se sont déroulés en tête-à-tête, dans des locaux calmes et
isolés. Avec accord des personnes interrogées, les dialogues ont été enregistrés, ce qui m’a permis un
traitement de l’information précis et complet.
Enfin, lors des deux séjours au Pérou et en Equateur, six jours ont été consacrés à la visite de
partenaires ou bénéficiaires des actions des deux ONG. J’ai ainsi eu la possibilité d’échanger avec de
17
18
Les différents guides d’entretien sont présentés en annexes G, H et I.
Pour plus d’informations, voir les programmes d’entretiens en annexes E et F.
41
nombreuses personnes sur la relation qu’ils entretiennent avec les ONG, sur les réalisations des projets
et sur leur opinion quant au travail effectué en partenariat avec les ONG, afin de confronter les propos
des équipes à ce que les partenaires et bénéficiaires ressentent. Pour ces rencontres, un guide avec
les points à aborder a également été élaboré mais la plupart des entretiens se sont déroulés de
manière informelle, lors de discussions avec les différentes personnes, que ce soient des discussions
en aparté ou avec des groupes plus importants.
La méthodologie mise en œuvre a donc permis de récolter énormément d’informations
nécessaires à l’observation et à la mise à l’épreuve des faits du modèle d’analyse. Face à cette
multitude de données, la question qui s’est alors posée a concerné le traitement de l’information,
particulièrement les entretiens. Après avoir longuement réfléchi à la manière la plus optimale de traiter
cette trentaine d’heures d’entretiens en français et en espagnol, j’ai décidé de ne pas retranscrire
intégralement les interviews, mais de produire pour chacune d’elle un document manuscrit synthétique,
en style télégraphique, qui reprend les points intéressants et pertinents pour cette étude19. Cela a
permis de fortement réduire le temps imparti aux traitements des données. Ces notes manuscrites, ainsi
que les informations récoltées lors de mes discussions avec les partenaires ou via la lecture de divers
documents ont été fort précieuses pour rédiger les études de cas de chaque ONG présentées dans le
chapitre suivant.
Cette retranscription, bien que synthétique, comporte des centaines de page, c’est pourquoi je ne juge pas utile de les
joindre à ce travail.
19
42
CHAPITRE 4
LES OBSERVATIONS ET LES RÉSULTATS
Comme explicité dans le chapitre méthodologique, les études de cas se basent sur l’observation
de deux ONG de développement, SOS Faim et Iles de Paix, qui répondent toutes deux aux critères
établis afin de choisir l’échantillon. L’objectif de cette partie pratique est de confronter la théorie à des
réalités de terrain pour percevoir dans quelle mesure le cadre théorique peut apporter concrètement
des éléments de compréhension et d’action.
Ce chapitre traite isolément les deux cas, en s’attardant d’une part sur les observations, d’autre
part sur les résultats. Les observations consistent en un condensé de la multitude d’informations
récoltées sur chaque organisation via les entretiens, l’observation directe, la lecture de documents, etc.
Ces sections sont donc le fruit d’un travail de synthèse conséquent pour lequel je me suis efforcée de
garder une distance afin de livrer une matière « brute » et de n’y apporter aucun élément
d’interprétation de ma part. Les résultats quant à eux structurent les observations dans le cadre
théorique mobilisé afin de constater de manière objective dans quelle mesure chaque organisation
infirme ou confirme les hypothèses du modèle d‘analyse. Il convient de préciser que les sections
consacrées aux résultats permettent de porter un regard sur une réalité de terrain, et non un jugement.
A ce stade de la recherche, l’exercice ne consiste donc ni en une comparaison des deux
organisations, ni en l’interprétation des observations, mais bien en l’observation objective de celles-ci
afin de tester le modèle proposé. Une discussion des résultats est proposée dans le chapitre suivant
afin de les mettre en perspective, de les interpréter et de les confronter au contexte de cette recherche.
Section 1.
Le cas SOS Faim
Le premier cas observé est l’ONG Sos Faim, dont le siège est basé à Bruxelles et qui travaille
avec des partenaires en Afrique, en Bolivie, en Equateur et au Pérou. Celle-ci soutient des initiatives en
milieu rural et participe au renforcement des partenaires de terrain.
1.1.
Les observations
Historique et activités : SOS Faim a été fondée en 1964 et est une ONG de taille moyenne dans
1—
le champ des ONG belges. Elle soutient, dans une logique de partenariat, des associations du sud qui
développent leurs propres initiatives afin d’améliorer les conditions de vie, en milieu rural
principalement. Par ailleurs, l’organisation mène un travail de sensibilisation et d’information dans les
régions du Nord, par le biais de publications et de campagnes de sensibilisation. En 1993, une
association sœur est fondée au Luxembourg et les deux organisations travaillent désormais ensemble
sur une partie des projets. Deux représentations locales ont également été créées, l’une en Bolivie et
l’autre au Pérou.
2—
Evolutions : Des évolutions majeures ont eu lieu, surtout depuis une dizaine d’années, lorsque
s’est opéré un changement de direction. Au niveau des activités, SOS Faim s’est spécialisée : le
43
nombre de zones géographiques investies a diminué, la logique d’appui s’est affinée et un recentrage
sur certains axes de travail a eu lieu. Concernant la structure, celle-ci est passée d’une forme en râteau
fortement centralisée, à une forme décentralisée, avec des départements, et qui permet une plus
grande délégation, responsabilisation et un pouvoir de décision plus important des chefs de service et
des autres membres de l’organisation. Des aménagements dans la répartition des tâches ont
également été opérés, des personnes du Sud sont désormais associées aux instances de décision et le
volet Nord (récolte de fonds et information) s’est fortement développé. Du point de vue des pratiques de
gestion, celles-ci ont permis plus de transparence et plus de professionnalisme. Sous l’impulsion des
bailleurs de fonds notamment, les contraintes administratives se sont alourdies. Certains outils,
notamment informatiques, ont été introduits et un certain degré de formalisation a été insufflé. En ce qui
concerne les mentalités, les valeurs fondatrices (respect de l’autonomie des partenaires, écoute,
disponibilité, accompagnement, etc.) restent inchangées mais l’équipe est devenue multiforme et
correspond plus ou moins à une structure qui présente un noyau stable d’anciens et un groupe de plus
jeunes, où la rotation du personnel est importante, sans réelle « couche » intermédiaire entre ces deux
« générations ». D’un point de vue général, l’ONG s’est professionnalisée dans toute une série de
matières et a évolué vers un mode de gestion moins rigide.
3—
Organigramme : L’organisation présente les instances classiques de la plupart des
associations : une assemblée générale, un conseil d’administration et une structure permanente. Des
membres des représentations du Sud sont associés aux instances. A la tête de la structure permanente
se trouve le secrétaire général, également membre du conseil d’administration, qui dispose à ce titre
d’une fonction politique importante et assume par ailleurs un rôle de direction, de support à l’équipe,
d’animation de l’équipe et une responsabilité de gestion quotidienne. Au-dessous de lui se trouvent les
différents services, à la tête desquels il y a un responsable (deuxième niveau de direction) qui organise
son service et coordonne une poignée d’employés. Les représentations locales se trouvent au même
niveau hiérarchique que les employés du service appui partenaire, sous la responsabilité du chef de ce
service. Les différents services sont : le service appui partenaires (divisé en fonction des zones
géographiques), le service information et éducation au développement, la récolte de fonds, le service
administration et finances et le secrétariat.
4—
Opérateurs : Les membres de l’organisation sont amenés à effectuer un nombre élevé de
tâches différentes avec une grande autonomie d’action, une possibilité de prise d’initiative ou de
proposition importante. Les personnes présentent dans l’ensemble un haut niveau de qualifications.
5—
Communication interne : La communication, dans l’ensemble, se passe de manière informelle,
tant entre les personnes, qu’entre les départements : peu de choses sont formalisées pour que les gens
se rencontrent mais ce n’est pas nécessaire car la structure est petite, bien que la physique du
bâtiment, toute en verticalité, ne facilite pas la communication directe entre les services. La
communication entre le siège de SOS Faim Belgique et les représentations locales ou l’association
luxembourgeoise a principalement lieu par mail et des visites, missions ou rencontres sont organisées
quelques fois par an, en Belgique, au Luxembourg ou sur le terrain.
Des temps formels sont également aménagés : une réunion « Agenda » hebdomadaire a lieu
tous les lundis matin (en Belgique ainsi qu’au Pérou) afin que chaque membre de l’équipe informe les
autres de ce qui s’est passé lors de la semaine écoulée et de ce qui est prévu pour la semaine à venir ;
une réunion des chefs de services existe également, mais uniquement sur le papier à ce jour. Dans
certains départements, les membres se sont également aménagés un temps de réunion, soit de
44
manière hebdomadaire, soit de manière plus espacée (par exemple, les comités appui partenaires).
Depuis peu s’organisent également des temps de rencontre à midi, les « midis de Virginie », afin de
discuter de thématiques diverses qui touchent à l’objet social de l’organisation. L’équipe est également
en train de remettre sur pied une newsletter destinée à SOS Faim Belgique et SOS Faim Luxembourg
afin d’en faire un outil d’information électronique mensuel. Le site internet est également conçu pour
être une source d’informations, tant en externe qu’en interne.
En Amérique Latine, la communication avec les partenaires est fréquente et se passe en
majorité par mail ou téléphone. Les responsables de projets visitent également les partenaires, trois à
quatre fois par an. L’équipe rédige aussi environ quatre fois par an un feuillet d’information sur les
évènements de SOS Faim et sur les problématiques qui les intéressent, ce feuillet est également
distribué auprès des partenaires.
6—
Prise de décision : La prise de décision suit un schéma assez semblable dans l’ensemble de
l’organisation. Les décisions stratégiques se passent formellement au niveau de l’assemblée générale
et du conseil d’administration, en dehors de l’équipe permanente, même si elle peut apporter des
éléments ou influencer la prise de décision. Les décisions managériales sont également prises au
niveau du conseil d’administration. Les décisions opérationnelles sont prises au niveau des
départements, par le coordinateur ou par la personne concernée. Chacun dispose dans son domaine
d’une grande liberté de prise de décision, et le conseil d’administration fait un travail de suivi. Certaines
décisions plus importantes sont prises de manière collégiale (par exemple, la décision de commencer
ou d’arrêter un partenariat se prend de manière collégiale au sein du Comité Appui Partenaires, après
que les représentations locales (dans le cas de la Bolivie et du Pérou) aient effectué une première
sélection). Mais si le principe démocratique « une personne = une voix » est d’application dans les
processus de prise de décision collégiale, le pouvoir d’influence de chaque membre de l’organisation,
selon son expérience, son ancienneté ou sa position dans l’organisation joue dans ce processus.
7—
Formalisation : Le degré de formalisation augmente de plus en plus mais davantage sous des
impulsions extérieures. L’organisation entreprend actuellement un travail de mise en commun et de
formalisation par écrit de procédures existantes. Il existe pour le moment surtout des procédures
formalisées là où il y a des risques (par exemple, procédures de contrôle interne et de fonctionnement).
SOS Faim possède également un document général qui a peu évolué et qui reprend la stratégie, les
axes de travail prioritaires, les aires géographiques et la logique de partenariat. En Amérique Latine,
peu de choses sont clairement formalisées mais ce qui l’est permet aux collaborateurs de pouvoir se
référer à un cadre clair.
8—
Environnement : L’environnement est globalement plus menaçant depuis une dizaine d’années
pour les ONG en général, du fait de la remise en question par diverses parties prenantes, de la
dégradation de l’image de celles-ci auprès du public et d’une exigence d’une plus grande
professionnalisation au détriment de la dimension politique. Le climat avec la coopération belge s’est lui
amélioré. Les ONG sont également davantage mises en concurrence que par le passé, tant entre elles
(notamment en ce qui concerne les financements de l’Union Européenne) que par rapport à d’autres
acteurs (bureaux d’études par exemple). Le contexte politique de l’Amérique Latine influence l’image
que les pays du Nord ont des pays d’Amérique Latine et peut avoir une incidence sur les financements
octroyés. Cependant, l’aspect potentiellement instable d’un point de vue politique, social ou
économique des pays dans lesquels œuvre l’ONG revêt tout de même peu d’importance par rapport
aux actions de l’ONG, peut-être du fait de l’amélioration, de la stabilisation de cet environnement. Il
45
reste cependant que les zones du Sud du Pérou dans lesquelles intervient SOS Faim sont des zones
d’extrême pauvreté.
9—
Acteurs externes : Les acteurs externes donnent un cadre dans lequel SOS Faim doit jouer et
dont l’ONG doit tenir compte (d’ailleurs, elle fonctionne beaucoup aux échéances imposées par
l’extérieur). Mais globalement, leurs influences sont positives, parfois contraignantes, mais nécessaires.
Formellement, la dépendance financière de l’organisation par rapport aux bailleurs de fonds
peut présenter un grand potentiel d’instabilité. Cependant, la réalité est plus confortable si l’on porte un
regard rétrospectif. La dépendance est davantage en termes de méthodologie ou d’exigences :
l’augmentation des contraintes administratives augmente en effet la pression. L’organisation est peu
sensible aux effets de mode et ceci n’a jamais été un facteur limitant. Les bailleurs ont donc peu
d’influence sur le contenu mais apportent plutôt des contraintes administratives.
La concurrence avec le secteur privé quant aux activités de l’ONG augmente, qui va dans le
sens de la marchandisation. Un certain secteur privé marque son intérêt pour appuyer des ONG pour
diverses raisons. Faut- il les diaboliser ou s’en formaliser ? Leur influence sur l’ONG même est
cependant assez faible : SOS Faim a quelques partenariats avec le secteur marchand (notamment pour
les publications) et un membre du conseil d’administration siège dans le Corporate Funding
Programme20. En Amérique latine, l’ONG entretient des relations avec des banques ou fonds
d’investissement privés qui travaillent dans la microfinance.
Au Nord, SOS Faim entretient de nombreuses relations avec d’autres ONG par le biais des
fédérations d’ONG, de forums, séminaires ou conférences. Elle travaille également en collaboration
avec d’autres ONG (en ce moment, avec une ONG française dans le cadre de la campagne
« Souveraineté alimentaire »). Sur le terrain, les représentations manquent peut-être de visibilité et il y a
peu de collaborations avec d’autres ONG.
L’influence des gouvernements (en tant que gouvernements et non bailleurs dans le cas de la
DGCD par exemple) est très faible. En Amérique latine, les gouvernements ont peu d’influence sur SOS
Faim car c’est une ONG internationale.
10—
Environnement culturel : Des éléments culturels interviennent dans le travail et dans les
relations entre le siège et le terrain. En Belgique, certains soulignent le côté latino un peu verbeux,
répétitif, qui prend beaucoup d’espace pour dire ou écrire les choses, ou le fait que la hiérarchie y est
plus importante ; d’aucuns pensent également que le fait que l’ONG au siège soit constituée en majorité
de Belges influence l’organisation, la communication et la coordination qui se passent de manière plus
informelle, avec peu de réunions formalisées par exemple (en comparaison à d’autres pays comme la
France notamment) et permet d’être très orienté « terrain » et « partenaires », même si cela entraîne
parfois un manque de communication. En Amérique Latine, ils mettent en avant l’orientation vers l’aide
au pays en état de pauvreté et la bonne organisation de leurs collaborateurs belges.
Contextes de travail : Les contextes de travail au Nord et au Sud sont différents ; les équipes
11—
ont des perceptions différentes des pressions qui pèsent sur l’organisation. Au siège, les personnes
sont davantage en première ligne par rapport aux bailleurs de fonds. D’une part, les contraintes liées
aux échéances ne sont donc pas les mêmes et l’équipe du siège sera plus attentive aux exigences et à
ces contraintes ; d’autre part, la préoccupation de la survie est quotidienne car la récolte de fonds a lieu
Le Corporate Funding Programme (http://www.cfp.be) est une association belge qui se veut le lieu d’une réflexion
commune entre entreprises et ONG pour stimuler le dialogue entre ces acteurs, notamment par l’intermédiaire de la récolte
de fonds pour les projets des ONG.
20
46
au Nord et la pression des bailleurs les sensibilise à la nécessité de rechercher des fonds. Sur le
terrain, les représentations subissent davantage de pressions des partenaires du fait de leur proximité.
Si les équipes du Sud sont impliquées dans l’élaboration des rapports pour les bailleurs, elles
ressentent cependant moins la pression.
12—
Missions : Les membres s’accordent sur la mission bien que chacun la définit en ses termes. La
mission, qui est double, part du constat que les relations Nord-Sud ne sont pas égales et est liée à la
question de la réduction de la pauvreté en mettant le développement humain au centre. Il s’agit : i) de
soutenir, techniquement et financièrement, et dans une logique de partenariat, des acteurs du Sud
(organisations paysannes, syndicats, associations de producteurs, etc.), porteurs de changement dans
leur société, qui contribuent à l’amélioration du niveau de vie de leurs populations et travaillent pour leur
permettre d’accéder à l’exercice de leurs droits fondamentaux (économiques, sociaux, politiques,
culturels, logement, santé, alimentation, éducation, etc.) ; ii) de réaliser un travail plus politique au Nord
de sensibilisation, d’information, de mobilisation et de lobbying pour influencer les décisions ou les
décideurs et faire changer le système de relations Nord-Sud.
13—
Autres objectifs : L’ONG n’a pas un objectif de croissance formalisé, elle semble avoir trouvé
une taille de croisière satisfaisante mais elle poursuit plutôt un objectif de consolidation, de
renforcement de la structure actuelle. L’ONG a cependant un objectif de développement institutionnel
au niveau européen à travers des stratégies diversifiées. Les objectifs d’efficience et d’efficacité ne
conduisent pas la gestion de SOS Faim bien qu’ils soient des balises vers lesquelles il faut tendre. Ce
qui guide la gestion, c’est la recherche de la qualité dans le travail et un souci de toujours s’améliorer en
interne. L’ONG reste modeste en termes de contrôle de l’environnement et essaie avec ses moyens
d’être présente où il faut ; mais l’ONG adopte une stratégie de positionnement relativement proactive
par rapport à son environnement (par exemple, elle va entrer dans un processus de réflexion
prospective pour anticiper les scénarii futurs).
14—
Structure d’objectifs : Les objectifs liés à l’organisation (croissance, survie, efficience, contrôle
de l’environnement) sont toujours recentrés sur la mission, ils sont implicitement poursuivis au service
de la mission pour maintenir les projets. Cependant, la structure SOS Faim a peut-être tendance à trop
mettre le partenaire en avant, au risque de négliger sa propre visibilité, ce qui pourrait être préjudiciable
tant pour l’organisation que pour la mission (par exemple, si une récole de fonds ne rapporte pas assez
parce que la notoriété de SOS Faim en tant qu’organisation est faible).
15—
Financement : Les sources de financements de l’ONG sont principalement la DGCD, l’Union
Européenne, le public via une récolte de fonds et des dons, et le Corporate Funding Programme.
L’ONG travaille actuellement avec un ratio fonds propres/chiffre d’affaires de l’ordre de 15 à 20%. Cela
offre l’avantage d’un volume d’activités important mais limite quelque peu leur marge de manœuvre. On
ne peut pas parler d’instabilité financière, cependant la récolte de fonds est de plus en plus difficile, ce
qui pourrait avoir des effets sur la capacité à mobiliser des fonds publics. Globalement, l’ONG est donc
en situation de stabilité financière mais elle doit rester attentive si elle veut garder une certaine marge
d’initiative propre.
16—
Allocation des ressources : Certaines règles existent pour l’allocation des ressources et elles
sont toujours à l’avantage de la mission. Outre ces quelques règles, les arbitrages dans l’allocation des
ressources aux différents postes ou entre les missions se font de manière assez intuitive sans tensions
47
excessives. L’organisation essaie de privilégier le fait de répondre à la dynamique des partenaires, ce
qui permet de respecter les besoins mais peut apporter des inconvénients si la demande dépasse les
ressources. Par ailleurs, l’organisation veille à rester cohérente avec ses lignes d’action afin de gérer au
mieux la tension entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission.
17—
Pratiques de gestion : L’ONG ne montre pas de réticences vis-à-vis des pratiques de gestion,
certains pensent que ce sont davantage les individus qui montrent une certaine résistance à des
changements dans le déroulement de leur travail par l’introduction de nouveaux outils ou la
formalisation de pratiques de gestion. Mais les individus doivent s’adapter et ces réticences restent
faibles. L’ONG a quant à elle rapidement incorporé des outils de gestion dans son fonctionnement. Les
outils et pratiques sont inspirés de ce qui se fait ailleurs en termes de procédures pour organiser le
travail dans l’équipe et revoir les procédures en place ; ils viennent aussi de l’expérience de l’ONG, de
son histoire, de l’expérience personnelle de ses membres et de leur bon sens. Les outils et pratiques
semblent adaptés car SOS Faim parvient à maintenir une certaine qualité de travail et à attirer des
collaborateurs avec des bons profils. Certains éléments du fonctionnement en Belgique sont reproduits
dans les représentations en Amérique latine mais la culture locale joue et la personnalité des
représentants influencent ceux-ci (par exemple, la hiérarchie est plus marquée et plus formalisée en
Amérique Latine).
18—
Politique de GRH : Il existe une politique de gestion des ressources humaines claire, dans le
sens où chacun sait ce que l’on attend de lui, mais elle n’est pas formalisée dans tous ses aspects
(certains éléments le sont comme le règlement de travail, les barèmes des salaires, etc.). La politique
de GRH est établie au niveau du conseil d’administration. En ce qui concerne la gestion, chaque chef
de département s’en occupe avec référence au secrétaire général. La responsable du département
administration et finances prend en charge les aspects financiers de la GRH et un secrétariat social
s’occupe des aspects administratifs.
19—
Profils salariés : L’équipe permanente est constituée uniquement de personnes salariées. Celleci est caractérisée par un noyau stable, plutôt ancien, autour duquel gravite un ensemble d’individus,
généralement plus jeunes, qui présente une forte rotation. Un vide générationnel se crée, tant au niveau
de l’équipe permanente qu’au niveau du conseil d’administration, dans lequel les plus engagés
deviennent âgés. Le même genre de configuration se dessine au Pérou. L’équipe permanente, en
Belgique et en Amérique latine, rassemble de multiples compétences (ingénieur agronome, juriste,
économiste, marketing, sciences politiques, etc.) et des profils différents, la plupart ayant tout de même
une expérience dans le développement ou l’aide humanitaire. L’âge moyen en Belgique est de 45-50
ans, la moyenne des plus jeunes tournant aux alentours des 30 ans. Il y a parité hommes-femmes.
20—
Bénévoles : Un réseau de bénévoles gravite également autour de l’organisation. Très peu de
bénévoles travaillent au siège, ceux-ci font plutôt des actions ponctuelles. Ils sont attirés grâce à un
travail de sensibilisation mené auprès des universités ou lors d’évènements ou de manifestations. Il est
difficile de fidéliser les bénévoles, il y a donc une certaine volatilité mais un noyau dur reste tout de
même fidèle. Les bénévoles sont en relation avec les salariés lors de réunions ou autres évènements,
mais ce n’est pas très régulier.
Motivations du personnel : Les motivations du personnel à s’engager dans l’ONG sont les
21—
suivantes (sans critère de classification) : volonté de travailler dans la coopération et/ou plus
48
particulièrement dans une ONG, dégoût du monde de l’entreprise, donner plus de sens à son travail, y
retrouver ce que l’on trouve dans le bénévolat, se sentir utile, pouvoir contribuer à ces dynamiques
d’amélioration des conditions de vie de communautés ou populations défavorisées, grande ouverture et
rencontres que permet ce travail, mission de l’ONG, actions entreprises et logique d’intervention,
structure de SOS Faim et climat de travail, cause défendue, travail porteur de valeurs auquel ils croient,
retour en Belgique après une expérience dans ce secteur mais à l’étranger.
22—
Incitants : Les incitants mis en œuvre chez SOS Faim pour motiver le personnel sont les
suivants (selon les personnes interrogées) : responsabilisation de chacun pour la bonne marche de
l’ONG et des actions (même si le personnel pourrait être davantage stimulé à aller au-delà) ;
reconnaissance de la part de l’organisation, des instances et des donateurs ; conditions de travail
respectueuses de la personne humaine ; objet social ; militantisme, nouveaux challenges ou
changements qui permettent d’innover et de faire évoluer les choses. Il n’y a cependant pas de
stimulants en termes de salaires ou de primes, cela est notifié dans une charte.
23—
Recrutement et sélection : La procédure de recrutement est établie mais n’est pas écrite. En
général, l’ONG publie une annonce avec un profil de poste via ACODEV ou un autre journal selon le
poste à pourvoir. Le chef du département qui recrute et le directeur cotent les CV et effectuent une
première sélection ensemble. Les candidats retenus sont invités à une réunion d’informations afin de
leur expliquer précisément en quoi consiste le poste et quelles sont les conditions. Les personnes
encore intéressées sont ensuite évaluées (test ou travail à réaliser). Les personnes retenues sur base
de cette évaluation sont ensuite convoquées à un entretien avec le chef du département qui recrute et
le secrétaire général. S’il y a encore des doutes, le président du conseil d’administration peut rencontrer
les personnes, sinon une offre est proposée au candidat présentant le profil le plus intéressant. La
procédure est très similaire en Amérique Latine. Certaines personnes ont également été engagées sur
base de candidatures spontanées, soit qui sont arrivées au bon moment, soit qui ont été gardées par
l’organisation qui a ensuite rappelé la personne. Dans la mesure du possible, les personnes engagées
doivent présenter un profil hybride (compétences et engagement, fibre sociale) et adhérer aux valeurs
organisationnelles.
24—
Gestion des départs : La gestion des départs se fait au cas par cas, l’organisation
s’accommode de la situation. Les motifs de départ sont multiples et divers. Jusqu’à aujourd’hui, les
seules personnes licenciées l’ont été sur des éléments comportementaux en décalage avec les valeurs
organisationnelles.
25—
Formations : Le personnel, tant en Belgique qu’en Amérique Latine, a la possibilité de suivre
des formations, l’organisation y est favorable et dispose d’un budget alloué à cela. Certaines formations
sont organisées en interne pour l’ensemble de l’organisation avec des formateurs extérieurs. D’autres
membres partent en formations ponctuelles en externe (séminaires, conférences, cours de langue,
etc.). Cependant, la question se pose du retour sur investissement des formations des plus jeunes qui
ne restent pas assez longtemps pour que l’organisation puisse réellement récolter les fruits de son
investissement.
26—
Gestion des carrières : Il n’y a pas de gestion des carrières car la hiérarchie est trop plate et la
petite taille de la structure ne permet pas d’offrir de nombreuses perspectives. Il pourrait y avoir une
mobilité horizontale mais ce n’est pas facile car chaque département demande des compétences
49
différentes. La plupart des membres interrogés quant à la suite de leur carrière professionnelle
l’imaginent soit chez SOS Faim, soit dans le milieu des ONG.
27—
Evaluations : Les évaluations ne sont pas formalisées, il revient à chaque responsable de
département de déterminer quand il faut faire le point avec son équipe. Cependant, parmi les
personnes interrogées, aucune n’avait déjà été évaluée. Certaines en ressentent le besoin, d’autres se
posent la question de l’utilité des évaluations dans une petite structure peu hiérarchisée.
28—
Culture organisationnelle : Il existe des éléments pour asseoir une certaine culture
organisationnelle (chartes, journées de rassemblement régulières telles qu’un forum de réflexion
associant les permanents, l’assemblée générale et le conseil d’administration sur diverses thématiques,
des rencontres entre les représentations locales et les instances, des groupes de réflexion spécifiques,
etc.). Selon les collaborateurs, les valeurs véhiculées par l’organisation sont les suivantes : esprit social,
préoccupations pour les personnes défavorisées, transparence, partenariat, respect de la personne
humaine à tous les niveaux, respect des partenaires et des pays du Sud, confiance mutuelle, volonté
d’avancer, pérennité sociale et économique, long terme, durabilité, qualité de vie dans le travail, respect
de l’autonomie des partenaires, écoute, disponibilité, accompagnement.
29—
Professionnalisation : Les membres de l’ONG sont tous convaincus de la nécessité de la
professionnalisation : il faut de la rigueur et du professionnalisme et ce qui peut renforcer la qualité du
travail est toujours bienvenu. Cependant, l’ONG doit trouver son juste équilibre pour ne pas perdre de
son implication politique et sociale, pour ne pas oublier les valeurs fondatrices, telles que le respect de
l’humain, qui font que le secteur associatif n’est pas le secteur marchand, pour que les résultats
d’efficacité n’en viennent pas à remplacer les relations humaines, pour ne pas perdre son âme. SOS
Faim a évolué vers plus de professionnalisme en introduisant des outils, pratiques, mécanismes. La
professionnalisation est gérée de manière très intuitive.
30—
Freins à la professionnalisation : Les freins à la professionnalisation mis en évidence par les
membres de l’équipe sont les suivants. La professionnalisation demande des fonds à injecter dans la
gestion, dans les outils de communication, dans les ressources humaines, le manque de ressources
peut donc être un frein. La volonté de respecter l’individu peut nourrir certaines craintes de passer à un
système de gestion plus élaboré en termes de GRH notamment. Le conservatisme ou la résistance au
changement est également un frein, bien que l’évolution de la société incite à s’adapter. La
confrontation des registres militants et professionnels n’est pas un frein car les membres gardent les
pieds sur terre et que ces registres n’entrent pas en contradiction.
31—
Risques de la professionnalisation : Les risques de la professionnalisation soulignés par les
personnes interrogées sont les suivants : perdre de vue la fin ultime, tout concentrer sur les moyens,
peur que la mission ne soit plus un projet commun malgré une volonté de travailler ensemble, se
concentrer sur le résultat et perdre la vision de long terme. Le risque de bureaucratisation est ressenti
comme limité dans l’ONG car celle-ci reste souple. Si la part attribuée à des fonctions bureaucratiques a
augmenté, elle semble se stabiliser depuis cinq, six ans. Chez SOS Faim, environ un tiers du temps de
travail des collaborateurs est consacré à la bureaucratie. Le bouleversement de l’ordre social n’est pas
un risque non plus, du fait notamment de la rotation élevée des jeunes. La tendance à professionnaliser
aussi les structures au sud peut poser problème pour les organisations qui n’ont pas les moyens
d’arriver au niveau d’exigences requis.
50
32—
Concept de développement : Les membres de l’organisation ont bien entendu chacun leur
propre définition du développement. Quelques points de convergences peuvent être mis en évidence :
durabilité, long terme, il participe à un effort de correction d’inégalités, développement économique et
social, développement humain dans une société, développement culturel, développement de la
communauté, permettre à des gens ou à des organisations d’améliorer leurs conditions de vie en
agissant sur les domaines sociaux, économiques et environnementaux, donner aux pays les moins
aisés les moyens de vivre correctement, ensemble des aspects qui font que les êtres humains peuvent
évoluer et faire évoluer leur propre société.
33—
Rôle du Nord et du Sud dans une démarche de développement : L’approche menée par SOS
Faim considère que les gens sont acteurs de leur propre développement, les initiatives doivent donc
venir d’eux. Dans ce contexte, selon les personnes interrogées, le rôle réservé au Nord est le suivant :
donner les moyens au Sud pour exprimer ses bonnes idées, permettre une meilleure situation
économique du Sud, apports en informations, apports financiers et techniques, mises en réseaux,… Le
rôle dévolu au Sud est le suivant : utiliser les énergies et les ressources (notamment humaines) locales,
apports en informations, appropriation des processus, faire un travail auprès des pouvoirs publics pour
une restructuration de l’aide, pour une augmentation des investissements, pour un renforcement des
gouvernements régionaux, pour un meilleur appui gouvernement.
1.2.
Les résultats objectifs
Après la synthèse des observations de l’ONG SOS Faim, je propose de reprendre ces éléments
et de les intégrer dans le cadre d’analyse pour mettre en évidence les résultats objectifs21. Cet exercice
permet de traiter de manière systématique chaque hypothèse de travail énoncée dans la construction
du modèle d’analyse en regard des observations afin de les confirmer ou de les infirmer après une mise
à l’épreuve des faits.
•
Première hypothèse : la configuration
La première hypothèse soutient qu’une ONG ne présente pas systématiquement une
configuration missionnaire, qu’elle mêle des caractéristiques d’autres configurations organisationnelles
et qu’à ce titre la mobilisation idéologique ne joue plus seule le rôle de ciment de l’organisation. Voyons
dès lors les traits de la structure organisationnelle de SOS Faim afin de déterminer de quelle
configuration elle s’approche.
Notons tout d’abord que SOS Faim a fortement évolué ces dix dernières années, dans le sens
d’une professionnalisation de la structure et des pratiques (observation 2), processus accepté en
théorie mais pour lequel l’organisation doit trouver un équilibre afin de ne pas altérer son identité
(observation 29). L’ONG est ainsi passée d’un modèle de gestion en râteau, plutôt rigide, à une forme
structurelle départementalisée plus souple. Les ressources humaines ont également changé de
visage : l’équipe a évolué vers une certaine bipolarité, présentant un pôle plus « ancien » et plus stable
et un autre plus « jeune » et plus volatile (observation 2).
21
Pour faciliter la lecture, voir le modèle d’analyse (p. 37) ainsi que les annexes B, C et D.
51
Les opérateurs de SOS Faim sont polyvalents et réalisent un grand nombre de tâches différentes
(observation 4). Cependant, les postes de chacun nécessitent des compétences spécialisées, ce qui
explique par exemple la difficulté de mettre en place des processus de mobilité horizontale (observation
26). Le personnel dispose par ailleurs d’une grande latitude dans l’organisation de leur travail, d’une
certaine autonomie d’action, d’un réel pouvoir d’initiative et d’une possibilité de suggestion et de
recommandation importante vis-à-vis de leurs supérieurs ou de leurs collègues, que ce soit dans la
conception ou dans l’exécution des projets (observation 4). Ces observations sont signes d’une
division horizontale forte et verticale faible.
La structure est caractérisée par une décentralisation en départements. Les départements, de
petite taille, sont organisés sur base des activités exercées par SOS Faim ou par fonctions (secrétariat,
service appui partenaires, service éducation au développement, service relations donateurs, service
administration et finances) (observation 3). Il s’agit donc d’une départementalisation par input. Par
ailleurs, le nombre d’échelons hiérarchiques est peu élevé et le nombre de départements est important
par rapport à la taille de l’ONG, ce qui révèle une différenciation horizontale forte et verticale faible.
Dans une structure de taille moyenne et en présence d’opérateurs qualifiés disposant d’un degré
d’autonomie important, SOS Faim a mis en place des mécanismes de coordination adéquats, tant entre
les opérateurs qu’entre les départements. Ces mécanismes reposent très peu sur la formalisation et
sont davantage de l’ordre de la communication informelle (ajustement mutuel, relations
interpersonnelles) ou de l’idéologie organisationnelle (observations 5, 7 et 28). En effet, peu de
procédures sont formalisées en termes de transmission de l’information ou de coordination. Dans les
représentations locales par exemple, des normes de procédures administratives et comptables sont
édictées, un manuel de fonction a été formalisé et des directives ont été énoncées pour la reddition des
comptes en Belgique, mais ces procédures formalisées restent d’une importance marginale en termes
de transmission de l’information en regard de tout ce qui a lieu de manière informelle. Une réunion
d’équipe hebdomadaire est fixée (en Belgique et dans les représentations locales) et certains services
organisent par ailleurs des réunions occasionnelles. D’autres outils sont en place ou en cours de mise
en œuvre, tels qu’une newsletter interne ou les rapports qui remontent vers le siège. Il est cependant
clair que le degré de formalisation, encore limité à ce jour, augmente peu à peu, mais souvent sous
l’effet d’une impulsion extérieure (contraintes des bailleurs, législation, …) (observations 5 et 7). Par
ailleurs, en ce qui concerne l’idéologie organisationnelle (ou culture organisationnelle, soit un ensemble
de valeurs mises en exergue afin d’inspirer le travail), elle joue un rôle d’une part au niveau des
individus en termes d’implication et d’adhésion, d’autre part au niveau des relations entre départements
afin de réduire les divergences de points de vue et de recentrer le travail de chaque département autour
des valeurs chères à l’organisation. A ce titre, la charte, les journées de rassemblement, les groupes de
réflexion, ... sont des « outils » utilisés pour asseoir cette culture organisationnelle (observation 28).
L’ONG use également d’un autre mécanisme de coordination du travail : la standardisation des
qualifications. En effet, les opérateurs sont recrutés par SOS Faim pour leur niveau de qualification et
le contenu de leurs compétences (observation 23). Ils mènent généralement des activités dans la lignée
de leur formation ou de leurs expériences professionnelles. Et s’il y a des aspects de leur travail qui
sont spécifiques à l’organisation, celle-ci peut prendre en charge une partie de cette standardisation en
laissant à chaque opérateur la possibilité de suivre des formations (observation 25).
SOS Faim est une ONG ancienne de taille moyenne (observation 1) qui œuvre sur le
« marché » de la coopération au développement. L’environnement est globalement plus menaçant,
plus hostile depuis une dizaine d’années, bien que les relations avec la DGCD se soient améliorées.
Les ONG, parmi lesquelles SOS Faim, sont de plus en plus mises en concurrence, tant avec d’autres
ONG (du Nord et du Sud) qu’avec de nouveaux acteurs qui se positionnent dans le secteur de la
52
coopération au développement (acteurs publics ou privés). La dépendance financière de l’ONG vis-à-vis
des bailleurs de fonds est à relativiser : en adoptant un regard rétrospectif, la situation s’avère stable
(observation 8). Par ailleurs, le fonctionnement par programmes quinquennaux confère une relative
stabilité à court, voire moyen terme pour l’organisation (observations 8 et 15). De plus, les demandes
susceptibles d’être adressées aux ONG sont multiples et diverses, ce qui révèle une hétérogénéité
certaine du « marché ». Enfin, le métier des ONG se complexifie, les confrontant de plus en plus à la
nécessité de recourir à des opérateurs qualifiés pour rassembler les compétences nécessaires et
s’insérer dans la vague de professionnalisation (observations 2 et 29), ce qui est signe d’un marché
complexe.
Les buts de mission sont prédominants (observation 12): ils sont d’abord à la base de la
création de l’association, mais ils continuent à inspirer le travail de l’ONG, ils commandent les décisions
importantes ou ils animent les discours vers l’extérieur. Par ailleurs, les buts de mission participent
également à la réalisation des buts de système, tels que celui de récolte de fonds par exemple. En
effet, la mission de l’organisation et ses résultats sur le terrain sont sources de motivation pour attirer de
« bons » profils dans l’organisation ou pour encourager d’éventuels donateurs à soutenir les projets de
l’association ; les buts de mission participent également à l’image que l’organisation renvoie vers
l’extérieur, notamment vers les bailleurs de fonds ou le grand public. D’autres objectifs sont poursuivis,
tels que le développement institutionnel en Europe ou la consolidation. L’ONG adopte par ailleurs une
attitude proactive, tout en restant modeste, en termes de contrôle de l’environnement (observation 13).
Ces buts de système sont poursuivis au service de la mission, ce qui peut entraîner un manque de
visibilité pour la structure SOS Faim. Le système de buts paraît relativement intégré : SOS Faim
parvient à gérer la tension entre mission et viabilité organisationnelle en restant cohérente par rapport à
ses lignes d’action et en définissant clairement des règles pour l’allocation des ressources, règles qui
sont toujours à l’avantage de la mission (observations 14 et 16).
En ce qui concerne les processus de prise de décision (observation 6), chacun détient le
pouvoir de décision pour décider à son niveau. Les décisions stratégiques sont du ressort du conseil
d’administration et de l’assemblée générale (bien que l’équipe permanente puisse influencer ces
décisions). Les décisions managériales sont prises au niveau du conseil d’administration (au sein
duquel siège le secrétaire général). Et les décisions opérationnelles sont de la responsabilité des
départements, de l’équipe permanente. Certaines décisions importantes au niveau des départements
sont prises de manière collégiale bien que chacun ait plus ou moins d’influence selon son ancienneté,
sa fonction, son expérience. Considérant la question de la localisation du pouvoir, il y a
décentralisation du pouvoir étant donné que les décisions sont largement préparées au sein de l’équipe
permanente, le conseil d’administration et l’assemblée générale veillant à la cohérence de ces
décisions avec les lignes directrices de l’organisation et donnant son approbation finale.
Particulièrement, j’aurais tendance à situer le pouvoir au niveau de l’équipe permanente,
particulièrement à hauteur du premier et deuxième niveaux de direction. En effet, « l’assemblée
générale veille à ce que SOS Faim garde le cap sur ses objectifs sociaux et économiques de lutte
contre la pauvreté dans les pays du Sud » et « le conseil d’administration approuve les stratégies
proposées par le secrétaire général, supervise leur réalisation et est particulièrement attentif à la
gestion des ressources financières et humaines de SOS Faim. »22 Les décisions sont donc en grande
partie prises ou préparées au niveau de l’équipe permanente, tandis que l’assemblée générale et le
conseil d’administration ont davantage un rôle de suivi ou d’approbation des décisions ou propositions
émises par l’équipe. Dans ce sens, ces deux instances peuvent être considérées comme faisant preuve
22
http://www.sosfaim.org (site consulté en mai 2007)
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de loyauté, ce qui ne les empêche pas de s’impliquer et de prendre leurs responsabilités. Quant à la
localisation du pouvoir au sein de l’équipe permanente, elle se situe plutôt vers les premier et deuxième
niveaux de direction qui regroupent aussi les personnes ayant la plus longue expérience au sein de
l’organisation, voire au sein du secteur. A nouveau, les autres membres peuvent être qualifiés de
loyaux, sans que cela ne remette en question leurs possibilités ou capacités permanentes de
suggestions à l’égard du reste de l’équipe.
Au vu de ces résultats, de quelle(s) configuration(s) organisationnelle(s) se rapproche l’ONG SOS
Faim ? Il ressort des éléments mis en évidence ci-dessus deux configurations principales : la
configuration missionnaire et la configuration professionnelle. Particulièrement les éléments se
rattachant à la configuration professionnelle sont présents dans les traits relatifs à la structure
d’organisation, à la division et à la coordination du travail entre opérateurs ou entre départements. Par
contre, les caractéristiques relatives à la configuration missionnaire prédominent surtout au niveau des
buts, des relations entre les personnes (via la culture organisationnelle) ou de la localisation du pouvoir.
Il ressort dès lors que SOS Faim ne présente aucunement une configuration pure et ces deux
configurations semblent intégrées de manière harmonieuse En résumé, le fonctionnement de
l’organisation tend vers une structure professionnelle animée par des valeurs fortes qui sous-tendent la
réalisation des missions de l’organisation.
L’hypothèse soutenant qu’une ONG de développement ne présente pas uniquement les
caractéristiques de la configuration missionnaire est donc en partie vérifiée chez SOS Faim. En effet, il
apparaît très clairement que la structure d’organisation se professionnalise, renforçant ses
compétences et adoptant une série de pratiques ou d’outils propres à la configuration professionnelle.
Cependant, les valeurs tiennent encore un rôle important dans la définition des objectifs ou dans les
relations entre les personnes. Ainsi, la culture organisationnelle joue encore le rôle de ciment, de
cohésion et de moteur de l’implication des opérateurs. Par ailleurs, certaines valeurs qui relèvent
traditionnellement du registre du professionnalisme, telles que rigueur, transparence, durabilité font
désormais partie de la culture organisationnelle, aux côtés de valeurs propres au registre militant telles
que l’esprit social, le respect de la personne humaine, le respect des partenaires et des pays du Sud.
SOS Faim se professionnalise mais veille à ce que cette professionnalisation n’ait pas lieu au détriment
du capital idéologique ou valoriel de l’organisation.
•
Seconde hypothèse : la structure d’objectifs
La seconde hypothèse de travail s’attache à la structure particulière d’objectifs qui découle de la
finalité sociale de l’ONG de développement et du fait que celle-ci poursuit simultanément des objectifs
sociaux et économiques. Cette structure particulière se caractérise par une tension entre les buts de
mission et les buts de système, soit entre l’accomplissement de la mission et la viabilité
organisationnelle. Chez SOS Faim, cette hypothèse ne se vérifie pas. En effet, le système de buts
paraît relativement intégré : différentes pratiques ou circonstances font que l’organisation parvient à
gérer de manière positive cette coexistence.
Parmi ces pratiques, le fait que l’organisation se soit fixée des règles claires et précises pour
l’allocation des ressources, règles qui sont toujours à l’avantage de la mission, participe à la gestion de
cette tension. De plus, l’ONG veille à toujours rester cohérente par rapport à ses lignes d’action
directrices afin d’éviter tout détournement de la mission. Par ailleurs, la relative stabilité financière aide
également l’organisation à mieux assimiler la tension entre ces objectifs divergents car la survie de
l’organisation est moins remise en question par des impératifs financiers de court terme. Enfin, SOS
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Faim ne tombe pas dans le travers de certaines associations de n’engager des cadres que dans une
perspective de professionnalisation de la gestion, ce qui à terme peut altérer l’identité, la spécificité de
l’organisation en termes de capital philanthropique. L’ONG veille en effet à recruter dans la mesure du
possible des profils hybrides qui mêlent compétences et engagement.
Le fait que cette hypothèse ne soit pas vérifiée dans le cas de SOS Faim ne remet pas en cause
l’existence d’une structure particulière d’objectifs et le fait que ces objectifs peuvent entrer en conflit
dans une ONG de développement. Cela montre toutefois qu’il est possible d’assimiler cette tension en
adoptant certains outils ou pratiques.
•
Troisième hypothèse : les contextes de travail Nord et Sud
La troisième hypothèse concerne les contextes de travail des équipes au Nord et au Sud. Elle
soutient que la tension est perçue ou vécue différemment selon le contexte de travail du fait de
pressions de l’environnement (bailleurs, donateurs, bénéficiaires) qui pèsent davantage sur les
structures au Nord ou au Sud.
Dans le cas de SOS Faim, il est vrai que certaines pressions se ressentent davantage selon que
l’équipe travaille au siège ou sur le terrain (observation 11). Au siège, les équipes sont en première
ligne par rapport aux bailleurs de fonds ; les contraintes liées notamment aux échéances par rapport
aux bailleurs sont donc vécues de manière plus intense, et la préoccupation de la survie de
l’organisation, de la récolte de fonds, de l’obtention de financements est quotidienne au Nord. Sur le
terrain, les équipes sont en première ligne par rapport aux partenaires, aux bénéficiaires. Si ceux-ci ne
font pas pression de manière explicite, les collaborateurs de SOS Faim sont cependant
quotidiennement en prise avec les réalités de terrain qui peuvent favoriser ou au contraire entraver le
bon déroulement des projets. Les équipes de terrain sont également impliquées dans l’élaboration des
rapports pour les bailleurs, mais ils ne s’imposent pas le même niveau d’exigence qu’au Nord car ils
ressentent moins la pression des bailleurs. Enfin, les représentations locales sont exemptées de toute
recherche de financements ou récolte de fonds pour la réalisation des projets, ce volet-là est
intégralement pris en charge par l’équipe du siège.
Il convient dès lors de souligner que les pressions qui s’exercent dans un contexte Nord ou Sud
ne sont pas identiques, que l’équipe au Nord est davantage sensibilisée à des aspects de survie
institutionnelle, tandis que les représentations locales sont sans cesse confrontées aux réalités du
terrain et à des aspects projet. Cependant, l’hypothèse selon laquelle, de ce fait, la tension entre
viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission peut se cristalliser entre l’équipe au Nord et
les équipes au Sud n’est pas vérifiée dans le cas de SOS Faim. D’une part, l’équipe du siège est très
fort sensibilisée aux réalités de terrain et reste au courant du déroulement des projets, des difficultés,
des succès, via des contacts quotidiens avec les représentations locales, par le biais des missions
assez fréquentes sur le terrain et grâce à la présence de représentants du Sud dans l’assemblée
générale. D’autre part, les représentations locales sont quant à elles sensibles au travail de récolte de
fonds effectué au Nord et le représentant des antennes locales se rend également en Belgique pour
des visites au siège. Certains membres de l’organisation s’accordent cependant sur le fait que les
représentants des antennes locales devraient peut-être être davantage associés à la rédaction des
rapports à l’attention des bailleurs (physiquement par un séjour au siège à ces périodes-là) afin de les
sensibiliser encore plus aux échéances, aux contraintes, aux exigences imposées par les bailleurs
institutionnels.
55
•
Quatrième hypothèse : les acteurs
La quatrième hypothèse suppose que chaque individu, porté par des dimensions propres, perçoit
la coexistence ou la tension entre mission et viabilité organisationnelle de manière différente. Dès lors, il
accorde sa priorité à un objectif plutôt qu’à un autre et apporte une réponse différente à cette tension en
termes d’implication par exemple. Pour reprendre les termes de G. Stangherlin (2005), cette hypothèse
est en partie liée aux motivations à s’engager pour un autre lointain et aux ressources détenues par
chacun pour mener son cheminement vers le « militantisme », vers un engagement dans une ONG de
développement.
Les équipes permanentes de SOS Faim sont uniquement constituées de personnes salariées.
Elles sont caractérisées par un noyau stable d’ « anciens » et un groupe plus volatile de plus
« jeunes ». Les individus sont généralement très qualifiés et possèdent des compétences diverses.
Chacun présente un profil différent et de ce fait porte un regard différent sur la mission de l’organisation.
En effet, les individus ont d’abord des formations très différentes, ce qui les sensibilise davantage à
certains aspects plutôt qu’à d’autres ; ils possèdent également leur propre expérience professionnelle,
leur propre bagage d’aptitudes, bien que la majorité possède une expérience dans le développement ou
l’aide humanitaire (observation 19). La majorité du personnel détient donc des « ressources »,
notamment acquises lors d’expériences dans le Sud, nécessaires à l’engagement. Par ailleurs, les
motivations du personnel (observation 21) sont orientées « mission » : coopération, ONG,
développement, utilité, cause collective, sens de l’action, engagement, … sont des termes qui
reviennent lorsque l’on interroge les collaborateurs sur les raisons de leur présence dans l’ONG. Les
individus sont donc animés par les valeurs de l’organisation et ils portent complètement la mission de
l’organisation. Par ailleurs, si chacun est convaincu de la nécessité de professionnaliser, il reste que
toutes les personnes interrogées émettent cependant quelque réserve par rapport à un excès de
professionnalisation qui nuirait à l’identité de l’ONG (observation 29).
A nouveau, cette hypothèse ne peut être formellement infirmée ou confirmée. De mes
observations, les profils engagés chez SOS Faim présentent non seulement les compétences requises
mais également l’engagement nécessaire à leur implication dans les missions de l’organisation.
Cependant, les entretiens menés avec les individus ne m’ont pas permis de dégager davantage les
dimensions propres de chacun. Il aurait fallu procéder par récit de vie, s’attarder sur la trajectoire de
chacun, passer plus de temps avec chaque personne pour déceler si chacun en tant qu’individu et en
fonction de la manière dont il perçoit les objectifs de l’organisation a une influence ou non sur la
structure ou les pratiques en place. Pourtant, cette hypothèse me semble plausible dans la mesure où il
est possible, par exemple, de mettre en évidence des évolutions en termes de structure et de pratiques
de GRH survenues après le changement de direction il y a une dizaine d’années. De même, le
fonctionnement de la représentation locale à Lima ressemble sous certains aspects à celui de
Bruxelles, mais la personnalité du représentant a quelque peu modelé la structure de l’antenne
(observation 17).
•
Cinquième hypothèse : la conception du développement
Enfin, la dernière hypothèse explore l’influence que peut avoir une certaine conception du
développement soutenue par l’ONG sur la structure et les pratiques de gestion. Elle suppose que cette
conception du développement ou les valeurs que l’organisation associe à une démarche de
développement peut influencer le fonctionnement de l’organisation et les pratiques en place. Dans le
cas de SOS Faim, les valeurs associées à une démarche de développement relèvent du partenariat, de
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l’autonomie des partenaires, du respect de la personne en tant qu’être humain, de l’appropriation par
les acteurs du Sud du processus de développement, de la rigueur et de la transparence. L’être humain
est au centre de leur action et de leur discours. Il n’est donc pas étonnant de trouver une structure et
des pratiques de gestion respectueuses de la personne, qui laisse à chacun une autonomie d’action,
une marge d’initiative, une possibilité de suggestion. Il n’est pas étonnant non plus que les relations
interpersonnelles soient préférées à des mécanismes de coordination standardisés, systématisés,
procéduriers où l’informel n’aurait plus sa place. Il est aussi évident que la culture organisationnelle joue
ce rôle de ciment de l’organisation pour rassembler les équipes Nord et les représentations locales. Il
n’est pas surprenant enfin que l’ONG favorise le professionnalisme par souci de rigueur et de
transparence envers l’extérieur, mais également envers les collaborateurs de SOS Faim. Dans les
grandes lignes, cette hypothèse est donc vérifiée mais elle nécessiterait d’être encore creusée en se
penchant davantage sur la logique d’intervention de SOS Faim dans le Sud afin de mettre en évidence
les liens entre les modalités d’action au Sud et les pratiques de gestion de la structure. Cet exercice
contribuerait, à mon sens, à mettre en évidence les spécificités des ONG de développement dont il faut
tenir compte lorsque l’on s’interroge sur leurs pratiques de gestion.
•
Synthèse : le modèle de gestion des ressources humaines
Les hypothèses traitées de manière systématique, voyons dans un premier temps quel modèle
de GRH peut être dégagé des observations pour ensuite considérer l’influence des autres facteurs sur
les pratiques.
Une politique de GRH existe mais celle-ci n’est pas formalisée dans tous ses aspects. La
politique est établie au niveau du conseil d’administration qui délègue la gestion des ressources
humaines à la structure permanente (secrétaire général et/ou responsables de département). La
gestion financière et administrative est partagée entre le service administration et finances et un
secrétariat social (observation 18).
Les profils des personnes (observations 18 et 19) sont différents mais la plupart possèdent
néanmoins une expérience professionnelle ou bénévole dans le développement, l’aide humanitaire ou
l’associatif. L’association emploie également un réseau de bénévoles pour des tâches ponctuelles et
ceux-ci ne sont pas énormément en contact avec les salariés.
En ce qui concerne le recrutement et la sélection du personnel, une procédure non
formalisée par écrit est établie (observation 23) ; celle-ci est appliquée pour le recrutement de toute
catégorie de personnes. Cette procédure de recrutement est décentralisée au niveau des départements
avec référence au secrétaire général pour certains moments de la sélection. Les acteurs impliqués dans
le recrutement sont donc le secrétaire général et le chef du département qui recrute (le conseil
d’administration s’il subsiste des doutes). L’ONG veille, dans la mesure du possible, à recruter des
profils hybrides, qui mêlent compétences et adhésion aux valeurs de l’organisation. Il y a donc peu de
planification des besoins en ressources humaines et le processus de sélection est axé sur l’adéquation
du candidat avec les missions de l’organisation.
La gestion des départs (observation 24) se passe au cas par cas. Les motifs des départs
volontaires sont divers et il est important de souligner qu’en cas de licenciement, la raison consiste
souvent en une inadéquation ou un décalage entre les comportements de l’individu et les valeurs
organisationnelles.
Au niveau de la culture organisationnelle et de l’intégration (observation 28), des éléments
sont mis en place pour rappeler au personnel les valeurs de l’organisation et susciter l’adhésion à cette
culture. D’aucuns pourraient penser que le fait d’insister sur cette culture organisationnelle implique un
57
attachement institutionnel fort envers l’organisation. Cette affirmation est cependant à nuancer selon
l’expérience ou l’ancienneté : en effet, alors que les personnes de la « génération des anciens »
n’excluent pas du tout de continuer, voire terminer, leur carrière dans SOS Faim, la « génération des
plus jeunes » nourrit déjà d’autres projets et s’imagine ailleurs (mais souvent dans le même secteur)
dans un avenir plus ou moins proche.
Le processus de formation (observation 25) est peu systématisé. L’ONG fonctionne au cas par
cas, selon les demandes, et donne la possibilité à ceux qui le souhaitent de suivre une formation. Les
formations sont relativement diversifiées dans les contenus (elles visent cependant surtout à
développer les connaissances des opérateurs) et dans les modalités (en interne ou en externe,
séminaires, cours, colloques, …).
L’évaluation (observation 27) est rare, et lorsqu’elle est pratiquée, elle est organisée sur un
mode informel. Certains ressentent la nécessité de mettre en place un processus d’évaluation, d’autres
se posent la question de son utilité.
La gestion des carrières (observation 26) est inexistante : la structure de taille modeste offre
peu de perspectives étant donné sa hiérarchie assez plate. Les personnes sont prévenues d’emblée
que les possibilités d’avancée ou de promotion sont limitées.
Le système de rémunérations est fixé et suit les barèmes. Une charte notifie par ailleurs
l’interdiction d’octroyer toute forme d’incentives sous forme de primes ou d’augmentations de salaire
(observation 22).
Le temps de travail respecte l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cela participe aux
conditions de travail agréables que l’ONG met en place.
Pour récapituler, les pratiques de gestion des ressources humaines sont très peu formalisées par
écrit. Toutefois, il convient de souligner deux éléments : d’une part, si les pratiques ne sont pas mises
par écrit, elles sont cependant systématisées ; d’autre part, les personnes ne sont pas laissées dans le
flou, elles savent tout de même ce que l’organisation attend d’elles. Le fait que ces pratiques ne sont
pas formalisées participe également à les rendre flexibles, modulables, adaptables à des contextes
particuliers. Ces pratiques ne sont pas différenciées selon les catégories de personnes et elles reflètent
certaines valeurs chères à l’organisation telles que l’équité, le respect de la personne humaine, la
qualité de travail, le partenariat, la transparence, la confiance mutuelle, etc.
Au vu de ces considérations, à quel modèle de gestion des ressources humaines proposé par
J. Nizet et F. Pichault les pratiques de GRH en place dans l’ONG SOS Faim renvoient-elles ? Une série
de traits tels que la gestion des effectifs, l’intégration du personnel et les formations (en partie) se
rapprochent du modèle valoriel. Les autres pratiques ne peuvent être assimilées à aucun autre modèle
de GRH dominant.
Qu’en est-il dès lors de l’articulation entre configuration et modèle de GRH ? La configuration
missionnaire renvoie plutôt à la mise en place d’un modèle valoriel, ce qui est en effet le cas pour une
partie des pratiques de GRH. La configuration professionnelle quant à elle renvoie davantage à un
modèle conventionnaliste, dont les caractéristiques ne se rencontrent pas chez SOS Faim. Ce modèle
laisse en effet aux professionnels une grande maîtrise sur la plupart des dimensions de GRH et insiste
sur le fait que les pratiques de GRH sont définies de manière collégiale, à la suite de débats entre les
collaborateurs. Il y a donc un certain décalage entre d’un côté l’hybridation de deux configurations,
missionnaire et professionnelle, et d’un autre côté un modèle de GRH qui peut être exclusivement
qualifié de valoriel à ce jour. Il est tout de même intéressant de noter que l’organisation évolue et prend
de plus en plus en considération ces questions, poussée notamment par des demandes de la part des
58
nouvelles recrues, pour introduire davantage de pratiques de gestion des ressources humaines (par
exemple, des évaluations ou une systématisation des formations).
Quant aux autres facteurs mis en évidence qui peuvent avoir une influence sur les pratiques de
gestion, qu’en est-il ? Tout d’abord, dans le cas de SOS Faim, la structure particulière d’objectifs ne se
caractérise pas par une tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle.
Néanmoins, elle influence les pratiques de gestion des ressources humaines, par exemple les pratiques
de recrutement et de sélection du personnel qui encouragent à engager des profils hybrides
(engagement et compétences). Par ailleurs, les pressions qui pèsent plus lourdement sur les équipes
selon qu’elles travaillent au Nord ou au Sud n’impliquent pas la mise en œuvre de pratiques de gestion
spécifiques dans chaque structure afin de répondre à ces pressions. De plus, les acteurs jouent leur
rôle dans la construction de la structure et des pratiques de gestion mais cet aspect peut encore être
creusé. Enfin, on peut supposer que la manière dont l’organisation conçoit le développement influence
les valeurs que celles-ci véhicule, notamment dans l’organisation du travail, la coordination entre les
opérateurs, la mobilisation de ceux-ci, etc.
Section 2.
Le cas Iles de Paix
Le deuxième cas observé est l’ONG Iles de Paix, dont le siège se trouve à Huy. Cette
organisation travaille actuellement avec des partenaires au Mali, au Burkina Faso et en Equateur. Celleci s’est donné comme objectifs l’amélioration des conditions de vie des populations du Sud par le
renforcement de la sécurité alimentaire, le renforcement des compétences et des organisations ainsi
que l’ouverture du Nord aux réalités du Sud.
2.1.
Les observations
1—
Historique et activités : Iles de Paix (IDP) a été fondée en 1962 par le Père Dominique Pire et
est une ONG de taille moyenne dans le milieu des ONG belges. Elle soutient des dynamiques locales
en zone rurale et appuie, techniquement et sur le plan organisationnel, les efforts de la population d’une
zone délimitée pour améliorer ses conditions de vie. Elle participe également au renforcement des
compétences d’analyse, de décision et de gestion des communautés et au renforcement institutionnel
des organisations par un appui principalement méthodologique. L’ONG s’investit aussi dans l’éducation
et la sensibilisation du Nord aux réalités du Sud, par le biais de publications, d’animations et autres
outils. Actuellement, deux représentations locales existent, l’une en Equateur, l’autre au Burkina Faso.
2—
Evolutions : Des évolutions majeures se sont opérées, surtout depuis le changement de
direction qui s’est produit il y a une dizaine d’années. D’une part, les relations avec l’extérieur ont été
dans le sens d’une amélioration et d’une plus grande interaction avec les acteurs externes. D’autre part,
la structure est passée d’un mode centralisé où tout passait par le secrétaire général à un mode
décentralisé avec des départements, qui laisse à ceux-ci et aux représentations locales plus de
responsabilités. Les équipes ont été remodelées (si aujourd’hui, les personnes engagées ne sont plus
militantes à 100%, l’organisation n’est tout de même pas tombée dans l’autre extrême) et renforcées en
termes de compétences, elles se sont professionnalisées ; et l’équipe au siège s’est agrandie,
notamment dans le département projet. Par ailleurs, en termes d’activités et de logique d’intervention, le
volume financier a doublé, le nombre de projets a augmenté, de nouvelles représentations se sont
59
créées et l’ONG examine des pistes pour en ouvrir encore deux. IDP est aussi entrée dans une logique
de planification pluriannuelle et a donc commencé à raisonner sur plusieurs années. L’ONG a
également multiplié ses modes de collaboration avec toute sorte d’acteurs (organisations de second
degré, organisations paysannes, paysans seuls, autorités locales) et a modifié son mode d’implantation,
dans la mesure où elle travaille maintenant dans des zones avec une implantation autour de laquelle
gravitent plusieurs projets. De plus, en ce qui concerne les outils de gestion, une nette sophistication
des outils de contrôle, des outils informatiques et de la bureautique peut être soulignée. Globalement,
l’ONG n’a eu de cesse d’évoluer vers plus de professionnalisme.
3—
Chantiers en cours : Aujourd’hui, l’ONG est entrée dans une phase de réflexion et de
formalisation par rapport à divers chantiers qui vont dans le sens d’une uniformisation des pratiques au
sein de toute l’organisation, représentations locales comprises. Ces différents chantiers concernent :
l’actualisation de la stratégie d’intervention IDP dans le monde (avec des variantes locales), la
constitution d’un organigramme avec descriptifs de tâches pour que chacun sache quel est son rôle, la
formalisation d’un manuel de procédures et la mise à niveau de la politique salariale.
4—
Restructuration antenne locale : En Equateur, en 2005, après une phase d’agrandissement de
la zone d’intervention, IDP a mis en évidence la nécessité de réduire les zones d’action et de
restructurer l’équipe de terrain afin de rester cohérent avec la logique d’intervention IDP. Cette
constatation est née en interne après un atelier de réflexion stratégique avec toute l’équipe sur le terrain
et a été également soulignée dans une évaluation externe des actions réalisées. Le choix des zones a
été opéré sur base des critères suivants : critères institutionnels (selon la charte d’intervention),
réalisations dans chaque zone, programmes qui arrivaient à terme, dynamiques locales en place,
potentiel, logistique, volonté des acteurs, climat serein entre acteurs,… Ainsi, trois zones d’intervention
ont été conservées afin de ramener les actions à quelque chose de plus réaliste par rapport aux
ressources, surtout humaines, disponibles dans l’équipe. Cette phase de transition est quelque peu
délicate car pas bien ressentie par tous les membres de l’équipe de terrain.
5—
Organigramme : L’organisation présente les instances classiques de la plupart des
associations : une assemblée générale, un conseil d’administration et une structure permanente. La
forme structurelle est plutôt pyramidale, décentralisée, avec des départements. A la tête de la structure
permanente, le secrétaire général, qui ne fait pas partie du conseil d’administration, assume une
fonction de direction. Chaque département est coordonné par un responsable et est constitué de
quelques employés.
6—
Opérateurs : Les membres des différentes équipes IDP sont amenés à réaliser des tâches
diverses et disposent, globalement, d’une grande marge de liberté pour organiser leur travail. Ils sont
dans l’ensemble hautement qualifiés.
7—
Communication interne : La communication interne, dans les départements ou entre les
départements, se fait en grande partie de manière informelle, et lorsque les choses doivent rester
figées, le personnel utilise l’intranet, l’outil de communication le plus utilisé. Certains temps informels
permettent aux gens de se rencontrer, comme la pause café du matin. D’autres temps, formels ceux-là,
sont également aménagés : des réunions de tout le personnel du siège sont organisées deux à trois
fois par an ; une réunion mensuelle rassemble le secrétaire général et les responsables de
départements (le Bureau). Il revient ensuite à chaque responsable de département de diffuser
60
l’information dans sa cellule ; certains départements se sont également aménagés des temps formels
de rencontre, à des fréquences différentes selon les cas.
La communication entre le siège et le terrain a lieu principalement par mail et est régulière et
abondante, tant d’un point de vue opérationnel qu’administratif ou financier. Des informations et
documents remontent du terrain vers le siège mensuellement (rapports mensuels ou trimestriels, PV de
réunions, contrats avec bénéficiaires, contrats avec personnel, suivi comptable, etc.). Des missions du
siège sur le terrain ont lieu trois à quatre fois par an : missions de suivi, de planification et préparation
du budget ou missions ayant trait à une thématique particulière. La coordinatrice de la représentation
équatorienne vient en moyenne une fois par an en Belgique et les expatriés rentrent également une fois
par an pour un débriefing. Par contre, il y a très peu de contacts entre les différents terrains mais il y a
une volonté affirmée d’augmenter ces échanges.
En Equateur, des réunions sont également prévues : une réunion mensuelle de toute l’équipe a
lieu, une réunion mensuelle de zone est prévue qui rassemble la coordinatrice, l’équipe de la zone et
les départements transversaux, et il y a un souhait de formaliser une réunion mensuelle de l’équipe
administrative avec la coordinatrice. Des temps informels existent également, mais les membres de
l’équipe pourraient encore augmenter la part d’informel dans leur communication.
8—
Prise de décision : Les processus de prise de décision sont bien établis et ils permettent une
grande concertation au sein de toute l’organisation. Les décisions stratégiques reviennent à
l’assemblée générale ; les décisions managériales sont prises par le conseil d’administration et/ou le
secrétaire général. Les décisions opérationnelles sont prises par le secrétaire général, les responsables
de départements ou les opérateurs. Une série de décisions plus importantes est prise de manière
collégiale, telles que celles de l’AG ou du CA, ou la décision d’ouvrir une nouvelle zone. Notons que le
Bureau est un organe consultatif et non décisionnel. Dans l’ensemble, les équipes sont à maintes
reprises consultées, ce qui permet d’enrichir le débat et implique que les décisions sont portées par
tous. En ce qui concerne les représentations locales, elles disposent d’un pouvoir de décision normal
dans l’exécution des projets, et les contacts quotidiens entre le siège et le terrain font que chacun
discerne ce qui est de son ressort. Les décisions de commencer ou d’arrêter un projet sont souvent
prises lors d’une mission mais après un premier contact entre les communautés et la représentation
locale et un rapport de celle-ci à l’attention du siège. En Equateur, la prise de décision reste encore très
formalisée : la structure locale passe d’un organigramme en râteau vers un organigramme où la
coordinatrice coordonne des équipes avec des responsables d’équipes qui prennent les décisions.
Selon certains, il existe une nécessité sur le terrain de redéfinir les rôles et responsabilités de chacun
clairement.
9—
Formalisation : La formalisation est un processus en cours mais un équilibre doit être trouvé
afin qu’un excès de formalisation n’entraîne pas des comportements déviants ou peu souhaitables.
L’organisation fonctionne actuellement beaucoup sur la coutume. Plusieurs chantiers sont en cours :
l’harmonisation de la politique salariale en tenant compte des différences contextuelles, la formalisation
d’un manuel de procédures, l’uniformisation de l’organigramme avec des job descriptions (car les
différentes structures sont de taille plus ou moins équivalentes avec plus ou moins les mêmes postes)
et l’actualisation de la charte d’intervention IDP commune à toute l’organisation. L’objectif de ce
processus est d’harmoniser les flux d’informations et d’arriver à un partage de concepts, sans gommer
les spécificités locales. Pour ce faire, le dialogue et l’implication en cascade de tous les acteurs sont
essentiels, afin d’arriver à un tronc de procédures communes, dont une partie sont spécifiques à
chaque contexte et une autre reste non légiférée. Dans l’organisation, il semblerait que les plus jeunes
61
soient plus demandeurs pour formaliser que les anciens qui préfèrent laisser une grande marge au bon
sens.
10—
Environnement : L’environnement, globalement, n’est pas menaçant, notamment grâce à la
stabilité financière de l’ONG et de l’image favorable dont elle jouit auprès du public belge. L’ONG se
revendique pluraliste et apolitique. En Equateur, malgré qu’il existe encore des poches de pauvreté, un
ensemble de paramètres économiques, sociaux et politiques montrent que le pays suit une voie
globalement positive. D’un point de vue économique, le pays montre une grande vitalité économique et
une croissance positive, une classe moyenne génère un marché interne très important, et l’Equateur
augmente son intégration dans des marchés régionaux, et de ce fait ses exportations. La dollarisation
récente a fait mal aux gens mais stimule l’économie du pays car la stabilité de la monnaie permet aux
opérateurs économiques de davantage se projeter dans l’avenir. D’un point de vue social, une
conscience populaire émerge, les gens sont réveillés et ne se laissent plus mener en bateau sans
réagir. D’un point de vue politique, il existe un ensemble de partis qui défendent leurs opinions et se
mobilisent. Cependant, les politiques, coincés dans des mandats très courts, se heurtent d’un côté à la
nécessité de prendre des réformes, d’un autre côté aux résistances aux changements de la part des
populations.
11—
Acteurs externes : L’organisation entretient de très bonnes relations avec les acteurs externes.
Leurs influences ne sont pas déstabilisantes dans la mesure où l’organisation est totalement
indépendante et autonome. L’organisation n’est de ce fait pas directement impliquée par les décisions
des bailleurs de fonds, car elle a les moyens de ne pas les suivre en cas de désaccord. Elle peut donc,
sans contrainte, orienter ses projets en fonction des réalités qu’elle observe et focaliser les actions sur
le terrain, sans contraintes administratives lourdes. IDP entretient quelques partenariats avec le secteur
privé, dans le cadre de la campagne notamment, et a d’ailleurs rédigé une note sur le rapprochement
entre l’institution et le secteur privé. IDP signe une convention avec les gouvernements des pays où elle
intervient et l’ONG veille à entretenir des bonnes relations avec leurs ambassades en Belgique.
Les relations qu’entretient IDP avec les autres ONG sont parfois plus ambigües. En Belgique, il
n’y a aucune concurrence ou tension en termes financiers ou des idées ; mais certaines frictions
peuvent apparaître au point de vue des valeurs ou des méthodes. IDP est parfois taxée de libéralisme
ou perçue comme néo-réactionnaire par d’autres ONG. Sur le terrain, les relations avec d’autres ONG
locales, nationales ou internationales sont très faibles, voire insuffisantes. Avec les ONG sur le terrain,
IDP n’entretient pas vraiment une relation de complémentarité ou de synergie dans le sens où peu de
collaborations se mettent en place et IDP veille à ce que ses actions et les actions d’autres ONG
actives dans la même zone d’intervention ne se chevauchent pas.
12—
Environnement culturel : L’environnement culturel dans lequel baigne IDP est fait de
pluriculturalité. Certaines personnes interrogées soulignent des mentalités très différentes, d’autres par
contre relativisent en avançant l’argument que les équipes locales, étant donné qu’elles travaillent en
ville, ont une culture urbaine finalement assez proche de la culture occidentale. En Belgique, le
personnel a également mis en évidence les traits suivants de la culture latino : le fait que ceux-ci sont
très sensibles, voire susceptibles, oblige à soigner son langage et la manière dont les messages sont
transmis ; la pression politique ou familiale sur l’individu est plus forte, ce qui peut inciter à prendre des
décisions qui ne sont pas les meilleures ; la formalité est importante ; la distinction entre vie privée et vie
professionnelle est moins ténue qu’en Belgique (par exemple, les personnes discutent davantage de
leur vie privée, familiale et extraprofessionnelle, cela peut s’expliquer par le fait qu’ils habitent une petite
62
ville, ils se connaissent donc aussi en dehors et le fait de partir en mission ensemble dans le cadre du
travail renforce les liens). Enfin, si ces traits culturels peuvent avoir une influence sur la gestion, certains
relativisent et trouvent que finalement cela dépend davantage des personnes que des cultures
nationales.
13—
Contextes de travail : Les contextes de travail au Nord et au Sud présentent également des
différences. Au Nord, la préoccupation financière est plus importante et les équipes sont en première
ligne par rapport aux niveaux d’exigences du public et des bailleurs de fonds. Le public de manière
globale questionne également beaucoup IDP sur de nombreuses thématiques plus ou moins proches
du développement et de la coopération au développement, sujets sur lesquels l’ONG n’a pas forcément
de position institutionnelle. L’équipe au siège est également moins en prise avec les réalités du terrain,
moins proches des résultats. Au Sud, les équipes n’ont pas la pression de la recherche de
financements à partir du Sud mais la pression des populations est plus importante. Les équipes sont
aussi plus proches de ce à quoi l’action IDP sert, de la nature du travail, des résultats. Les équipes de
terrain et les partenaires doivent également répondre à un niveau élevé d’exigences du siège d’un point
de vue de la gestion administrative et financière, ce à quoi ils ne sont peut-être pas habitués.
Cependant, l’espace est relativement ouvert à l’intervention d’une ONG et les équipes locales ne
subissent pas de pressions des autorités locales ou nationales. Certains expliquent ces différences
dans les contextes de travail par la pression organisationnelle, par des différences de mentalités et par
le fait que les partenaires n’ont pas l’habitude de ce degré d’exigences par rapport à d’autres
associations.
14—
Missions : Les membres s’accordent sur la mission et chacun la définit dans ses termes. IDP a
défini dans une charte sa vision (« l’inaccessible rêve ») et sa mission, c’est-à-dire le cheminement en
termes de valeurs, d’objectifs, de méthodes vers cette vision du monde. La vision propose un monde où
chacun a l’occasion de développer ses capacités dans un contexte favorable. La mission, quant à elle,
se veut faire progresser des gens qui le souhaitent par rapport à une échelle de valeurs, par rapport à
des objectifs humains, matériels, économiques, sociaux, ce dans une démarche structurelle, sur le long
terme. Il s’agit donc de jouer un rôle de facilitateur, d’accompagnateur pour appuyer des populations
dans des contextes défavorisés à surmonter leurs obstacles (économiques, sociaux, etc.) dans le
respect d’un système de valeurs et selon un système de méthodes donné. Concrètement, IDP cherche
à rendre les populations plus à même de mener leur propre développement, ce grâce à un
renforcement des dynamiques économiques locales, rurales et via un renforcement des capacités
individuelles et/ou collectives des populations, ces deux éléments devant fonctionner ensemble afin de
garantir un succès franc. Par ailleurs, IDP mène également un travail d’information et de sensibilisation
des populations du nord aux réalités du sud.
15—
Autres objectifs : D’autres objectifs sont également poursuivis afin de mieux accomplir la
mission. Cependant les personnes interrogées ont toutes insisté sur le fait qu’IDP est exclusivement
orientée vers sa mission. Par rapport à ces autres objectifs davantage liés à l’organisation, certaines
divergences de point de vue par rapport entre les gens existent. D’une part, la survie institutionnelle est
une nécessité afin de travailler dans la durée, développer d’autres projets dans d’autres zones et garder
des capacités pour faire face aux difficultés éventuelles et répondre aux engagements pris. Dans cette
optique, IDP dispose de réserves gérées de telle manière que l’ONG peut poursuivre les projets au
moins pour trois ans pour assurer la continuité des actions sur le terrain même si un bailleur lâche IDP.
Il y a donc là une prise de conscience très forte et une volonté explicite de la part des instances. D’autre
63
part, concernant un objectif de croissance ou non, les avis divergent. Certains affirment que l’ONG n’a
pas une volonté de grandir au-delà des zones aujourd’hui approchées ; d’autres soutiennent qu’IDP a
une réelle volonté de voir se développer ses activités et d’augmenter le nombre de projets car elle a la
capacité financière de le faire et la reconnaissance des gens qui la soutiennent, et ce afin de faire
profiter plus de gens de leur expérience. Dans cette optique, IDP examine des pistes pour ouvrir de
nouvelles représentations locales en Amérique Latine (Pérou) et en Afrique (Mali). Par ailleurs,
l’efficience et l’efficacité ne sont pas des objectifs mais des éléments de stratégie conscients et
assumés vis-à-vis des bénéficiaires et des donateurs car ces derniers ont droit à une performance.
Cependant, ces objectifs ne sont pas toujours atteints du fait du volume d’activités à gérer et de la
petitesse de l’équipe. Il y a une réelle volonté d’évoluer vers l’efficacité à travers la professionnalisation
du personnel et la mise en place d’outils de contrôle et de suivi avec des indicateurs réellement
opérationnels mais il est difficile de traduire en indicateurs le développement, l’évolution d’une
communauté. Il y a également une volonté d’efficience, d’intervenir de la manière la plus optimale.
Cependant, ces éléments sont difficiles à apprécier et tout est question de regard, du vécu et de
l’expérience de celui qui porte ce regard. Enfin, le contrôle de l’environnement n’est pas un objectif mais
une option adoptée. La récolte de fonds qui permet d’obtenir soixante pour cent de fonds propres,
participe à ce contrôle de l’environnement.
16—
Financement : La situation financière de l’ONG est tout à fait stable, elle fonctionne avec près
de soixante pour cent de fonds propres et quarante pour cent de cofinancements. Actuellement, les
sources de financements de l’organisation sont : le public (par le biais de la campagne de récolte de
fonds annuelle), la DGCD, le Fonds belge de survie, la Région wallonne, le Luxembourg, les Régions
wallonne et bruxelloise par le biais des subsides à l’emploi.
17—
Pratiques de gestion : L’ONG ne montre aucune réticence vis-à-vis des pratiques de gestion,
c’est plutôt au niveau individuel que les gens peuvent montrer quelque résistance au changement, mais
c’est un processus qu’ils doivent accepter. Les pratiques de gestion viennent de l’expérience
personnelle et de la maison, ou sont empruntées plutôt au secteur privé qu’au secteur public. Certains
disent d’ailleurs que l’ONG est gérée comme une petite PME, d’autres pensent que les besoins des
ONG en termes de gestion ne sont pas si différents de ceux des autres organisations. Le modèle de
gestion de la structure en Belgique est très compartimenté et les responsabilités de chacun sont
clairement définies afin que chacun remplisse les tâches qui lui sont assignées et que la mécanique
tourne de manière fluide. En Equateur, le style de gestion est plus autoritaire, les responsabilités ne
sont pas aussi clairement établies, de nombreuses décisions passent encore par la coordinatrice. Cela
peut entraîner d’une part une sous-utilisation des compétences et capacités d’autres membres de
l’équipe, d’autre part le fait que l’équipe cherche davantage le consensus, même sur des points plus
institutionnels.
Politique de GRH : L’ONG ne dispose pas encore d’une politique formalisée en matière de
18—
gestion des ressources humaines mais celle-ci s’impose pour répondre aux revendications naissantes
et aux modifications dues à un agrandissement de l’équipe. Ce processus est actuellement en chantier
sur différents points : l’uniformisation de la politique salariale, la mise à niveau de l’organigramme avec
des descriptions de fonction et la possibilité de formaliser des entretiens de fonctionnement ou
d’évaluation dans l’organisation. Il semble que les plus anciens sont peut-être moins demandeurs pour
la formalisation de pratiques telles que les évaluations par exemple. Les objectifs de ce processus de
formalisation sont d’harmoniser les pratiques au sein de toute l’organisation, tant en Belgique que sur le
64
terrain afin de créer une structure IDP homogène pour limiter les risques de dérive locale en termes de
clientélisme notamment, fixer des normes institutionnelles de référence opposables au tiers, renforcer la
cohésion et favoriser les échanges entre les antennes dans un climat d’équité.
La politique de GRH est établie au niveau du conseil d’administration. La gestion, quant à elle,
revient à différents acteurs. D’une part, le service administration et finances s’occupe des aspects
légaux, financiers et administratifs. Un secrétariat social s’occupe du personnel en Belgique ; IDP par
contre assure elle-même le secrétariat social du personnel expatrié. L’administration du personnel de
terrain se fait sur le terrain mais le siège doit être en mesure de les conseiller si nécessaire. D’autre
part, chaque responsable de département gère sa propre équipe pour les autres aspects (évaluations,
formations, visibilité de carrière, etc.), avec référence au secrétaire général.
19—
Profils des ressources humaines : L’organisation compte environ vingt personnes en Belgique
et soixante à quatre-vingts sur le terrain (Afrique et Amérique Latine). Les catégories de ressources
humaines présentes dans l’ONG sont les suivantes : une majorité d’employés, une ouvrière, du
personnel expatrié (mais qui n’a pas le statut de coopérant), des bénévoles, et IDP travaille de manière
ponctuelle avec des indépendants pour des missions d’évaluation externe par exemple. En Belgique, la
moyenne d’âge de l’équipe tourne aux alentours des 30-40 ans (elle a chuté ces dernières années) et il
y a une certaine parité hommes-femmes. Certains mettent en évidence plusieurs profils dans
l’organisation : d’une part les anciens qui ont connu le Père Pire et qui sont complètement imprégnés
des valeurs fondatrices, d’autre part ceux qui n’ont pas connu le Père Pire mais qui ont la flamme, qui
ne travaillent pas uniquement pour gagner leur vie, enfin ceux qui font bien leur travail de salariés. Les
personnes montrent des profils assez divers, avec des formations diverses (commercial, expertcomptable, agronome, ingénieur industriel, etc.) et des backgrounds différents également (certains ont
toujours travaillé dans le milieu du développement, d’autres ont une expérience dans le privé, etc.). La
rotation du personnel est relativement élevée, mais reste plus faible qu’en Equateur, sans que cela ne
pose réellement de problème. La politique d’uniformisation de certaines pratiques de gestion répond
également au fait que certains membres sur le terrain ne se sentent pas vraiment IDP, n’ont pas la
perception que toute l’organisation, tant le siège que les représentations locales, sont dans le même
bateau.
20—
Bénévoles : L’association s’adjoint l’aide de bénévoles pour différentes tâches. D’une part, deux
bénévoles réguliers sont impliqués dans la gestion quotidienne, l’un au service administration et
finances, l’autre au service génie rural. Ces bénévoles sont liés par une convention de bénévolat ; ils ne
travaillent non suite à une volonté explicite d’engager des bénévoles pour ces tâches mais plutôt suite à
des circonstances particulières. En effet, l’ONG trouve toujours difficile de faire la part des choses entre
l’argent gagné et le temps perdu à expliquer pour des fonctions assez précises et plutôt techniques.
D’autre part, un groupe de bénévoles, également liés par une convention de bénévolat, travaille avec le
service éducation au développement et fait des animations dans les écoles. Par ailleurs, un réseau de
près de cinq cents bénévoles organise la campagne et la coordonne au niveau régional. Enfin, des
milliers de bénévoles battent le pavé pour vendre les modules IDP lors du week-end de la campagne
annuelle de récolte de fonds. L’association insiste sur la nécessité de respecter et de se soucier de tous
les bénévoles. Plusieurs éléments participent à la motivation et à l’implication de ceux-ci : la convivialité,
la reconnaissance de l’individu et de son travail, la mise à leur disposition d’un espace d’expression,
l’image forte que renvoie l’ONG qui leur procure une certaine fierté, les voyages de bénévoles sur le
terrain, etc. Les bénévoles sont surtout attirés via les réseaux de relations (amis, familles, etc.), et si au
début de l’histoire d’IDP, ils s’engageaient pour trente ans, aujourd’hui il y davantage de volatilité.
65
21—
Motivations du personnel : Les motivations à s’engager chez IDP selon les personnes
interrogées sont les suivantes : la possibilité de travailler dans la mise en œuvre de projets qui génèrent
des changements essentiels (sécurité alimentaire, éducation de base, soins de santé de base, revenus
de base, etc.) pour les populations au sud, l’équilibre intéressant et l’environnement idéal qu’offre l’ONG
qui travaille à l’échelle humaine, se donne le temps pour obtenir des résultats, peut voir les choses
évoluer et est proche des gens, les défis proposés, la taille de l’équipe, le travail que l’on sait utile et
reconnu.
22—
Incitants : Les incitants en place dans l’ONG pour impliquer et motiver le personnel, selon les
personnes interrogées, sont les suivants : la responsabilisation de chacun dans le projet commun, les
défis quotidiens ou à relever à plus long terme (tels que la phase actuelle de changement et les
différents chantiers en cours au niveau organisationnel), la rigueur et l’exigence caractéristiques de
l’association, les conditions de travail et de retraite correctes, le climat agréable, la garantie d’une
qualité de travail, la reconnaissance et la valorisation du travail de chacun, l’implication de chacun dans
diverses tâches. Il n’y a donc aucun incitant en termes de salaire. En Equateur par contre, il n’est pas
difficile de retenir les gens grâce aux salaires proposés et aux manques d’opportunités ailleurs dans ce
domaine.
23—
Recrutement et sélection : La procédure de recrutement est assez similaire dans la plupart des
cas, bien qu’elle ne soit pas formellement écrite. Le département qui veut engager une personne rédige
un profil du poste recherché et le soumet au secrétaire général ; une annonce paraît par différents
canaux selon les cas (presse, ACODEV, bouche à oreille, …) ; le responsable du département effectue
une première sélection (tri sur CV, entretien, examen des candidats) et les deux ou trois personnes
retenues rencontrent le secrétaire général qui valide (ou non) la décision du responsable de
département. L’idéal est de recruter des personnes avec un profil hybride (compétences et
engagement) mais ce n’est pas toujours facile, notamment à cause des salaires car les exigences se
rapprochent du privé sans que les salaires suivent. Si l’ONG privilégie la sélection de profils hybrides, il
reste que selon les fonctions, l’une ou l’autre dimension prime. L’ONG part aussi du principe que des
personnes qui n’ont pas la flamme peuvent l’ « acquérir » en baignant dans l’organisation. Certains
notent également qu’il est essentiel que les personnes plus haut placées dans la hiérarchie fassent
montre d’un profil hybride, tandis que pour les postes au bas de l’échelle hiérarchique, c’est moins
grave. Globalement, les qualités attendues des collaborateurs sont les suivantes : compétence,
professionnalisme, capacité d’écoute, patience, qualités humaines dans les relations, empathie, une
certaine polyvalence.
24—
Gestion des départs : La gestion des départs se fait au cas par cas et est toujours motivée,
justifiée. Les départs sont soit des contrats qui arrivent à terme sans possibilité de réaffectation, soit des
départs volontaires, soit des licenciements avec ou sans prestation de préavis, selon les cas et le degré
de confiance. Dans le cas d’un licenciement, la décision est toujours précédée d’entretiens préalables
pour tenter de résoudre le problème et éviter cette solution. Quand la décision d’un licenciement est
prise, celle-ci est immédiatement communiquée au reste de l’équipe. Il est possible de licencier
quelqu’un qui n’a pas les compétences mais qui adhère complètement au système de valeurs,
cependant certains facteurs jouent dans la décision, tels que l’âge de la personne ou son passé dans
l’association.
66
25—
Formations : Il n’y a pas de politique de formation structurée dans l’ONG dans la mesure où il
n’y a pas de formation systématique et c’est géré au cas par cas, en réaction à une demande formulée
par un collaborateur. Une enveloppe est allouée à ce poste, et rarement dépensée dans son intégralité,
et IDP se montre favorable et prête à distraire du temps de travail pour la formation de ses
collaborateurs. Si un besoin se fait sentir, l’organisation se renseigne d’abord en interne si un autre
collaborateur peut aider la personne en difficulté. Si les compétences requises pour former le
collaborateur ne sont pas trouvées en interne, la personne est envoyée en formation individuelle en
externe. Les formations collectives sont très rares et certains suivent des formations permanentes
(mises à jour, recyclages, etc.). En Equateur, la coordinatrice dispose d’un excellent réseau de contacts
de gens compétents dans divers domaines qui peuvent ponctuellement renforcer les compétences de
l’équipe si cela s’avère nécessaire. Certains collaborateurs trouvent que la formation est une faiblesse
chez IDP et qu’il faudrait davantage prendre le temps pour la formation ou l’autoformation.
26—
Gestion des carrières : Il n’y a pas de gestion des carrières proprement dite étant donné que
l’association offre peu de perspectives de carrière et que la mobilité dans l’organisation, tant verticale
qu’horizontale, est limitée.
27—
Evaluations : L’ONG n’a pas encore mis en place de système structurel d’évaluation, mais c’est
un chantier en cours qui évolue vers une évaluation des interactions entre personnes et organisation,
donc des compétences et du savoir-être. Actuellement, seuls deux départements (administration et
finances, éducation au développement) organisent des entretiens d’évaluation ou entretiens de
fonctionnement. Chaque responsable de département organise cela à sa façon (l’un souhaite que le
secrétaire général soit présent, l’autre préfère lui faire un débriefing). En Equateur, aucune évaluation
n’est organisée. Il n’y a pas non plus d’évaluation des responsables des départements par le secrétaire
général.
28—
Culture organisationnelle : Les valeurs chères à l’ONG et qui fondent la culture
organisationnelle sont consignées dans la charte. Celles-ci sont véhiculées par tout un chacun et
rappelées à différents moments, par exemple lors des réunions plus ou moins trimestrielles du
personnel en Belgique qui ont pour objectif d’informer, de socialiser mais également de mettre de
rappeler les valeurs fondatrices de l’organisation. Les valeurs véhiculées par l’organisation, selon les
personnes interrogées, sont les suivantes : professionnalisation, transparence, dialogue, transparence
dans le dialogue, respect de l’autre, respect de soi-même, dignité, honnêteté de l’organisation et de ses
membres, sérieux, on peut lui faire confiance, intelligence de la démarche, engagement pour la
réalisation des objectifs, sens de l’équipe (mais pourrait encore être renforcé).
29—
Professionnalisation : Les personnes interrogées reconnaissent le bien-fondé de la
professionnalisation. Selon eux, cette démarche est indispensable pour que les activités atteignent
leurs objectifs, et que l’action de développement ne soit pas de l’amateurisme ou de la pure charité. Elle
est aussi positive dans la mesure où elle permet de travailler avec des professionnels locaux et d’utiliser
ainsi les ressources locales. Cependant, il faut veiller que ce processus de professionnalisation ne sape
pas les bonnes intentions.
30—
Freins à la professionnalisation : Certains freins à la professionnalisation ont été mis en
évidence : le poids du bénévolat quand celui-ci devient trop influent et la difficulté de trouver le bon
compromis entre professionnalisme et intérêt pour l’action. La rareté des ressources et d’éventuelles
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tensions entre professionnels et militants ne sont pas un frein dans l’ONG. En ce qui concerne le
processus de professionnalisation au sud, une difficulté peut résider dans le peu d’habitudes des
partenaires à un tel degré d’exigences.
31—
Risques à la professionnalisation : Les risques à la professionnalisation mis en évidence par les
personnes interrogées sont les suivants : le fait de restreindre la gestion du développement dans les
mains de techniciens et de l’isoler du grand public ; le fait de ne pas étendre la professionnalisation à
des domaines tels que la communication ou l’éducation au développement ; le fait que ce processus ne
soit pas collectif et ne soit mis en œuvre que par des professionnels ; le fait que la professionnalisation
au sud n’implique que les élites de la société et que ce processus d’une part ne soit pas vécu
collectivement, d’autre part ne permette pas de propager un état d’esprit professionnel. Le fait de tendre
vers une bureaucratie ne leur semble pas être un risque car IDP s’efforce de rester souple et flexible,
malgré une certaine rigidification. L’organisation ne travaille pas dans un schéma figé et si une idée ou
une opportunité intéressante se présente, elle n’hésite pas à la saisir.
32—
Concept de développement : Chaque personne interrogée sur sa propre conception du
développement apporte bien entendu une réponse très personnelle. Cependant, certains aspects
redondants peuvent être soulignés : amélioration des conditions de vie des personnes défavorisées qui
possèdent un potentiel, permettre à chaque être humain d’avoir une vie décente, processus qui permet
aux populations d’atteindre leurs aspirations individuelles et/ou collectives, qu’elles soient d’ordre
économique, sociale, culturel, etc. ; amélioration des conditions de vie pour une communauté donnée et
qui s’exprime en fonction de sa culture, de ses propres valeurs.
33—
Rôle du Nord et du Sud dans une démarche de développement : Certaines personnes
interrogées se pose la question de savoir si le Nord et le Sud ont réellement un rôle distinct à mener, il
faut plutôt essayer de multiplier les échanges Nord-Sud dans le respect de l’autre, il faut un dialogue
permanent avec les gens dans le respect mutuel. D’autres collaborateurs mettent en évidence des rôles
pour chacun. Ainsi, les rôles réservés au Nord sont les suivants : accompagnement de manière
permanente mais sans prendre de décisions à la place des communautés locales, éducation au
développement au Nord, sensibilisation. Les rôles réservés au Sud sont les suivants : se prendre en
main, avoir envie, chercher le dialogue.
2.2. Les résultats objectifs
La synthèse des observations terminée, structurons ces éléments afin de les intégrer dans le
modèle d’analyse et de voir dans quelle mesure ce modèle convient à la réalité de terrain qu’est l’ONG
Iles de Paix. A nouveau, chaque hypothèse de travail formulée dans la construction du modèle
d’analyse est abordée de manière systématique afin de voir si les relations hypothétiques énoncées se
vérifient ou non.
•
Première hypothèse : la configuration
La première hypothèse de travail concerne la structure d’organisation et les configurations
organisationnelles dont l’organisation se rapproche. Elle soutient que les ONG de développement ne
présentent pas systématiquement une configuration missionnaire caractérisée par une forte mobilisation
68
idéologique. Ces organisations mêlent également des caractéristiques d’autres configurations. Voyons
dès lors les traits de la structure organisationnelle d’Iles de Paix afin de déterminer de quelle(s)
configuration(s) elle s’approche.
Il convient dans un premier temps de souligner l’évolution d’Iles de Paix ces dix dernières années
vers une structure décentralisée, départementalisée et plus professionnelle (renforcement des
compétences des équipes, sophistication des outils de gestion, …) (observation 2). Par ailleurs, l’ONG
traverse une phase de réflexion et de formalisation de certaines pratiques de gestion dans le but d’une
uniformisation au sein de toute l’organisation, y compris les représentations locales (observation 3).
Enfin, l’antenne locale de Riobamba (Equateur) est également dans une période de restructuration suite
à une réduction de la zone d’intervention (observation 4).
Les opérateurs d’Iles de Paix (observation 6), en général très qualifiés, effectuent des tâches
diverses mais restent tout de même cantonnés à leur domaine de compétences. L’évolution de la
structure a d’ailleurs amené un renforcement des compétences des équipes. Les individus disposent
également d’une grande marge de liberté pour organiser leur travail. La division du travail peut donc
être qualifiée de forte d’un point de vue horizontal et faible d’un point de vue vertical.
La structure d’Iles de Paix est caractérisée par une départementalisation sur base des activités
de l’organisation : secrétariat, département administration et finances, département projets,
département éducation au développement, département campagne. Il s’agit donc d’une
départementalisation par input. Par ailleurs, la structure est pyramidale mais le nombre d’échelons
hiérarchiques reste peu élevé, ce qui révèle une différenciation horizontale forte et verticale faible.
La communication interne (observation 7) entre les opérateurs et entre les départements se
passe en grande partie de manière informelle. L’intranet est l’outil de communication le plus utilisé,
notamment pour garder trace de l’information. Des temps formels et informels sont aménagés afin de
diffuser l’information (réunions, missions, groupes de réflexion, …). Notons que les réunions qui
réunissent tout le personnel du siège sont rares, de l’ordre de trois à quatre fois par an. Mais le
secrétaire général ainsi que les responsables de chaque département se réunissent mensuellement. Il
revient ensuite à chaque responsable de département de jouer le rôle d’intermédiaire entre son
département et la direction afin de faire circuler l’information dans les deux sens. Ces mécanismes de
coordination reposent donc sur l’ajustement mutuel ou sur les relations interpersonnelles.
De plus, un autre mécanisme de coordination repose sur la standardisation des qualifications :
IDP a en effet opéré un renforcement des compétences de chaque équipe et les opérateurs sont
engagés pour les compétences qu’ils ont acquises soit durant leur formation, soit lors de leurs
expériences professionnelles précédentes. L’ONG prend ensuite en charge une partie de cette
standardisation via des formations octroyées à l’individu (pour compléter ou affiner ses compétences
dans certains domaines spécifiques à l’organisation).
Par ailleurs, Iles de Paix reste fidèle aux principes édictés par son fondateur. Ainsi, l’ONG a
rédigé une charte qui reprend notamment les valeurs qui lui sont chères, et les réunions ou
rassemblements organisés au cours de l’année sont toujours prétextes à rappeler ces valeurs qui
inspirent le travail d’Iles de Paix (observation 28). L’idéologie organisationnelle participe donc
également à la coordination entre opérateurs ou départements.
Finalement, bien que l’ONG fonctionne encore beaucoup sur la coutume, un autre mécanise de
coordination commence à prendre de l’importance, il s’agit de la standardisation des procédés. En
effet, la structure en Belgique a évolué ces dernières années vers un modèle de gestion compartimenté
tel que chaque collaborateur sait clairement les tâches et responsabilités qui lui incombent (en
Amérique Latine, la situation n’est pas aussi claire). Par ailleurs, le travail de formalisation encore en
cours vise notamment à la rédaction d’un manuel de procédures ainsi qu’à la constitution d’un
69
organigramme avec descriptions de fonctions pour que chacun sache quel est son rôle dans
l’organisation par rapport aux autres individus (observation 3).
Iles de Paix est une ONG ancienne de taille moyenne dans le champ des ONG belges
(observation 1). Elle œuvre sur le « marché » de la coopération au développement. Selon l’ONG,
l’environnement n’est globalement pas menaçant, peu hostile, notamment grâce à la stabilité financière
de l’organisation et à sa totale autonomie et indépendance. La campagne Iles de Paix procure en effet
à l’organisation assez de fonds propres pour lui permettre de contrôler son environnement (observation
16). De plus, comme pour SOS Faim, les demandes susceptibles d’être adressées aux ONG sont
multiples et diverses, ce qui révèle une hétérogénéité certaine du « marché ». Enfin, le métier des
ONG se complexifie, les confrontant de plus en plus à la nécessité de recourir à des opérateurs
qualifiés pour rassembler les compétences nécessaires et s’insérer dans la vague de
professionnalisation, ce qui est signe d’un marché complexe.
Toutes les personnes qui travaillent au sein d’Iles de Paix insistent sur le fait qu’Iles de Paix est
exclusivement tournée vers sa mission, les buts de mission y sont prédominants (observation 14).
En effet, ceux-ci sont d’abord à la base de la création de l’association, ce sont également eux qui
commandent les décisions importantes ou inspirent les discours de l’ONG. Par ailleurs, les buts de
mission participent également à la réalisation de certains buts de système comme la récolte de fonds
ou le recrutement de profils compétents. D’autres objectifs sont également poursuivis (observation 15),
mais au service de la mission uniquement, tels que la survie institutionnelle, la croissance au-delà des
zones d’intervention actuelles, la professionnalisation ou l’efficience. L’organisation parvient à gérer
l’éventuelle tension qui peut naître entre les buts de mission et les buts de système et le système de
buts est tout à fait intégré. Des règles sont édictées pour l’allocation des ressources, allocation qui se
fait en fonction des axes stratégiques. Par ailleurs, c’est une volonté explicite de constituer des réserves
afin d’assurer la survie institutionnelle, et par conséquent la durabilité des activités.
Le processus de prise de décision tel qu’il est organisé chez Iles de paix permet une grande
concertation au sein de toute l’organisation et les équipes permanentes sont très souvent consultées,
ce qui facilite l’adhésion des collaborateurs aux décisions. Formellement, les décisions stratégiques
reviennent à l’assemblée générale, les décisions managériales sont prises par le conseil
d’administration et/ou le secrétaire général (qui n’est pas membre du conseil d’administration) et les
décisions opérationnelles sont décentralisées au niveau des départements (responsables et/ou
opérateurs) avec référence au secrétaire général.
Au vu de ces observations, de quelle(s) configuration(s) organisationnelles Iles de Paix se
rapproche-t-elle ? L’ONG présente d’abord des caractéristiques de la configuration missionnaire,
notamment au niveau de la coordination et surtout des buts prédominants. Par ailleurs, certains traits
liés aux caractéristiques du personnel ou de la structure se rapprochent également de la configuration
professionnelle. Enfin, contrairement à SOS Faim, Iles de Paix affiche une volonté nette de
formalisation, de standardisation, notamment des procédés, ce qui montre un rapprochement avec la
configuration bureaucratique. Iles de Paix n’est donc pas une configuration pure mais tend vers une
structure professionnelle en processus de formalisation où la culture organisationnelle ainsi que
l’attachement aux valeurs et à la mission restent très forts.
Dès lors, l’hypothèse supposant qu’une ONG de développement mêle des caractéristiques de
plusieurs configurations est confirmée dans le cas d’Iles de Paix. Il apparaît en effet que l’organisation
d’une part se professionnalise, recourant notamment à une main d’œuvre très qualifiée et valorisée
pour le contenu de sa formation ; d’autre part, la structure se formalise par la mise en place de
mécanismes de coordination qui standardisent les relations, les flux d’informations au sein de
70
l’organisation. Cependant, la partie de l’hypothèse qui soutient que la mobilisation idéologique n’est plus
le seul ciment dans cette configuration hybride n’est pas vérifiée dans le cas d’Iles de Paix. Même s’il y
a certains collaborateurs qui ne se sentent pas entièrement portés par la mission de l’organisation (ceux
qui sont qualifiés de « salariés qui effectuent correctement leur travail de salariés » (observation 19)), la
majorité du personnel possède toute de même cette flamme, ils sont animés par la mission et adhèrent
complètement aux valeurs de l’organisation. La mobilisation idéologique joue donc encore ce rôle de
ciment et amoindrit l’éventuelle tension qui peut naître entre les différents objectifs de l’organisation.
•
Seconde hypothèse : la structure d’objectifs
La seconde hypothèse de travail soutient que les ONG de développement présentent une
structure particulière d’objectifs qui peut se caractériser par une tension entre des objectifs sociaux d’un
côté, et des objectifs économiques de l’autre. Dans le cas d’Iles de Paix, cette hypothèse ne se vérifie
pas. En interrogeant les collaborateurs sur l’existence ou non d’une tension entre des impératifs
d’accomplissement de la mission et des impératifs de viabilité organisationnelle, ceux-ci me répondaient
que ces objectifs étaient poursuivis de manière simultanée par l’organisation mais qu’ils n’entraient
d’aucune manière en conflit. Cette tension a en effet été complètement assimilée par l’organisation du
fait de circonstances particulières ou de l’adoption de pratiques ou de mécanismes divers.
D’abord, les instances de l’organisation ont adopté une attitude très proactive vis-à-vis de la
survie institutionnelle, considérée comme essentielle pour pérenniser les activités de l’organisation sur
le terrain. Ainsi, l’organisation met en réserve de quoi assurer la poursuite des projets pour une période
déterminée en cas de souci. Par ailleurs, l’ONG présente une situation financière tout à fait stable, ce
qui la confronte moins à des impératifs financiers de court terme. De plus, l’ONG dispose d’une totale
autonomie et indépendance, notamment financière, ce qui lui permet sans aucune contrainte d’orienter
ses projets en fonction des réalités de terrain et des axes stratégiques définis par l’organisation. Iles de
Paix dispose dès lors de davantage de latitude pour gérer cette tension.
A nouveau, le fait que cette hypothèse ne se vérifie pas dans le cas d’Iles de Paix ne remet pas
en cause l’existence de cette tension dans des structures peut-être plus petites, moins rôdées,
disposant de moins de ressources et présentant une plus grande instabilité au niveau de leurs
financements par exemple.
•
Troisième hypothèse : les contextes de travail Nord et Sud
La troisième hypothèse s’attache à l’influence des contextes de travail des équipes au Nord et au
Sud sur les pratiques de gestion. Elle soutient que la coexistence entre ces différentes logiques est
perçue de manière différente selon que l’on opère au Nord ou au Sud du fait des pressions qui pèsent
plus lourdement sur l’une ou l’autre structure.
Dans le cas d’Iles de paix, il est vrai que certaines pressions se ressentent plus ou moins selon
que l’opérateur travaille au siège ou dans une représentation locale (observation 13). Dans les
représentations locales, une série de pressions peuvent favoriser ou entraver le déroulement des
projets, pressions vécues de manière très différente par l’équipe au siège. Par exemple, la pression
familiale ou sociale peut influencer la prise de décision, les opérateurs sont quotidiennement en prise
avec les réalités du terrain ou confrontés aux pressions des communautés locales. Par ailleurs, le siège
opère lui aussi une certaine pression pour pousser les équipes locales à un degré d’exigence élevé,
notamment dans les aspects financiers, comptables et administratifs, pression auxquelles les équipes
locales ne sont peut-être pas habituées. De plus, bien que très sensibles au travail conséquent fourni
71
par le service « Campagne », les représentations locales ressentent beaucoup moins la pression de la
recherche de financements étant donné que ce volet est entièrement assumé par l’équipe au siège.
Au siège par contre, l’équipe est en première ligne par rapport à la recherche de financements.
Cette préoccupation, et le souci de répondre au niveau d’exigences des donateurs (le public) et des
quelques bailleurs, sont donc quotidiens. Par contre, l’équipe est moins confrontée directement aux
réalités de terrain et aux pressions des bénéficiaires.
Il apparaît dès lors clairement que les pressions qui s’exercent ne sont pas les mêmes dans un
contexte Nord ou dans un contexte Sud, chaque équipe étant plus ou moins proches de préoccupations
projet ou de préoccupations institutionnelles. Cependant, l’hypothèse selon laquelle d’une part le risque
de détournement de la mission est plus fort au Nord, d’autre part la tension entre mission et viabilité
peut se cristalliser entre l’équipe Nord et les équipes Sud ne se vérifie pas chez Iles de Paix.
Premièrement, l’équipe du siège est très fort sensibilisée à ce qui se passe sur le terrain et dans les
représentations locales via des contacts quotidiens par mail ou par téléphone et des missions
fréquentes. Elle se tient ainsi au courant du déroulement des projets et des difficultés rencontrées.
L’équipe au Nord n’est donc pas complètement déconnectée des réalités de terrain et des aspects
projet, et elle porte complètement l’objectif d’accomplissement de la mission. Deuxièmement, les
équipes locales et les communautés locales sont quant à elles fort sensibilisées au travail de récolte de
fonds entrepris par le service « Campagnes ». Cette sensibilisation a lieu d’une part lors des visites des
représentants des antennes locales au siège, d’autre part lors des voyages de bénévoles sur le terrain
par exemple.
•
Quatrième hypothèse : les acteurs
La quatrième hypothèse concerne les individus. Elle suppose que chaque acteur, porté par des
dimensions propres, perçoit différemment la tension entre mission et viabilité et l’assimile différemment,
ce qui peut influencer son comportement.
Les équipes permanentes d’Iles de Paix sont constituées de personnes salariées, que ce soit en
Belgique ou sur le terrain. Ces individus présentent des profils très différents, en termes de formation
(ce qui leur donne un regard spécifique sur chaque situation), de compétences ou d’expérience
professionnelle. Une grande partie des collaborateurs cependant a un passé (voire un présent) soit
dans la coopération au développement, soit plus largement dans le secteur associatif, en tant que
salariés ou en tant que bénévoles. Même si certains ont relevé le fait que les personnes aujourd’hui ne
sont plus aussi militantes qu’avant, la majorité des collaborateurs d’Iles de Paix peuvent tout de même
être qualifiées de personnes engagées. Une partie des collaborateurs, dont certains se trouvent à des
endroits stratégiques en termes de décision par exemple, ont également des expériences
professionnelles plus ou moins longues dans le secteur privé. Ceux-ci ont dès lors amené au sein de
l’organisation un bagage, une expérience fortement orientée « gestion ».
A nouveau, cette hypothèse ne peut être formellement infirmée ou confirmée. Les entretiens
menés avec les collaborateurs d’Iles de Paix ne m’ont pas permis de dégager les dimensions propres
de chacun. Il aurait fallu procéder par récit de vie, s’attarder sur la trajectoire de chacun pour déterminer
si en tant qu’individu et en fonction de la manière dont chaque collaborateur perçoit les objectifs de
l’organisation, celui-ci a une influence ou non sur la structure ou les pratiques en place. Cette
hypothèse me semble toutefois plausible dans la mesure où il est possible, par exemple, de mettre en
évidence de nettes évolutions en termes de structure et de pratiques de GRH survenues après le
changement de direction il y a une dizaine d’années.
72
•
Cinquième hypothèse : la conception du développement
La dernière hypothèse suppose que la conception du développement et les valeurs que l’ONG
associe à une démarche de développement peuvent avoir une incidence sur la structure et les
pratiques de gestion des ressources humaines en place dans l’organisation. Dans le cas d’Iles de Paix,
les valeurs associées à un processus de développement sont les suivantes : partenariat,
professionnalisme, respect de la personne et de ses aspirations, respect de la culture locale, dialogue,
respect mutuel, accompagnement, appropriation par les communautés locales.
A priori, cette hypothèse semble confirmée dans le sens où l’organisation met effectivement en
place des pratiques de gestion respectueuses de la personne, qui laisse une grande latitude aux
opérateurs afin que ceux-ci puissent réellement s’approprier leur travail, etc.. Néanmoins, elle
nécessiterait d’être encore creusée en se penchant davantage sur la logique d’intervention d’Iles de
Paix dans le Sud pour mettre en évidence les liens entre les modalités d’action au Sud et les pratiques
de gestion de la structure. Cet exercice contribuerait, à mon sens, à mettre en évidence les spécificités
des ONG de développement dont il faut tenir compte lorsque l’on s’interroge sur leurs pratiques de
gestion.
•
Synthèse : le modèle de gestion des ressources humaines
Les différentes hypothèses de travail traitées de manière systématique, je propose de mettre en
évidence le modèle de GRH en place dans l’organisation sur base des observations, pour ensuite
dégager des cohérences avec les configurations organisationnelles et voir dans quelle mesure les
autres facteurs influencent ou non les pratiques de gestion des ressources humaines.
Iles de Paix ne dispose pas encore de politique de GRH formalisée dans tous ses aspects mais
elle s’impose petit à petit pour répondre aux attentes des collaborateurs (observation 18). L’organisation
a ainsi entamé une série de chantiers : uniformisation de la politique salariale, mise à niveau de
l’organigramme avec descriptifs de fonctions et possibilité de formaliser des entretiens d’évaluation. Les
personnes impliquées dans les aspects « ressources humaines » sont : le conseil d’administration pour
la définition de la politique de GRH, le service administration et finances (ainsi qu’un secrétariat social)
pour les aspects financiers et administratifs et chaque responsable de département avec référence au
secrétaire général pour la gestion proprement dite (observation 18).
Les profils des personnes sont très divers. Les salariés qui composent l’équipe permanente
présente une forte diversité en termes de formations et d’expériences professionnelles, mais beaucoup
possèdent tout de même une expérience dans la coopération au développement, ou le secteur
associatif de manière plus large, soit en tant que salarié, soit en tant que bénévole (observation 19).
L’organisation s’adjoint également l’aide de bénévoles pour différentes tâches : deux bénévoles sont
impliqués dans la gestion quotidienne, un groupe de bénévoles travaille en collaboration avec le service
éducation au développement, un réseau plus large de bénévoles s’occupe de la coordination de la
campagne au niveau régional, enfin des milliers de bénévoles se mobilisent lors du week-end de la
campagne pour la récolte de fonds (observation 20).
Pour le recrutement et la sélection du personnel, la procédure est similaire dans la plupart des
cas bien qu’elle ne soit pas formellement écrite (observation 23). Iles de Paix reconnaît que l’idéal est
d’engager des personnes avec un profil hybride (compétences et engagement). Etant donné que cela
ne s’avère pas toujours facile, l’ONG considère que, selon la fonction, l’une ou l’autre dimension est
prédominante (et un collaborateur engagé peut toujours acquérir la flamme en baignant dans
73
l’organisation). Le processus de sélection reste cependant fort axé sur l’identification à la mission. La
procédure de recrutement est une procédure décentralisée avec référence au secrétaire général.
Différents canaux sont utilisés pour le recrutement : le réseau relationnel, le bouche-à-oreille, le site
ACODEV, la presse, etc. L’organisation ne possède actuellement pas de définitions précises de tous
les postes existants dans Iles de Paix mais ce processus de formalisation est en chantier afin d’arriver à
une uniformisation des profils de fonction, tant en Belgique que dans les représentations locales.
Les départs, volontaires ou non, sont gérés au cas par cas (observation 24). Les motifs de
départ sont divers. Particulièrement, les raisons des licenciements sont également multiples :
incompétence, décalage entre les valeurs de l’organisation et le comportement de la personne, non
adéquation avec la fonction. Dans le cas d’un licenciement, l’ONG cherchera toujours une solution pour
essayer d’éviter le licenciement si c’est possible. La procédure de licenciement est centralisée aux
mains de la direction.
Des éléments sont mis en place pour asseoir la culture organisationnelle (observation 28), qui
participe à l’établissement d’un esprit-maison propre à Iles de Paix. Par exemple, les valeurs chères à
l’organisation sont reprises dans un charte et celles-ci sont rappelées au personnel, ainsi qu’aux autres
parties prenantes, lors de différents évènements (réunion de personnel au Nord, rassemblement de
bénévoles, réunion de restitution avec les communautés locales au Sud, etc.). Dans l’ensemble, le
personnel adhère complètement aux valeurs de l’organisation et se sent portés par celles-ci. Certains
montrent un fort attachement institutionnel pour l’ONG. A ce sujet, le travail d’uniformisation des
pratiques au sein de toute l’organisation, représentations comprises, a également pour objectif de
renforcer l’attachement institutionnel, le sentiment de se sentir « Iles de Paix », notamment dans les
représentations au Sud (observation 19).
Iles de Paix n’a pas de politique structurée en termes de formations (observation 25). Celles-ci
sont gérées au cas par cas, sur demande de la personne qui en ressent le besoin. Les formations sont
diverses en termes de contenus et de modalités. L’organisation cherchera toujours à privilégier une
formation en interne par quelqu’un de l’ONG si le manque peut être comblé par ce biais-là. Dans le cas
contraire, la personne est envoyée en formation externe. La plupart des formations visent à développer
les connaissances des professionnels.
Il n’y a pas de gestion des carrières du fait du peu de perspectives que l’organisation offre en
termes de mobilité ou de promotion (observation 26).
L’évaluation (observation 27) n’a pas encore été formalisée et standardisée dans l’ensemble de
l’organisation, mais la possibilité d’arriver à un système structuré qui permette une évaluation des
compétences et du savoir-être est envisagée. Actuellement, seuls deux services pratiquent l’évaluation,
chacun à sa manière, selon des modalités différentes.
Le système de rémunérations est très clair, cette question est d’ailleurs clarifiée très vite avec le
collaborateur : les salaires sont fixés selon des barèmes et il n’y a pas possibilité d’obtenir des
incentives sous forme de primes ou d’une augmentation de salaire.
Pour récapituler, la gestion des ressources humaines est encore assez peu formalisée à ce jour
mais des chantiers sont en cours en vue d’une uniformisation des pratiques. Celles-ci restent encore
flexibles à ce jour, mais la formalisation pourrait engendrer une certaine rigidité à l’avenir. Le modèle de
GRH qui découle de ces observations est hybride : Iles de Paix présentent certaines caractéristiques du
modèle valoriel dans lequel la fonction de GRH est implicite, peu formalisée et renvoie toujours à
l’adhésion aux valeurs, à l’identification à la mission. Par ailleurs, le processus de formalisation en cours
semble faire tendre le modèle de GRH vers un modèle objectivant, où la systématisation et
l’uniformisation des différentes dimensions de GRH est plus forte, à la différence que les critères
74
employés ne seront pas impersonnels mais définis sur base de l’expérience de l’organisation et ancrés
dans les contextes culturels spécifiques.
Qu’en est-il dès lors de l’articulation entre configuration et modèle de GRH ? La configuration
missionnaire renvoie en effet à un modèle valoriel, ce qui est le cas pour une partie des pratiques chez
Iles de paix. La configuration professionnelle quant à elle renvoie plutôt à un modèle conventionnaliste
dans lequel les professionnels ont une grande marge de manœuvre dans la définition et la mise en
place des pratiques de GRH. Ce modèle cependant n’apparaît pas dans l’ONG. Enfin, la configuration
bureaucratique implique généralement la mise en œuvre d’un modèle objectivant, ce vers quoi Iles de
Paix semble se diriger à la différence fondamentale qu’Iles de Paix ne compte pas mettre en place des
critères d’objectivation prédéfinis de manière impersonnelle. L’objectif de cette démarche de
formalisation est d’harmoniser les pratiques, sans gommer les spécificités locales.
A nouveau, comme dans le cas de SOS Faim, un certain décalage peut être mis en évidence
entre d’un côté une hybridation entre trois configurations, missionnaire, professionnelle et
bureaucratique ; d’un autre côté, un modèle de gestion des ressources humaines qui combinent des
pratiques des modèles valoriel et objectivant, sans intégrer le modèle conventionnaliste. Cependant,
l’organisation le reconnaît, elle est en pleine évolution, notamment du fait de nouvelles revendications et
de l’agrandissement de l’équipe.
Quant aux autres facteurs qui peuvent avoir une influence sur les pratiques de gestion, qu’en estil ? Dans le cas d’Iles de Paix, la structure particulière d’objectifs ne se caractérise pas par une tension
entre accomplissement de la mission et viabilité de l’organisation. Cette tension est complètement
assimilée par l’organisation. De plus, les contextes de travail différents au Nord et au Sud n’impliquent
pas fondamentalement des pratiques de gestion différentes du fait des pressions qui pèsent plus
lourdement sur les structures selon qu’elles travaillent au Nord ou au Sud. Par ailleurs, les acteurs
jouent un rôle dans la construction de la structure et dans la mise en place des pratiques de gestion,
cependant cet aspect peut encore être creusé. Enfin, l’hypothèse selon laquelle la conception du
développement et les valeurs que l’organisation associe à une démarche de développement peut
influencer, au moins implicitement, le choix des pratiques ne peut être confirmée formellement.
Ces deux études de cas constituent dès lors la partie pratique de ce mémoire, la mise à l’épreuve
des faits. Sans revenir sur chaque hypothèse développée ci-dessus, il apparaît que le modèle d’analyse
élaboré sur base de la revue de littérature n’est ni entièrement infirmé, ni entièrement confirmé. Certains
relations hypothétiques sont à nuancer, voire encore à creuser. Il est clair cependant que les résultats
obtenus sont liés aux deux organisations choisies pour l’étude de cas et qu’il est impensable de
généraliser ces résultats au secteur des ONG de développement. Je propose dès lors dans le chapitre
suivant de discuter ces résultats en regard du contexte organisationnel dans lequel ils ont été mis en
évidence.
75
CONCLUSIONS
Discussion des résultats et apprentissages
Chapitre 5 – La discussion des résultats
Chapitre 6 – La conclusion générale
76
CHAPITRE 5
LA DISCUSSION DES RÉSULTATS
Le chapitre précédent présentait les études de cas réalisées afin de tester le modèle d’analyse
élaboré sur base des hypothèses de travail. Comme signalé dans le chapitre méthodologique, ce
modèle peut en effet s’appliquer a priori à n’importe quelle ONG de développement, il a donc fallu
opérer un choix afin de confronter le modèle à une réalité observable.
Ainsi, il a été décidé de s’attarder sur deux études de cas, SOS Faim et Iles de Paix. Cependant,
alors que ce mémoire a plusieurs fois souligné la grande diversité des ONG de développement, il
apparaît clairement que restreindre l’analyse à deux entités implique d’une part une réduction de la
prétention représentative, d’autre part le fait que les résultats obtenus sont liés aux organisations
choisies. Ce chapitre propose dès lors de discuter les résultats à la lumière des caractéristiques des
ONG étudiées afin de les relativiser, de les mettre en perspective, de les confronter au contexte de
cette recherche, pour ensuite tenter de dégager les grands traits d’une nouvelle configuration
organisationnelle associée à un modèle de gestion des ressources humaines plus appropriée aux
réalités des ONG de développement.
Commençons par mettre en évidence quelques caractéristiques des ONG de développement
étudiées qui peuvent expliquer en partie les résultats obtenus.
Tout d’abord, il convient de souligner que les deux entités choisies, chacune dans sa propre
mesure, ne sont pas réticentes à l’introduction de pratiques de gestion au sein de la structure et qu’elles
ont accepté la nécessité d’un processus de professionnalisation. Ces organisations ont toutes deux été
proactives pour l’introduction d’outils de gestion performants, notamment en termes de suivi financier.
Les pratiques de gestion introduites viennent généralement de l’expérience de l’ONG, de son histoire,
de l’expérience personnelle ou professionnelle de ses membres, du bon sens ou sont empruntées au
secteur privé. Le professionnalisme, la rigueur, la transparence faisant partie du système valoriel de ces
deux ONG, celles-ci ont dépassé cette vision qui veut que ce qui émane du secteur privé va à
l’encontre des objectifs militants de l’ONG de développement.
Abordant le processus de professionnalisation, il est intéressant de noter également que l’un des
axes d’action des deux ONG étudiées consiste dans le renforcement des compétences et capacités,
notamment en gestion, de leurs partenaires au Sud ainsi que dans la professionnalisation des
structures. La professionnalisation se pose dès lors dans ces ONG comme une nécessité, un axe de
travail, voire un « devoir » par rapport à leur logique d’action.
Par ailleurs, les deux ONG choisies ont déjà une longue expérience dans la coopération au
développement, elles ont une bonne « assise » dans le paysage des ONG belges. Ce sont des
organisations d’une certaine taille et relativement stable d’un point de vue financier notamment.
Contrairement à toute une série de petites ONG belges qui se posent chaque jour la question du
lendemain, Iles de Paix et SOS Faim peuvent davantage se concentrer sur leurs activités. Je pense que
ces deux ONG ont déjà pu consolider leur structure, ce qui leur permet d’envisager l’avenir plus
sereinement. Dès lors, cette tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle
est mieux assimilée au sein de la structure.
De plus, bien que les deux ONG se soient adjointes les compétences de professionnels, elles ont
gardé leur fibre militante, les valeurs traversant la structure de part en part. Les personnes interrogées
77
m’ont toutes semblé engagées, portées par la mission, sensibilisées aux valeurs de l’organisation.
Chaque ONG possède un esprit-maison bien à elle et on sent très fort cette culture militante, cette
culture d’engagement. L’idéologie organisationnelle joue encore très fort son rôle de ciment, de moteur
de l’implication, et surtout elle permet sans cesse de re-centrer les activités autour de la mission pour
que le projet devienne ou re-devienne l’élément fédérateur qui rassemble, « le principe universellement
supérieur, capable de transcender l’hétérogénéité des attentes. » (Valéau, 2003, p. 20)
Du reste, Iles de Paix et SOS Faim, malgré leur évolution restent des structures à taille humaine
et qui travaillent à échelle humaine. Le climat de travail de ces organisations, tant au Nord qu’au Sud
reste informel, respectueux des avis de chacun et propice à la concertation, à l’échange de points de
vue, à des discussions riches. Ces caractéristiques confèrent aux deux ONG la flexibilité, la souplesse
nécessaire pour réagir dans un contexte évolutif.
En outre, dans l’articulation entre la structure Nord (siège) et les représentations locales, ces
deux ONG présentent certainement l’avantage d’être implantée depuis un certain nombre d’années
maintenant, et surtout d’avoir à la tête des représentations locales des personnes de confiance qui
connaissent bien la « maison », que ce soit pour Iles de Paix ou SOS Faim. Cet élément rend le
dialogue plus facile et la compréhension des contextes de travail de l’un et de l’autre plus aisée.
Enfin, les deux ONG étudiées sont des organisations qui fonctionnent bien, qui montrent des
résultats positifs, qui proposent une démarche intéressante axée sur la participation et qui reçoit
l’approbation d’acteurs du Sud pour sa flexibilité notamment. L’une des forces dans le travail effectué
par ces deux ONG réside dans les « personnes », dans les partenaires du Sud, qui par leur optimisme,
leur détermination, leur volonté d’avancer et de se prendre en main poussent les ONG à questionner
leurs pratiques pour un appui toujours plus professionnel et adéquat.
Dans ce contexte favorable marqué par ces diverses spécificités, il est certainement plus facile
de gérer une éventuelle tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle, ce
qui explique en partie pourquoi le modèle d’analyse n’est pas complètement vérifié.
Forts des résultats obtenus dans la partie précédente et gardant en tête les spécificités des ONG
étudiées énoncées ci-dessus, voyons dans quelle mesure il est possible de synthétiser les résultats afin
de dégager une nouvelle configuration organisationnelle qui intègre un modèle de gestion des
ressources humaines cohérent par rapport aux nouvelles dimensions structurelles introduites et aux
autres facteurs d’influence.
Les deux ONG étudiées ont montré qu’elles ne peuvent être caractérisée par une configuration
pure, ce qui reflète leur complexité, et notamment l’hétérogénéité des logiques qui les animent.
Particulièrement, il a été souligné que ces deux ONG présentent notamment des éléments de la
configuration missionnaire et de la configuration professionnelle23, ce qui à mon sens fait montre de
l’évolution de ces organisations vers une structure plus professionnelle. En effet, la configuration
missionnaire, bien qu’elle soit encore d’actualité, correspond tout à fait au modèle de gestion tel qu’il
était en place il y a une dizaine d’années dans ces deux organisations, modèle caractérisé par une
forme centralisée dans le chef du directeur, une importance nette des valeurs pour guider le travail, une
organisation de petite taille et très informelle. Aujourd’hui, une autre configuration prend toute son
importance, c’est la configuration professionnelle, notamment du fait de l’évolution du personnel et du
renforcement des compétences. A mon sens, les ONG de développement sont aujourd’hui poussées
vers une configuration hybride qui allie professionnalisme et valeurs. Toutefois cette hybridation a lieu
Je n’aborde pas dans cette section le fait que l’une des ONG étudiées présente également des caractéristiques de la
configuration bureaucratique étant donné que cela ne s’applique qu’à une des organisations et que ce n’est pas la
configuration dominante dans cette ONG.
23
78
sans que l’organisation ne glisse complètement vers la configuration professionnelle étant donné qu’à
mon sens, il y aura toujours des garde-fous (donateurs, grand public, bénéficiaires) pour s’assurer que
la mission et le capital valoriel restent au centre de l’organisation.
Néanmoins, au vu des résultats, il semble que le modèle de gestion des ressources humaines
n’ait pas suivi cette évolution vers une configuration hybride missionnaire et professionnelle. Le modèle
de GRH paraît en décalage avec des ressources humaines qui présentent des profils caractérisés par
l’engagement et les compétences et qui en tant que professionnels peuvent également montrer des
revendications quant à leur métier, à leur travail. En effet, des dimensions comme la formation ou
l’évaluation par exemple sont peu institutionnalisées dans les ONG étudiées. Les résultats soulignent
que les ONG étudiées soignent particulièrement la sélection des nouveaux collaborateurs, veillant dans
la mesure du possible à engager des personnes compétentes qui sont portées par la mission, ainsi que
la culture organisationnelle afin de susciter l’adhésion aux valeurs et l’identification à la mission. Selon
moi, les deux autres dimensions à privilégier et à institutionnaliser (ce qui ne signifie pas formaliser
dans des cadres rigides) sont la formation et l’évaluation. Les autres dimensions sont en effet soit
appropriées telles qu’elles se passent actuellement (par exemple la gestion des entrées et départs des
effectifs, l’intégration), soit elles sont plus difficiles à systématiser dans le cas des ONG de
développement (par exemple, un système de promotion).
Finalement, étant donné que les ONG de développement évoluent vers une configuration hybride
qui mêle des caractéristiques missionnaires et professionnelles, elles se doivent d’adopter un modèle
de gestion des ressources humaines plus ou moins formalisé selon l’histoire de l’organisation, son
expérience, sa structure propre, sa logique d’intervention afin de prendre également en considération
d’autres attentes des ressources humaines professionnelles par rapport à leur travail ou à leur évolution
professionnelle personnelle, tout en gardant la mission et l’adhésion aux valeurs comme principe
fédérateur.
Pour terminer, je propose quelques réflexions ou questions par rapport à cette question de la
tension entre viabilité organisationnelle et mission, et de son influence sur les pratiques de gestion.
Il convient de souligner que les variables structurelles sont le fruit d’une expérience, d’un vécu,
d’une construction par les acteurs au fil du temps. Dès lors, face à la particularité de chaque
organisation, dans ce cas-ci de chaque ONG de développement, un élément qui à mon sens peut aider
dans la gestion de cette tension entre logiques différentes, voire divergentes, est la définition au
préalable d’une vision stratégique à moyen, voire long terme, qui pose a priori les arbitrages à faire et
fasse état de lignes directrices d’action. Cette vision stratégique peut en effet guider des choix difficiles
et clarifier certaines situations problématiques.
Finalement, la nécessité d’adopter une logique institutionnelle pour pérenniser les activités de
l’organisation ne peut être mise en doute. Mais il est du devoir des ONG de veiller à ne pas
bureaucratiser à outrance, rigidifier excessivement les structures au risque de perdre de leur flexibilité,
de leur souplesse, de leur réactivité qui les caractérisent.
79
CHAPITRE 6
CONCLUSION GÉNÉRALE
J. Defourny (2006b) concluait l’an dernier un colloque sur la gestion des ressources humaines en
économie sociale en soulignant que le tiers-secteur « a mis le temps pour « ouvrir » les organisations :
la poursuite des valeurs a été tellement dominante que les autres pratiques ont longtemps convergé
vers une rationalité en valeurs ». Aujourd’hui, la professionnalisation des ONG de développement est
une réalité, bien qu’elle cherche encore ses marques, et une nécessité. S’il faut reconnaître la difficulté
de professionnaliser des aspects humains dans un contexte spécifique profondément ancré dans des
valeurs, « il n’est pas surprenant que la professionnalisation des associations constitue, pour elles, un
processus lourd d’implications économiques et managériales : qu’il s’agisse de se convertir aux rigueurs
de la gestion formalisée des ressources ou d’adapter l’organisation interne à la bonne gouvernance des
relations de travail. » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 129) Il convient cependant de rappeler
que la gestion des ressources humaines est aussi un moyen au service de la réalisation des objectifs
de l’organisation.
La professionnalisation est un processus évolutif, une période de changement qui permet
« d’économiser des ressources pour aider mieux, ou aider plus » (Quéinnec et Haddad, 2004, p. 209). Il
devient donc urgent de dépasser cette vision manichéenne qui veut que la professionnalisation soit
assimilée à un processus néfaste, défavorable, préjudiciable, tandis que le militantisme est associé à la
sauvegarde des valeurs. La professionnalisation est actuellement une réalité, et sa gestion doit se faire
de manière réfléchie afin de conserver le caractère hybride des ONG de développement et de ne pas
s’éloigner des valeurs qui l’animent. Face à ce défi, la posture à adopter se doit d’être réflexive et
d’ouvrir le dialogue au sein de l’organisation. D’autant plus que toutes sortes de résistances peuvent
s’exprimer explicitement ou implicitement à l’encontre de cette période de transition. Les attitudes à
adopter sont alors multiples, mais insuffler une culture de changement et s’assurer de la participation et
de l’adhésion des membres sont quelques nécessités pour aider à gérer cette transition au mieux.
Finalement, ce qui réconcilie professionnalisme et militantisme, accomplissement de la mission et
viabilité organisationnelle, c’est la responsabilité et le service : « Dès lors que les uns et les autres [les
professionnels et les militants] ont solidairement conscience de délivrer un service à des personnes en
situation de besoin, leur responsabilité envers lesdites personnes est tout aussi solidairement
engagée. » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 136)
Dans ce contexte, le travail à réaliser en termes de gestion des ressources humaines est encore
immense pour mettre en évidence les pratiques dans le secteur. Il a été souligné à maintes reprises la
diversité des ONG de développement, notamment en termes de taille, de structure d’organisation ou de
fonctionnement. Ce mémoire-recherche ne pouvait donc prétendre à vocation représentative dans un
champ organisationnel aussi vaste. Par conséquent, le fait que les organisations étudiées, SOS Faim et
Iles de Paix, ne cadrent pas complètement avec le modèle d’analyse ne remet pas en cause, à mon
sens, son applicabilité dans d’autres ONG de développement présentant des structures peut-être plus
petites, moins rôdées, disposant de moins de ressources et présentant une plus grande instabilité au
niveau de leurs financements par exemple. Cependant, si ce mémoire ne pouvait amener à une
généralisation des résultats, il a cependant le mérite d’avoir mis en évidence des pratiques de gestion
dans deux ONG, et surtout d’avoir structuré ces observations et la réflexion quant à la structure
80
d’organisation, aux pratiques de gestion des ressources humaines et à l’articulation entre structure et
modèle de GRH dans un cadre théorique connu.
Toutefois, la réflexion peut se poursuivre afin d’éclairer encore cette problématique, tant d’un
point de vue méthodologique pour donner une capacité de lecture plus fine des ONG de
développement, que d’un point de vue de la recherche afin d’apporter d’autres opinions, d’autres
regards pour soulever de nouvelles questions et éclairer cette problématique.
Au niveau de la méthodologie d’abord, des focus group ou ateliers collectifs avec des
représentants de plusieurs ONG pourraient par exemple être organisés afin d’augmenter la diversité et
confronter différents points de vue. Une enquête statistique du même ordre que celle d’ACODEV
pourrait également être menée dans un objectif de systématisation des informations récoltées et de
mise en évidence de relations entre différentes variables (structurelles, contextuelles, etc.). Ce travail
pourrait notamment servir de base à un débat sur les pratiques de GRH dans le secteur ou à une
évaluation de ces pratiques.
Par ailleurs, la réflexion peut se poursuivre en formulant quelques pistes de recherche dans le
cadre de la problématique du management, et particulièrement de la gestion des ressources humaines
des ONG de développement, pistes qui peuvent apporter un autre regard sur la problématique. P.
Ryfman souligne à juste titre que « la recherche sur le milieu des ONG se heurte à divers obstacles. Ils
tiennent bien sûr à des objectifs spécifiques différents pour les chercheurs de ceux poursuivis par les
associations, ainsi qu’aux craintes, plus ou moins fantasmées, que suscitent les discours des premiers,
trop vite taxés de théorisations déconnectées des réalités de terrain. Pourtant, les ONG ne devraient
pas redouter de devenir objets de recherche. » (2004, p. 80). Et j’ajoute que la tâche des chercheurs
est encore vaste pour fournir aux dirigeants des ONG et à leurs équipes un cadre de réflexion et
d’action qui leur procure une certaine méthodologie et les encadre dans le processus de
professionnalisation et dans leurs questionnements quant à la GRH. Cependant, afin que les
théorisations ne soient pas déconnectées des réalités du terrain, elles doivent s’effectuer en étroite
collaboration avec les praticiens et les personnes de terrain.
Les champs de recherche à explorer concernent entre autres la gestion, la sociologie des
organisations, la (psycho-)sociologie, l’économie, afin d’analyser et de théoriser les pratiques et le
fonctionnement des ONG de développement. Quelques questions à explorer sont par exemple : Les
théories des organisations développées dans le cadre du secteur public ou privé classique s’appliquentelles au cas des ONG de développement ? Quelles structures d’organisations prédominent et quelle est
leur efficacité ? A l’heure de la professionnalisation, quels sont les moteurs d’implication des salariés et
des bénévoles ? Comment les caractéristiques spécifiques des ONG de développement influencent
leurs pratiques de gestion en général (gestion des ressources humaines, mais aussi gestion financière,
marketing, gouvernance, etc.) ? Quelle est l’influence de la multiplicité des stakeholders dans la gestion
de la tension entre mission et viabilité organisationnelle ? Quel est le rôle de chaque acteur dans la
gestion de cette tension selon son expérience personnelle ? Voilà quelques questions non exhaustives
qui peuvent ouvrir le champ de recherche et qui témoignent de l’ampleur de la tâche.
Et je laisse le mot de la fin à E. Quéinnec et L. Haddad qui dépeignent les enjeux de la
professionnalisation : « Concilier profession et engagement militant, verticalité et transversalité,
rationalité procédurale et interpersonnalité, agenda rigoureux et improvisation décisionnelle,
organisation formelle et audace stratégique, telle est donc, en substance, la teneur du défi associatif.
Celui-ci se nourrit d’une gestion des dilemmes, génératrice d’une ambiguïté considérable. » (2004, p.
195)
81
GLOSSAIRE
82
GLOSSAIRE
•
Bénévolat : La différence entre volontariat et bénévolat est ténue. D’aucuns considèrent que
l’élément qui fait la différence entre le bénévole et le volontaire est la possibilité pour le volontaire
d’être indemnisé ou défrayé. Cependant, cette opinion n’est pas partagée par tous et la loi du 3
juillet 2005 relative aux droits des volontaires « désigne dorénavant par un seul et même vocable,
celui de volontaire, des personnes anciennement qualifiées de bénévoles ou de volontaires, du
moment qu’elles réunissent les caractéristiques fixées par ses différentes dispositions. »
(Henkinbrant, 2007, p. 57)
•
Coopérant : Aujourd’hui, la loi belge confère un statut assorti de droits et de devoirs au « coopérant
ONG ». Certaines conditions doivent en effet être remplies pour pouvoir partir comme coopérant et
le respect de ces conditions octroie certains avantages au coopérant lié à ce statut. (Belgique,
DGCD, p. 26)
•
Economie sociale : L’économie sociale est une dénomination du troisième secteur. Elle regroupe
les activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives, des mutualités
et des associations dont l’éthique se traduit par les principes suivants : (i) finalité de service aux
membres ou à la collectivité plutôt que de profit ; (ii) autonomie de gestion ; (iii) processus de
décision démocratique ; (iv) et primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition
des revenus. » (Defourny et Develtere, 1999, p. 38)
•
Organisation non gouvernementale : Le terme « organisation non gouvernementale » s’avère
difficile à définir du fait de la diversité des organisations qu’il englobe. Cependant, alors que peu de
législations nationales n’accordent une reconnaissance spécifique aux ONG, la Belgique fait partie
des quelques pays ayant légiféré à ce propos et confère à ces organisations un statut sous forme
d’un agrément renouvelable. Les conditions à remplir pour obtenir cet agrément sont les suivantes :
être constituée, conformément à la loi du 27 juin 1921 modifiée en 2002 sur les
associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les
fondations, soit en association sans but lucratif, soit en établissement d’utilité publique, soit
en société à finalité sociale ;
avoir comme principal objet social la coopération au développement ;
avoir une expérience pertinente et actuelle dans le domaine ;
avoir une approche planifiée ;
être autonome ;
être à même d’assurer la continuité de son fonctionnement ;
avoir une majorité des membres des organes de direction qui soient de nationalité belge ;
mener des activités conformes aux objectifs de la coopération internationale belge ;
gérer une comptabilité transparente.
•
Secteur non-marchand : Selon une approche théorique, le secteur non marchand peut être
appréhendé à partir de deux critères : le critère de la « finalité », c’est-à-dire à but de lucre ou non,
et le critère des « ressources » (marchandes, non marchandes ou mixtes). Le secteur non
marchand regroupe alors les organisations à but non lucratif employant des ressources
83
exclusivement non marchandes ou mixtes (marchandes et non marchandes). Pratiquement, les
organisations appartenant au secteur sont les ASBL, les associations de fait, les fondations, les
mutuelles, les services publics et les entreprises publiques. Au sens large, le secteur non marchand
concerne toute branche d’activité ; au sens restreint, l’Administration publique et les activités
soumises au marché en sont exclues. (Defourny, 2006a)
•
Stakeholders : Individus ou groupes d’individus qui dépendent de l’organisation pour remplir leurs
propres objectifs et dont l’organisation, à son tour, dépend. (Johnson et Scholes, 2002, p. 206). Ce
terme, traduit par « parties prenantes » en français, fait donc référence, au sens le plus large, à
l’ensemble des individus susceptibles d’être affectés ou d’affecter les activités de l’organisation.
•
Tiers-secteur : Le terme « tiers-secteur » est la dénomination la plus largement acceptée au
niveau international pour désigner les initiatives ou activités qui ne relèvent ni du secteur public, ni
du secteur privé. Cette notion fait donc référence à un ensemble diversifié d’organisations se
trouvant entre le marché et l’Etat, et qui ne sont strictement ni des organisations publiques ou
parapubliques, ni des entreprises privées ayant comme finalité première la recherche de profit.
•
Volontariat : Le volontariat tel que défini dans la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des
volontaires (article 3) concerne toute activité : (i) qui est exercée sans rétribution, ni obligation ; (ii)
qui est exercée au profit d’une ou plusieurs personnes autres que celle qui exerce l’activité, d’un
groupe ou d’une organisation ou encore de la collectivité dans son ensemble ; (iii) qui est organisée
par une organisation autre que le cadre familial ou privé de celui qui exerce l’activité ; (iv) et qui
n’est pas exercée par la même personne et pour la même organisation dans le cadre d’un contrat
de travail, d’un contrat de services ou d’une désignation statutaire » (Henkinbrant, 2007, p. 60)
84
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89
LES ANNEXES
Annexe A – Les défis des ONG de développement
91
Annexe B – La synthèse des configurations de J. Nizet et F. Pichault
92
Annexe C – La synthèse des modèles de GRH de J. Nizet et F. Pichault
94
Annexe D – La grille de lecture contingente pour la GRH de J. Nizet et F. Pichault
96
Annexe E – Le programme des entretiens et rencontres avec « SOS Faim »
97
Annexe F – Le programme des entretiens et rencontres avec « Iles de Paix »
99
Annexe G – Le guide d’entretien « Belgique »
101
Annexe H – El cuestionario « SOS Faim – America del Sur »
104
Annexe I - El cuestionario « Islas de Paz – America del Sur »
108
90
ANNEXE A – LES DEFIS DES ONG DE DEVELOPPEMENT
Challenges
Internes
Amateurisme
Focus restreint
Rareté matérielle
Fragmentation
Paternalisme
Externes
Légitimité publique et responsabilité
Relations avec les gouvernements
Relations avec le monde des affaires
Relations internationales
Bases du problème
Implications pour le secteur
Le personnel est mobilisé par des valeurs et des croyances.
Les activités demandent des compétences techniques.
Organisation, besoins managériaux.
Les ONG se concentrent sur un groupe ou une problématique.
Le cadre valoriel polarise les différences.
Tendance à stéréotyper les étrangers au projet.
Les ressources sont mobilisées par les valeurs.
Les bénéficiaires ont peu de ressources.
D’autres secteurs ont plus de ressources.
La dépendance envers les donateurs réduit l’autonomie.
Diversité des valeurs, des objectifs, des stratégies.
Concurrence pour des ressources rares.
Stéréotypie idéologique des autres.
Les dirigeants contrôlent les ressources clés.
Accent sur des fondateurs charismatiques.
Ressources humaines peu compétentes.
Capacité organisationnelle limitée.
Impact et efficience opérationnelle limités
Aveugles à un contexte plus large.
Difficulté à se développer au-delà d’un concept initial.
Travaux, projets croisés limités.
Les services volontaires limitent la capacité.
Programmes difficiles à augmenter.
Les bénéficiaires pauvres restent dépendants.
Le public ne reconnaît pas le secteur.
Peu de responsabilité envers les stakeholders.
Support légal et culturel limité.
Sources et critiques alternatives.
Concurrents pour les ressources des donateurs.
Sources d’innovation et services.
Sources alternatives de services.
Critiquent les défauts des affaires.
Rejettent la coopération comme co-optation.
Ressources et modèles étrangers.
Des priorités étrangères façonnent l’action.
Peu de soutien populaire, critiqués.
Peuvent mal utiliser les ressources.
Base faible pour des investissements de long terme.
Stéréotypie et antagonisme.
Le succès augmente la sensibilité politique.
Les contraintes politiques réduisent les impacts.
Stéréotypie et antagonisme.
Philanthropie du monde des affaires minimisée.
Manque d’alliances entre secteurs.
Questions sur l’identité et l’autonomie des ONG.
Fuite des cerveaux vers les ONG internationales.
Aveugles à des intérêts partagés.
Peu d’influence mutuelle ou de synergie.
Petite voix sur des problèmes à large échelle.
Dépendance envers les dirigeants.
Echec pour rendre les membres plus aptes.
(Source : Brown et Kaleogonkar, 2002, p. 23)
91
ANNEXE B – LA SYNTHÈSE DES CONFIGURATIONS DE J. NIZET ET F. PICHAULT
Configuration
entrepreneuriale
1. La structure
Division du travail
Coordination du travail
entre opérateurs
Qualification des
opérateurs
Mode de
départementalisation
Taille des départements
Différenciation
Liaison entre unités
2. Le contexte
Âge
Taille
Technologie
Marché
verticale forte ; horizontale
plutôt faible
supervision directe
faible
plutôt par input
Configuration
missionnaire
verticale faible ; horizontale
faible
standardisation des normes,
ajustement mutuel
généralement élevée ;
importance du niveau plus
que de la compétence
spécifique
plutôt par output
Configuration
bureaucratique
Configuration
adhocratique
verticale forte ; horizontale
forte
standardisation des procédés
ou des résultats
faible
verticale faible ; horizontale
faible
ajustement mutuel
élevée
par input
par output
petite
verticale faible
pas de mécanismes reposant
sur la formalisation ; ceux
reposant sur les relations
interpersonnelles et les
représentations peu élaborés
petite
horizont forte ; verticale faible
mécanismes reposant sur les
représentations mentales, en
particulier la mobilisation
idéologique
grande
verticale forte
exclusivement des
mécanismes reposant sur la
formalisation : planification
des activités ou contrôle des
performances
petite
horizontale forte
mécanismes très développés,
principalement ceux reposant
sur les relations
interpersonnelles : postes de
liaison, groupes de projet,
structure matricielle
jeune
petite
peu élaborée, production à
l’unité
instable, simple
intermédiaire
en principe petite
peu spécifique
vieille
grande
moyennement élaborée,
production de masse
stable, simple
jeune
petite
très élaborée : notamment en
continu
instable, complexe, peut
également être hétérogène
stable, complexe, peu hostile
Configuration
professionnelle
verticale faible ; horizontale
forte
standardisation des
qualifications
élevée, importance
particulière de la compétence
spécifique
à la fois par input et par
output
généralement grande
horizontale forte
essentiellement des
mécanismes reposant sur les
relations interpersonnelles :
postes de liaison et comités
permanents
peu spécifique
peu spécifique
peu spécifique
stable, complexe
92
3. Les buts
Mission et/ou système
prédominance de buts de
mission qui correspondent
aux préoccupations et valeurs
du directeur ; importance de
la survie
prédominance d’un ou de
plusieurs but(s) de mission
Degré d’opérationnalité
faible ; il suffit que les buts
soient clairs aux yeux du
directeur
Système de buts
relativement intégré, surtout
du point de vue du directeur
la capacité des buts de
mission à mobiliser les
membres est plus importante
que leur opérationnalité
très intégré
4. Le pouvoir
Localisation du pouvoir
Attitudes des autres
acteurs
chez le sommet stratégique,
qui est aussi propriétaire, et
qui contrôle toutes les étapes
des décisions stratégiques,
parfois également des
décisions managériales ou
même opératoires
les acteurs autres que le
sommet stratégique sont soit
loyaux, soit non impliqués
prédominance des buts de
système comme buts
opérants ; les buts de mission
peuvent être officiels : il y a
alors décalage entre buts
officiels et opérants
très élevé
principalement buts de
mission, mais également buts
d’efficience
généralement intermédiaire
modérément intégré ;
tensions possibles entre buts
de système ou entre certains
buts de système et certains
buts de mission
modérément intégré ;
tensions possibles entre
différents buts de mission, de
même qu’entre les buts de
mission et le but d’efficience
chez le sommet stratégique et
les analystes de l’idéologie
chez le sommet stratégique et
chez les analystes de la
technostructure
les autres acteurs sont loyaux
aux normes et missions
organisationnelles ; mais un
certain pouvoir peut s’exercer
sur des décisions de moindre
importance
les opérateurs sont non
impliqués ; ils interviennent
par le biais des syndicats qui
exercent plus de pouvoir que
dans les autres configurations
décentralisation des décisions
managériales et opératoires
dans des équipes réunissant
opérateurs, ligne
hiérarchique, technostructure
et logistique ; centralisation
des décisions stratégiques
les propriétaires sont réduits à
la non-implication et les
associations d’employés sont
soit absentes, soit non
impliquées
différents buts de mission
correspondant aux
préoccupations
professionnelles des
différents groupes
d’opérateurs
la variété des buts des
professionnels se traduit en
buts organisationnels peu
opérationnels
conflictuel : conflits entre les
buts des différentes
catégories de professionnels
principalement chez les
professionnels et dans le bas
de la ligne hiérarchique ; le
sommet stratégique exerce
une influence en gérant les
conflits
les propriétaires sont réduits à
la non-implication et les
associations de travailleurs
sont inexistantes ou non
impliquées (à l’exception des
associations professionnelles)
(Source : Nizet et Pichault, 1995, p. 232-234)
93
ANNEXE C – LA SYNTHÈSE DES MODÈLES DE GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT
Effectifs
(entrées)
Effectifs (sorties)
Intégration et
culture
Formation
Evaluation
Modèle arbitraire
Modèle valoriel
Modèle objectivant
Modèle individualisant
Modèle conventionnaliste
Peu de planification, importance
des échos informels et des
recommandations à l’intérieur
de réseaux de connaissances
Renvois arbitraires
Processus de sélection axé sur
l’identification à la mission
Planification quantitative, plus
d’importance accordée au
recrutement qu’à la sélection,
faible turnover
Préretraites, licenciements
collectifs, alternatives
négociées dans de conventions
collectives (réduction salariale,
diminution du temps de travail)
Gestion prévisionnelle des
compétences, forte importance
de la sélection, recours à
l’appréciation par stimulation
Départs volontaires pour mieux
répondre aux aspirations
professionnelles, actions
d’accompagnement
(essaimage, outplacement,
reconversion, …)
Culture d’entreprise forte
(culture-projet)
Accès réglementé ; recrutement
et sélection par les
professionnels, validés en
collège, de façon décentralisée
Départs très rares, sous la
pression des pairs ou par
décision volontaire
Loyalisme, esprit-maison,
prégnance des cultures
professionnelles
Centrée sur les savoirs et les
savoir-faire, transmission sur le
tas, faible institutionnalisation,
faible importance dans la
masse salariale, centrée sur le
court terme
Base imprécise, mode informel,
intervention dans la vie privée,
critères implicites, effets peu
perceptibles
Départs volontaires et rejets
pour cause de non-adhésion
aux valeurs (turnover élevé)
Culte du don de soi, de
l’abandon à la mission, cultureprojet souvent réaffirmée par un
processus d’identification
Faiblement institutionnalisée
mais cruciale, axée sur les
savoirs et savoir-faire pertinents
pour l’action (efficacité) et sur
l’auto-questionnement des
membres (savoir-être)
Fondée sur le dévouement
et/ou le respect de la doctrine,
appréciés à la suite d’une interévaluation tacite et
consensuelle, sans influence
directe sur la promotion
Respect de l’autorité formelle et
des règles
Centrée sur les savoirs et
savoir-faire, mode transmissif,
forte institutionnalisation,
importance moyenne dans la
masse salariale, centrée sur le
court terme
Permanente, fondée sur une
description de fonctions,
recourant à des critères
standardisés (échelle de
notation, incidents critiques
prédéterminés), sans influence
nécessaire sur la promotion
Centrée sur le savoir-être, forte
institutionnalisation, alternance
de formes (transmissif, sur le
tas), importance dans la masse
salariale, centrée sur le long
terme, organisation qualifiante
Fondée sur un bilan de
compétences, recours à des
critères négociés au cas par
cas, avec une influence directe
sur la mobilité
Attachement institutionnel
faible, clivages corporatifs et/ou
disciplinaires, respect du
« projet professionnel »
Essentiellement aux mains des
professionnels, qui en
définissent les critères de
légitimité (participation à des
colloques, membership de
sociétés savantes)
Fondée sur la reconnaissance
professionnelle par les pairs,
recourant à des critères dont la
définition est soumise à débats,
sans influence directe sur la
promotion
94
Promotion
Arbitraire, peu de possibilités
Rare, sur base du loyalisme
affiché mais jamais
automatique, considérée
comme un service rendu,
limitée dans le temps pour
éviter la poursuite d’intérêts
personnels
Question considérée comme
peu légitime, car motivation
censée résulter de la mission
poursuivie, coexistence
problématique de situations
statutaires diverses
À l’ancienneté ou sur la base de
concours, avec mise au point
d’une classification de fonctions
Nomination directe au mérite
(liée à l’évaluation), plan de
carrière personnalisé
Sur la base d’élections par les
pairs avec, pour les postes à
responsabilité, un système de
mandats limités dans le temps
afin d’éviter les dérives
autocratiques
Salaire au temps réglementé ou
salaire au rendement déterminé
a priori
Salaire négocié à l’entrée, puis
inséré dans un système
barémique, mais autorisation de
rendre des services rémunérés
à l’extérieur
Uniforme, nette séparation
temps de travail/temps libre
(heures supplémentaires
réglementées), travail posté,
temps partiel « subi », horaire
décalé, conventions collectives
Formelle, hiérarchicofonctionnelle (notes, rapports,
réunions de service), réseau
centralisé
Salaire individualisé avec partie
variable, déterminée a
posteriori, accompagnée
d’incentives (sports, activités
culturelles) et d’une mise à
disposition de divers services
(assurances, conseils)
Aménagé (horaires flexibles,
job sharing, retraite à la carte,
congé de formation, pause
carrière, télétravail, semaine
condensée, temps partiel
« choisi »)
Latérale et informelle,
articulation entre
communication interne et
externe, utilisation intensive des
technologies de l’information
Codécision sur le plan
opérationnel
Principe de l’expression directe
Rémunération
Salaire à la pièce ou à la tâche
autonome, salaire au temps
aléatoire
Temps de travail
Heures supplémentaires
compensées par des
arrangements informels,
assouplissement travail/temps
libre
Indifférenciation du temps de
travail/temps libre, question
considérée comme peu légitime
par rapport à la poursuite des
valeurs
Communication
Informelle, ascendante et
descendante par contact direct,
réseau centralisé
Collégiale, axée sur le rappel
constant des valeurs, à
caractère persuasif, informelle
et conviviale
Faible (exécution des
instructions)
Inexistantes
Faible (consultation sur les
orientations doctrinaires)
Inexistantes (souvent évitées)
Participation
Relations
professionnelles
Éventuellement via l’information
et la consultation
Principe de la
délégation/représentation
Totalement hors contrôle
institutionnel, possibilités de
travail à domicile ou à
l’extérieur à l’initiative des
professionnels
Latérale et collégiale, fortement
orientée vers l’extérieur
Codécision, y compris sur le
plan stratégique
Principe de l’éthique
professionnelle
(Source : Nizet et Pichault, 2000, p. 154-157)
95
ANNEXE D – LA GRILLE DE LECTURE CONTINGENTE POUR LA GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT
Modèle arbitraire
Modèle valoriel
Modèle objectivant
Modèle individualisant
Configuration adhocratique
Faible disponibilité de la main
d’œuvre sur le marché du
travail ; forte prégnance d’une
législation sociale organisant
la décentralisation de la
négociation ; force de travail
jeune et fortement qualifiée
Fortement instable,
imprévisible, dynamique ; non
hostile
Configuration professionnelle
Faible prégnance de la
législation sociale sur le
marché du travail ; force de
travail jeune et fortement
qualifiée
Valorisant l’individualisme, la
prise de risque, la recherche
d’autonomie, la poursuite d’un
intérêt personnel ainsi que le
défi, la performance et la
réussite professionnelle
Production unitaire ou en
continu ; système
d’information intégré
Orientée vers la flexibilité
organisationnelle, la qualité
et/ou l’innovation
Valorisant la prise de risque
Configuration
Législation sociale et
marché du travail
Configuration entrepreneuriale
Faible prégnance de la
législation sociale sur le
marché du travail ; faible
qualification de la main
d’œuvre
Configuration missionnaire
Force de travail jeune et
fortement qualifiée
Configuration bureaucratique
Forte prégnance de la
législation sociale sur le
marché du travail, intervention
publique importante ; faible
qualification de la main
d’œuvre
Marché des biens et
services
Fortement instable,
imprévisible, dynamique ;
pression concurrentielle
intense, marché hostile
Non hostile
Situation de déclin des
activités ; forte stabilité et
hostilité du marché ; pression
concurrentielle intense
Valorisant la distance à
l’autorité élevée et l’évitement
de l’incertitude
Contexte culturel
Valorisant le climat social
agréable, l’épanouissement
dans le travail, la satisfaction
des motivations individuelles,
l’équilibre entre vie privée et
vie professionnelle
Technologie
Stratégie d’affaires
(business)
Stratégie de groupe
(corporate)
Orientée vers la qualité et/ou
l’innovation
Privilégiant la focalisation,
amenant à une précarisation
des pratiques de GRH chez
les partenaires externes
Production de masse ;
système d’information
centralisé
Orientée vers le leadership
des coûts et/ou la flexibilité
numérique
Privilégiant la focalisation sur
un métier de base
Modèle conventionnaliste
Fortement stable ; non hostile
(Source : synthèse réalisée à partir de Nizet et Pichault, 2000, p. 167-197)
96
ANNEXE E – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « SOS FAIM »
Me 19 avril 2006
Premier contact avec Marc Mees et Aurore de Crombrugghe pour expliquer le projet de mémoire
Ve 14 juillet 2006
Entretiens au siège (Bruxelles) avec :
- Laurent Biot, appui aux partenaires du programme andin
- Freddy Destrait, secrétaire général
- Virginie Pissort, responsable campagnes
- Marianne Lebeau, responsable du service financier
- Sabine Chevalier, responsable du service récolte de fonds
Ma 18 juillet 2006
Entretien au siège (Bruxelles) avec Marc Mees, coordinateur du service appui aux partenaires
Me 26 juillet 2006
Arrivée à Lima, Pérou.
Entrevue avec Wilfredo Necochea, représentant de l’antenne locale, pour planifier le séjour.
Rédaction du guide d’entretien « Amérique du Sud ».
Je 27 juillet 2006
Lecture de documents et de rapports
- rapport d’activités 2004 de SOS Faim ;
- mailing aux donateurs ;
- règlement de travail de SOS Faim ;
- Quel avenir pour Défis Sud ?
Ve 28 juillet 2006
Lecture de documents et de rapports
- Quel avenir pour Défis Sud ? (suite) ;
- Rapport de suivi d’une ONG belge, 2006 ;
- Evaluación de las antenas, Groupe One.
Sa 29 juillet 2006
Lecture de documents et de rapports
- Evaluación de las antenas, Groupe One (suite) ;
- Dossier de control interno – SOS FAIM ;
- SOS Faim – Informativo Perú-Bolivia (quelques numéros).
Di 30 juillet 2006
Lecture de documents et de rapports
- Evaluación de las antenas, Groupe One (suite et fin) ;
- Informes financieros (au 31 décembre 2005) ;
- Estados financieros (au 31 décembre 2005 et 2004).
Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim - Pérou » sur base des lectures.
Lu 31 juillet 2006
8h45 à 9h30 : Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim – Pérou » sur base des lectures
9h30 à 11h45 : Agenda (Réunion hebdomadaire avec toute l’équipe)
Après-midi :
- Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim – Pérou » sur base des lectures ;
- Réalisation du guide d’entretien « Partenaires ».
97
Ma 1er août 2006
Entretiens à Lima avec :
- Wilfredo Necochea, Representante (début)
- Antonio, Oficial proyectos (Plan Perú)
- Viviana Migliori, Asistente administrativa y traductora
Réalisation du guide d’entretien “Partenaires” (suite et fin)
Me 2 août 2006
Visite de terrain : Naranjillo, cooperativa agraria industrial de cacao (Tingo Maria)
- Rencontre informelle avec José Antonio Mejía Polanco, gérant de la coopérative
- Visite du siège d’exploitation de la coopérative :
Visite de la fabrique de cacao avec explication détaillée par le chef de la fabrique
du processus de transformation
Visite de la fabrique de café avec explication détaillée par le chef de la fabrique du
processus de transformation
- Rencontre informelle avec le Président de la coopérative et la personne en charge de
la commercialisation des produits
- Entretien formel avec José Antonio Mejía Polanco, gérant de la coopérative
Je 3 août 2006
Visite de terrain : Naranjillo, cooperativa agraria industrial de cacao (Tingo Maria)
- Visite du siège administratif de la coopérative
- Retour au siège d’exploitation
- Mise en ordre des notes prises pendant le séjour
- Entretien avec Germen Velazquez, Oficial proyectos (UE)
Ve 4 août 2006
Retour vers Lima.
Week-end
Mise en ordre de mes notes, retranscription de certains entretiens.
Lu 7 août 2006
Agenda (réunion hebdomadaire avec toute l’équipe)
Entretiens à Lima avec :
- Marcela Candela Muñoz, contadora
- Grover Necochea Tello, logístico
Retranscription des entretiens
Lecture d’articles sur l’Amérique Latine et le Pérou en particulier.
Ma 8 août 2006
Entretien à Lima avec Wilfredo Necochea, Representante (suite et fin)
Lecture d’articles divers (AL, gestion, …)
Rencontre avec un autre partenaire : Café Perú, au siège administratif à Lima.
Rencontre avec Jeni Funolez et Américo Espejo Mayta, respectivement gérant et
président du conseil d’administration.
Me 9 août 2006
Mise en ordre de mes notes d’entretien, retranscription des entretiens, dernières lectures.
17h : Goûter “à la belge” pour les remercier.
Je 10 août 2006
Rencontre avec Laurent Biot, appui aux partenaires du programme andin (SOS Faim Belgique) et
Wilfredo Necochea pour un synthèse de la visite.
98
ANNEXE F – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « ILES DE PAIX »
Je 4 mai 2006
Premier contact avec Luc Langouche au siège (Huy) pour expliquer le projet de mémoire et
discuter des aspects méthodologiques
Je 6 juillet 2006
Entretiens au siège (Huy) avec :
- Martine Hansotte, responsable du département administration et finances
- Moha Heni, responsable campagne
- Laurent Deutsch, responsable du département éducation au développement
Je 20 juillet 2006
Entretiens au siège (Huy) avec :
- Pierre Laviolette, responsable des projets Amérique Latine
- Luc Langouche, secrétaire général
Lu 28 août 2006
Arrivée à Riobamba, Equateur.
Entretien avec Nely Montero, Vinicio Mena et William Guncay afin de présenter mon projet
de recherche et de fixer le calendrier de mon séjour chez eux.
Lectures de documents et rapports divers :
- Estudio de los mecanismos de financiamiento de las actividades productivas
en tres zonas de trabajo de Islas de Paz – Ecuador
- Stratégie d’intervention d’Iles de Paix (version provisoire)
- Carta 2000 de Islas de Paz
- Rapport de mission : Equateur (du 9 au 28 novembre 2005)
- Informe : Misión de evaluación de los resultados e impactos de las
intervenciones de Islas de Paz en las parroquias de Pangor y Columbe (début)
Ma 29 août 2006
Lectures de documents et rapports divers :
- Informe : Misión de evaluación de los resultados e impactos de las
intervenciones de Islas de Paz en las parroquias de Pangor y Columbe (suite
et fin)
- Evaluación del programa de crédito Islas de Paz en la parroquia de Pangor
(Ecuador)
- ONG, entreprises & secteur privé. Positionnement institutionnel d’Iles de Paix
(2003)
Me 30 août 2006
Lectures de documents et rapports divers :
- Planificación anual 2005. Islas de Paz. Ecuador.
- Manual de Procedimientos (version provisoire)
- Informe de la misión en la Fundación Islas de Paz en Ecuador. Junio-Julio
2004. Evaluación del programa de manejo de los recursos naturales en tres
zonas de intervención: Pangor, Columbe y Molleturo.
- Islas de Paz. Escuela de formación campesina. Perfil
Mise à jour du guide d’entretien « Iles de Paix - Equateur » sur base des lectures diverses.
99
Je 31 août 2006
Entretiens à Riobamba avec :
- Vinicio Mena, responsable du terroir de Pallantaga ;
- Defas Valery, responsable du terroir de Molleturo ;
- Nataly Del Pozo, responsable administration et finances ;
Ve 1er septembre 2006
Entretien à Riobamba avec :
- Olivier Genard, expatrié ;
- Juan Carlos Garcia, Responsable du terroir de Chillanes.
Etablissement du questionnaire « Partenaires »
Sa 2 septembre 2006
Visite du terroir de Chillanes : Participation à la réunion de restitution aux communautés des
résultats de la phase d’exploration de la zone de Chillanes.
Lu 4 septembre 2006
Entretiens à Riobamba avec : William Guncay, Responsable Service Information et
communication
Préparation des visites de terrain pour les jours suivants.
Ma 5 septembre 2006
Visite du terroir de Columbe :
- Discussion avec un groupe de paysans qui suivaient une formation en
boulangerie.
- Visite de la boulangerie de Llinllín Santa Fe ;
- Visite de la fromagerie de Llinllín Pucará ;
- Visite de la boutique agropastorale de Llinllín ;
- Visite du magasin de femmes de Columbe 3-4.
Me 6 septembre 2006
Visite du terroir de Pangor :
- Visite de la fromagerie familiale de …
- Visite de la « Casa Campesina » de la paroisse de Pangor ;
- Visite de la communauté El Tablón et du système d’irrigation ;
- Visite de la communauté de Achin El Rosario : système d’irrigation, quesería,
…
Je 7 septembre 2006
Préparation de l’entrevue avec Nely Montero : questionnaire spécifique, synthèse, etc.
Entretien-débriefing avec Nely Montero, représentante d’Iles de Paix en Equateur.
100
ANNEXE G – LE GUIDE D’ENTRETIEN « BELGIQUE »
L’organisation et son contexte
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Quelles sont vos responsabilités au sein de l’organisation ?
Concrètement, que faites-vous au jour le jour ? Comment se déroule une journée-type ?
Combien de personnes sont sous votre responsabilité ? Qui est votre supérieur hiérarchique ?
Comment se déroule la communication entre les membres de l’organisation ? Comment les
informations circulent-elles ?
Le degré de formalisation est-il élevé ? (point de vue processus, fonctionnement interne, profils des
fonctions, etc.)
Comment les informations circulent-elles entre les départements ?
Comment définiriez-vous la forme structurelle de l’organisation ? plutôt plane ? plutôt pyramidale ?
Depuis combien de temps existe l’organisation ?
Les mentalités ont-elles évolué ? Y a-t-il eu des périodes de changements majeurs ? Une nouvelle
vague de dirigeants a-t-elle pris le flambeau alors que les pères fondateurs se sont retirés ? Cela at-il apporté des évolutions en termes de structure d’organisation et de pratiques de GRH ?
Comment décririez-vous l’environnement dans lequel évolue l’ONG ?
Comment décririez-vous les spécificités des contextes de travail au Nord et au Sud ?
Comment définiriez-vous le marché sur lequel opère l’organisation ?
Ce marché est-il stable ?
Quel degré de compétences est nécessaire pour opérer sur le « marché » ?
L’organisation est-elle fortement dépendante du marché ?
La demande du marché est-elle plutôt hétérogène ?
Les cultures nationales ont-elle une forte influence sur les activités de l’organisation ?
L’organisation fait-elle face à une certaine instabilité financière ?
Comment définiriez-vous la mission de l’organisation ?
Quels autres objectifs sont poursuivis par l’organisation ? (en termes de survie, efficience, contrôle
de l’environnement, croissance)
Quelles sont, selon vous, les priorités de l’organisation ?
Pouvez-vous mettre une évidence une tension entre ces différents objectifs ? A quel niveau ?
Quelles sont les activités de l’organisation ? Implémenteur ? Partenaire ? Catalyseur ?
Comment se prennent les décisions (stratégiques, managériales, opérationnelles) ? La décision
est-elle collective ? Jusqu’à quel point ?
A qui appartient le pouvoir de décision ? Qui prend les décisions ?
Quelle est l’influence des acteurs externes sur l’organisation ? (bailleurs de fonds, gouvernements,
autres ONG, secteur privé, …)
Comment définiriez-vous les relations de pouvoir entre acteurs internes ?
Qui décide de soutenir quel projet ?
Jusqu’à quel point les acteurs de terrain ont un pouvoir de décision ?
Le processus de prise de décision suit-il la règle une personne = une voix ?
101
•
Le modèle de gestion est-il réellement démocratique ? Quels en sont les atouts et limites du
processus de décision ?
•
Peut-on parler d’une politique de GRH claire dans le sens où elle serait décrite clairement dans les
documents qui régissent le fonctionnement interne de l’organisation?
Qui s’occupe de GRH dans l’organisation ? Ces personnes possèdent-elles des qualifications en
GRH ou ont-elles acquis les compétences nécessaires « sur le tas » ?
Quels sont les objectifs de la GRH dans cette organisation ?
Peut-on parler de réticences vis-à-vis des pratiques de gestion en général ? Des pratiques de GRH
en particulier ? Cela a-t-il évolué ?
Quelles catégories de RH sont présentes ? salariés, indépendants, bénévoles, coopérateurs, … ?
Quels types de contrat ? CDD, CDI, intérim, postes subsidiés, etc.
Dans les bénévoles, sont-ils passifs, actifs, élus ? Investis dans la gestion quotidienne ou dans la
production des services proposés ? Quelles sont les tâches et fonctions qu’ils assument ?
Comment attirer les bénévoles et les gérer au quotidien (formation, évaluation, motivation, …) ?
Comment se passent les relations entre bénévoles et salariés ? Quelles représentations les salariés
ont-ils des bénévoles ? Quelles représentations les bénévoles ont-ils des salariés ? Quels outils
pour améliorer cette relation ?
Combien de personnes travaillent dans l’organisation ? Et quel est le ratio bénévoles/salariés ?
Qu’en est-il de la relation Nord-Sud ? Qu’est-ce qui est mis en place pour améliorer cette relation ?
La diversité des RH se révèle-t-elle parfois être un frein ? Si oui, dans quel sens ?
Parmi les différentes fonctions de la GRH, lesquelles sont traitées dans l’organisation ? Quelles
pratiques de gestion sont mises en place ? De manière formelle, structurée ou informelle, au gré
des besoins et des personnes ?
o Se doter en personnel :
planification RH ; recrutement et sélection
o Développer son personnel :
profils de fonction,
gestion des compétences,
formations,
évaluation de la performance : système d’évaluation en place ? quelles modalités ?
gestion des carrières
o Garder son personnel :
motivation/implication,
conditions et climat de travail,
politique salariale,
gestion du temps de travail,
gestion des départs
o Communication et gestion du changement :
communication interne,
culture d’organisation : quelles sont les valeurs mises en avant ? Quels outils sont mis en
place pour définir les valeurs et construire une culture d’entreprise ? (charte, dossier
d’accueil pour les nouveaux, réunions d’équipes régulières, journées de rassemblement,
…) Personnellement, adhérez-vous totalement à toutes les valeurs de l’organisation ?
gestion de la diversité,
•
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102
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La tension entre système et mission est-elle présente dans ces différentes fonctions de la GRH ?
Comment cette tension est-elle gérée ?
o Se doter en personnel : planification des RH essaye d’équilibrer les différents profils dans
l’organisation ? recrutés pour leurs compétences ou leur adhésion aux valeurs ?
o Développer son personnel : évaluation sur base d’indicateurs de performance
économique ou d’indicateurs plus complexes qui tiennent compte de la finalité sociale de
l’organisation ? Formation pour renforcer les compétences ou le savoir-être ?
o Garder son personnel : imaginable de licencier une personne économiquement peu
rentable mais fortement impliquée dans le projet social ?
o Communication et gestion du changement : communication interne, culture d’entreprise,
gestion de la diversité, styles de leadership
Enfin, les outils de la GRH mis en place dans l’organisation vous semblent-ils adaptés au contexte
de l’organisation ? D’où viennent ces pratiques ? secteur privé ? secteur public ? intuition ?
Pourriez-vous mettre en évidence des problèmes de gestion récurrents ?
Acteur – Individu
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Pourriez-vous me faire le récit de votre vie professionnelle depuis le début de votre carrière ?
Depuis combien de temps travaillez-vous dans l’organisation ?
Quelles ont été vos motivations premières à entrer dans cette organisation ?
Et aujourd’hui, comment expliciteriez-vous vos motivations ou les raisons qui expliquent votre
implication, votre mobilisation dans l’organisation ?
D’un point de vue professionnel, consacrez-vous tout votre temps à cette organisation ?
Si non, comment occupez-vous le reste de votre temps, d’un point de vue professionnel ?
Quels sont vos objectifs professionnels personnels ?
Quelles sont vos priorités d’un point de vue professionnel ?
Comment imaginez-vous la suite de votre carrière professionnelle ?
Quels leviers sont mis en place pour favoriser la motivation et l’implication des personnes ?
Moyenne d’âge dans l’entreprise ?
Ration hommes/femmes ?
Diversité culturelle ?
Développement et professionnalisation
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Qu’est-ce que le développement ?
Pour vous, quel doit être le rôle du Nord ? Et le rôle du Sud ?
Quelle est l’attitude à adopter ou adoptée par rapport au Sud ?
Que pensez-vous de la démarche de professionnalisation ?
Quels sont les freins inhérents à sa mise en œuvre ?
o Rareté des ressources, manque de moyens ⇒ pertinent ? acceptable ? souhaitable ?
o Culture : confronte deux registres (militantisme et professionnalisme) ⇒ tensions ?
Quid du Sud et de la transposition d’une expérience ? comment tenir compte des spécificités ?
Risques encourus ?
o Résultats par rapport à elles-mêmes
o Tend vers une bureaucratie ?
o Bouleversement de l’ordre social ?
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ANNEXE H – EL CUESTIONARIO “SOS FAIM - AMÉRICA DEL SUR”
El contexto de la organización
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¿Cómo puede describir el entorno político, social y económico de la ONG? ¿Esta estable?
¿inestable? ¿amenazador?
¿Cuál influencia tienen las orientaciones políticas del gobierne peruano sobre las actividades de la
ONG y de los partenarios? ¿Cree que el nuevo Presidente va a cambiar las cosas?
¿Cuáles relaciones tiene la antena con los gobiernos regionales y central? ¿Tienen actividades
comunes?
¿Cómo puede describir las especificidades del contexto de trabajar en Peru comparado al contexto
en Bélgica? ¿Cuáles son las presiones y las obligaciones que pesan sobre la estructura en Perú?
¿Cuáles especificidades de la cultura peruana influencian el trabajo en la ONG en Peru?
¿Y cuáles especificidades de la cultura belga influencian el trabajo de la ONG en Bélgica y en Peru
y las relaciones entre la sede y la antena?
¿Desde cuanto tiempo exista la oficina en Peru? ¿En cuales circunstancias ha nacido la oficina en
Lima?
¿Desde cuanto tiempo trabaja en la ONG?
¿Durante esto tiempo, puede evidenciar algunos cambios mayores?
o ¿En las actividades de la ONG?
o ¿En la lógica de intervención?
o ¿En la estructura de la ONG? ¿Particularmente en Peru?
o ¿En las practicas de gestión? ¿Particularmente en las practicas de gestión de recursos
humanos?
Los objetivos de la organización
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¿Cuál es la misión de la ONG?
SOS Faim es una ONG de desarrollo, ¿cuál es su definición del desarrollo?
¿Cuáles papeles deban representar las estructuras del Norte y las estructuras del Sur en el
desarrollo? ¿Qué deben hacer las estructuras del Norte y que deben hacer las estructuras del Sur
en el desarrollo en general?
He leído que los objetivos de SOS Faim son paralelos con los objetivos nacionales. ¿Es una
voluntad de la ONG o una coincidencia?
¿Cuales otros objetivos mas pragmáticos son perseguidos por la organización como un objetivo de
sobrevivencia? ¿Un objetivo de eficiencia? ¿Un objetivo de crecimiento? ¿Por que estos objetivos
son perseguidos? ¿Para cumplir la misión o para ellos mismos?
¿Puede poner en evidencia una tensión entre los imperativos del cumplimiento de la misión y los
imperativos de viabilidad de la estructura? ¿A cuales niveles esta tensión esta presente?
La estructura de la organización
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¿Cuales son sus responsabilidades en la ONG? (cf. Evaluación)
¿Cuál es su formación?
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¿Cuáles son los otros empleos que ha tenido antes de trabajar en la ONG?
¿Como y para que ha solicitado esto empleo?
¿Cuáles son sus objetivos profesionales?
¿Cómo imagina la continuación de su carrera profesional?
¿Qué hace diario? ¿Cómo se pasa un día-tipo?
Wilfredo: ¿Cuál es su papel en la asamblea general de SOS Faim?
¿De cuál margen de libertad, de manejo disponen los empleados en el desempaño de su función?
¿Y con respecto a la manual de procedimientos, es todo descrito?
¿Cómo se pasa la toma de decisiones en la antena? ¿Quién toma las decisiones y como? ¿Esta la
decisión colectiva?
¿Hay suficiente relaciones y encuentros entre las antenas y la sede en Bruselas?
¿Tiene la sede en Bruselas una buena idea de las realidades del campo?
¿Tiene contactos con la antena de Bolivia? ¿Por que? ¿Tienen actividades comunes hoy?
¿Tiene contactos con los equipos en África?
¿Cuál es la influencia de los actores externos sobre la ONG? Por ejemplo, ¿los socios capitalistas?
¿los gobiernos? ¿los otras ONG en Peru o en América del Sur? ¿O otros actores externos?
¿El facto que debe implicarlos en las temáticas “genero” y “medio ambiente” es una voluntad o una
obligación para continuar de recibir financiaciones?
¿Quién ha encargado la evaluación de las antenas?
¿Hay una grande reunión con representantes de las antenas y de la sede para debatir del informe
de la evaluación? ¿Qué ha estado comenzado o cambiado desde la evaluación? ¿Es el plano
operativo para las recomendaciones en marcha?
Las practicas de gestión, particularmente las prácticas de los recursos humanos
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¿Son muchas prácticas de gestión formalizadas en la ONG? ¿Desde cuando?
¿Qué piensa de esta formalización?
¿Se acompaña esta formalización con una profesionalización de la estructura y del personal?
¿Qué piensa de esta profesionalización? ¿Ayuda la racionalización a volver la carga de trabajo
más soportable?
¿Si consideramos la tensión entre la cumplimiento de la misión y la viabilidad de la ONG, que
piensa de estas formalización y profesionalización?
¿Hay una tensión para el subsidio de los recursos entre la misión y los imperativos de
profesionalización?
¿Tiene una política clara de gestión de los recursos humanos?
¿Quién se ocupa de la gestión de los recursos humanos?
¿Quién se ocupa de cuidar de la conformidad de la antena con las disposiciones legales?
¿Cuáles son los estatuyes de las personas que trabajan en la ONG en Peru? ¿Todos son
empleados?
¿Cómo se pasa la contratación y la selección de los nuevos empleados?
¿La llegada del asistente de proyectos ha permito de reducir la carga de trabajo?
¿Tiene descripciones de los perfiles de función?
¿Las personas son más bien especialistas o generalistas?
¿Cuáles calidades son esperadas con sus colaboradores?
¿Tiene la oportunidad de seguir algunas formaciones? ¿Cuál es su política de formación para los
empleados de la antena?
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¿Tiene evaluaciones en interno de los resultados del equipo? ¿Individuales o colectivas?
¿Esta difícil de retener las personas que trabajan en la ONG?
¿Cuáles son las motivaciones de los empleados de trabajar en la ONG?
¿Y personalmente, cuales son sus motivaciones de trabajar en la ONG?
¿Es la rotación del personal elevada? ¿O el personal se estabiliza?
¿Hay una distancia importante entre los antiguos y los nuevos?
¿Cuál es la política salarial?
¿Cómo se pasan las marchas voluntarios o los despidos de los empleados? ¿Son frecuentes?
¿Cuáles son los motivos más frecuentes de las marchas voluntarios? ¿Y de los despidos?
¿Tiene un reglamento de trabajo como en Bruselas?
¿Son algunos procedimientos redundantes?
¿Piensa que la antena es demasiado picapleitos o piensa que la antena necesita esto?
He leído que no hay una planificación anual. ¿Es verdad? ¿Cómo sabe lo que debe hacer?
¿Esta una cultura de organización presente? ¿Cuales son los valores más importantes para la
ONG en Perú?
¿Se adhieren todas personas de la antena a estos valores?
¿Puede poner en evidencia una tensión entre el cumplimiento de la misión y la viabilidad de la
organización en la gestión de los recursos humanos?
¿De donde vienen las prácticas de gestión y el modelo de gestión que son presentes en la antena
en Perú?
Las herramientas de información y otros documentos
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¿Quién escribe el informe de actividades? ¿Es una colaboración entre la sede de Bruselas y las
antenas?
¿Son los informes a producir mensualmente, bimensualmente y trimestralmente pesados
administrativamente? ¿Cuál carga de trabajo representa esto?
¿Cuál es la implicación de la antena Perú en la redacción de las publicaciones de la ONG (Défis
Sud, Zoom Microfinance, News, Dynamiques paysannes, …)?
¿Cuál es la implicación de la antena Perú en el contenido del sitio Web?
¿Piensa a hacer una página “América del Sur” en el sitio Web?
¿Ha leído el informe de la evaluación de las herramientas de información de SOS Faim? ¿Qué
piensa?
¿Cuáles publicaciones lee aquí en Perú?
¿Cuál es la implicación de los partenarios en el contenido de las publicaciones de SOS Faim?
¿Quién decide de llevar tal o cual campaña en Bélgica, por ejemplo la campaña por la leche
africana? ¿Hay una colaboración entre la sede y las antenas o los partenarios?
¿Quién escribe los artículos de los Informativos Perú – Bolivia?
¿Quién ha escrito la manual de procedimientos? ¿La antena en Perú? ¿La sede en Bruselas? ¿Es
una colaboración? ¿La antena de Bolivia tiene el mismo?
¿Es la manual de procedimientos la puesta por escrito de procedimientos informales?
¿Quién establece los Planes estratégicos multianuales y anuales?
Las actividades y las relaciones con los partenarios
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¿Son las relaciones con los partenarios frecuentes?
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¿Cuáles son las relaciones de la antena con los partenarios en Ecuador y Chile? ¿Las relaciones
pasan por la antena Perú o directamente por la sede en Bruselas?
¿Son los integrantes de SOS Faim en las instancias (consejo, asamblea general) de algunos
partenarios?
¿Quién hace las auditorias externas?
¿Para las auditorias y el apoyo técnico, trabajan también con peritos locales?
¿Quién da las formaciones para los partenarios? ¿Quién decide quien puede seguirlas?
¿Tiene une voluntad de profesionalizar las estructuras de los partenarios? ¿Qué significa
“profesionalizar” y para que?
La antena tiene una evaluación muy positiva de la DGCD. Sin embargo, ¿puede evidenciar
problemas o faltas? ¿Puede poner estos problemas en relación con problemas de gestión en la
antena o en los partenarios?
¿Cuáles son los problemas mayores que tropiezan en la realización de los proyectos?
¿Son las misiones o las visitas de campo suficiente frecuentes para tener una buena idea de las
realidades del campo?
¿Quién se ocupa de la concepción de los proyectos? ¿La sede? ¿La antena? ¿en colaboración?
¿Cuáles son las ventajas y desventajas de las colaboraciones con otras ONG, con universidades,
etc.?
He leído algunas veces en la evaluación de las antenas algo sobre “los criterios de perfil bajo”.
¿Qué significa “el perfil bajo”? ¿Cuáles son estos criterios?
¿Cuánto tiempo la antena trabaja con un partenario en media?
¿Cuántos partenarios tiene en este momento? ¿Cuántos en Perú? ¿Cuántos en Chile? ¿Cuántos
en Ecuador? ¿Y sabe cuantos en Bolivia?
¿Qué representa el seguimiento de un partenario?
¿Cuántas solicitudes de partenarios recibe en media? ¿Y cuantas son aceptadas?
¿Da la prioridad a los partenarios del Perú con respecto a aquellos del Ecuador o Del Chile?
¿Quién se ocupa del acompañamiento de los partenarios del Ecuador y Chile? ¿La sede en
Bruselas o la antena en Perú?
¿Hay reuniones de los partenarios desde 2004? ¿Cuáles son los resultados?
¿Cuántas veces va a visitar el campo? ¿Cuántas misiones a año hace?
¿Tiene medidas de impacto como indicadores por ejemplo?
¿Cuáles son las perspectivas futuras de la antena en Perú?
¿Cómo se pasa la comunicación entre la ONG y los partenarios?
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ANNEXE I – EL CUESTIONARIO “ISLAS DE PAZ - AMÉRICA DEL SUR”
El contexto de la organización
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¿Cómo puede describir el entorno político, social y económico de la oficina en Ecuador? ¿Cuales
son las condiciones económicos, políticos y sociales en Ecuador
¿Cómo puede describir las características del contexto de trabajar en Ecuador? ¿Cuáles son las
presiones que pesan sobre la oficina en Ecuador?
¿Cuáles características de la cultura ecuatoriana influencian el trabajo de la oficina en Ecuador?
¿Y cuáles características de la cultura belga influencian el trabajo de la oficina en Ecuador?
¿Desde cuanto tiempo exista la oficina en Ecuador? ¿En cuales circunstancias ha nacido la oficina
en Riobamba?
¿Desde cuanto tiempo trabaja en la ONG?
¿Durante esto tiempo, puede evidenciar algunos cambios mayores?
o ¿En las actividades de la ONG?
o ¿En la lógica de intervención?
o ¿En la estructura de la ONG? ¿Particularmente en Ecuador?
o ¿En las practicas de gestión? ¿Particularmente en las practicas de gestión de recursos
humanos?
¿Cuál influencia tienen las orientaciones políticas del gobierno ecuatoriano sobre las actividades de
la ONG y de los partenarios?
¿Cuales relaciones tiene la oficina con el gobierno ecuatoriano?
He leído que en 2004, algunas actividades han estado reducidas a causa de las elecciones
municipales. ¿Cual influencia tienen los acontecimientos políticos sobre las actividades de la ONG?
¿Cuáles relaciones tiene la oficina con los autoridades regionales y locales? ¿Tienen actividades
comunes? ¿Porque no/si?
¿Hay a veces problemas con las autoridades locales en la puesto en marcha de proyectos o
actividades?
¿Cuales relaciones tiene la oficina con los otros ONG nacionales o internacionales que trabajan en
la región también? ¿Hay mas bien formas de colaboración o de competencia?
Los objetivos de la organización
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¿Cuál es la misión de la ONG?
¿Cual es el papel de Islas de Paz en Ecuador? ¿Es un actor que hace proyectos? ¿Un partenario?
¿O une facilitator, un catalizador?
¿Cuales objetivos otros que la misión son perseguidos por la organización? Por ejemplo, un
objetivo de sobrevivencia? ¿Un objetivo de eficiencia? ¿Un objetivo de crecimiento? ¿Por que
estos objetivos son perseguidos? ¿Para cumplir la misión o para ellos mismos?
¿Según usted, cuales son las prioridades de la ONG? ¿Y de la oficina? ¿Han las prioridades
cambiado o evolucionado?
Islas de Paz es una ONG de desarrollo, ¿cuál es su definición del desarrollo?
¿Y que es la cooperación al desarrollo?
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Hay estructuras de desarrollo en el Norte y en el Sur. ¿Según usted, cuáles papeles tienen las
estructuras del Norte y las estructuras del Sur en el desarrollo en general?
¿Puede poner en evidencia una tensión entre los imperativos del cumplimiento de la misión y los
imperativos de viabilidad de la oficina? ¿A cuales niveles esta tensión esta presente?
La estructura de la organización
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¿Cuales son sus responsabilidades en la ONG?
¿Que hace diario? ¿Como se pasa un día-tipo?
¿Puede contarme la historia de su vida profesional desde sus estudios hasta hoy? (formación?
otros empleos que ha tenido)
¿Cuáles son sus objetivos profesionales y cómo imagina la continuación de su carrera profesional?
¿Cuantas personas están bajo su responsabilidad? ¿Quien es su superior?
¿De cuál margen de libertad, de manejo dispone en el desempaño de su función? ¿Y en general
para todos les empleados?
¿Tiene reuniones regulares con el equipo? ¿A que frecuencia? ¿Con quien?
¿Tiene reuniones cada semana con todo el equipo de la oficina? ¿Por que si/no?
¿Como se pasa la comunicación entre las personas de la oficina? ¿Como la información circula?
¿Cuando se encuentra el personal de manera formal? ¿De manera informal?
¿Cómo se pasa la toma de decisiones en la oficina? ¿Quién toma las decisiones y como? ¿Esta la
decisión colectiva?
¿Hasta donde la oficina en Ecuador tiene un poder de decisión?
¿Como se pasan las relaciones con la sede en Bélgica? ¿Están bastante frecuentes?
¿Tiene la sede en Bélgica una buena idea de las realidades del campo?
¿Cómo se pasa la comunicación con las personas en Bélgica? ¿Como la información pasa del
Ecuador en Bélgica y de Bélgica en Ecuador?
¿Tiene contactos con las oficinas en África? ¿Por que?
¿Como se pasa la puesto en marcha de la nueva estructura y de los cambios previstos? ¿Donde
están los cambios?
¿Quien ha decidido de hacer estos cambios? ¿De donde viene esta nueva estructura?
¿Que piensa de estos cambios? ¿Cual es su impresión sobre el rompimiento importante y la
reorganización? ¿Tiene la impresión de haber despilfarrado recursos, tiempo y su energía?
¿La estructura no va a estar demasiado descentralizada con los tres oficinas de zona?
¿Que piensa de la evaluación de Bruno Kervyn y Rafael Rojas?
¿No hay tenido una evaluación del funcionamiento y de la estructura de la oficina en Ecuador?
Las practicas de gestión, particularmente las prácticas de los recursos humanos
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¿Son muchas prácticas o comportamientos formalizados en la ONG? ¿Desde cuando?
¿Qué piensa de esta formalización?
¿Quien ha iniciado la redacción del manual de procedimiento? ¿Por qué y para quien? ¿Quien lo
escribe? ¿Todo el equipo esta implicado en la redacción?
¿Permite de clarificar los papeles y responsabilidades de los empleados?
¿Pone en orden comportamientos o practicas ya existentes?
¿Se acompaña la formalización de la oficina con una profesionalización de la estructura y del
personal?
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¿Qué piensa de esta profesionalización?
¿Hay una tensión para el subsidio de los recursos entre la misión y los imperativos de
profesionalización?
¿Tiene una política clara, formalizada, escrita de gestión de los recursos humanos?
¿Quién se ocupa de la gestión de los recursos humanos? ¿Tienen estas personas calificaciones en
la gestión de los recursos humanos o han aprendido en curso?
¿Cuáles son los estatuyes de las personas que trabajan en la ONG en Ecuador? ¿Todos son
empleados?
¿Como y para que ha solicitado esto empleo?
¿Como se pasa su contratación? ¿En general, cómo se pasa la contratación y la selección de los
nuevos empleados?
¿Tiene descripciones de los perfiles de función?
¿Las personas son más bien especialistas o generalistas?
¿Cuáles calidades son esperadas con sus colaboradores?
¿Tiene la oportunidad de seguir algunas capacitaciones? ¿Cuales? ¿Cuál es la política de
capacitacion para los empleados de la antena?
¿Tiene evaluaciones en interno de los miembros del equipo de la oficina o de los resultados del
equipo? ¿Individuales o colectivas? ¿Formalizadas o no?
¿Esta difícil de retener las personas que trabajan en la ONG? ¿Es la rotación del personal
elevada?
¿Cuáles son las motivaciones de los empleados de trabajar en la ONG?
¿Y personalmente, cuales son sus motivaciones de trabajar en la ONG?
¿Cómo se pasan las marchas voluntarios o los despidos de los empleados? ¿Son frecuentes?
¿Cuáles son los motivos más frecuentes de las marchas voluntarios? ¿Y de los despidos?
¿Cuales son los valores más importantes para la ONG? ¿Y para la oficina en Ecuador? ¿Se
adhieren todas personas de la antena a estos valores?
¿De donde vienen las prácticas de gestión y el modelo de gestión que son presentes en la antena
en Ecuador? ¿De Bélgica? ¿Del sector privado ecuatoriano?
Las herramientas de información y otros documentos
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¿Quién escribe el informe de actividades? ¿Es una colaboración entre la sede y las oficinas
locales?
¿Cuál es la implicación de la antena Ecuador en la redacción de las publicaciones de Iles de Paix
en Bélgica?
¿Cuál es la implicación de la antena Ecuador en el contenido del sitio Web?
¿Cuáles publicaciones de Iles de Paix lee aquí en Ecuador?
¿Cuales publicaciones están producidas en Ecuador? ¿Para quien? ¿Sobre qué?
Las actividades y las relaciones con los partenarios
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¿Son las relaciones con los partenarios frecuentes? ¿Son las misiones o las visitas de campo
suficiente frecuentes para tener una buena idea de las realidades del campo?
¿Cuántas veces va a visitar el campo? ¿Cuántas misiones a año hace?
¿Cómo se pasa la comunicación entre la ONG y los partenarios?
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¿Como la ONG decide de apoyar tal o cual partenario? ¿Como se pasa la identificación de un
nuevo partenario? ¿Quien decide? ¿Cual es la estrategia de identificación de los nuevos
partenarios? ¿Esta estrategia es la misma para todas la oficinas locales o considera la
especificidades del Ecuador?
¿Quien escribe y planifica los proyectos?
¿Que ha cambiado en la planificación anual?
La planificación anual es una planificación ex ante, un poco como un marco logico. ¿Por qué este
eleccion? ¿No es demasiado fijado?
En la planificación anual, ¿quien dibuja las representaciones del espacio? ¿Estan representaciones
de la realidad o representaciones de la percepción que las persones tienen de su medio de vida?
¿Quien concebe el modelo deseable?
¿Quien establece el cronograma, el plan operativo y la planificación anual?
¿El “ordenamiento territorial” ayuda realmente a la planificación anual?
¿En media, cuanto tiempo dura una colaboración?
¿Como hace para tener en cuenta las especificidades de cada zona o comunidad en la realización
de los proyectos?
¿Cual es su definición del “Self-Help”?
¿Como se pasa la retirada de una zona? ¿Cuanto tiempo dura? ¿Cual es la implicación de los
partenarios en este proceso?
¿Cuales capacitaciones reciben los partenarios? ¿Quién da estas capacitaciones? ¿Quién decide
quien puede seguirlas? ¿En concreto, como se pasan las capacitaciones?
¿Están las capacitaciones dado solamente en una zona o hay capacitaciones que reúnen personas
de algunas zonas?
¿Quién hace las auditorias externas de las tiendas por ejemplo? ¿Para las auditorias y el apoyo
técnico, trabajan también con peritos locales?
¿Cuáles son los problemas mayores que tropiezan en la realización de los objetivos? ¿Y cuales
son las cosas favorables?
¿Qué representa el seguimiento-evaluación de los partenarios?
¿Cuales indicadores están utilizados en las evaluaciones de impacto y de resultados?
¿Es la política de subsidios mas clara? cuales son los criterios?
¿Cuáles son las perspectivas futuras de la antena en Ecuador?
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