VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN

Transcription

VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN
VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN EUROPE?
TORTURE VICTIMS: WHICH RECOGNITION IN EUROPE?
28-29/10/2009
1
Ce programme est une publication unique de Parcours d'Exil, association loi 1901 reconnue de bienfaisance.
Adresse : Parcours d'Exil, 26 rue de Cronstadt 75015 Paris - Téléphone : 01 45 33 31 74 - Télécopie : 01 45 33 53 61
Site Internet : www.parcours-exil.org
Email : [email protected]
Coordination rédaction : Sandrine Scardigli
Maquette : Parcours d'Exil
Rédaction : Hélène de Rengervé, Sandrine Scardigli, Yiannis Vacondios
Photos : Pierre Duterte
Impression : Altavia
Tirage : 300 ex.
Diffusion électronique : 200 ex.
Dépôt légal : à parution
ISBN/EAN :29782916244150
Victimes de torture :
quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ?
Torture victims: which recognition in Europe?
FIAP Jean Monnet - Paris, France
28-29/10/2008
3
Les organisateurs
Parcours d’Exil offre aux victimes de sévices, d’atteintes aux droits humains et tout particulièrement
de tortures et de violences d’Etat (directes ou indirectes) une prise en soins en vue d’une réhabilitation médico-psychologique, indépendamment de
leur âge et condition.
La prise en soins a pour but de leur permettre de
dépasser les difficultés liées aux séquelles des sévices subis, de se réinsérer dans la société qui les
accueille et de se recréer un projet de vie, pour
eux et leur famille, dans de bonnes conditions.
L’action de l’association est composée de trois missions principales :
• soigner les patients (900 en 2007) et les aider dans leur insertion sociale via le groupe
Insertion ;
• former les professionnels en contact potentiel avec des victimes ;
• informer le public et les leaders d’opinion
sur la situation des victimes.
L’IRCT (conseil international pour la réhabilitation
des victimes de torture) est une organisation indépendante et internationale. Elle promeut et soutient la réhabilitation des victimes de torture et
œuvre à la prévention de la torture. Son réseau
comprend 139 membres.
L’IRCT travaille en partenariat avec les gouvernements, ainsi qu’avec des organisations humanitaires ou spécialisées dans la santé et des institutions
intergouvernementales.
L’IRCT travaille à la sensibilisation au sujet des
victimes de torture, promeut et soutient la création de lieux de soins à travers le monde, travaille
à la prévention de la torture et de l’impunité, documente l’impact et les conséquences de la torture et vise à augmenter les ressources financières
pour les centres de soins et les programmes de par
le monde.
Parcours d’Exil offers medical and psychological rehabilitation to every person who
has been victim of Human rights violations,
and particularly torture and State violence
(direct or indirect), independently of their
age and condition.
The rehabilitation’s objective is to enable
the patients to overpass the difficulties
related to the sequels of the undergone
mistreatment, to integrate themselves in
their host country and to create a new project, for them and their family, under good
conditions.
The action of Parcours d’Exil is divided into
three missions:
• to offer free rehabilitation (900
patients in 2007) and to support their
social integration via the Group Insertion;
• to train the professionals potentially in contact with victims;
• to inform the public and the opinion
leaders about the situation of the
victims.
The International Rehabilitation Council
for Torture Victims (IRCT) is an independent, international health professional organisation that promotes and supports the
rehabilitation of torture victims and works
for the prevention of torture worldwide. Its
network has 139 members.
The IRCT also works in partnership with
governments, human rights organisations,
health professional organisations and intergovernmental organisations.
The IRCT raises awareness of the rehabilitation needs of torture victims, promotes and
supports the establishment of treatment
facilities around the world, works for the
prevention of torture and to put an end to
impunity, documents the impact and consequences of torture and works to increase
funding for rehabilitation centres and programmes worldwide.
Parcours d’Exil - 26, rue de Cronstadt - 75015 PARIS - FRANCE
4
Tel. : 0033 (0)1 45 33 31 74 [email protected]
www.parcours-exil.org
Sommaire
Introduction et programme détaillé
p.6
Partie I - Résumés des interventions
p.14
Partie II - Texte des recommandations adopté le 29 octobre
p.74
Partie III - Intégralité des textes des interventions
p.92
Dont : liste détaillée des interventions
p.93
Annexes :
p.164
Liste des participants
p.166
Biographies des intervenants
p.170
A propos de Parcours d’Exil
p.180
Contents
Introduction and detailed program
p.7
Part I - Summaries of the speeches
p.15
Part II - Recommendations adopted on 29th of October
p.75
Part III - Full Speeches
p.92
With detailed list of the speeches
p.93
Annexe:
p.165
List of participants
p.166
Speakers biographies
p.171
About Parcours d’Exil
p.181
5
Introduction
Programme détaillé
6
Introduction
Detailed program
7
Introduction
La conférence intitulée
« Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? »
a été organisée au Foyer International d’Accueil de Paris (FIAP) Jean Monnet, les 28 et
29 octobre 2008 (voir pages 10 et 12 : programme), en partenariat avec le Conseil
international pour la réhabilitation des victimes de torture (IRCT).
L’Europe accueille aujourd’hui des milliers
de réfugiés et demandeurs d'asile chaque
année. Parmi ces réfugiés, les victimes de
torture bénéficient de droits spécifiques au
soin et à une protection réelle, reconnus
par plusieurs textes internationaux et européens. Cependant, l’absence de processus
structuré de reconnaissance des victimes de
traumatisme les prive de ces droits, puisqu’à aucun moment de leur parcours ils ne
croisent le chemin de médecins et de thérapeutes spécifiquement formés -sauf par
chance.
Cette situation prévaut dans la plupart des
pays d’Europe ; il a donc semblé opportun à
l'association Parcours d'Exil d'organiser une
conférence, labellisée dans le cadre de la
présidence française de l’Union européenne, afin d’attirer l’attention des gouvernements européens sur une question qui présente un intérêt humanitaire majeur et un
impact financier important.
En effet, la non prise en soin de victimes de
torture peut générer des situations de violences (contre soi, contre ses proches,
contre autrui), d’addiction (alcool, tabac,
drogues), d’obstacle à l’insertion
(nervosité, irritabilité, difficulté de concentration et de mémorisation, tendance à l’isolement) qui toutes ont un coût lourd pour
la société d’accueil.
Cent trente neuf participants venants de
dix pays (voir Annexe : liste des participants), représentant des ONG (organisations
non gouvernementales), ministères, institutions européennes, fondations, centres
d’accueil des demandeurs d’asile, réseaux
académiques, centres de réhabilitation des
victimes de torture et cabinets d’avocats,
ont assisté à cet événement.
La conférence a reçu le label de la présidence française de l’Union européenne et a
bénéficié du patronage de la Commission
européenne, du Conseil de l’Europe, de l’UNESCO et du ministère français de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire.
Les travaux se sont terminés par l’adoption
d’un texte de recommandations qui sera
envoyé aux institutions compétentes françaises et européennes (voir pages 74 à 91 :
recommandations).
L’objectif de cette conférence était donc
d’examiner, avec un collège d’experts européens, les différentes possibilités d’action et d’instauration d’un processus de reconnaissance précoce des victimes de torture à leur arrivée en Europe afin de permettre une prise en soin rapide et appropriée.
Cette reconnaissance précoce est indispensable pour permettre par la suite à ces victimes de suivre les étapes de la demande
d’asile et de l’intégration sans subir les
conséquences des séquelles du traumatisme, ou du moins, en apprenant progressivement à les gérer, pour mieux vivre avec.
Vous trouverez en partie I le résumé des
interventions et en partie III les textes complets des intervenants dans la langue utilisée durant la conférence.
8
Introduction
The conference entitled
"Torture victims of torture: which recognition(s) in Europe?"
was organized in Paris, in the premises of
the FIAP Jean Monnet (Foyer International
d’Accueil de Paris) on October, 28th and 29th
2008 (see pages 11 and 13: program).
It was organised in partnership with the International rehabilitation council for torture victims (IRCT).
Europe welcomes thousands of refugees and
asylum seekers every year. Among these
refugees, torture victims may benefit from
specific rights for care and real protection,
which are recognized by several international and European texts. However, the
torture victims have been deprived from
these rights due to the lack of a structured
process of recognition. They never meet
specifically trained doctors or therapists,
except by chance.
139 participants from 10 countries attended
the event (see Annexs: list of participants):
representatives of Non Governmental Organizations, ministries, European institutions, foundations, reception centres of
asylum seekers, academic networks, centres of rehabilitation of torture victims and
law firms.
The conference received the label of the
French presidency of the European Union
and took place under the patronage of the
European Commission, the Council of
Europe, the UNESCO and the French ministry for Immigration, Integration, national
Identity and Co-development.
This situation prevails in most of the European countries. It thus seemed important to
the association “Parcours d’Exil” to organize a conference, within the framework of
the French presidency of the European Union, in order to draw the attention of the
European governments on this issue which
has a major humanitarian interest and an
important financial impact.
In fact, the cost of not taking under specific
consideration torture victims may be high
for the reception society. It can generate
violent situations (against oneself, against
one’s kin, against others), addiction
(alcohol, tobacco, drugs), obstacles to insertion (nervousness, irritability, difficulty
of concentration and memorization, tendency to isolate oneself).
The event ended by the adoption of a recommendation text which will be sent to the
French and European relevant institutions
(see pages 74 to 91: Recommendations).
The objective of this conference was to You will find in Part I the summary of each
have a close look, with a group of European speech, and in Part III the whole speeches
experts, on the various ways of establishing in the language used during the conference.
a process of early recognition of torture victims, at their arrival in Europe, in order to
allow a fast access to an appropriate care.
This early recognition is necessary for these
victims so that they can, afterwards, undergo the different stages of asylum application and of their integration in this new
society, without suffering from the consequences of the after-effects of the traumatism, or at least, by learning to manage
them and better live with them.
9
Mardi 28 octobre
Enregistrement / Accueil Presse : Mardi 28 octobre, 8h30 – 10h
10h00 Ouverture par François Zimeray, Ambassadeur des droits de l’Homme pour la France
10h30-12h30 Migration légale et clandestine en Europe, asile, traite des êtres humains : influence sur l’accueil et l’accompagnement des victimes de torture
Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil
• Demandeurs d’asile et réfugiés : nombre, origine géographique ; procédures d’asiles en
Europe
Paul McDonough, research officer, ECRE (European Council on Refugees and Exiles)
Xenia Messariti, policy officer, Commission européenne - Unité “Asile”
Philippe Tremblay, chargé de programme, APT (Association for the Prevention of Torture)
Mathieu André, Affaires européennes, Forum Réfugiés
• Les priorités de la Présidence française et les victimes de torture : conséquences de la
« fermeture » de l’Europe sur les conditions d’accueil et de prise en soin des victimes
Jean-Pierre Guardiola, chef asile, ministère de l’Immigration
Catherine Wihtol De Wenden, directeur de recherche, institut des sciences politiques (CERI)
Eric Panloup, délégation aux victimes (DAV), ministère de l’Intérieur et des DOM-TOM
• Séquelles de la torture et influence sur les capacités d’intégration
Dr Pierre Duterte, médecin directeur, Parcours d’Exil
Martine Brousse, directrice, La voix de l’enfant
• Débat
12h30 Pause déjeuner
14h30-16h15 Protection des victimes de torture et politiques européennes et/ou nationales
Modératrice : Laetitia de Radigues, chef de bureau, IRCT Bruxelles (Belgique)
• Etat des lieux des conventions et textes internationaux sur la protection des victimes de
torture
Alima Boumediene -Thiery, sénatrice, ancien membre du Parlement européen
Laurence de Bauche, chercheuse, Réseau académique ODYSSEUS
Xavier Ronsin, procureur de la République, Comité pour la prévention de la torture
• Prise en charge des victimes de torture en France et dans d’autres pays européens
Sophie Attuil, Affaires juridiques & internationales, OFPRA (office français de protection
des réfugiés et apatrides)
Dr Mia Honinckx, Coordinatrice service médical, FEDASIL (Belgique)
Brita Sydhoff, Secrétaire générale, IRCT
• Difficultés particulières pour les victimes résidant dans les pays même où elles ont été torturées
Dr Camelia Doru, médecin & fondatrice, Fondation ICAR (Roumanie)
• Débat
16h15 Pause café
16h45—17h45 Exemples de bonnes pratiques au niveau européen
Dr Laurent Subilia, médecin, directeur, centre de santé des migrants, Genève (Suisse)
Erick Vloeberghs, Affaires internationales, Pharos, Utrecht (Pays-Bas)
Dr Lilla Hárdi, Psychiatre, directrice, fondation Cordelia (Hongrie)
• Débat
10
Tuesday, 28 October
Participant registration / Press : Tuesday, 28 October, 8:30 – 10:00
10:00 Opening by François Zimeray, French Ambassador for Human Rights
10:30-12:30 Legal and illegal immigration in Europe, asylum, trade of human beings: influence
on hosting and rehabilitation of torture victims
Moderator: Hélène de Rengervé, administrative and financial director, Parcours d’Exil
• Population of refugees and asylum seekers: number, geographical origin, asylum procedures
in Europe
Paul McDonough, research officer, ECRE (European Council on Refugees and Exiles)
Xenia Messariti, policy officer, European Commission - Asylum unit
Philippe Tremblay, programme officer, APT (Association for the Prevention of Torture)
Mathieu André, affaires européennes, Forum Réfugiés
• Priorities of the French presidency and torture victims: consequences of “closing” Europe
regarding hosting and treatment conditions of torture victims
Jean-Pierre Guardiola, Asylum Head of department, Ministry of Immigration
Catherine Wihtol De Wenden, research director, CERI/CNRS
Eric Panloup, delegation for victims, Ministry of Interior, Overseas and Territorial Communities
• Sequels of torture and influence on integration capacities
Dr Pierre Duterte, director, Parcours d’Exil
Martine Brousse, director, La Voix de L'Enfant
• Debate
12:30 Lunch break
14:30-16:15 Protection of torture victims and European/national policies
Moderator : Laetitia de Radigues, IRCT, Head of Brussels office
• Overview of international conventions and texts on the protection of torture victims.
Alima Boumediene -Thiery, senator, former MEP
Laurence de Bauche, researcher, ODYSSEUS Academic network
Xavier Ronsin, procureur de la République, Committee for prevention of torture
• European legislation concerning the protection of torture victims
Sophie Attuil, International and Legal Affairs officer, French Office for Protection of Refugees and Stateless (OFPRA)
Dr.Mia Honinckx, medical coordinator, FEDASIL (Federal Agency for the Reception of Asylum
seekers, Belgium)
Brita Sydhoff, Secretary-General, IRCT
• Specific difficulties of victims living in the country where they were tortured
Dr Camelia Doru, physician and founder, ICAR Foundation (Romania)
• Debate
16:15 Coffee break
16:45—17:45 Examples of best practices at European level
Dr Laurent Subilia, physician, director, Centre of migrants’ health, Geneva (Switzerland)
Erick Vloeberghs, International affairs, PHAROS - Centre of expertise (Netherlands)
Dr Lilla Hárdi, psychiatrist, director, Cordelia Foundation (Hungary)
• Debate
11
Mercredi 29 octobre
09h30-11h00 Mise en place du processus de reconnaissance précoce des victimes de torture
Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil
• Aspects techniques : Où, quand, comment, par qui ?
Dr Sylvie Lancino, ANAEM (agence nationale d’accueil pour les étrangers et les migrations)
Yves Nicolas, directeur, CADA ADOMA de Caen
• Aspects psychologiques et psychiatriques : quelles questions doit-on poser, sur la base
de quels « formulaires » : MINI, PTSD, protocole d’Istanbul ?
Régine Waintrater, psychologue et thérapeute familial, université Paris 7
Karin Teepe, psychologue clinicienne, Parcours d’Exil
• Débat
11h00 Pause café
11h30-12h30 Implications d’une reconnaissance précoce des victimes de torture
• Implications éthiques et thérapeutiques ; comment circonscrire les risques de détournement de ce processus de reconnaissance de victimes de torture
Dr Pierre Duterte, médecin Directeur, Parcours d’Exil
Pierre Courcelle, responsable du service Asile, ACAT France (association des chrétiens
pour l’abolition de la torture)
Danielle Mérian, avocate honoraire, administratrice de Parcours d’Exil, militante ACAT
Monique Végéga, chef de service, FNARS Picardie (fédération nationale des associations
d’accueil et de reconversion sociale)
12h30 Pause déjeuner
14h30-16h00 Conclusions et Recommandations
Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil
• Recommandations sur la mise en place de la reconnaissance précoce des victimes de
torture
• Adoption de la déclaration
16h00-16h30 Clôture des débats
12
Wednesday, 29 October
09:30-11:00 Implementation of a process of early recognition of torture victims
Moderator: Hélène de Rengervé, administrative and financial director, Parcours D'Exil
• Technical aspects: Where, When, How, By whom?
Dr Sylvie Lancino, ANAEM (French agency for migrations and foreigners)
Yves Nicolas, directeur, Hosting centre, Caen (ADOMA)
• Psychological and psychiatric aspects: Which questions should be asked, on the basis of
which documents: MINI, PTSD, Istanbul protocol?
Regine Waintrater, psychologist and family therapist, University Paris 7
Karin Teepe, psychologist, Parcours D'Exil
• Debate
11:00 Coffee break
11:30-12:30 Implications of an early recognition of torture victims
• Ethical and therapeutic implications: how to limit the risk of misuse of this process of
recognition of torture victims
Dr Pierre Duterte, medical director, Parcours D'Exil
Pierre Courcelle, Head of asylum service, ACAT France (Christian Association for Torture
abolition)
Danielle Mérian, lawyer, vice-president of Parcours d’Exil, ACAT militant
Monique Végéga, head of service, FNARS Picardie (National federations of organisms
dealing with hosting and social integration)
12h30 Lunch break
14:30-16:00 Conclusion and Recommendations
• Recommendations on the implementation of the process of early recognition of torture
victims
• Adoption of the statement
16:00-16:30 Closing of debate
13
Partie I
Résumé des interventions
14
Part I
Speeches summary
15
Mardi 28 octobre
Ouverture par M. François Zimeray, Ambassadeur pour les droits de l’Homme (France)
L
ES premiers mots de bienvenue ont
été prononcés par le Dr Pierre Duterte, Médecin Directeur de l’association Parcours
d’Exil ; il a souligné le thème de la conférence et rappelé les pays participants pour
ensuite remercier les organisations qui ont
accordé leur patronage et notamment le
Premier ministre français, M. François Fillon, pour l’octroi du label de la
« Présidence française de l’Union européenne ».
L’allocution d’ouverture a été prononcée
par M. François Zimeray, Ambassadeur français pour les droits de l’Homme.
M. Zimeray, en tant que représentant du
gouvernement français et de la secrétaire
d’Etat chargée des Affaires étrangères et
des droits de l’Homme Melle Rama Yade, a
exprimé le privilège qui était le sien d’inaugurer cette journée de réflexion et a commencé en rappelant un proverbe selon lequel « Tout homme a deux patries, la sienne et la France ».
Il a souligné l’intitulé général de la confér e nc e,
qui
i nd i qu e
au
p lu r i e l
« reconnaissances des victimes de torture », en expliquant qu’il s’agit de reconnaissance juridique ainsi que du repérage
dans une société qui doit demeurer sensible
aux souffrances des autres.
Mettant l’accent sur la question de l’isolement, M. Zimeray a établi un lien entre
l’individu et le niveau politique international.
En parlant du FIAP (foyer international
d’accueil de Paris) où se tenait la conférence, il a noté que ce lien est simple et plus
facile à sentir entre ces murs, où on croit
un peu que « l’Homme a deux patries ». Le
lien entre l’individu et ce que vivent les
diplomates, les instances, les Nations unies,
l’OSCE, l’Union européenne, est précisé-
ment ce concept de famille humaine.
Faisant référence à la célébration du
soixantième anniversaire de la déclaration
universelle des droits de l’Homme (DUDH),
texte poétique sur le concept de la famille
humaine (qui malheureusement se trouve
en ce moment menacé voire en recul dans
le monde), l’ambassadeur a noté que les
travaux de cette conférence illustrent les
enjeux auxquels nous sommes actuellement
confrontés. Il a également souligné le
contexte difficile dans lequel nous célébrons cet anniversaire : il contraste avec
l’anniversaire des cinquante ans tenu à la
fin d’une décennie optimiste qui était marquée par la chute du Mur, les accords d’Oslo, la fin de l’apartheid et l’arrivée de
nouvelles technologies pleines de promesses.
Contrairement à cet esprit optimiste, cette
dernière décennie est marquée par le 11
septembre 2001, le terrorisme et l’antiterrorisme qui constituent des pressions sur
les droits de l’Homme, la prise de conscience des enjeux climatiques, les enjeux alimentaires et dernièrement, la crise financière. Cette anxiété constitue un poison
pour l’universalisme.
Pour donner un exemple plus concret du
recul de la famille humaine, M. Zimeray a
indiqué le refus initial de l’aide humanitaire
internationale par le gouvernement birman,
au moment où le pays fut frappé par un cyclone. Les instances du pays n’ont finalement accepté l’aide que si les bateaux passaient par l’Asie, afin de qualifier l’aide
« d’asiatique ». Un deuxième exemple fut
le refus des Casques bleus au Soudan et
l’acceptation uniquement de forces africaines.
16
Tuesday, 28 October
Opening by Mr François Zimeray, Ambassador for Human Rights (France)
T
HE welcoming speech was made by
Dr Pierre Duterte, Director of the association “Parcours d’Exil”. He focused on the
topic of the conference. Then he quoted
the participating countries and thanked the
organizations which granted their patronage
and in particular the French Prime Minister,
Mr François Fillon, for having granted the
label “French Presidency of the European
Union”.
The opening address was pronounced by Mr
François Zimeray, French Ambassador for
Human rights.
Mr Zimeray, representing the French government and the Secretary of State in
charge of foreign affairs and Human Rights
Miss Rama Yade, expressed his privilege to
have been invited to inaugurate this day of
reflexion. He started by quoting a proverb
which says that “Any Man has two homelands, his own and France”. He underlined
the fact that the general subject of the
conference indicates into the plural
“recognitions of torture victims”. He explained that the participants were going to
deal with legal recognition as well as the
position in a society which must remain sensitive to the sufferings of others.
Stressing the question of isolation, Mr
Zimeray established a bond between individuals and the international political level.
While
speaking
about
the
FIAP
(International welcoming centre of Paris)
where the conference took place, he noted
that this bond was simple and easier to feel
there, where one believes a little that
“every man has two homelands”. The bond
between individuals and what diplomats
face, i.e. the authorities, the United Na-
tions, the OSCE, the European Union, is precisely the concept of human family. Referring to the celebration of the 60th anniversary of the Universal Declaration of Human
Rights (UDHR), poetic text about the human
family concept (which is unfortunately currently threatened), the Ambassador noted
that the work of this conference illustrate
the challenges currently at stake.
He also underlined the difficult context in
which we celebrate this anniversary: there
is a huge contrast with the fiftieth, which
was held at the end of an optimistic decade
marked by the fall of the Wall, the agreements of Oslo, the end of apartheid and the
arrival of new technologies full of promises.
Unlike this optimistic spirit, the last decade
has been marked by 9/11/2001, by terrorism and anti-terrorism which constitute
pressures on Human Rights, climate change,
food stakes and lately the financial crisis.
This anxiety constitutes a poison for universalism. Giving a more concrete example
of the fall of the human family concept, Mr
Zimeray indicated the initial refusal of the
international humanitarian aid by the Burmese government, when the country was
struck by a cyclone. The national authorities finally accepted the assistance only under the condition that the boats would pass
by Asian harbors, in order to qualify this
help as “Asiatic”. A second example was
the refusal of the Blue Helmets in Sudan
and the acceptance only of African forces.
17
Expliquant les difficultés actuelles
majeures dans le combat pour les droits de
l’Homme, il a mentionné les pays comme la
Russie et la Chine, qui demandent pourquoi
on veut leur faire adopter les valeurs occidentales. Il est vrai qu’un texte
tel que la DUDH ne serait pas adopté aujourd’hui. Elle est désormais considérée
comme « notre » valeur, « notre conception » dont nous disons qu’elle est universelle mais pour laquelle beaucoup de pays
répondent qu’elle est occidentale. Il existe
par exemple une déclaration islamique des
droits de l’Homme.
Quelle est donc la légitimité de la DUDH ?
La question peut être choquante mais elle
est pertinente et appelle une réponse.
D’un premier point de vue, on dirait que sa
légitimité est juridique, puisqu’elle a été
adoptée en 1948 à l’unanimité. Mais la réponse vient immédiatement : en 1948 il n’y
avait que peu de pays signataires. Sa légitimité philosophique est discutée aussi. Pour
M. Zimeray, sa légitimité réside dans le fait
que, quelle que soit la latitude, nous n’avons pas perçu dans le regard d’une femme,
dont le fils ou le mari a disparu, que l’on
souffre différemment. Nous n’avons pas remarqué dans le regard d’un enfant soldat
que c’est normal parce que c’est culturel.
Les femmes ne trouvent pas normal d’être
battues ou violées. Il n’y a pas deux façons
de souffrir de la torture. Notre légitimité à
faire valoir cette universalité, nous la puisons dans le regard de la réalité des souffrances de ce public pour lequel nous
consacrons tant d’efforts. Les droits de
l’Homme sont universels parce que les souffrances sont universelles.
vernements. De ce point de vue, il note que
le bilan de la diplomatie française est remarquable : appui avec l’Argentine concernant la convention sur les disparitions forcées, mise en application de la convention
sur les enfants soldats, fonctionnement du
tribunal international de la Haye grâce à un
traité voulu, amendé et adopté par des diplomates. Il a terminé son discours en soulignant que la diplomatie française regarde
avec un très grand intérêt les travaux de
ces deux jours et plus généralement le travail difficile, obstiné et discret des organisations présentes, et exprime à travers lui
sa reconnaissance et ses remerciements.
Avant de passer au premier panel de la
journée, le Dr Duterte a remercié M. l’Ambassadeur de sa touchante intervention et
notamment d’avoir pensé aux enfants soldats, qui est une des causes pour lesquelles
il se bat depuis plus de dix ans et qui est
très difficile à gérer au niveau de l’administration française.
M. Zimeray a conclu son allocution en mettant l’accent sur le rôle de la diplomatie
dans le combat pour les droits de l’Homme,
indiquant qu’il ne s’agit pas seulement des
condamnations ou des prises de position
morales mais d’abord et surtout des droits
existants ou pas, appliqués ou pas, et c’est
là-dessus qu’il faut juger l’action des gou18
Explaining the current major obstacles in the fight for Human Rights, he mentioned countries like Russia and China which
wonder why other countries wish to make
them adopt western values. It is clear that
such a text as the Universal Declaration of
Human Rights would not be adopted today.
It is currently looked upon as “our” values,
“our” perception, which we qualify as universal, although many countries declare
that they are western. An Islamic declaration of Human rights does indeed exist.
Which is thus the legitimacy of the Universal Declaration? The question may seem to
be shocking but it is relevant and requires
an answer. From a first point of view, one
would say that its legitimacy is juridical,
since it was adopted unanimously in 1948.
But the answer is immediate: in 1948 there
were only a few signatory countries. Its philosophical legitimacy is discussed too. For
the Ambassador, its legitimacy resides in
the fact that, whatever the latitude, we do
not see in the eyes of a woman whose son
or husband has disappeared, that one suffers differently from place to place. We do
not notice in the eyes of a child soldier that
the situation is normal because it is cultural. Women do not find normal to be
beaten or raped. There are not many ways
of suffering from torture. Our legitimacy to
put forward this universality is drawn by
looking to the reality of the sufferings of
those for whom we devote so many efforts.
The human rights are universal because the
sufferings are universal.
ances, implementation of the convention on
child soldiers, operation of the Hague international court thanks to a treaty which was
requested, amended and adopted by diplomats. He finished his speech by underlining
that the French diplomacy is highly interested in the works of these two days and
more generally, in the difficult, obstinate
and discrete work of the present organizations, and expresses its recognition and its
thanks.
Before beginning with the first panel of the
day, Dr Duterte thanked the Ambassador for
his touching speech and in particular for
having mentioned child soldiers as this is
one of the causes for which he has been
fighting for more than ten years but which
is very difficult to manage with the French
administration.
Mr Zimeray concluded his speech by stressing the role of diplomacy in the fight for
Human rights, indicating that it is not a
question only of judgments or moral standpoints but especially of the rights, existing
or not, applied or not, and the action of
governments may be judged only by taking
this into account. From this point of view,
he noted that the assessment of the French
diplomacy is remarkable: support with Argentina the convention on forced disappear19
Migration légale et clandestine en Europe, asile, traite des êtres humains :
influence sur l’accueil et l’accompagnement des victimes de torture
Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours D'Exil
Le premier panel de la journée était constitué de M. Paul McDonough, chercheur du conseil européen sur les réfugiés et exilés (ECRE), Mme Xenia Messariti, fonctionnaire de la Commission européenne - Unité Asile, M. Philippe Tremblay, chargé de programme de l’association pour la prévention de la torture (APT) et de M. Mathieu André, chargé des affaires européennes, Forum Réfugiés.
M. McDonough a expliqué le rôle
d’ECRE en tant qu’organisation de
société civile chargée de mise en
réseau et de lobbying, qui coordonne soixante-huit agences en Europe.
Qualification qui n’indique pas clairement les
cas de torture, la directive Redirection et celle des procédures d’asile. Il a mis l’accent sur
l’instauration de la protection subsidiaire qui
rend la protection des victimes obligatoire
même quand il s’agit de torture par des acEn citant des statistiques, il a indiqué le re- teurs non étatiques.
cord actuel de vingt-cinq millions de réfugiés
et déplacés dans le monde (estimation UNH- En ce qui concerne les victimes de torture et
CR), notamment en provenance de l’Irak et leur protection, il a cité le problème des fronde l’Afghanistan mais aussi de la Somalie, du tières européennes, où le personnel n’a pas la
Soudan, de RDC, etc.
formation nécessaire pour gérer des personIl y avait environ 650.000 nouveaux réfugiés nes traumatisées et ne fait pas de distinction
en 2007, 14% vers l’Europe. Le nombre de de- entre les réfugiés. De plus, les arrivants ont
mandeurs d’asile en Europe est en baisse, des difficultés à approcher des personnes en
puisqu’il est actuellement plus petit que le uniforme, à parler de leurs expériences et à
nombre des demandeurs d’asile en Allemagne mémoriser les procédures. Ils n’ont pas droit
en 1991.
à une assistance juridique gratuite et les avocats ne sont pas assez nombreux pour pouvoir
Etant donné qu’une des raisons principales de traiter les milliers de demandes d’asile qui se
la fuite d’un réfugié est l’instabilité, il est présentent chaque année.
normal que ces chiffres soient en baisse, puisque les régions autour de l’Union européenne Pour conclure, il a indiqué que les lieux de
deviennent plus stables. Mais les conflits dans détention sont le dernier endroit où placer
le monde créent plus de réfugiés, qui se diri- une victime, que les longues procédures adgent loin de l’Europe.
ministratives peuvent limiter la protection
L’Irak est actuellement le pays d’origine prin- des réfugiés et qu’une aide médicale et psycipal. La Suède a jusqu’à présent accepté une chologique supplémentaire pour ces persongrande majorité de réfugiés, mais ne qualifie nes est indispensable.
désormais plus la situation en Irak comme un
conflit armé.
L’Europe n’est plus si accueillante à cause des
contrôles renforcés et du manque de distinction entre réfugiés et autres immigrants.
M. McDonough a ensuite évoqué les quatre
directives européennes qui sont actuellement
en révision : la directive Accueil, la directive
20
Legal and illegal immigration in Europe, asylum, trade of human beings: influence on hosting and rehabilitation of torture victims
Moderator: Hélène de Rengervé, Administrative and financial director, Parcours D'Exil
The first panel of the day gathered Mr Paul McDonough, research officer of the European Council
on Refugees and Exile (ECRE), Mrs Xenia Messariti, policy officer of the European commission Asylum Unit, Mr Philippe Tremblay, programme officer of the Association for the Prevention of
Torture (APT) and Mr Mathieu André, project officer for European affairs for Forum Refugiés.
Mr McDonough explained the role
of ECRE as a networking and lobbying civil society organization,
which coordinates 68 agencies in
Europe.
Giving some statistics, he indicated the current record of 25 million refugees and displaced persons around the world (UNHCR estimation), in particular coming from Iraq and
Afghanistan but also from Somalia, Sudan,
DRC etc. There were approximately 650.000
new refugees in 2007, 14% towards Europe.
The number of asylum requests in Europe is
declining, since it is currently smaller than
the one of asylum requests in Germany in
1991.
Since one of the primary reasons for the escape of a refugee is instability, it is normal
that these figures are falling, since the areas
around European Union have become more
stable. But the conflicts in the world create
more refugees, who move far from Europe.
Iraq is currently the main country of origin.
Sweden had accepted until recently a large
majority of refugees, but this may change as
the Swedish State does no longer aknowledge
the situation in Iraq as an armed conflict.
Europe is less accessible because of reinforced controls and the lack of distinction between refugees and other migrants.
and the one concerning asylum procedures.
He stressed the introduction of the subsidiary
protection which makes the protection of victims obligatory even when torture has been
committed by non-state actors. Regarding
torture victims and their protection, he
quoted the problem of the European borders,
where the staff has not been trained to deal
with traumatized people and does not make
distinction among refugees.
Moreover, these people face difficulties to
approach people in uniforms, to speak about
their experiences and to memorize procedures. The refugees are not entitled to a free
legal assistance and the lawyers are not numerous enough in order to be able to treat
thousands of asylum requests each year.
To conclude, he indicated that the places of
detention are not a place where to put a victim, that the long administrative procedures
can limit protection of refugees and that additional medical and psychological assistance
for these people is essential.
Mr McDonough then evoked the four European
directives which are currently in revision: the
“reception” directive, the “qualification” directive which does not clearly indicate the
case of torture, the “redirection” directive
21
Mme Xenia Messariti, représentante
de la Commission européenne, a exposé les acquis européens en matière d’asile mettant l’accent sur les personnes vulnérables. Elle a aussi parlé des développements à
venir et a invité les participants à proposer des
améliorations aux politiques européennes, afin
d’assurer un niveau correct de suivi thérapeutique des personnes vulnérables pendant la
« deuxième étape de législation d’asile » qui sera
bientôt instaurée. Après avoir mentionné le cadre général de la politique d’asile dans l’Union
européenne (base légale, instruments concernant
l’asile, standards minimum, conditions d’accueil,
statut de réfugié etc.) elle a mis l’accent sur la
directive Accueil (2003 avec date limite de transposition aux lois nationales en février 2007). Celle-ci indique plus explicitement le cas de personnes avec des besoins spécifiques et s’applique à
toute personne présentant une demande d’asile
aux frontières d’un état européen, ainsi qu’à
leurs familles. Cette directive (2003/9/CE) a
pour but d’assurer des bonnes conditions de vie
aux demandeurs d’asile, notamment l’accès au
logement, nourriture, vêtements (art.13), la santé (art.15), l’éducation des mineurs et l’information sur les organisations ou groupes de personnes qui pourraient fournir de l’assistance. La directive détermine clairement une liste de personnes ayant des besoins spécifiques : mineurs ;
handicapés ; personnes âgées ; femmes enceintes ; familles monoparentales ; victimes de torture, viol ou autre forme de violence physique,
psychologique ou sexuelle. La liste est ouverte et
inclut de nombreux autres exemples intégrés par
les pays européens. Une fois les besoins spécifiques identifiés suite à une évaluation individuelle, la directive oblige les Etats membres de l’Union européenne à prêter une attention particulière à ces personnes, notamment en ce qui
concerne la réception de matériel, l’assistance
médicale et le logement. Un accent particulier
est mis sur trois catégories : mineurs, mineurs
non accompagnés et victimes de torture.
Le problème est que la directive Accueil n’a pas
réussi à harmoniser les politiques nationales sur
la réception des demandeurs d’asile, étant donné
qu’elle laisse aux Etats une grande marge de
manœuvre pour son implémentation. Par conséquent, il y a actuellement des standards inadéquats de réception des personnes ayant des besoins spécifiques. De plus, les pratiques d’identi22
fication de ces besoins sont très faibles dans la
majorité des Etats européens. Des solutions afin
d’assurer que les besoins spécifiques soient traités de façon appropriée sont proposées dans le
cadre de la deuxième phase du système commun
d’asile européen (CEAS). La Commission européenne s’engage dans cette direction et propose
des mécanismes au niveau national pour identifier les besoins spécifiques et un suivi des cas
individuels. La liste sera élargie afin d’inclure
d’autres catégories comme les victimes de la
traite humaine. Il faudra également s’assurer que
l’accès aux soins sera équivalent à celui des résidents du pays d’accueil, que l’accès à l’éducation des mineurs sera facilité, que les victimes de
torture auront accès aux centres de réhabilitation et au traitement médical et psychologique
adéquat. Une formation est requise pour les personnes qui travaillent avec des victimes. La détention est limitée sauf dans des cas exceptionnels ou quand elle est conforme aux principes de
proportionnalité et de nécessité. Elle doit faire
l’objet d’un monitoring régulier. La détention
des mineurs est interdite, sauf si c’est dans leur
intérêt. La Commission européenne proposera
également des amendements à la régulation de
Dublin II, qui avait pour objectif de réglementer
les relations entre les autorités nationales et pas
entre les autorités et les individus, sans donc
prévoir des mécanismes pour les demandeurs
ayant des besoins spécifiques, notamment
concernant la procédure de transfert. Le transfert des personnes vulnérables sera autorisé seulement si leur situation le permet et sera suivi
par un échange des informations médicales afin
d’assurer le monitoring des cas spécifiques et le
suivi du traitement nécessaire.
Pour conclure, Mme Messariti a souligné les initiatives en dehors du cadre légal, et notamment
celles des ONG. La société civile a un rôle important à jouer, afin de donner aux institutions européennes une image concrète de la situation au
niveau national et de contribuer au développement de bonnes pratiques. Dans le cadre de la
deuxième étape de législation d’asile, il faut tenir compte de besoins sociaux des demandeurs
d’asile d’abord.
Suite à cette intervention, Mme de Rengervé
(Parcours d’Exil) a indiqué les liens particuliers
de l’association avec Forum Réfugiés pour la
création d’un centre de soins à Lyon, afin de pallier le manque de soins en cette région.
Mrs Xenia Messariti, representing
the European Commission, exposed
the European assets regarding asylum, with a focus on the vulnerable
people. She also spoke about the upcoming developments and invited the participants to propose improvements on European policies, in order to ensure a correct level of treatment of vulnerable people during the “second phase of asylum legislation” which is going to be implemented.
After mentioning the general framework of the
asylum policy in the European Union (legal bases,
instruments concerning asylum, minimum standards, reception conditions, statute of refugee
etc.) she put the stress on the Reception directive (2003 with deadline of transposition to national laws in February 2007). This directive,
which more explicitly indicates the case of people with special needs, applies to any person who
presents an asylum request at the borders of any
European state, and applies also to his family.
The purpose of this directive (2003/9/CE) is to
ensure good life conditions to asylum seekers, in
particular the access to housing, food, clothing
(art.13), health (art.15), the education of minors
and information about organizations or groups of
people who could provide assistance. The directive determines a list of people clearly having
special needs: minors, handicapped, elderly,
pregnant women, single-parent families and victims of torture, rape or another form of physical,
psychological or sexual violence. The list is open
and includes many other examples integrated by
European countries.
Once the special needs identified following an
individual evaluation, the directive obliges the
European Union Member States to pay special
attention to these people, in particular regarding
the reception of material and medical help and
housing. A particular stress is laid on three categories: minors, unaccompanied minors and torture victims. The problem is that the Reception
directive has not succeeded in harmonizing national policies on the reception of asylum seekers, and leaves a large space for manoeuvre to
the States for its implementation.
Consequently, there are currently inadequate
standards of reception of people having special
needs. Moreover, the identification practices of
these needs are very poor in the majority of the
European States. Solutions in order to ensure
23
that the special needs are treated in a suitable
way are proposed within the framework of the
second phase of the Common European Asylum
System (CEAS). The European Commission is committed in this direction and proposes mechanisms
at national level to identify the special needs and
a follow-up of the individual cases. The list will
be widened in order to include other categories
like victims of human trafficking. It will also have
to make sure that person having special need will
be granted an equal access to care services than
that of the host country residents, that the access to education of minors will be facilitated,
that the torture victims will have access to rehabilitation centres, and to medical and psychological adequate care.
People working with victims have to be trained.
The use of detention is limited except in exceptional cases and when it is in line with the principles of proportionality and necessity. It must be
under regular monitoring. Detention of minors is
prohibited unless it is in their best interest. The
European Commission will also propose amendments to the Regulation of Dublin II, which objective is to regulate relations between national
authorities and not between the authorities and
individuals, without thus envisaging mechanisms
for the applicants having special needs, in particular concerning the transfer procedure.
Transfer of vulnerable people will be authorized
only if their situation allows it and is followed by
an exchange of medical information in order to
ensure the monitoring of specific cases and follow-up of the necessary treatment.
To conclude, Mrs Messariti underlined the initiatives outside the legal framework, and in particular by NGOs. Civil society has an important role
to play, in order to give to the European institutions a concrete image of the situation at national level and to contribute to the development
of good practices. Within the framework of the
second phase of the asylum policy, it is necessary
to take first into account the social needs of asylum seekers.
Following this intervention, Mrs de Rengervé
(Parcours d’Exil) indicated the particular bonds
created with the NGO Forum Refugiés, for the
creation of a health care centre in Lyon, in order
to reduce the lack of care in that area.
M. Philippe Tremblay représentait
l’association pour la prévention de
la torture (APT), ONG internationale ayant son siège à Genève et fondée il y a 30
ans. L’APT œuvre dans ce domaine de diverses
façons ; par une action de lobbying, de plaidoirie pour la ratification des traités pertinents,
par un soutien technique aux Etats dans la mise
en œuvre de lois et par des activités de formation. Il a présenté un ensemble de textes internationaux, qui forment les « balises de l’intervention » des organisations internationales en
matière de lutte contre la torture. Il n’a pas
développé sur les textes et mécanismes européens pertinents, tout en reconnaissant qu’ils
peuvent être plus efficaces que ceux des Nations unies. Il cite la Déclaration universelle des
droits de l’Homme (DUDH) qu’il a qualifiée de
socle sur lequel la protection contre la torture
se construit, même si elle a une force moindre
que les traités et conventions et que le droit
international a beaucoup évolué depuis.
Depuis 1949, il y a eu la convention de Genève
qui protège les personnes contre les actes de
torture dans les situations de conflit armé
(« art. 4 : protection des civils dans des conflits
armés ») ; le pacte international relatif aux
droits civils et politiques, adopté par l’ONU en
1966 et signé aujourd’hui par 160 Etats, et qui
est un traité contraignant (l’article 7 reprend
l’interdiction de la DUDH « de la torture et des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ; « Art. 10 : obligation positive de
traiter tous détenus avec respect ») ; la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU
(1984), qui explique les obligations des Etats en
la matière ; le protocole facultatif à la convention contre la torture (OPCAT, 2002), qui constitue un traité de nouvelle génération car il n’énonce pas de droits de l’Homme mais qui, à partir de l’obligation de prendre des mesures nécessaires pour la prévention de la torture, propose la mise en place d’un système de visites
des lieux de détention sur l’ensemble d’un territoire national et des entretiens confidentiels
avec les détenus. Jusqu’à présent, seuls 36
Etats ont ratifié ce protocole. La protection juridique, qui est donc absolue, est menacée suite
aux événements du 11 septembre 2001 par certains gouvernements qui cherchent des excep-
tions, changent les méthodes d’interrogatoire et
cherchent le seuil de souffrance tolérable. M.
Tremblay a rappelé le scénario de la « bombe à
retardement » évoqué par certaines administrations : est-il légitime de torturer quelqu’un qui
saurait où se trouve une bombe afin de sauver
d’autres vies ? Il a également rappelé les séries
télévisées utilisant la torture. Il a souligné que
l’APT combat cette perception et qu’elle a organisé en 2007, avec de partenaires universitaires, enquêteurs, etc. une conférence au cours
de laquelle on a cherché à déconstruire ce scénario et à réaffirmer l’importance de la prohibition de la torture. Les obligations étatiques sont
l’interdiction de la torture et la pénalisation des
actes de torture, y compris la complicité et l’incitation. Certains Etats ont cherché à démontrer
qu’ils avaient dans leur code pénal des infractions qui couvrent cette obligation, mais l’APT
souhaite des amendements clairs.
Il a ensuite rappelé la définition de la torture,
donnée par la convention contre la torture :
« tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont
intentionnellement infligées à une personne
aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une
tierce personne des renseignements ou des
aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir
commis, de l'intimider ou de faire pression sur
elle ou d'intimider ou de faire pression sur une
tierce personne, ou pour tout autre motif fondé
sur une forme de discrimination quelle qu'elle
soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à
titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite». Il est donc interdit d’utiliser des informations obtenues sous
la torture. Cela enlève toute justification à l’utilisation de la torture. Il est également interdit
de transférer une personne là où elle risque d’être soumise à la torture, que le transfert soit
officiel ou pas (exemple de la pratique de la
CIA avec les vols secrets). Il a évoqué aussi le
principe du non refoulement qui indique une
protection absolue où l’on ne s’intéresse pas
aux raisons pour lesquelles une personne serait
torturée, ni aux actes qui lui sont reprochés
(contrairement à la convention relative aux
droits des réfugiés).
24
Mr Philippe Tremblay represented
the Association for the Prevention
of Torture (APT), international NGO
with headquarters in Geneva and founded 30
years ago. The APT has different kinds of action:
lobbying, pleading for the ratification of relevant treaties, technical support to different
countries for the implementation of laws and
training activities.
He presented an overview of international texts,
which constitute the “markers of the intervention” of international organizations regarding
the fight against torture. He did not elaborate
on the relevant texts and European mechanisms,
although he admitted that they can be more
effective than those of United Nations.
He quoted the Universal Declaration of Human
Rights (UDHR) which he defined as the basis on
which protection against torture is built, even if
it is less powerful than treaties and conventions
and international laws, which has evolved.
Since 1949, there have been many juridical
tools:
- the Geneva Convention, protecting people
against acts of torture in case of armed conflicts
(“Article 4: protection of civilians in armed conflicts”);
- the international pact on civil and political
rights, adopted by United Nations in 1966 and
signed today by 160 States, as a binding treaty
(art 7: recalls the prohibition of the UDHR “of
torture and other cruel, inhuman or degrading
treatment or punishment”; Article 10: obligation to treat all prisoners with respect);
- the Convention against torture and other
cruel, inhuman or degrading treatment or punishment (UN 1984), which explains the obligations of States in this matter;
- the Optional Protocol to the Convention
Against Torture (OPCAT 2002), which constitutes
a new generation treaty because it does not
state human rights but elaborates the obligation
to take necessary measures for the prevention
of torture, by proposing the establishment of a
visiting system of detention places within a national territory and confidential discussions with
prisoners. Until now, only 36 states have ratified
this protocol.
threatened since the events of 11 September
2001 by some governments seeking exceptions,
changing the interrogation methods and seeking
the tolerable threshold of suffering.
Mr Tremblay pointed out the “time bomb” scenario evoked by certain administrations: should
somebody torture someone who knows where a
bomb is, in order to save other lives? He also
pointed out the TV programs using torture. He
stressed that the APT has been fighting against
this perception and that it organized in 2007,
together with university partners, investigators
etc., a conference during which they tried to
deconstruct this scenario and to reaffirm the
importance of the prohibition of torture.
The official obligations refer to the prohibition
of torture and the penalization of acts of torture, including complicity and incentive. Certain
States tried to show that they dispose, within
their penal code, of infringements which cover
this obligation. But the APT wishes clear amendments.
He then pointed out the definition of torture,
given by the Convention Against Torture: “Any
act by which severe pain or suffering, whether
physical or mental, is intentionally inflicted on
a person for such purposes as obtaining from
him or a third person information or a confession, punishing him for an act he or a third person has committed or is suspected of having
committed, or intimidating or coercing him or a
third person, or for any reason based on discrimination of any kind, when such pain or suffering is inflicted by or at the instigation of or
with the consent or acquiescence of a public
official or other person acting in an official capacity”. It is thus forbidden to use the information obtained under torture. This removes any
justification of the use of torture. It is also forbidden to transfer a person where he/she is
likely to be subjected to torture, whether the
transfer is official or not (example of the CIA
practice of secret flights)
He also evoked the principle of “nonrefoulement” which indicates an absolute protection where one is not interested in the reasons for which a person would be tortured, nor
in the acts which are reproached to him (differs
from convention relative to the rights of the
refugees).
The legal protection, which is thus absolute, is
25
Certains Etats tentent de contourner l’obligation de non refoulement comme par
exemple par les assurances diplomatiques : si on
renvoie des personnes chez elles, l’Etat récepteur s’engagerait à traiter les personnes selon
les conventions internationales ; ces assurances
ne protègent pas légalement de la torture. Afin
qu’une prévention existe, les Etats doivent incorporer l’interdiction de la torture dans les
manuels de la police et des gardiens de prison, procéder aux examens médicaux des déte-
nus, donner accès aux avocats, enregistrer les
détenus et avoir l’ obligation d’enquête en cas
de plainte.
M. Tremblay a conclu en abordant la compétence universelle qui consiste pour un Etat en un
devoir d’arrêter une personne soupçonnée de
torture même si les actes ont été commis sur un
autre territoire. Cet Etat doit ensuite extrader
le suspect vers le pays où les actes ont été commis ou bien enclencher lui-même une procédure.
M. Mathieu André a ensuite expliqué le rôle de Forum Réfugiés, qui
accompagne des réfugiés depuis
leur arrivée en France depuis vingt-
vulnérables, par exemple les familles, les enfants, les malades qui ne peuvent pas affronter
les mois, voir les années de fuite et les conditions de voyage et de vie.
M. André a insisté à la fin sur la nécessité de
bâtir un système d’asile européen ayant un
sens, ce qui est évidement très difficile dans le
contexte actuel (les frontières se ferment, les
personnes circulent à travers des systèmes très
contrôlés, les réfugiés à l’extérieur de l’UE seront plus longtemps en exil prolongé sans perspective). Selon l’UNHCR il faut 17 années d’attente pour espérer voir une solution durable
pour ces personnes !
La réponse de l’UE pourrait être la suivante :
• Les garde-frontières doivent distinguer parmi
les migrants les personnes à la recherche d’une protection internationale pour que les frontières ne deviennent pas étanches pour les
réfugiés et que le système d’asile européen ne
devienne pas une coquille vide ;
• Il faut créer des voies d’accès légales avec la
possibilité de rentrer légalement sur le territoire européen pour demander l’asile, tout
comme il sera possible de le faire pour travailler. Mais si l’on s’en tient au pacte européen,
ces entrées protégées ne sont pas à l’ordre du
jour ;
• La réinstallation, avec la recherche volontaire
de réfugiés dans leur pays d’origine, lorsqu’ils
sont en danger dans le pays d’accueil.
Il importe de noter que l’UE dispose de 5000
places de réinstallation tandis que le HCR indique le besoin de 500.000.
Le représentant de Forum Réfugiés a conclu en
soulignant que la diplomatie européenne a un
rôle très important dans la protection des droits
des réfugiés et que la question essentielle reste
la volonté politique.
cinq ans.
Il a souligné d’abord que l’Europe doit mettre
ses politiques dans une perspective mondiale
afin de résoudre les problèmes des réfugiés. 12
millions de réfugiés dans le monde auxquels il
faut ajouter les 2 millions de réfugiés palestiniens, 25 à 30 millions si on inclut les personnes
déplacées dans leurs pays à la recherche d’une
protection, réparties inégalement sur la planète (30% Asie, 25% Afrique ; 70 à 75% dans des
pays en développement).
Environ 7 millions de réfugiés restent bloqués
dans les camps de réfugiés, dans des zones éloignées, frontalières ou de combat, sans droits
fondamentaux, sans liberté de circulation et
sans aucune perspective ni d’intégration ni de
retour.
En citant l’exil depuis plusieurs décennies des
300.000 Burundais en Tanzanie, sans droit de
travailler dans les camps, des 300.000 Vietnamiens en Chine et des 2.000.000 d’Afghans en
Iran et au Pakistan, M. André a expliqué que le
chiffre européen de 1,5 millions réfugiés (15%
du monde entier) plus 200.000 à 250.000 demandeurs d’asile par an est faible. Il a noté
qu’en France par exemple, nous comptons 1
réfugié pour 1.300 habitants, tandis que ce chiffre s’élève à 1 pour 6 en Tanzanie !
La majorité des réfugiés restent dans leur région d’origine, mais certains viennent en Europe, notamment parce qu’ils peuvent l’atteindre
(90% y arrivent irrégulièrement via les passeurs
dont ils dépendent) en espérant bénéficier de
l’aide à s’intégrer, avoir des perspectives personnelles. Mais les premiers exclus sont les plus
26
Some States trie to circumvent the obligation of non-refoulement such as for example by the diplomatic insurances: if we force
people to return, the receiving State would
treat them according to international conventions; these insurances do not legally protect
from torture. In order for prevention to exist,
countries must incorporate the prohibition of
torture in the police and prison warders’
handbooks, carry out medical examinations of
prisoners, give access to lawyers, record prisoners and have the obligation of investigation in
case of complaint.
Mr Tremblay concluded by mentioning the universal competence which consists, for a State,
in a duty to arrest a person suspected of torture
even if the acts were committed within another
territory. This State must then extradite the
suspect towards the country where the acts
took place or engage a procedure itself.
Mr Mathieu André explained the
role of “Forum Refugiés”, which
accompanies refugees in France for
25 years. He initially underlined
that Europe should considerate its
policies in a most global way in order to solve
the problems of refugees. There are nowadays
12 million refugees in the world, plus another 2
million Palestinian refugees, going to a total of
25 to 30 million if one includes the persons internally displaced, searching for protection,
distributed unequally on the planet (30% Asia,
25% Africa, 70 to 75% in developing countries).
Approximately 7 million refugees remain
blocked in refugee camps, in distant, frontier or
combat zones, without basic right, freedom of
circulation or any prospect for integration nor
return.
conditions.
Mr André insisted on the need of building a
European asylum system with a strong meaning.
But this is obviously very difficult to implement
within the current context (borders are closed,
people circulate through controlled systems,
refugees outside the EU will be longer in prolonged exile, without prospect). According to
the UNHCR the average waiting time for refugees in order to get a sustainable solution to
their situation is 17 years!
The EU answer could be the following:
• The frontier guards must distinguish among
migrants those people searching for international protection, so that the borders do not
become tight for the refugees and that the
European asylum system does not become an
empty shell.
• It is necessary to create legal access paths
with the possibility of entering legally on the
European territory to seek asylum, just like it
will be possible to do it for work. But according to the current European pact, these protected entries are not within the agenda.
• The re-instalment, by voluntary research for
refugees in their country of origin, when they
are in danger in the hosting country.
It is important to note that the EU has 5000
places of re-instalment while the HCR indicates
the need for 500.000.
By underlining the exile during several decades
of 300.000 Burundians in Tanzania, in camps
without right to work, of 300.000 Vietnamese in
China and 2.000.000 Afghans in Iran and Pakistan, Mr André explained that the European figure of 1,5 million refugees (15% of the global
number), plus 200.000 to 250.000 request asyluMissper annum, is weak. He noted that in
France, for example, we count 1 refugee for
1.300 inhabitants, while this figure is 1 for 6 in
Tanzania!
The majority of refugees remain in their area of
origin, but some come to Europe, in particular
because they are able to reach it (90% arrive
irregularly via the human smugglers on which
they depend) hoping for an assistance for integration, for personal prospects. But the first
excluded are the most vulnerable, e.g. families,
children, patients who can not face months,
even years of escape and the travel and life
The Forum Refugiés representative concluded
by stressing that the European diplomacy has a
very important role in the protection of the
refugees rights and that the political will remains the crucial issue.
27
Les priorités de la Présidence française et les victimes de torture :
conséquences de la « fermeture » de l’Europe
sur les conditions d’accueil et de prise en soin des victimes
La deuxième table ronde de la matinée avait pour panélistes M. Jean-Pierre Guardiola, chef du
service Asile au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire ; Mme Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au centre d’études de relations internationales (CERI) ; et M. Eric Panloup, chef d’escadron à la délégation aux
victimes (DAV), ministère de l’Intérieur et des DOM-TOM.
M. Guardiola a parlé au nom du
ministre M. Hortefeux, qui avait
donné son patronage à la conférence. Il a commencé son intervention en exprimant son désaccord avec le mot « fermeture »
du titre de la table ronde, en indiquant qu’en
2007 l’OFPRA et la cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont rendu 8.816 décisions d’attribution du statut de réfugié, contre 7.380 en 2006,
soit une augmentation de 19,5%, qui signifie
qu’actuellement plus d’un demandeur d’asile
sur trois se voit reconnaître le statut en France.
Il a ensuite évoqué le « Pacte européen sur l’immigration et l’asile », initiative de la France lors
de sa présidence de l’Union européenne, qui a
été adopté au dernier Conseil européen. En le
qualifiant de « feuille de route » sur les questions migratoires et sur l’asile, il a indiqué
qu’un important travail législatif sera lancé par
la Commission européenne dans les mois qui
viennent, visant à apporter des modifications
aux directives européennes en matière d’asile.
Il a également mentionné la mise en place d’un
bureau d’appui européen en matière d’asile au
premier trimestre 2009, qui facilitera la coopération entre les Etats membres de l’UE, le partage d’informations et l’échange de bonnes pratiques. La nécessité d’une telle structure est
évidente si on regarde les divergences dans les
taux de reconnaissance du statut de réfugié selon les nationalités dans les pays européens
(ex : le statut de réfugié pour ressortissants irakiens va de 1% à plus de 90% - 52% en France)
tion irrégulière et les filières mafieuses ne devrait pas avoir pour conséquence de rendre plus
difficile l’accès à cette protection.
Se référant à la législation française, il a indiqué la protection subsidiaire, introduite par la
directive 29/04/2004, reflétée dans la loi française depuis décembre 2003, permettant de
couvrir les situations qui ne sont pas couvertes
par la convention de Genève, notamment les
cas des personnes exposées aux traitements
contraires à la Convention européenne des
droits de l’Homme. Le droit d’asile est donc
fortifié. Toutefois, la marge de manœuvre dans
l’interprétation des textes a pour conséquence
le fait que les taux d’octroi divergent entre les
pays européens. La différence de traitement
entre réfugiés et subsidiaires ne se justifie pas
et prouve la nécessité de l’approfondissement
de la réflexion sur l’harmonisation, allant dans
le sens de la suppression de ces disparités. L’adoption de statut uniforme d’ici 2012, préconisée par le pacte européen, devrait répondre à
ces difficultés.
M. Guardiola a insisté pour finir sur la nécessaire association de la société civile à ce travail de
construction d’une Europe de l’asile. Les pouvoirs publics et les institutions européennes ont
besoin des témoignages, des analyses, des propositions ainsi que des critiques constructives.
Comme exemple de cette association, il a cité
la conférence ministérielle sur l’asile, organisée
par M. Hortefeux les 8 et 9 septembre dernier à
Paris, qui a exprimé la volonté politique dans
cette direction.
Une autre orientation donnée par le Pacte est Il a conclu en invitant les organisations particil’accès à la procédure d’asile à l’extérieur des pantes à présenter des propositions dans ce
frontières de l’UE. Le renforcement des contrô- sens.
les aux frontières pour lutter contre l’immigra28
Priorities of the French presidency and torture victims: consequences of “closing”
Europe regarding hosting and treatment conditions of torture victims
The keynotes speakers of the second round table were Mr Jean-Pierre Guardiola, chief of the asylum department of the Ministry of immigration, integration, national identity and codevelopment ; Mrs Catherine Wihtol de Wenden, research director at the CERI/CNRS ; and Mr
Eric Panloup, from the delegation for victims, of the Ministry of Interior, Overseas and Territorial
Communities.
Mr Guardiola spoke in the name of
the minister Mr Hortefeux, who had
given his patronage to the conference. He began by expressing his disagreement
with the term “closing” of the roundtable title,
by indicating that in 2007 the OFPRA and the
National Court of Asylum Right (CNDA) attributed 8.816 statutes of refugee, against 7.380 in
2006, showing an increase of 19,5%, which
means that currently more than one asylum request out of three obtains the statute of refugee in France.
Then he mentioned the “European Pact on immigration and asylum”, French initiative during
its presidency of the European Union, which was
adopted at the last European Council. By describing it as “roadmap” on migratory questions
and asylum, he indicated that an important legislative work will be launched by the European
Commission. Its aim is to modify European directives regarding asylum. He also mentioned
the establishment of a European support office
in charge of asylum in the first quarter of 2009,
which will facilitate the cooperation between
EU member States, by spreading information
and exchanging good practices. The need for
such a structure is obvious if one looks at the
divergences in the rates of recognition of the
statute of refugee according to nationalities in
European countries
E.g., the rate of acceptance of the refugee statute for Iraqi nationals goes from 1% to more
than 90% and is of 52% in France.
Another orientation given by the Pact is the access to asylum procedures outside the borders
of the EU. The reinforcement of control at the
borders in order to fight against irregular immigration and criminal groups was not supposed to
have as consequence a more difficult access to
this protection.
Referring to the French legislation, he indicated
that subsidiary protection, introduced by the
European directive 29/04/2004, is reflected in
the French law since December 2003, making it
possible to cover situations which are not covered by the Geneva convention, in particular
cases of people exposed to treatments contrary
to the European Convention of Human Rights.
The right of asylum is thus strengthened. However, a consequence of the many ways of interpretation of these texts is the diverging granting
rates between European countries. The difference of treatment between refugees and subsidiaries is not justified and proves the need for
more reflexion on an harmonization going in the
direction of suppressing these differences. The
adoption of a unified statute until 2012, recommended by the European Pact, should bring an
answer to these difficulties.
Last but not least, Mr Guardiola focused on the
necessary association of the civil society to the
building of a Europe of asylum. The public authorities and the European institutions need testimonies, analyses, proposals as well as constructive criticisms. As an example of this association, he indicated the ministerial conference
on asylum, organised by Mr Hortefeux on 8 September 2008 in Paris, which expressed the political will in this direction.
He concluded by inviting the participating organizations to present proposals in this direction.
29
Après les remerciements de
la part de Parcours d’Exil,
exprimés par Mme de Rengervé, pour cette ouverture, l’opportunité de dialogue ainsi que le
patronage du ministère, Mme Catherine Wihtol
de Wenden a pris la parole.
Elle a exprimé son avis que l’idée de « l’Europe
de l’asile » dans le pacte est positive mais que
les pratiques sont problématiques pour les
droits de l’Homme.
Donnant un aperçu de la situation, elle a évoqué
l’afflux des demandes d’asile en Europe au début des années 90 (438.000 demandes en 1992
en Allemagne) qui s’est réduit ces dernières années. La volonté des Etats de « partager le fardeau » justifie l’idée d’une politique européenne. Ainsi la convention de Dublin en 1990 et le
règlement Dublin II en 2003 ont mis fin à ce qui
était intitulé asylum shopping. Désormais,
quand une demande d’asile est refusée une fois,
il n’y a pas de possibilité de faire une autre demande dans un autre pays membre de l’UE.
Mais ceci réduit le droit d’asile au fil du temps ;
on ne peut être réfugié que si on est demandeur
dans le premier pays où l’on arrive dans l’UE. La
politique européenne devient difficile et les
formules d’asile développées pour les cas qui ne
sont pas couverts par la convention de Genève
créent un système dispersé. Par exemple, la
France a décidé de supprimer le droit de travail
afin qu’il n’y ait plus de « faux réfugiés » (1991)
tandis que ce droit a été rétabli en Allemagne la
même année afin d’éviter que les gens ne soient
« payés à ne rien faire ».
L’opinion publique a conduit à des politiques
plus diverses, plus dispersées, réduites par rapport aux principes constitutionnels de la reconnaissance du droit d’asile et à la convention de
Genève.
sonnes sur place : asile interne, définition de
périmètres de protection listes de « pays tiers
sûrs ».
Pour conclure, elle a indiqué que beaucoup de
pays européens interviennent à des fins de protection dans des pays en crise, rendant ambigüe
la notion de protection. Par exemple, en Côte
d’Ivoire, la France est intervenue pour pacification. Quand l’OFPRA se prononçait sur la sécurité des personnes sur place, cela voulait dire
qu’ils appréciaient le travail de la défense française.
La marge d’autonomie de la personne est ainsi
réduite ainsi que la possibilité de demander l’asile, donc le principe de l’asile est réduit aussi.
La convention de Genève est maintenue mais
dans un système d’asile européen qui est en
train de se créer, où les sensibilités sont différentes au vu des situations internationales. La
mise en œuvre de la dimension « contrôle » des
personnes entrées irrégulièrement rend l’accès
au territoire européen de plus en plus difficile.
Les pays aux frontières externes ont un rôle de
contrôle et de fermeture (Maroc, Turquie, etc.)
avec des personnes en situation de « sas » ; ce
travail de « tri » est effectué par des pays qui
ne sont pas toujours des gardiens des droits de
l’Homme comme la Libye. Le contrôle des personnes conduit à des situations posant des problème en terme de droits de l’Homme : centres
de rétention, violence lors des reconductions à
la frontière ou des contrôles d’identité…
On note la volonté d’une plus grande efficacité
mais aussi des tentatives d’ « européanisation »
de l’asile qui grignotent les fondamentaux du
droit d’asile.
Mme de Wenden a ensuite expliqué que sous
l’influence de l’urgence, de la crise et des
orientations humanitaires, le droit d’asile est
répandu plutôt dans une tendance sécuritaire
(ex. : utilisé par l’UE pour contrôler les frontières) et a pris la forme de la protection des per30
Mrs de Rengervé thanked on
behalf of Parcours d’Exil for
the opening, the opportunity for dialogue as
well as the patronage of the Ministry. Then, Mrs
Catherine Wihtol de Wenden took the floor.
She expressed her opinion that the idea of
“Europe of Asylum” in the pact is positive but
that the practices are problematic for Human
Rights.
Giving an outline of the situation, she mentioned the inflow of asylum requests in Europe
at the beginning of the 90’s (438.000 requests in
1992 in Germany) which has reduced over the
last years. The will of the countries to “share
the burden” justifies the idea of a European
policy. Thus the convention of Dublin in 1990
and the Dublin II regulation in 2003 have put an
end to what was entitled “asylum shopping”.
From now on, when a request for asylum is refused, there is no possibility of making another
request in any other Member State of the EU.
But this reduces the right of asylum on a long
term basis; the refugee statute can be obtained
only if requested in the first country of arrival in
the EU. The European policy becomes tougher
and the formulas of asylum developed for the
cases which are not covered by the Geneva convention create an incoherent system. For example, France decided to suppress the right to
work in order to stop the “false refugees” while
this right was restored the same year in Germany in order to prevent that people “were
paid for doing nothing”. The public opinion led
to more various and incoherent policies, reduced compared to the constitutional principles
of the recognition of the right of asylum and to
the Geneva convention.
To conclude, she indicated that many European
countries intervene in order to protect people in
countries which are in crisis, so that they make
the concept of protection ambiguous. For example, in Ivory Coast, France intervened for pacification. When the OFPRA came to a conclusion
about the safety of the people on the spot, that
wanted to say that they appreciated the work of
French army. The individual autonomy is thus
reduced as well as the possibility of requiring
asylum. Therefore the principle of asylum is reduced too.
The convention of Geneva is maintained, but in
the frame of the new European asylum system
which is being created, and where the sensitivities are different regarding the international
situation. The implementation of the control of
irregularly entered people makes the access to
the European territory increasingly difficult.
The countries at the external borders have a
role of control and closing (Morocco, Turkey,
etc) with people in situation of “airlock”; the
work of “sorting out” is made by countries
which are not always Human rights guardians,
e.g. Libya. The control of migrants may lead to
problematic situations in term of Human rights,
e.g. retention centres, violence during forced
returns to the border or during identity checks.
The will for a greater effectiveness exists but
also the disavowal through many elements since
the attempts at Europeanization of asylum
which nibble fundamental right of asylum.
Mrs de Wenden then explained that due to the
emergency, the crisis and the humanitarian orientations, the right of asylum is widespread
rather in a closing tendency (ex: used by the EU
to control the borders) and got oriented towards
the protection of the people on site: internal
asylum, definition of perimeters of protection;
lists of safe third countries.
31
M. Eric Panloup est ensuite intervenu sur la traite des êtres humains, sujet lié avec celui des victimes de torture puisque l’exploitation de la souffrance humaine n’a pas de limite et que les personnes en grande détresse forment souvent un
terreau particulièrement fertile pour les réseaux criminels.
Il a tout d’abord fait une brève présentation de
la délégation aux victimes (DAV) : créée en
2005, elle est forte de trois gendarmes et de
trois policiers, et a pour mission de s’occuper
des victimes d’infraction pénale.
Il a ensuite qualifié la traite comme l’une des
pires atteintes à la dignité humaine et aux
droits de l’Homme.
Donnant le cadre juridique, il a cité le protocole
de Palerme puis la convention de Varsovie sur la
protection des victimes de la traite des êtres
humains, en soulignant l’implication de la France sur la scène nationale et internationale dans
cette direction et notamment la mise en application sur le territoire français d’un dispositif
législatif et réglementaire pour ce qui est du
volet répressif visant à combattre les réseaux
criminels. Il a également indiqué que la prise en
charge des victimes étrangères est inscrite dans
le code d’entrée et de séjour des étrangers et
demandeurs d’asile et qu’une volonté forte de
politique pénale, recentrant la lutte contre la
traite sur la victime, l’oriente de fait vers la
protection des victimes qui passe d’abord par la
reconnaissance de leur statut (incrimination
dans le code pénal ne date que de 2003).
En ce qui concerne le suivi des victimes, il devient compliqué lorsque la victime est ressortissante étrangère en situation irrégulière sur le
territoire national. La difficulté impose une réflexion commune sur la question, puisque le
problème n’est pas celui d’une catégorie de
spécialistes mais d’un ensemble pluridisciplinaire d’experts. M. Panloup a évoqué à ce propos
les programmes de formation à l’identification
des victimes qui seront mis en place en 2009 à
destination des policiers et des gendarmes.
DEBAT
le terme « droit humain » au lieu de « droit de
l’Homme » qui peut gêner car il rappelle le
« mâle ». Mme de Rengervé a indiqué à ce propos que le terme « droits humains » n’est pas
encore accepté par tous, qu’un débat sémantique existe mais que Parcours d’Exil est d’accord
avec le terme de « droit humain ».
La parole a été donnée ensuite à la salle, afin
de poser des questions et de dialoguer avec les
intervenants.
Mme Véronique Robert, représentante de l’UNHCR France, faisant référence à l’intervention de
Mme De Wenden, a donné la position de l’organisation sur l’asile interne : l’UNHCR a toujours
insisté pour que les voies de l’asile restent ouvertes et qu’il n’y ait pas de conséquence directe pour les réfugiés cherchant à gagner d’autres
pays. Cela a été la condition sine qua non pour
la création du statut de réfugié interne. Mme de
Wenden a répondu en faisant allusion aux personnes cherchant une protection. Par conséquent, s’il n’y a pas de demande d’asile, il ne
peut pas avoir de statut de réfugié de facto.
Pour conclure, il a abordé le dispositif d’accueil
sécurisant pour les victimes de la traite, mis en
place au niveau national en 2002, organisé autour d’associations spécialisées et coordonné en
étroite relation avec les ministères concernés.
Ce dispositif propose un hébergement sûr à toute personne majeure victime de la traite dont la
sécurité n’est pas garantie. Son principe s’appuie sur la confidentialité du lieu, l’éloignement
géographique et l’adhésion de la victime. Les
délais de présence varient selon le cas (avenir
sur territoire français ou souhait de retour dans
son pays). A ce jour, environ 300 personnes ont
été prises en charge par ce réseau.
La représentante du centre de réhabilitation des
victimes de torture en Arménie, Mme Larisa Alaverdyan, a indiqué que quand on parle de victimes de torture, il n’est pas clair de quelles procédures on parle. Elle s’est interrogée sur le
lien entre le Conseil de l’Europe et les pays qui
ne sont pas membres de l’Union européenne et
qui ont beaucoup de problèmes. Mme de Wenden a répondu que dans le cas de ces pays, les
instances qui peuvent statuer sont la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour internaUne autre question venant de la salle a été sur tionale et le Conseil de l’Europe.
32
Mr Eric Panloup spoke about the
human trafficking, a topic very
close to torture victims since the
exploitation of human suffering does not face
limits and since people in great distress often
constitute a fertile ground for criminal networks.
He first briefly presented the delegation to victims (DAV) which was created in 2005. Its staff
is composed by three “gendarmes” and three
police officers. Its mission is to deal with victims of penal offence.
He then described the human trafficking like
one of worst infringe to human dignity and human rights.
Giving the legal framework, he mentioned the
Palermo protocol, then the Warsaw convention
on the protection of human trafficking victims,
underlining the implication of France in the national and international scene in this direction
and in particular the establishment in the
French territory of legislative measures aiming
at fighting criminal networks.
He also indicated that the care for foreign victims is written in the code of entry and stay of
foreigners and asylum seekers and that a strong
will of penal policy, focusing the fight against
human trafficking on the victims, orientates it
towards the protection of victims which initially
goes through the recognition of their statute
(entry in the penal code only in 2003).
As far as the follow-up of the victims is concerned, it becomes complicated when the victim is a foreigner in irregular situation on the
national territory. The difficulty imposes a common reflexion on this question, since the problem is not that of one category of specialists but
of a multitude of experts.
Mr Panloup mentioned on this issue the training
programs aimed at police officers and gendarmes on the identification of victims which
will be set up in 2009.
DEBATE
which can be considered as pointing out the
“male”, the term “droits humains” (Human
Rights) was proposed. Mrs de Rengervé stated
that that a wording debate is existing: even if it
has not been accepted by everybody, Parcours
d’Exil agrees with the expression “droits humains”.
Representing the Centre for rehabilitation of
torture victims in Armenia, Mrs Larissa Alaverdyan indicated that when one speaks about torture victims it is not clear to which procedures
he refers to. She wondered on the link between
the Council of Europe and the countries which
are not members of the European Union, and
who are facing many problems.
Mrs de Wenden answered that in the case of
these countries, the competent authorities are
the European Court of Human rights, the International Criminal Court and the Council of
Europe.
The audience then took the floor in order to ask
questions and to dialogue with the speakers.
Mrs Veronique Robert, representing UNHCR
France, referring to the intervention of Mrs de
Wenden, gave the position of the organization
about internal asylum: the UNHCR has always
insisted that the “paths for asylum” remain
open and that there would be no direct consequence for refugees seeking to reach other
countries. That was the indispensable condition
for the creation of the statute of internal refugee.
Mrs de Wenden answered by referring to people
seeking protection. Consequently, if there is no
request for asylum, they can not de facto have
the refugee statute.
Another question was on the term “human
right” in French. Instead of “droits de l’Homme”
To conclude, he referred to the safe reception
plan for human trafficking victims, set up at a
national level in 2002: this plan is organised
around specialized associations and coordinated
in collaboration with concerned ministries. It
proposes a safe accommodation to any adult
victim of trafficking whose safety is not guaranteed. Its principle is based on the confidentiality of the location, the geographical distance
and the will of the victim. The duration of accommodation varies from case to case (does the
person have a future in French territory or does
he/she wishes to return to the country of origin). Until now, approximately 300 people have
been taken care by this network.
33
Séquelles de la torture et influence sur les capacités d’intégration
Les dernières interventions de la matinée ont été celles du Dr Pierre Duterte, médecin directeur
de Parcours d’Exil, et de Mme Martine Brousse, directrice de l’association « La Voix de l’Enfant ».
Le Dr Duterte a essayé de raccourcir son intervention, étant donné le
temps limité, en citant le traumatisme comme sujet très important qui met en
échec toute ressource individuelle.
Il a souligné que la torture a pour but de faire
taire, donc que les victimes ne parlent pas. Une
formation est indispensable afin de reconnaître
les symptômes groupés dans le syndrome de
stress post-traumatique (SSPT), notamment les
syndromes de réminiscence, de répétition, qui
apparaissent au travers de cauchemars, de voix,
de bruits ou d’images. Pour cette raison, les
formations des fonctionnaires de l’OFPRA sont
importantes car le traumatisme peut empêcher
la reconnaissance par les autorités.
En comparant ce fonctionnement avec un
champ de mines, il a donné l’exemple d’un enfant sierra-léonais qui apprenait à lire et à écrire avec la façon classique (P+A = [pa] :
« papa ») lorsqu’il est tombé malade, car ce
mot lui a rappelé l’image où il jouait au foot
avec la tête de son père ! On ne sait donc jamais ce qui va provoquer une réminiscence.
Le Dr Duterte a aussi évoqué d’autres symptômes : l’évitement qui consiste à tout faire pour
éviter de se rappeler, d’y penser ; la tendance à
l’isolement qui pose problème aux éducateurs
voulant absolument socialiser la personne. En
citant aussi les troubles de la mémoire et de la
concentration, il a donné l’exemple d’universitaires ou enseignants qui disent ne plus pouvoir
lire.
Les troubles du caractère sont également très
importants (irritabilité, violence). Nous pouvons
constater de nombreuses demandes de familles
pour des problèmes de violence familiale qui se
sont déclenchés après la torture. Les personnes
demandent alors un traitement pour comprendre pourquoi elles sont devenues comme ça.
Ces symptômes sont les plus communs, ainsi que
la dépression, les troubles alimentaires ou les
toxicomanies pour fuir le souvenir. Ils expliquent les problèmes d’insertion, dès le premier
stade des procédures, comme par exemple le
refus de statut de réfugié à cause de récits incohérents, non chronologiques (ceci-même est un
symptôme car les victimes ne peuvent pas circonstancier et ne peuvent donc pas répondre à
l’administration). Justement, « comment parler
en public de ce qu’on a vécu ? »
En rappelant qu’un exposé de symptômes plus
détaillé sera envoyé aux participants à l’issue
de la conférence, le Dr Duterte a conclu en soulignant que sans prise en soins, la vie en société
est un calvaire quotidien et que cette conférence est importante pour donner une chance aux
victimes de se réinscrire dans une vie normale,
ce qui serait impossible sans soutien ni thérapie
permettant de dépasser les symptômes.
Mme Martine Brousse a remercié
l’association Parcours d’Exil qui est
membre de La Voix de l’Enfant. Elle
a commencé son intervention avec une expérience personnelle récente : sa mission dans les
territoires occupés palestiniens à la rencontre
des enfants, ensemble avec M. Stéphane Hessel,
ancien ambassadeur de France à l’ONU.
Elle a rappelé les signes difficilement détecta-
bles quand il y a eu torture sur un être humain,
évoqué par Dr Duterte, ainsi que l’article 3 de la
DUDH et l’anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant (tout Etat veille à
ce que « l’intérêt supérieur de l’enfant soit une
considération primordiale »).
Mais comment les Etats y veillent-ils dans le cas
de torture, de maltraitance, de toute forme d’exploitation dans le monde ?
Il a ensuite passé la parole à Mme Brousse, directrice de l’association La Voix de l’Enfant en
affirmant que la torture est d’autant plus insupportable quand elle touche les enfants.
34
Sequels of torture and influence on the capacities of integration
Dr Pierre Duterte, Medical Director of Parcours d’Exil and Mrs Martine Brousse, director of the association “la Voix de l’Enfant”, were the last speakers of the morning session.
Dr Duterte tried to shorten his
speech, considering the limited
time, by indicating that traumatism is a very
important subject which puts in failure every
individual resource.
He underlined that the purpose of torture is to
conceal, therefore victims do not speak. Training is essential in order to recognize symptoms
of the Post-Traumatic Stress Depression syndrome (PTSD), in particular those of recollection, repetition, which appear through nightmares, voices, noises or images. For this reason,
training civil servants of the OFPRA is important, as traumatism can prevent recognition by
the authorities.
Comparing this syndrome to a minefield, he
gave the example of a lesson at Parcours d’Exil:
while learning how to read with the traditional
way (D+A = [da] : « Dad »), a child from SierraLeone felt sick. The word “Dad” pointed out the
image of him playing football with his father’s
head! It is thus impossible to know what will
provoke the recollection.
Dr Duterte also evoked other symptoms: avoidance which consists on doing everything in order
to avoid remembering or thinking; tendency to
isolate oneself which is a problem for social
workers who absolutely want to socialize the
person. By indicating memory disorders and concentration problems, he gave the example of
academics or teachers who declare that they
can no longer read.
The personality disorders are also very impor-
tant (irritability, violence). One can note many
requests of families concerning problems linked
with internal family violence that started after
torture. People then ask for a treatment in order to understand why they became like that.
These symptoms are very common, together
with depression, food disorders or drugaddiction in order to flee from memories. They
can explain problems of insertion, as from the
first stage of the administrative procedures,
such as the refusal of the refugee statute because of incoherent, non chronological narrations (this can be considered as a symptom itself, because victims can not provide full details
and therefore can not answer to the administration).
But precisely, “how can one speak in public
about what one lived?”
By recalling that a more detailed presentation
of symptoms will be sent to all participants by
email after the end of conference, Dr Duterte
concluded by stressing that without care, life in
society is a daily ordeal and that this conference
is important to give a chance to victims to reintegrate a normal life. This would be impossible without support nor therapy which enables
them to overcome symptoms.
He handed over to Mrs Martine Brousse, director of the association “la Voix de l’Enfant”, affirming that torture is even more unbearable
when it harms children
Mrs Martine Brousse thanked the being, as explained by Dr Duterte, as well as the
association “Parcours d’Exil” which article 3 of the Universal Declaration of Human
is member of “la Voix de l’Enfant”. Rights and the anniversary of the international
convention on the rights of the child (State ParShe began with a recent personal experience ties shall ensure that “the best interests of the
during her mission in the Palestinian occupied child shall be a primary consideration”).
territory. She met there children, together with But how do States watch over cases of torture,
Mr Stephan Hessel, former French ambassador of mistreatment or any form of exploitation
to the United Nations. She pointed out the diffi- around the world?
culty in detecting signs of torture on a human
35
L’article 37 de la convention indique : « Les États parties veillent à ce que
nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » mais il faut s’interroger sur les moyens
des instances internationales pour la mise en œuvre de cet article. Mme Brousse a rappelé que
Pierre Duterte a donné des clés pour repérer la
torture, mais on passe à côté quand les enfants
arrivent en France. Quel est l’accueil pour les
mineurs étrangers isolés qui passent par la zone
d’attente et sont parfois refoulés ou maintenus
dans la zone internationale ? Seule la France n’a
qu’une zone pour tous ! Elle se demande comment le pays des droits de l’Homme peut avoir
une zone, sur son territoire, qui ne fait pas partie
de la France. Dans cette zone d’attente, des mineurs isolés arrivent sans être accueillis ni respectés dans leurs droits, et sont refoulés. D’autres
arrivent par filières terrestres ou maritimes et
errent dans les rues. D’autres sont victimes de
trafic (rappel de la conférence actuelle sur les
enfants victimes pour le sport en Afrique). Ces
enfants ne sont pas pris en soins par des médecins
ou des psychologues compétents, ils sont accueillis et suivis seulement par les associations. Une
décision européenne doit être prise pendant la
présidence française pour que les enfants soient
reconnus comme victimes ; mais la seule reconnaissance serait inutile si elle n’était pas accompagnée d’une hausse des moyens. On peut espérer la mise en place de moyens pour qu’il y ait
davantage de centres : comme pour les enfants
victimes de violence en France, chaque département devrait avoir un centre pour accueillir les
enfants étrangers qui ont fui la violence de leur
pays. On entend souvent qu’il n’y a « pas de trace » de cette violence non physique. Il est vrai
que les enfants victimes indirectes qui ont vu la
violence et l’humiliation de leurs parents et/ou la
disparition de proches n’ont pas de trace physique, mais ils sont tout autant victimes.
Mme Brousse a conclu en proposant qu’un centre
spécialisé soit établi par département, pour l’accueil des mineurs victimes, isolés ou pas, ce qui
ferait de la France un modèle en Europe, comme
c’est le cas pour les unités médico-judiciaires.
Elle a souligné que les mineurs ne pourront pas
s’intégrer et devenir des adultes responsables
s’ils ne sont pas pris en charge, et qu’au-delà des
textes internationaux, il faut qu’on se mette debout, comme stipule le message transmis par M.
Hessel, qui a fêté ses 91 ans dans un camp près
d’Hébron en Cisjordanie où 12.500 Palestiniens
sont enfermés sur leurs terres. Quand les enfants,
sans avenir, l’ont interrogé : « Monsieur qu’est-ce
que l’on doit faire lorsque l’on n’a plus de liberté
sur sa propre terre ? », la réponse fut « Il faut
résister, se mobiliser pour faire respecter ses
droits et s’il faut, il faut agir. » On doit donc
redevenir des résistants, de vrais résistants pour
faire valoir le droit des enfants, des personnes
dont on doit être digne de dire qu’on est à leurs
côtés.
n’arrivent pas à se reconstruire car leurs histoires
ne sont pas reconnues et qu’on leur demande des
preuves. Le Dr Duterte a répondu en expliquant
qu’un des drames du traumatisme est le déni,
comme par exemple les cas d’inceste et le déni
par les proches. Les victimes de torture sont dans
le déni permanent car le tortionnaire n’est jamais
condamné. Beaucoup de personnes ne sont pas
reconnues car elles n’ont pas pu expliquer leur
cas et ne sont donc jamais reconnues comme victimes. Le processus d’insertion ne peut donc pas
être mis en route. Jean-Pierre Bemba devrait être
jugé aussi pour avoir exploité des enfants soldats.
Le drame majeur est donc la non reconnaissance
des victimes. En clôturant cette session de la maLa représentante du centre de réfugiés EXIL à tinée, Mme de Rengervé a rappelé que le but de
Bruxelles s’est exprimée en soulignant l’importan- cette conférence était d’examiner comment faire
ce de soutenir les victimes qui sont en Europe et pour reconnaître les victimes.
DEBAT
La parole a été donnée ensuite à la salle, afin de
poser de questions et de dialoguer avec les intervenants. M. Eric Panloup a donné un complément
d’information à propos de l’intervention de Mme
Brousse : au 1/12/08, il va y avoir, en complément de l’accueil sécurisant des majeurs, une
demi-journée de réflexion sur le même type d’accueil sécurisant pour les mineurs. Mme Brousse a
exprimé son contentement à cette nouvelle, en
indiquant que Parcours d’Exil dispose de l’expertise sur ces questions et que l’association devrait
être associée à la réflexion puis à la mise en œuvre et à l’ouverture de tels centres.
36
Article 37 of the convention indicates that
“States parties shall ensure that no child
shall be subjected to torture or other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment” but it
is necessary to question ourselves about the means
set by international bodies for the implementation
of this article. She recalled that Dr Duterte indicated how to detect torture, but we are not detecting it when children arrive in France. What
kind of welcoming is it when isolated foreign minors are stuck in the waiting area and are sometimes sent back or maintained in the international
zone? Mrs Brousse indicated that only France has a
single zone for all the newcomers, wondering how
France, country of Human Rights, can accept a
zone within its territory which is not actually
“France”.
In this waiting area, isolated minors arrive without
being accommodated. Their rights are not respected and they are often sent back. Others arrive by ground or maritime networks and hang
around in the streets. Others are victims of traffic
(recall of the current conference on children victims for sport in Africa). These children are not
cared for by doctors or qualified psychologists.
Their accommodation and care are made only by
associations. A European decision must be taken
during the French Presidency so that children are
recognized like victims. But recognizing torture
victims without having the means to accommodate
them is useless. We can hope for the establishment of structures and means, so that there are
not only a few centres. It is necessary, as it is the
case in France for children victims of domestic
violence, that in each department there is a centre to accommodate children who fled the violence of their country. Many times we hear that
there is “no trace”. It is true that children who
are indirect victims, who faced violence and the
humiliation of their parents and/or disappearance
of close relatives, do not have physical traces. But
they remain victims.
Mrs Brousse concluded by proposing that a specialized centre is established in every French department, for the reception of minors, isolated or not.
This would make France a model in Europe, as it is
the current case for the medical/legal units. She
stressed that minors will not be able to integrate
and to become responsible adults if nobody cares
for them. Beyond international texts, one needs to
stand, as stipulates the message transmitted by Mr
Hessel, who celebrated his 91st birthday in a camp
close to Hebron in the West Bank (Cisjordanie)
where 12500 Palestinians are locked up on their
own grounds. When children without future asked
him: “Sir, what does one has to do when one does
not have any more freedom on his own ground?”
the answer was “It is necessary to resist, to mobilize oneself in order to make one’s rights respected and, if necessary, to act.” We must
therefore become again “resistants”, true
“resistants”, to point out the rights of children,
being worthy to say that we are at their side.
lieved and because they are asked to provide evidence.
Dr Duterte answered by indicating that one of the
dramas of traumatism is denial, such as for example the cases of incest and the denial by close
relatives. Torture victims are in a situation of permanent denial since the torturer is never condemned. Many people are not recognized because
they could not explain their case and thus are
never recognized as victims. The process of insertion cannot thus start. Jean-Pierre Bemba should
also be judged for the exploitation of children soldiers. The major drama is therefore the nonrecognition of victims.
The representative of the centre of refugees EXIL Closing this morning session, Mrs de Rengervé rein Brussels stressed the importance to support vic- called that the objective of this conference was to
tims which are in Europe and are not able to re- examine means in order to recognize victims.
built themselves because their stories are not beDEBATE
The floor was given then to the public, in order to
ask questions and to dialogue with the speakers.
Mr Eric Panloup provided further information in
connection with the intervention of Mrs Brousse:
on 1/12/08 there will be, complementary to the
safe reception of adults, a half-day of reflexion on
the safe reception mechanism for minors. Mrs
Brousse expressed her satisfaction in this regard,
indicating that Parcours d’Exil has an expertise on
these questions and that it should be associated
with this reflexion, and furthermore with the establishment and the opening of such centres.
37
Protection des victimes de torture et politiques européennes et/ou nationales
Modératrice : Laetitia de Radigues, chef de bureau, IRCT Bruxelles (Belgique)
Suite à la pause déjeuner, les travaux ont repris à 14h30. Mme de Radigues a brièvement présenté
le conseil international de réhabilitation des victimes de torture (IRCT) et a ensuite donné la parole à Mme Alima Boumediene –Thiery, sénatrice et ancien membre du Parlement européen, qui
faisait partie du panel avec Mme Laurence de Bauche, chercheuse et membre du réseau académique ODYSSEUS et M. Xavier Ronsin, procureur de la République et membre élu du comité pour
la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe.
Mme Boumediene-Thiery a parlé
des instruments internationaux et
européens concernant l’indemnisation des victimes de torture. Elle a
souligné que l’appréciation du préjudice subi est, par essence, subjective, que le
mal subi par une victime de torture est impossible à réparer en raison des graves conséquences
psychologiques qu’il induit et que les actes de
torture ne s’effacent pas. Elle a expliqué que
l’indemnisation joue un rôle important dans le
processus de réparation car elle accompagne la
victime sur le chemin de la guérison en garantissant que ses droits ont été entendus et défendus.
Faisant un état des lieux du droit international
dans ce domaine, elle a noté que ce n’est qu’au
milieu des années 80 qu’est apparue la nécessité de définir un corpus de règles relatives à la
réparation des victimes de violations de droits
de l’Homme, et en particulier de torture. La
Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et
aux victimes d’abus de pouvoir de 1985, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies,
fait expressément référence à la nécessité de
réduire la criminalisation et soulager la détresse
des victimes.
La grande originalité de ce texte est qu’il préconise, au cas où la victime ne pourrait obtenir
d’indemnisation de la part de l’auteur du crime,
que l’Etat assure une indemnisation financière
aux victimes qui ont subi une atteinte à leur
intégrité physique ou morale en conséquence
d’actes criminels. L’Etat peut donc être tenu à
une indemnisation même si sa propre responsabilité n’est pas engagée. Un autre point intéressant de ce texte est la prévision que les Etats
doivent encourager l’expansion des fonds nationaux d’indemnisation des victimes.
En avril 2000, la Commission des droits de
l’Homme a adopté un texte intitulé Principes
fondamentaux et directives concernant le droit
à un recours et à réparation des victimes de
violations du droit international relatif aux
droits de l’Homme et du droit international
humanitaire. La convention contre la torture de
1984 fait aussi explicitement référence au droit
des victimes de torture à une indemnisation.
Mme Boumediene-Thiery a expliqué que selon
ces principes, une indemnisation doit couvrir le
préjudice physique ou moral, y compris douleur,
souffrances et chocs émotionnels, la perte d’une chance, comme par exemple l’impossibilité
de recevoir une éducation, les pertes matérielles, l’atteinte à la réputation ou à la dignité, les
frais engagés pour l’assistance judiciaire et tous
les frais médicaux (médicaments, consultations
psychologiques, services sociaux). Faisant référence au droit international humanitaire, elle a
indiqué que la question de l’indemnisation des
victimes est absente, puisque seules les réparations pour les Etats sont prévues.
Dans la seconde partie de son intervention, Mme
Boumediene-Thiery s’est interrogée sur ce que
les Etats font de ces principes dans leur droit
interne. Elle a donné entre autres l’exemple de
la France, où un dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions a été mis en
place, indépendamment de la procédure pénale
et même si l’auteur des faits n’a pas été retrouvé. Elle a conclu son intervention en indiquant
que l’indemnisation, en complément de la sanction de l’auteur, sont les seuls moyens de créer
les conditions d’une guérison de la victime.
38
Protection of torture victims and European and/or national policies
Moderator: Laetitia de Radigues, Head, IRCT Brussels
Following to the lunch break, the works started again at 2:30 pm. Mrs de Radigues briefly presented the International Council of Rehabilitation of Torture Victims (IRCT) and then gave the
floor to Mrs Alima Boumediene-Thiery, senator and former member of the European Parliament,
who was part of the panel along with Mrs Laurence de Bauche, researcher and member of the
Odysseus academic network, and Mr Xavier Ronsin, public prosecutor and elected member of the
Committee for the Prevention of Torture (CPT) of the Council of Europe.
Mrs Boumediene-Thiery spoke
about international and European
instruments concerning compensation for torture victims. She underlined that the appreciation of the harm done is
essentially subjective, that it is impossible to be
repaired because of the serious psychological
consequences induced and that acts of torture
are never erased. She explained why compensation plays an important role in the reparation
process since it accompanies the victim towards
cure by guaranteeing that his rights were heard
and defended.
Making an overview of international law in this
domain, she noted that it was not until the middle of the 80’s that the necessity for defining a
corpus of rules related to the reparation of victims of violations of human rights, and in particular torture, appeared. The Declaration of
Basic Principles of Justice for Victims of Crime
and Abuse of Power, adopted by the General
Assembly of the United Nations in 1985, expressly refers to the need for reducing the
criminalisation and for relieving the distress of
victims.
The great originality of this text is that it recommends, if the victim can not obtain compensation directly from the perpetrator, that the
State ensures a financial compensation to victims which underwent a breach of their physical
or moral integrity as a consequence of criminal
acts. The State can thus be obliged to compensate even if the crime is not of its own responsibility. Another interesting point of this text is
the forecast according to which States must expand national funds towards compensation of
victims.
In April 2000, the Commission of human rights
adopted a text entitled Basic principles and directives on the right to resort and reparation of
victims of violations of international law related to human rights and humanitarian international law.
The convention against torture of 1984 also refers to the right of torture victims to compensation.
Mrs Boumediene-Thiery explained that according to these principles, a compensation must
cover physical or moral damage, including pain,
sufferings and emotional shocks, loss of an opportunity, such as impossibility of receiving education, material losses, attack to reputation or
dignity, expenses for legal assistance and all
medical expenses (psychological drugs, consultations, social services).
Referring to humanitarian international law, she
indicated that the issue of compensation of victims is absent, since only State reparation is
envisaged.
In the second part of her speech, Mrs Boumediene-Thiery asked how do States integrate these
principles in their laws. She gave among others
the example of France, where an autonomous
provision of compensation for victims of infringements was set up, independently of the
penal procedure and even if the perpetrator was
not found.
She concluded by indicating that compensation
in complement to the sanction of the perpetrator are the only means of creating conditions for
the cure of the victim.
39
pour réaliser une étude supplémentaire via le
Fonds européen aux réfugiés, projet qui a été
accepté. Dès le 1er décembre 2008, un travail
sera effectué sur six pays de l’UE. Parmi eux, il
y aura Malte, qui fait actuellement face à un
gros problème puisque la majorité des demandeurs d’asile sont systématiquement placés en
rétention. La volonté politique de les sortir des
centres existe, mais le système est très défaillant car cela prend des semaines ou même des
Le réseau procède aux études sur l’immigration mois. Mme de Bauche est heureuse d’apprendre
et l’asile, à la demande ou sur initiative. Mme que dans la nouvelle directive, les conditions de
de Bauche a participé à deux études en 2007 et rétention seront davantage encadrées.
2008, demandées par la Commission européenne, visant à évaluer la directive Accueil évoquée Elle a souligné que de nombreux pays pratiquent
par Xenia Messariti au début de la conférence.
la rétention de demandeurs d’asile, y compris
des mineurs.
Sans vouloir répéter les propos de la représentante de la Commission européenne, elle s’est Dans le cadre de l’étude menée pour le fonds
concentrée sur certains sujets, notamment sur européen des réfugiés, elle a insisté sur l’imporles failles que l’étude d’Odysseus a dévoilées tance des contributions des associations et cenconcernant les provisions et dispositions relati- tres, car le réseau Odysseus cherche des experves aux demandeurs d’asile vulnérables, ayant tises et des contributions, notamment sur les
des besoins spécifiques (mineurs, victimes de conséquences de la torture sur les personnes et
torture, mineurs isolés étrangers, femmes en- sur la façon dont les entretiens devraient être
ceintes, parents isolés, etc.). La directive stipu- menées pour identifier les victimes de torture.
le que pour ces personnes vulnérables, les Etats
membres de l’UE ont une obligation supplémen- Mme de Bauche a conclu en citant que l’étude a
taire en termes de conditions d’accueil mis en évidence le fait que, dans la directive
(logement, habillement, nourriture, accès aux actuelle, il y a des dispositions spécifiques sur
soins, etc.).
les victimes de torture et celle pour les miL’étude a montré que dans dix Etats il n’y a pas neurs, imposant que des soins médicaux spécifide procédure de reconnaissance des deman- ques appropriés soient mis en place par les
deurs d’asile. Certains demandeurs sont repéra- Etats. Mais pour ces deux dispositions, dans plus
bles, comme par exemple les parents isolés, de la moitié des Etats européens (UE) il y a des
mais pas les victimes de torture. Si les deman- problèmes : soit la directive n’est pas intégrée
deurs d’asile ne sont pas reconnus en tant que dans l’arsenal, soit elle est intégrée mais sans
personnes vulnérables, il est évident que leurs être mise en œuvre. Par exemple, dans plubesoins spécifiques ne peuvent pas être pris en sieurs pays, les soins existent mais les demancompte. Sur ce constat, Odysseus a proposé à la deurs d’asile n’y ont pas accès. Dans d’autres
Commission européenne de modifier l’article 17 pays, les soins reposent sur la seule intervention
de la directive. En effet, cette mesure est ambi- des ONG qui ne sont pas financées par l’Etat. La
guë et cette ambigüité explique en partie pour- procédure d’identification est donc nécessaire ;
quoi certains Etats membres n’ont pas alloué les mais une fois les personnes identifiées, on doit
droits attribués aux demandeurs d’asile vulnéra- identifier leurs besoins et mettre en place les
bles. Mme de Bauche était donc très heureuse structures pour y répondre.
des modifications présentées par Mme Messariti.
Mme de Bauche a indiqué que suite au constat
de ces études, Odysseus a demandé des fonds
Mme Laurence de Bauche, chercheuse et membre du réseau académique Odysseus, a commencé
par une brève présentation du réseau Odysseus, créé il y a environ
dix ans par Philippe de Bruycker à l’université
libre de Bruxelles et qui regroupe, dans la plupart des pays de l’Union européenne, des spécialistes de l’immigration et du droit d’asile.
40
Mrs de Bauche indicated that following the report of the two studies, Odysseus proposed to
the European Fund for Refugees an in-depth
study on this issue, and more particularly on the
identification of vulnerable applicants. The project proposal was accepted. From 1st December
2008, a research will be carried out in six countries of the EU. Among them there will be
Malta, which is currently facing big problems
since the majority of asylum seekers are systematically placed in custody. In principal, specific
measures are foreseen in order to identify vulnerable applicants and remove them. However,
the system is very problematic, since this may
need several weeks or even months, during
which no medical care is provided. Mrs de
Bauche is glad to hear that in the new directive,
there will be a more important frame for retention.
She underlined that several countries impose
Without wanting to repeat the words of the rep- custody of asylum seekers, including minors.
resentative of the European Commission, she
focused on certain issues, in particular on the Within the framework of the project for the
flaws revealed by the study of Odysseus con- European Fund for Refugees, she insisted on the
cerning provisions related to vulnerable asylum importance of the contributions from associaseekers, having special needs (e.g. minors, tor- tions and other non state-controlled centres,
ture victims, isolated foreign minors, pregnant because the Odysseus network seeks expertise,
women, isolated parents, etc.). The directive notably on the consequences of torture and on
says that for these vulnerable people, the Mem- the way interviews should be carried out in orber States of the EU have an additional obliga- der to identify torture victims.
tion in terms of material reception conditions
(accommodation, clothing, food, access to care Mrs de Bauche concluded underlining their research has set the light on the fact that in the
service etc.).
The study showed that in ten States there is no current directive, there are specific provisions
procedure of identification of asylum seekers. on torture victims and on minors, imposing
The detection of vulnerability may be easy in States to provide appropriate medical care. But
certain cases like the isolated parents, but in for these provisions, in more than half of the
other cases, it is impossible such as torture vic- European States (EU) there are problems: either
tims. If vulnerable asylum seekers are not iden- the directive is not transposed within national
tified as such, it is obvious that their special laws, or it is but without implementation. For
needs can not be taken into account. Based on example, in several countries, care exists but
this fact, Odysseus proposed to the European asylum seekers do not have access to it. In other
Commission a modification of the article 17 of countries, medical care is exclusively based on
the directive. Indeed, this measure is ambiguous the intervention of NGOs, which are not fiand such ambiguity partially explains that some nanced by the States. The identification proceMember States did not implement rights allotted dure is thus necessary but once the vulnerable
to vulnerable asylum seekers. In this direction, persons are identified, one must also evaluate
Mrs de Bauche was very glad in view of the their needs and set up the appropriate structures to answer to them.
modifications presented by Xenia Messariti.
Mrs Laurence de Bauche, researcher and member of the coordination team of the academic network Odysseus, first gave an overview of the Odysseus network, created approximately ten years ago by Philippe de
Bruycker within the University Libre of Brussels.
The Odysseus network gathers specialists in immigration and asylum rights in almost all European Union countries.
The network proceeds to studies on immigration
and asylum, upon request or on its own initiative. During the last couple of years, Mrs de
Bauche took part in two studies requested by
the European Commission, aiming to evaluate
the transposition of the “Reception” directive,
mentioned by Xenia Messariti at the beginning
of the conference, in all Member States of the
EU.
41
M. Xavier Ronsin, procureur de la
République, membre élu du Comité
pour la prévention de la torture
(CPT) du Conseil de l’Europe, a fait un état des
lieux du paysage juridique international, en se
concentrant sur l’Europe au sens large (47 Etats
membres du Conseil de l’Europe, incluant la
Russie, la Turquie et les pays de l’Europe de
l’Est).
D’après M. Ronsin, les juristes donnent souvent
l’impression de faire des textes rarement applicables, mais l’interaction entre les législations
nationales et les conventions internationales
existe bien et permet la mise en place de mécanismes de réparation et de prévention efficaces.
En ce qui concerne la législation française, elle
est impactée directement par les conventions
internationales comme avec la création de la
commission nationale de déontologie et sécurité
(CNDES), et très récemment (28/07/2008),la
ratification du protocole optionnel à la Convention contre la torture a permis la création du
poste de contrôleur général des lieux de détention et de privation des libertés (loi du
30/10/2007). Il a rappelé la genèse de la construction progressive d’une « Europe des droits
de l’Homme » à la suite de la convention du
4/11/1950, la création de la Cour européenne
des droits de l’Homme, le protocole 9 qui a permis le droit de recours individuel (accepté par la
France en 1981, menant à sa première condamnation par la Cour en 1986), le protocole 11
(1988) fusionnant les organes de la Cour européennes, et le protocole 14 (2004) qui créa un
mécanisme de filtres afin de gérer le trop grand
nombre de demandes et qui, malgré la ratification de 46 Etats membres sur 47 ne peut pas
prendre effet pour cause de la non signature de
la Russie.
Expliquant le comité pour la prévention de la
torture (CPT) dont il est le membre élu français,
il l’a qualifié de « boîte à outils » du Conseil de
l’Europe.
Il a mentionné la protection juridictionnelle et
l’évolution des décisions de la Cour qui n’hésite
plus désormais à qualifier de « torture » ce qui
était avant considéré comme traitement
« inhumain et dégradant ». Cela stigmatise un
pays lorsqu’il est condamné pour n’avoir pas pu
prévenir un cas de torture (exemple : condamnation de la France pour traitement inhumain
ou dégradant (Tomasi, 1992) puis pour torture
(Selmouni, 1999) tous les deux dans des cas de
garde à vue dans des commissariats ; ainsi que
trois arrêts du 2 octobre 2008 condamnant la
Russie pour torture). Ensuite, il a évoqué l’importance de recommandations européennes qui
forment un guide d’action pour interagir avec
les législations nationales en cours de constitution. M. Ronsin a expliqué à ce propos qu’il
n’est pas suffisant de dire que les pays ne respectent pas leurs lois ou leurs engagements
mais qu’il faut aussi les aider à progresser et à
mettre en place des mécanismes sains de prévention et de surveillance des atteintes aux
droits de l’Homme.
Il a conclu en donnant plus d’éléments sur les
missions et le fonctionnement du CPT, dont il
est le membre français aux côtés de 46 autres
experts (autant que les pays membres du
Conseil de l’Europe). Il a décrit le rôle préventif
du CPT qui peut, par des visites inopinées, visiter et contrôler prisons, hôpitaux psychiatriques, centre de rétention et autres lieux de privation de liberté, ayant un accès large aux documents et aux personnes. Ces visites durent de
1 à 2 semaines et peuvent, en cas de sérieuses
violations, résulter en une notification immédiate au pays concerné des observations faites sur
les atteintes aux droits de l’Homme. Dans tous
les cas, un rapport est établi et publié contenant remarques, critiques et recommandations.
cats) a demandé Mme de Bauche (Odysseus)
quels sont les cinq autres pays participants à
Pendant le débat avec la salle qui a suivi, M. l’étude du réseau Odysseus concernant le Fonds
Ronsin a donné comme exemple la visite en Ar- européen aux réfugiés. Mme de Bauche a réponménie en mars 2008 (publication du rapport en du qu’il s’agit de la Belgique, des Pays-Bas, de
la Suède, de l’Espagne et de la Pologne.
vue).
Une représentante des Pays-Bas (cabinet d’avoDEBAT
42
Mr Xavier Ronsin, public prosecutor, elected member of the Committee for the prevention of torture
(CPT) of the Council of Europe, presented an
overview of the international jurisdiction, concentrating on Europe, in the broad sense of the
Council of Europe: 47 Member States including,
in addition to the countries of Western Europe,
Russia, Turkey and countries of eastern Europe.
According to Mr Ronsin, lawyers often give the
impression to produce beautiful international
texts and to ignore their applicability. Though
regarding Human Rights, there exists a strong
and positive interaction between international
conventions and national legislations which allowed the establishment of effective prevention
and reparation mechanisms. He gave the example of the French legislation, which under the
influence of international conventions, created
in 2000 the national deontology and safety commission (CNDES), and very recently supported
(28/07/2008) the ratification of the optional
protocol to the international convention of the
United Nations against torture and inhuman and
degrading treatments (OPCAT) and the adoption
of a specific legislation related to the missions
of a general inspector of places of detention
and loss of liberty (law of 30/10/2007).
He recalled the genesis of the progressive construction of “Europe of Human Rights”, following the convention of 4/11/1950, the setting-up
of a true jurisdiction entitled European Court of
Human Rights, the protocol 9 allowing the right
of individual petition (accepted by France in
1981 leading to its first judgment by the Court
in 1986), the protocol 11 (1998) merging the
organs of the European Court and the protocol
14 (2004) which created a filter mechanism in
order to face the overflow of individual requests, but which, in spite of the ratification of
46 Member States out of 47, can not come into
effect because of the refusal of Russia.
He compared the various actions of the Council
of Europe to a “tool box” with multiple tools.
He mentioned jurisdictional protection and the
evolution of the decisions of the Court which
does not hesitate now to define as “torture”
what was regarded before as an inhuman or degrading treatment. He underlined the stigmatizing impact for a country when condemned for
not being able to prevent a case of torture. He
provided as examples the judgments of France
for inhuman or degrading treatment (Tomasi,
1992) then for torture (Selmouni, 1999) both
examining cases of police custodies, and three
recent judgments of Russia, also for torture
(decisions of 2 October 2008). He then referred
to the importance of the European recommendations which constitute a guide of action which
interacts with the upcoming national legislations. He explained that it is not sufficient to
say that certain countries do not respect their
engagements or their laws, but also that they
should be helped to progress and install clean
mechanisms of prevention and control of attacks
towards Human Rights.
He presented the missions and the operating
process of CPT whose he is the elected French
member, together with 46 other experts (equal
to the number of Member States of the Council
of Europe). The CPT has preventive role : by
unexpected visits in a country, it can visit and
control prisons, psychiatric hospitals, retention
centres and all other places of liberty loss, having a broad range of right to documents, places
and people. These inspection visits, lasting from
1 to 2 weeks, could lead, in case of serious infringements, to an immediate notification to
the concerned country of observations on infringement to Human rights. In every case, a
detailed report is drafted and published containing remarks, critics and recommendations.
A representative of the Netherlands (law firm)
asked Mrs de Bauche (Odysseus) which are the
During the debate which followed, Mr Ronsin other five participating countries in the study of
confirmed that visits had taken place in Armenia the network for the European Fund for Refuin March 2008 (publication of the report gees. Mrs de Bauche answered that it is Belplanned).
gium, Netherlands, Sweden, Spain and Poland.
DEBATE
43
Prise en charge des victimes de torture
en France et dans d’autres pays européens.
Le panel suivant a traité le sujet de la prise en charge des victimes de torture en France et
dans d’autres pays européens. Il était constitué de Melle Sophie Attuil, Affaires juridiques & internationales, office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Mme Mia Honinckx,
coordinatrice du service médical de FEDASIL en Belgique et de Mme Brita Sydhoff, secrétaire générale de l’IRCT.
Melle Attuil a précisé qu’elle n’évoquerait pas la prise en charge des
victimes en général, mais comment
l’OFPRA reconnaît les victimes dans
sa mission : apporter une protection juridique et administrative pour les personnes qui risquent d’être persécutées si elles retournent dans leur pays d’origine. Elle a également indiqué qu’instaurer un protocole de reconnaissance précoce des victimes de tortures
et de traumatismes pourrait, en effet, jouer un
rôle très important au moment de la procédure
d’asile à l’OFPRA, puisque ses officiers sont face
aux victimes tous les jours.
En expliquant les types de protection accordés
par l’office aux victimes, elle a indiqué l’article
1A2 de la convention de Genève qui définit les
réfugiés. La protection subsidiaire s’inspire directement de l’article 3 de la CEDH qui stipule
que « nul ne peut être soumis à des traitements
inhumains ou dégradants ».
Après avoir cité la loi du 10 décembre 2003 qui
explique que les persécutions peuvent être également le fait d’acteurs non étatiques, et de
fait élargit le champ de la protection, elle a
présenté les cas d’« exceptionnelle gravité des
persécutions subies ». Dans certains cas, la qualité de réfugié est accordée sur la base sur l’exceptionnelle gravité des persécutions subies.
Ainsi, le refus des victimes de retourner dans
leur pays d’origine est justifié, même s’il n’existe plus de craintes objectives en cas de retour
(exemple : Rwanda, Kosovo, Cambodge).
Donnant quelques chiffres, elle a cité qu’en
2007, l’OFPRA a admis sous sa protection 3401
demandeurs, soit un taux d’accord en première
instance de 11,6% contre 7,8% en 2006. Le taux
global d’admission passe de 19,5 % en 2006 à
29,9% en 2007. Les admissions au titre de la protection subsidiaire représentent 8% de l’ensemble des décisions positives. Ce sont donc au total 8781 personnes qui ont été placées sous la
protection de l’OFPRA au cours de l’année 2007.
Quand il s’agit de l’entretien passé avec les demandeurs, il n’y a pas de modèle type ; mais
l’officier de protection va s’adapter au demandeur, ayant une formation par le biais d’un tutorat avec un autre officier de protection expérimenté. Elle a souligné à ce propos que depuis
environ un an, l’OFPRA fait appel aux services
d’une psychologue pour répondre à la demande
de certains officiers instructeurs qui se sentaient parfois désarmés face aux traumatismes
et aux difficultés des demandeurs qu’ils avaient
face à eux. Une formation est aussi offerte aux
agents qui le souhaitent sur les psychotraumatismes chez les réfugiés.
Après avoir abordé les éléments principaux d’un
entretien, et le fait qu’une fois l’entretien terminé l’officier peut orienter les personnes vers
des structures adaptées aux besoins qu’il aura
identifiés, Melle Attuil a évoqué la place du certificat médical dans la procédure d’examen de
la demande d’asile, en expliquant que l’OFPRA
ne demande quasiment jamais aux demandeurs
d’asile de fournir un certificat médical. C’est
donc les demandeurs qui, de leur propre initiative, fournissent des certificats médicaux à l’office. Le certificat médical est un élément de
preuve parmi d’autres : l’OFPRA rend sa décision en fonction de tous les éléments du dossier.
En conclusion, elle a exprimé l’avis de l’office
que de nouvelles pistes de réflexion sont ouvertes à l’OFPRA et chez ses homologues européens, sur une meilleure reconnaissance des
victimes de torture et autres mauvais traitements dans la procédure d’asile, faisant référence également aux directives européennes et
aux échanges avec des partenaires du réseau
EURASIL (réseau présidé par la Commission européenne qui réunit les praticiens de l’asile des
Etats membres de l’UE et également ceux de la
Norvège, du Canada et des Etats-Unis).
44
Care of torture victims in France and other European countries.
The next panel of the afternoon session was constituted by Miss Sophie Attuil, legal and international affairs officer in the French Office of Protection of Refugees and Stateless (OFPRA), Mrs Mia
Honinckx, Coordinator of the medical service of FEDASIL in Belgium and Mrs Brita Sydhoff, Secretary-General of IRCT.
Miss Attuil clarified that she would
not speak in general about the care
of victims, but would explain how
OFPRA identifies torture victims
within the framework of its mission
which is to provide legal and administrative protection to people who are likely to be persecuted if they return to their country of origin.
She also indicated that the establishment of a
protocol of early recognition of torture and
traumatism victims could play a very important
role during the asylum procedure, since the officers of OFPRA interact on a daily basis with
these victims.
Explaining the different types of protection
granted by OFPRA, she referred to the article
1A2 of the Geneva Convention which defines the
refugee statute. Subsidiary protection is inspired directly by the article 3 of the European
Convention of Human Rights which stipulates
that “no one can be subjected to inhuman or
degrading treatments”. Miss Attuil also explained that according to the law of 10 December 2003 the persecutions can be also the case
of non-state actors. By this innovation, the law
of 10 December 2003 widened the field of protection.
The office also applies, in certain cases, what is
called “exceptional gravity of undergone persecutions”. In some countries of origin, there may
seem to be any further fears of persecution. The
office, however, will recognize the statute of
refugee, considering that the exceptional gravity of undergone persecutions justifies their refusal to return to their country and to claim protection of new authorities (e.g.: Rwanda, Kosovo, Cambodia).
Giving some figures, she stated that in 2007 OFPRA admitted 3401 applicants, meaning a first
instance rate of 11,6%, compared to 7,8% in
2006. The total rate of admission passes from
19,5% in 2006 to 29,9% in 2007. The admissions
under the title of subsidiary protection repre-
sent 8% of the total positive decisions. There
are totally 8781 people who were placed under
the protection of the OFPRA during the year
2007.
There is no standard model of interview with
the applicants. The protection officer adapts
the interview to the applicant. Within the office, the training is organised with the partnership of an experienced protection officer. She
underlined that for approximately one year,
OFPRA has called upon the services of a psychologist, in order to answer the request of certain officers who had difficulties facing the
traumatism and the difficulties of the applicants. Training on psycho-traumatism of the
refugees is also proposed to officers who request it.
She then described the course of an interview.
Following the interview, the officer can direct
people towards appropriate structures, according to the identified needs.
Miss Attuil mentioned the use of the medical
certificate within the examination procedure of
an asylum request, by explaining that OFPRA
almost never requires from asylum seekers to
provide such a certificate. The applicants provide medical certificates to the office on their
own initiative. The medical certificate is a piece
of evidence among others; OFPRA will make a
decision by considering all elements of the file.
She concluded by saying that today new subjects of thinking exist within OFPRA and its
European counterparts, regarding a better recognition of torture victims and other mistreatments, during the asylum procedure. This can
be noted in the different European directives
but also in the exchanges between partners of
the EURASIL network (network presided by the
European commission gathering asylum practitioners from the EU member states but also
from Norway, Us and Canada).
45
Le Dr Mia Honinckx, coordinatrice
du service médical de l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile
(FEDASIL) en Belgique, a expliqué la mission de
FEDASIL qui organise l’accueil des étrangers
(accompagnement social, médical et psychologique, formations et animation). Il importe de
noter que FEDASIL accueille les demandeurs d’asile mais ne traite pas les demandes d’asile.
Dès l’arrivée, il leur est offert un endroit pour
vivre en sécurité, en paix, pour leur permettre
de se reposer et de réévaluer la situation. Tous
les nouveaux arrivés doivent être examinés par
un médecin ou un infirmier. Le but est multiple : contrôler les dépistages pour la tuberculose, inventorier les problèmes médicaux, diagnostiquer les maladies présentes, répondre aux
questions, donner l’information sur les organisa-
tions de soins nationaux et établir l’information
sur les séquelles de la torture.
En cas de suspicion de torture ou de maltraitance (il est très compliqué de trouver la solution
pour chaque cas), si la maltraitance continue, il
faut essayer de l’arrêter : la victime a la possibilité d’avoir une place en sécurité où elle peut
aller quand elle veut que la situation s’arrête.
Dans tous les cas la victime est accueillie par les
professionnels qui organisent l’hébergement, le
traitement, les services médicaux, sociaux et le
suivi des victimes de la traite. Si la maltraitance
est terminée, FEDASIL essaie d’apporter la possibilité de parler de la violence pour redémarrer
une meilleure vie et se remettre physiquement
et psychologiquement. Il n’y a pas de centre
résidentiel spécialisé dans le traitement des
victimes de torture, mais les hôpitaux le font.
Mme Brita Sydhoff, secrétaire générale du conseil international
pour la réhabilitation des victimes
de torture (IRCT), qui compte 139 centres de
soin spécialisés, a insisté sur la nécessité d’une
harmonisation législative et d’une mise en œuvre de l’aide à la réhabilitation, en soulignant
que le soin par des professionnels offre aux individus l’occasion d’une meilleure intégration
dans la société.
Elle a donné l’exemple du centre Refugio en
Allemagne, indiquant que les lois allemandes
restreignent à des cas très limité la prise en
charge financière du soin et limitant de ce fait
les possibilités de recevoir une réhabilitation,
tandis que dans d’autres pays, les demandeurs
d’asile ont les mêmes droits que les résidents du
pays d’accueil.
Elle a fait référence aux directives européennes
et aux efforts de la Commission européenne,
insistant toutefois sur le fait que plusieurs pays
ne respectent pas leurs engagements. Comme
exemple, elle a parlé de retraumatisations lors
d’un processus d’enquête.
Néanmoins, dans le paysage législatif actuel, un
facteur essentiel est la référence à l’identification des victimes de torture. En effet, plusieurs
textes énoncent des droits spécifiques pour les
personnes vulnérables, y compris les victimes de
torture. Mais comment détecter qui a subi des
tortures ? Une procédure pour leur identification
précoce est indispensable. Plusieurs organisations utilisent le protocole d’Istanbul. C’est un
manuel des Nations unies dont le but est d’enquêter efficacement sur la torture et les autres
traitements cruels et dégradants. Certaines méthodes sont aussi employées au détriment des
victimes de torture telles que certaines procédures d’interrogation, la pratique de détention
de demandeurs d’asile, notamment de mineurs.
Elle a conclu en soulignant la fermeture de deux
centres de réhabilitation en Europe, par manque
de financement, et en invitant les organisations
de la société civile à réunir leurs efforts afin
d’assurer la protection et la réhabilitation des
victimes.
mes en dehors du protocole d’Istanbul, Mme
Sydhoff a expliqué que l’IRCT ne connaît pas les
Les intervenants ont par la suite répondu aux méthodes de tous les centres de réhabilitation
questions du public.
en Europe et qu’en plus, certains pays ne dispoSuite à la question de la représentante de Chy- sent pas d’outils de reconnaissance des victipre sur les méthodes de reconnaissance de victi- mes.
DEBAT
46
Dr Mia Honinckx, medical coordinator of the Federal Agency for the
Reception of Asylum Seekers (FEDASIL) in Belgium, explained the mission of the organization
which coordinates the reception of foreigners
(social, medical and psychological support,
training and activities). It is important to note
that, event if FEDASIL accommodates asylum
seekers, it does not deal with the asylum requests.
As of their arrival, they are offered a place to
live safely, in peace, to enable them to rest and
evaluate the situation. Every newcomer must be
examined by a doctor or a nurse. The objectives
are multiple: tracking of tuberculosis, inventory
of medical problems and diagnosis of diseases,
answering to questions, providing information
on the structures of national care and establishing information on the after-effects of torture.
In case of suspicion of torture or mistreatment
(it is very complicated to find the solution for
each case), if the mistreatment continues, it is
necessary to try to stop it: the victim has the
possibility of a safe place to go whenever he/
she desires. In all cases the victim is accommodated by professionals who organise housing,
treatment, medical and social support, and follow-up of victims of human trafficking. If the
torture has ended, FEDASIL tries to give the possibility to speak about violence in order to start
a better life and to recover physically and psychologically. There is no residential centre specialized in treatment of torture victims, but
hospitals can handle such cases.
Mrs Brita Sydhoff, Secretary General of the International Council
for Rehabilitation of Torture Victims (IRCT), which brings together 139 specialised health centres, insisted on the need to harmonize legislations and to support rehabilitation
offers. This is an important issue, since medical
care provided by professionals can offer the
chance of a better social inclusion.
She gave the example of the REFUGIO centre in
Germany, indicating that German laws restrict
to very limited cases the financial coverage of
rehabilitation, thus limiting the access to rehabilitation. Meanwhile, in other countries asylum
seekers have the same rights as residents.
European legislation itself does not facilitate
harmonization. In fact, some texts are written
in an ambiguous way. This ambiguity is used by
some States in order to avoid their obligations.
As an example, she stated the case of retraumatization in the frame of the interview
process.
But we do not start from nothing. Within the
existing legislative framework, a crucial factor
relates to the torture victims identification. Indeed, several provisions speak about specific
rights for vulnerable people, including torture
victims. But how to know which person has suffered from torture? A procedure for early identification is essential.
Several centres use the protocol of Istanbul to
identify torture victims. It is a handbook from
the United Nations with aim to inquire effectively into torture and other cruel, inhuman or
degrading treatments.
Some methods are very detrimental towards
people who underwent torture, such as certain
interrogation processes or detention of asylum
seekers, particularly minors.
She concluded by underlining the closing of two
rehabilitation centres in Europe, due to insufficient financing, and by inviting civil society organizations to join their efforts in order to ensure protection and rehabilitation of victims.
tims, apart from the protocol of Istanbul, Mrs
Sydhoff explained that the IRCT is not aware of
The speakers then answered to questions.
all methods within the rehabilitation centres in
Europe and that moreover, certain countries do
Following the question of the representative of not have tools for recognition of victims.
Cyprus regarding methods of recognition of vicDEBATE
47
En s’adressant à la représentante de l’OFPRA, une participante s’est demandé si un protocole pourrait instaurer le doute au lieu d’avoir
un effet bénéfique, et quelle serait la place du
certificat médical qui, si discuté, pourrait remettre en cause la parole du médecin.
Melle Attuil a indiqué que la protection subsidiaire mentionne la torture et les traitements
dégradants et inhumains et élargit le champ de
la protection. La condition pour la protection
est le lien avec des motifs de la convention de
Genève et l’existence de craintes en cas de retour. Elle a expliqué que le certificat médical
n’a pas de valeur probante s’il n’y a pas de lien
de causalité entre les séquelles physiques et le
récit du demandeur qui doit correspondre aux
critères de l’asile.
La représentante du centre EXIL de Bruxelles a
ensuite exposé l’idée d’un suivi spécialisé et la
nécessité d’humaniser la rencontre avec le demandeur. Posant la question sur la façon d’identifier ce qui n’est pas dicible ainsi que sur la
réaction de la Commission européenne vis-à-vis
des Etats qui n’assument pas leurs obligations,
elle a souligné le désaccord entre les critères
des organismes de l’Etat et les institutions qui
veulent soigner les personnes.
Mme Sydhoff a indiqué à ce propos l’utilisation
du mot « survivants de la torture » au lieu de
« victimes de torture » par des institutions américaines. Elle a proposé aussi d’avoir en Europe
plus qu’une « porte d’entrée » (pas uniquement
l’asile).
Le Dr Honinckx a ajouté que le soin des victimes
doit se faire dans le plus grand respect des personnes, ce qui est moins facile quand on parle
de procédure. A son avis, certaines décisions de
l’office des étrangers sont inexplicables. La logique est celle de la convention de Genève qui ne
prend pas forcément en compte toutes les souffrances.
Faisant référence à l’OFPRA, un directeur de
CADA a indiqué que plus l’office acquiert d’expérience, moins il accorde de statuts de réfugiés. Se référant aussi à la confiance, il a rappelé que les personnes reçues ne parlent pas de
leur expérience de torture car le moment de
l’entretien est très difficile. Mais étant accueillis par l’OFPRA avec le sourire, ils pensent que
cela s’est bien passé alors que souvent la décision finale est négative. Il a ajouté que dans les
centres d’accueil, il serait important d’avoir du
personnel professionnel, puisque dans les CADA
les employés apprennent l’histoire des personnes, qui ne peut être racontée dès l’arrivée du
demandeur mais seulement après de longs mois.
Par conséquent, devant sa rareté, l’accord du
statut de réfugié par l’OFPRA devient un événement.
Melle Attuil a indiqué à ce propos que le taux
d’accord de l’OFPRA s’élève actuellement à
12%. Elle a ajouté que beaucoup de questions
sont posées lors de l’entretien. Le récit du demandeur reste l’élément le plus important du
dossier. Durant l’entretien, un objectif de l’officier est par-dessus tout de mettre le demandeur
en confiance afin qu’il puisse raconter ce qui lui
est arrivé pour expliquer sa fuite, afin que l’officier recueille les informations nécessaires à sa
prise de décision.
Une participante venant des Pays-Bas (cabinet
d’avocats) a commenté la mauvaise pratique de
son pays, d’après elle, qui a instauré une procédure accélérée de deux à quatre jours. Les psychologues examinent le demandeur à plusieurs
reprises mais in fine la demande peut être rejetée quand les différents entretiens ont pu révéler des incohérences ou quand il ne dispose pas
de documents, et ce malgré son état de traumatisme.
Mme Sydhoff a ajouté à ce propos que les PaysBas ont une longue tradition d’accueil de demandeurs d’asile et soutiennent les centres de
réhabilitation.
Faisant référence à l’intervention de la représentante de l’OFPRA sur le suivi psychologique
des officiers, une psychothérapeute au sein d’un
CADA a demandé de clarifier si ce suivi est lié à
la difficulté d’entendre ou à l’apprentissage
d’entendre les discours. En soulignant le décalage entre la reconstruction du récit et la réalité,
qui justifie les refus de l’OFPRA, elle a ajouté le
problème de la langue.
48
A participant asked the representative of
OFPRA whether a protocol could provoke doubt
instead of having a beneficial effect, and which
would be the place of the medical certificate
which, if discussed, could question the doctor’s
opinion.
Miss Attuil explained that the medical certificate does not have a convincing value if there is
no link between the physical effects and the
narration of the applicant, which must correspond to the conditions of protection granting.
The representative of the EXIL centre in Brussels
presented the idea of a specialized follow-up
and the need for humanizing the meeting with
the applicant. She asked herself about the way
of identifying what is difficult to express as well
as about the reaction of the European Commission with respect to States which do not assume
their obligations; then she underlined the differences between criteria of the State institutions
and organizations which want to take people in
care.
Mrs Sydhoff indicated on this issue the use of
the term “torture survivors” instead of “torture
victims” by American institutions. She also proposed to have in Europe more than one “main
entry” (i.e not only asylum).
Dr Honinckx added that the care of victims must
be carried out in great respect of people, which
is not easy when we speak about procedures. In
her opinion, certain decisions of the office of
foreigners are unexplainable. The logic is the
one of the Geneva Convention which does not
take under consideration all sufferings.
important to have professional staff, since in
these centres, employees hear about people’s
stories, which can not be told immediately, but
only after several months. Consequently, being
rare, the granting of the refugee statute by the
OFPRA becomes a special event.
Miss Attuil stated on this issue that the OFPRA
granting rate is currently 12%. She added that
many questions are asked during the interview.
The words of the applicant remains as one of
the most important elements. During the interview, the aim of the protection agent is above
all to put the applicant in confidence so that he
manages to explain what happened to him. It is
to the best interest of the applicant to explain
what happened, so that the officer collects all
necessary information before making a decision.
A participant coming from the Netherlands (law
firm) commented on the bad practice of her
country, according to her, which sets up an accelerated procedure of two to four days. The
psychologists examine the applicant on several
occasions but in the end, the request may be
rejected because of inconsistencies revealed in
the different interviews or because he/she does
not dispose official documents, in spite of the
level of traumatism.
Mrs Sydhoff added that the Netherlands have a
long tradition of reception of asylum seekers
and support rehabilitation centres.
Referring to the psychological follow-up of the
officers, indicated by the representative of OFPRA, a psychotherapist asked to clarify if this
follow-up is related to the difficulty in listening
or to the training to listen to the speeches. By
underlining the shift between narration and reReferring to the OFPRA, one director of a CADA ality, which justifies the refusal by OFPRA, she
(reception centre) indicated that the more the added the language problem.
office acquires experience the less it grants
refugee statutes. As far as confidence is concerned, he indicated that the seekers do not
speak about their torture experience because
this is very difficult at the time of the interview. Being very kindly welcomed by the OFPRA, they think that everything went well,
whereas the final decision is often negative.
He added that in reception centres it would be
49
Melle Attuil a répondu que la présence de
psychologues à l’office est d’abord motivée par
le besoin des officiers de décharger le stress et
l’émotion face aux traumatismes des demandeurs. Le deuxième objectif est que l’officier
puisse évoquer des cas difficiles pour lesquels le
psychologue peut lui donner des outils afin de
mieux gérer les traumatismes des demandeurs.
Elle a également indiqué qu’une formation est
désormais dédiée au psycho-traumatisme des
réfugiés mais le psychologue n’a pas pour vocation de former.
Mme de Rengervé a alors remercié Melle Attuil
de se prêter aux discussions, en soulignant que
le but des débats est de trouver des moyens
pour que tous travaillent dans de meilleures
conditions, et pour que la reconnaissance de la
victime soit faite au plus tôt afin que l’OFPRA
prenne en compte cet aspect dans son travail.
Elle a ensuite remercié tous les intervenants de
cette table ronde d’avoir traité ces questions
difficiles et a passé la parole au Dr Camelia Doru.
Difficultés particulières pour les victimes
résidant dans le pays-même où elles ont été torturées
Le Dr Camelia Doru, médecin et
fondatrice de la fondation ICAR en
Roumanie, a d’abord remercié Parcours d’Exil d’avoir accordé une place à ce sujet
lors de cette conférence. Elle a expliqué la situation en Roumanie, en revenant sur la période
depuis la Seconde Guerre Mondiale.
En 1946, suites au résultat des élections arrangé
es en faveur des communistes, le roi a été chassé, la constitution changé ; la répression politique sauvage a commencé. Ce fut le début de la
répression contre ceux qui n’appartenaient pas
au mouvement communiste. Selon les statistiques, pendant la période 1945-1999, le nombre
de victimes directes s’élève à presque
2.000.000, dont 500.000 déportés et déplacés.
Elle a indiqué que des dizaines de milliers de
personnes ont été assassinées, tuées par le travail forcé et la torture. Les survivants sont restés privés de tout et ont continué à être surveillés par le système. En 1999, 100.000 personnes
ont été enregistrées auprès de l’association des
victimes, mais sans obtenir la réparation attendue, puisque la vérité restait cachée.
Les anciens communistes ont renforcé leur position en prenant le pouvoir économique. La torture étant un sujet qualifié « d’embarrassant »,
le seul espoir de restauration de la dignité des
victimes repose sur la société civile, qui a mis le
sujet sur la table. Plus de vingt ans se sont
écoulés avant qu’il ne soit reconnu que le régime était criminel et illégitime, et que les victi-
mes méritaient reconnaissance et excuses pour
le mal subi.
Le Dr Doru a donné l’exemple de la situation
politique, quand le président Bacescu a condamné le régime communiste devant le Parlement.
Il y a eu une réaction terrible des anciens communistes qui hurlaient des slogans et demandaient l’emprisonnement du président. Le même Parlement a convoqué un référendum pour
éloigner le président ; cette suspension a été
rejetée par la population.
Elle a évoqué la façon de cacher la vérité, en
indiquant que l’institution chargée de l’étude
des dossiers de la Sekuritate n’a jamais fonctionné et a été décapitée par une décision parlementaire interdisant la publication des noms
sans décision préalable des tribunaux. Les casiers judiciaires des victimes n’ont pas été nettoyés, les biens des victimes ne seront jamais
récupérés ; la réhabilitation médicale est fournie uniquement par la fondation ICAR et reste
mal comprise par les autorités, qui confondent
le soin avec l’assistance sociale.
Elle a conclu en soulignant que lorsqu’on vit
dans un pays démocratique, il est frustrant de
voir que la vérité est à moitié dite, que la justice obéit à la politique, et que les victimes sont
abandonnées par l’Union européenne, puisque
les pays sont considérés comme déjà prêts à
régler ces problèmes.
50
Miss Attuil answered that the presence of
a psychologist at the office answers to the requests expressed by officers who are facing difficulties in exercising their duties. Regarding
individual consultation, the officer can also
evoke difficult cases for which the psychologist
can provide him with tools in order to better
handle the traumatism of applicants.
She also indicated that from now a training session is dedicated to psycho-traumatism of refugees. However, the psychologist’s role is not to
train.
Mrs de Rengervé thanked Miss Attuil for her contribution to the debate, by stressing that the
objective of such debates is to find means so
that everybody works in better conditions, so
that the recognition of victims can happen as
soon as possible in order for OFPRA to take into
account this aspect.
She thanked all speakers of the roundtable to
have treated such difficult questions and gave
the floor to Dr Camelia Doru.
Specific difficulties of victims living in the country where they were tortured
Dr Camelia Doru, doctor and founder of the ICAR Foundation in Romania, thanked Parcours d’Exil for
having given time to this issue. She explained
the situation in Romania, beginning from the
period following the Second World War.
Dr Doru gave the example of the political situation, when president Bacescu condemned the
communist regime in front of the Parliament.
There was a terrible reaction of the former
communists who roared slogans and requested
the detention of the president. The same Parliament organised a referendum in order to destiIn 1946, the elections result, settled in favour of tute the president; this measure was rejected
the communists, chased away the king and by the population.
modified the constitution. The political repressions began. It was the beginning of repression She explained the way of hiding the truth, by
against those who did not belong to the commu- indicating that the institution in charge of
nist movement. According to statistics, between studying the “Sekuritate” files has never func1945-1999, the number of victims goes up to tioned and was abolished by a parliamentary
almost 2.000.000, from which 500.000 deported decision forbidding publication of names withor disappeared people. She indicated that tens out a preliminary court decision. The police reof thousand people were murdered, killed by cords of victims are not cleaned; the victims
forced labour and torture. Survivors remained will never get their possessions back.
deprived of everything and continued to be un- Medical rehabilitation is only supplied by the
der constant surveillance by the system. In ICAR foundation and remains misunderstood by
1999, 100.000 persons were registered in the the authorities, which confuse the therapy with
association of victims, without getting the ex- social work.
pected reparation, since the truth remains hidden.
She concluded by underlining that when one
The former communists strengthened their posi- lives in a democratic country, it is frustrating to
tion by taking over economic power. The torture see that the truth is half said, that justice obeys
is classified as an “embarrassing” subject. Civil politics and that victims are abandoned by the
society remains the only hope of restoration of European Union, because countries are considthe victims’ dignity. More than twenty years had ered as prepared to solve these problems.
passed before it was recognized that the regime
was criminal and illegitimate, and that the victims deserve recognition and excuses for the
harm done.
51
Exemples de bonnes pratiques au niveau européen
Le panel était constitué du Dr Laurent Subilia, médecin responsable de la consultation pour victimes de torture et de guerre au département de médecine communautaire et de premier recours
des hôpitaux universitaires de Genève ; d’Erick Vloeberghs, responsable des affaires internationales de l’organisation « Pharos » aux Pays-Bas ; et du Dr Lilla Hárdi, psychiatre et directrice de la
Fondation Cordelia en Hongrie.
M. Laurent Subilia a commencé en
expliquant qu’il est resté perplexe
quand Parcours d’Exil lui a demandé de parler
de bonnes pratiques en Suisse, puisque depuis
dix ans les structures sont progressivement démantelées. Il a ensuite évoqué l’historique de la
consultation du centre de santé et les difficultés
actuelles :
1988 : visite sanitaire de frontière (vaccins et
courte consultation de 5 min) : ces consultations
ont permis de constater que la violence était
plus importante que les maladies ;
1992 : consultation obligatoire avec infirmières
et médecins ;
1993 : questionnaire de dépistage de problèmes
médicaux et de violence ainsi qu’établissement
d’une collaboration avec les services sociaux ;
2002 : consultation développée avec du personnel médical spécialisé incluant le développement de la présence d’interprètes (plus de 50
langues) et consultation spécialisée de personnes sévèrement traumatisées ; développement
des échanges avec l’administration et formation ; questionnaire spécialisé ;
2004 : difficultés politiques dues au découragement à l’immigration, lequel a résulté en une
diminution du nombre de réfugiés ; création
avec la Croix-Rouge suisse de consultations pour
victimes de torture.
Analysant le questionnaire de 1993, M. Subilia a
indiqué que plus de 2/3 de personnes ont vécu
un événement traumatique et que les violences
pendant le trajet ont nettement augmenté depuis. 18% répondaient « OUI » à la question
« avez-vous été torturé ? » et 1/3 demandaient
un suivi médical. En 1994, 54% selon le psychiatre nécessitaient un suivi. En 2006 : 20% étaient
en dépression, 25% présentaient un syndrome
post-traumatique et 15% combinaient les deux
cas (dépression + PTSD).
Il a exposé ensuite le pronostic de la pathologie,
qui dépend du moment où l’on se situe. L’exil
est un mauvais moment qui provoque des rémi-
niscences. Le pronostic des séquelles de torture
et de guerre dépend plus du contexte psychosocial du moment que de la gravité du traumatisme. Les facteurs de risques sont les mêmes que
les pressions mises sur les requérants (par
exemple charge de la preuve, accès limité à
l’assistance médicale, interprétation restrictive,
accès au travail, hébergement collectif, détention administrative, accès limité aux soins).
Donnant l’exemple de l’étude sur les rescapés
de Srebrenica, il a noté que ce qui a été le plus
utile dans la thérapie était la gentillesse, la disponibilité, la solidarité et l’écoute.
Se référant à l’intervention de Mme Sydhoff
(IRCT) sur l’importance de maintenir des centres de réhabilitation, il a insisté sur la prise en
charge de victimes de torture et il a évoqué
l’exemple de trois patients pris en charge par
les hôpitaux :
• Une patiente, souffrant de diabète, qui refusait les soins nécessaires dans le service hospitalier normal et qui reste toujours en admission
provisoire concernant son statut en Suisse ;
• Une autre patiente, violée en Algérie, qui
présente des crises d’agressivité. Le service de
dialyse refusait de la soigner. Son agressivité a
été contournée par l’écoute mais elle est décédée suite à une péritonite ;
• Un troisième patient : réfugié de Bosnie,
amputé suite à la guerre. Après trois jours de
coma et un essai de greffe à Belgrade, il est
venu en Suisse pour améliorer sa situation.
Etant très anxieux, il avait des angoisses importantes quand il était reçu en service de néphrologie car il confondait le coma et l’anesthésie.
Suite à un autre exemple, celui d’une famille
kurde qui a passé cinq ans d’errance, traversant
plusieurs pays d’Europe, il a conclu en indiquant
que l’humiliation est un facteur très aggravant
dans le syndrome post-traumatique et que les
durcissements des politiques d’asile sont perçus
par les migrants comme très humiliants.
52
Examples of best practices at European level
The panel was constituted by Dr Laurent Subilia, responsible for the Consultation for torture and
war victims in the Department of Community Medicine - University Hospitals of Geneva; Erick
Vloeberghs, international affairs officer of the “Pharos” organization in the Netherlands; and Dr
Lilla Hárdi, psychiatrist and director of the Cordelia Foundation in Hungary.
Mr Laurent Subilia began by explaining that he had remained perplexed about
being asked to speak about best practices in
Switzerland, because structures have been
gradually dismantled for ten years. He then
evoked the history of the consultation of the
health centre and the current difficulties:
1988: Border sanitary visit (vaccines and short
consultation of 5 min). During these consultations, it was noticed that violence was more
important than diseases;
1992: Compulsory consultation with nurses and
doctors;
1993: Screening of medical problems and violence via a questionnaire and establishment of
collaboration with social services;
2002: Consultation developed with medical specialized staff including interpretation services of
more than 50 languages and specialized consultation of severely traumatized persons; development of exchanges with the administration and
training; specialized questionnaire;
2004: Political difficulties due to discouragement of immigration, resulting in a decrease of
the number of refugees; implementation together with the Swiss Red Cross of consultations
for torture victims.
Analyzing the questionnaire of 1993, Mr Subilia
indicated that more than 2/3 of people experienced a traumatic event and that violence has
sharply increased since. 18 % answered "YES" to
the question “have you been tortured?” and 1/3
asked for a medical follow-up. In 1994, 54% according to the psychiatrist needed follow-up. In
2006 20% were in depression, 25% had posttraumatic syndrome and 15% combined both
cases (depression and PTSD).
He then presented the pathological forecast,
which depends on when it is tried to be formulated. The exile is a bad moment which provokes reminiscences. The forecast of the sequels of torture and war depends more on the
current psychosocial context than on the gravity
of the traumatism. The risk factors are identical
to the pressures put on applicants (for example
proof, limited access to medical care, restrictive interpretation, access to labour market,
collective accommodation, administrative detention, limited access to health care).
Giving the example of the study on survivors of
Srebrenica, he noted that the most useful elements during therapy were kindness, availability, solidarity and listening.
Referring to Mrs Sydhoff's (IRCT) remark on the
importance of keeping rehabilitation centres, he
insisted on torture victims' care and evoked the
example of three patients taken care by hospitals:
• A patient, suffering from diabetes, who refused the necessary care and who remains in
temporary admittance regarding her statute in
Switzerland;
• The second patient, an Algerian lady raped
in her country, with crises of aggressiveness.
The service of dialysis refused to look after her.
Her aggressiveness was bypassed thanks to listening, but she died following peritonitis;
• The third patient: refugee of Bosnia, amputated after war. After three days of coma and a
transplant experience in Belgrade, he came to
Switzerland to improve his situation. Being very
anxious, he faced particular fears when he was
received in the nephrology service because he
confused anaesthesia with coma.
Following a last example of a Kurdish family
which spent five years of wanderings and crossing several European countries, he concluded by
indicating that humiliation is a very aggravating
factor within the post traumatic syndrome and
that the reinforcement of asylum policies are
considered as very humiliating by migrants.
53
M. Erick Vloeberghs a parlé de
“CARE FULL initiative”, indiquant
que la publication en 2006 du livre sur le protocole d’Istanbul a donné lieu à un document de
lobbying actuellement signé par 40 ONG.
En ce qui concerne les développements aux
Pays-Bas, il a cité le livre vert sur le futur et la
nécessité de structures appropriées. Il a mis
l’accent sur les recommandations pour la mise
en œuvre dans le pays d’un entretien médical
basé sur le protocole d’Istanbul. Cette proposi-
tion a été refusée par le gouvernement, qui a
instauré l’examen médical au début de la procédure de demande d’asile.
Il a ensuite exposé le projet MAPP (ONG aux
Pays-Bas), qui a établi une liste d’observations
pour identifier les problèmes des réfugiés. Cette
liste ne peut pas servir pour effectuer un diagnostic. 3.000 demandeurs d’asile, notamment
originaires du Burundi et d’Iran, ont déjà été
examinés par MAPP.
Le Dr Lilla Hárdi a présenté la fondation
Cordelia et a commencé en indiquant
que d’après l’Organisation mondiale de
la santé (OMS), depuis 1996 chaque réfugié doit être traité en tant que survivant de
traumatisme.
Après avoir mis l’accent sur le service d’interprètes de Cordelia, elle a expliqué l’aspect de
la thérapie familiale (non verbale) et celui de la
thérapie émotionnelle. Elle a également évoqué
de nouvelles approches comme l’examen dyna-
mique des dessins des patients après les sessions
et le processus de réhabilitation intensif qui
débutera en 2009.
Le Dr Hárdi a souligné la nécessité de supervision des professionnels en contact avec les victimes de torture et de développer des relations
avec le gouvernement afin de progresser.
En conclusion, elle a cité la méthode de la fondation Cordelia dans l’élaboration d’un rapport
médico-légal, qui est actuellement accepté dans
la plupart de cas par les autorités.
DEBAT
est un document supplémentaire. Les requérants n’ont pas toujours confiance dans le médecin ; les histoires cachées sont souvent bien
pires que l’histoire construite.
Le public a aussi exprimé son inquiétude concernant la reconnaissance du statut de réfugié des
victimes de torture, qui subissent une grande
pression.
Mme de Rengervé a rappelé les propos du Dr
Hárdi sur les contacts avec les autorités compétentes et que raconter son histoire personnelle
dans son intégralité nécessite du temps. Un protocole de reconnaissance pourrait ainsi bloquer
les procédures accélérées afin de laisser le
temps au demandeur de raconter son histoire.
Une participante des Pays-Bas a exprimé son
souhait d’empêcher les procédures rapides
d’exister. En même temps, Mme de Radigues
(IRCT) a indiqué que les bonnes pratiques ne
concernent pas uniquement les Etats mais aussi
les initiatives de la société civile.
Suite à l’accent mis par les participants des
Pays-Bas sur le fait qu’il ne faudrait pas indiquer
le pays comme un exemple de bonnes pratiques,
le débat est clos.
Pendant le débat qui a suivi, les participants des
Pays-Bas ont expliqué qu’un problème important
est que les psychologues ne s’intéressent pas à
la crédibilité, contrairement aux autorités administratives. Ils ont donné l’exemple de personnes qui n’étaient pas crédibles et se sont interrogés sur l’effet du traumatisme sur la mémoire.
M. Vloeberghs a indiqué que lorsqu’on a peur,
on peut mentir, et qu’ensuite il faudra continuer avec ce mensonge. Le Dr Hárdi a ajouté
que la négociation entre la procédure administrative et l’information médicale est importante. Les autorités comprennent que les centres
tels que Cordelia interagissent avec les demandeurs d’asile à long terme et connaissent mieux
les patients, pouvant ainsi reconnaître la vérité
et agir en tant que modérateur.
M. Subilia a expliqué le risque de l’instrumentalisation du document médical et que la distinction entre médecin traitant et médecin expert
est indispensable. La qualité du rapport dépend
de la cohérence mais le médecin traitant doit
rester médecin traitant et le document apporté
54
Mr Erick Vloeberghs spoke about
the “CARE FULL initiative”, indicating that the publication in 2006 of a book on the
Istanbul protocol gave birth to a document of
lobbying, currently signed by 40 NGOs.
As far as developments in the Netherlands are
concerned, he stressed the green book on the
future and the necessity of appropriate structures. He emphasized the recommendations for
the implementation of a medical interview
based on the protocol of Istanbul. This proposal
was refused by the government, which put the
medical examination at the beginning of the
asylum procedure.
He then presented the MAPP project (NGO in
the Netherlands), which established check list in
order to identify the problem of refugees. This
list can not be used to proceed to a diagnosis.
3.000 asylum seekers have already been examined by MAPP, notably natives from Burundi and
Iran.
Dr Lilla Hárdi presented the Cordelia
foundation. She began by indicating that
according to the World Health Organization (WHO), since 1996 every refugee
must be treated as a traumatism survi-
dynamic examination of patients’ drawings after
sessions and the intensive rehabilitation process
which will begin in 2009.
Dr Hárdi underlined the need for supervision of
professional staff in contact with torture victims
and to develop relations with the government in
order to progress.
In conclusion, she stated the method of the Cordelia foundation in the elaboration of a medicallegal report, which is currently accepted by the
authorities in most cases.
vor.
After emphasizing on the interpreters' service of
Cordelia, she explained the aspect of family
therapy (non verbal) and that of the emotional
therapy.
She also evoked new approaches such as the
remain as such. The document is considered as
supplementary. The applicants do not often
During the debate which followed, participants trust doctors; hidden stories are often much
from the Netherlands stated that psychologists worse than the ones which can be made up.
are not interested in the credibility, unlike the
authorities: this difference creates serious prob- The audience also expressed its anxiety conlems. They gave the example of persons who cerning the grant of refugee statute to torture
were not credible and wondered about the ef- victims under big pressure.
fect of traumatism on their memory.
Mrs de Rengervé recalled Dr Hárdi’s comments
on the contacts with responsible authorities and
Mr Vloeberghs indicated that when one is afraid, added that telling one’s whole story needs time.
one can lie, and has to keep lying afterwards. Dr A protocol of recognition could stop the accelerHárdi added that the negotiation between the ated procedures, providing time for applicant to
administrative procedure and medical informa- tell his story.
tion is important. The authorities understand The participant from the Netherlands expressed
that centres such as Cordelia interact in long- her wish to prevent the existence of accelerated
term with asylum seekers, having a better procedures. At the same time, Mrs de Radigues
knowledge of patients. They are thus able to (IRCT) indicated that good practices do not conrecognize the truth and act as moderator.
cern only States but also civil society initiatives.
DEBATE
Mr Subilia explained the risk of the misuse of
the medical document and that the distinction
between treating doctor and expert doctor is
indispensable. The quality of the report depends
on the coherence but the treating doctor has to
Last but not least, the Dutch participants put
emphasis on the fact that the Netherlands
should not be indicated as an example of best
practices. Then the debate ended.
55
Mercredi 29 octobre
Mise en place du processus de reconnaissance précoce des victimes de torture
Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil
Le Dr Sylvie Lancino, médecin coordonateur du dispositif national d’accueil
des demandeurs d’asile (DNA) pour
l’est de la France, remplaçant le Dr
Marc Wluczka, médecin chef de l’ANAEM retenu
à l’étranger, était la première oratrice de cette
seconde journée. Elle a présenté l’accueil des
demandeurs d’asile dans les structures
du dispositif national d'accueil et le soutien apporté par l'ANAEM à travers sa direction
de la santé publique (DSP).
Elle a mis l'accent sur la souffrance et sa reconnaissance, qu'il s'agisse de celle subie dans le
pays d'origine, durant le voyage ou de celle liée
à l'attente lors des procédures administratives.
Cette souffrance, à laquelle les structures d'accueil sont confrontées, peut être antérieure au
traumatisme lié au motif de l'exil et est alors
aggravée par la situation. Elle peut être une
conséquence de l'exil ; elle peut apparaître lors
du voyage, ou encore à l'arrivée et pendant la
procédure.
La solution pour la DSP de l’ANAEM serait d’essayer de répondre à la souffrance non seulement de façon médicale mais aussi par l’accueil. Par exemple, construire un lieu dans lequel le demandeur d’asile se sente en sécurité,
rétablir l’appartenance à un groupe afin d’éviter l’exclusion, (par exemple des groupes de
parole, d’expression, de créativité, d’activité
professionnelle non rémunérée).
Le Dr Lancino a exposé aussi le sujet de la formation des travailleurs sociaux à la reconnaissance de la souffrance, même si ces derniers
doivent accepter le cadre de leur intervention
et leurs limites.
Elle a conclu en citant que partout la souffrance
psychique des demandeurs d’asile est le premier
point évoqué par les équipes et en soulignant
l’importance d’identifier les partenaires au niveau local.
M. Yves Nicolas, directeur de centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA ADOMA) de Caen est ensuite intervenu,
se concentrant sur trois sujets :
1. Les avantages et désavantages d’un CADA,
2. L’approche de terrain,
3. Les formations.
la vie collective peuvent être un frein, d’après
aussi le livre du Dr Duterte (référence aux réminiscences quand la victime voit une bouteille de
Coca, une cigarette, etc.) de même que les
contrôles d’étages, le suivi du règlement intérieur, les sanctions, les feuilles de présence,
etc.
Se référant à la fin du séjour au sein d’un CADA,
M. Nicolas a qualifié l’obtention du statut de
réfugiés en tant que « deuil de son pays » et
comme le démarrage d’autres difficultés, en
dehors de la situation d’assistanat. La question
de la sortie est encore plus forte pour les déboutés du droit d’asile. Être débouté, c’est voir
son histoire niée, retrouver une situation de non
droit, la peur d’être arrêté ou reconduit à la
frontière. Pour les travailleurs sociaux, ce moment est également difficile car ils sont tenus
de proposer au demandeur débouté de retourner dans son pays.
Après avoir évoqué le rôle d’un CADA et les circulaires qui définissent ses actions (accueil ;
hébergement ; accompagnement administratif,
social et médical), il a indiqué que le séjour au
sein d’un tel établissement est une étape difficile pour le demandeur d’asile. Il s’agit souvent
d’une longue période d’attente de la réponse
quant à son statut, où il se trouve dans une situation d’assistanat, d’inactivité et d’ennui.
Cette situation freine la reconstruction de la
personne. Le cas d’un CADA collectif est avantageux à ce propos. Mais quelques contraintes de
56
Wednesday, 29 October
Establishment of a process of early recognition of torture victims
Moderator : Hélène de Rengervé, financial and administrative director, Parcours d’Exil
Dr Sylvie Lancino was the first speaker
of this second day. She is medical coordinator of the asylum seekers national
reception system (DNA) for the eastern
part of France, replacing Dr Marc Wluczka, chief
doctor of the French agency in charge of migration and welcoming foreign people (ANAEM),
who was abroad during the conference. She presented the reception of asylum seekers within
the structures of the national reception system
(DNA) and the support offered by ANAEM
through its public health direction (DSP).
She emphasized the suffering and its recognition, whether it is the one provoked in the
country of origin, during the journey or while
waiting for the administrative procedures to be
completed. This suffering, to which reception
structures have to face, might be anterior to
the traumatism connected to the exile motive
and is then aggravated by such situation. It
might be a consequence of the exile, appear
during the journey or even on arrival and during
the procedure.
The solution, according to the DSP of ANAEM,
would be to try to deal with the suffering not
only in a medical way but also through the reception conditions. For example, build a place
in which asylum seekers would feel safe, to restore membership in a group, to avoid exclusion
(e.g. speech groups, expression, creativity, unpaid professional activity).
Dr Lancino also presented the issue of training
of social workers to the recognition of suffering,
even if they have to accept the framework of
their intervention and their limits.
Mr Yves Nicolas, director of the
reception centre for asylum seekers
(CADA - ADOMA) in Caen, made his speech on
three parts:
1. The advantages and disadvantages of a CADA;
2. The grass roots approach;
3. Training courses.
also according to Dr Duterte’s book (reference
to the reminiscence due to daily objects or
situations, like a bottle of Coca Cola, the lighting of a cigarette, etc.) as well as floor inspections, rules of procedure, sanctions, attendance
sheets, etc.
Referring to the end of the stay within a CADA,
Mr Nicolas qualified the moment of obtaining
the statue of refugee as a moment of “mourning
one’s country” and of the beginning of other
difficulties, outside the situation of assistance.
The exit from the centre is a difficult issue,
even more for those whose asylum request has
been rejected. This rejection is lived like the
negation of their own experience. It means to
face illegality as well as the fear of being arrested or sent back to the borders. For social
workers, this moment is also difficult as they
have to propose to asylum seekers to return in
their country.
After having spoken about the role of the CADA
and the circulars defining its actions (reception;
lodging; administrative, social and medical support), he indicated that staying in such a centre
constitutes a difficult stage for an asylum
seeker. It is often a long period of waiting for
the answer to the statute’s request, where people find themselves in a situation of assistance,
inactivity and boredom. This situation slows
down the personal rehabilitation. The collective
CADA is an advantage in this case. But some
constraints of collective life can be a brake,
She concluded by stating that the psychic suffering of asylum seekers is the first point of discussion everywhere and by underlining the importance of partners’ identification at local
level.
57
Donnant des éléments sur le CADA de
Caen, il a cité 93 personnes accueillies dans
deux établissements (AUDA et CADA) et 7 salariés (1 directeur, 1 secrétaire, 3 intervenants
sociaux, 2 animatrices dont une chargée accompagnement à sortie). Parmi les demandeurs, il a
cité 43 personnes isolées et 50 personnes en
familles. 60% sont originaires d’Afrique (13
Pays), 25% d’Europe (5 pays), 15% d’Asie. 30
adultes sur 70 ont affirmé avoir été torturés : 19
d’Afrique, 10 d’Europe, 1 d’Asie. Les causes, à
part la guerre, sont politiques, culturelles, ethniques, religieuses mais aussi l’esclavage (3 personnes concernées).
M. Nicolas a ensuite exposé brièvement la difficulté à parler de la torture, liée aux problèmes
administratifs et les formations mises en place
dans la région. Etant donné le temps limité de
son intervention, il a indiqué aux participants
qu’ils pourraient obtenir plus d’informations
avec la diffusion du rapport de la conférence.
DEBAT
demi-journée par mois sur 6 mois ; cette action
a été reconduite en 2009).
En ce qui concerne la préparation des entretiens, elle ne se fait pas assez en équipe.
Mme Maya Lenica, psychologue en CADA en Picardie a précisé que beaucoup de personnes
n’utilisent pas les droits CMU, parce que notamment en Picardie l’obtention de ces droits est
long (de 3 à 6 mois pour leur mise en place).
Pendant ce temps il n’y a pas d’accès aux soins.
D’autres participants ont confirmé que ce problème n’est pas limité uniquement à la Picardie.
Le représentant du CADA Isère a exposé le cas
d’un CADA éclaté, où les demandeurs sont hébergés dans des appartements. Par conséquent,
il n’y a pas de sentiment d’isolement. Se référant à la Belgique, il a parlé de deux types de
reconnaissance : juridique et en tant qu’être
humain. Il a également cité les formations sur
l’inter-culturalité, organisées en Isère avec Forum Réfugiés. Pour conclure, il a exposé les cinq
« catégories » des demandeurs d’asile : primoarrivants en CADA ; personnes en réexamen qui
ne peuvent pas être hébergés ; personnes en
procédure prioritaire ; personnes dont la situation relève de la régulation Dublin II et enfin
celles en « situation administrative complexe »
comme les couples où l’un peut demander l’asile et l’autre non –d’où l’existence de paradoxes
parfois ingérables.
Le participant de l’institut de victimologie de
Paris a posé une question sur le traumatisme
secondaire: « les personnes des centres sont les
premières à recevoir l’histoire, comment les
centres prennent-ils en compte la souffrance
des personnels souffrant de traumatisme vicariant ? »
Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a indiqué que la
santé des patients se dégrade malgré la couverture médicale universelle (CMU) fournie en
France. L’ouverture aux soins existe mais de
nombreux facteurs font que les demandeurs
n’en profitent pas, du fait non seulement des
traumatismes mais aussi de la complication administrative. De plus en plus de migrants ne
sont plus assurés sociaux même s’ils pourraient
l’être.
Le Dr Lancino (ANAEM) a ajouté que les personnes accueillies dans les CADA ont toutes la CMU
au minimum, mais que les hébergés en CADA
sont parmi les plus favorisés.
Des questions ont été adressées à M. Nicolas :
quelle formation a été mise en place avec la
DDASS ? Comment les travailleurs préparent-ils
les entretiens ? Comment perçoivent-ils les documents attendus et comment les préparentils ?
M. Nicolas a expliqué que les formations sont
une sensibilisation à des problèmes spécifiques
et que les lignes budgétaires pour la formation
dans un CADA sont très limitées. Puisqu’il est
difficile de participer à des formations à Paris,
des formations locales ont été établies avec la
DDASS du Calvados, regroupant tous les professionnels travaillant avec des populations migrantes, afin de créer un réseau et d’échanger avec
tous les partenaires institutionnels et associatifs. M. Nicolas a cité les formations sur la géopolitique du Caucase et de l’Afrique, celles sur
les traumatismes liés à l’exil et l’interculturalité (par exemple, une formation coorganisée par le CADA et la DDASS sur l’ethnopsychiatrie existe depuis décembre 2007, d’une
58
Giving elements about the CADA of Caen,
he stated 93 persons hosted in two buildings
(AUDA and CADA) and 7 employees (1 director, 1
secretary, 3 social workers, 2 support officers
including one in charge of supporting the exit
from the CADA). Among the asylum seekers, he
indicated 43 isolated persons and 50 with their
families. 60% coming from Africa (13 countries),
25% from Europe (5 countries), 15% from Asia.
30 out of 70 adults declared to have been tortured: 19 from Africa, 10 from Europe, 1 from
Asia. Causes, except from war, are political,
cultural, ethnic, religious, as well as slavery (3
persons concerned).
Mr Nicolas then presented briefly the problem of
speaking about torture, connected to the administrative problems and the training courses
organised in the region. Given the limited time
of his intervention, he indicated that participants could obtain more information with the
final report of the conference.
held during half a day per month over 6 months;
this project renewed in 2009). As far as the
Dr Duterte (Parcours d’Exil) indicated that pa- preparation of interview is concerned, it is a
tients’ health is getting worse, in spite of the pity that it does not involve enough team wok.
universal medical cover (CMU) provided in
France. The access to medical care exists but Mrs Maya Lenica, psychologist in a CADA in
many factors lead to the fact that applicants do Picardy specified that many people do not use
not take advantage of this, because of trauma- CMU, because obtaining these rights requests a
tism as well as administrative complications. long procedure (3 to 6 months in Picardy). DurThe number of people not protected by the na- ing this time there is no access to medical care.
tional insurance scheme is growing, even if they Other participants confirmed that this problem
would have been eligible to it.
does not concern only Picardy.
DEBATE
Dr Lancino (ANAEM) added that people accommodated in a CADA all benefit from the CMU at
the minimum but they can be considered as
most advantaged.
Some questions were asked to Mr Nicolas: which
training is implemented with the DDASS? How do
social workers prepare interviews? How do they
perceive awaited documents and how do they
prepare them?
Mr Nicolas explained that the training aim is to
rise awareness to specific problems and that the
budget lines for training in a CADA are very limited. Since it is difficult to take part in training
sessions in Paris, local trainings have been established in partnership with the DDASS of Calvados, bringing together all professionals working with migrant populations, in order to create
a network and to exchange with all institutional
and associative partners. Mr Nicolas gave the
example of trainings about geopolitical problems in Caucasus and Africa, another one on
traumatisms related to the exile and multiculturalism (e.g. the training co-organised by CADA
and DDASS about ethno-psychiatry which was
The representative of the CADA Isere presented
the case of a “spread” CADA, where the applicants are lodged in apartments. Consequently,
there is no feeling of isolation. Referring to Belgium, he spoke about two types of recognition:
legal and as a human being. He also stated
trainings about multiculturalism, organised in
Isere in partnership with Forum Refugees. To
conclude, he presented the five “categories” of
asylum seekers: newcomers in CADA; people in
re-examination, who can not be lodged; people
in priority procedure; people whose situation is
relevant from the Dublin II regulation; and last
but not least people in a “complex administrative situation” such as couples where one can
require asylum while the other can not. This
may create paradoxical situations which might
be impossible to deal with.
The participant from the institute of victimology
of Paris asked about the secondary traumatism:
“Staff working in the centres are the first who
hear the story. How do centres handle the vicarious traumatism lived by their staff?”
59
Le Dr Lancino a répondu que dans le terme « conditions d’accueil » on entend aussi
« accueil des professionnels ». Leur formation et
accompagnement sont primordiaux. L’ANAEM
réfléchit au problème mais le soutien des équipes est assuré par les structures elles-mêmes.
M. Nicolas a ajouté que l’accompagnement est
difficile à cause de problèmes financiers. Les
réunions d'équipe ont lieu chaque semaine. Cependant beaucoup de CADA ne peuvent pas mettre en place d'accompagnement à la pratique
professionnelle (APP), faute de crédits. Ainsi le
CADA de Caen n'a pu inscrire que trois séances
d'APP d'équipe en 2008. Sa collaboration avec la
DDASS du Calvados pour la mise en place de formations locales permet de compenser partiellement ce manque.
Mme de Rengervé ajoute que la souffrance des
professionnels n’est pas toujours reconnue par
les autorités. A la fin de cette table ronde, le
directeur de CADA Antelois a indiqué que les
directeurs de CADA disposent d’une enveloppe
globale pour employer des salariés : c’est donc
leur choix d’embaucher des psychologues afin
de soutenir les équipes.
Aspects psychologiques et psychiatriques
Ce panel était constitué de Mme Régine Waintrater, psychologue et thérapeute familial, maître
de conférences à l’université Paris 7; et de Mme Karin Teepe, psychologue clinicienne.
Mme Régine Waintrater a exposé le « pacte
testimonial », qui sous-tend à toutes les rencontres, qu’elles soient définies ou non comme
thérapeutiques. Après avoir présenté la fonction
du témoignage, notamment dans le cas du traumatisme, elle a placé la consultation thérapeutique à mi-chemin entre l'entretien et la thérapie. Elle a souligné que le traumatisme instaure
toujours une rupture : pour la victime, il y aura
désormais un avant et un après, et la difficulté
pour elle consiste d'abord à retrouver une continuité psychique. Sur le chemin du retour à soi,
Mme Waintrater a distingué plusieurs temps,
notamment le temps du judiciaire, où la victime s'attache à faire la vérité sur les événements, et le temps de la ressaisie psychique,
temps plus privé, loin des regards du groupe.
Après avoir cité les fonctions de l’entretien, en
soulignant la création d’un environnement fiable et la restauration de l'espace subjectif interne, Mme Waintrater a brièvement exposé le
point de vue du clinicien, en insistant sur la
complexité d'un tel travail, qui se situe au carrefour de l'entretien clinique, du témoignage et
de la consultation thérapeutique.
La parole a été ensuite donnée à
Mme Karin Teepe. Elle a présenté
le travail d’évaluation interne fait au centre de
soins de Parcours d’Exil : dans le cadre de la
législation européenne, les centres de soins sont
tenus de mettre en place une évaluation interne. Ceci consiste à requérir les appréciations
des patients sur l’accueil, l’offre et le déroulement de soins, et le ressenti du patient sur l’amélioration éventuelle de sa santé. Un questionnaire très détaillé a été établi, demandant entre autres : une description des soins apportés
(médicaux et psychologiques) ; une appréciation
de l’accueil, de l’ambiance du centre, du temps
écoulé entre la demande et l’offre de soins ; la
compréhension de l’interlocuteur ; la manière
de s’exprimer du thérapeute, et l’effort au-delà
de la langue. Le questionnaire n’est pas à remplir individuellement, mais lors d’un entretien.
Ce choix indique que l’association mise sur la
réflexion de ses patients sur les soins reçus, afin
d’apporter des corrections.
Les situations les plus difficiles se présentent
lorsque l’entretien ne permet pas un soulagement de la tension interne. L’interview devient
alors mécanique et le patient n’émet pas d’avis
précis. Par conséquent, il n’y a aucun commentaire sur les soins. A l’inverse, la satisfaction du
patient se voit lorsqu’il y a une capacité à réagir
de façon personnelle, le questionnaire étant
alors pris comme sujet de réflexion et longuement débattu. Mme Teepe a souligné le grand
intérêt que présente la réaction des patients.
Elle a également mis l’accent sur la question de
l’empathie du thérapeute, non par rapport au
récit du traumatisme mais par rapport aux
symptômes (panique, pas de repérage, retards,
etc.).
60
Dr Lancino answered that the term
“reception conditions” also implies “reception
of professionals”. Their training and support are
essential. ANAEM is thinking on this matter but
team support is ensured by the structures themselves.
Mr Nicolas added that the support is difficult
because of financial problems. Team meetings
take place every week. However, many CADA
are not able to establish professional practice
support due to insufficient budget. As a result,
the CADA of Caen was not able to subscribe to
more than three team support sessions in 2008.
Its collaboration with the DDASS of Calvados for
the establishment of such training helped to
partially compensate this lack of financing.
Mrs de Rengervé added that the suffering of
professionals is not always recognized by the
authorities.
At the end of this roundtable, the director of
CADA Antelois indicated that CADA directors
dispose of a global envelope to hire employees.
It is thus their choice to hire psychologists in
order to support their staff.
Psychological and psychiatric aspects
The second panel of the day was constituted by Mrs Régine Waintrater, psychologist and family
therapist, lecturer at the university Paris 7 and by Mrs Karin Teepe, clinical psychologist of
“Parcours d’Exil”.
Mrs Waintrater presented the “testimonial
pact”, which is a root for all meetings, regardless if they are defined as therapeutic or not.
Having explained what is testimony, notably in
the case of traumatism, she placed the therapeutic consultation halfway between the interview and the therapy. She underlined that the
traumatism always establishes a break: for the
victim, there will be a “before” and “after”. At
first, the difficulty consists in finding a psychic
continuity. On the way back to oneself, she distinguished several time periods: the judicial
time, where the victim attempts to get the
truth out of the events, and the time of psychical rehabilitation, which is more private, far
from the group. Mrs Waintrater stated the functions of the interview by underlining the establishment of a reliable environment and the restoration of the internal subjective space. Then
she briefly presented the point of view of the
clinician, by insisting on the complexity of such
a work, at the crossroads of the clinical interview, the testimony and the therapeutic consultation.
The floor was then given to Mrs
Karin Teepe, who exposed the internal evaluation made in the centre of
“Parcours d’Exil”, explaining that within the
framework of the European legislation, medical
centres are constrained to set up internal
evaluation. This shows the patients’ opinion on
the reception, the medical care, as well as their
feelings on the possible improvement of their
health condition.
ally, but during an interview. This choice indicates that the association gives a great importance on the thoughts of its patients, in order to
make the necessary improvements. The most
difficult reactions are seen when the interview
does not allow to remove internal tension. In
this case, the interview becomes mechanical
and the patient remains vague about the relation. Consequently, there is no comment on the
medical care. On the other way, the satisfaction
is connected to the capacity of reacting in a
personal way, given the fact that the questionnaire is considered as a means for thinking and
is discussed during a long time. Mrs Teepe underlined that the patients’ reaction is of a great
interest. She also emphasized the issue of the
therapist’s empathy, not with respect to the
narration but regarding symptoms (panic, lack
of marks, delays, etc.)
A very detailed questionnaire has been established, including a request for description of
care provided by the doctor and the psychologist; an opinion on the reception, the atmosphere of the centre, the time lag between request for appointment and consultation; the
way the therapist expresses himself/herself and
the effort done to fight language barriers.
The questionnaire was not to be filled individu-
61
DEBAT
Une participante (psychologue) a demandé ce
que cette situation d’évaluation reproduit de
l’expérience traumatique du patient. Elle a indiqué que le refus de répondre peut être une
confrontation avec quelque chose de connu.
L’interprétation des réponses est donc difficile
car on ne sait pas de quoi elles sont fondamentalement composées.
Mme Teepe a répondu que ce n’est pas le questionnaire uniquement qui provoque des réminiscences, mais beaucoup de stimuli externes et
quotidiens. La plupart des patients ont des réactions personnelles et positives et sont heureux
d’aider.
Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a rappelé que le
questionnaire a été mis en place par obligation,
pour éviter qu’un autre mode d’évaluation ne
soit imposé par les autorités.
Un représentant de CADA a demandé à Mme
Waintrater : « Quand on parle d’hébergement
du discours de la personne, ne faudrait-il pas
que les cliniciens se démarquent d’entendre le
discours là où la personne a été torturée ? Le
moment même de la torture n’est-il pas une
telle déstructuration psychique ? Ne faut-il pas
faire bord avec le temps de la destruction, et le
temps de la reconstruction n’est-il pas le temps
où l’espace est offert ? ».
Mme Waintrater a répondu que l’hébergement
psychique est au plus près de la personne mais
que non, il ne faut pas l’enfermer dans la scène
traumatique qui parfois n’est pas racontée.
Une autre question a été posée par le public :
« Est-ce que pour reconnaître les personnes torturées, l’enjeu n’est-il pas dans le transfert ? »
Mme Waintrater a indiqué à ce propos l’importance de la neutralité bienveillante, et le besoin
d’adapter celle-ci, dans le souci de ne pas
« retraumatiser ».
« Le thérapeute doit savoir, à certaines moments, tempérer la neutralité et augmenter la
bienveillance, ce qui ne signifie pas la simple
compassion. Il s’agit, pour le thérapeute, d’offrir à son interlocuteur un cadre et une écoute
fiable qui lui permettent de savoir à qui il parle ».
Elle a ajouté qu’on ne peut pas s’abriter derrière la neutralité. Dans le cas de négationnisme,
de génocide, les personnes ont besoin de savoir
de quel côté on est. L’empathie et le repérage
patient et attentif des mouvements psychiques
chez le thérapeute sont sa boussole pour savoir
comment se positionner à chaque moment.
Implications d’une reconnaissance précoce des victimes de torture
La dernière table ronde de la conférence était constituée du Dr Pierre Duterte, médecin directeur de Parcours d’Exil ; de M. Pierre Courcelle, bénévole au service asile de l’ACAT France
(action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ; de Mme Danielle Mérian, avocate honoraire
et administratrice de Parcours d’Exil ; de Mme Monique Végéga, chef de service et membre de la
FNARS Picardie (fédération nationale des associations d’accueil et de reconversion sociale).
Le Dr Duterte, après avoir remercié les orateurs de la qualité des
interventions et des débats, a expliqué le travail
réalisé depuis un an sur la mise en place d’un
questionnaire de dépistage précoce des victimes
de torture, actuellement en phase d’essai. Il a
noté l’importance de faire le moins mal possible, en posant des questions qui ne sont pas une
source de « retraumatisation » ou de
« revictimisation ». Il a exprimé son inquiétude
en ce qui concerne la France, en se demandant
si les thérapeutes ne « re-traumatisent » pas
parfois involontairement.
Il a ensuite expliqué la nécessité de l’éthique,
en indiquant le danger que représente ce questionnaire. Comment peut-on faire pour éviter
qu’il ne serve de dépistage à la frontière ?
C’est-à-dire pour éviter qu’il ne soit détourné
en outil de rejet à la frontière ? Il a qualifié cette situation de très sensible, à la limite entre
soin et maltraitance.
En conclusion, il a invité les autres intervenants
du panel à réfléchir sur quelles sont les protections à mettre en place pour éviter ces risques.
62
Mrs Waintrater answered that psychic hosting is
as close as possible to the person but that the
A psychologist asked if old traumatic experi- person should not be locked up in the traumatic
ences can not be reproduced by this evaluation scene, which sometimes is not even told.
procedure. She indicated that the refusing to
answer could mean confrontation with some- Another question was asked by the public:
thing already experienced. The interpretation of “In order to recognize the tortured people, isn't
the answers is thus difficult because one does the stake in the transfer?”
not know on which elements they are based.
Mrs Waintrater answered by evocating the imMrs Teepe answered that it is not the question- portance of the benevolent neutrality which
naire alone which might cause reminiscence, needs to be adapted in order to avoid a “rebut a lot of external and daily stimuli. Most of traumatism”.
the patients show positive reactions and are “The therapists need to know when to moderhappy to help.
ate neutrality and increase benevolence, not
Dr Duterte (Parcours d’Exil) pointed out that the meaning simple compassion. In this way, the
questionnaire was set up out of obligation, in therapist offers the patient a framework of
order to prevent that another mode of evalua- trustful listening, allowing him/her to undertion would be imposed by the authorities.
stand to whom he/she is talking to”
DEBATE
A representative of CADA asked Mrs Waintrater:
“When we are speaking of « hosting » the patient speech, wouldn’t it be necessary that clinicians try to avoid to listen to this story
where it happened? Isn’t the specific moment
of torture the time of such a psychological destructuration ? Isn’t the time to try to join the
time of destructuration and time of reconstruction; isn’t the time where a space is offered?”
She added that one can not find a shelter behind neutrality. In case of denial, of genocide,
patient needs to know on which side the therapist is. Empathy and the slow and watchful
tracking of his psychic movements are the compass of the therapist to determine how to position himself towards the patient at every moment.
Implications of an early recognition of torture victims
The last round table of the conference was constituted by Dr Pierre Duterte, medical director of
Parcours D'Exil; Mr Pierre Courcelle, volunteer in the asylum service of ACAT France (Association
of Christians for the Abolition of Torture); Mrs Danielle Mérian, lawyer, administrator of Parcours
D'Exil; and Mrs Monique Végéga, head of department and member of the National Federation of
community reception and social rehabilitation (FNARS Picardie)
Dr Duterte thanked all panellists
for the quality of their speeches
and the debates. Then he explained the research work realised for about a year on the
implementation of a questionnaire of early recognition of torture victims, still currently in trial
phase. He noted the importance to make as low
harm as possible, by asking questions which may
not traumatise or victimise again the patient.
He expressed his worry, as far as France is concerned, wondering whether therapists sometimes unwillingly re-traumatise patients.
He then explained the necessity of ethics, indicating the danger represented by this questionnaire. How can we ensure that it will not serve
as screening at the border? Meaning not to be
diverted in order to reject people in the border?
This situation is very sensitive, at the limit between care and mistreatment.
As a conclusion, he invited the other panellists
to think about what kind of protections can be
set up in order to avoid these risks.
63
M. Pierre Courcelle a présenté son
travail sur le droit d’asile depuis
quinze ans. Il a parlé en tant que
militant, qui reçoit tous les jours
des demandeurs d’asile. Il a confirmé que parmi les demandeurs d’asile, il y a une
forte proportion de gens qui ont subi une violence soutenue, comme au moment des guerres du
Rwanda et du Congo.
Il a indiqué que dans le cadre de l’ACAT, il reçoit des gens qui ne viennent pas de CADA, mais
logés chez des amis, dans leur famille, etc., en
soulignant que la première chose est de les
écouter, puisqu’eux même disent qu’ils ne sont
pas écoutés lors de l’entretien avec l’OFPRA. Il
a remarqué qu’il existe à l’OFPRA une série de
questions prédéfinies auxquelles le demandeur
répond mais que le demandeur n’a pas réellement la possibilité d’exprimer ce qu’il veut.
là et qu’on ne tient pas compte de cette réalité.
M. Courcelle a ensuite souligné que depuis quelques années on pousse à la rapidité dans l’examen des cas : le temps administratif et judiciaire ne correspondent plus au temps des soins. Il a
été entendu qu’on pourrait examiner un dossier
en un mois. Cette pensée appartient à quelqu’un qui n’a jamais reçu de demande d’asile et
n’a jamais vu de dossier.
« Comment peut-on parler de reconstruction
des gens dans cette optique ? Comment parler
de reconstruction après avoir reçu, au bout de
la procédure judiciaire, une décision qui dit
finalement vous avez menti, fraudé ? »
En conclusion, il a insisté sur les zones d’attente, de rétention, et la menace permanente d’une reconduite à la frontière dont beaucoup sont
dangereuses, tout en s’interrogeant sur les insFaisant référence à la procédure administrative, tructions données aux policiers d’escorte.
il a insisté sur la culture du résultat donnant
l’exemple d’un jeune officier de protection qui « Est-ce que nous ne pratiquons pas nousa claqué la porte : on lui avait dit qu’il serait mêmes la torture à la Kafka ? » s’est-il demanjugé sur le nombre de dossiers traités. Selon M. dé.
Courcelle, les demandeurs sont mieux entendus
à la cour nationale du droit d’asile (CNDA) avec Le Dr Duterte a ajouté que parler de guérir la
un bon avocat. Il a expliqué que l’ACAT leur torture est une escroquerie car on ne guérit jadonne la parole puis les aide à faire un récit le mais au sens médical : on ne revient jamais à
plus cohérent possible pour les plaidoiries, afin l’état antérieur. On peut consolider mais pas
de préparer l’entretien à l’OFPRA ou l’audience guérir. La torture est une telle machine destrucà la commission. C’est donc frappant qu’ils ne trice qu’on ne peut jamais en guérir.
soient pas entendus.
Il a ensuite expliqué que la deuxième chose
contre laquelle il s’est longtemps battu en vain
est que des violences très fortes, très importantes, qui sont connues, ne sont pas prises en
compte aujourd’hui parce qu’elles sont trop
anciennes. Il a donné par exemple le cas d’une
jeune femme mauritanienne violée à 13 ans, qui
a vu sa mère tuée devant elle, son père battu à
mort au Sénégal ; la réponse de l’OFPRA à sa
demande d’asile fut qu’elle demandait l’amélioration de son niveau de vie économique puisque
les faits étaient « trop anciens ». Son impression
est qu’on ne guérit pas facilement de choses de
ce genre, que le traumatisme peut toujours être
64
Mr Pierre Courcelle presented his
work of the last fifteen years about
asylum rights. He spoke as an activist, who receives asylum seekers on
a daily basis. He confirmed that
among asylum seekers, there is a strong proportion of people who suffered high violence, such
as during the wars of Rwanda and Congo.
one does not cure easily from this kind of things
and that the traumatism can always be there
without being taken into account.
Mr Courcelle then noted that lately, from the
moment that the examination of every case has
been speeded up, the administrative and judicial time do no longer correspond to the medical care time. Someone explained that a file can
be examined in one month. Only someone who
has never received an asylum seeker and has
never seen a file can think this way.
“How can we speak about rehabilitation of people from this point of view? How is it possible
to speak about reconstruction, when you receive a judicial decision which finally said: you
lied and cheated?”
He indicated that within the framework of
ACAT, he receives people who do not come from
reception centres, but are hosted by friends,
family etc. He underlined that the first thing to
do is to listen to them, because as they say, the
interview with the OFPRA does not give them
the opportunity to really be heard. He noticed
that in the OFPRA there is a series of predefined
questions to which the applicant answers but In conclusion, he underlined the waiting and
that the applicant does not really have the op- detention zones, the permanent threat of being
sent back to the borders, of which many are
portunity to speak according to his own will.
dangerous, and he wondered about the instrucReferring to the administrative procedure, he tions given to the police officers in charge of
insisted on the result-oriented culture, giving taking the asylum seekers away.
the example of a young officer of protection “Are we not practising ourselves torture in a
who quitted after he was told that he would be Kafkaian way?”, he wondered.
judged on the number of finished cases.
Dr Duterte added that speaking about cure of
Mr Courcelle expressed his opinion that the ap- torture is a nonsense, because one is never
plicants are better listened to at the National cured in a medical way: one can never return to
Court of the Asylum Right (CNDA), when repre- the previous state. One can be strengthened but
sented by a good lawyer. He explained that not be cured. The torture is such a destructive
ACAT gives the floor to them and afterwards mechanism that one can never be cured from it.
help them to make a narration as coherent as
possible, to prepare the interview with the OFPRA or with the Commission. It is thus shocking
that they are not listened to.
He then stated that the second issue against
which he has fought for a long time in vain is
that some known and very strong violent facts
are not taken into account today because they
are “too old”. He gave as an example a Mauritanian young lady, raped when she was 13, who
saw her mother killed and her father beaten to
death in Senegal. She received a negative answer from the OFPRA on the opinion that she
seemed to seek only an improvement of her
economic standard of living, since the traumatic
events were “too old”. His impression is that
65
Maître Danielle Mérian a pris ensuite la parole, disant qu’elle avait
considéré comme « une colle » la question sur
« quel pare-feu peut-on instaurer afin d’empêcher des gouvernements pervers de détourner
l’instrument d’un processus de reconnaissance
précoce de victimes de torture ? » Elle ne voit
pas comment on pourrait empêcher ça, mais
elle a indiqué qu’elle sait comment la société
civile doit agir.
« …personnes travaillant dans les centres d’hébergement ont reçu une formation appropriée
et sont tenues au secret » : la formation est
décrite comme antérieure au travail ; la confidentialité : le travailleur devrait expliquer ce
qu’est le secret professionnel.
Elle a insisté sur la transposition non réussie en
droit français : pas de document d’information,
pas d’avantage, pas d’évaluation individuelle,
pas de soin. Elle a indiqué que c’est aux associaEn tant que citoyens européens, nous avons à tions de militer pour l’application effective de
exiger de nos gouvernements qu’ils appliquent la directive.
la directive actuellement sous-appliquée puisque la transposition en droit interne français est En France les rares centres de santé doivent
quasi inexistante. Elle a ensuite cité des passa- être subventionnés par l’Etat.
ges de la directive Accueil, qui établit des normes minimales, des principes généraux qui mo- Se référant à la reconnaissance précoce, elle a
tivent les dispositions particulières : il s’agit parlé d’une double finalité : soigner rapidement
pour les Etats de devoir « mettre en place un et établir un certificat médical, mais le quesespace de liberté, de sécurité et de justice (…) tionnaire/liste d’observation n’a pas pour finali[et] maintenir le principe de non refoulement té le diagnostic. Il devrait être utilisé par toutes
les personnes aux contacts des demandeurs d’a(…) ».
Ces normes impliquent de dispenser des soins sile (avocats, militants, travailleurs sociaux
aux victimes et de dispenser l’asile à des per- etc.) pour que les personnes en grande souffransonnes qui relèvent du statut de réfugiés politi- ce soient redirigées vers des centres de santé.
ques même s’ils n’ont pas vécu la torture physi- Ce questionnaire ne devrait jamais été utilisé
que, comme par exemple les journalistes, ou par les forces de police pour faire un tri entre
tout autre personne ne pouvant pas exercer son ceux qui ont été torturés physiquement et ceux
qui ont été menacés et seraient rejetés dans
métier dans des conditions normales.
des avions.
Elle a parlé des dispositions générales :
« les Etats membres informent les demandeurs
d’asile des avantages dont ils peuvent bénéficier (…) y compris des soins médicaux (…) [Les
demandeurs doivent] recevoir ces informations
dans une langue qu’ils connaissent de façon suffisante ». Des efforts sont à faire dans les langues !
A propos des « conditions matérielles et de
soins » : on oublie que la garantie de soins particuliers aux personnes vulnérables s’applique aux
personnes placées en rétention :
« …accordent une attention particulière à la
prévention de la violence dans les centres d’hébergement » : des patients du Dr Duterte racontent avoir des crises de violence inexpliquées.
66
Maitre Danielle Mérian then took
the floor. She explained that she
had been quite puzzled by the asked question:
“Which measures should be established in order
to prevent governments from misusing the process of early recognition of torture victims?”
She does not see how we could prevent that,
but she indicated that she knows in which way
civil society has to act.
As European citizens, we have to demand that
our governments apply the current directives
(e.g. the transposition in French law is nearly
non-existent). She then quoted parts of the
“Reception” directive, which establishes minimum standards and general principles motivating specific arrangements: States have to “set
up a space of freedom, security and justice (…)
[and] maintain the principle of not sending back
(…)”.
These standards imply to provide medical care
to victims and the grant of asylum to political
refugees, even if they did not suffer from physical torture, such as journalists or other persons
who can not exercise their profession in normal
conditions.
She insisted on the unsuccessful transposition in
French law: no information document, no advantage, no individual evaluation, no care. She
indicated that NGOs need to militate for the
proper application of the directive.
In France, the very few specialised health centres must be subsidized by the State.
Referring to the early recognition, she spoke
about a double objective: to take in care
quickly and to establish a medical certificate,
but this questionnaire/checklist can not lead to
a diagnosis. It should be used by all persons in
contact with asylum seekers (lawyers, social
workers, activists etc.) so that persons in heavy
sufferings are redirected towards health care
centres. This document should never be used by
police forces to sort those who were physically
tortured from those who were threatened and
would thus be thrown back to airplanes.
She spoke about general arrangements:
“member States inform asylum seekers on the
advantages they are entitled to (…) including
medical care (…) [The asylum seekers may] receive this information in a language which they
sufficiently understand”.
Efforts should be made concerning languages !
About the “material and care conditions ”: we
forget that the guarantee of particular care to
vulnerable persons applies to persons placed in
custody.
“(…) pay attention to the prevention of violence in reception centres”: some patients of Dr
Duterte describe unexplained violence crises.
“Persons working in reception centres received
an appropriate training and are held by professional secret”: in the directive, it is clear that
training must be given before working.
About confidentiality: the social worker should
explain what professional secret is.
67
Mme Monique Végéga fut le dernier orateur de la conférence. Elle
a abordé le thème sous un autre angle : les implications d’une non reconnaissance des victimes de torture. Elle a pris l’exemple de sa région, la Picardie, où elle intervient depuis vingt
ans. Assistante sociale de formation, elle a indiqué que les CADA œuvrent dans un cadre de
plus en plus restreint, dans un Etat pas toujours
respectueux des droits humains, et qui met davantage l’accent sur la gestion des sorties des
CADA que sur la qualité de l’accompagnement.
On sait à peu près ce qu’il faut faire auprès des
demandeurs d’asile dans le département
(multiplication des places en CADA, organisation
de plates-formes d’arrivée pour les primoarrivants durant les « années fastes », mise en
place d’actions permettant le suivi médicopsychologique des demandeurs d’asile).
Elle a expliqué sa collaboration avec Parcours
d’Exil, quand plusieurs thérapeutes de l’association intervenaient auprès des demandeurs d’asile accompagnés dans le cadre de la plateforme.
Même si le système restait à améliorer, les soutiens proposés étaient complémentaires : les
travailleurs sociaux avaient en charge l’accompagnement « du quotidien » (recherche de solution d’hébergement, réponses aux besoins de
première nécessité, accès aux soins...) et l’aide
(proposée) à la constitution du dossier de demande d’asile, tandis que les thérapeutes traitaient le traumatisme ; chaque personne accueillie recevait un soutien adapté. Chaque intervenant avait une vision claire de sa mission
et le demandeur d’asile était écouté dans des
espaces distincts de parole et d’écoute, ce qui
faisait qu’il y avait moins de « faux déboutés ».
Le dispositif national d’accueil a été régionalisé
en 2008. Ainsi en Picardie le choix a été fait par
le préfet de région de maintenir la plateforme
d’accueil des primo-arrivants de Beauvais et de
fermer celle d’Amiens, sans coordination ni organisation préalable, sans moyen pour combler
les besoins qui ont émergé à la suite de cette
régionalisation et qui auraient pu être anticipés.
Les primo-arrivants sont aujourd’hui accueillis
dans un seul département, l’Oise, où ils doivent
exprimer leur demande d’asile auprès des services préfectoraux. La mission confiée à la plate-
forme d’accueil ne concerne que l’orientation
des demandeurs d’asile vers les CADA. Aucun
moyen n’est mis en place en ce qui concerne le
suivi thérapeutique.
Faisant référence aux propos du Dr Duterte, elle
remarque que s’il est effectivement nécessaire
de repérer les victimes de torture, afin de leur
proposer un soutien adapté, on constate que le
dispositif actuel ne permet même pas d’offrir
aux demandeurs d’asile, en amont de l’accueil
en CADA, la satisfaction de leurs besoins vitaux
ou un accompagnement adapté. Cette reconnaissance devrait maintenant être faite dès l’arrivée en CADA. Elle a ajouté que les CADA œuvrent eux-mêmes dans un cadre juridique de
plus en plus contraignant.
Une circulaire en date du 24/07/08 émanant du
ministère de l’Immigration refixe les missions
des CADA et leur donne obligation de signer une
nouvelle convention d’objectifs et de moyens.
La question se pose au sein de certaines associations gestionnaires de CADA de savoir si l’on accepte ou pas d’être conventionné avec l’Etat
pour entrer dans le dispositif existant. La FNARS
a mené une réflexion autour de cette convention et a attiré l’attention des gestionnaires de
CADA sur l’impact que peut avoir la signature
d’une telle convention qui apparaît, à plusieurs
égards, critiquable. Mme Végéga a ensuite évoqué la précarisation du système actuel. La circulaire met l’accent sur la gestion de la sortie :
le respect du droit d’asile ne semble plus être la
priorité ; il est surtout demandé de gérer la sortie dans les délais (toute personne déboutée de
sa demande d'asile doit quitter le CADA un mois
après la réception de la décision). L’Etat préconise de faire sortir les personnes vers
le dispositif d’hébergement d'urgence classique
lequel n’a pas les moyens de les héberger.
Elle a conclu que la question n’est pas de savoir
comment on devrait fonctionner. Les gestionnaires connaissent les limites de leur personnel
et la nécessité de travailler en lien étroit avec
des associations spécialisées et de mettre en
place de véritables espaces de parole. Il s’agit
plutôt de savoir quels moyens on a de lutter
contre la volonté affichée par l’Etat de traiter
les choses au plus vite sans prendre en compte
les réels besoins des populations.
68
Mrs Monique Végéga was the last
speaker of the conference. She
spoke about the subject from a different point
of view : the implications of a NON recognition
of torture victims.
She took the example of her own region,
Picardy, where she has been working as social
worker for twenty years.
hosting platform is reduced to orientation of
asylum seekers towards the reception centres.
No mean exists for the therapeutic follow-up.
Referring to Dr Duterte’s comments, evoking the
necessity of identifying victims, she noticed that
we are currently in a context where asylum
seekers do not receive appropriate support and
can not fulfil their vital needs before their enShe indicated that reception centres work in trance in a reception centre. Recognition should
more and more binding conditions, in a country thus be made at the arrival in a reception cenwhich does not always respect human rights, tre.
which emphasizes the management of the exit
of the centre more than the quality of the sup- She added that the reception centres are themport. It is generally known what is necessary to selves working within an increasingly conbe done regarding asylum seekers in the region strained legal framework. A circular of 24 July
(e.g. multiplication of places in CADA, arrival 2008 from the ministry of Immigration redefines
platforms for new-comers in the “luxurious the missions of the reception centres and
years”, implementation of actions allowing a obliges them to sign a new convention of objecmedical and psychological follow up of asylum tives and means. The question is raised today
within some organisations if one accepts or not
seekers).
Mrs Végéga explained her collaboration with to be officially in contract with the State in orParcours d’Exil when several therapists of the der to enter or not the existing plan. The FNARS
organisation were called in the structure she has examined this issue and drew the attention
was in charge of. Even though the system could of reception centres managers about the impact
still be improved, the proposed support was of signing such a convention, which appears, in
complementary: social workers were in charge several cases, criticisable.
of the “everyday support” (research of housing, Mrs Végéga then evoked the loss of stability of
first necessities, access to medical care…) and the current system. The circular emphasizes the
the support (proposed) for the constitution of management of the exit. The respect of the asythe asylum request file, while the therapists lum right is no longer the priority. It is espetreated traumatism. In this way, everyone re- cially requested to manage the exit within the
ceived an appropriate support. Each profes- time set (every person whose application has
sional had a clear vision of his mission and the been rejected has to leave the reception centre
asylum seeker was listened to in separate within one month after being notified of the
spaces for speech and active listening. As a re- decision). This means that the State requests to
sult, there were less false rejections of applica- redirect people towards the classic accommodation system, which is unable to accommodate
tions.
The national hosting plan was divided on a re- them.
gional basis in 2008. Thus, in Picardy, the choice
was made by the region prefect to maintain the To conclude, she stated that the question is not
Beauvais platform (hosting of newcomers) and to know how one should function. Managers are
closed the one in Amiens, without previous co- aware of the limits of their staff and of the
ordination nor organisation, without the settle- need for working together with specialized orment of any fund to compensate the evolving ganisations. It is rather a question of knowing
needs following this regionalisation. Newcomers which means one disposes in order to fight
are today welcomed in a single department, against the State’s will to deal with things as
Oise, where they have to present their asylum quickly as possible, without taking into account
request to the prefecture. The mandate of the the real needs of the populations.
69
dification des personnes qui se ferment pour se
protéger.
DEBAT
M. Ottet (défense juridique de requérants d’asile à l’aéroport de Genève) a exposé la procédure mise en place en Suisse. C’est une procédure
très rapide qui demande une décision de première instance en vingt jours et donne cinq
jours pour les recours. Il se demandait que faiton dans ces conditions pour la détection précoce des cas de torture ? Afin d’expliquer que les
victimes ne peuvent pas présenter leur situation
dans ce type de procédure, il a donné deux
exemples : en premier, celui d’une femme nigériane forcée de se marier à 15 ans, violée par
son « mari », ayant fait une fausse couche après
avoir essayé de s’enfuir ; son mari lui avait coupé un doigt en punition. Ensuite, l’histoire d’une femme de Congo Brazzaville, ayant vu son
enfant tué devant elle. Les juristes doivent la
faire parler, sans attendre. Elle doit avoir une
deuxième audition durant laquelle sa demande
sera rejetée à cause des contradictions. Que
fait-on dans ce genre de situation avec ces personnes ?
M. Ottet a proposé de déclarer fermement dans
les conclusions que ce type de procédure sommaire ne convient pas, quand on détecte la présence de traces de torture et de traumatisme,
et qu’il faut vraiment dénoncer ce genre de procédures aux frontières.
Après le commentaire de Mme de Rengervé que
ces propos correspondent aussi aux indications
des juristes néerlandais, M. Nicolas (CADA Caen)
a rappelé la circulaire du 24/07/2008, où l’accompagnement des personnes vulnérables est
précisé, ainsi que la formation des personnels,
même si les moyens ne sont pas accordés pour
le moment.
Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a ajouté que les
personnes qui reçoivent les récits sont aussi vulnérables. A chaque supervision depuis dix ans,
on retrouve une souffrance majeure du personnel, qui impacte le travail des travailleurs sociaux et de tout intervenant des CADA. Le turnover s’accélère. Il est difficile d’aider quand
on est obligé de faire sortir les personnes à terme. Il ne faut donc pas perdre de vue le besoin
d’aide du personnel, pour éviter le turnover des
personnes trop sensibles qui partent, et la rigi-
Mme Végéga (FNARS Picardie) a ajouté que la
circulaire prévoit l’hébergement décent mais
qu’il faut lutter pour ne pas accueillir des personnes isolées dans des appartements prévus
pour l’accueil de famille (et n’offrant donc pas
de garantie aux personnes accueillies du respect
de leur intimité par exemple). Les dotations de
financement sont trop limitées, souvent en dessous des moyens nécessaires au fonctionnement
minimal. Les CADA sont en situation budgétaire
précarisée et les travailleurs sociaux qui y interviennent souffrent des contradictions entre leur
propre éthique, les missions des CADA telles
qu’elles ont été réaffirmées, et la façon dont il
leur demandé de les mettre en œuvre. La difficulté pour assurer l’accompagnement de la précarité est donc augmentée par la précarisation
des structures elles-mêmes.
M. Sfar (ADATE) a indiqué sur la question de
l’accompagnement dans la santé, la circulaire
de 2008 dit qu’une circulaire spécifique est en
cours. Les établissements doivent donc se mobiliser pour un travail en amont afin que la circulaire à sortir ne soit pas restrictive et n’impose
pas sans donner les moyens. Un état des lieux
de la santé dans les CADA doit être fait avant la
sortie de ladite circulaire. Pour cela, il faut travailler en réseau.
Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a ajouté que cet
objet a été très clairement défini par M. Guardiola (ministère de l’Immigration), M. Panloup
(ministère de l’Intérieur) et Mme Messariti
(Commission européenne) qui souhaitent bien
travailler en réseau.
« Ils ont demandé des propositions ; travaillonsy cet après-midi et envoyons-les. J’ai entendu
les trois ministères présents dire « faites des
propositions, on est prêt à entendre ». Pourquoi
ne pas y croire ? »
Concluant, le Dr Duterte a cité qu’il a toujours
travaillé en relation correcte avec l’OFPRA et
qu’il n’a jamais eu à s’en plaindre.
« On peut se plaindre mais on peut aussi faire
des propositions. Des portes se sont ouvertes,
entrons. »
70
DEBATE
Mr Ottet (legal defence of asylum applicants at
the airport of Geneva) explained the procedure
in Switzerland: a very fast procedure which asks
for a first decision in twenty days and gives five
days for appeals. He asked what is possible in
such cases to detect torture.
In order to explain why victims can not expose
their situation in such quick procedures, he gave
two examples: the first one was the story of a
Nigerian woman forced to get married when she
was 15, raped by her “husband”, having miscarried after having tried to flee; her husband cut
one of her fingers as punishment. The second
example is the story of a woman of Congo Brazzaville who had seen her child killed in front of
her. The lawyers have to make her speak, without waiting. She will have a second hearing during which her request will be rejected because
of contradictions. What can one do in this kind
of situation?
Mr Ottet suggested to firmly declare in the conclusions that this type of accelerated procedure
is inappropriate, when we detect traces of torture and traumatism. It is necessary to denounce this kind of procedures taking place at
the borders.
Mrs Végéga (FNARS Picardy) added that the circular plans for decent housing but that it is necessary to fight in order not to accommodate isolated people in apartments for families (thus
not providing guarantee for the respect of intimacy for example).
The budgetary decrees are very limited, often
below necessary funds for minimum functioning.
The reception centres financial situation is becoming worse and social workers suffer from
contradictions between their own ethics, the
redefined reception centre mandate and the
way they are requested to implement this mandate. The difficulty of supporting precariousness
is thus increased by the precariousness of the
structures themselves.
Mr Sfar (ADATE) indicated that on the issue of
health support, the 2008 circular indicates that
a specific circular is ongoing. All establishments
must be mobilized towards an upstream work so
that the new circular will not be restrictive and
will not impose without giving the appropriate
resources. An health inventory in the CADA must
be made before the publication of the new circular. For that, there is a need for networking.
Dr Duterte (Parcours d’Exil) added that Mr Guardiola (ministry of Immigration), Mr Panloup
(ministry for the Interior) and Mrs Messariti
(European Commission) clearly express that they
wish to work within a network.
They asked for proposals; let us work this afternoon and send them. I heard the present three
ministries saying “make proposals; we are ready
Dr Duterte (Parcours d’Exil) added that people to hear”. Why not believe in it?”
who hear the stories are also vulnerable. Since
ten years, in every supervision, we can notice a Concluding, Dr Duterte stated that he has almajor suffering of staff which impacts the work ways collaborated with OFPRA and he never had
of social workers or other professionals within a to complain.
reception centre. The turnover accelerates. It is “One can complain but one can also make prodifficult to help people when the final obliga- posals. Doors are open, let us enter.”
tion is to make them leave from the structure.
Thus, we should not omit the staff’s need for
assistance, in order to avoid turnover of sensitive people who quit and the hardening of those
who lock themselves for self protection.
After Mrs de Rengervé’s comment that these
remarks correspond to the indications of the
Dutch lawyers, Mr Nicolas (CADA Caen) recalled
the circular of 24/07/2008, where support of
vulnerable people is specified, as well as staff
training, even if means are not granted for the
moment.
71
Conclusions et Recommandations
A
U début de cette dernière séance, le projet de texte de recommandations, à débattre par
les participants afin d’être adopté à l’issue de la conférence, a été distribué en français par le
comité de rédaction (Laetitia de Radigues – IRCT ; Hélène de Rengervé - Parcours d’Exil ; Camélia
Doru - ICAR ; Dr Pierre Duterte – Parcours d’Exil ; Sandrine Scardigli – Parcours d’Exil ; Yiannis Vacondios – Parcours d’Exil ; Erick Vloeberghs – Pharos).
Le texte était basé sur les exposés et les débats de la conférence et proposait des références aux
directives européennes et aux textes internationaux, des constats et des propositions pour l’établissement d’un processus de reconnaissance précoce systématique des victimes de torture.
Il a été clarifié que ce texte n’engageait que les participants de cette conférence à titre personnel mais qu’il serait ouvert à tous, afin que des associations ou des individus puissent s’associer.
Suite aux invitations à propositions de la part de la Commission européenne et des instances françaises, le texte (qui ne propose pas un diagnostic médical) sera transmis aux institutions européennes ainsi qu’aux ministères compétents de l’Union européenne (voir pages 142-157 – Recommandations pour le texte adopté).
Le texte a été travaillé paragraphe par paragraphe par l’ensemble des participants.
L’accent a été mis sur la référence aux conventions internationales ainsi qu’à la définition et citation du « syndrome de stress post-traumatique » et des « troubles psychologiques ». Le sujet de la
formation a été longuement discuté, évoquant le problème de communication des patients.
En ce qui concerne la terminologie utilisée pour le processus de reconnaissance précoce des victimes de torture, le terme « questionnaire » n’a pas été accepté et a été remplacé par « liste d’observation » (checklist). Le terme « protocole » a également été remplacé par « processus ».
La cartographie des services de soins au sein d’un pays a été également mise en valeur ainsi que
l’utilisation du certificat médical.
Suite à l’adoption du texte des recommandations, le Dr Pierre Duterte, médecin directeur de Parcours d’Exil, a clôturé la séance, en remerciant les participants et l’équipe organisatrice de Parcours d’Exil.
72
Conclusions and Recommendations
A
T the beginning of the last session, the drafting committee (Laetitia de Radigues – IRCT;
Hélène De Rengervé - Parcours d’Exil; Camélia Doru - ICAR; Pierre Duterte – Parcours d’Exil; Sandrine Scardigli – Parcours d’Exil; Yiannis Vacondios – Parcours d’Exil; Erick Vloeberghs – Pharos)
distributed a draft text of recommendations, to be discussed by all participants in order to be
adopted.
The text, distributed in French, was based on the speeches and debates of the conference.
It referred to the European directives and international texts and recommended the establishment
of a process for the early recognition of torture victims.
It was clarified that this text would be adopted by the participants acting in their personal capacity, but would be opened to everyone, so that associations or individuals can join later on.
Following the call for proposals on behalf of the European Commission and the French authorities,
the text (which does not propose a medical diagnosis) will be forwarded to the European institutions as well as the responsible ministries of the European Union (see pages 145—157 - Recommendations).
The text was studied paragraph by paragraph by all the participants. Emphasis was made to international conventions as well as the definition of the “post-traumatic stress syndrome” and of
“psychological disorders”. The issue of training was seriously discussed, indicating the communication problem of patients.
Regarding the terminology used for the process of early recognition of torture victims, the word
“questionnaire” was not accepted and was replaced by “checklist”.
The term “protocol” was also replaced by “process”. The mapping of medical care services within
a country was also underlined, as well as the use of a medical certificate.
Following the adoption of the recommendations, Dr Pierre Duterte, medical director of Parcours
d’Exil concluded the meeting by thanking participants and the organizing committee of Parcours
d’Exil.
73
Partie II
Texte des recommandations
adopté le 29 octobre par l’assemblée
74
Part II
Recommendation adopted
by the assembly on 29th of October
75
Recommandations finales de la conférence
« Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? »
28-29/10/2008
Nous les représentants des organisations non gouvernementales, fondations, centres
d’accueil des demandeurs d’asile, réseaux académiques, centres de réhabilitation des
victimes de torture, cabinets d’avocats ;
Venant d’Arménie, Belgique, Bosnie Herzégovine, Chypre, Danemark, France, Hongrie,
Pays-Bas, Roumanie, Suisse ;
Participant à la conférence européenne :
« Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? »
organisée par l’association Parcours d’Exil à Paris les 28 et 29 octobre 2008 dans le cadre
de la présidence française de l’Union européenne ;
Rappelant que la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies, qui
fête cette année son soixantième anniversaire, stipule que nul ne doit être soumis à la
torture ;
Considérant que la torture consiste à infliger intentionnellement et systématiquement
des douleurs ou des souffrances physiques ou psychiques qui peuvent générer des troubles somatiques et psychologiques habitant la victime longtemps après les sévices subis ;
Se référant :
à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants,
au Protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture (OPCAT),
à la Convention internationale des droits de l’Enfant,
à la Convention relative au statut des réfugiés,
à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation
de la prostitution d’autrui,
à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre,
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales,
à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
Requérant l’application de la législation européenne existante, trop peu transposée dans
les législations internes, et plus particulièrement :
Directive Accueil (2003/9/EC, 27 janvier 2003) : articles 15,17, 20 & 25 et 14(5) sur la
confidentialité,
Directive Qualification (2004/83/EC, 29 avril 2004) : articles 4(3) & 4(4), 15 & 29,
Directive Procédure (2005/85/EC, 1er décembre 2005) : articles 12(3), 13(3) ;
Se référant aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme qui dit le droit (cf.
affaire Saadi c. Italie, 28/02/2008) ;
76
Final recommendations of European conference
“Torture victims: which recognition(s) in Europe?”
October 28th & 29th 2008
We the representatives of non-governmental organizations, foundations, reception centres for asylum seekers, academic networks, torture victims rehabilitation centres, law
firms;
Coming from Armenia, Belgium, Bosnia Herzegovina, Cyprus, Denmark, France, Hungary,
Netherlands, Romania and Switzerland;
Participating in the European conference:
"Torture victims: which recognition(s) in Europe?"
organized by the organisation Parcours d’Exil in Paris, on October 28th and 29th 2008
within the framework of the French presidency of the European Union;
Reminding that the United Nations Universal Declaration of Human Rights, which celebrates this year its sixtieth anniversary, stipulates that nobody must be subjected to torture;
Considering that torture consists in deliberately and systematically imposing pain or
physical or psychological suffering, which can generate somatic and psychological disorders affecting the victim long after the infliction of ill treatment;
Referring to:
the United Nations Convention Against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment;
the Optional Protocol to the Convention Against Torture (OPCAT);
the International Convention on the Rights of the Child;
the Convention relative to the status of the refugees;
the UN Convention for the Suppression of the Traffic in Persons and of the Exploitation of the Prostitution of others;
the Geneva Convention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War;
the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms;
the European Convention for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading
Treatment or Punishment;
Requiring the implementation of the existing European legislation insufficiently transposed into the national legislations, and more particularly:
The “Reception Directive” (2003/9/EC, January 27 th 2003): articles 15, 17, 20 &
25 and 14(5) on confidentiality,
The “Qualification Directive” (2004/83/EC, April 29th 2004): articles 4(3) & 4(4), 15
& 29,
The “Procedure Directive” (2005/85/EC, December 1st 2005): articles 12(3), 13(3);
Referring to decisions of the European Court of Human Rights establishing case law (affair
Saadi vs Italy, in 28/02/2008);
77
Se référant au protocole d'Istanbul, manuel pour enquêter efficacement sur la torture et
autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ;
Se référant à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes
de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir de 1985, et aux Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violation du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire adopté par la commission des droits de l’Homme des Nations unies en 2000, recommandant une indemnisation des victimes comme élément clé du processus de reconstruction ;
Se référant au récent pacte européen sur l’immigration adopté par le Conseil européen
les 15 et 16 octobre 2008 et plus particulièrement à l’engagement 4 : « Bâtir une Europe
de l’asile » et rappelant le principe de non refoulement ;
Constatant qu’il y a 12 millions de réfugiés dans le monde en 2007 (estimation HCR) et 26
millions de personnes déplacées internes ;
Conscients qu’un pourcentage conséquent des demandeurs d’asile souffrent de troubles
somatiques et/ou psychologiques ;
Conscients de l’influence des séquelles de la torture sur les capacités d’insertion ;
Considérant que les Etats sont responsables de la protection et des soins des personnes
vulnérables, qu’ils doivent financer ;
Considérant que les personnes vulnérables ne devraient pas être placées en détention vu
les effets pathogènes de celle-ci ;
Constatant que le délai court d’examen des demandes d’asiles imposé par certains pays
est contraire aux intérêts des personnes vulnérables ;
Après avoir fait un état des lieux de la prise en charge des victimes de torture en Europe,
indépendamment de leur origine ;
En réponse aux invitations des institutions européennes et françaises à être force de proposition notamment dans le cadre des débats concernant l’établissement d’une politique
européenne commune d’asile ;
Dans le but d’établir une reconnaissance de la souffrance des survivants de la torture et
une reconnaissance juridique de leur statut qui sont des composantes de leur réparation
(juridique, psychique, morale, sociale, réhabilitation médicale, etc.) ;
Recommandons que soit établi un processus de reconnaissance précoce systématique
des victimes de torture.
78
Referring to the Protocol of Istanbul: manual to effectively investigate into torture and
other punishments or inhuman, degrading or cruel treatments;
Referring to the UN Declaration of Basic Principles of Justice for Victims of Crime and
Abuse of Power of 1985, and to the fundamental principles and directives concerning the
right for appeal and for repair of victims of violation of international law in relation with
Human Rights and of the humanitarian international Right adopted by the Commission of
Human Rights of the United Nations in 2000, recommending a compensation of victims as
a key element of the process of reconstruction;
Referring to the recent European pact on immigration, adopted by the European Council
on October 15th and 16th 2008 and particularly to the commitment 4: "Building a Europe
of asylum" and reminding the principle of non-refoulement;
Noticing that there are 12 million refugees in the world in 2007 (HCR estimation) and 26
million internally displaced persons;
Conscious that a large percentage of asylum seekers suffer from somatic and/or psychological disorders;
Conscious of the influence of the after-effects of torture on the capacities of insertion;
Considering that States are responsible for the protection and the care of vulnerable persons, which they are obliged to finance;
Considering that vulnerable persons should not be placed in detention, taking into consideration its pathogenic effects;
Noticing that the short delay of examination of the asylum requests, imposed by certain
countries, is against the interests of vulnerable persons;
Following the overview of the care systems for torture victims in Europe, independently
of their origin;
Answering the invitations of the European and French institutions to make proposals, notably within the framework of the debates concerning the establishment of a European
Common Asylum Policy;
Aiming to establish a recognition of the suffering of torture survivors and a legal recognition of their status, which are constituents of their reparation (legal, psychic, moral, social, medical rehabilitation, etc.);
Recommend the establishment of a process of systematic early recognition of torture
victims.
79
Ce processus consiste en 2 étapes préalables :
1. Organiser une formation systématique pour tous les intervenants en lien avec les
personnes potentiellement victimes de torture (officiers de protection et membres des
instances d’appel, médecins, psychologues, employés du bureau d’appui européen, avocats, juges, travailleurs sociaux, éducateurs, enseignants, policiers, gendarmes, officiers
aux frontières, associations des droits de l’Homme, associations de victimes, mandataires
juridiques, interprètes, etc.) sur la nature spécifique des symptômes engendrés par la
torture, ses conséquences médico-psychologiques sur les victimes et notamment sur leurs
difficultés à verbaliser leur vécu ;
Directives Accueil 24(1) & Procédure 13(3a) ;
2. Etablir, en accord avec les parties prenantes, une liste simple d’observations à base de critères permettant d’identifier des personnes vulnérables ;
Cette liste d’observations sera diffusée auprès des intervenants en contact avec les personnes potentiellement victimes de torture afin qu’ils l’utilisent dès que possible (un
temps nécessaire à l’établissement d’un lien de confiance étant établi) pour déterminer
leur vulnérabilité potentielle.
Directive Accueil 17(2) ;
ATTENTION
La liste d’observation ne doit être utilisée à la frontière que pour éviter qu’une procédure accélérée ne soit imposée à un survivant de la torture.
Elle ne peut servir au refus d’entrée sur le territoire ou au refus du dépôt d’une demande d’asile. Aucun diagnostic médical ne peut être posé en conclusion de cette liste d’observations.
Et 3 étapes ultérieures :
Dès lors que la liste d’observations identifie une personne vulnérable :
1. Alerter, selon une procédure déterminée, les autorités responsables afin que cette
vulnérabilité soit prise en compte et que la procédure d’examen de la demande d’asile
soit adaptée, sans préjuger de la finalité de la demande d’asile ;
Directive Procédure 12(3) & 13(3) ; Protocole d’Istanbul § 9, 135, 142, 143, 161,164, 263,
270
2. Orienter rapidement la personne vers un centre de soins spécialisé
Directive Accueil 15, 17 & 20 ; Directive Qualification 29 ; Protocole d’Istanbul § 94
3. Une cartographie des services de soins spécialisés doit être établie pour confronter
les besoins aux capacités réelles de soins sur le territoire national dans le but d’établir
au niveau local des services de soins dédiés fonctionnant avec du personnel formé aux
problématiques de la prise en soins des victimes de torture ;
Rédaction d’un certificat médical aux fins d’évaluer les séquelles physiques et/ou
psychologiques :
A la demande du patient ou de son mandataire légal, par le thérapeute qui le suit ou un
médecin de son choix,
A la demande des autorités, par un expert indépendant des autorités et extérieur au
processus thérapeutique.
Directives Accueil 17(2) et Procédure 12(3) ; Protocole d’Istanbul § 122
80
This process consists of two preliminary stages:
1. Organize systematic training for all persons working with torture victims (protection
officers and members of the appeal authorities, doctors, psychologists, employees of the
European support office, lawyers, judges, social workers, teachers, police officers, border officers, Human Rights organisations, organisations of victims, legal agents, interpreters, etc) on the specific nature of the symptoms generated by torture, its medicopsychological consequences on the victims and in particular on their difficulties to tell
their personal history ;
Directives Reception 24 (1) & Procedure 13 (3a);
2. Establish, in agreement with the stakeholders, a simple checklist based on criteria
allowing the identification of vulnerable people;
This checklist will be disseminated to persons in contact with potential torture victims so
that they may use it at the earliest possible time (after the time necessary to establish a
trust link) in order to determine their potential vulnerability.
Directive Reception 17 (2).
ATTENTION
The checklist should not be used at the border other than to prevent an accelerated procedure from being imposed on a torture survivor.
It can not be used to refuse entry into the territory or to refuse the deposit of an asylum request. No medical diagnosis can derive from this checklist.
And 3 later stages:
Following the identification of a vulnerable person:
1. Alert, according to a determined procedure, responsible authorities so that this
vulnerability is taken into account and that the examination procedure of the asylum request is adapted, without prejudging the result of the request;
Directive Procedure 12 (3) & 13 (3); Istanbul Protocol § 9,135,142,143,161,164,263,270
2. Quickly direct the person towards a specialized health care centre.
Directive Reception 15, 17 & 20; directive Qualification 29; Istanbul Protocol § 94
A mapping of specialized care services must be established in order to confront the
needs with the real care capacities on the national territory, aiming to establish targeted
care services at local level, functioning with staff trained on the subject of care for torture victims;
3. Drafting a medical certificate in order to evaluate the physical and/or psychological
after-effects:
At the patient’s or his/her legal representative’s request, by the therapist who follows
him/her or a doctor of his choice;
At the request of the authorities, by an independent expert, external to the therapeutic
process.
Directives Reception 17 (2) and Procedure 12 (3); Istanbul Protocol § 122
81
Pour mémoire :
Définition de la torture
Selon l’article premier de la Convention internationale contre la torture :
« Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte par lequel
une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne
des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a
commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou
d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé
sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles
souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. »
Protocole d’Istanbul
Protocole d’Istanbul : Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Istanbul, Haut Commissariat des Nations
unies aux droits de l’Homme (1999).
Définition de la torture, §.234.
« [La torture] a pour objet et pour effet de réduire la victime à un état de détresse et
d’impuissance extrêmes pouvant aboutir à une détérioration des fonctions cognitives,
émotionnelles et comportementales. Autrement dit, la torture constitue essentiellement
une agression contre les structures psychologiques et sociales fondamentales de l’individu. Elle vise à briser non seulement l’intégrité physique de la victime, mais aussi sa personnalité. […] En déshumanisant sa victime et en brisant sa volonté, il pervertit gravement les relations futures qui s’établiront entre la victime et son entourage. C’est ainsi
que la torture peut, par contrecoup, miner le fonctionnement et la cohésion de communautés tout entières. »
§.92 :
« L’enquêteur devrait […] ménager suffisamment de temps pour l’entretien. Il ne faut
pas s’attendre à recueillir un témoignage complet dès la première entrevue. »
§.93 :
« La victime présumée [devrait] pouvoir recourir aux services de psychologues ou de personnes spécialisées dan le travail avec les victimes de la torture. »
§.121 :
« Le témoignage oral ou écrit du médecin sert à fournir un avis autorisé sur la mesure
dans laquelle les observations médicales corroborent les allégations de mauvais traitements formulées par le patient et à transmettre au pouvoir judiciaire ou autre autorité
compétente les observations et appréciations du médecin […] »
82
For information:
Definition of « torture »
According to the first article of the UN Convention against torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment:
“For the purposes of this Convention, torture means any act by which severe pain or suffering, whether physical or mental, is intentionally inflicted on a person for such purposes as obtaining from him or a third person information or a confession, punishing him
for an act he or a third person has committed or is suspected of having committed, or
intimidating or coercing him or a third person, or for any reason based on discrimination
of any kind, when such pain or suffering is inflicted by or at the instigation of or with the
consent or acquiescence of a public official or other person acting in an official capacity.
It does not include pain or suffering arising only from, inherent in or incidental to lawful
sanctions.”
Istanbul Protocol
Istanbul Protocol : Manual on the effective investigation and documentation of torture
and other cruel inhuman or degrading treatment or punishment, Istanbul, UN. Office of
the High Commissioner for Human Rights (1999).
Definition of torture, §.234
“One of the central aims of torture is to reduce an individual to a position of extreme
helplessness and distress that can lead to a deterioration of cognitive, emotional and behavioural functions. Thus, torture is a means of attacking an individual’s fundamental
modes of psychological and social functioning. Under such circumstances, the torturer
strives not only to incapacitate physically a victim but also to disintegrate the individual’s personality. […] By dehumanizing and breaking the will of their victims, torturers
set horrific examples for those who later come in contact with the victim. In this way,
torture can break or damage the will and coherence of entire communities.”
§.92 :
“Sufficient time should be allotted to interview the alleged torture victim. Investigators
should not expect to get the full story during the first interview.”
§.93 :
“Psychological or counselling services trained in working with torture victims should be
accessible, if possible, to the alleged torture victim […]”
§.121 :
“The purpose of the written or oral testimony of the physician is to provide expert opinion on the degree to which medical findings correlate with the patient’s allegation of
abuse and to communicate effectively the physician’s medical findings and interpretations to the judiciary or other appropriate authorities. […]”
83
§.134 :
« […] La torture, notamment sexuelle, est un sujet très intime qui ne sera parfois pas
abordé avant la deuxième visite, voire plus tard encore. On ne devrait jamais forcer les
victimes à parler de la torture si elles ne se sentent pas en confiance. »
§.141 :
« […] Différentes raisons font qu’il peut s’avérer difficile d’obtenir une relation précise
d’actes de torture […] »
§.142 :
« […] Chacun de ces facteurs peut entrainer des incohérences dans le témoignage de l’intéressé […] »
§.160 :
« […] Lorsqu’il existe des preuves physiques de la torture, celles-ci apportent une confirmation importante des dites déclarations. Toutefois, l’absence de telles preuves ne devrait pas être invoqué pour nier la torture car de nombreuses formes de sévices ne laissent pas de traces et encore moins de cicatrices permanentes. »
§.163 :
« […] Si l’on veut obtenir un récit fidèle d’actes de torture, la confiance est essentielle.
Ecoute active, rigueur dans la communication, courtoisie, empathie sincère et honnêteté
sont indispensables pour gagner la confiance […] »
§.262 :
« […] Le patient doit avoir la latitude de faire des pauses, d’interrompre à tout instant
l’entretien et de partir si le stress devient insupportable avec la possibilité d’un rendezvous ultérieur. […] »
§.269 :
« […] Une femme qui a subi en prison un viol ou d’autres sévices de la part d’un homme
est davantage susceptible d’éprouver des sentiments de détresse, de méfiance et de
peur face à un évaluateur de sexe masculin. En revanche, les hommes qui ont subi des
sévices sexuels peuvent être gênés d’évoquer certains détails en présence d’une femme
[…] »
84
§.134 :
“[…] Torture, particularly sexual torture, is a very intimate subject and may not come up
before a follow-up visit or even later. Individuals should not be forced to talk about any
form of torture if they feel uncomfortable about it.”
§.141 :
“[…] Torture survivors may have difficulty recounting the specific details of the torture
for several important reasons […]”
§.142 :
“[…] Inconsistencies in a person’s story may arise from any or all of these factors. […]”
§.160 :
“[…] To the extent that physical evidence of torture exists, it provides important confirmatory evidence that a person was tortured. However, the absence of such physical evidence should not be construed to suggest that torture did not occur, since such acts of
violence against persons frequently leave no marks or permanent scars.”
§.163 :
“[…] Trust is an essential component of eliciting an accurate account of abuse. Earning
the trust of someone who has experienced torture or other forms of abuse requires active
listening, meticulous communication, courtesy and genuine empathy and honesty. […]”
§.262 :
“[…] The individual needs to be given an opportunity to request breaks, interrupt the interview at any time and be able to leave if the stress becomes intolerable, with the
option of a later appointment. […]”
§.269 :
“[…] a woman who was raped or tortured in prison by a male guard is likely to experience
more distress, mistrust and fear when facing a male evaluator than she might with a female interviewer. The opposite is true for men who have been assaulted sexually. They
may be ashamed to tell the details of their torture to a female evaluator. […]”
85
Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales
pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres : directive Accueil
[…]
« Article 15 : Soins de santé
1. Les États membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des
maladies.
2. Les États membres fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers. »
DISPOSITIONS CONCERNANT LES PERSONNES AYANT DES BESOINS PARTICULIERS
« Article 17 : Principe général
1. Dans la législation nationale transposant les dispositions du chapitre II relatives aux
conditions matérielles d'accueil et aux soins de santé, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les
parents isolés accompagnés de mineurs et les personnes qui ont subi des tortures, des
viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique qu'aux personnes dont les besoins particuliers ont été
constatés après une évaluation individuelle de leur situation. »
« Article 20 : Victimes de tortures ou de violences
Les États membres font en sorte que, si nécessaire, les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les
dommages causés par les actes en question. »
« Article 24 : Personnel et ressources
1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités et les autres organisations qui mettent en œuvre la présente directive bénéficient de la formation de base utile eu égard aux besoins des demandeurs d'asile des deux sexes.
2. Les États membres allouent les ressources nécessaires à la mise en œuvre des dispositions nationales prises aux fins de la transposition de la présente directive. »
86
COUNCIL DIRECTIVE 2003/9/EC of 27 January 2003 laying down minimum standards
for the reception of asylum seekers
[…]
“Article 15 Health care
1. Member States shall ensure that applicants receive the necessary health care which
shall include, at least, emergency care and essential treatment of illness.
2. Member States shall provide necessary medical or other assistance to applicants who
have special needs.”
PROVISIONS FOR PERSONS WITH SPECIAL NEEDS
“Article 17 General principle
1. Member States shall take into account the specific situation of vulnerable persons
such as minors, unaccompanied minors, disabled people, elderly people, pregnant
women, single parents with minor children and persons who have been subjected to torture, rape or other serious forms of psychological, physical or sexual violence, in the national legislation implementing the provisions of Chapter II relating to material reception
conditions and health care.
2. Paragraph 1 shall apply only to persons found to have special needs after an individual
evaluation of their situation.”
“Article 20 Victims of torture and violence
Member States shall ensure that, if necessary, persons who have been subjected to torture, rape or other serious acts of violence receive the necessary treatment of damages
caused by the aforementioned acts.”
“Article 24 Staff and resources
1. Member States shall take appropriate measures to ensure that authorities and other
organisations implementing this Directive have received the necessary basic training
with respect to the needs of both male and female applicants.
2. Member States shall allocate the necessary resources in connection with the national
provisions enacted to implement this Directive.”
87
Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales
relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les
apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour
d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu
de ces statuts : directive Qualification
[…]
ÉVALUATION DES DEMANDES DE PROTECTION INTERNATIONALE
« Article 4 : Évaluation des faits et circonstances
[…]
3. Il convient de procéder à l'évaluation individuelle d'une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:
[…]
b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les
informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l'objet
de persécution ou d'atteintes graves;
c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs
comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation
personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d'être exposée pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ; […]
4. Le fait qu'un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a
déjà fait l'objet de menaces directes d'une telle persécution ou de telles atteintes est un
indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d'être persécuté ou du risque réel de
subir des atteintes graves, sauf s'il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. […] »
CHAPITRE V- CONDITIONS À REMPLIR POUR ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME PERSONNE POUVANT BÉNÉFICIER DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE
« Article 15 : Atteintes graves
Les atteintes graves sont:
a) la peine de mort ou l'exécution, ou
b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine, ou
c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison
d'une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international.»
« Article 29 : Soins de santé
1. Les États membres veillent à ce que les bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut
conféré par la protection subsidiaire aient accès aux soins de santé dans les mêmes
conditions d'accès que les ressortissants de l'État membre ayant octroyé ces statuts. […]
3. Les États membres fournissent, dans les mêmes conditions d'accès qu'aux ressortissants de l'État membre qui a octroyé le statut, les soins de santé appropriés aux bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire qui ont des
besoins particuliers, tels que les femmes enceintes, les personnes handicapées, les personnes qui ont été victimes de torture, de viol ou d'une autre forme grave de violence
morale, physique ou sexuelle ou les mineurs qui ont été victimes de toute forme d'abus,
de négligence, d'exploitation, de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants ou de conflits armés. »
88
Council Directive 2004/83/EC of 29 April 2004 on minimum standards for the qualification and status of third country nationals or stateless persons as refugees or as
persons who otherwise need international protection and the content of the protection granted
[…]
ASSESSMENT OF APPLICATIONS FOR INTERNATIONAL PROTECTION
“Article 4 Assessment of facts and circumstances
[…]
3. The assessment of an application for international protection is to be carried out on
an individual basis and includes taking into account:
[…]
(b) the relevant statements and documentation presented by the applicant including information on whether the applicant has been or may be subject to persecution or serious harm;
(c) the individual position and personal circumstances of the applicant, including factors
such as background, gender and age, so as to assess whether, on the basis of the applicant's personal circumstances, the acts to which the applicant has been or could be exposed would amount to persecution or serious harm;
[…]
4. The fact that an applicant has already been subject to persecution or serious harm or
to direct threats of such persecution or such harm, is a serious indication of the applicant's well-founded fear of persecution or real risk of suffering serious harm, unless
there are good reasons to consider that such persecution or serious harm will not be repeated.
[…]”
CHAPTER V QUALIFICATION FOR SUBSIDIARY PROTECTION
“Article 15 Serious harm
Serious harm consists of:
(a) death penalty or execution; or
(b) torture or inhuman or degrading treatment or punishment of an applicant in the
country of origin; or
(c) serious and individual threat to a civilian's life or person by reason of indiscriminate
violence in situations of international or internal armed conflict.”
“Article 29 Health care
1. Member States shall ensure that beneficiaries of refugee or subsidiary protection
status have access to health care under the same eligibility conditions as nationals of
the Member State that has granted such statuses.
[…]
3. Member States shall provide, under the same eligibility conditions as nationals of the
Member State that has granted the status, adequate health care to beneficiaries of refugee or subsidiary protection status who have special needs, such as pregnant women,
disabled people, persons who have undergone torture, rape or other serious forms of
psychological, physical or sexual violence or minors who have been victims of any form
of abuse, neglect, exploitation, torture, cruel, inhuman and degrading treatment or who
have suffered from armed conflict.”
89
Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les
États membres : directive Procédure
[…]
« Article 12
Entretien personnel
[…]
3. L’entretien personnel peut également ne pas avoir lieu lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible d’y procéder, en particulier lorsque l’autorité compétente estime que le
demandeur n’est pas en état ou en mesure d’être interrogé en raison de circonstances
durables indépendantes de sa volonté. En cas de doute, les États membres peuvent exiger un certificat attestant de son état de santé physique ou psychique.
Lorsque l’État membre n’offre pas au demandeur la possibilité d’un entretien personnel
en application du présent paragraphe, ou, le cas échéant, à la personne à charge, des
efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur ou à la personne à
charge de fournir davantage d’informations.
[…] »
« Article 13
Conditions auxquelles est soumis l’entretien personnel
[…]
3. Les États membres prennent les mesures appropriées pour faire en sorte que l’entretien personnel soit mené dans des conditions qui permettent au demandeur d’exposer
l’ensemble des motifs de sa demande. À cet effet, les États membres:
a) veillent à ce que la personne chargée de mener l’entretien soit suffisamment compétente pour tenir compte de la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la
demande, notamment l’origine culturelle ou la vulnérabilité du demandeur, pour autant
qu’il soit possible de le faire […] »
90
Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 on minimum standards on procedures in Member States for granting and withdrawing refugee status
[…]
“Article 12
Personal interview
[…]
3. The personal interview may also be omitted where it is not reasonably practicable, in
particular where the competent authority is of the opinion that the applicant is unfit or
unable to be interviewed owing to enduring circumstances beyond his/her control. When
in doubt, Member States may require a medical or psychological certificate.
Where the Member State does not provide the applicant with the opportunity for a personal interview pursuant to this paragraph, or where applicable, to the dependant, reasonable efforts shall be made to allow the applicant or the dependant to submit further
information.
[…]”
“Article 13
Requirements for a personal interview
[…]
3. Member States shall take appropriate steps to ensure that personal interviews are
conducted under conditions which allow applicants to present the grounds for their applications in a comprehensive manner. To that end, Member States shall:
(a) ensure that the person who conducts the interview is sufficiently competent to take
account of the personal or general circumstances surrounding the application, including
the applicant’s cultural origin or vulnerability, insofar as it is possible to do so; and
[…]”
91
Partie III
Intégralité du texte des interventions
NB : les textes des interventions sont dans la langue originale.
Les discours suivants ont été retranscrits par Parcours d’Exil à
partir des enregistrements sonores :
MM. Courcelle, McDonough et Tremblay, et Mme Végéga.
Part III
Participation whole texts
Attention: these contents have remained in the original language
The following speeches have been written by Parcours D'Exil according to the recordings: Mr. Courcelle, McDonough and
Tremblay, and Mrs. Vegega.
92
28/10/2008
François ZIMERAY p. 94-96
Paul MCDONOUGH p. 97-98
Xenia MESSARITI p. 99-101
Philippe TREMBLAY p. 102-103
Mathieu ANDRE p. 104-105
Jean-Pierre GUARDIOLA p. 106-107
Catherine WIHTOL DE WENDEN p. 108-110
Eric PANLOUP p. 111-112
Pierre DUTERTE p. 113-114
Alima BOUMEDIENE-THIERY p. 115-117
Laurence DE BAUCHE p. 118-120
Xavier RONSIN p. 121-125
Sophie ATTUIL p. 126-128
Mia HONINCKXS p. 129-130
Brita SYDHOFF p. 131-133
Camelia DORU p. 134-135
Laurent SUBILIA p. 136-139
Eric VLOESBERG p. 140-142
Lilla HARDI p. 143-145
29/10/2008
Sylvie LANCINO p. 146-148
Yves NICOLAS p. 149-151
Régine WEINTRATER p. 152-155
Karin TEEPE p. 156-157
Pierre COURCELLE p. 158
Danièle MERIAN p. 159-161
Monique VEGEGA p. 162-163
93
M. François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’Homme
Allocution d’ouverture
par une personne recluse, qui montre bien ce
dans quoi on peut sombrer lorsqu’on est comJe voudrais, si vous permettez, en quelques plètement isolé et dépourvu de personne avec
mots vous dire au nom du gouvernement fran- qui échanger et dialoguer.
çais que je représente aujourd’hui, et particulièrement de Mme Rama Yade, secrétaire d’Etat Donc établir un pont entre l’individu pour lequel
aux Affaires étrangères et aux Droits de l’Hom- vous travaillez et puis le niveau politique et pome, que c’est un vrai privilège pour moi d’avoir litique international, qui est plutôt mon champ
cette occasion de pouvoir participer à vos tra- de compétence. Et ce pont est simple et on le
vaux et singulièrement inaugurer ces deux jour- ressent ici, dans cette maison, ce FIAP qui nous
accueille, et je voudrais en remercier à la fois
nées de réflexion que vous entamez ce jour.
les animateurs et également ceux qui ont perOn dit souvent -c’est un vieux proverbe auquel mis à cet équipement, cette maison de foncil faut donner plus de réalité encore (il faut se tionner, de vivre, d’exister… et qui est tout à
méfier des proverbes)- que « tout homme a l’honneur de la France parce qu’elle fait vraideux patries, la sienne et la France » ; à nous ment vivre ce proverbe. Vous voyez, on passe là
du slogan à la réalité : quand on est ici, quand
de faire en sorte que ce soit vrai.
on parcourt un peu les couloirs de cette maison,
J’ai relevé dans le programme de vos réflexions, on croit un peu que tout homme a deux patries,
bien sûr l’intitulé général, mais dans l’intitulé la sienne et la France.
général, une question : « quelle(s) reconnais- Le lien entre l’individu et ce que nous vivons,
sance(s) pour les victimes de la torture ? » ; et nous diplomates confrontés aux autres nations,
dans la question… une question dans la question dans ce que nous appelons la scène multilatérapuisque les choses sont ainsi formulées avec un le, c'est-à-dire ces instances, Conseil de l’Europetit « s » entre parenthèses, derrière pe comme vous avez évoqué, Union européenne
« reconnaissance », ce qui suggère à la fois re- bien sûr, Nations unies, OSCE où l’on retrouve
connaissance au sens de repérage : comment, tout ou partie des peuples de la Terre… C’est
dans une société où tout incite au repli sur soi précisément ce concept de famille humaine
et à l’indifférence, demeurer sensible aux souf- cher à René Cassin. Il n’est pas pour moi indifféfrances des autres ? et reconnaissance évide- rent de rappeler et de souligner que vos travaux
ment au sens juridique, au sens de statut. C’est prennent place en cette année de célébration
ainsi que j’interprète ce petit pluriel parenthè- du soixantième anniversaire de la DUDH et je
voudrais vous dire un mot à ce sujet et vous dire
se.
comment pour moi ils s’inscrivent parfaitement
Vous travaillez, et les documents que j’ai par- dans l’esprit de cette célébration et illustrent
courus il y a un instant m’ont convaincu, sur la parfaitement les enjeux auxquels nous sommes
question de l’isolement, qui est évidement cen- confrontés.
trale. Et je voudrais, si vous le permettez, parce Il y a soixante ans en effet à Paris, au palais de
que c’est la seule contribution que je peux ap- Chaillot, fut adoptée cette déclaration univerporter à votre réflexion, essayer d’établir un selle, dont le mot le plus important pour moi est
lien entre l’individu sur lequel vous travaillez, cette dimension universelle. C’est quoi, l’unipour lequel vous travaillez, l’individu dont votre versalisme ? C’est ce concept que René Cassin
petite plaquette dit avec cette très forte cita- évoquait dans le préambule de ce texte court,
tion qu’il peut être parfois « délaissé de lui- trente articles clairs, très compréhensibles, ce
même », ce qui me renvoie d’ailleurs à cette qui est rare en matière législative (c’est devenu
très surprenante et très forte sculpture qui est trop rare), poétiques en plus, ce concept de
juste de l’autre côté de la rue …je ne sais pas si famille humaine.
vous l’avez vue en passant mais avant de sortir
de cette maison, allez la voir…Je crois qu’il n’y
a pas de plus beau symbole de l’enfermement
intérieur que l’exposition de ce plancher sculpté
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
94
Et bien, cet universalisme, ce concept de
famille humaine qui sont assez naturels pour les
Français et, pour vous, comme une évidence et
un devoir, puisque vous avez fait de tout ou partie de votre engagement militant, votre engagement professionnel, ce concept de famille humaine, dans le monde que nous voyons à présent, il est menacé, je dirais même qu’il est en
recul. C’est donc dans un contexte difficile que
nous célébrons cet anniversaire, contexte qui
contraste tellement avec ce que nous avons vécu il y a dix ans au moment de la célébration du
cinquantième anniversaire. Il y a dix ans, nous
étions au terme d’une décennie optimiste, commencée par la chute du mur de Berlin, par la fin
de l’apartheid, par les accords d’Oslo au Proche-Orient, ce sentiment que la paix était en
progrès, que nous ne passerions pas le cap du
XXIe siècle sans des progrès importants, marquée également par l’arrivée des nouvelles
technologies qui étaient pleines de promesses y
compris en matière des droits de l’Homme qui
allaient être diffusés partout dans le monde…
bref sans parler, puisque nous étions en 1998,
de la Coupe du monde de football ; c’était une
décennie optimiste dans laquelle nous célébrions le cinquantième anniversaire de la DUDH.
Aujourd’hui nous sommes dans un contexte marqué par le 11 septembre, la conférence de Duban, la place du terrorisme ET de l’antiterrorisme qui tous les deux constituent des
pressions sur les droits de l’Homme, vous le savez bien : le lien entre anti-terrorisme/torture
existe aussi ; terrorisme et anti-terrorisme peuvent, l’un comme l’autre constituer des pressions sur les droits de l’Homme ; les exemples
ne manquent pas.
Une décennie marquée également par la prise
de conscience des enjeux climatiques. Oh oui,
certains bien sûr l’avaient dénoncé depuis longtemps, et aujourd’hui c’est un savoir partagé,
donc une anxiété partagée ; par la prise de
conscience des enjeux alimentaires sans parler
depuis quelques semaines de la crise financière : bref c’est dans un contexte anxiogène, qui
incite au repli sur soi, que nous célébrons ce
soixantième anniversaire. Et cette anxiété et ce
repli sur soi, c’est le contraire de l’universalisme. C’est un poison pour l’universalisme qui est
forcement une main tendue aux autres.
Et quand je dis que la famille humaine est en
recul, on peut prendre quelques exemples. Il y a
trois mois à peine, lorsqu’un cyclone a frappé
très durement la Birmanie (100.000 morts) et
que nous avons voulu apporter notre aide, nous
avions dans l’Océan indien un bateau prêt à débarquer des millions de tonnes de marchandises ; le gouvernement birman a d’abord refusé
cette aide, pour finalement l’accepter à condi-
tion qu’elle transite par des ports asiatique pour
qu’elle devienne une aide asiatique (seule l’aide
asiatique était recevable) : concept d’aide ethnique…c’est l’universalité qui recule.
Il y a deux ans et demi, au Soudan, dans le drame du Darfour, la communauté internationale
propose des Casques bleus : refus, puis acceptation à condition que ce soit, sous les casques,
des soldats africains. Concept de police internationale ethnique. Là encore, c’est l’universalité
qui recule. Les exemples ne manquent pas.
C’est pourquoi nous voulons faire de ces célébrations des célébrations de combat autour de
cette idée, cette idée simple que nous avons
portée pendant si longtemps, à laquelle il faut
donner un corps, et encore une fois il n’y a pas
de meilleur symbole et de meilleure réalisation
de celle-ci que vos travaux dans ce cadre-là,
pour montrer que pour nous ce n’est pas seulement un slogan mais ça peut être une réalité.
Alors, je voudrais également vous faire toucher
du doigt l’obstacle que nous rencontrons dans
ce combat d’idée : Russes, Chinois ou autres
nous disent aujourd’hui « au nom de quoi voulez-vous nous imposez vos valeurs ? » car ce qui
était hier la DUDH, adoptée par la quasi-totalité
des pays composant les Nations unies
(aujourd’hui elle ne serait certainement pas
adoptée et je ne sais pas si on trouverait quelqu’un pour rédiger un texte aussi utopique que
celui-là) ; mais aujourd’hui ça nous est renvoyé
comme « nos valeurs». Quelle est donc notre
légitimité à vouloir faire régner une conception,
faire prévaloir une conception des droits de
l’Homme que nous disons être universelle mais
dont on nous répond qu’elle n’est pas universelle mais occidentale ? Et vous verrez que je ferai
le lien avec vos travaux ; certains d’entre vous
l’ont tout de suite vu. Pour illustrer cela, il faut
savoir qu’il y a aujourd’hui par exemple une
déclaration islamique des droits de l’Homme.
On nous dit que « nous aussi on a les droits de
l’Homme. Arrêtez de nous seriner avec les
droits de l’Homme, nous avons les nôtres ».
Sauf que ce ne sont pas les mêmes, notamment
pour les femmes. Donc, quelle est notre légitimité ? Question difficile, question choquante
mais au fond question pertinente à laquelle il
faut apporter une réponse. On peut y apporter
une réponse juridique : notre légitimité est que
ça a été adopté par les Nations unies, à la quasitotalité des nations composant l’Assemblée ; oui
mais c’était en 1948, et à cette époque-là il n’y
avait que quarante pays, aujourd’hui on en a
cent quatre-vingt douze qui sont membres des
Nations unies ; cette approche juridique est insuffisante. On peut proposer une légitimité plus
philosophique mais il faut convaincre.
95
Moi, je pense que notre légitimité à faire
prévaloir cette conception universelle des droits
de l’Homme est tout simplement dans le fait
que, quelle que soit la latitude, je n’ai pas remarqué dans le regard d’une femme dont le mari ou le fils a fait l’objet d’une disparition forcée, que l’on souffre différemment des violations des droits de l’Homme, que l’on soit Colombien, Tchétchène, Birman. Je n’ai pas remarqué dans le regard et dans les propos d’un
enfant soldat de Centrafrique ou du Népal, que
l’un ou l’autre considérait que « c’est normal
parce que c’est culturel ». Je n’ai pas remarqué
que les femmes trouvent normal d’être battues
et violées au motif que ce serait la coutume ou
que l’ordre des choses le voudraient ainsi. Et
évidement, ni moi ni vous n’avons remarqué
qu’il y avait deux façons différentes de souffrir
de la torture, qu’il y avait des hommes qui en
souffraient et d’autre non. Les droits de l’Homme sont un droit de victime. Et notre légitimité
à faire prévaloir cette conception universelle,
qui est dans le cœur du combat diplomatique
français aujourd’hui, notre légitimité à faire
prévaloir cette conception universelle, on la
puise dans le regard, dans la réalité des souffrances de ce public pour lequel vous consacrez
tant d’efforts. Ces droits sont universels parce
que l’Homme est universel, et que ses souffrances sont universelles. Personne n’est mieux placé que vous pour le savoir.
diplomatie française est à certains égards un
bilan remarquable : nous avons porté pendant
des années avec l’Argentine la Convention sur
les disparitions forcées ; il y a aujourd’hui des
milliers d’enfants qui sont libérés en Afrique,
grâce à une convention sur les enfants soldats
qui vient d’entrer en application. Et puis il y a
eu il y a quelques années cette convention sur
la torture, que vous connaissez bien. Et bien ces
textes-là, sans parler de la Cour pénale internationale, il y a aujourd’hui derrière les barreaux
à La Haye des gens qui sont emprisonnés…c’est
une réalité, ce n’est pas un slogan. Et ils le sont
pourquoi ? Parce qu’il existe un traité qui le
permet, et ce traité a été voulu, porté, négocié, amendé, adopté par des diplomates sur la
scène internationale, et finalement aujourd’hui
il est en application. Même si ces textes ne sont
pas respectés comme ils le devrait partout, à
partir du moment où ils existent, tous les juristes vous diront qu’ils créent une situation différente. Agir en violation d’un texte ou agir sans
un texte est une situation différente, au plan
politique, d’abord pour les défenseurs des droits
de l’Homme dans les pays concernés.
Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je voulais
vous dire, finalement le pont entre nos activités
est évident et s’établit naturellement, ça veut
dire que nous regardons donc avec un très grand
intérêt, non seulement les travaux que vous allez mener ici ces deux journées mais plus généralement le travail difficile, obstiné, discret que
vous menez, et je voudrais saisir cette occasion
pour vous en féliciter et vous dire que nous vous
en sommes témoins et que nous vous en sommes
tout simplement très reconnaissants.
Voilà le lien que j’établis entre ce que vous faîtes et le combat que nous menons. Car ici je
sais que l’on sait que l’on est légitime à apporter une réponse universelle à cette souffrance
universelle. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce
qui est pour moi, pour nous, diplomates français, l’enjeu important, non seulement de ces Merci.
célébrations mais plus généralement du combat
que nous menons pour les droits de l’Homme.
Un dernier mot, sur la place des droits de
l’Homme dans la diplomatie. Vous savez bien
que les mots n’ont pas le même sens selon ceux
qui les entendent. Quand on dit « droits de
l’Homme » il y a souvent un malentendu : les
gens attendent d’une politique qui se prévaut
des droits de l’Homme des prises de position,
des condamnations, des postures morales. Oui,
sans doute il le faudrait, mais les droits de
l’Homme en tous cas, dans la diplomatie, ce
n’est pas seulement ça, ce n’est pas comme ça
que ça progresse. Les droits de l’Homme c’est
d’abord et surtout des droits, qui existent ou
qui n’existent pas, qui sont appliqués ou pas, et
c’est là-dessus qu’il faut juger l’action des gouvernements et de la diplomatie. De ce point de
vue-là, je veux pouvoir dire que le bilan de la
96
Paul McDonough
European Council on Refugees and Exiles (ECRE)
Policy officer
First I would like to thank very much Parcours
d’Exil from myself and from ECRE for inviting us
and organising this event.
ECRE, the European Council on Refugees and
Exiles, is basically two things: a networking organization and a lobbying organization.
We coordinate the work of about sixty-height
agencies around Europe, as their press, national
governments and civil society to drive forward
the rights of refugees. In Brussels, our particular
group does a lot of work with the European
Commission, helping to share an understanding
of how the European asylum acquits can better
reflect refugees law and rights.
conflict.
That brings up a clue to a less benevolent process that may be reducing the number of asylum
seekers in Europe. For example, whereas Sweden received the third largest number of asylum
seekers in the world in 2008, and large numbers
were received in France, Greece and the UK as
well, other large European countries are receiving noticeably fewer asylum seekers than in the
past. Many would say that Europe is no longer
welcoming refugees as before. This is seen most
obviously in the increasingly strengthened border control measures, which too often do not
make a distinction between refugees and other
people seeking to enter Europe’s territory.
I am going to give a few numbers and statistics,
to show how large the refugee issue is in our Remember that reaching the European territory
world and in Europe. Then we will discuss some is quite a challenge nowadays.
details of the European asylum acquits itself.
About ten years ago, the logic of the free moveIn 2007, according to the UNHCR, there was a ment of people led the powers of Europe to rerecord number of refugees and internally dis- alize that a Europe without border also requires
placed people: about 25 million. It is important common approach to immigration. And common
to know that a refugee only becomes a refugee approach to immigration requires common apafter he/she leaves his home country, Which proach to asylum and refugees. To that end,
means that one fled to another part of the there are four very significant laws in Europe
country is technically called “internally dis- today, all of them currently under review for
placed person”. The greatest numbers today amendment:
come from Afghanistan and Iraq (both cases • the Reception directive, which governs the
numbering millions). Other large numbers come
conditions required for bringing asylum seekfrom Somalia, Sudan and Congo for example.
ers in Europe and what must be provided
Globally about 650.000 new asylum claims were
when they arrive;
filed in 2007. Today, about 14% of the world • the Qualification directive, which governs the
hosted refugees are in Europe. Even as more
rules for who actually receives international
and more are granted protection (e.g. numbers
protection in Europe and what that protection
rise at 33% to 93.000 in 2007) the number of
consists of;
people actually seeking asylum in Europe is • the Dublin Regulation, which decides which
steadily falling. Fewer applied in Europe in 2007
European Member State should accept which
for example than in Germany alone in 1993.
particular asylum application;
• the Asylum Procedure Directive, which is, as
Part of the explanation for this is that even if
it sounds, the basic procedures of how an asyinstability and conflicts drive the global numlum application comes through.
bers of refugees up, areas near the EU have continued to stabilize by comparison. So, notwith- ECRE has been focused recently on the Qualifistanding flash points like Georgia, today most cation directive. We released a survey on the
refugees begin their flight far away from the implementation of the Qualification Directive
territory of Europe. Iraq today is the largest sin- just last Friday [24/10/2008] (www.ecre.org). In
gle source of asylum seekers in Europe, with broad concept, this directive reflects the rules
Sweden having accepted today more Iraqi refu- of the 1951 Geneva Convention governing the
gees than all the rest of Europe combined. Un- status of refugees.
fortunately we expect this to change, because
Sweden has joined other European States in redefining the situation in Iraq as not an armed
97
One crucial innovation that applies to torture victims is the institution of subsidiary protection. If you are at risk of a violation of the
article 3 of the European Convention of Human
Rights, then the directive requires that you receive protection in Europe. Article 3, among
other things, prohibits very strongly any torture
whatsoever. So, if a torture victim arrives in
Europe, fleeing risk of further torture, he/she
must be protected.
lum Procedure directive does not require free
legal aid, and 2) there are simply not enough
lawyers. E.g., in some Member States, each lawyer is literally facing thousands of individual
cases per year! One lawyer can not handle this.
And perhaps, something may be most immediately traumatic to torture survivors: it is far too
easy under European rules to simply hold in detention asylum seekers while their claims are
being determined. The last place a torture surOther key advancements in the Qualification vivor needs to be is a prison. In some Member
directive are the inclusion of persecution of States, administrative detention is very hard to
non-State actors, leading to protection and also distinguish from prison.
the recognition that gender-based persecutions
can gain protection, as reflected in the direc- Some torture victims coming to Europe for protection absolutely need medical and psychiatric
tive.
care, in addition to their important needs as
So far, this sounds very nice. The basic rules are refugees. Let us not forget here, that the refuin fact quite liberal by international standards. gee experience is not a choice. It is a desperate
But there is another side, the rules of evidence flight from persecution. We also need to look
and procedure, where the EU asylum law some- closely on our laws and our boring administratimes appears less friendly to refugees, particu- tive procedures, because all too often, those
larly to those traumatized by severe experi- are the things that can eliminate the ability to
ences such as torture. At the most basic level, access these services for refugees, and thus the
border personnel, that do not have the exper- rights to international laws may never be realtise or training, sometimes even to know that ized.
the moment someone says “I am a refugee” or
“I need protection”, laws are engaged right at
that moment. The border guard has responsibilities on behalf of the State, but too many border
guards simply don’t know that.
Other dangers come up, for example reporting
deadlines, placed in the Qualification directive,
which allows Member States to require refugees
to bring their application for asylum “as soon as
possible” to authorities. For torture victims, I’m
sure you can imagine, that is a particular difficult thing sometimes. The last thing a torture
victim wants to do entering Europe is to approach somebody wearing a uniform.
There are also evidential deadlines, for example
it is open to Member States (and some of them
do so) to require all evidence to be submitted
with the first hearing, and if new evidence
come up later, they may not be considered.
Again, torture victims have difficulties in speaking about their experience, some may have psychological trauma to the point that they may
not remember that experience until much later.
It is a very unfortunate consequence of some of
these procedural rules that evidence may never
come to court.
The simple matter of legal aid: an applicant has
better chance to obtain asylum with the help of
a lawyer, but in some Member States 1) the Asy98
Xenia Messariti
Commission européenne Unité Asile
Reception conditions for asylum applicants in the EU
and protection of persons with special needs
I would like to thank Parcours d’Exil for the invitation; I really believe it is very important for
the Commission to be present in these discussions, especially at this moment of the creation
of the second stage of the asylum procedure.
I would like to shortly present to you today the
issue of reception conditions for all asylum
seekers, including the most vulnerable category
of those applicants, namely persons with special
needs, which includes torture victims. I would,
most importantly however, like to share with
you, on behalf of the Commission, coming EU
developments in this policy area, that aim to
ensure a higher level of protection for this category of applicants during the second stage of
the asylum procedure.
Legislative framework
As most of you are surely aware, our legal basis
to adopt Community level measures in the area
of asylum is article 63 of the Treaty. The instruments adopted during the first phase of the asylum legislation set out minimum standards to be
reflected in national legislation of the 27 Member States. These instruments (introduced earlier by Paul McDonough) tackle in a non horizontal way the issue of vulnerable persons and persons with special needs. In this respect, these
issues are addressed to a certain extent in all of
these documents. However, for today’s discussion, I think the most important of them is the
2003 Reception conditions directive, since it
devotes specific attention to the issue of persons with special needs from day 1 of the asylum procedure.
Initially it foresees for benefits for all asylum
applicants including: access to material reception conditions, namely food, clothing, housing
and financial assistance that could guarantee a
standard of living adequate to ensure the applicant’s health and subsistence (article 13: access
to health care that includes at least emergency
health care and essential treatment of illness
(article 15); access to the labour market, within
specific time frames and restrictions (article
11);
Freedom of movement under certain exceptions;
Right to education for minors;
Right to information on organizations or groups
of persons that could provide assistance.
2. Who has special needs?
At a second level, the directive further obliges
member States to give particular attention to
persons with special needs, when granting core
entitlements under the directive.
But what is exactly the meaning of persons with
special needs according to the directive?
The directive provides for an open list of vulnerable persons among which several of those could
be identified as having special needs, after specific procedure takes place taking under consideration the specificities of their situation. Vulnerable persons should at least be considered
the following: minors, unaccompanied minors,
disabled people, elderly people, pregnant
women, single parents with minor children and
persons who have been subjected to torture,
rape or other serious forms of psychological,
physical or sexual violence. The list is an open
one, and member States could foresee at national level for further examples. Indeed this
has been the practice in a number of member
States. However it is important to underline
that these vulnerable persons are not considered immediately as persons with special needs.
You need to carry out an identification procedure in order to detect those needs. I can not
emphasize enough how important the existence
of such identification procedure at member
State level is.
To whom does it apply?
The directive applies to all who registered an
asylum application with the authorities as well
as to family members, if they are covered by
such application. In this respect it is very important to underline that it covers any areas that
host asylum seekers, including detention, and
also any kind of types of asylum procedures,
including accelerated border procedures or the
Dublin procedure.
The main objective of the directive is to ensure
a dignified standard of living for asylum appli- 3. On a third stage, the directive gives particular emphasis to three categories of vulnerable
cants. This is pursued in 3 stages:
persons, irrespective of whether they are found
to have special needs or not.
1. Benefits
99
With regard to minors: article 18 states
that the best interest of the child shall be a primary consideration for member States when
implementing the directive. Minors who have
been victims of any form of abuse, neglect, exploitation, torture or cruel, inhuman and degrading treatment or who have suffered from
armed conflicts are to be granted access to rehabilitation services, ensure that appropriate
mental health care is developed and qualified
counselling is provided when needed.
With regard to unaccompanied minors: member
States are obliged to ensure necessary representation and to provide regular assessments of
their specific situation. Moreover, they shall
endeavour to trace the members of the minor’s
family as soon as possible. Those working with
unaccompanied minors shall have the appropriate training concerning their needs, and shall be
bound by the confidentiality principle as defined
in the national law, in relation to any information obtained in the course of their work.
Article 20 concerning victims of torture and violence: member States shall ensure that, if necessary, persons who have been subjected to torture, rape or other serious acts of violence receive the necessary treatment of damages
caused by the aforementioned acts.
What is the problem?
Many commentators claim that the directive has
achieved a relatively modest level of harmonisation of national policies concerning reception
conditions.
Indeed, the directive provides for result-based
obligations that allow member States a wide
degree of manoeuvre concerning their implementation. This has resulted in certain cases to
the adoption of inadequate standards of treatment concerning reception conditions, notably
concerning treatment of persons with special
needs.
In particular, practices regarding the identification of special needs at national level have been
particularly poor. The majority of member
States have not provided any specific procedure
to identify asylum seekers with special needs,
with some among them receiving asylum seekers
in great numbers. In these member States, the
identification of persons depends, if they are
detected, on being taken into account by the
authorities who examine the asylum application,
lawyers, social workers, NGOs etc. meaning that
identification could occur at the latest stage of
the asylum procedure, and only because the
asylum seeker himself/herself indicated it.
Where mechanisms are established they are not
proactive; consequently the identification lies
on the asylum seeker himself rather than on the
authorities.
The Commission is very much aware of these
deficiencies. The Evaluation Report on the Directive issued on 27 November 2007, as well as
the Green Paper on the Future Common European Asylum System adopted on 6 June 2007
confirm these observations.
It must be underlined that harmonising national
reception policies for 27 member States is an
extraordinary exercise. Despite these deficiencies, it should be reminded that the directive
contains a number of important entitlements, as
described before, that should be the starting
point for us, for EU common action, for the second phase of the asylum procedure.
Which are the solutions?
As most of you are surely aware, the Policy Plan
on Asylum that provides for the architecture of
the second phase of the Common European Asylum System (CEAS), adopted on 6 June this year,
has announced the Commission’s commitment
to address these deficiencies by adopting a proposal modifying the Reception conditions directive.
The proposal is going to be adopted next month
(18/11) and will mainly provide the following:
1.
Most importantly, it will ensure the establishment of mechanism at national level
in view of identifying special needs as
soon as an application for international
protection is lodged and to provide for a
follow up of individual cases where required. In this respect, member States’
policies will become proactive and the
identification of special needs will not
burden the applicant.
2.
The open list of vulnerable persons will be
expanded to include other categories of
applicants such as victims of trafficking or
persons with mental health problems.
3.
Ensure that access to health care is
granted on equal conditions as nationals.
4.
Concerning minors, access to education
will be facilitated.
5.
Concerning unaccompanied minors, further emphasise the obligation of member
States to trace their families.
6.
Concerning victims of torture and violence, it will be ensured that they have
access to rehabilitation services and the
possibility to obtain medical and psychological treatment. Further safeguards will
be provided regarding the exact level of
required training for those working with
such persons.
100
7.
8.
Last but not least, detention: not applied
for minors unless it is in their best interest, prohibited for unaccompanied minors, for vulnerable persons only after an
individual evaluation by a specialist. Specific conditions for vulnerable persons are
also introduced, regular monitoring of
detention and support where necessary.
Report on yearly basis on number of vulnerable persons and level of assistance
granted.
The Commission will also adopt, together with
the proposal amending the Reception directive,
a second proposal amending the famous Dublin
regulation. As I’m sure most of you here would
agree with me that Dublin, as it was intended to
mainly regulate relations between authorities
rather than authorities and the individual, did
not foresee for a number of safeguards for asylum applicants, notably applicants with special
needs, under the transfer procedure. In this respect the proposal will aim to rectify these deficiencies by ensuring inter alia that unaccompanied minors will only be transferred to another
member State if it is in their best interest. Persons with special needs shall only be transferred
if their particular situation allows it. In case of
transfer of persons with special needs, member
States shall ensure the exchange of relevant
medical information in view of ensuring the
monitoring of the person’s specific situation and
the continuation of any necessary treatment.
I would like to remind here that this proposal
will be adopted in the co-decision procedure,
which places the European Parliament in a very
important role. In this respect, equally important will be the role of national NGOs, indicating their concerns to their members of Parliament, in order to be reflected at a EU level.
What else could be done, outside from the legal
framework?
It is important to mention at this point the important role further initiatives could have, outside the legislative sphere.
It is the Commission’s view that practical cooperation will further assist, in the harmonisation
of reception, conditions and the establishment
of higher level of protection through the exchange of best practices. For example, practical
cooperation through the EURASIL workshops
with the participation of UNHCR, NGOs and
other stakeholders, proved extremely useful in
the past, especially concerning the treatment of
traumatised persons.
European Refugee Fund (ERF) funding opportunities could also assist in the development of best
practices. Vulnerable groups are always a specific priority under ERF, encouraging in this respect the partners to carry out projects on this
matter.
Last but not least, I would strongly emphasize
our need to communicate with you, NGOs or
individuals, in view of monitoring the implementation of the current and future directive at national level. The Commission has limited capacities in monitoring the implementation of the
acquits in practice. In this respect, it values
communication with organizations that could
provide important information on what actually
occurs at national level. Their contribution during the preparation of the proposal on the Reception Conditions directive and the Dublin
regulation was extremely important, both identifying deficiencies as well as providing their
own views on what could be made possible during the second phase of the asylum legislation.
I would finally like to conclude my presentation
by ensuring everyone that the Commission is
indeed aware of the great deficiencies identified in the first phase of asylum legislation concerning persons with special needs notably victims of torture. I would like to state from my
personal experience as a lawyer for refugees,
the implications that the failure to identify special needs could have, not only on the person’s
health but also on the person’s ability to represent himself during these difficult legislative
procedures at national level and to be able to
provide evidence to the authorities to support
his case. In this respect, if I would have to find
a motto for our second stage of asylum legislation, it should be that social needs should be
addressed first.
I would finally like to conclude my presentation
by emphasising that it is our strong belief that
the asylum acquits should be considered as an
integrated system of rules. In this respect what
is important in the second stage of the asylum
legislation is to ensure that social needs are addressed first. Identifying special needs in a
timely manner will ensure access to appropriate
treatment.
101
Philippe Tremblay
Chargé de programme, APT
(Association for the Prevention of Torture)
ture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » en lui donnant une force
beaucoup plus importante. Il est un traité
contraignant. L’article 10 est également pertinent et représente une obligation positive des
Etats de traiter tous les détenus avec respect.
A ce jour, je crois qu’il y a au-delà de 160 Etats
qui font partie de ce pacte.
En 1984 a été adoptée par l’ONU la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui explique aux Etats quelles sont les obligations auxL’APT, l’association pour la prévention de la quelles ils sont tenus pour donner un corps à la
torture, est une ONG basée à Genève, et fondée protection contre la torture.
il y a une trentaine d’années : à l’époque elle
s’appelait le « Comité suisse contre la torture ». Et puis, le dernier traité est le fameux Protocole
Le comité a donné aussi naissance à l’OMCT facultatif à la convention contre la torture
(OPCAT ; adopté récemment en 2002), qualifié
(organisation mondiale contre la torture).
Le travail de l’APT s’exerce sur le plan de la de traité de nouvelle génération en ce qu’il n’éprévention de la torture, entendue au sens lar- nonce pas de droits de l’Homme mais parce
ge. Nous faisons un travail de plaidoirie, de lob- qu’il s’agit de l’élaboration d’une obligation que
bying, pour amener les différents Etats à mettre l’on retrouve dans la convention contre la tortuen œuvre les traités et textes internationaux re à son article 2 : celle pour les Etats de prenpertinents en matière de lutte contre la torture. dre toutes mesures nécessaires pour prévenir les
Il y a également un travail de soutien technique actes de torture sur leurs territoires. Les Etats
pour les aider à mettre en œuvre dans leur droit s’engagent à mettre en place un système de
interne ces normes internationales. Nous aidons visites régulières de l’ensemble des lieux de
aussi les Etats à mettre sur pied des mécanismes détention sur leur territoire. Il s’agit donc d’un
indépendants de supervision des lieux des dé- traité très concret qui prend forme de visites
tention, et nous offrons de la formation pour spontanées et d’entretiens confidentiels avec
faire en sorte que ceux-ci sachent par exemple les détenus, indépendamment de l’autorité étacomment effectuer des entretiens avec les dé- tique. A ce jour, seuls trente-six Etats ont ratitenus, des victimes de torture. Nous ne travail- fié ce protocole.
lons pas sur les questions de la réhabilitation.
Maintenant, il est important de garder en tête
L’évolution du droit international du droit de la que cette protection est menacée suite aux évépersonne : il faut commencer par le texte fon- nements du 11 septembre 2001. Plusieurs goudateur, la Déclaration universelle des droits de vernements, aux Etats-Unis mais aussi en Eurol’Homme, de 1948, qui proclame que « nul ne pe, ont tenté d’installer le doute et de trouver
peut être soumis à la torture ou à tout autre des exceptions, de changer de manière très
traitement cruel et dégradant ». Il est vrai que créative les méthodes d’interrogatoire et d’esc’est une déclaration et dans le droit internatio- sayer de s’imaginer le seuil de souffrance qui
nal, les déclarations ont une force moindre que pourrait être jugé tolérable et qui ne serait pas
les traités et conventions ; mais il s’agit du so- couvert par la protection de la torture.
cle sur lequel la protection contre la torture se Je pense par exemple au fameux scénario de la
« bombe à retardement » évoqué par certaines
construit petit à petit.
Dès l’année suivante, le droit international hu- administrations, notamment l’américaine suite
manitaire protège contre la torture (IVe conven- au 11 septembre. Cette fameuse question à sation de Genève, Protection des populations civi- voir : si vous avez devant vous une personne qui
les en temps de guerre). Comme vous le savez, sait où se trouve une bombe qui risque de coûle droit humanitaire ne s’appliquait pas lors des ter la vie d’environ 10.000 personnes, ne seriezvous pas tentés d’utiliser la torture si vous
conflits armés.
croyez qu’à terme cette personne vous donnera
En 1967 a été adopté le Pacte international sur les informations qui vous permettront de désales droits civils et politiques, dont l’article morcer cette bombe ?
7 reprend l’interdiction de la DUDH « de la torJ’aimerais d’abord remercier Parcours d’Exil de
nous avoir invités. On m’a demandé de faire un
survol des textes internationaux de protection
contre la torture — sujet très large. Je vais
m’en tenir à l’essentiel, étant conscient que
nombre de participants ne sont pas juristes.
Je vais me consacrer aux textes et mécanicismes émanant des Nations unies. Je suis conscient que l’Europe dispose d’un arsenal des mécanismes, qui sont aussi voire plus efficaces
pour faire face à la pratique de la torture.
102
On peut également penser aux séries télévisées, notamment l’américaine 24 Heures où
l’on voit un policier américain torturé par des
méchants terroristes islamistes. On se rend
compte que la protection absolue contre la torture n’est plus quelque chose de sacré. A l’APT
on a jugé important de combattre cette perception. L’an dernier, l’APT a ainsi convoqué un
colloque. Ça a donné lieu à des échanges très
intéressants, et nous avons publié une brochure
accessible sur notre site web (www.apt.ch) ;
nous avons invité des universitaires, anciens enquêteurs, représentants de la société civile, à
s’asseoir et déconstruire ce scénario, à remettre
en question les prémices sur lesquelles se base
ce scénario, pour réaffirmer l’importance de
cette prohibition.
Quelles sont les obligations étatiques ? Elles
peuvent être regroupées en rubriques. Je vais
commencer par la plus importante, celle de l’interdiction de la torture. Les Etats ont l’obligation de pénaliser les actes de torture, en droit
interne, y compris la complicité, la tentative et
l’incitation. Certains Etats ont tenté de démontrer au comité contre la torture de l’ONU qu’ils
avaient déjà dans leur code pénal des infractions qui couvraient cette obligation. Mais le
comité a répété qu’« il faut appeler un chat un
chat » qu’il était important d’amender au besoin le code criminel pour insérer des articles
qui interdisent clairement les actes de torture.
Il faut savoir que la convention contre la torture
défini ce qu’il est entendu par la torture. Il s’agit d’une souffrances aiguë, physique ou mentale, infligée de manière intentionnellement dans
un but précis, par exemple d'obtenir une confession, de punir, d’intimider, infligée par un agent
de l’Etat ou toute autre personne agissant d’un
accord d’un officier de l’Etat.
Sous cette rubrique d’interdiction, il doit être
interdit d’utiliser des informations obtenues
sous la torture dans des procédures judiciaires.
Si cette règle est appliquée, cela a pour conséquence de remettre en question l’utilité que
certains personnes donnent à la torture, c’est-àdire arracher des confessions qui par la suite
peuvent être retenues contre la personne torturée.
Une autre interdiction importante est celle de
transférer une personne là où elle risque d’être
soumise à la torture. Il peut s’agir d’un transfert
direct ou indirect. Cette prohibition couvre les
transferts officiel ou pas (exemple de la pratique de la CIA avec les vols secrets…des prisonniers qui ont transités par plusieurs pays avant
d’être détenus à Guantanamo… )
La règle du non refoulement existe également
dans la Convention relative aux droits des réfugiés. La portée de la règle n’est pas la même.
Dans le cadre de la Convention contre la torture, cette protection est absolue. C'est-à-dire
qu’on ne s’intéresse pas aux raisons pour lesquelles une personne serait torturée, ni aux actes qui lui sont reprochés (le texte diffère ici de
la convention relative aux droits des réfugiés).
Le « pire des terroristes » doit pouvoir jouir de
cette protection. Dans le cadre de la convention
relative aux droits des réfugiés, cette personne
ne pourrait pas être reconnue comme réfugié.
Certains Etats ont tenté de contourner l’obligation de non refoulement par exemple par les
assurances diplomatiques : certains Etats européens ont cherché à obtenir des assurances diplomatiques d’autres Etats, dans l’hypothèse
où, si on renvoyait des personnes chez eux, l’Etat récepteur s’engagerait à traiter ces personnes selon les conventions internationales ; Il
faut savoir que ces assurances ne protègent pas
du risque de la torture.
Il faut incorporer l’interdiction de la torture
dans les manuels de formation de la police et
des gardiens de prison. Il faut mettre en place
des garanties judiciaires qui peuvent prendre la
forme d’examens médicaux des détenus, la tenue des registres, l’assurance à l’accès à un
avocat ou à la famille, etc. Il y a aussi l’obligation d’enquête. L’Etat doit mettre en place de
mécanismes de plainte.
La dernière rubrique est celle de la punition et
réhabilitation. Si l’enquête établit que des actes
de torture ont été commis, une poursuite pénale doit être enclenchée et à terme les peines
doivent être sérieuses et proportionnelles à la
gravité de l’acte. Le Comité contre la torture a
souvent dit qu’on peut pas imaginer une peine
de moins de 5 ou 6 ans, peut importe la gravité
de l’acte. A cette question la réponse est la
compétence universelle qui consiste pour un
Etat à arrêter une personne soupçonnée d’avoir
commis des actes de torture même si les actes
ont été commis sur un autre territoire. Par la
suite, l’Etat doit prendre la décision soit d’extrader cette personne vers le pays où les actes
ont été commis soit d’enclencher lui-même une
procédure judiciaire.
J’aurais aimé aborder les mécanismes comme le
Comité contre la torture, le Comité des droits
de l’Homme, le travail des reporteurs spéciaux
contre la torture…mais je crois que je n’ai pas
le temps…
Je vous remercie.
103
Mathieu André
Forum Réfugiés Affaires européennes
Je voudrais débuter mon intervention par un
rappel de la situation des réfugiés dans le monde afin de remettre en perspective la situation
en Europe et ce qui devrait être les priorités
européennes en faveur des réfugiés les plus vulnérables.
Nombre de réfugiés
Il y aurait aujourd’hui près de 12 millions de
réfugiés dans le monde.
D’une manière générale, la répartition des réfugiés dans le monde est fortement inégale puisqu’on trouve :
•
30% des réfugiés en Asie,
•
25% au Moyen orient et en Afrique du
Nord,
•
20% en Afrique.
Si la majeure partie des réfugiés est accueillie
au sein de pays pauvres, les situations sont très
différentes.
Je voudrais mettre ici l’accent sur une catégorie
particulière de réfugiés, ceux que l’on ne verra
jamais en Europe : il y a en effet dans le monde
près de 7 millions de réfugiés qui vivent dans
des camps depuis plus de 10 ans sans droits fondamentaux. Ce sont ceux que l’on appelle des
réfugiés prolongés, c’est-à-dire qu’ils se retrouvent bloqués dans des pays d’accueil, sans possibilité d’intégration sur place et sans espoir de
pouvoir retourner chez eux.
Dans la plupart des cas, ces réfugiés vivent dans
des camps relativement éloignés des centres
urbains mais proches des zones frontalières, ce
qui influe de manière négative tant sur leur capacité de se procurer des moyens de subsistance, que sur les conditions de sécurité qui règnent dans les camps. De fait, ils dépendent
entièrement d’une aide humanitaire qui se raréfie les années passant.
Parmi les plus importants contingents de réfugiés de longue date, notons les deux millions de
réfugiés afghans au Pakistan et en Iran, les
300 000 Burundais en Tanzanie ou les 300 000
Vietnamiens en Chine.
Répartition
1,5 million en Europe auxquels il faut ajouter
près de 200.000 à 250.000 demandeurs d’asile
que l’Europe accueille tous les ans. L’UE n’accueillerait donc qu’un faible pourcentage des
réfugiés dans le monde : moins de 15%.
C’est peu par rapport au poids économique de
l’Europe, c’est peu par rapport à la population
européenne : alors qu’en France le ratio est
d’un réfugié pour 1 319 habitants, il est de 1
pour 6 en Jordanie, 1 pour 35 au Tchad ou encore 1 pour 62 en République du Congo (Congo
Brazzaville).
Qui vient en Europe ?
Selon le HCR, les nationalités qui arrivent en
tête sont les Irakiens, les Russes, les Pakistanais, les Somaliens, les Afghans les Serbes et
Nigérians.
Pourquoi viennent-t-ils en Europe ou plutôt
pourquoi choisissent ils l’Europe ?
Il est aujourd’hui difficile de répondre à cette
question même si certaines études peuvent nous
renseigner : l’écrasante majorité des réfugiés
choisit de fuir dans un pays frontalier et y reste.
Lorsque les réfugiés choisissent de fuir au-delà
de leur région d’origine, ils choisissent un pays
dans lequel ils pensent pouvoir bénéficier d’un
réseau social et de perspectives au niveau personnel. Ils choisissent enfin un pays qu’ils peuvent atteindre.
Comment arrivent-ils en Europe ?
Ils arrivent pour 90 % d’entre eux de façon irrégulière en Europe. Et là je reprendrai les termes
même de la Commission européenne car elle le
dit si bien :
« les filières illégales constituent une importante voie d’accès à la sécurité qu’offre l’Union,
les passeurs étant des intermédiaires clés pour
y entrer ».
On peut tirer de cette présentation la conclusion suivante : l’Europe accueille peu de réfugiés par rapport à son poids économique et sa
population, elle accueille des réfugiés qui ont su
venir par des moyens irréguliers, donc des réfugiés riches ou suffisamment endurants ou débrouillards pour tromper les contrôles aux frontières européennes.
Face à cette situation, bâtir le meilleur système
d’asile en Europe n’a pas de sens si rien n’est
fait.
Les progrès techniques autorisent à penser que
des frontières étanches pourraient se développer et si des portes d’entrées spéciales n’y sont
pas aménagées, alors les réfugiés ne passeront
plus du tout.
104
Deux priorités selon Forum Réfugiés pour que
l’Europe reste une terre d’accueil : organiser
des voies d’accès à l’Europe et s’investir audelà de son territoire pour protéger les réfugiés.
Intégrer la protection des réfugiés à la politique
étrangère de l’UE
Enfin l’UE doit faire de la protection des réfugiés une composante à part entière de sa politique étrangère. Elle doit promouvoir l’application de la Convention de Genève là où, trop souvent, les droits des réfugiés sont réduits, limités
voire bafoués. La question de la protection des
réfugiés doit être « désenclavée » pour intégrer
toutes les composantes de la politique étrangère de l’Union européenne : la coopération avec
les Etats tiers (notamment dans le domaine de
l’immigration), l’aide au développement ou l’assistance humanitaire.
Il serait par exemple beaucoup plus cohérent de
lier les initiatives européennes en matière de
réinstallation à la contribution d’ECHO dans les
pays comme la Jordanie ou la Syrie qui accueillent un grand nombre de réfugiés irakiens,
qu’aux « programmes de protection régionaux »,
concept flou et n’ayant pas encore fait la preuve de son efficacité.
Organiser des voies d’accès pour les réfugiés :
L’absence de voies légales d’accès à l’Union
européenne contraint les réfugiés qui veulent y
trouver l’asile à des voyages dangereux et coûteux. De fait les plus faibles en sont naturellement exclus. Face à cette situation quelles sont
les alternatives ?
L’Union européenne devra créer des procédures
d’entrée protégées pour ceux qui, du fait de
leur éloignement géographique, du coût et des
dangers de plus en plus grands que comporte le
recours à des passeurs, ne peuvent arriver spontanément. Elle pourra s’inspirer de certains
pays européens qui délivrent déjà un petit nombre de visas au titre de l’asile. De nombreux
obstacles et difficultés techniques se poseront.
Il faudra penser l’accès à ces procédures, éviter
leur engorgement et assurer des garanties procédurales afin de permettre un traitement équi- De même, lorsque l’UE envisage de collaborer
table des demandes.
avec les pays du Maghreb ou la Libye dans le
domaine du contrôle de l’immigration, elle deS’investir au-delà de son territoire pour proté- vrait d’abord s’assurer que ces derniers respecger les réfugiés :
tent les droits des réfugiés et notamment le
Développer la réinstallation : en ce qui concer- principe de non-refoulement.
ne les réfugiés les plus vulnérables, le HCR a
identifié 150.000 personnes, principalement au
Moyen-Orient et en Afrique. Ces personnes doivent être réinstallées car pour différentes raisons elles sont en grand danger dans le pays où
elles ont trouvé refuge. Or, ces personnes ne
seront pas réinstallées en Europe. Moins de 5000
personnes ont été réinstallées en Europe l’année dernière.
Alors que la Commission se prépare à faire des
propositions pour une initiative européenne
dans le domaine de la réinstallation fin 2009,
l’Europe est confrontée à un double challenge.
A l’heure actuelle, l’Europe ne propose que 5%
des places de réinstallation offertes dans le
monde (moins de 5.000). Pour que l’action européenne dans ce domaine ne reste pas anecdotique, les Etats membres doivent s’engager à offrir plus de places. Le deuxième challenge sera
de maintenir un haut standard dans l’accueil
des populations vulnérables, notamment en
continuant à ne pas ajouter de critères de sélection à ceux définis par le HCR. La création d’un
programme européen pourrait répondre à ces
deux challenges par l’encadrement des critères
nationaux de sélections des réfugiés à réinstaller et par la mobilisation de moyens qui pourraient inciter les Etats membres à offrir plus de
places pour les réfugiés les plus vulnérables.
105
Jean-Pierre Guardiola
Chef de service Asile
Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale
et du Développement solidaire.
Mesdames, Messieurs,
tection que l’on constate.
Je suis très heureux et très honoré de prendre Dans ce contexte, la France a pris une initiative
forte à l’occasion de sa présidence du Conseil
la parole ce matin devant vous.
européen.
M. Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’in- Elle a proposé à ses partenaires un Pacte eurotégration, de l’identité nationale et du dévelop- péen sur l’immigration et l’asile qui, après plupement solidaire, a accepté de parrainer votre sieurs mois de discussion, a été adopté lors du
manifestation et m’a demandé de le représen- dernier Conseil européen.
Ce pacte est la « feuille de route » de l’Union
ter aujourd’hui, ce que je fais très volontiers.
européenne pour les années qui viennent sur les
Je le fais très volontiers car, en tant que chef questions migratoires et sur l’asile. Il donnera
du service de l’asile au ministère de l’Immigra- l’impulsion politique nécessaire pour avancer à
tion, je connais l’association Parcours d’Exil et 27, notamment sur la voie d’une « Europe de
j’en apprécie l’action en faveur des victimes de l’asile ».
sévices et d’atteintes aux droits de l’Homme, Un important travail législatif sera lancé dans
les mois qui viennent par la Commission eurotout particulièrement de tortures.
péenne (comme l’a indiqué tout à l’heure la
C’est une action qui mérite d’être encouragée représentante de la Commission) sur la base de
son plan d’action en matière d’asile, publié au
et aidée par le ministère que je représente.
mois de juin dernier et qui est en parfaire cohéL’intitulé de cette table ronde est : « Les priori- rence avec le pacte européen.
tés de la présidence française et les victimes de Il visera à apporter des modifications aux directorture : conséquences de la fermeture de l’Eu- tives européennes qui régissent la matière de
rope sur les conditions d’accueil et de prise en l’asile. La volonté de la présidence française est
que ces modifications traduisent un alignement
soin des victimes ».
Permettez-moi de vous dire, d’emblée et en vers le haut des normes et procédures applicatoute franchise, que cet intitulé ne correspond bles aux demandes d’asile.
pas à la réalité.
Il est, en effet, inexact de parler de Par ailleurs, un bureau d’appui européen en ma« fermeture de l’Europe » – et singulièrement tière d’asile sera mis en place au premier tride la France - aux réfugiés et, parmi eux, aux mestre 2009. Il s’agira d’une structure souple de
coopération entre les Etats membres pour le
victimes de la torture.
Un simple chiffre le démontre : l’année dernière partage d’informations sur les pays source et
l’OFPRA et, en appel, la CNDA ont rendu 8.816 pour l’échange de bonnes pratiques. Ce ne sera
décisions d’attribution du statut de réfugié pas une instance de décision. La décision en
contre 7.380 en 2006, soit une augmentation de matière d’octroi du statut restera une compé19,5%. Cette progression se confirmera en 2008. tence nationale.
Le taux global d’admission au statut de réfugié La nécessité d’une telle instance de coopération
est passé de 19,5% en 2006 à 29,9% en 2007. pratique entre Etats membres est apparue avec
C’est donc actuellement plus d’un demandeur évidence ces dernières années, devant les divergences très fortes dans les taux de reconnaisd’asile sur 3 qui se voit reconnaître le statut.
A la frontière, la demande d’asile a progressé sance du statut de réfugié selon les nationalités
de 75% en 2007 par rapport à l’année précéden- dans les Etats membres. Comme cela a été soute. Le taux d’avis positif rendu par l’OFPRA au vent souligné, pour le déplorer, le taux de reministère de l’Immigration est passé de 21,8% connaissance du statut de réfugié pour les resen 2006 à 44,6% en 2007 et comme par le passé, sortissants irakiens, par exemple, varie de 1% à
le ministre de l’Immigration a toujours suivi l’a- plus de 90% selon les pays de l’UE (52% en France).
vis de l’OFPRA.
C’est donc tout le contraire d’une fermeture
des frontières aux personnes en besoin de pro106
Une autre orientation très importante qui
vient d’être donnée par le pacte est celle de la
mise en place de dispositifs permettant l’accès
à la procédure d’asile de personnes ayant un
besoin de protection à l’extérieur des frontières
de l’UE. Les 27 ont, en effet, voulu marquer que
le nécessaire renforcement des contrôles aux
frontières extérieures de l’UE pour lutter contre
toutes les formes d’immigration irrégulière et
contre les filières mafieuses ne devait pas avoir
pour conséquence de rendre plus difficile l’accès à cette protection.
Les 27 – ou en tout cas un certain nombre d’entre eux, dont la France – ont également décidé
de développer des programmes de réinstallation
de réfugiés sur le territoire de l’Union.
Mesdames, Messieurs, le temps dont je dispose
étant limité, mon propos n’est pas de vous faire
un exposé complet sur les politiques européennes en matière d’asile.
Mais je voudrais insister sur un point qui est celui de la nécessaire association de la société
civile et des ONG aux travaux de construction
de l’Europe de l’asile.
introduite dans le droit européen par la directive du 29 avril 2004. Elle figure dans le droit
français depuis la loi du 10 décembre 2003.
La protection subsidiaire permet de couvrir des
situations que ne couvre pas, même au prix d’une interprétation large, la Convention de Genève sur les réfugiés.
Elle apporte une protection dans des cas distincts de ceux prévus par la Convention de Genève,
où les personnes sont exposées à des risques de
traitement contraires à la CEDH (notamment son
article 3) telle qu’elle est interprétée par la
Cour européenne des droits de l’Homme, notamment la peine de mort, la torture, les traitements inhumains et dégradants, les menaces
graves et individuelles résultant d’une situation
de conflit.
Cette association est nécessaire. La politique
d’asile, plus que toute autre, est un domaine où
les pouvoirs publics et les institutions européennes ont besoin de recevoir du monde associatif
des témoignages, des analyses, des propositions
et aussi bien sûr des critiques constructives.
M. Hortefeux en organisant les 8 et 9 septembre
dernier à Paris, sous présidence française, une
conférence ministérielle sur l’asile (« Bâtir une
Europe de l’asile ») a expressément voulu y associer la société civile et les ONG et le résultat
de cette journée de dialogue a été particulièrement intéressant et constructif.
Votre préoccupation – la préoccupation de Parcours d’Exil et celle d’autres associations et
personnalités ici présentes – est de prendre en
compte la situation et les besoins de protection
spécifiques aux victimes de la torture.
Eh bien, je vous invite à présenter des propositions de modifications législatives en ce sens.
Nous sommes en effet dans une phase de construction d’une Europe de l’asile et dans ce
contexte, toutes les propositions constructives
seront les bienvenues.
C’est ainsi, par exemple, qu’il me semble, à
titre personnel, qu’une réflexion approfondie
sur la protection subsidiaire serait utile.
Vous savez que la protection subsidiaire a été
107
Catherine Wihtol de Wenden
Directrice de recherche (CNRS—Sciences Po)
Pour ma part, je vais être peut-être sur un autre
registre même si on reste toujours sur l’asile et
les victimes de la torture. Et je vais me placer
peut-être sur un temps plus long pour essayer
d’expliquer deux choses : que d’une part un
certain nombre de mécanismes institutionnels
ont eu pour effet de réduire le droit d’asile,
notamment dans un contexte européen depuis
de nombreuses années (depuis 1990 en gros), et
que d’autres pratiques viennent conforter ces
tendances même s’il y a des velléités qui sont
louables d’avoir une Europe du droit d’asile plus
harmonisée, sachant que les inégalités créent
parfois des zones de non-droit, de traitements
différenciés et une moindre efficacité de la politique européenne d’immigration en général.
L’idée de construire une Europe de l’asile me
parait tout à fait positive dans le cadre du pacte, mais cela s’inscrit dans une série de mécanismes institutionnels depuis de longues années,
qui sont très réducteurs du droit d’asile et dans
des pratiques qui sont encore plus problématiques pour les droits de l’Homme. C’est là-dessus
que je vais fixer mon propos.
Tout d’abord sur les mécanismes institutionnels : je rappelle très brièvement un contexte
que vous connaissez aussi bien que moi si ce
n’est plus ; depuis les années 90, on a eu un
afflux en Europe des demandeurs d’asile qui
s’est fortement réduit depuis trois ou quatre
ans. On a été jusqu’à 500.000 demandes d’asile
en Europe au milieu des années 90 ; pour ne
citer qu’un seul chiffre : en 1992, l’Allemagne à
elle seule a reçu 438.000 demandes d’asile pendant que la France à l’époque était autour de 25
ou 30.000, à peu près le même chiffre pour le
Royaume-Uni ; ensuite l’Allemagne a réduit son
nombre d’arrivants du fait de sa réforme du
droit d’asile en 1993 et aujourd’hui, selon les
années, la France, l’Allemagne, l’Angleterre
depuis à peu près cinq ans, se disputent le premier rang pour le nombre d’accueil de demandeurs d’asile qui se présentent dans le contexte
européen. Autre élément, certains Etats demandaient le burden sharing, le partage du fardeau,
puisque certains recevaient beaucoup plus de
demandeurs que d’autres. Ce qui justifie l’idée
d’une politique européenne de l’asile. L’autre
élément est qu’il y avait eu des tentatives, notamment une tentative autrichienne en 1998,
d’élaborer en parallèle du droit de la convention de Genève et même de façon presque séparée, une sorte de système européen de l’asile
autonome qui finalement a été écarté des dé-
bats européens.
Entre-temps, on a eu malgré tout la construction de la politique européenne de l’asile, les
accords de Dublin de 1990 avec pour principe de
la fin à ce qu’on appelle le asylum shopping, qui
est le fait de tenter sa chance dans plusieurs
pays : on « fait son marché » entre les pays européens de façon concurrentielle pour les demandes d’asile. Une fois qu’on a eu une réponse
négative, on ne peut plus demander l’asile dans
un autre pays européen. Il s’agit de Dublin 1.
Puis en 2003, on a eu Dublin 2 qui est une réponse, en partie, à ce qu’il c’est passé à Sangatte : des gens qui traversaient l’Europe avec
l’idée de demander l’asile dans un pays bien
précis qui était le Royaume-Uni parce qu’ils y
avaient des liens ; un droit d’asile peut être plus
favorable parce qu’il avait des prestations plus
importantes et surtout le droit de travailler,
lequel en France a été supprimé pour les demandeurs d’asile depuis 1991 (alors que d’autres pays européens permettaient de travailler
aux demandeurs d’asile). Voilà donc le contexte.
En réalité dans tout ce mécanisme, le droit d’asile a été grignoté par rapport au principe constitutionnel : il n’est plus tout à fait vrai que
toute personne a le droit d’être accueillie comme réfugié dans tous les pays européens parce
qu’on a le droit d’être accueilli comme réfugié
que si on n’a pas été refusé dans un autre pays
européen - et aujourd’hui c’est le one stop one
shop, le premier pays où on met le pied qui est
le pays où on doit être examiné comme demandeur d’asile.
Par conséquent, cela réduit le droit d’asile d’une part, puisque chaque pays garde une partie
de sa souveraineté, notamment dans ce domaine que sont les relations politiques étrangères.
Cela va être difficile - ambitieux mais difficile d’avoir une politique européenne de l’asile tant
qu’on n’a pas une politique européenne commune.
D’autre part, des formules de l’asile que certaines associations appellent « au rabais » se sont
développées pour faire face à toute une série de
situations qui ne correspondent plus à la
convention de Genève mais qui sont néanmoins
des personnes qui peuvent être victimes de torture, des personnes qui fuient une situation de
crise, etc.
108
On a eu en France l’asile territorial de
1998 et 2003. On a eu le statut B en Allemagne
et dans d’autres pays européens, des formes
diverses d’accueil humanitaire. On a inventé
même en France, pour la crise yougoslave, un
statut particulier de gens qui ont trouvé l’asile
soit en France, soit en Allemagne, etc., mais de
façon dispersée. Et donc l’idée d’avoir un système commun n’était pas mauvaise et en même
temps le droit d’asile a beaucoup répondu à
l’opinion publique puisque la décision de 1991
en France de supprimer le doit du travail des
demandeurs d’asile vient du fait que certains
disaient que c’était des « faux réfugiés », qu’ils
venaient là pour travailler parce que l’accès au
travail était fermé depuis 1974 et que les gens
essayaient l’asile comme ils auraient essayé
d’autres voies d’entrée.
En Allemagne, débat inverse en 1991 : on a rétabli le droit au travail des demandeurs d’asile
parce que dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les gens disaient « ces gens-là
sont payés à ne rien faire » ; il y avait eu beaucoup de manifestations de violence contre ces
gens qui étaient « payés par l’État ».
Je voudrais résumer en disant que l’opinion publique a conduit à des politiques d’asile très
diverses, voire dispersées dans les pays européens. Et ceci dit, ces politiques d’asile dans un
système européen de l’asile ont conduit plutôt à
une réduction du droit d’asile par rapport au
principe constitutionnel de la reconnaissance du
droit d’asile dans les pays européens, et par
rapport au principe de la convention de Genève
initiale. Cela est un premier élément.
Deuxièmement, sous l’influence du HCR et sous
l’influence également de la crise de l’asile dans
les années 90 et 2000, on a eu un développement de situations « humanitaires ». C’est-àdire que le droit d’asile s’est plutôt répandu, si
j’ose dire, dans une tendance non seulement
sécuritaire puisque le droit d’asile a été utilisé
par les pays européens comme moyen parmi
d’autres de contrôler les frontières mais aussi a
été tenté par les formes humanitaires qui
étaient une tendance du HCR, consistant à protéger les personnes sur place. Donc l’asile interne, par exemple, dans un certain nombre de
pays, a défini dans des pays en crise des périmètres de protection des personnes mais en même
temps ces personnes, très souvent, ne peuvent
plus demander le droit d’asile si elles sont bénéficiaires chez elles de l’asile interne.
Liste de « pays sûrs » d’où on ne peut pas demander l’asile, liste de « pays tiers sûrs » : dans
la loi française de 2003, on prend en compte
cette nouvelle dimension d’asile interne, de
pays sûrs, de pays tiers sûrs, etc. D’autres pays
européens l’avaient fait auparavant.
Pour clôturer, le fait que beaucoup de pays européens interviennent à des fins de protection
dans des pays en crise rend encore plus ambiguë
la prise en compte de la notion de « pays sûrs »
et surtout de l’asile interne.
Je prends un seul exemple, la Côte d’Ivoire. En
Côte d’Ivoire, l’armée et la police française sont
intervenues à des fins de rétablissement de la
paix, de pacification. Le ministère des Affaires
étrangères, qui avait alors la pleine tutelle sur
l’OFPRA, se prononçait sur la réalité de l’asile
interne (et le cas se retrouve dans d’autres pays
européens). Pour examiner si la situation était
sûre et si les personnes étaient suffisamment
protégées sur place pour ne pas avoir à demander l’asile en France, cela voulait dire qu’ils
appréciaient éventuellement la façon dont le
ministère français de l’Intérieur ou de la Défense avait fait son travail en assurant une certaine
paix là où la personne avait demandé l’asile.
Il y a une ambigüité très forte puisqu’on est juge et partie dans ce système. Là aussi, cela réduit la marge d’autonomie de la personne, avec
cette introduction de l’humanitaire et des zones
de protection dans la possibilité de demander
l’asile donc du droit d’asile même si les personnes sont protégées sur place et si on peut considérer à bon droit que les gens sont mieux chez
eux parce que la plupart des personnes déplacées trouvent asile chez leurs voisins que dans
un pays beaucoup plus lointain avec lesquels ils
auront moins de liens. C’est un point de vue
mais c’est effectivement une réduction du principe du droit d’asile en tant que tel.
Par ailleurs, de nouveaux problèmes d’asile sont
apparus comme ceux qu’on appelle les réfugiés
environnementaux, peu pris en compte par le
droit et la jurisprudence mais néanmoins posant
problème pour la nature de la protection que
l’on peut offrir. Aujourd’hui, on est dans une
situation où d’une part la convention de Genève
est maintenue, le débat sur « faut-il supprimer
la convention de Genève » étant plutôt derrière
nous. Mais en même temps, on essaie d’avoir un
système européen de l’asile, en l’absence de
politique étrangère commune qui fait qu’on a
des sensibilités différentes à l’égard des situations internationales et à la souveraineté de
l’Etat disons un peu chahutée à travers cet élément ; et en même temps, on veut être plus
efficace et faire que les choses soient plus équitables entre les pays européens dans l’accueil
des demandeurs d’asile et essayer de répartir
un petit peu la « charge » entre les pays.
109
Si on regarde la mise en œuvre de la dimension « contrôle » des personnes qui entrent
irrégulièrement, il ne faut pas oublier que l’asile est la seule façon légale d’entrer sans papier
dans les pays européens. On constate que d’une
part l’accès au territoire, même européen, est
de plus en plus difficile puisqu’un certain nombre de pays sur les frontières extérieures de
l’Europe ont pour rôle de contrôler les frontières externes. L’accès au territoire européen est
de plus en plus difficile du fait de ce système de
garde-frontières assumé par des pays qui sont
devenus des pays de transit pour l’essentiel, le
Maroc, la Turquie, etc., avec des gens qui se
trouvent dans une situation de sas, sans possibilité de sortir de là où ils sont entrés parce qu’ils
espéraient aller plus loin. Et l’autre problème
est que ce travail de « tri » est fait par des
pays pas toujours gardiens des droit de l'Homme, comme la Libye.
Toutefois, certaines associations ont critiqué (à
juste titre me semble-t-il) les disparités constatées au plan européen pour la mise en œuvre
par les Etats membres de la protection subsidiaire.
Elles considèrent que cette forme de protection
laisse une trop grande marge de manœuvre aux
Etats membres en ce qui concerne l’interprétation de cette notion (attestée par des taux d’octroi trop divergents) et le statut qui en découle.
Elles estiment que la différence de traitement
entre les bénéficiaires du statut de réfugié et
les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne
se justifie pas. Elles appellent, en conséquence,
à un approfondissement de la réflexion sur
l’harmonisation, allant dans le sens de la suppression de ces disparités.
L’adoption – à l’horizon 2012- de statuts uniformes de réfugié d’une part, et de bénéficiaire de
la protection subsidiaire d’autre part – telle
Autre élément, c’est que ce contrôle des per- qu’elle est préconisée par le projet de Pacte
sonnes conduit à des situations qui posent pro- européen sur l’asile et l’immigration – devrait
blème en termes de droits de l’Homme, par répondre à cette difficulté.
exemple les centres de rétention. Je participe à
la commission nationale de déontologie de la C’est un exemple d’un progrès possible dans le
sécurité, qui est une commission indépendante : domaine de la protection accordée aux victimes
on a beaucoup de problèmes avec les violences de la torture.
à la personne qui sont commises lors des reconductions à la frontière, parmi lesquelles il y Je vous remercie de votre attention.
a des déboutés du droit d’asile qui parfois avec
des éléments nouveaux arrivent à obtenir le statut, peu d’entre eux mais certains. Là aussi l’asile est en cause.
Et puis bien sûr le quotidien de nos affaires ce
sont les contrôles d’identité où on a en permanence des problèmes de maltraitance, du fait
de la façon dont les choses sont parfois gérées.
Tout cela pour dire que l’on est dans un souci
de plus grande efficacité, certes, dans un souci
de plus grand partage entre les pays européens
avec l’idée que les plus offrant en terme de
prestations sociales ne seront pas pénalisés à
l’égard des moins offrants, par exemple, parce
qu’on a de grandes disparités en la matière.
Mais en même temps, on est en train de renier
l’asile à travers toute une série d’éléments qui
existent depuis la tentative de « réeuropéaniser » l’asile, et de grignotage des
principes fondamentaux du droit d’asile constitutionnel et de la convention de Genève.
La protection subsidiaire a renforcé de manière
significative, comme l’ont d’ailleurs constaté
les comités internationaux de protection des
droits de l’Homme, la protection due à des personnes exposées à des risques dans leur pays
d’origine, et a fortifié le droit d’asile, notamment à destination des victimes de la torture.
110
Eric Panloup
Délégation aux Victimes (DAV)
Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales
Bonjour,
Tout d’abord je vous remercie pour cette invitation à participer à ce colloque sur les victimes
de torture. Mon intervention s’inscrit en marge
de la réflexion, dans le cadre de la traite des
êtres humains, mais le parallèle est grand entre
les victimes de la traite et les victimes de torture. En effet, l’exploitation de la misère et de la
souffrance humaine n’a pas de limite, et les
personnes en grande détresse, physique ou psychologique, forment souvent un terreau particulièrement fertile pour les réseaux criminels.
Je profite de cette occasion pour vous présenter
brièvement la délégation aux victimes à laquelle
j’appartiens. Chef du détachement de la gendarmerie nationale au sein de la structure, je
suis en charge, aux côtés d’un capitaine de police, de la problématique liée aux victimes de la
traite des êtres humains. La délégation, forte
de trois gendarmes et de trois policiers, créée
en 2005, a pour mission essentielle de s’occuper
des victimes d’infraction pénale. Notre action
vise notamment à étudier les possibilités d’améliorer la prise en charge des victimes ainsi que
les mécanismes existants que ce soit pour la
reconnaissance du statut des victimes ou pour
l’assistance dont elles doivent bénéficier. A ce
titre notre implication en faveur des victimes de
la traite est importante et la mission particulièrement ambitieuse tant la complexité du phénomène est importante.
La traite des êtres humains est une des formes
de violence les plus avilissantes qui soit. Que ce
soit l’exploitation sexuelle, l’esclavage moderne, le travail forcé ou toute autre forme d’exploitation, il s’agit incontestablement d’une des
pires atteintes à la dignité humaine et aux
droits de l’Homme.
La France, parmi les premiers Etats à avoir ratifié le protocole de Palerme puis la convention
de Varsovie sur la protection des victimes de la
traite des êtres humains, s’implique avec détermination tant sur la scène internationale que
sur le territoire national.
Cette vision transnationale et l’impérieuse nécessité de coopérer ont été clairement affichées
cette année par l’envoi d’un représentant au
séminaire des rapporteurs nationaux et formations équivalentes qui s’est tenu à Vienne au
siège de l’OSCE les 22 et 23 septembre dernier.
Au niveau national, la France a mis en application sur son territoire un dispositif législatif et
réglementaire important et très complet, notamment pour ce qui est du volet répressif visant à combattre les réseaux criminels.
Ainsi, ce code pénal français donne une définition très claire de la traite des êtres humains et
la prise en charge des victimes étrangères est
également inscrite dans le code d’entrée et de
séjour des étrangers et demandeurs d’asile.
Cependant, la vision essentiellement centrée
sur les auteurs tend à évoluer vers une conception beaucoup plus large du phénomène. Aujourd’hui une vision holistique du problème
émerge et le besoin de coopération et de coordination nationale semble s’imposer. Le recentrage de la lutte contre la traite des êtres humains sur la victime est incontournable, essentiel si on veut enfin reconnaître le statut de victime aux personnes exploitées, lutter efficacement contre ce fléau et ainsi obtenir des
condamnations pour traite. Cette volonté forte
de politique pénale oriente de fait vers la protection des victimes. La protection des victimes
passe par la reconnaissance de leur statut. Or à
ce jour en France, une seule affaire a été jugée
pour traite des êtres humains et une deuxième
est à l’instruction (ces affaires concernent des
trafics d’enfants). Cela ne veut pas dire bien
évidement qu’il n’y a pas d’exploitation et de
trafic humain en France, non, les affaires de
traite sont jugées selon d’autres catégories d’infraction plus connues et plus anciennes. L’incrimination dans le code pénal ne date que de
2003.
Or, ne pas condamner au titre de la traite des
êtres humains, c’est ne pas avoir de victimes de
traite, dans la conception de victime idéale.
Leur prise en charge et leur considération risquent alors de s’en ressentir. En revanche, il est
à noter que les peines prononcées contre les
auteurs sont lourdes. Mais qu’en est-il du suivi
des victimes ?
Cette considération se complexifie encore lorsque la victime est une ressortissante étrangère
en situation irrégulière sur le territoire national.
Car la prise en compte de sa position administrative ainsi que la question de sa régularisation
possible, en cas de traite des êtres humains,
rendent parfois délicate l’assistance à la victime.
111
La difficulté à rendre cohérent l’ensemble sein du réseau sera de 15 jours environ, le
du système impose une réflexion commune sur temps d’organiser son retour dans les meilleures
conditions possibles d’accueil et de voyage. Si
la question.
cette dernière désire demeurer sur le territoire
L’exemple du délai de réflexion proposé à la national, sa prise en charge peut durer jusqu’à
victime est intéressant. Il oscille entre 30 jours un an. A ce jour, quelque 300 personnes ont été
et 6 mois selon le pays. En outre certains pays prises en charge par le réseau Ac Sé depuis sa
n’imposent aucun délai pour assurer cette pro- création en 2002.
tection, pariant sur le fait qu’assurer leur protection permettra à ces victimes, lorsqu’elles se Je vous remercie de votre attention.
sentiront prêtes, de collaborer avec les autorités. Il est en effet difficile pour certaines victimes des actes les plus odieux de se restructurer
et d’accepter de faire face à tant d’horreur
dans des délais contraignants.
La traite des êtres humains n’est pas le problème d’une catégorie de spécialistes mais d’un
ensemble pluridisciplinaire d’experts. Apprendre à identifier une victime de la traite des
êtres humains, la reconnaître dans sa qualité de
victime avant toute chose, puis assurer sa protection, constituent un enjeu majeur, gage d’une approche efficiente de la question.
C’est pourquoi des programmes de formation à
l’identification des victimes vont être mis en
place en 2009 à destination des policiers et gendarmes. Cette formation porte notamment sur
l’application de critères d’identification clairement établis.
J’aborderai un dernier point avant de clore mon
intervention. Ce dernier point concerne l’accueil sécurisant des victimes de la traite des
êtres humains.
En effet, il existe en France un dispositif d’accueil sécurisant mis en place au niveau national.
Ce dispositif national (ou réseau Ac Sé) pour les
victimes de la traite des êtres humains est organisé autour d’associations spécialisées, de lieux
d’accueil disséminés sur tout le territoire national et coordonné en étroite relation avec les
ministères concernés.
Il propose un hébergement sûr à toute personne
majeure victime de la traite des êtres humains
dont la sécurité n’est pas garantie. Le principe
d’accueil s’appuie sur la confidentialité du lieu,
l’éloignement géographique et l’adhésion de la
victime.
La saisine de ce réseau national sécurisant ne
peut être opérée que par un policier ou gendarme, un magistrat ou un travailleur social spécialisé. La victime est prise en charge quel que soit
son avenir sur le territoire français, qu’elle ait
vocation à y demeurer ou qu’elle souhaite retourner dans son pays. Dans ce cas de figure,
seul les délais de présence au sein de la structure seront différents. Si la personne souhaite retourner dans son pays d’origine, sa présence au
112
Pierre Duterte
Médecin Directeur Parcours d’Exil
Le traumatisme psychique
Définition du traumatisme
•
« Le choc est équivalent à l’anéantissement du
sentiment de soi, de la capacité de résister,
d’agir et de penser en vue de défendre le soi
propre. »
(« Réflexions sur le traumatisme », in Psychanalyse IV, Payot, Paris, 1982 p. 139)
•
Cette définition du trauma, formulée par Sandor
Ferenczi en 1932, souligne la façon dont le choc
psychique met en échec les ressources individuelles grâce auxquelles chaque personne,
qu’elle soit enfant ou adulte, est habituée à
faire face aux difficultés de l’existence. Elle
permet d’envisager le trauma psychique sans
trauma physique, tel qu’il survient dans les situations où la personne ne peut « défendre le
soi propre » parce qu’elle assiste à la torture ou
au massacre d’autrui, à l’activité sexuelle des
adultes quand il s’agit d’un enfant.
•
•
•
Des troubles de la mémoire et de la
concentration ;
Des troubles du caractère (nervosité, irritabilité) ;
Des troubles de l’alimentation, des toxicomanies ;
Des troubles psychosomatiques ;
Des troubles dépressifs.
Le traitement idéal d’un tel syndrome implique
une prise en charge pluridisciplinaire. La victimologie a mis l’accent sur l’importance du travail en réseau autour des victimes, reliant psychothérapie, soins médicaux ou/et psychiatriques, soutien social (associatif) et intervention
judiciaire.
Dans le cas des personnes réfugiées, la dimension judiciaire est quasiment inaccessible. Rares
sont ceux qui verront un jour leurs tortionnaires
ou leurs persécuteurs dans le box des accusés,
écoutant le verdict d’une condamnation justifiée. La plupart restent privés de cette
« réintégration symbolique » dans la communauConséquences psychopathologiques du trauma
té humaine d’où ils avaient été « exclus » par la
violence.
Le stress post-traumatique
Seuls l’OFPRA et la CRR peuvent offrir une justiDepuis le développement de la victimologie en ce « en creux », en les reconnaissant statutaires
France, en 1993, le terme le plus souvent utilisé et donc victimes, mais sans pouvoir identifier
pour désigner le syndrome présenté par les vic- solennellement, ni sanctionner, les auteurs.
times est l’ESPT, état de stress posttraumatique. C’est un ensemble de symptômes Troubles dissociatifs
apparaissant après une période de latence qui Le débordement psychique, l’expérience d’être
peut durer plusieurs mois.
impuissant à éviter la catastrophe, incite la victime, et tout particulièrement l’enfant, à se
Les symptômes les plus couramment décrits sont modifier lui-même à défaut de pouvoir modifier
les suivants :
l’environnement destructeur. La fragmentation
• Un syndrome de répétition, qui se traduit psychique permet au Moi d’échapper à la conspar l’irruption répétitive de réminiscences cience totale du désastre.
traumatiques, de cauchemars, de réveils
nocturnes, aggravé après une exposition à « Je ne souffre plus, je cesse même d’exister
des événements ou des éléments qui rap- tout au moins comme un Moi global »
pellent le traumatisme ;
(S. Ferenczi).
• Un syndrome d’évitement, par lequel la
personne tente d’éviter tout ce qui lui Chaque fragment de la personnalité n’a plus
rappelle l’événement (comme d’en par- qu’un fragment de l’événement à gérer : les
ler, par exemple) et souvent toute émo- émotions d’horreur, de terreur, sont séparées
tion ;
de la perception physique de la douleur, des
• Des troubles dissociatifs ;
odeurs d’urine et de sang, de la vision du regard
• Une tendance à l’isolement social ;
haineux de l’agresseur, de la compréhension
intellectuelle de l’événement, etc.
• Un état « sur le qui-vive » permanent ;
113
aussi, faute d’avoir pu contre-attaquer un
agresseur tout-puissant, déplacer une colère
légitime sur d’autres innocents, dès lors que
leurs caractéristiques rappellent l’agresseur ou
l’agression.
Les mineurs, en particulier, reproduisent souvent avec précision les actes de violence ou de
détournement sexuel qu’ils ont subi contre les
autres enfants, leurs éducateurs, les policiers,
Après le trauma, ce mécanisme de défense dé- etc.
sespérée se manifestera encore chaque fois que
la victime sera de nouveau confrontée à un élément matériel ou métaphorique du choc traumatique. Les personnes se dissocient, par exemple, lors d’un entretien portant sur leur histoire
traumatique. Leur interlocuteur le perçoit souvent de façon implicite : la personne paraît soudain absente, « ailleurs », ou adopte un ton monocorde ou étrangement détaché pour relater
des faits horribles. Il se peut également qu’elle
génère chez l’intervenant un sentiment d’irréalité, d’ennui, d’incrédulité.
Cette « stratégie » défensive permet à la
victime de perdre partiellement conscience de
la confrontation avec la mort inhérente à l’expérience. Il arrive qu’elle éprouve la sensation
d’observer de l’extérieur son corps supplicié ou
d’être coupée de la perception de la douleur
physique en encore qu’elle s’absorbe totalement dans un détail inoffensif de la scène.
La mémoire de l’événement, elle aussi, sera
morcelée et organisée selon ce qui fait le plus
sens par rapport au choc traumatique, ce qui
n’est pas sans nuire à la crédibilité des victimes.
L’identification à l’agresseur
«(…) cette peur, quand elle atteint son point
culminant, les oblige à se soumettre automatiquement à la volonté de l’agresseur, à deviner
le moindre de ses désirs, à obéir en s’oubliant
complètement, et à s’identifier totalement à
l’agresseur. Par identification, disons par introjection de l’agresseur, celui-ci disparaît en tant
que réalité extérieure, et devient intrapsychique. »
(S. Ferenczi : « Confusion de langue entre les
adultes et l’enfant. Le langage de la tendresse
et celui de la passion » in Psychanalyse IV,
Payot, Paris, 1982 p.130).
Par l’identification à l’agresseur, la victime retrouve un certain pouvoir sur l’événement. Elle
cesse partiellement d’être une victime impuissante. Du coup, logiquement, elle devient
« coupable » à la place de l’agresseur. Les victimes manifestent d’intenses sentiments de
culpabilité par rapport aux faits qu’elles ont
subis, qui les poussent à cacher ces faits ou à les
minimiser en s’en rendant responsable.
Identifiées à l’agresseur, les victimes retournent
le plus souvent la violence contre elles-mêmes
par la disqualification constante, par les conduites suicidaires, l’automutilation, les toxicomanies, les tentatives de suicide. Elles peuvent
114
Alima Boumediene –Thiery
Sénatrice
L’indemnisation des victimes de torture :
état des lieux des instruments internationaux et européens
Bonjour à tous,
Lorsque l’on songe aux victimes de torture, on
songe au préjudice subi.
Ce dernier est par essence subjectif : il ne saurait y a voir de préjudice type, ou de souffrance
type. Celui-ci découle de « l’ensemble des données de la cause », lesquelles recouvrent à la
fois des paramètres internes et externes.
L’évaluation du préjudice dépend souvent de la
nature et du contexte du traitement ou de la
peine, de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets physiques et mentaux, ainsi
que parfois de l’âge, du sexe, et de l’état de
santé de la victime.
L’appréciation du préjudice est donc, par essence, subjective.
Comment, à partir de cette subjectivité, construire un système uniforme et équitable d’indemnisation des victimes de torture ? Comment
trouver, au sein de la quantité impressionnante
d’instruments internationaux et européens des
droits de l’Homme, un dénominateur commun
acceptable ?
Ne perdons pas de vue un point : le mal subi par
une victime de torture est impossible à réparer
en raison des graves conséquences psychologiques qu’il induit.
Je commencerai donc mon intervention par ceci : quel que soit le système existant, son efficacité, son caractère dissuasif, une chose demeure : les actes de torture ne s’effacent pas. Ils
demeurent, après les séquelles physiques, sous
la forme de dommages moraux indélébiles.
L’indemnisation vient ici jouer un rôle qui a
pourtant son importance dans le processus de
réparation : elle accompagne la victime sur le
chemin de la guérison en garantissant que ses
droits ont été entendus et défendus.
L’indemnisation est donc consubstantielle à la
condamnation.
Je vous présenterai, de manière non exhaustive,
l’émergence d’un droit international de l’indemnisation des victimes de la torture, pour
ensuite vous offrir une perspective comparative
avec la pratique des Etat.
parue la nécessité de définir un corpus de règles
relatives à la réparation des victimes de violations de droits de l’Homme, et en particulier de
torture.
Le texte fondateur d’un droit international des
victimes est la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la
criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir de
1985, adoptée par l’Assemblée générale des
Nations unies, faisant expressément référence à
la nécessité de réduire la criminalisation et soulager la détresse des victimes.
La réparation a donc ici, dans ce texte, une valeur autre que simplement pécuniaire : elle
s’inscrit dans le processus de réparation de la
victime.
Cette déclaration, qui s’adresse à tous les Etats,
définit un ensemble de principes sur lesquels
doit se fonder toute politique en matière d’indemnisation des victimes de violations de droits
fondamentaux. La grande originalité de ce texte, c’est qu’il préconise, au cas où la victime ne
pourrait obtenir d’indemnisation de la part de
l’auteur du crime, que l’Etat assure une indemnisation financière aux victimes qui ont subi une
atteinte à leur intégrité physique ou morale en
conséquence d’actes criminels. L’Etat peut donc
être tenu à une indemnisation même si sa propre responsabilité n’est pas engagée.
Autre point intéressant de ce texte : la déclaration prévoit que les Etats doivent encourager
l’expansion des fonds nationaux d’indemnisation
des victimes.
Ces principes seront repris par le professeur Van
Boven, lorsqu’il entreprit, dans le cadre de la
Commission des droits de l’Homme de l’ONU, de
mettre en place des principes fondamentaux
concernant le droit à réparation des victimes de
violations flagrantes des droits de l’Homme et
des libertés.
La réflexion menée par le Pr. Van Boven sera
reprise par le Pr. Joinet pour aboutir à un texte
adopté en avril 2000 par la Commission des
droits de l’Homme intitulé Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations
du droit international relatif aux droits de
l’Homme et du droit international humanitaire.
Droit international
Ce n’est qu’au milieu des années 80 qu’est ap115
A ce moment naissent les principes qui vont guider les démocraties dans la prise en compte graduelle du droit des victimes de violation des
droits de l’Homme à bénéficier d’une réparation
adéquate et équitable.
Selon ces principes, une indemnisation doit couvrir :
• le préjudice physique ou moral, y compris
douleur, souffrances et chocs émotionnels ;
• la perte d’une chance, comme par exemple l’impossibilité de recevoir une éducation ;
• les pertes matérielles ;
• l’atteinte à la réputation ou à la dignité ;
• les frais engagés pour l’assistance judiciaire, et pour tous les frais médicaux
(médicaments, consultations psychologiques, services sociaux).
La précision de ces principes tranchent avec les
dispositions des conventions internationales.
Par exemple, la convention contre la torture de
1984 fait explicitement référence au droit des
victimes de torture à une indemnisation. Mais
elle se contente de disposer que « tout Etat
partie est tenu de garantir, dans son système
juridique, à la victime d’une torture, le droit
d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate ».
Il en est de même en ce qui concerne les juridictions internationales et régionales qui sont
elle-même amenées à réparer, de manière subsidiaire, les atteintes aux droits de l’Homme.
Lorsque la Cour européenne des droits de
l’Homme accorde une satisfaction équitable, à
savoir une somme d’argent visant à réparer le
préjudice subi, elle le fait au regard des circonstances de l’espèce sans considération d’une
grille de lecture. Le 12 octobre 2004, dans une
affaire où la Roumanie a été condamnée pour
des actes de torture, elle a octroyé 10.000€ à
la veuve de la victime pour le préjudice moral,
décédée en raison des actes de torture subis.
Dans une autre affaire, moins récente, et impliquant la France, l’affaire Selmouni de 1989, la
Cour avait octroyé 76.224€ pour dommage corporel et moral.
Entre ces deux affaires, la différence n’est pas
celle de l’intensité de la souffrance, ou de l’humiliation subie.
Elle est simplement l’expression d’une impossibilité de mettre en œuvre une grille de lecture
homogène. Toute tentative de schématisation
du préjudice en cas de torture est impossible,
parce que la torture est un acte protéiforme,
ayant des effets multiples qui ne sauraient être
quantifiables objectivement.
Le prétoire est donc le seul lieu où le préjudice
devient évaluable in specie. Les montants seront variables, parfois du double au triple selon
la juridiction, ou la victime. Dans tous les cas,
elle n’est, à mon sens, jamais suffisante pour
effacer les traces de la torture.
Droit international humanitaire
En ce qui concerne le droit international humanitaire, la question de l’indemnisation des victimes est absente, puisque seules les réparations
pour les Etats sont prévues.
Lors du conflit opposant l’Irak au Koweït, la
question s’est posée de savoir si les graves infractions au droit international des droits de
l’Homme, et notamment les tortures infligées,
pouvaient être indemnisées. Dans sa résolution
687 de 1991, le Conseil de sécurité a créé un
Fond d’indemnisation pour les dommages et
préjudices causés du fait de l’invasion du Koweït par l’Irak. La Commission d’indemnisation
des Nations unies a donc décidé d’indemniser
les victimes de graves préjudices, et notamment
de tortures, à hauteur de 30.000$ par requérant.
Cet exemple me semble important, puisqu’il
prolonge la question de la création d’un fond
d’indemnisation au plan des relations internationales.
J’en viens maintenant à la seconde partie de
mon intervention.
Que font donc les Etats de ces principes dans
leur droit interne ?
Existe-t-il partout des fonds d’indemnisation des
victimes pour suppléer les auteurs dans leurs
violations des droits de l’Homme ?
Existe-t-il partout un système qui permette une
réparation du préjudice moral vécu par la victime ?
D’abord, je dois préciser que la participation de
la victime au procès pénal n’est pas automatique dans tous les pays. Pourtant, permettre à la
victime de se constituer partie civile, c’est garantir également un droit à réparation au pénal.
De nombreux pays de common law ne prévoient
pas la possibilité pour la victime de participer
au procès pénal et d’obtenir, devant les juridictions répressives, réparation de leur préjudice.
Elles pourront, par la suite, introduire une demande au civil mais sans que cela soit finalement lié au procès pénal en cours.
Concernant la création d’un fonds d’indemnisation, recommandée par l’Assemblée générale
des Nations unies dès 1985, il faut avouer que la
pratique étatique est hétérogène.
116
En France, un dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions a été mis
en place, indépendamment de la procédure pénale et même si l’auteur des faits n’a pas été
retrouvé.
Au sein de chaque tribunal de grande instance,
les victimes ou leurs ayants droits peuvent saisir, sous certaines conditions, les commissions
d’indemnisation des victimes d’infractions
(CIVI), et formuler une demande d’indemnisation qui, s’il y est fait droit, sera versée par le
fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI).
Le 1er juillet 2008, ce dispositif a été renforcé.
Les victimes d’infractions pourront, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision de la juridiction pénale est définitive, s’adresser au fonds de garantie des victimes des
actes de terrorisme et autres infractions (FGTI)
qui versera soit une avance plafonnée à 3.000 €,
soit l’intégralité des dommages et intérêts si
ceux-ci ne dépassent pas 1.000 €.
ment de la sanction de l’auteur, sont les seuls
moyens de créer les conditions d’une guérison
de la victime.
Je vous remercie.
C’est ensuite le fonds de garantie des victimes
qui exercera une action récursoire contre l’auteur. Ce système est de nature à garantir une
indemnisation diligente et rapide, et participe
de la guérison que j’évoquais tout à l’heure. Le
plus vite l’indemnisation intervient, le plus vite
la réparation, au sens large du terme, peut
commencer.
C’est ainsi que, derrière ces chiffres, dont vous
m’excuserez l’utilisation –mais cela me semblait
nécessaire- il y a un impératif auquel aucun Etat
ne peut se soustraire : les victimes de violations
de droits de l’Homme, en particulier les victimes d’actes de torture, doivent bénéficier d’un
dispositif spécifique visant à réduire l’échelle du
temps et la durée du procès pénal.
D’abord, la participation au procès pénal devrait être un impératif de justice : l’implication
de la victime dans la procédure pénale concourt
au sentiment de justice. Elle permet également
à la victime de faire valoir sa qualité de victime
au pénal, et pas plusieurs mois après, devant un
juge civil.
Ensuite, la question de l’indemnisation doit être
au centre de toute politique pénale soucieuse
de restaurer l’intégrité morale de la victime.
D’où la nécessité de la création, au sein de chaque Etat, d’un fonds d’indemnisation des victimes de torture, seule garantie d’une réparation
diligente et équitable du préjudice subi par les
victimes.
Ne voyez rien de vénal dans mes propos. Mais
c’est une réalité : l’indemnisation, en complé117
Laurence de Bauche
Réseau Odysseus
Bonjour Mesdames et messieurs,
Méthodologie de l’étude :
Objet de la directive
Brièvement -parce que peut-être certaines personnes ne connaissent pas cet instrument juridique- cette directive européenne détermine
les droits et les avantages minimaux que les
Etats membres de l’Union doivent reconnaître
Je remercie également l’association et en parti- aux demandeurs d’asile (= demandeurs de proculier M. Vacondios d’avoir associé à cette tection internationale) pendant la durée de la
conférence le réseau académique Odysseus que procédure d’asile c'est-à-dire pendant la durée
je représente.
d’examen de leur demande d’asile.
Permettez-moi tout d’abord de remercier l’association Parcours d’Exil pour l’organisation de
ces deux jours de réflexion et d’échanges sur la
problématique de la reconnaissance des victimes de la torture.
En quelques mots, le réseau Odysseus, qui a été
créé en 1999 par Philippe de Bruycker, professeur à l’Institut d’études européenne de l’ULB,
est un réseau qui regroupe des spécialistes en
droit de l’immigration et de l’asile dans les
Etats membres de l’Union européenne ; ces spécialistes sont en très grande majorité des professeurs d’université qui allient le plus souvent
à leur expérience académique une expérience
pratique.
Le réseau a pour objet principal de mener, soit
d’initiative soit pour le compte de tiers, des
études sur l’état et l’évolution du droit de l’immigration et de l’asile. C’est ainsi qu’il organise
en moyenne tous les deux ans un congrès international dans le domaine, suivi de la publication
d’un ouvrage ; qu’il tient chaque année un cours
d’été sur le droit et la politique européenne du
droit de l’immigration et de l’asile et qu’il organise aussi depuis maintenant trois ans un certificat d’un an sur le droit européen et international de l’immigration et de l’asile.
Donc le titre de la directive, en évoquant l’accueil des demandeurs d’asile, vise en fait des
droits et des avantages que l’on qualifie généralement de conditions d’accueil.
Deux grandes catégories de droits et d’avantages sont distinguées par la directive : il s’agit
des conditions matérielles d’accueil et des autres conditions d’accueil.
Conditions matérielles : logement, nourriture,
habillement et allocation pécuniaire journalière
garantissant un niveau de vie adéquat pour la
santé et la subsistance des demandeurs d’asile.
Autres conditions d’accueil : droit à l’information ; droit au travail, à l’éducation pour les
enfants ; et aussi ce qui nous intéresse dans le
cadre de la problématique qui nous occupe, le
droit d’accès aux soins de santé.
Cette catégorie spécifique, ce sont les demandeurs d’asile vulnérables qui sont également
désignés comme les demandeurs d’asile ayant
Pour ma part je suis juriste, je ne suis rattachée des besoins particuliers.
à aucune université. Je fais partie de l’équipe
de coordination du réseau Odysseus et j’ai mené Plusieurs dispositions dans la directive ont trait
avec Philippe de Bruycker en 2006 et fin 2007/ à cette catégorie spécifique de demandeurs d’adébut 2008 deux études pour le compte la Com- sile parmi laquelle figurent entre autres : les
mission européenne ; ce sont ces études qui jus- personnes qui ont subi des tortures, des viols
tifient ma présence parmi vous aujourd’hui.
ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.
Quel était l’objet de ces études ?
En fait il s’agissait d’évaluer dans les Etats
membres de l’Union la transposition de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes
minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile.
118
L’objectif des différents articles de la
directive qui sont relatifs aux demandeurs d’asile vulnérables est d’imposer aux Etats membres
d’accorder à ces demandeurs d’asile des
conditions d’accueil spéciales c’est à dire :
Comment expliquer ce constat ?
Sans entrer dans des détails juridiques assez
techniques je peux me contenter de souligner
que cette absence de mise en place d’une procédure d’identification dans une dizaine d’Etats
- des conditions d’accueil adaptées à leur si- membres s’explique très certainement par le
manque de clarté de l’article 17 de la directituation de vulnérabilité,
ve qui est l’article posant le principe général de
- des conditions d’accueil adaptées aux be- l’adaptation des conditions d’accueil en cas de
soins particuliers que leur situation spécifique situation de vulnérabilité.
de vulnérabilité engendre et cela dans deux
Notre proposition est de modifier et de claridomaines :
Celui des conditions minimales d’accueil CMA,
fier l’article 17.
Celui de l’accès aux soins de santé.
Voir la nouvelle directive qui devrait être proposée par la Commission vers la mi-novembre.
Premier problème constaté :
pas de procédure d’identification des En tout cas, la position de la Commission est
demandeurs d’asile vulnérables
très claire :
Dans son livre vert (juin 2007) sur l’avenir du
Dans une dizaine d’Etats membres de l’Union, il
régime d’asile européen commun,
n’y a pas de procédure d’identification des
Dans son rapport du 26 Novembre 2007 sur la
demandeurs d’asile vulnérables.
transposition de la directive accueil,
Dans son plan d’action en matière d’asile de
Or, vous ne pouvez évidemment ni identifier ni
juin 2008,
évaluer les besoins particuliers et par là-même
adapter à ces besoins les conditions minimales
Elle insiste sur la prise en compte des persond’accueil et les soins de santé si vous n’identines vulnérables et sur la nécessité de leur
fiez pas le demandeur d’asile en tant que deidentification.
mandeur d’asile vulnérable.
S’agissant précisément de la problématique de
la reconnaissance des victimes de la torture,
cette absence de procédure d’identification a
un impact extrêmement négatif –plus négatif
que pour d’autres catégories de demandeurs
d’asile vulnérables où la situation de vulnérabilité apparaîtra en tout état de cause même en
l’absence
d’une
procédure
d’identification comme le parent isolé avec un enfant.
Ainsi, dans son rapport de novembre 2007,
elle stipule :
« L’identification des DA vulnérables est un
élément essentiel sans lequel les dispositions
de la directive concernant le traitement spécial à réserver à ces personnes perdraient
tout leur sens. »
Il restera bien sûr à identifier et à évaluer les
besoins spécifiques des personnes concernées :
deux parents isolés avec enfants peuvent présenter des besoins différents plus ou moins
étendus.
Par ailleurs, l’absence d’identification d’un demandeur d’asile en tant que personne victime
de torture ou d’autres formes graves de violence a également un impact sur la procédure d’asile elle-même et donc sur la reconnaissance
du statut de réfugié.
(Signes non détectables de vulnérabilité)
119
Projet FER.
Belgique : loi Janvier 2007- EV Mai 2007- AR
Avril 2007
ARTICLE 17
besoins particuliers. »
Les termes manquent aussi de clarté.
La première disposition que j’évoquerai est l’article 17 de la directive en ce qu’il énonce le
principe général du traitement de ces DA vulnérables, donc disposition centrale mais qui
est malheureusement manque de clarté juridique.
« §. 1. Dans la législation nationale transposant
les dispositions de la directive relatives aux
conditions matérielles d’accueil et celles relatives aux soins de santé, les Etats membres tiennent compte de la situation particulière des
personnes vulnérables telles que
Les mineurs,
Les MNA (mineurs non accompagnés),
Les handicapés,
Les personnes âgées,
Les femmes enceintes,
Les parents isolés accompagnés de mineurs et
Les personnes qui ont subi des tortures, des
viols ou d’autres formes graves de violence
psychologique, physique ou sexuelle. »
L’idée est d’adapter les conditions minimales
d’accueil et les soins de santé aux besoins spécifiques des personnes vulnérables.
« ARTICLE 20
Victimes de torture ou de violence
Les EM font en sorte que si nécessaire les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou
d’autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés
par les actes en question. »
Les termes restent vagues.
Constat : dans plus de la moitié des Etats
membres (16), ces dispositions sont soit pas
transposées soit problématiques : pas suffisamment de structure spécialisées, absence de
prise en charge par l’Etat, ou une prise en charge qui ne repose que sur les ONG.
Troisième problème : déficience de la
prise en charge des mineurs victimes
de torture ou de violence en ce qui
concerne l’accès à des soins de santé
mentale appropriés et à un soutien
qualifié
« ARTICLE 18 §.2.
« §.2. Le § 1 ne s’applique qu’aux personnes
Les EM font en sorte que les mineurs qui ont
dont les besoins particuliers ont été constaété victimes de toute forme d’abus, de néglités après une évaluation individuelle de leur
gence, d’exploitation, de torture, de traitesituation. »
ment cruels, inhumains et dégradants, ou de
conflits armés aient accès à des services de
Evoquer une évaluation individuelle des beréadaptation ; ils veillent à ce que soient dissoins particuliers semble assez cohérent : cf.
pensés des soins de santé mentale appropriés
2 : les femmes enceintes sont considérées comet que les victimes aient accès si besoin est à
me des personnes vulnérables
un soutien qualifié. »
Les termes sont déjà plus précis
Deuxième problème : déficience de
l’assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs d’asile vulnérables
Constat : dans environ la moitié (14) des Etats
membres, la disposition n’a pas été transposée ou est problématique.
Un certain nombre de pays où la disposition est
juridiquement transposée mais où dans la prati« ARTICLE 15
que elle n’est appliquée : idem article 15 et
Disposition générale relative aux
20 : manque ou absence de structures adaptées,
soins de santé
la prise en charge repose sur la seule intervention des ONG.
§.1. Les EM font en sorte que les demandeurs
reçoivent les soins médicaux nécessaires qui
comportent au minimum les soins urgents et le
traitement essentiel des maladies.
§.2. Les EM fournissent l’assistance médicale
ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des
120
Xavier Ronsin
Procureur de la République
Comité pour la Prévention de la Torture (CPT) - Conseil de l’Europe
Etat des lieux des conventions et des textes internationaux
sur la protection des victimes de torture
I – Sur le plan universel
Quatre actes successifs, depuis bientôt 60 ans :
--10 décembre 1948 : Déclaration universelle
des droits de l’Homme et son article 5 relatif à
la torture ;
--16 décembre 1966 : Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (entrée en vigueur : le 23 mars 1976) et son article 7 relatif à
la torture ;
--10 décembre 1984 : Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le 26
juin 1987)
et son article 1 qui décrit plus précisément ce
que l'on entend par le terme torture,
et son article 17 relatif à la création d'un comité
contre la torture (experts indépendants chargés
de l'application de la convention par les Etats
parties) ;
-- 18 décembre 2002 : Protocole facultatif à la
Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(entré en vigueur le 22 juin 2006).
l'Etat.
II – Sur le plan européen
Rappel de quelques grandes notions sur « l'architecture européenne » de protection des droits
de l’Homme :
A - Quelle Europe ?
Pas l'Europe économique, mais une Europe des
droits de l’Homme :
47 pays : toute l'Europe occidentale et orientale, y compris la Turquie et la Russie : le Conseil
de l'Europe.
Créé le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe a
pour objectif de favoriser en Europe un espace
démocratique et juridique commun, organisé
autour de la Convention européenne des droits
de l’Homme et d'autres textes de référence sur
la protection de l'individu.
10 pays fondateurs de 1949 : Belgique, France,
Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, puis Irlande, Italie, Danemark, Norvège et Suède.
A ce jour, 47 Etats membres et 1 Etat candidat :
la Biélorussie, non actuellement invitée en raiImpact en France :
son de son non respect des droits de l’Homme et
Créée par la loi 2000-494 du 6 juin 2000, la des principes démocratiques.
Commission nationale de déontologie de la sécurité est une autorité administrative indépendan- B — Quels textes fondateurs ?
te. Elle est chargée de veiller au respect de la B. 1
déontologie par les personnes exerçant des acti- Première pierre fondatrice : 4 novembre 1950 :
vités de sécurité sur le territoire de la Républi- Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (entrée en
que.
La commission n'est ni un tribunal, ni un conseil vigueur en septembre 1953)
de discipline ; elle souhaite être un lieu de re- Article 3 – Interdiction de la torture
cours et de contrôle.
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des
— Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 insti- peines ou traitements inhumains ou dégratuant un Contrôleur général des lieux de priva- dants.»
tion de liberté et Décret n° 2008-246 du 12 mars Dès 1959 : instauration d'une Cour européenne
2008 relatif au Contrôleur général des lieux de des droits de l’Homme.
privation de liberté
Protocole 9 : mécanisme de droit de recours
— Loi n° 2008-739 du 28 juillet 2008 autorisant individuel facultatif et ce droit ne pouvait être
l'approbation du protocole facultatif se rappor- invoqué qu'à l'encontre des Etats qui avaient
tant à la convention contre la torture et autres accepté de le reconnaître.
peines ou traitements inhumains ou dégradants En 1990, les 22 Etats contractants l'avaient acArticle unique :
cepté (la France en octobre 1981, et première
« Est autorisée l'approbation du protocole fa- condamnation de la France le 8 décembre 1986
cultatif se rapportant à la Convention contre la pour l’affaire Bozano).
torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adopté le 18 décembre
2002 à New York, et dont le texte est annexé à
la présente loi. »
La présente loi sera exécutée comme loi de
121
Protocole 11 : Cour unique et permanente
Entré en vigueur le 1er novembre 1998, ce protocole a remplacé les anciennes Cour et Commission qui fonctionnaient à temps partiel par
une Cour unique et permanente.
Protocole 14 : adopté le 13 mai 2004 mécanismes de filtre (46 ratifications et un Etat signataire n'ayant pas ratifié, la Russie ).
B. 2
Deuxième pierre : 26 juin 1987 Convention européenne pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le 1/02/1989) et création du CPT (texte adopté par le comité des ministres le 26 juin 1987 et ouvert à la signature
des Etats membres du conseil de l'Europe le 26
novembre 1987).
Entrée en vigueur le 1/02/1989, et pour la France à compter du 1/5/1989 puis protocoles 1
(invitation d'un Etat non membre à adhérer) et 2
(règles d'élection des membres du CPT) à compter du 1/3/2002.
Selon l'article 1er de la Convention :
« Il est institué un Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants .(...) Par le
moyen de visites, le Comité examine le traitement des personnes privées de liberté en vue de
renforcer, le cas échéant, leur protection
contre la torture et les peines ou traitements
inhumains ou dégradants ».
C – Le Conseil de l'Europe, une boite à outils
multiples pour promouvoir les droits de
l’Homme ?
Le Conseil de l'Europe : une boite à outils multiples, que je vais m'efforcer de décrire, tout en
en m'efforçant à chaque fois d'en évaluer l'efficacité. Trois types :
• mécanismes de contrôle juridictionnel à posteriori (cf. § D) ;
•m é c a n i s m e s
de
prévention
(recommandations) (cf. § E) ;
• mécanismes de contrôle préventif par des
visites : CPT et Commissaire européen des
droits de l’Homme (cf. § F).
D - la Cour européenne des droits de l’Homme
et la lutte contre la torture et les traitements
inhumains ou dégradants
D.1 jurisprudence: incidence directe sur la
France
Ex. : sur l’article 3 (interdiction torture, peines
ou traitements inhumains ou dégradants)
Arrêt 27/08/1992 Tomasi (traitements inhumains en garde-à-vue) :
« Son corps portait des marques qui avaient une
seule origine, les sévices infligés pendant une
quarantaine d’heures par certains des policiers
chargés des interrogatoires : gifles, coups de
pied, de poing et de manchette, station debout
prolongée et sans appui, les menottes dans le
dos, crachats, déshabillage total devant une
fenêtre ouverte, absence de nourriture, menaces avec une arme, etc. »
« Il lui suffit de noter que les certificats et rapports médicaux, établis en toute indépendance
par des praticiens, attestent de l’intensité et
de la multiplicité des coups portés à M. Tomasi ; il y a là deux éléments assez sérieux pour
conférer à ce traitement un caractère inhumain
et dégradant. Les nécessités de l’enquête et les
indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme,
ne sauraient conduire à limiter la protection
due à l’intégrité physique de la personne. »
Arrêt 28/07/1999 Selmouni (torture en garde à
vue dans un commissariat)
« 1. La Cour rappelle que l’article 3 consacre
l’une des valeurs fondamentales des sociétés
démocratiques. Même dans les circonstances les
plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe
en termes absolus la torture et les peines ou
traitements inhumains ou dégradants. L’article
3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il
contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles n° 1 et
4, et d’après l’article 15 § 2 il ne souffre nulle
dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (arrêts précités Irlande c. Royaume-Uni, p. 65, § 163, et Soering, pp.
34-35, § 88, et Chahal c. Royaume-Uni du 15
novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1855, § 79).
2. Pour déterminer s’il y a lieu de qualifier de
torture une forme particulière de mauvais traitements, la Cour doit avoir égard à la distinction que comporte l’article 3, entre cette notion et celle de traitements inhumains ou dégradants. Ainsi qu’elle l’a relevé précédemment, cette distinction paraît avoir été consacrée par la Convention pour marquer d’une spéciale infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances (arrêt Irlande c. Royaume-Uni précité,
pp. 66-67, § 167).
3. La Cour constate que l’ensemble des lésions
relevées dans les différents certificats médicaux (paragraphes 11-15 et 17-20 ci-dessus),
ainsi que les déclarations du requérant sur les
mauvais traitements dont il a fait l’objet durant sa garde à vue (paragraphes 18 et 24 cidessus) établissent l’existence de douleurs ou
de souffrances physiques et, à n’en pas douter
nonobstant l’absence regrettable d’expertise
psychologique de M. Selmouni à la suite
de ces faits, mentales.
122
Le déroulement des faits atteste également que les douleurs ou souffrances ont été
infligées intentionnellement au requérant, aux
fins notamment d’obtenir des aveux sur les
faits qui lui étaient reprochés. Enfin, il ressort
clairement des certificats médicaux joints au
dossier de la procédure que les multiples violences ont été directement exercées par des
policiers dans l’exercice de leurs fonctions.
5. Les actes dénoncés étaient assurément de
nature à créer des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à humilier, avilir
et briser éventuellement la résistance physique
et morale du requérant. La Cour relève donc
des éléments assez sérieux pour conférer à ce
traitement un caractère inhumain et dégradant
(arrêts Irlande c. Royaume-Uni précité, pp. 6667, § 167 ; Tomasi précité, p. 42, § 115). En
tout état de cause, la Cour rappelle qu’à l’égard d’une personne privée de sa liberté l’usage
de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le comportement de ladite
personne porte atteinte à la dignité humaine et
constitue, en principe, une violation du droit
garanti par l’article 3 (arrêts Ribitsch précité,
p. 26, § 38, Tekin c. Turquie du 9 juin 1998,
Recueil 1998-IV, pp. 1517-1518, § 53).
6. La Cour relève également que le requérant a
été tiré par les cheveux ; qu’il a dû courir dans
un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour le faire trébucher ; qu’il a été mis à
genoux devant une jeune femme à qui il fut
déclaré « Tiens, tu vas entendre quelqu’un
chanter » ; qu’un policier lui a ultérieurement
présenté son sexe en lui disant « Tiens, sucele » avant de lui uriner dessus ; qu’il a été menacé avec un chalumeau puis avec une seringue
(paragraphe 24 ci-dessus). Outre la violence des
faits décrits, la Cour ne peut que constater leur
caractère odieux et humiliant pour toute personne, quel que soit son état.
7. La Cour note enfin que ces faits ne peuvent
se résumer à une période donnée de la garde à
vue au cours de laquelle, sans que cela puisse
aucunement le justifier, la tension et les passions exacerbées auraient conduit à de tels excès : il est en effet clairement établi que M.
Selmouni a subi des violences répétées et prolongées, réparties sur plusieurs jours d’interrogatoires (paragraphes 11-14 ci-dessus).
8. Dans ces conditions, la Cour est convaincue
que les actes de violence physique et mentale
commis sur la personne du requérant, pris dans
leur ensemble, ont provoqué des douleurs et
des souffrances « aiguës » et revêtent un caractère particulièrement grave et cruel. De tels
agissements doivent être regardés comme des
actes de torture au sens de l’article 3 de la
Convention. »
Arrêt 7/06/2001 Papon (condition de détention :
traitement non dégradant malgré âge et santé) ;
Arrêt 14/11/2002 Mouisel (traitement dégradant : obligation faite à un détenu âgé et malade de porter des menottes pendant son transfèrement à l'hôpital) :
« En définitive, la Cour est d'avis que les autorités nationales n'ont pas assuré une prise en
charge de l'état de santé du requérant lui permettant d'éviter des traitements contraires à
l'article 3 de la Convention. Son maintien en
détention, surtout à partir du mois de juin
2000, a porté atteinte à sa dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et
causé une souffrance allant au-delà de celle
que comportent inévitablement une peine d'emprisonnement et un traitement anticancéreux.
La Cour conclut en l'espèce à un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en
détention dans les conditions examinées cidevant. »
Arrêt Rivière 2006 (traitement inhumain et dégradant) : maintien en détention malgré l'apparition d'une pathologie mentale et de tendances
suicidaires :
« 75. Au vu de cette jurisprudence, la Cour
considère que l’état d’un prisonnier dont il est
avéré qu’il souffrait de graves problèmes mentaux et présentait des risques suicidaires, même si jusqu’à présent ceux-ci ne se sont pas réalisés, appelle des mesures particulièrement
adaptées en vue d’assurer la compatibilité de
cet état avec les exigences d’un traitement humain, quelle que soit la gravité des faits à raison desquels il a été condamné.
76. En définitive, la Cour est d’avis que les autorités nationales n’ont pas, en l’espèce, et
malgré des efforts d’adaptation non niables et
qu’elle se garde de sous-estimer, assuré une
prise en charge adéquate de l’état de santé du
requérant lui permettant d’éviter des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
Son maintien en détention, sans encadrement
médical actuellement approprié constitue dès
lors une épreuve particulièrement pénible et
l’a soumis à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de
souffrance inhérent à la détention. La Cour
conclut en l’espèce à un traitement inhumain et
dégradant en raison du maintien en détention
dans les conditions examinées ci-dessus. »
Arrêt Frérot 2007 (traitement dégradant) : fouille intégrale d'un détenu avec inspection anale
systématique après chaque parloir durant deux
ans.
123
Selon la Cour, ensemble : ce sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont
souvent associés, et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque indubitablement
l'obligation de se déshabiller devant autrui et de
se soumettre à une inspection anale visuelle, en
sus des autres mesures intrusives dans l'intimité
que comportent les fouilles intégrales, caractérisent un degré d'humiliation dépassant celui –
tolérable parce qu'inéluctable – que comporte
inévitablement la fouille corporelle des détenus. De surcroît, l'humiliation ressentie par le
requérant a été accentuée par le fait que ses
refus de se plier à ces mesures lui ont valu, à
plusieurs reprises, d'être sanctionné par des placements en cellule disciplinaire.
« 48. La Cour en déduit que les fouilles intégrales que le requérant a subies alors qu'il était
détenu à la maison d'arrêt de Fresnes, entre
septembre 1994 et décembre 1996, s'analysent
en un traitement dégradant au sens de l'article
3. Il y a donc eu violation de cette disposition.
Elle considère en revanche que le seuil de gravité requis n'est pas atteint en l'espèce pour qu'il
y ait traitement « inhumain ». »
D.2 D'autres exemples de jurisprudence
Trois arrêts Russie 2 octobre 2008
3 comités directeurs :
CDBI : comité directeur pour la bioéthique ;
CDCJ : comité européen de coopération juridique ;
CDPC : comité européen pour les problèmes criminels.
Créé en 1958, le CDPC a la responsabilité de
superviser et de coordonner les activités du
conseil de l'Europe en matière de prévention et
de contrôle du crime.
Il a pour mission d'identifier les éléments prioritaires de coopération juridique intergouvernementale, de proposer au comité des ministres
les domaines d'action en matière de droit pénal
et de procédure, criminologique et pénologique,
et de conduire les activités dans ces domaines.
Il élabore des conventions, des accords, des recommandations.
3 organes consultatifs :
• conseil scientifique criminologique ;
• conseil pour les questions de police ;
• conseil de coopération pénologique PC-CP.
Les recommandations du Conseil de l'Europe
Objectif : à la fois guides de bonnes pratiques
ou de bonne gouvernance, mais aussi fruit de
compromis ;
Pas extérieures aux différents Etats membres,
car expressément acceptées par eux (d'où parfois les compromis, voire les réserves rarissimes) ;
Certes pas de valeur contraignante, mais irriguées par la jurisprudence de la Cour EDH, et
irriguant à rebours celle-ci voire les avis du CPT
qui de plus en plus font référence à celles-ci.
La Cour constate la violation de l’interdiction de
la torture dans trois arrêts de chambre concernant la Russie, en raison des mauvais traitements que la police a infligés aux requérants ;
et du fait de l’insuffisance de l’enquête menée
par les autorités sur les allégations de mauvais
traitements formulées par les requérants.
Affaires Akoulinine et Babitch c. Russie (requête
no 5742/02), Beloussov c. Russie (n° 1748/02) , Liste des principales recommandations : surpoSamoïlov c. Russie (n° 64398/01).
pulation
Développement des peines dans la communauté
E - mécanismes de prévention (coopérations Les règles pénitentiaires européennes dites RPE
juridiques et recommandations)
adoptées en janvier 2006
Multiples axes :
• améliorer l'indépendance et le fonctionne- F - le CPT : Comité de prévention contre la
ment de la justice ;
torture, appelé aussi comité anti-torture
• Etat de droit et sécurité des citoyens ;
Le travail du CPT est conçu comme une partie
• lutte contre le terrorisme, combat contre la intégrante du système de protection des droits
criminalité économique, lutte contre l'exploi- de l’Homme du Conseil de l'Europe, mettant en
tation sexuelle des enfants, préventions du place un mécanisme non judiciaire "pro-actif" en
crime, police et sécurité intérieure, etc. ;
parallèle au mécanisme judiciaire de contrôle a
• révolution scientifique et protection juridique posteriori de la Cour européenne des droits de
de l'être humain (bioéthique, protection des l’Homme.
données à caractère personnel, utilisation de Philosophie générale : coopération d'abord mais
aussi cohérence avec les mécanismes de contrôl'animal par l'homme).
le juridictionnel par la Cour européenne des
droits de l’Homme (mécanisme de dernier reModes d'action :
Conventions diverses et groupes de suivi, envoi cours)
d'experts, programmes de coopération et de
formation.
124
Souci premier d'éviter la stigmatisation de
pays (ceux en transition vers la démocratie)
Cf. la deuxième « pierre angulaire » : 26 juin
1987 Convention européenne pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le
1/02/1989 ) et création du CPT
Extrait du texte :
« Par le moyen de visites, le Comité examine le
traitement des personnes privées de liberté en
vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
(article 1er de la Convention européenne pour
la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants)
Statistiques (au 20/10/2008)
•
256 visites (159 visites périodiques + 97
visites ad hoc) ;
•
204 rapports du CPT rendus publics.
2008
22/09/2008 - 06/10/2008 : Fédération de Russie
23/09/2008 - 29/09/2008 : Grèce
14/09/2008 - 26/09/2008 : Italie
15/09/2008 - 22/09/2008 : Monténégro
30/06/2008 - 03/07/2008 : « ex-République yougoslave de Macédoine »
16/06/2008 - 20/06/2008 : Albanie
20/05/2008 - 26/05/2008 : Malte
12/05/2008 - 19/05/2008 : Chypre
21/04/2008 - 30/04/2008 : Lituanie
20/04/2008 - 30/04/2008 : Finlande
27/03/2008 - 03/04/2008 : Fédération de Russie
(Caucase du Nord)
25/03/2008 - 02/04/2008 : République tchèque
15/03/2008 - 17/03/2008 : Arménie
11/02/2008 - 20/02/2008 : Danemark
14/01/2008 - 25/01/2008 : Portugal
2007
05/12/2007 - 10/12/2007 : Ukraine
27/11/2007 - 07/12/2007 : Lettonie
02/12/2007 - 06/12/2007 : Royaume-Uni
19/11/2007 - 29/11/2007 : Serbie
14/10/2007 - 18/10/2007 : "l'ex-République yougoslave de Macédoine"
24/09/2007 - 05/10/2007 : Suisse
19/09/2007 - 01/10/2007 : Espagne
14/09/2007 - 24/09/2007 : Moldova
02/09/2007 - 10/09/2007 : Fédération de Russie
04/06/2007 - 14/06/2007 : Pays-Bas
20/05/2007 - 22/05/2007 : Turquie
09/05/2007 - 18/05/2007 : Estonie
04/05/2007 - 14/05/2007 : Croatie
21/03/2007 - 02/04/2007 : Géorgie
21/03/2007 - 29/03/2007 : Serbie (Kosovo)
19/03/2007 - 30/03/2007 : Bosnie-Herzégovine
20/02/2007 - 27/02/2007 : Grèce
05/02/2007 - 09/02/2007 : Liechtenstein
30/01/2007 - 01/02/2007 : Hongrie
14/01/2007 - 15/01/2007 : Espagne
1990 (premières visites )
02/12/1990 - 08/12/1990 : Danemark
09/09/1990 - 21/09/1990 : Turquie
29/07/1990 - 10/08/1990 : Royaume Uni
01/07/1990 - 09/07/1990 : Malte
20/05/1990 - 27/05/1990 : Autriche
Statistiques CPT
Les rapports du CPT
A l’issue de chaque visite, le CPT élabore un
rapport exposant ses constatations et les recommandations qu’il juge nécessaires pour améliorer la situation des personnes privées de liberté.
Ce rapport confidentiel est adressé à l’Etat
concerné. Le rapport contient une demande de
réponse écrite de l’Etat dans laquelle celui-ci
indiquera les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations faites, réagira aux
commentaires formulés et répondra aux demandes d’information.
Les constatations du CPT sont confidentielles,
sauf dans deux cas : premièrement, si un Etat
demande lui-même la publication du rapport et
de ses commentaires en réponse ; deuxièmement, si un Etat refuse de coopérer ou d’améliorer la situation des personnes privées de liberté à la lumière des recommandations du
CPT ; dans ce dernier cas, le Comité peut décider (à la majorité des deux tiers et après avoir
donné à l’Etat la possibilité de s’expliquer) de
faire une déclaration publique sur la question.
A l’origine, il avait semblé que la confidentialité
serait importante pour obtenir la coopération
des Etats et garantir l’efficacité du CPT ; or les
Etats ont montré qu’ils étaient prêts à ce qu’une grande partie de leur dialogue avec le Comité soit rendu public et qu’ils le souhaitaient même. De fait, la majorité des Etats visités ont
autorisé la publication des rapports du CPT et
de leurs réponses. Ils peuvent être obtenus auprès du secrétariat du CPT et sont accessibles
sur son site web.
Extrait des normes du CPT :
TABLE DES MATIERES
I. Détention par la police 6
II. Emprisonnement 17
III. Services de santé dans les prisons 29
IV. Personnes retenues en vertu de législations
relatives à l'entrée et au séjour des étrangers 39
V. Placement non volontaire en établissement
psychiatrique 51
VI. Mineurs privés de liberté 62
VII. Femmes privées de liberté 69
VIII. Formation des responsables de l'application
des lois 73
IX. Lutte contre l'impunité 74
125
Sophie Attuil
OFPRA, division des affaires juridiques et internationales
Service des affaires européennes et de la coopération internationale
mains ou dégradants ». Dans la définition de la
protection subsidiaire, une mention explicite est
faite à la torture et aux traitements inhumains
ou dégradants. La Convention de Genève, dans
la définition qu’elle donne du réfugié, se
concentre, elle, davantage sur les motifs de
persécution et non sur les persécutions ellesmêmes. En ouvrant le champ de la protection,
la protection subsidiaire a pris en considération
d’autres formes de persécution qui pouvaient
Introduction
La mission de l’OFPRA est d’apporter une pro- autrefois, il est vrai, ne pas donner lieu à l’octection juridique et administrative à des person- troi d’une protection à l’Office.
nes contraintes à l’exil, des personnes qui risqueraient d’être persécutées si elles retour- Egalement, depuis la loi du 10 décembre 2003,
naient dans leur pays d’origine. C’est donc le les persécutions peuvent être le fait d’acteurs
quotidien des officiers de protection à l’OFPRA, non étatiques si les autorités de protection
ceux qui instruisent les demandes d’asile, de se (Etats ou organisations internationales et régioretrouver face à des personnes qui ont subi des nales) refusent ou ne sont pas en mesure d’ofmauvais traitements et des tortures. Dans ce frir une protection. Par cette innovation, la loi
cadre, instaurer un protocole de reconnaissance du 10 décembre 2003 a ouvert le champ de la
précoce des victimes de tortures et de trauma- protection.
tismes pourrait, en effet, jouer un rôle très important au moment de la procédure d’asile à L’office applique aussi, dans certains cas, ce
qu’on appelle l’« exceptionnelle gravité des
l’OFPRA.
persécutions subies ». Certains demandeurs
Aujourd’hui, mon intervention consistera à dres- n’ont, en effet, plus de risque actuel de perséser un état des lieux de ce qui se passe à l’OF- cution dans leur pays d’origine, mais l’office
PRA : comment l’OFPRA reconnaît-il les victimes leur reconnaîtra la qualité de réfugié considéde tortures au cours de l’instruction de leur de- rant, en effet, que l’exceptionnelle gravité des
persécutions subies justifie leur refus de retourmande d’asile ?
ner dans leur pays d’origine et de se réclamer
Quels types de protection sont accordés par de la protection des nouvelles autorités en place. Même s’il n’existe plus de crainte objective
l’office aux victimes de tortures ?
L’OFPRA accorde une protection aux personnes en cas de retour, les persécutions subies ont
dont la situation relève du champ d’application chez cette personne encore un tel retentissede textes de droit. Il s’agit, dans une très large ment qu’un retour n’est pas envisageable. L’OFpart à l’office, de la Convention de Genève et PRA a notamment appliqué ce principe dans le
cas de demandeurs rwandais, kosovars ou bien
de la protection subsidiaire.
encore cambodgiens.
Il n’est peut-être pas utile de faire de longs dé- En 2007, l’OFPRA a admis sous sa protection
veloppements sur la Convention de Genève, 3.401 demandeurs soit un taux d’accord en preavec laquelle vous êtes tous ici familiers. Je me mière instance de 11,6% contre 7,8% en 2006. Le
permets simplement de vous lire l’article 1A2 taux global d’admission passe de 19,5% en 2006
qui consacre la définition du réfugié : est réfu- à 29,9% en 2007. Les admissions au titre de la
giée toute personne qui craint « avec raison d’ê- protection subsidiaire représentent 8% de l’entre persécutée du fait de sa race, de sa reli- semble des décisions positives. Ce sont donc au
gion, de sa nationalité et de son appartenance à total 8.781 personnes qui ont été placées sous la
un certain groupe social ou de ses opinions poli- protection de l’OFPRA au cours de l’année 2007.
tiques ».
Comment l’office reçoit-il les victimes de tortuLa protection subsidiaire s’inspire directement res dans le processus d’instruction des demande l’article 3 de la CEDH qui stipule que « nul des d’asile ?
ne peut être soumis à des traitements inhuA titre préliminaire, je souhaiterais apporter
une précision quant à mon intervention. Il ne
s’agit pas pour moi d’évoquer avec vous, comme
il est dit sur le programme, la « prise en charge
des victimes de torture en France », mais seulement d’expliquer comment l’OFPRA reconnaît
les victimes de torture dans le cadre de la mission qui est la sienne.
126
L’OFPRA a acquis une expérience et une entretien :
expertise certaines en matière d’entretien des • D’établir la confiance, notamment en insistant
demandeurs d’asile. Il n’y a pas de modèle-type sur l’obligation de confidentialité, la sienne et
d’entretien. L’entretien est conçu à l’Office celle de l’interprète ; d’expliquer le déroulecomme un processus dynamique : l’officier de ment de l’entretien et de la procédure d’asile
protection qui, quotidiennement, reçoit des de- plus largement ;
mandeurs d’asile, va s’adapter aux demandeurs • De rassurer le demandeur : lui expliquer que
qu’il a face à lui.
sa parole est essentielle, raconter ce qui lui
est arrivé est fondamental dans l’examen de
A l’office, les agents qui entendent les deman- sa demande ;
deurs d’asile ne reçoivent pas de formation • De la manière de poser des questions : quesconsacrée exclusivement à la question des phé- tions ouvertes, ce qui encourage généralenomènes traumatiques. La formation se fait es- ment la parole ou la confiance ;
sentiellement par le biais d’un tutorat avec un • D’adapter le rythme de l’entretien : de faire
autre officier de protection expérimenté. L’OF- des pauses notamment et en cas de besoin ;
PRA a une approche plutôt pragmatique dans ce un report de l’entretien est, bien entendu,
domaine : c’est la pratique même des entre- proposé au demandeur si celui-ci ne parvient
tiens et le partage des expériences avec d’au- pas à s’exprimer ;
tres agents plus expérimentés qui permettront à • De rendre compte dans la rubrique du formul’officier de protection de développer des com- laire « observations sur le déroulement de
pétences particulières pour entendre un deman- l’entretien » des difficultés du demandeur à
deur d’asile, pour identifier certains signes de s’exprimer, à raconter certaines choses.
détresse et pour, j’allais dire, gérer au mieux
en entretien les traumatismes que cette person- Pour les entretiens au cours desquels seront
ne a pu vivre. Depuis environ un an, l’OFPRA abordées des questions telles que l’excision, le
fait appel aux services d’une psychologue ; c’é- mariage forcé, ou bien encore les violences dotait pour répondre à une demande de certains mestiques, l’office s’efforce de faire entendre
officiers instructeurs qui se sentaient parfois ces femmes par des OP féminines, accompadésarmés face aux traumatismes et aux diffi- gnées d’interprètes féminines également.
cultés des demandeurs qu’ils avaient face à eux.
Une formation, également, est désormais offer- Une fois l’entretien terminé, l’OP peut orienter
te aux agents qui le souhaitent : il s’agit d’une ces personnes vers des structures adaptées aux
formation donnée par FTDA sur les psychotrau- besoins qu’il aura identifiés lors de l’entretien.
matismes chez les réfugiés. Cette formation Il pourra s’agir aussi bien d’organisations qui
aidera sans doute l’OP (officier de protection) à s’occupent de questions d’hébergement que
mieux appréhender les traumatismes de certains d’assistance juridique, ou bien encore de soudemandeurs et orienter certains d’entre eux tien médical et psychologique. Une liste d’orgavers les professionnels appropriés.
nisations a d’ailleurs été établie par l’OFPRA et
pourra leur être fournie. Dans de rares cas, l’OP
Concrètement, en entretien, comment cela se prend contact directement avec ces associapasse-t-il ? Encore une fois, c’est un processus tions. Mais il n’y a à l’office aucun protocole qui
dynamique : l’OP va s’adapter au demandeur permette de contacter certaines structures et
qu’il a face à lui. Ce qu’il faut retenir, c’est que de référer certaines situations à une ressource
pour prendre une décision sur une demande d’a- spécialisée. Et en ce sens, instaurer un protocosile, il faut mettre en perspective toute une le de reconnaissance précoce des victimes de
série d’éléments qui ont trait à l’histoire de la torture pourrait, en amont, avoir un effet impersonne dans son pays d’origine. Et un des élé- portant au stade de l’OFPRA, mais également
ments les plus importants reste la parole du de- pourrait, en aval, créer un meilleur dialogue
mandeur. En entretien, le but de l’OP est avant entre organisations aux compétences diverses.
tout de mettre le demandeur en confiance pour
que celui-ci parvienne à verbaliser ce qui lui est Outre l’entretien, je voudrais évoquer avec vous
arrivé. A titre indicatif d’ailleurs, le taux de la place du certificat médical dans la procédure
convocation en entretien, qui a nettement aug- d’examen de la demande d’asile. L’OFPRA ne
menté en 2007 par rapport à l’année précéden- demande quasiment jamais aux demandeurs
te, s’élève à 94%. Ce fort accroissement traduit d’asile de fournir un certificat médical.
bien le développement de la politique de quali- Ce sont donc les demandeurs d’asile qui de leur
té initiée par l’office depuis quelques années.
propre initiative fournissent des certificats médicaux à l’office.
Pour donner quelques exemples, il s’agira en
127
Le certificat médical est un élément de
preuve parmi d’autres ; c’est au vu de l’ensemble des éléments du dossier que l’OFPRA va
prendre une décision. Pour qu’un certificat médical ait une valeur probante, il est nécessaire
que soit établi le lien de causalité entre les
constatations relevées lors de l’examen du demandeur et les tortures dont celui-ci dit avoir
été victime. Ainsi, les déclarations du demandeur jouent un rôle déterminant quant à la valeur probante du certificat médical.
Il est, à ma connaissance, très rare que l’OFPRA
accorde une protection à quelqu’un sur seule
présentation d’un certificat médical. Exemple :
certains Algériens kabyles, évacués vers la France après la répression des manifestations en
Kabylie en 2001, avaient été placés sous la protection de l’office sur seule présentation d’un
certificat médical.
En conclusion, je dirais qu’aujourd’hui, de manière évidente, de nouvelles pistes de réflexion
ont été ouvertes à l’OFPRA et chez ses homologues européens sur une meilleure reconnaissance des victimes de torture et autres mauvais
traitements dans la procédure d’asile.
Au niveau européen, on constate un véritable
effort auquel l’OFPRA, bien évidemment, participe pour examiner au mieux les demandes d’asile des personnes victimes de torture et autres
mauvais traitements. On le constate d’ailleurs
dans le texte même des directives européennes,
la directive Accueil, la directive Qualification,
ou bien encore la directive Procédure. La question des « personnes vulnérables » et ayant des
« besoins particuliers » y est spécifiquement
adressée. La Commission européenne prévoit
certains amendements en 2009 de la directive
Procédure ; un des éléments en jeu concerne
l’amélioration du traitement des personnes vulnérables.
Au niveau des échanges entre partenaires, de
plus en plus de foruMissde discussion sont organisés autour de la question des traumatismes et
de leur prise en compte dans la procédure d’asile. En mai dernier, la Commission européenne
et l’UNHCR ont invité les membres du réseau
Eurasil (réseau présidé par la Commission européenne qui réunit les praticiens de l’asile des
Etats membres, et également ceux de la Norvège, du Canada et des Etats-Unis) à participer à
un atelier consacré spécifiquement aux personnes traumatisées dans le cadre de la procédure
d’asile. Cet atelier a permis notamment de
dresser un état des lieux de ce qui était fait et
de ce qui n’était pas fait dans ce domaine par
les Etats membres et les autres Etats présents.
128
Dr Mia Honinckx
FEDASIL (Belgique)
Coordinatrice du service médical
Mission
Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs
d’asile et autres catégories d’étrangers
Créée par la loi-programme du 19 juillet 2001
Opérationnelle depuis mai 2002
Tout demandeur d’asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à
la dignité humaine
Fedasil et ses partenaires
Centres fédéraux
Centres Croix-Rouge
Mutualités socialistes
Ciré
Vluchtelingenwerk Vlaanderen
ILA (CPAS)
3.590
3.513
47
600
750
7.109
Accueil
Lit
Pain
Bain
Assistance sociale
Assistance médicale
Assistance psychologique
Accueil médical
Intake
Premier contact
Anamnèse
Historique de l’état de santé
Plaintes actuelles (diagnostics et traitements)
Traitements en cours
Tuberculose- dépistage
Questions spécifiques
Informations concernant l’organisation des soins
de santé
Attestations pour l’Office des Etrangers ou pour
la police si séquelles de tortures
Premier but
La confiance
La sécurité
La paix
Le repos
Le temps de s’arrêter
Le temps de la réévaluation et de la réflexion
La situation
La situation est difficile
Le voyage était fatigant, dangereux
La Belgique ne correspond pas aux attentes,
promesses
L’accueil ne convient pas
Structure communautaire
Peu / pas de privé
La situation est différente
Incompréhensible
Inattendue
Insupportable
Angoissante
Collaborateurs médicaux
sont super sensibles pour tous signes de torture,
maltraitance ou de violence.
invitent à parler
informent
offrent de l’aide – même dans l’avenir
ne forcent rien
sont à l’écoute
Action du médical
Si maltraitance, torture, violence ou suspicion
Si la maltraitance continue
Le premier but est d’arrêter la violence
mais indispensable :
- autorisation de la victime
- respect pour la victime
En tout cas, on offre :
un lieu de sécurité
une alternative
Recommandation 2006
Tout nouvel arrivant doit être examiné par un Si la situation est terminée
collaborateur du service médical (médecin ou La parole
L’écoute
infirmier)
Une aide pour la guérison physique et psycholoAttention particulière pour des personnes fra- gique, éventuellement avec l’aide des services
spécialisés
gilisées
Un soutien pour redémarrer une nouvelle vie
Victimes de torture
Victimes de la traite des êtres humains
Enfants - DAMANA
Femmes seules
Personnes âgées
Personnes handicapées
129
BREF
Primum non nocere
La thérapie ne peut pas être plus grave que le
silence
Arrêt de la violence
Respect pour la victime / enfants
Offrir des possibilités / des alternatives
Jamais de décision pour la victime, toujours en
concertation avec elle.
Premier cas
Une femme maltraitée pendant le mariage
Vit toujours avec son mari et ses enfants et ne
veut pas abandonner sa famille
Deuxième cas
Une femme victime de crime
Fortement dépressive
Doit être hospitalisée en psychiatrie
Ne veut pas
Troisième cas
Un homme venant d’Irak
Premières semaines : pas de problème
Homme intelligent, veut aider tout le monde qui
semble en avoir besoin
Après les premières semaines comportement
psychotique : crie en marchant « Saddam Hussein ! Saddam Hussein ! »
Séjour prolongé à l’hôpital psychiatrique ; neuroleptique
Beaucoup de temps
130
Brita Sydhoff
Secrétaire générale, Conseil International pour la Réhabilitation des
Victimes de Torture (IRCT)
Care of asylum seekers in Europe who have been subjected to torture
First of all, I wish to thank Parcours d’Exil for
organising this conference. Before going into the
details of some good practices this afternoon, I
would like to present an overview of the situation in the European Union. This presentation is
based on information provided by some of the
30 IRCT member centres in the EU (out of more
than 140 around the world).
As you know, torture is one of the very clear
rights violations for which there are grounds for
protection in Europe. Nevertheless, the care
provided to asylum seekers who have been tortured differs from one country to another.
There is an urgent need to harmonise the existing legislation for protection and care of tortured asylum seekers without reducing the minimum standards for reception.
Providing care to tortured asylum seekers benefits not only the individual, but also the societies where the asylum seekers will be hosted.
The IRCT experience shows that if left without
treatment, victims of torture may experience a
deterioration of physical and/or mental health
which can last a lifetime. Inadequate reception
and integration policies can exacerbate or perpetuate the effects of trauma. This affects not
only individuals, but their families and the communities in which they reside. Providing professional, specialised treatment to torture victims
and their families constitutes an essential element in ensuring and improving public health.
Moreover, because it embraces a holistic approach to restoring well-being, effective rehabilitation enables torture survivors to become
productive members of their communities, and
gives the individual a better chance to function
and be integrated into a new society.
II. Very different standards
What can best describe the asylum policies and
practices among the European member States is
variety. Sometimes this variety occurs even
within a country, for instance in Austria as a
federal state or in Sweden where access to care
and policies differs by municipalities.
systematic approach in receiving asylum seekers. Yet again, some countries that a decade
ago were considered transit countries have now
become countries of settlement, such as Greece
or Hungary.
Shifting public opinion towards asylum seekers
also plays an important role in how they are received. Since the advent of the so-called “war
on terrorism”, the plight of persons seeking asylum around the globe has been a particular concern of the IRCT. Some States have adopted security measures that have diminished the institution of asylum as an effective protection
measure for persons seeking asylum. It is important to keep in mind that Europe receives a
relatively limited percentage of the total refugee population – according to UNHCR figures it is
15% or roughly 1.5 million persons. Nevertheless
there is still this image that Europe is “invaded”
by “floods” of asylum seekers.
As the construction of the European Union progresses, one goal is to move towards a Common
European Asylum System, so every asylum
seeker is treated equally and gets the same protection regardless of where he/she arrives
within the EU. Despite the many challenges, it is
positive to harmonise this system, as along as
the minimum standard is not the goal for all.
But to strive to harmonise protection and care
of asylum seekers among States with such different backgrounds and systems, the directives
must be clear. There is also the problem created by the “two-stage approach” of the directive: it has to be transposed into national legislation and thereafter the law has to be implemented. When doing this, every country can
interpret the directive differently, especially
when there are ambiguities in the terms used
therein.
For example, the article 20 of the Council directive laying down minimum standards for the reception of asylum seekers (the so-called Reception conditions Directive) states that:
“Member States shall ensure that, if necessary,
persons who have been subjected to torture,
Certainly differences in historical and political rape or other serious acts of violence receive
backgrounds – and system of care – play a part. the necessary treatment of damages caused by
Some countries, like the Nordic states or the the aforementioned acts.”
Netherlands, have a long tradition of welcoming
those seeking asylum, whereas others lack a
131
and process may be flawed. This can lead to unfair
procedures and incorrect findings that endanger
the protection and well-being of victims of torThe centre Refugio in Kiel (Germany), for in- ture and other abuses. Victims are left unstance, mentions that the costs for longer term treated, which is a humanitarian catastrophe. In
psychiatric/psychotherapeutic treatment are the worst case, already traumatised individuals
not always or easily granted, because in German can be re-traumatised by asylum interrogations
law only acute illnesses are considered neces- that do not take into account their vulnerabilsary to treat and will be compensated by the ity.
State. [As parenthesis: some EU countries have
the same policy but not all. In several member How should identification take place? A proceStates, asylum seekers are entitled to a cover- dure for early identification is crucial. The IRCT
age close to the rest of the population, and in recommends that reception authority staff rethe UK there is no difference (source: Odysseus ceive necessary training in methods of identifistudy) ]. Authorities do not fund mental health cation that respect and address the vulnerabilicare if they anticipate that the asylum request ties of victims of torture and other forms of viowill be rejected. Immediate care is often appro- lence. Referral to assistance services, especially
priate and indispensable; therefore persons sub- torture rehabilitation programmes, should be
jected to torture should receive the necessary systematic. Many national systems require meditreatment immediately and independently of cal screening, but these often only determine
the anticipated outcome of the asylum applica- whether the asylum seeker has AIDS or TB. In
tion procedure. Moreover, it should be special- the Netherlands, for instance, organisations
ised doctors who determine what the necessary such as Pharos have argued for a health check
shortly after the arrival of the asylum seekers,
treatment should comprise.
which would include mental health screening.
Many centres use the Istanbul Protocol to help
III. How should it be?
We are not starting from zero. A legislative identify asylum seekers who may have been torframework exists – both at the international tured. Rehabilitation centres organise training
level in the form of the UN Convention against for border guards, for officers in charge of deTorture and its Optional Protocol and the 1951 termining asylum status. Exchanges of experiRefugee Convention and at the regional level, ences are crucial to learn from each other.
such as with the European Reception conditions When talking about process of recognition of
Directive. This latter legislation can be im- asylum seekers, I would like to say a word on
proved; there are examples of good practice to the psychological impacts of long waiting perilook at (this is the topic of this afternoon ods in this procedure for torture victims. A
study was released end of last year, commispanel).
sioned by the European Parliament on condition
Clearer wording would help to close the gap in centres for third countries national, focusing
between interpretations. Going back to article on persons with special needs (which include
20: to mention “if necessary” is not needed; it victims of torture).
is just an open door to restrictive interpreta- For asylum seekers in open centres, long awaittion, especially as in the same sentence it is ing periods, the lack of prospects, uncertainty
mentioned “necessary treatment”. They should about their status, fear of forced return and a
delete the word “if necessary”, that’s it! The lack of activity are considered by stakeholders
European Commission is currently working on as major causes of stress and anxiety affecting
amending the directive. But the amendments asylum seekers, which could lead to psychologiwill have to be approved by the Member States cal stress or could aggravate existing psychologiand not all Member States are keen on firmer cal disorders.
Needless to add that when asylum seekers are
commitment.
put in detention, it is even worse. Detention
Another important issue is the question of iden- itself is pathogenic. Detention aggravates the
tification of the torture survivor. It is the first mental state of persons suffering from psychostep in this procedure. How can a victim of tor- logical or psychiatric disorders; and detention
ture be addressed or treated if he/she has not itself can generate psychological disorders, esbeen identified? In some countries, limited or no pecially when the detention lasts for months.
access to adequate medical, social and legal Persons in situation of vulnerability are even
support services mean that torture, persecution more immediately and more durable affected.
and other acts relevant to the eligibility process Detention is not the place for torture vicof asylum status go undocumented, and the tims to be held.
What constitutes “if necessary”
“necessary treatment”? Who decides this?
132
It is also worth to mention that for many
asylum seekers, the journey to Europe has been
a traumatising experience as well. Persons undertaking these dangerous journeys are both
physically and psychologically weakened and
this is rarely taken into consideration by the
authorities.
IV. Conclusion
To conclude, there is still a lot to be done to
ensure a proper reception of asylum seekers in
general and those who have been victims of torture in particular. Civil society organisations
must remain vigilant and continue monitoring
and reporting on the way their national administrations implement the Reception Directive and
I mentioned the need for rehabilitation for vic- other laws that seeks to protect asylum seekers.
tims of torture, the need to improve the identification of asylum seekers who have been vic- Therefore I would like to call all of us to unite
tims of torture. But another key issue, sorry to our efforts:
be trivial, is money. Rehabilitation has a cost! For asylum seekers to be protected according to
At the same time, it is very difficult to evaluate the existing obligations;
those costs. All specialists agree that rehabilita- To ensure early identification of victims of tortion needs a holistic and multi-disciplinary ap- ture and a fair eligibility procedure of asylum;
proach. Each patient is different. It is long-term To ensure rehabilitation services are provided as
early in this process as possible and that rehawork that requires resources.
bilitation centres are given financial support.
The IRCT recently analysed the funding of 30
rehabilitation centres in the European Union. As Thank you very much.
you know, the situation varies considerably. Despite being sometimes the only rehabilitation
service available in the country, despite the
existing obligation under the Reception Directive, many rehabilitation centres still have to
work by themselves with very limited State support. The withdrawal of funding from the EC to
centres in the EU requires a very long transitional period for governments to feed in across
the EU.
It is time for Member States to assume their responsibility and to assess the following: how are
existing rehabilitation services funded? How can
the States assume their obligations?
I don’t assume that there is only one way to finance rehabilitation services. What works for
one country may not be feasible in another.
There are additional ways a State can help a
rehabilitation centre. For instance not to submit
charity to the VAT, or to make it easier for the
civil society to support centres, such as allowing
tax deduction for the donation to charity.
But the point is, rehabilitation services are
needed – all too often rehabilitation centres
struggle financially and are unable to serve all
those who require their services, or worse : are
forced to close their doors.
133
Camelia Doru
Directrice médicale, fondation ICAR - Roumanie
Difficultés particulières des victimes résidant dans leur pays
et des centres de réhabilitation qui les soignent
La Roumanie eut la malchance de se trouver à la
frontière de l’URSS et de tomber en son pouvoir
dès la fin de la Seconde guerre mondiale. Les
communistes ne comptaient en ce temps-là que
quelques milliers de sympathisants sur une population de vingt millions personnes vivant alors
en Roumanie. C’est pour cela que le résultat
des élections de 1946 fut tout simplement arrangé en faveur des communistes venus de Moscou. Ils prirent le pouvoir, chassèrent le roi,
installèrent une république – dite « populaire »changèrent la constitution et instaurèrent une
répression politique sauvage contre tous ceux
qui essayaient de défendre les valeurs démocratiques, la liberté et les traditions roumaines.
Ainsi commença une grande épuration contre
les « ennemis du peuple ». Femmes et hommes,
de toutes confessions, éducations et professions, âge et orientations politiques anticommunistes furent la proie du système concentrationnaire, qui comptait des centaines de prisons, de
lieux de travail forcé, de camps de déportation
et d'hôpitaux psychiatriques.
Selon les statistiques de la Commission présidentielle pour l'étude du totalitarisme en Roumanie, entre 1945 et 1989, le nombre des victimes directes fut de presque 2 millions, 600.000
condamnés politiques, 200.000 condamnés administratifs - mais en réalité aussi politiques,
plus d’un demi million de déportés, évacués ou
contraints de vivre dans les endroits les plus
isolés et hostiles. Parmi les détenus, des dizaines des milliers furent assassinés, exterminés
par le travail forcé et la famine, ou torturés.
À leur sortie de prison, ils étaient dépourvus de
tout : santé, famille, biens, emploi et place sociale. Ils continuèrent à être marginalisés, stigmatisés et surveillés par le système, conscient
de la faillite de leur « rééducation ».
En 1989, presque 100.000 survivants s’étaient
enregistrés auprès de l’association des victimes
(association roumaine des ex-prisonniers politiques). Mais leurs destins brisés ne connurent pas
la réparation attendue ; la nouvelle élite politique était en effet « la même Jeannette autrement coiffée ». Une lutte sourde pour cacher la
vérité commença alors. Sous le règne de la liberté et de la démocratie, les ex-communistes
purent s’emparer aussi du pouvoir économique ce qui renforça évidemment leurs positions. Le
sujet de la répression politique, et en particulier la torture, était embarrassant et en quelque
sorte tabou pour tout le monde. Les bourreaux
évitaient d’en parler, effrayés par une possible
condamnation légale pour les crimes commis ;
les gens ordinaires se sentaient coupables
d'avoir su et laissé commettre des crimes sans
réagir ; enfin, les victimes elles-mêmes ne voulaient pas revivre des épisodes traumatiques de
leur existence.
Dans ces conditions, le seul espoir de remettre
l’histoire à sa place et de restaurer la dignité
des victimes se trouvait dans la société civile —
et dans des organisations comme la nôtre - qui,
en effet, avec obstination mit et remit sur la
table les sujets qui n’arrivaient pas à être discutés par les politiciens. Parce qu’on sait bien
qu'une arme efficace contre un problème qui
dérange n’est pas de le nier (ça pourrait apporter de complications inutiles et même dangereuses), mais de le retarder ou de l’ignorer.
Et nous eûmes besoin de presque vingt ans –
pendant lesquels plus que la moitié des victimes
moururent - pour arriver enfin à reconnaître que
le régime était criminel et illégitime, que les
victimes souffrent de dommages irréparables et
qu'elles méritent toute notre reconnaissance et
nos excuses pour le mal produit. Nous eûmes
besoin de vingt ans pour avoir un geste de réparation morale, finalement venu de M. Basescu,
président de la République, le 18 décembre
2006. (ICAR fondation a eu un rôle important
dans cette démarche qu’elle a enclenchée en
2003). Devant les membres du Parlement et des
invités venus de l’étranger, nous assistâmes à
une atroce réaction de la part de l’opposition :
les anciens communistes sifflaient, hurlaient des
slogans, agitaient des caricatures et demandaient l’emprisonnement du président. Bref, un
« cirque » digne de ses acteurs.
Peu après cet épisode, le même Parlement décida de suspendre le président en convoquant en
référendum - la seule solution légale pour le
révoquer étant donné son élection au suffrage
universel direct. Heureusement, la suspension
du président fut drastiquement rejetée par 74%
des voix.
134
Que peut-on dire aujourd’hui de la situation des
victimes de violations graves des droits de
l’Homme - y compris victimes de torture - qui
se trouvent dans leur pays natal, pays où ils furent persécutés mais continuent de vivre ?
La classe politique n’a aucun intérêt à parler du
passé, même si ses privilèges sont maintenant
bien protégés par des lois favorables et des banques solides. L’attitude recommandée est de
regarder vers l’avenir sans perdre de temps
avec le passé.
L’institution qui devait étudier les dossiers de la
Securitate (la police secrète politique) et nous
faire connaître les noms de ceux qui voulaient
occuper une position publique et avaient collaboré avec le système répressif n’a jamais vraiment fonctionné et a été récemment décapitée
par une décision de ce même Parlement, qui
interdit la publication de noms sans décision
préalable des tribunaux.
Un projet de loi récent visant à annuler les
condamnations politiques et finalement à nettoyer les casiers judiciaires des dizaines des milliers de victimes est en attente à la Chambre
des députés.
Les biens des victimes, confisqués par les communistes et achetés après 1989 par la nouvelle
élite politique, ne seront jamais récupérés par
les vrais propriétaires grâce à une nouvelle loi
qui fut votée en ce mois d'octobre 2008 et qui
prétend apporter la « paix sociale » en entérinant la situation.
La génération suivante est aussi touchée par
l’histoire des parents, non seulement d'un point
de vue psychologique mais aussi social et économique. Ce sont les enfants des autres, les
« coucous qui s’installent dans les nids qu’ils
n’ont jamais construits », qui continuent à profiter.
C’est très frustrant, quand on vit chez soi, parmi les gens qui connaissent bien le passé récent,
quand on vit dans un pays démocratique, où
l’autorité de la loi et l’indépendance de la justice devraient être une réalité ordinaire du quotidien, de voir que la vérité a été à moitié dite,
que la justice obéit au pouvoir politique ou économique et que l’horizon de la réconciliation
nationale s’éloigne au lieu de se rapprocher.
C’est également frustrant de voir que, même au
niveau de la Commission européenne, ces victimes d’Europe de l’Est sont abandonnées et leurs
pays considérés comme déjà préparés pour régler ces problèmes. Il est vrai que ces problèmes sont les nôtres mais malheureusement,
comme la réalité nous le montre, ils ne seront
pas une priorité « spontanée » de nos gouvernements. Et si l’impunité est si facilement acceptée, rien ne garantit que nous soyons à l’abri de
répétitions.
Mettre le couvercle sur le passé ne va pas résoudre un problème d’injustice grave, qui peut
éclater n’importe quand, sous une forme et une
violence imprévue. Et nous sommes quand même tous en Europe !
La réhabilitation médicale des victimes est toujours fournie uniquement par notre fondation et
est mal comprise par les autorités, qui la
confondent avec l’assistance sociale pour les
pauvres. Donc, les besoins spécifiques des victimes sont ignorés et la nécessité de centres spécialisés pour assister les victimes n’est pas reconnue.
Les réparations auxquelles les victimes ont droit
d’après les normes légales internationales sont
difficiles à demander et à obtenir en raison de
barrières bureautiques et financières et de la
durée excessive des procédures judiciaires. Les
prescriptions sont ainsi souvent invoquées dans
les actions civiles pour dédommagements.
Les familles des victimes, qui ont souffert presque de la même manière que les victimes ellesmêmes, peuvent espérer une assistance limitée,
à la condition qu'elles n’aient pas « osé » refaire
leurs vies (se remarier).
135
Exemples de bonnes pratiques au niveau européen
Laurent Subilia
Médecin responsable de la consultation pour victimes de torture et de guerre
Département de médecine communautaire et de premier recours
Hôpitaux Universitaires de Genève
Bonnes pratiques ? Sous-enchère européenne Dépistage des troubles psychiatriques
dans l’aménagement des conditions d’accueil ! 1994 : 76 patients évalués par psychiatre
1994 : 54% troubles psychiatriques justifiant un
traitement
Suisse : Genève
1988 : visite sanitaire de frontière + visite médi- 2006 :
20% Dépression
cale (5min).
CH : assurance médicale obligatoire dès l’enre- 25% PTSD
15% PTSD + dépression
gistrement de la demande d’asile.
1992 : consultation ambulatoire : infirmière de Requérants d’asile réfugiés : population fragisanté publique et médecins du département de lisée.
Fortes pressions exercées sur population difficisanté communautaire.
1993 : questionnaire de dépistage, assistance lement capable de les supporter.
précoce aux rescapés de violence (guerre / tor- On sait traiter les aspects somatiques et psychologiques. Les aspects psychosociaux sont plus
ture). Collaboration avec services sociaux.
2002 : développement du centre de santé Mi- difficiles à aborder.
grants ; consultation ambulatoire pour requé- La principale difficulté limitant les possibilités
thérapeutiques réside dans la précarité du cadre
rants et réfugiés.
Traitement médical, soutien psychologique, social.
Pathologies sociales (Craig Haney, in Crime and
soutien psychosocial
Point Santé (consultation infirmière dans les deliquency n°49, January 2003)
Perte du contrôle de soi, du sens de l’initiative
foyers).
Self initiation of behaviour
Réseau d’interprètes.
Consultation spécialisée dans les soins aux res- Perte de la capacité d’initier une activité
Apathie, léthargie, désespoir
capés de violence systématique.
Impacts des rapports médicaux, formalisation Sentiment d’irréalité, déréalisation
Perte du sens des relations personnelles
des rapports médicaux.
2004 : consultation pour victimes de torture et Perte du sens de soi
Perte du lien entre l’expérience et le sens (nonde guerre.
Croix-Rouge Suisse, Hôpitaux Universitaires de sens)
« Acting out » comme moyen de réagir avec enGenève, UNVFTV
tourage
Analyse des questionnaires de dépistage
Retrait social
572 requérants (mai 93 à fév. 94)
Crainte de contacts, replis dans monde fantasEvénement traumatisant rapporté à 62% (353)
Torture rapportée par 18% (hommes 27%, fem- magorique
Incapacité d’exprimer des émotions positives
mes 3%)
Etat de santé considéré mauvais par 17% des Rage, colère
personnes sans antécédent traumatique et 35% Le pronostic des séquelles de torture et de guerre dépend plus du contexte psychosocial du modes personnes avec antécédent traumatique
Rapportent au moins un symptôme d’intensité ment que de la sévérité du traumatisme.
sévère : la semaine précédente 37%, symptôme Facteurs stressants : éloignement familial, difficultés administratives, longueur des procédures
psychologique 27%
administratives, limitation de l’accès au travail,
Suivi médical : 28%
désœuvrement, ennui
Evénements traumatiques rapportés
Politique d’accueil /facteurs de risque de reDétention : 186 soit 33%
traumatisation
Situation de guerre : 66 soit 12%
Politique de découragement :
Privations abri, eau, nourriture 147 soit 26%
•La charge de la preuve ;
Battu (e) : 173 soit 30%
•Longueur des procédures administratives ;
Torturé (e) : 104 soit 18%
•Accès limité à l’assistance médicale ;
Violences sexuelles : 13 soit 2%
•Interprétation restrictives des lois et convenProches : décès non naturels : 178 soit 31%
tions ;
Proches : disparus : 95 soit 17%
136
•Accès au travail limité ;
tes) ;
•Assistance sociale limitée ;
•Accès aux soins limité ;
•Hébergement collectif ;
« Deterrence through Precarity »
•Détention administrative (mesures de contrain-
Etiological factors influencing the transition
orm distress to disorders following trauma
Support
Other life events Family history
Personality
Coping style
Trauma
Intrusive
memories
Other life events
Biological traits
Past experience
Psychological
disorders
Personality
Environmental response
2002, évaluation : impact de la procédure
68 rescapés de Srebrenica, arrivés entre 1995 et
2002
Situation instable (requérants, admissions provisoires) : les personnes se perçoivent en plus
mauvaise santé, consultent environ 2 fois plus
souvent, statut quo ou évolutions défavorables
plus fréquentes, cadre administratif impasse
thérapeutique.
Statut administratif : peu d’impact sur PTSD,
différence significative sur l’angoisse, dépression et perception de l’état de santé.
Problèmes psychologiques : handicap persistant/
chronique.
La souffrance liée au traumatisme reste élevée,
la capacité de gérer cette souffrance s’améliore.
Démantèlement des structures actuelles
Limitation de l’accès au soins. Non reconnaissance du statut de victime.
Retraumatisation
Perte des subventions : abandon du soutien à la
réhabilitation au profit de la prévention.
Traitement = prévention des traumatisations
collectives
Traitement = prévention des transmissions
trans-générationnelles
Décision politique de laisser aux services de santé la charge du traitement.
Traitement des victimes de violences interhumaines
Approche spécifique = spécialisation médicale
Exemples cliniques
Demande du service de médecine interne HUG
Mme M., Bosniaque ; mari, père, 4 frères, une
fille tuée à Srebrenica.
Diabète II + complications
Insuffisance rénale
Etat dépressif, PTSD
M. M., Kosovar serbophone,
mutilé de guerre.
Insuffisance rénale (crush syndrome),
Troubles anxieux massifs PTSD.
Difficultés de prise en charge dans service de
dialyse en raisons des troubles anxieux.
Requêtant d’asile ; attend la réponse à sa demande
Mme H., Algérienne séquestrée par FIS.
Diabète II + complications Insuffisance rénale,
Etat dépressif, PTSD.
Réadressée à la consultation car refuse dialyse,
équivalent suicidaire ?
Admission provisoire depuis 10 ans.
Demande de consultation à un service dépassé
par troubles comportement: violence.
Décédée il y a 1 an (choc sceptique) après 8 ans
d’admission provisoire.
« Victimologie », illustration des difficultés de
traitement :
Nécessité d’une approche globale coordonnée
spécifique (liens entre conséquences somatiques, psychologiques et sociales).
Nécessité de structures de soins spécialisées.
Nécessité de cadres administratifs et de contextes sociaux stables.
137
Exemple par l’histoire d’une famille jected family sent back Netherland. Father +
son: administrative
Mother + daughter back detention during one
month, then to center 3 days back to center in
In Iraq
Addressed by lawyer and interpreter- cultural NL and Rotterdam
mediator for domestic violence.
Husband: conflict with security guards for non In France
respect of justice adjunction to stay away from Husband reaches Dutch Center and finds out
family. Wife and husband: accept to come and that his wife has left. Goes to Rotterdam and
Paris Mother and daughter advised to try Switpresent their real history.
Fares: Mr K. football player, parents killed. De- zerland. Leave for Paris arrive Gare de l’Est,
tained in Kurdistan. Freed through ICRC. Appli- sick pregnant, no money.
cation for asylum in NL rejected, appeal but Helped by passer-by, SAMU social and by
leaves for Turkey to fetch his family. Arrested in mosque. Gathers 300.-E for trip to CH. Family
meets in park, enough money for 2 train tickets
Istanbul, sent back to Iraq. Re-arrested in Iraq
Kismet: married against her will ; goes twice to to Lyons Board a train to Pontarlier, by smuggler
car to Neuchâtel (VH). Application for asylum
ICRC to get her husband out of jail.
accepted and temporary admission given
In Turkey and Greece
Family leaves Irak, 1 daughter left behind In Switzerland
(chickenpox). Cross, in winter, into Turkey, Accommodation in collective housing. School for
travel by truck to Greece. Stay over a year in children.
Greece clandestinely ransomed by local mafia, Wife hospitalized, birth of daughter,
husband kidnapped, wife rapped by Iraqi mafia. Family regrouping for daughter left in Iraq.
Family flees to Patras, ransomed by policeman.
Husband severely depressed, domestic violence
Family decides to make a run for a ferry.
Separated from family, forbidden from apMother and children board a ferry to Italy.
proaching family.
Husband turned back by custom officer.
2 attempted suicide.
In Italy and France
Husband stuck in Greece. Looks for money to Children huge behaviour problems in school.
pay the mafia. Contact kept through mobile Husband does not respect the ban from «home»,
clashes with security guards.
phone
Mother and two kids in Italy. Brindisi - Rome - Wife exhausted asks for return of husband (for
Vintimiglia (help from PKK office). Train ticket the children).
to France, sent back by French police. Help
from mosque, train ticket to Paris. Paris: chil- Couple accept appointment in RCT want «to tell
dren kidnapped by mafia ; threatens to go to the whole truth»
the French police. Children given back 3 days
Assessment
later.
Depressive state, PTSD, behaviour disorders,
(sequels of torture, war, organized violence,
In the Netherlands
Husband reaches France, meets family in Gare migration).
Domestic violence (sequels of sexual assaults)
de l’Est,
With help from mosque buy ticket to Nether- «parental» and «conjugal conflict».
land, sent to Center for refugees. Family may Family dysfunctions.
apply but husbands application rejected, has to
Acculturation problems.
leaves.
Father: nervous breakdown. Family expelled
from center. Wait a month in Rotterdam. Tribunal no interpreter. Application rejected.
Leave for Belgium. New application for asylum. La violence déstructure
La violence absolue déstructure absolument.
In Belgium
In Antwerp, social welfare, medical assistance, Assistance: axis
accommodation in a flat. But domestic violence.
Husband expelled, son runs away twice, left
with his father. Father beaten by Russian mafia
in front of his son. Application for asylum rekurde
138
Individual work on trauma.
Couple therapy: conjugal conflict and parental
role.
Reconstruction of family structure, family community,
role of each person, requalification,
requalification of father.
Psychoeducation, discussion on acculturation.
Coordination of social and medical network crisis manager
Network meeting (physician, nurse, social
helper)
Network meeting in school for son and daughters
Relation thérapeutique : difficultés et nécessité
d’avoir accès à une anamnèse (biographie) complète.
Bilan
Recherche d’une réponse culturellement compatible particulièrement pour les problèmes
personnels et familiaux.
Médiation culturelle
Nécessité d’un travail en réseau et d’une bonne
coordination. Travail interdisciplinaire
Impact des politiques sociales (politique d’asile)
Advocacy
Conclusions
The deterrent policies are antithetical to the
principal of rehabilitation Silove JAMA 2000.
La précarité prolongée comme moyen de décourager l’immigration présente un coût très élevé
en terme de santé publique. Dans quelle mesures est-ce que les politiques européennes d’accueil respectent les différentes conventions internationales ?
Doit-on considérer «l’humiliation » comme un
traitement cruel, inhumain ou dégradant?
139
Erick Vloeberghs
Pharos (NL)
Affaires internationales
Care Full: joint initiative of Amnesty Interna- ence or flight are normal”
aware
of
the
risk
tional – Dutch section, PHAROS & Dutch Refugee “ B e
traumatisation” (§.148; §.149)
Council
Targets:
1. Enhancing protection through better identification within RSD of asylum seekers who are
victim of torture and maltreatment;
2. Notably: recognition of health problems that
hinder making a coherent, consistent and complete account of the experience.
Activities:
Publication Care Full. Medico-legal reports and
the Istanbul Protocol in asylum procedures
(2006)
April 2007 Care Full Principles and Recommendations (Lobby document)
Subscriptions by more than 40 (inter)national
NGOs
Medical assessment: aims and advantages
The aim of the health assessment in an early
stage of the asylum determination procedure:
1.the identification of psychological and/or psychiatric impairments that hinder giving a consistent, coherent and complete account of what
happened;
2. insight can be gained whether there are
medical problems that provide supportive evidence of torture and other ill-treatment;
3. asylum seekers may suffer illnesses which
require treatment; those illnesses may impede
expulsion after rejection of the asylum request
(art. 3 ECHR).
of
re-
“Some victims of rape are silent concerning
what happened. And only want to speak about
it with a (female) medical doctor” (§.270)
Developments in NL
The EU-directives (the formation of CEAS) – articles on definitions, procedures and reception
i.e.: 4(3), 4(4), 12(3), 13(3), 17(1) and 20
The Green Paper on the future CEAS (2007)
The critics by international organisations such as
HRW, CAT and UNHCR on the Dutch fast track
(accelerated procedure) in 2005-06
The proposal by the Care Full initiative (since
2006) and the advice by the independent Advisory Committee on Aliens Affairs (2007 and
2008)
The MAPP-practice (since 2006) – more to follow…
The above critics and recommendations caused
a reviewing by the Dutch authorities of the
Aliens Act (2000). The importance of taking
medical and psychological aspects into account
is recognised. The Dutch government expressed
the intention to introduce medical examination
at the start of the procedure!
Qualification directive
Art. 4 (3):
“The assessment of an application for international protection is to be carried out on an individual basis and includes taking into account”
The advantages of medical and psychological […]
“(b) The relevant statements and documentaresearch are:
tion presented by the applicant including infor1. a more fair and efficient asylum procedure;
mation on whether the applicant has been or
2. a decrease of repeated asylum applications;
3. faster diagnostics and treatment of persons may be subject to persecution or serious harm.”
with trauma related complaints.
Art. 4 (4):
“The fact that an applicant has already been
What does the Istanbul Protocol say?
“Take sufficient time and do not expect to get subjected to persecution or serious harm or to
the complete story when doing only one inter- direct threats of such persecution or such harm,
is a serious indication of the applicant’s wellview” (§.93)
“Victims of torment can have problems remem- founded fear of persecution or real risk of suffering serious harm unless there are good reabering in detail what happened” (§.142)
“Trust is essential in getting the complete ac- sons to consider that such persecution or serious harm will not be repeated.”
count of the torture” (§.164)
“Render the possibility of pauses. Resume the
interview later if necessary” (§.263)
“Contradictions in the account of the experi140
Procedures directive
Art. 12 (3):
“The personal interview may be omitted where
it is not reasonably practicable, in particular
where the competent authority is of the opinion that the applicant is unfit or unable to be
interviewed owing to enduring circumstances
beyond his/her control. When in doubt, Member
States may require a medical or psychological
certificate.”
Istanbul Protocol.
Medical aspects in the Dutch Asylum Procedure
seem to get more attention; the importance of
taking medical and psychological aspects into
account when deciding upon an asylum application seem to be recognised. Hopefully the positive aspects of this instruction will be integrated
in the proposals for reviewing the Aliens Act
2000, which are currently prepared by the Dutch
Government.
Art. 13 (2,3)
“2. A personal interview shall take place under Proposal for medical examination
conditions, which ensure appropriate confiden- The Advisory Commission for Aliens Affaires
(ACVZ) and Pharos propose a 3 step model
tiality.
(2007):
3. Member States shall take appropriate steps Early warning checklist (primary screening).
to ensure that personal interviews are con- A medical examination targeting at:
ducted under conditions which allow applicants Gathering medical (forensic) information and
to present the grounds for their applications in Psychological (mental health) information
a comprehensive manner. To that end, Member Making a report about which medico-psychosocial problems hinder making a coherent, conStates shall:
sistent and complete asylum story
(a) Ensure that the person who conducts the If necessary: specialized medico-forensic examiinterview is sufficiently competent to take ac- nation
count of the personal or general circumstances
surrounding the application, including the ap- Not yet implemented!
plicant’s cultural origin or vulnerability, insofar Amendments are being made and the MAPP pilot
on psychological information runs
as it is possible to do so (…)”
but it is still a proposal! The procedure is not
officially in place.
Reception Directive
Art. 17(1):
“Member States shall take into account the spe- The MAPP Project Step 1 Early Warning Checklist
cific situation of vulnerable persons such as […] MAPP is a small Dutch NGO that opened a desk
persons who have been subjected to torture, for the psychological examining of asylum seekrape or other serious forms of psychological, ers within RSD
physical or sexual violence […]”
The MAPP project is a time-bound pilot soon to
be closed
Green Paper
The Checklist has been developed by MAPP &
“… Serious inadequacies exist with regard to Pharos (2006)
the definitions and procedures applied by Mem- The Early Warning Checklist is used by lawyers
ber States for the identification of more vulner- and volunteers of Dutch Council for Refugees
able asylum seekers and the Member States lack (step 1).
the necessary resources, capacities and exper- The checklist is strictly related to noticeable
tise to provide an appropriate response to such behaviour of the asylum seeker.
needs.”
It can NOT be used as a diagnostic tool nor may
“… necessary to prescribe in more depth and the findings be interpreted.
detail the ways in which the special needs of The Early Warning Checklist can be found in the
the most vulnerable asylum seekers should be Conference map
identified and addressed in all stages of the
asylum process.”
The start of MAPP
MAPP started the pilot in 2006 because they got
The independent Advisory Committee on Aliens a lot of complaints by asylum seekers, their lawAffairs (ACVZ) gave in its report about the refu- yers and therapists in The Netherlands about
gee determination procedure (2007) and its re- the careless (insensitive) approach of often secent advice (2008) about the medical aspects of verely traumatized asylum seekers.
the asylum procedure, advices on how to implement medical examination into the asylum procedure in accordance with the principles of the
141
Their mental problems interfering with
making a full and coherent asylum story were
not sufficiently taken into account. So they collected a number of psychologists / psychotherapists and psychiatrists who, on a voluntary base
(=not paid), examine those asylum seekers
which are referred to MAPP by their lawyers
and/or therapist.
The main target of the MAPP pilot is: checking
the mental health condition of asylum seekers
by means of checklists and examinations, and
the identification of mental health problems
that may intervene during the asylum interview.
IND officers are willing to adapt the timing &
interview (time out period of one month; not in
the IND location; cutting of interview in pieces;
a more emphatic approach, allowing the presence of family or a medical professional, a written testimony…)
Numbers: between June 2006 and August 2008,
the MAPP examined 300 asylum seekers (with
early signalling list) 57% women and 43% men.
31 nationalities were represented, the top three
of which were: Armenian (14%), Iraqi (9%) and
Burundian (7%).
In the cases of eighteen asylum seekers (9%), it
was nearly impossible to examine them, because of cognitive limitations or mental health
problems of such a gravity that prohibited a full
examination.
According to the latest IND instruction: if there
are signs of mental problems that interfere with
the ability to speak out, MAPP can do a more
extensive psychological examination – go to Step
Out of 187 persons who underwent a full exami2.
nation (psycho-medical examination – second
The MAPP Project Step 2: psychological exami- stage)
70% were diagnosed as suffering from PTSD.
nation
The examination (based on IP; use of inter- Depressive symptoms were diagnosed for 69%,
somatic symptoms for 47% and anxiety symppreter) includes:
toms for 61%.
a psychiatric interview;
72% of examined asylum seekers suffered from a
a non-verbal concentration test;
the Harvard Trauma Questionnaire (part 2 – vali- lack of concentration.
dated for refugees);
Referrals: over 70% of the examined asylum
the Brief Symptom Inventory (5-point Likert);
seekers were suffering from such serious sympIf necessary: a non-verbal IQ test;
toms, that an immediate referral for further
The examination is done by trained and qualiexamination and therapy was required.
fied psychologists and psychiatrists.
This high percentage (70% referrals) is linked to
Focus: are mental health issues interfering with those who got a psycho-medical examination.
the applicant’s ability to render a coherent and As said, in only 1% of the total caseload of asylum applications during the period June 2006 –
consistent account?
2008
a
MAPP
psychologist/
According to the 2008 IND instruction: if there August
are signs of mental problems that interfere with psychotherapist was asked to do the examinathe ability to speak out, MAPP can do a more tion!
extensive psychological examination – go to step
Problems
2.
Many asylum applications are rapidly (and careThe pilot involves a selected sample of the total lessly) finished in the reception center of Schiof asylum seekers that entered the Netherlands. phol airport. The asylum seeker is then not yet
Only 1% of the total amount of asylum seekers in the Netherlands and de facto without right.
could be reached. The MAPP receives four times In spite of that the need of medical assessment
the number of applications as they can process! is recognised by the asylum authorities, no offiAgain: the pilot serves to show the need for a cial approbation has been given by the ministry
proper examination of the mental health condi- of Health. The matter of medicalisation of the
procedure and the need for more clarity contion of asylum seekers.
cerning the financial consequences remains topThe MAPP Project : first findings…
ics under discussion.
Results of the MAPP pilot
Numbers and presented mental health problems The lengthening of 48-working hours to 8 working days - within which the asylum application
Behaviour during interview
must take place - is in some cases still too tight.
Referrals for treatment (Step 3)
IND is more aware of psychological impairments
that interfere with making a consistent, coherent and full story of what happened.
142
Lilla Hárdi
Cordelia Foundation for the Rehabilitation of Torture Victims, Hungary
Rehabilitation of Torture Survivor Refugees in Hungary:
from the Therapy of PTSD to Integration
The beginning
The CORDELIA Foundation for the Rehabilitation
of Torture Victims has been engaged in helping,
psychosocial counselling, psychiatric treatment
and long term assistance of severely traumatized refugees, mostly survivors of torture, since
1996.
give up their usual paranoid position earlier, the
containing function of the therapist(s) can be
realised soon.
The role of the interpreters
The therapeutic sessions are conducted in the
original languages of the clients.
The interpreters are familiar with two different
cultures through do to their education, training
and empathy. They are the "first violinists" of
Uprooting and exile
According to the European Working Group of the the therapy.
WHO in 1986: each refugee should be treated a
trauma survivor, as uprooting and exile are Our therapies
Individual, couple, family and group therapies
among the most serious traumata of life.
with verbal and non-verbal methods.
The individual verbal therapy
Complex PTSD
The "survival syndrome" was described by Chod- In most of the cases it is a short-term therapy,
off in 1969. It is one of the first approaches to focusing generally on the trauma or torture but
the current understanding of PTSD (Post Trau- we also use middle or long-term therapies
elaborating the traumatic experience and also
matic Stress Disorder).
Torture survivors suffer of the special type of facilitating the patients’ capacity to integrate in
the new culture.
PTSD: Complex PTSD or DESNOS.
Family therapies
“Complex PTSD” (DESNOS)
Alterations in the regulation of effective im- The tortured, humiliated head of a family, the
pulses, including anger and self-destructiveness. raped mother or the abused child distort the
Alterations in attention and consciousness, lead- structure of the (religious) family used to be
ing to amnesia, dissociative episodes, and de- stable for thousands of years of culture and traditions.
personalization.
Alterations in self-perception, such as chronic The surrealistic world of the torture chamber
survives in the confused human relations of the
sense of guilt, responsibility, and/or shame.
Alteration in social contacts, such as not being family (“mutilated families”). Non-verbal
able to trust other people or to feel intimate therapies
The verbal therapy is prepared by or joined to
with them.
non-verbal group therapies facilitating the
Somatization without any organic background.
change of the pathological primitive defence
Cognitive problems.
mechanisms of the patient. S/he becomes approachable by the verbal processes gaining back
“The trauma is contagious”
According to Judith Herman: torture affects not the – sometimes seriously paranoid lack of –
only the torture survivor and his/her family trust.
members: horizontal danger, but it leads to a
Non-verbal group methods
transgenerational trauma: vertical danger.
The danger of the transmission of traumata is The "heroic age" of non-verbal therapies with
Bosnian victims: communicative movement
possible without proper therapy.
group therapy
The next step: animation group method,
Hungary – The treatment of torture survivors
The Cordelia Foundation is a “mobile centre” (animation of inanimate objects) that served to
and the therapeutic activity takes place in the develop a contact with a person who had berooMissand living quarters of the refugees at the come alienated from his/her own body or from
his/her environment as the consequence of torrefugee acceptation stations.
This "inverted situation" allows a better under- ture.
standing for both parties. Patients generally
143
“Station groups" were elaborated for refugees from Kosovo.
Elementary emotions emerged with drawing
houses. This activity collided with the fact that
those houses existed on paper only. They had
been burnt down or blown up.
We used elements of psychodrama due to the
extreme level of aggression on the surface.
The Afghan epos
Refugee women from Afghanistan also brought
their children to the group sessions “witnessing”
the war stories, the sufferings and cruelties of
war. We didn’t close them out of the session
recognising that this was a special way to pass
the personal experiences among protected psychological environments.
“Symbol group" therapy
We present a lost object or a piece of memory
from the past to our clients awaking memories
having been blocked by anxiety and fears. The
lost object should be mourned in order to decrease the extreme anxiety, caused by the loss
of the “interior calming mother” object.
New approaches
Dynamic Examination of Drawings is a new initiation being a non-verbal therapeutic method.
We have the clients drawn a human figure after
each session and we compare them in the therapeutic process.
Sometimes we introduce verbal therapy with
this method, as well.
Somalian man
Before therapy
Two months later (3)
Somalian woman
Before therapy
Two months later (3)
Somalian woman
Before therapy
Two months later (3)
144
Cure and Integration
We set up a Special Intensive Rehabilitation Unit
in one of the refugee shelters.
The intensive rehabilitation process begins in
January 2009.
6 therapists and several volunteers are going to
work with 16 clients for 8 weeks, 3 days/week.
We plan to deal with 80 clients/year.
MEDICO-LEGAL REPORTS STRUCTURE OF REPORTS
PART I – INTRODUCTORY STATEMENTS
Statement of Foundation
Reference to Istanbul Protocol
The Statement of the Medical Doctor in charge
of the Case
The aim of the examination
Supervision/care for caregivers
Group supervision have been run with “refugee
professionals” of the Ministry of Justice by two
therapists of the foundation for 8 years
Participants/supervisees: eligibility officers,
border guards, nurses of the health units, social
workers, interpreters
Supervisors: psychotherapist and non-verbal
therapist as the therapist and the co-therapist
PART II - BACKGROUND
Preceding case history:
Family history
Schooling/education
Personal objectives
Special circumstances
Social background of the applicant:
Current family status and his/her knowledge on
family members, friends
Summary
The therapeutic methods of the Cordelia Foundation: verbal, non-verbal, individual, family,
group
Social rehabilitation is focusing integration
Supervision and regular trainings for the staff
PART III - DESCRIPTION
Description of the methods of torture and its
clinical consequences:
Where?
When?
What happened?
Sequelae of Torture
Reference to other medical specialist (s):
Somatic status:
full somatic description focusing on the somatic
after-effects of torture
other somatic disease (s)
PART IV - ASSESSMENT AND SUMMARY
Psychological/psychiatric assessment of client:
Psychiatric status focusing on the psychological
sequelae of torture
Summary:
Declaration of accordance between symptoms
described and the psychological and medical
examination
Accordance between the described forms of torture and the forms characteristic to the regions
concerned
PART V - FINAL STATEMENTS
Final Statement
Declaration of the violation of European Convention of Human Rights and the UN CAT in case
of sending the victim home where her/his
health or her/his life is endangered.
145
Sylvie Lancino
ANAEM
Médecin coordonateur du dispositif national d’asile pour la zone 2
(Alsace, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne Ardennes)
La souffrance psychique des demandeurs d’asile :
quelles souffrances, quelles réponses ?
Docteur Marc WLUCZKA
Médecin chef de l’ANAEM
Directeur de la santé publique de l’ANAEM
sée par un médecin placé sous l’autorité hiérarchique directe du médecin directeur de la santé
publique de l’ANAEM.
Docteur Sylvie LANCINO
Médecin coordonateur du Dispositif National
d’Asile pour la zone 2
(Alsace, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté,
Champagne Ardennes)
Le mode de gestion de ces structures est presque toujours associatif. Parmi les structures de
type « foyer », l’ADOMA (ex-SONACOTRA) et
l’AFTAM sont les deux opérateurs prédominants.
France Terre d’Asile, opérateur historique, est
très présent dans les structures éclatées et en
région Ile-de-France. Le groupement associatif
Forum Réfugiés occupe une position comparable
en terme de légitimité dans la région RhôneAlpes.
Par ses enquêtes annuelles sur les visites médicales d’entrée et de sortie des CADA comme par
sa présence sur le terrain et son action nationale, l’ANAEM est l’acteur public le mieux informé
de la situation sanitaire de cette partie du public des demandeurs d’asile, et tire aussi bien
de ses enquêtes que de ses rapports d’inspection la matière à son travail de conseil technique et d’aide à la décision de son ministère de
tutelle.
Au cas par cas, la DSP de l’ANAEM est appelée à
aider à résoudre des problèmes médicaux préoccupants pour certaines personnes et/ou certaines structures. Dans ce contexte, les situations
en relation avec la souffrance psychique occupent une large part de ce type d’intervention
où l’ANAEM est très sollicitée par les associations, les autorités sanitaires ou son ministère
de tutelle.
Docteur Catherine FORTIN
Médecin coordonnateur du Dispositif National
d’Asile pour la zone 1
(Ile-de-France, Normandie, Picardie, Nord-Pas
de Calais)
Résumé :
Confrontés de plus en plus fréquemment à la
souffrance psychique des demandeurs d’asile
hébergés, les agents des CADA sont eux-mêmes
en souffrance devant leur difficulté à gérer efficacement ce problème récurrent. Par ailleurs, il
est indispensable de promouvoir un véritable
accès des demandeurs d’asile à des soins psychiques de, proximité, spécialisés ou non, dans
leur langue ou pas. Mais il est un enjeu important pour le bon fonctionnement des institutions
du dispositif national d’accueil (DNA) de mettre
en place une formation de l’ensemble des personnels à la connaissance du problème de la
souffrance, de ses causes, de ses effets et de
ses conséquences. Cette formation leur permettra d’être mieux en capacité d’en anticiper
l’apparition inévitable, et de mieux en gérer les
aspects les plus insupportables pour le fonction- Pour un demandeur d’asile, la question de sa
souffrance est de l’ordre de l’évidence, puisque
nement des institutions d’accueil.
la raison pour laquelle il demande l’asile est
Depuis 2003, l’ANAEM, par l’intermédiaire de sa précisément la souffrance endurée ou risquée
direction de la santé publique (DSP) exerce une dans son pays d’origine. A cela peut se rajouter
mission de soutien, de mise en réseau, et d’ins- la souffrance due au voyage et à l’errance, parpection technique des structures membres du fois extrêmement longue pour arriver jusqu’au
pays dans lequel il peut enfin demander l’asile,
DNA des demandeurs d’asile.
et aussi la souffrance liée à la procédure de deCe dispositif se compose des CADA (centres mande d’asile, à l’attente et à l’incertitude de
d’accueil des demandeurs d’asile), CPH (centres la situation future, sur laquelle il n’a aucune
d’hébergement provisoire) et structures d’ac- prise, dès lors que son dossier se trouve dans les
cueil d’urgence qui y sont rattachées circuits administratifs de l’OFPRA et plus tard
(exemple : AUDA). Elles sont à ce jour au nom- de la CNDA, lorsqu’il est en procédure de rebre de 274. Le territoire national métropolitain cours.
a été partagé en 5 zones comprenant un nombre
voisin de structures, chaque zone étant supervi146
Cette souffrance peut se révéler à différentes phases de son parcours. Elle peut être
antérieure au traumatisme qui conduit à l’exil.
Elle relève alors d’une pathologie non reliée
directement aux violences subies, mais aggravée
la plupart du temps par cette situation. Elle
peut être secondaire à ce traumatisme. Elle
peut apparaître lors du voyage qui, du fait des
circonstances, constitue aussi en soi un traumatisme, et elle peut apparaître à l’arrivée dans le
pays d’accueil, voire plus tard, au cours de la
procédure de demande d’asile, généralement à
certains moments clé de cette procédure.
Comment répondre à cette souffrance au sein
d’une structure d’accueil ?
La réponse ou les éléments de réponse ne se
situent pas uniquement sur le plan médical.
L’accueil et l’environnement que le demandeur
d’asile va trouver à l’arrivée, et tout au long de
son séjour, c’est-à-dire un lieu dans lequel il
puisse se sentir bien et en sécurité, constituent
la première étape dans la prise en charge de sa
souffrance.
Son rétablissement dans le groupe, afin de rompre l’isolement dans lequel il est le plus souvent, va également l’aider à se stabiliser et à
s’insérer dans la structure. Au sein du CADA,
cela pourra passer par des activités socialisantes
telles que des groupes de paroles, des activités
d’expression, de théâtre, des sorties, voire une
activité bénévole.
Cet environnement sécurisant et structurant est
une des premières conditions qui vont permettre à la personne en souffrance de pouvoir récupérer et commencer à se reconstruire et à supL’expression de cette souffrance est multiple, porter par ailleurs le long parcours de la demanet ses manifestations ne sont pas toujours iden- de d’asile.
tifiables en tant que telles pour des interveLa formation des travailleurs sociaux à la reconnants non formés à cet effet.
Elle peut s’exprimer sous forme de pathologies naissance et à la gestion de cette souffrance est
non spécifiques, inclassables, et récurrentes également indispensable.
quelle que soit la prise en charge réalisée et les
investigations pratiquées. Ce sont souvent des Le temps dont disposent les équipes des CADA
plaintes répétitives, sans substrat anatomique pour répondre à la souffrance, exprimée ou non,
réel, à type de troubles digestifs, maux de ven- des demandeurs d’asile est limité. En effet la
tres, douleurs diverses et variées, des demandes structure d’accueil n’a pas pour vocation prerépétées de consultations, de médicaments, mière (même si cela fait aussi partie de ses misd’examens complémentaires, sans pathologie sions) de s’occuper de la santé des demandeurs
d’asile, mais de leur apporter une aide sur un
clinique évidente.
plan administratif et juridique pour l’instruction
Elle peut s’exprimer également sous forme de de leur demande d’asile.
troubles psychologiques, tels que troubles du
sommeil (insomnie ou hypersomnie, difficultés La prise en charge des problèmes somatiques se
d’endormissement, cauchemars), des maux de fait comme pour tout un chacun dans le système
tête, des troubles du comportement à type d’ir- de droit commun puisque les demandeurs d’asiritabilité, ou au contraire une passivité, un le sont bénéficiaires de la CMU. Mais lorsqu’il
manque de dynamisme, un repli sur soi, une s’agit de souffrance psychique, la réponse est
plus difficile et le manque de structures capanégligence de soi, de son environnement…
bles de répondre aux besoins exprimés, en parCe peut être encore des difficultés de cohabita- ticulier pour les CADA éloignés des grandes viltion, un mécontentement et des revendications les se fait sentir. Les travailleurs sociaux sont
permanentes, des comportements inciviques, alors souvent « pris entre deux feux » : il faut
une escalade dans la violence verbale, de la faire avancer le dossier de demande d’asile et
maltraitance conjugale ou parentale, et au final répondre en même temps aux demandes d’écoules « pétages de plomb » avec auto ou hétéro te et de soutien.
agressivité qui se mettent au premier plan un
problème dont ils ne sont en règle générale que
le dernier signe, mais le plus visible.
La question de la souffrance dans une structure
d’accueil n’est pas forcément posée par les personnes les plus concernées, c'est-à-dire par les
demandeurs d’asile eux-mêmes. C’est le plus
souvent la structure d’accueil qui évoque spontanément le problème, en général pour faire
état de ses difficultés à y répondre. La DSP de
l’ANAEM réalise alors souvent que la difficulté à
aider est aussi génératrice de souffrance chez
l’aidant, confronté à sa propre impuissance.
147
La première difficulté à laquelle sont
confrontés les travailleurs sociaux est le diagnostic et l’évaluation de cette souffrance,
comment en apprécier la gravité, et comment
l’aborder avec le demandeur d’asile pour l’amener à accepter une consultation avec un psychologue ou un psychiatre. Le manque de formation
des travailleurs sociaux à la prise en charge et à
la reconnaissance des signes de souffrance psychique est réel, et les équipes se sentent souvent démunies devant ce mal-être qui a parfois
tant de difficulté à s’exprimer et qui ensuite ne
peut être pris en charge au moment opportun,
du fait de ce manque de structures.
Le temps de latence entre le moment où la personne va exprimer son mal-être et où une réponse ou bien un début de prise en charge vont
lui être proposés est souvent très long, ce qui
peut amener parfois le demandeur d’asile à
l’exprimer avec violence, par un passage à l’acte ou par l’apparition d’une dépendance à un
psychotrope : alcool, médicaments, drogues…
A cela se rajoute la barrière de la langue, car
rares sont les structures de soins à même de
prendre en charge les demandeurs d’asile non
francophones. La barrière de la langue est ainsi
souvent mise en avant et elle est réelle car ne
pas partager la même langue rend évidemment
la communication plus difficile. Par contre, les
équipes se trouvent souvent confrontées à des
situations paradoxales : les psychiatres refusent
la présence d’un interprète, sous le prétexte
qu’une tierce personne perturbe le colloque
singulier entre le médecin et son patient ; mais
dans le même temps, l’entretien ne peut avoir
lieu puisque le patient ne parle pas le français…
ne certaine défiance envers les structures psychiatriques en général. Ce sont des patients qui
ne se rendent pas à leur rendez-vous ou qui
abandonnent une thérapie en cours de route, et
dont la prise en charge sur le long terme peut
s’avérer extrêmement difficile, voire décevante…
Il faut alors aussi amener les travailleurs sociaux
à accepter le cadre de leur intervention et ses
limites ; et leur soutien, par des échanges de
pratiques réguliers, voire une supervision d’équipe, est indispensable.
Par ailleurs, la présence de personnel paramédical (infirmières, psychologues) dans la structure, soit embauché par elle, soit par convention
avec les équipes de psychiatrie de secteur ou
avec des associations compétentes en la matière, permet une prise en charge de proximité et
une écoute régulière par des personnes formées
à cet effet. Ces personnels paramédicaux peuvent aussi jouer un rôle de soutien d’équipe, et
également de travail d’accompagnement plus
global.
L’ANAEM, de son côté, apporte un soutien technique aux équipes et peut intervenir au sein des
structures pour faciliter la gestion des cas particuliers, trouver des relais pour les prises en
charge, voire aider au transfert d’une personne
en souffrance vers une structure plus appropriée
si nécessaire.
Contrairement à la santé physique des demandeurs d’asile, qui fait l’objet d’un rapport annuel, la connaissance de l’état de santé mentale
ou psychique de ce public est encore insuffisante et manque d’indicateurs objectifs. Pour y
remédier, l’ANAEM travaille à l’élaboration d’un
L’identification de médecins référents formés à outil d’évaluation qui permettrait de quantifier
la prise en charge de la souffrance psychique les problèmes et les besoins qui en découlent.
des demandeurs d’asile en général, et des demandeurs d’asile non francophones en particu- Ces besoins sont grands, car dans toutes les
lier, permettrait alors un diagnostic plus rapide structures d’accueil, la souffrance psychique
et une prise en charge plus ciblée. Il n’y a pas des demandeurs d’asile apparaît au premier
actuellement suffisamment de praticiens formés plan des problèmes de santé qui sont décrits par
à reconnaître cette pathologie, et on constate les équipes. Il est donc nécessaire d’identifier,
que dans bien des cas, la prise en charge est au niveau local, tous les partenaires publics ou
presque toujours médicamenteuse et symptoma- privés, institutionnels ou associatifs à même
tique, au détriment de l’écoute. Les prescrip- d’intervenir dans ce domaine, et les sensibiliser
tions d’antalgiques, d’antidépresseurs ou d’an- voire les former à la prise en charge de ce puxiolytiques soulagent alors le patient jusqu’à un blic.
certain point mais ne résolvent pas le problème
qui l’a amené à consulter.
On se trouve confronté également à la difficulté
qu’ont certaines personnes à accepter une prise
en charge psychiatrique, du fait de l’assimilation qui en est faite avec la folie, ou du fait d’u148
Yves Nicolas
CADA ADOMA
Chef d’établissement
INTRODUCTION : LA CIRCULAIRE DU 24 JUILLET 2008
Il est difficile de distinguer les tortures physiques des tortures psychologiques.
Les nouveaux textes relatifs aux missions CADA
(circulaire du 24 juillet 2008 et cahier des charges annexé) mentionnent que :
- « un accompagnement social et psychologique
est assuré par l'équipe CADA, avec le cas
échéant l'appui d 'intervenants extérieurs » ;
- « une attention particulière doit être apportée au soutien psychologique (...) les souffrances psychiques spécifiques aux DA peuvent être
liées à un passé traumatique » ;
- « des sessions d'accompagnement et d'écoute
de personnes déstabilisées par des événements
passés » peuvent être comprises dans les activités d'animation ;
- « l'équipe doit avoir reçu une formation relative au profil spécifique des personnes victimes
de traumatisme ».
La notion de personnes vulnérables est également apparue dans ce nouveau cadre juridique
qui encourage « des actions qui doivent être
menées en faveur des personnes vulnérables,
afin de favoriser leur identification le plus tôt
possible ».
Tout cela pour dire que ces problématiques
liées aux traumatismes pour les victimes de torture émergent désormais dans le cahier des
charges des missions du CADA. Reste la question
évidente des moyens et de leur mutualisation.
Les tortures décrites sont :
en détention : cellule très exiguë, coups, menaces de mort, simulacre d’exécution, mutilations ;
viol, viols collectifs ;
exécution de membres de la famille, ou violences sur membres de la famille en présence de la
personne ;
dans le cas d’esclavages : coups et harcèlement
psychologique.
Les tortures concernent une proportion importante de la population du CADA : des personnes
jeunes, et souvent isolées, sans famille proche.
Cependant, nous faisons le constat que :
parler de la torture est difficile pour le demandeur d’asile ;
dans la très grande majorité des cas, c’est l’intervenant social en premier qui aborde le sujet ;
la personne éprouve un sentiment de honte à en
parler, la torture est refoulée ;
cela survient presque toujours au moment de
l’élaboration du dossier OFPRA ou CNDA ;
ce dossier est le fil conducteur, il est l’élément
déclencheur de l’expression, mais il est difficile
d’en parler en dehors de ces entretiens ;
il en résulte que, selon la situation administrative du demandeur d’asile, l’abord de la torture
peut se faire dès l’arrivée au CADA (dossier OFPRA), mais souvent après plusieurs mois de séjour au CADA (CNDA).
PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE DE LA TORTURE AU SEIN DU
CADA
28 ménages, soit 30 personnes ont parlé de torL’expression en elle-même est difficile :
ture subie.
propos confus, évasifs ;
difficultés à se souvenir ;
Afrique : 8 pays, 19 personnes
difficultés à redire son histoire à un nouvel inEurope et ex-URSS : 5 pays, 10 personnes
terlocuteur ;
Asie : 1 pays, 1 personne
difficultés à s’exprimer devant une personne
Pays :
Soudan : 4 ; Russie : 4 ; Chine : 1 ; Ethiopie : 3 ; d’un autre sexe ;
problèmes de traduction, présence d’un interSerbie : 2 ; Nigéria : 3 ; Arménie : 2 ;
Guinée : 3 ; Azerbaïdjan : 1 ; Congo : 2 ; Molda- prète ;
sentiments de colère et de révolte par rapport
vie : 1 ; Rwanda : 2 ; Niger : 1 ;
aux décisions OFPRA.
Mauritanie : 1
Sur les 30 personnes, 13 sont des femmes.
Ecouter et parler de la torture est difficile pour
l’intervenant social :
Les causes de la torture :
Politiques : 8 Guerres : 9 Culturelles (mariages
forcés) : 2 Ethniques : 5 Religieuses : 3
Esclavage : 3
149
difficulté de repérer ce problème car cela
ne transparaît pas forcément dans l’accompagnement quotidien de la personne ;
crainte d’aller trop loin, ou pas assez, dans les
entretiens ;
crainte de ne pas maîtriser son émotion ;
rapport homme-femme peut être un frein dans
l’entretien ;
comment accompagner la personne au-delà des
entretiens spécifiques OFPRA/CNDA ?
Pour une meilleure qualité d’entretien :
l’abord de la question au bout d’un certain
temps de séjour peut être positif ;
en effet, la mise en confiance passe par un accompagnement au quotidien où on apprend à se
connaître, s’apprécier, se reconnaître ;
resituer l’approche de la torture dans le cadre
de notre mission, en précisant les enjeux des
dossiers constitués ;
s’appuyer sur les écrits de l’OFPRA pour permettre l’expression de précisions, de contestations ;
respecter les réserves, proposer des entretiens
en plusieurs étapes ;
anticiper les étapes du dossier OFPRA/CNDA
pour parler de la torture afin que la personne
ait le temps de s’y préparer, que les questions
ne soient pas vécues comme une enquête policière, et que rapidement elle ait conscience que
le CADA [aide à] la reconnaissance dans cet aspect de son histoire.
Les suivis apportés : en CMP, un généraliste,
mais difficultés linguistiques, personnel pas formé pour ce type de population/problématique ;
consultation avec psychologue, formée en ethnopsychiatrie.
DEUXIÈME PARTIE : LES PLUS ET LES MOINS DU CADA
DANS LA RELATION D’AIDE AUX VICTIMES DE TORTURE
Le séjour en CADA participe à la reconstruction.
En arrivant au CADA, on met fin à une période
d’errance et d’hébergement d’urgence dans le
meilleur des cas.
Le CADA permet de répondre aux besoins vitaux
de la personne :
se poser ;
avoir un toit, une constance de logement, une
adresse, un quartier ;
se réapproprier certains actes de la vie quotidienne : par exemple cuisiner ;
mettre en place des droits sociaux ;
avoir une forme de revenus ;
inscrire ses enfants à l’école et à des activités,
avoir des activités.
Dans ce sens, le CADA peut permettre à la personne ayant subi des tortures de se redonner
des repères, de sortir de son seul statut de victime :
de personnaliser son logement ;
recevoir des amis, des compatriotes ;
de se confronter à une vie sociale normale, où il
peut devenir acteur ;
L’équipe d’un CADA n’est pas un thérapeute.
d’être reconnu par une ou des institutions comLa nécessité d’élaborer un écrit CNDA précis, me un être humain à part entière avec ses soufcirconstancié n’est–il pas parfois en contradic- frances et aussi tout son potentiel.
tion avec les précautions thérapeutiques ?
Mais le rôle de l’intervenant social et de l’équi- Le CADA permet :
pe est de créer une relation de confiance, de d’être reconnu comme ayant besoin d’une airepérer les situations, et de proposer la ren- de ;
contre avec le thérapeute.
d’être accompagné dans le cheminement du
L’expression en équipe
dossier OFPRA et CNDA ;
Un CADA en collectif permet que les personnes d’être entouré par des professionnels de la relasoient connues par plusieurs salariés aux mis- tion d’aide.
sions différentes ; les échanges se font souvent
entre deux collègues, ou avec le directeur : Dans la plupart des cas, les DA comprennent
pour préparer un entretien, pour souffler ; cer- bien le sens de notre mission. Ils viennent frétaines situations sont évoquées en réunion d’é- quemment à nos permanences d’accueil pour
quipe.
leurs démarches administratives, mais aussi
Mais les échanges en équipe sur la torture sont pour des petits riens de la vie quotidienne (qui
peu fréquents au regard du nombre de deman- prennent une grande place dans le CADA).
deurs d’asile concernés ; il manque manifeste- C’est à travers ce quotidien qu’une relation de
ment un temps de supervision pour améliorer la confiance peut s’établir.
technique d’entretien, pour continuer l’accom- Le CADA collectif est-il aidant pour une relation
pagnement sur ce thème, pour mieux repérer de confiance ?
les personnes en détresse.
Le CADA ADOMA de Caen est collectif. Je pense
L’accompagnement proposé :
que c’est un plus pour le demandeur d’asile car
Les intervenants sociaux ont proposé un accom- le personnel du CADA est disponible et très prépagnement psy à 10 personnes.
sent mais aussi varié.
8 ont été mis en place.
150
ti de la victime de tortures ?
Le débouté de la demande d’asile semble souvent résigné, rarement révolté.
Nous sommes tenus de l’informer de la possibilité d’aide au retour au pays, c'est-à-dire làMais cette vie collective, avec les contraintes même où la personne a été torturée. Quel sens
qui en découlent, peut-elle être un frein au donner à cette information ?
mieux –être de la personne ayant subi des tortuComment préparer le débouté à sa sortie du
res ?
Si la vue d’une cigarette qu’on allume ou d’une CADA, comment la vit-il ?
simple bouteille de Coca peut profondément Etre débouté, quand on a été torturé, c’est :
perturber la personne torturée, quels sont les la négation de son histoire ;
retrouver une situation de non droit ;
effets :
revivre la peur d’être arrêté, reconduit à la
d’un règlement intérieur ;
de contrôles d’étage, de chambres, de signatu- frontière ;
c’est une situation de porte-à-faux qui peut être
res de feuilles de présence ;
longue : sortie/non-sortie du CADA, hôtels, un
d’éventuelles sanctions ?
Comment sont vécues les confrontations avec jeu de cache-cache, une longue période sans
décision donc sans existence.
les autres demandeurs d’asile ?
Nous replaçons toujours ces réajustements, ce
rappel au cadre, dans le contexte d’une règle Comment préparer la personne ?
collective nécessaire au respect de chacun. Mais
comment s’assurer que cela ne réactive pas le TROISIÈME PARTIE : LES FORMATIONS MISES EN PLACE PAR
mal-être du DA qui a subi les pires violations du LE CADA ADOMA DE CAEN
droit et de la dignité ?
Depuis plusieurs années, le CADA ADOMA de
Le CADA est une étape difficile pour le deman- Caen organise, avec un financement DDASS, des
deur d’asile :
formations s’adressant au personnel ou militants
C’est une période d’incertitude quant à l’ave- de toutes les institutions, structures ou associanir : sera-t-on statutaire ou débouté ?
tions en lien avec les personnes migrantes. Ces
C’est une période d’assistanat : AMS, aides ali- journées de sensibilisation ont l’objectif de
mentaires ;
créer un réseau local et une culture commune,
C’est une période d’inactivité, d’ennui, notam- de mieux se connaître et mieux agir ensemble.
ment pour les hommes : interdiction de travailler.
Les thèmes abordés :
De ce fait, le demandeur d’asile a souvent du Géopolitique : pays du Caucase, différentes rémal à se projeter dans l’avenir, à faire des pro- gions d’Afrique ;
jets immédiats, à être constant dans ses activi- Traumatismes liés à l’exil (Mme Donoso, collatés, ou être ponctuel à ses rendez-vous.
boratrice de Françoise Sironi) ;
Ces aspects sont des freins à la reconstruction L’interculturalité (organisée par le SSAE).
de la personne. La fin du séjour au CADA est une
période délicate
Depuis décembre 2007, ADOMA, la DDASS et
La personne victime de tortures vit sans doute l’association Itinéraires ont mis en place pour
un moment important de reconnaissance, donc ces mêmes professionnels une formation sur
de reconstruction de soi en obtenant le statut l’ethnopsychiatrie :
de réfugié.
4 groupes de 8-10 personnes chacun ont été formés à raison d’une matinée par mois, de déL’accès au statut de réfugié est toujours une cembre à juillet 2008 ;
joie visible, exprimée, fêtée mais elle débouche depuis la fin du printemps 6 demandeurs d’asile
souvent sur de nouvelles interrogations :
suivis par ce personnel bénéficient d’une aide
je prends conscience de sortir de l’assistanat ;
psychologique par une psychologue formée à
suis-je capable d’y faire face ?
l’ethnopsychiatrie ;
Il faut faire le deuil de son pays.
une journée de bilan a été organisée le 15 septembre 2008 en présence de Philippe Bas, présiNous accompagnons cette sortie dans la recher- dent de l’ANAEM, avec notamment l’intervenche d’un logement, dans l’accès aux droits et au tion d’Isam Idris, assistant de Marie-Rose Moro
travail.
de l’hôpital Avicenne de Bobigny.
Cette action est financée à nouveau pour
Comment tenir compte à cette étape du ressen- la période 2008-2009.
D’autre part, les différentes fonctions au
sein de l’équipe permettent de mettre en relief
le regard que nous portons sur le demandeur
d’asile.
151
Régine Waintrater
Psychologue, thérapeute familiale — Université Paris VII
Le pacte testimonial
Avec le premier coup « contre lequel il n’y a
pas moyen de se défendre, et que ne viendra
parer aucune main secourable, c’est une partie
de notre vie qui s’éteint pour ne plus jamais se
rallumer », écrit Jean Améry, pour dire la rupture radicale du pacte social que représente la
torture.
Le pacte social, qui sous-tend notre existence,
c’est la croyance et le droit à être secouru par
un autre, en vertu de notre appartenance commune à l’humain. La torture, c’est la destruction de cette croyance fondamentale en un autre secourable, nécessaire à notre vie psychique.
Comment restaurer ce pacte ?
Par un autre pacte, que j’appelle le pacte testimonial, et qui sous-tend toutes les rencontres,
qu’elles soient définies ou non comme thérapeutiques.
Le témoignage constitue une tentative pour
combler le fossé radical qui sépare ceux qui ont
vécu l’impensable et les autres. Tous les témoignages soulignent le sentiment d’abandon de la
part du monde, qui a définitivement miné leur
confiance dans un environnement suffisamment
bon : tous ont éprouvé, à un moment de leur
calvaire, le sentiment d’être seuls au monde,
privés à jamais du recours à l’autre, leur semblable.
Dans le cas de traumatisme extrême, la dimension testimoniale occupe une place importante,
préliminaire à tout engagement dans un travail
thérapeutique au long cours. Tous les entretiens
ne débouchent pas sur une thérapie en « bonne
et due forme ». Ces entretiens, dont la définition reste volontairement ouverte, constituent
pour les victimes la première, et souvent l'unique occasion de prendre la parole, pour dire à
la fois ce qu'elles ont subi, mais aussi pour retrouver le chemin de l'humain dont elles ont été
écartées par la persécution.
On s'oriente vers un processus de consultation
thérapeutique, au sens où Winnicott la définit.
A mi-chemin entre l'entretien et la thérapie, la
consultation thérapeutique ressemble à un court
voyage que le patient accomplira en compagnie
du clinicien. Les notions de contact et d'empathie prennent le pas sur celles d'insight ou d'interprétation, qui, dans ce type de travail, ne
constituent pas le but à atteindre. Il s'agit plutôt, à l'aide d'une technique souple et interactive qui repose essentiellement sur la personne
réelle du thérapeute, d'ouvrir un espace propice
à la gestion des conflits : dans ce modèle, les
moments de restitution et d'explicitation sont
un facteur central pour le retour à la parole.
Le nouage particulier que ces situations instaurent entre l'intrapsychique et l'intersubjectif
vient solliciter en chacun de nous, parfois de
façon très violente, la composante relationnelle
du psychisme. Il nous oblige à nous interroger
sans relâche sur la position qui est la nôtre dans
de telles rencontres : c’est donc le fil transférocontretransférentiel qui conduira nos pas, seul
instrument dont dispose le clinicien pour le guider dans le maquis touffu et terrifiant de récits
qui, tous, disent la destruction infligée par
l'homme à son semblable.
Le traumatisme instaure toujours une rupture :
pour la victime, il y aura désormais un avant et
un après, et la difficulté, pour elle, consiste
d'abord à retrouver une continuité psychique, et
à sortir du « hors temps » instauré par le traumatisme.
Longtemps après l'événement, le traumatisme
continue à fonctionner comme un corps étranger, fiché dans le psychisme et réfractaire à
toute intégration. Le sentiment d'étrangeté a
partie liée avec des manifestations psychosomatiques et une série de symptômes que le sujet
subit dans une passivité extrême. L'incapacité à
mobiliser les fonctions psychiques ordinaires ne
fait que redoubler ce sentiment d'étrangeté à
soi-même, creusant ainsi un fossé douloureux et
incompréhensible entre le soi d'avant et le soi
actuel. « Je ne me reconnais plus », « Ce n'est
pas moi », autant d'expressions qui reviennent
sans cesse dans le discours de la victime. La
confrontation brutale avec la réalité de sa mort
a changé le survivant, et cette métamorphose
est en elle-même source de traumatisme.
Il ne s'agit ni d'enfermer la personne dans la certitude du traumatisme, ni de négliger ce dernier, mais plutôt de l'accompagner sur le chemin
de la réappropriation de soi, qui passe par la
mise en mots, prélude à la mise en histoire.
On distingue plusieurs temps sur ce chemin du
retour à soi : le temps du judiciaire, où la victime s'attache à faire la vérité sur les événements, pour que justice soit rendue. Ce premier
temps est indispensable à la prise de parole :
pour la victime, il s'agit de dire la vérité des
faits, même si cette exigence d'exactitude constitue une contrainte ; le temps de la ressaisie
psychique, temps plus privé, loin des regards du
groupe. C'est le temps de la ressaisie psychique
que la victime entame souvent seule, selon un
rythme qui lui est propre. Ce moment personnel
peut prendre des années, et nul ne peut
prétendre le circonscrire à une période
152
FONCTIONS DE L'ENTRETIEN
Le témoignage, en ce qu'il implique la rencontre
de deux psychés, peut devenir un lieu d'élaboration du traumatisme.
Il est toujours une adresse à l'autre, représentant de la communauté humaine dont le survivant a été exclu par l'événement dont il témoigne. Avec lui, c'est un groupe entier qui a été
banni, et c’est au nom de ce groupe que le témoin parle, groupe constitué de toutes les victimes de la persécution, les morts de sa famille,
mais aussi de ses pairs, compagnons de souffrances qui n’ont pas survécu.
Celui qui recueille son témoignage, que nous
avons appelé le « témoignaire », représente lui
aussi le groupe de tous ceux qui, n’ayant pas
partagé cette expérience, se retrouvent étrangers au groupe des témoins. Tant par son dispositif concret qu’au niveau symbolique, le témoignage est un processus groupal, qui fonctionne
comme une formation intermédiaire, permettant à chacune des deux parties en présence de
retrouver le lien avec une groupalité psychique
interne et externe.
Créer un environnement fiable
Le témoignage cherche à refaire du lien là où il
y a eu rupture : quand le témoin prend la parole, c'est à la fois pour affirmer l'irréductible de
son expérience, mais aussi pour renouer avec
son semblable. C'est en effet la négation du
pacte social qui constitue, pour les victimes de
violences extrêmes, la catastrophe psychique
dont ils continuent à souffrir leur vie durant. Si
le souvenir des persécutions s'estompe avec le
temps, le sentiment d'avoir été abandonné du
reste du monde ne s'atténue jamais.
Le fait d'avoir face à soi une personne prête à
l'écouter représente, pour la victime, un acte
d'une grande portée symbolique. Tenter de restaurer la confiance dans l'environnement est
donc la première tâche de l'entretien, tâche
complexe, qui ne dépend évidemment pas de la
seule bonne volonté du clinicien. Quelle que soit
son empathie, il se heurtera à des marques de
défiance qu'il doit pouvoir accepter sans en être
blessé, comme autant de séquelles dont le survivant souffre, pour longtemps, sinon pour toujours. Cette défiance peut prendre plusieurs
formes, que le clinicien apprendra à reconnaître, au fur et à mesure des entretiens.
Outre l'écoute empathique, l'effort actif de documentation de la part du clinicien est un point
important pour l'établissement d'une confiance
et d'une sécurité de base. Même s'il intervient
avant tout sur la réalité psychique, celui-ci doit
acquérir un savoir minimum sur la réalité
concrète de son interlocuteur. Il le doit, pour
comprendre certains faits, mais il le doit aussi
pour la victime, à qui il montre ainsi d'emblée
qu'il n'est pas indifférent à son histoire et à celle de son groupe d'appartenance. Ce point peut
sembler contraire à la neutralité bienveillante
requise du clinicien : or, face à de telles situations, il lui faut, comme l'écrit Carole Damiani,
« garder la bienveillance et nuancer la neutralité ». L'intérêt dont il fera preuve est un levier
important pour la prise de parole. Le rescapé
d'un génocide a besoin de savoir à qui il a affaire, et le fait d'être défini comme un sympathisant, adoubé par le groupe des survivants, constitue la première étape d'une affiliation sans
laquelle aucune parole ne peut circuler. La victime ne peut se permettre d'affronter une nouvelle fois l'indifférence de l'autre, qui est pour
elle un traumatisme renouvelé, qui redouble le
traumatisme initial.
Le thérapeute doit donc parfois accepter de
répondre aux questions posées par la personne,
sans trop se mettre en avant, mais sans non plus
se montrer sibyllin, ce qui mettrait son interlocuteur dans une position d’inconnu qu’il n’a que
trop vécue. Il s’agit là d’un équilibre subtil entre le dévoilement et un silence qui pourrait
être vécu comme une offense supplémentaire,
le dosage restant à la seule appréciation du témoignaire, qui doit savoir comment rompre un
anonymat angoissant sans que ses paroles ne
viennent empiéter sur celles de la victime.
Restaurer l'espace subjectif interne
Parce qu'il est acte de langage, l'entretien offre
la possibilité d'une parole qui a été empêchée
par le traumatisme.
On peut se demander, à juste titre, si l'entretien avec les victimes de traumatisme doit obligatoirement passer par le temps du témoignage.
Il ne s'agit pas ici d'une simple remémoration,
mais d'un effort long et difficile de la part de la
victime pour s'arracher à la déliaison psychique
dans laquelle elle se trouve plongée. L’évocation des scènes traumatiques, loin d'être un
« enfermement compulsif dans la factualité », a
pour fonction de rouvrir la parole, en créant
ainsi un « espace vital entre la victime et son
agresseur » (1995).
En confondant les espaces psychiques respectifs
de l'individu et du groupe, le traumatisme a
changé la signification de notions comme l'intériorité et la subjectivité. Raconter à un autre
est un moyen d'articuler à nouveau ces espaces
psychiques, en défaisant peu à peu l'intrication
confusionnante qui s'est instaurée : le récit testimonial, qui recouvre à la fois la description de
l'événement et la façon dont celui-ci a été vécu
par le sujet, permet à ce dernier de récupérer
un espace privé, dans une assignation respective
des deux réalités, réalité extérieure et
réalité interne.
153
Par le biais de son interlocuteur, la victime peut ainsi se réapproprier la parole qui lui a
été ôtée dans la violence du trauma : la reprise
des processus de pensée et de figuration ne
peut se faire qu'en s'étayant sur un autre, dans
un échange langagier au plus près du psychisme.
Les temps de l'entretien
Le temps du témoignage
Comme c'est le cas dans les rencontres avec des
victimes de traumatisme extrême, le premier
entretien se déroule sous le signe du témoignage.
Le patient est toujours préoccupé de répondre à
ce qu'il imagine être les attentes du clinicien,
mais, ici, le clinicien doit lui épargner un surcroit d'angoisse, qui constituerait un traumatisme supplémentaire. Les mimiques, les sourires,
les hochements de tête, les regards et bien sûr,
les relances actives sont des balises nécessaires
au dialogue testimonial. Le clinicien est donc
très sollicité, et doit se montrer à la fois présent et discret, pour éviter d'empiéter sur le
récit qui commence.
Tout au long du récit, le témoignaire va prêter
son psychisme et son appareil à penser pour
permettre au témoin une mise en images, représentation de scènes irreprésentables. Pour
ce faire, il s'appuiera essentiellement sur ses
capacités identificatoires et l'empathie dont il
saura faire preuve, faculté qu'il aura de se couler dans le vécu du témoin, et de ressentir comme lui, parfois pour lui, une expérience qui n'a
pu faire l'objet d'aucune mise en mot. Il s’agit
pour le thérapeute de prêter quelque chose de
son propre fonctionnement mental pour permettre à la victime de ressaisir certains épisodes de
sa vie, par le biais du récit qu'il en fait. Le travail de la pensée est une condition nécessaire
pour que les événements survenus se constituent en expérience, au lieu d'occuper le psychisme, en repoussant toute transformation. Les
faits traumatiques bruts, tapis dans le psychisme, attendent d'être élaborés et transformés :
car le traumatisme a ceci de paradoxal qu'il interrompt l'activité psychique, tout en forçant
l'esprit à la reprendre, en remettant de la pensée là où elle a fait défaut
Dans sa majeure partie, cette activité consiste à
trouver des représentations à des vécus intolérables qui dépassent les catégories habituelles
de pensée : trouver des mots et des images aptes à rendre compte de ce qui hante son esprit,
c'est le travail qu'accomplit le témoin à chaque
nouvelle narration. Son récit, il le fait certes
pour réduire le décalage qui existe entre son
expérience et celle des autres, mais aussi pour
se relier aux aspects de son Moi qu'il a dû refouler pour survivre ; en ce sens, il s'agit d'un dialo-
gue avec l'extérieur, mais aussi, avant tout, d'un
dialogue très privé avec lui-même.
Renouer avec la temporalité
Le traumatisme instaure une temporalité particulière, qui écrase les catégories habituelles : il
résiste au processus d’historicisation, dans un
mouvement de perpétuelle actualisation. Le
survivant vit désormais dans un temps où le passé l'emporte sur le présent et oblitère tout futur. Or, comme l’écrit Danielle Quinodoz,
« c’est dans la mesure où il s’inscrit dans la durée que le Moi est vivant, et qu’un moment de
la vie peut devenir souvenir ».
La mise en récit permet de renouer avec la temporalité ordinaire et commune, étayage indispensable à la vie psychique. Ce n’est pas dans le
temps de l’entretien que cela se passera, mais
on peut avoir la certitude que, pour long et incertain que soit ce processus, il passe par une
parole adressée à un autre capable de la recevoir et de l’attendre .
DU COTE DU CLINICIEN
Avant de terminer, je voudrais revenir brièvement sur l'importance des affects contretransférentiels, qui constituent, comme je l'ai
dit, la seule boussole. Face aux victimes, les
mouvements affectifs du clinicien sont multiples
et violents, suivant en cela une temporalité propre, qui a beaucoup en commun avec la temporalité du traumatisme.
Tout d'abord, la sidération qui, à l'instar de celle de la victime, ne manque pas de saisir le thérapeute : dans un premier temps, la violence
des contenus peut paralyser sa capacité à maintenir des représentations. Pour être un pareexcitation efficace, il doit tout d'abord résister
à l'excès de stimulations ingérables découlant
de l'évocation des situations traumatiques : la
souvenance testimoniale, en effet, est toujours
une souvenance traumatique. Pour le témoin,
elle implique un retour à des scènes qui, par
leur violence, ont résisté à l'élaboration, et sont
demeurées brutes, enclavées dans le psychisme
occupé du survivant.
La vulnérabilité extrême de la personne incite
souvent le clinicien à adopter une position réparatrice, faite de toute puissance et de culpabilité. Le traumatisme intentionnel, particulièrement la persécution de type génocidaire ou la
torture, suscite chez l'autre une culpabilité mêlée de honte : quand un être humain a été exclu
du groupe, chacun se sent responsable de ce
qu'il n'a pu empêcher.
154
Honte thérapeutique pour la victime, à
qui elle restitue son statut d'humain membre de
la collectivité, mais aussi honte qui peut se
muer en paralysie, ou, au contraire, pousser le
thérapeute à confondre les registres, en s'engageant dans une réparation forcée, qui tourne
parfois à l'activisme. Sans analyser cela, le professionnel ne pourra accepter l'échec, et fera
peser sur son patient une obligation à guérir qui
le contraindra, une fois encore, à se plier aux
exigences de l'environnement.
Plutôt que de combattre ou de nier ces affects
perturbants, le thérapeute doit apprendre à les
repérer jusque dans leurs manifestations les
plus subtiles : patiemment, il doit défaire l'emprise du traumatisme, et tenter de séparer les
expériences, en évitant la confusion qu'il induit ; le partage, dans sa double acception de
mise en commun et de réassignation, s'effectue
ici dans un repérage de la résonance en soi des
paroles de l'autre. Le thérapeute doit analyser
les manifestations défensives qui l'envahissent,
en les prenant pour ce qu'elles sont : des mécanismes en miroir d'un psychisme aux prises avec
lui-même. Son rôle principal est un rôle d'hébergement : pour un temps, il va prêter son psychisme au patient, momentanément invalidé.
Ce rôle s'apparente à celui du de la fonction
alpha décrite par Bion, qui consiste, à l'instar de
la mère des premiers mois de la vie, à s'adapter
aux besoins de l'enfant, pour lui servir à la fois
de pare-excitation, de filtre, de dépôt et de
matrice à l'intériorisation de ces fonctions vitales. La fonction alpha suppose chez celui qui
l'exerce une capacité à anticiper les besoins psychiques de l'autre, en donnant du sens à ce que
celui-ci éprouve sans pouvoir le penser.
CONCLUSION
Toute conclusion semble ici artificielle.
Il me reste à souhaiter, cependant, que le clinicien aura reconnu ici la spécificité d'un tel travail, qui se situe au carrefour de l'entretien clinique, du témoignage et de la consultation thérapeutique. Sa complexité déborde chacune des
catégories, mais elle reflète la matière dont
elle traite le traumatisme, toujours morcelé,
parfois confusionnant. La volonté affirmée de
ne pas se cantonner dans un seul registre découle de cette constatation : la nécessité de les
articuler ensemble, tout en veillant à repérer, à
chaque fois, celui dans lequel on se situe.
La réappropriation de soi constitue donc le but
premier de tout travail avec les victimes de
traumatisme.
155
Karin TEEPE
Psychologue thérapeute, Parcours d’Exil
L’évaluation interne au centre de soins Parcours d’Exil :
le questionnaire et son utilisation
Dans le cadre de la législation française récente, les établissements sanitaires et sociaux sont
tenus à mettre en place un système d’évaluation interne, qui sera, à terme, croisé avec les
données d’une évaluation menée par les services de tutelle financière (DASS ou autres financeurs).
anonyme, car il est plus facile de confier que les
médecins et les thérapeutes sont mauvais lorsqu’on remplit un questionnaire sur un bout de
table qu’en situation d’entretien en face à face.
Le questionnaire se présente sous forme d’items, pour lesquels les patients ont le choix des
réponses :
L’évaluation interne revient à requérir l’appré- ∗ tout à fait d’accord
ciation des usagers (ici, des patients) sur l’en- ∗ d’accord
semble des prestations fournies par le centre de ∗ neutre
soins :
∗ pas d’accord
La manière dont ils sont accueillis ;
∗ pas du tout d’accord
La gamme de l’offre des soins ;
Le déroulement des soins ;
et, donc, les questions portent sur :
Le ressenti du patient concernant son état de ∗ L’accueil et la prise des rendez-vous ;
santé ;
∗ la salle d’attente ;
L’amélioration éventuelle suite au traitement.
∗ le temps d’attente ;
∗ l’attitude du personnel (poli, aimable, respecL’équipe de Parcours d’Exil, sous la direction du
tueux).
Dr Duterte et de Mme de Rengervé directrice
financière, a établi un questionnaire se voulant
Concernant la satisfaction générale du patient :
aussi détaillé que possible sur tous ces aspects.
Décrire de façon précise le déroulement de ∗ la qualité du dialogue : utilisation des mots ;
soins pour des personnes victimes de mauvais les explications données concernant la maladie et les symptômes ;
traitements revient à donner une certaine défi∗
nition de la nature des soins à apporter, et qui la qualité de l’écoute (l’attention portée, la
sont à la lisière entre le médical et le psycholo- compréhension, le temps donné) ;
∗ la connaissance spécifique des problèmes liés
gique.
L’accent est mis, à travers les questions, sur aux mauvais traitements ou tortures.
l’accueil et l’ambiance, le temps qui s’écoule
entre la demande initiale et l’offre de soins, la Concernant les examens médicaux :
compréhension par le patient de l’interlocuteur, ∗ l’attitude du praticien au cours des examens ;
la manière dont celui-ci s’exprime pour être ∗ les explications fournies les concernant ;
compris —et cet effort va au-delà des questions ∗ des questions concernant le sentiment d’une
de la compréhension du français- l’empathie, amélioration possible à venir, et la confiance
l’accompagnement des mouvements émotion- dans le futur.
nels des patients.
Après réflexion, Parcours d’Exil a fait le choix Concernant le traitement médicamenteux :
de ne pas distribuer le questionnaire et de le la rapidité de l’amélioration ;
laisser remplir anonymement, mais de mettre ∗ le sentiment de soulagement procuré
en place une situation d’entretien, lors de la- (spécialement en lien avec les troubles du
quelle les patients sont interviewés au moyen sommeil, de la mémoire, des angoisses) ;
∗ la crainte des effets secondaires ;
de la passation du questionnaire.
∗ les modalités de prise des médicaments.
Ce choix indique que Parcours d’Exil mise sur
une évaluation qui permet aux patients une ex- Depuis le début de l’année, j’effectue la passapression et une réflexion sur les soins reçus et tion des questionnaires au centre de soins Pard’apporter des corrections en cas de désadapta- cours d’Exil, à raison d’une demi-journée par
tion de l’offre, plutôt qu’un refus ou une criti- mois environ. Avant de poser les questions, je
que radicale. En effet, s’il s’était agi prioritaire- fournis une explication aux patients quant à
ment de détecter des dysfonctionnements, il l’existence et aux motivations de ce quesaurait peut-être fallu recourir au questionnaire tionnaire :
156
« Parcours d’Exil cherche à évaluer la
qualité des prestations qu’elle propose, et les
améliorations à apporter. Cette évaluation nous
est demandée par les services financiers, dont
nous avons besoin pour pouvoir continuer à assurer notre travail, et spécialement la gratuité
des soins. Nous vous remercions de nous aider ». Aguerrie par la passation, je m’excuse
également d’avance pour les questions qui pourraient sembler faire double emploi.
Comme déjà indiqué plus haut, il s’avère que
cette méthode de travail sert à priori à apporter
des précisions sur ce qui se joue dans le processus et dans la rencontre thérapeutique, et sur
ce que les patients viennent chercher au centre
de soins, plutôt que de détecter les défaillances.
En effet, il est difficile pour les patients de
confier à l’intervieweur que la prise en charge
n’a pas été adéquate ou n’a pas permis de soulagement de la tension interne.
Lorsque c’est le cas, j’ai rencontré deux positionnements :
1. L’interview devient mécanique. Le patient
confirme que le médecin ou le thérapeute a utilisé les mots corrects, qu’il s’est senti respecté
comme une personne, que le médecin savait ce
qu’il faisait, etc. ; mais l’interviewer a le sentiment que le patient dit tout cela pour lui faire
plaisir et qu’il s’est abstrait de la relation. Dans
ce cas, le patient ne fait aucun commentaire
personnel sur les soins reçus ;
2. Le patient met fin brutalement à l’interview,
expliquant qu’il a un train à prendre (un long
trajet à faire) et qu’il n’a plus de temps ; la
réaction est une réaction de panique. Dans ce
dernier cas, la réaction s’est mise en place en
deux temps : à la question « le docteur m’a posé des questions trop personnelles », le patient
a répondu qu’il ne comprenait pas la questions,
ensuite, qu’il ne comprenait pas bien le français ; et à la question suivante : « le docteur
s’est comporté de façon professionnelle et respectueuse envers moi », le patient déclare qu’il
doit partir.
La satisfaction des patients se lit, pour moi,
dans leur capacité à réagir de façon personnelle
à ce questionnaire. Souvent, la première attitude reflète une curiosité amusée, et ensuite, le
questionnaire est pris comme support de réflexion pour partir sur des associations et des
modelages personnels.
Exemple : dans la première mouture du questionnaire, beaucoup plus longue que la version
actuelle, la première question était : « Il est
facile d’arriver au centre de soins ». Un des
patients, habitué du centre de soins, répond :
« Oui, c’est très facile » et ajoute, en guise
d’explications, qu’il n’a pas de difficultés pour
prendre les transports en commun – et puis, il
hésite, réfléchit, sourit et dit : « Sauf la première fois », ce qui renvoie à la difficulté psychologique de venir pour de tels soins ; difficulté qui se traduit par exemple par une hésitation sur le trajet à prendre, l’oubli du chemin,
l’erreur d’itinéraire, etc.
Il est intéressant que les patients réagissent de
la sorte : à l’effort de descriptif de la relation
thérapeutique fourni par le centre de soins répond l’effort de définition du patient : en quoi
consiste le soin ? Du coup, ces patients ont plaisir à parler « de l’autre », du docteur, du thérapeute. Souvent, ils arrivent à des formulations
comme « le docteur est comme un père pour
moi » qui sont des redéfinitions des items : « Je
me suis vraiment senti compris par le docteur » ; ou : « Le docteur m’accepte vraiment
comme une personne ».
On trouve là une reformulation de l’exigence
d’une empathie véritable et particulière du thérapeute avec les victimes de traumatismes. Sàndor Ferenczi le premier avait souligné cette nécessité dans son écrit de 1936 Confusion de langues entre l’enfant et l’adulte.
L’empathie en question ne concerne pas seulement les traumatismes subis, mais doit s’étendre aux symptômes, aussi embêtants et aussi
entêtants soient-ils. Afin de faire toucher du
doigt la difficulté de cette empathie avec ces
symptômes, Ferenczi avait parlé de l’
« hypocrisie professionnelle », qui guette le thérapeute ou le travailleur social.
La phrase « Le docteur est comme un père pour
moi » revient comme réponse par les patients
pour l’ensemble des items visant le soutien apporté par le thérapeute.
Chez d’autres patients encore, les symptômes
prennent le pas sur le reste, tel le couple qui
vient afin d’obtenir des attestations sur leur
état de santé à la suite des persécutions, afin
de les produire devant les autorités : M. est mécontent d’avoir essuyé un refus et essaye de me
persuader qu’il n’y a que cela qui pourra les
aider ; Mme est absente à elle-même, elle ne
peut que veiller sur le bébé dans son giron, elle
m’explique qu’elle ne comprend pas bien le
français et qu’elle a déjà oublié ce qui s’est dit
dans le cabinet du docteur, alors l’évaluation... ?
Ainsi va l’évaluation : quand elle réussit, elle
est peut-être d’abord une question de définition
d’identité que les mauvais traitements ont tenté de ravir aux patients.
157
Pierre Courcelle
ACAT Service Asile
Je vais vous donner mes impressions de quelqu’un qui reçoit tous les jours des demandeurs
d’asile. Qu’est-ce que nous pouvons faire,
qu’est-ce que nous essayons de faire ?
La première chose que je constate : je dirai
tout simplement que parmi les demandeurs d’asile, effectivement, nous avons une forte proportion de gens qui ont subi la torture ou des
violences très fortes comme au moment des
guerres du Rwanda et des guerres du Congo.
Mais nous recevons des gens qui ne viennent pas
de CADA, nous ils sont chez leur famille, des
amis, etc. …
La première chose qui me paraît importante
pour nous qui les recevons, c’est d’abord de les
écouter. Je pense et c’est l’impression que nous
avons lorsque nous les recevons après qu’ils
aient été à l’OFPRA par exemple, ils ne sont pas
écoutés. On ne les laisse pas parler. Lorsque
l’on regarde les comptes-rendus d’entretien à
l’OFPRA, il y a une série de questions auxquelles
on répond et il faut tout de suite passer à l’autre. Et je leur dis : « tu n’as pas dit ça ? » et on
me répond : « on ne m’a pas posé la question et
on ne m’a pas laissé parler ». Et cela, je crois
qu’il faut le dire, parce que j’ai trop entendu
cette réponse-là pour être à peu près convaincu
que domine ce que j’appellerai la « culture du
résultat ». C'est-à-dire un jeune officier de protection qui a claqué la porte, le directeur de
l’OFPRA lui avait dit « vous serez jugé au nombre de dossiers que vous traitez », c'est-à-dire
« au nombre de rejets que vous traitez », il ne
faut pas s’y tromper. [Les demandeurs d’asile]
sont sans doute un peu mieux entendus à la cour
nationale du droit d’asile [CNDA], surtout s’ils
ont un bon avocat pour présenter leur thèse
après l’étude, l’écoute du rapporteur.
La première chose que nous avons à faire, c’est
les écouter, leur donner la parole et après les
aider, par exemple à faire un récit le plus cohérent possible ; [c’est] que nous pouvons faire
soit pour des primo-arrivants ou pour préparer
l’entretien à l’OFPRA ou l’audience à la commission. Ce qui me frappe et qui nous frappe
tous, [c’est qu’] ils ne sont pas entendus et nous
avons à palier ce manque.
La deuxième chose que je remarque, c’est que
des violences très fortes, très importantes, qui
sont connues d’ailleurs [ne sont pas reconnues
aujourd’hui] parce qu’elles sont « trop ancien-
nes ».
Je connais assez bien le [cas] des Mauritaniens
parce que j’en ai reçus beaucoup et je citerai
un cas que je connais très bien : c’est une jeune
femme qui a été violée à 13 ans, [qui] a vu sa
mère tuée devant elle après qu’on lui ait coupé
les oreilles et elle avait vu son père décéder au
Sénégal après avoir été battu à mort. A l’OFPRA, on lui a dit « ce que vous demandez, c’est
pour votre amélioration de vie ; si vous voulez,
entre nous, vous êtes une demandeuse d’asile
économique », devant la commission on lui a dit
« mais c’est trop ancien ». j’ai tout de même
l’impression qu’on ne guérit pas facilement de
chose de ce genre, on ne guérit pas et je pense
que le traumatisme peut toujours être là.
Mon impression [est que] depuis 3, 4 ans où l’on
pousse à la rapidité des [études des] cas, je dirais que le temps administratif et judiciaire ne
doit pas correspondre du tout au temps des
soins. Et alors je me demande comment faire.
Nous avons entendu, vous savez par qui, qu’on
pourrait examiner normalement une demande
d’asile en un mois. C’est quelqu’un qui n’a jamais vu un dossier de demande d’asile et qui
n’a jamais reçu un demandeur d’asile. Comment
faire que ces gens qui sont sous la procédure et
qui savent bien que « c’est pas gagné d’avance », comment pouvons nous parler de reconstruction des gens dans cette optique ? Et comment parler de reconstruction après qu’on ait
reçu dans cette procédure judiciaire une décision qui dit finalement - le décriptage n’est pas
difficile - « vous avez menti, vous avez fraudé,
vous nous avez raconté des histoires ». Même si
on dit oui par exemple, se termine dans un certificat médical qui n’infirme pas l’analyse qu’on
trouve dans les décisions dans la cour nationale
du droit d’asile. Comment peut-on parler d’une
reconstruction après cela ? Je laisse la parole
aux spécialistes parce que je ne sais pas y répondre.
Je voudrais dire enfin [ceci :] avec nos procédures, nos zones de rétention, la menace permanente d’une reconduite à la frontière, beaucoup
sont dangereuses. Je voudrais bien savoir d’ailleurs d’une façon précise, comment ça se passe
et quelles sont les instructions données aux policiers d’escorte. Est-ce que nous ne pratiquons
pas nous même officiellement la torture à la
Kafka ? Il faut relire Le procès.
158
Danielle Mérian
Parcours d’Exil
Avocate honoraire
A une juriste, à une avocate, on ne peut deman- Conditions matérielles d’accueil et soins de sander que d’interroger les textes.
té
Article 13-2 alinéa 1 : « garantir un niveau de
C’est en effet en s’appuyant sur la lettre de la vie adéquat pour la santé »
loi que nous devons exiger l’application de celalinéa 2 : « garantir dans le cas de
le-ci.
personnes ayant des besoins particuliers,
- Que dit la directive européenne pour ce qui conformément à l’article 17, ainsi que dans le
intéresse notre réflexion ?
cas de personnes placées en rétention. »
- Que dit la loi française ?
- Pourquoi la société civile doit-elle requérir Article 14-2 in fine : « Les Etats membres accorl’application de la loi ?
dent une attention particulière à la prévention
Ce qui existe, et ce qui doit être soutenu :
de la violence à l’intérieur des locaux et des
- Une proposition française sur la reconnaissan- centres d’hébergement.
ce précoce des victimes de torture.
Ceci implique des soins précoces pour des mala- Comment l’intégrer au processus du droit d’a- dies mentales induites par la torture. »
sile ?
Article 14-5 : « Les personnes travaillant dans
1. QUE DIT LA DIRECTIVE EUROPEENNE qui éta- les centres d’hébergement ont reçu une formablit des “normes minimales” d’accueil des de- tion appropriée et sont tenues par le devoir de
mandeurs d’asile ?
confidentialité. »
Les « considérants » :
- mettre en place...un espace de liberté, de 2. QUELLE APPLICATION EN DROIT FRANCAIS ?
sécurité et de justice ;
La formation appropriée est citée comme antérieure à la directive. C’est dire son importance
- maintenir le principe de non-refoulement ;
- garantir le plein respect de la dignité humai- et sa nécessité. La confidentialité crée la
ne ;
confiance et délie la parole si le travailleur social a, avant tout échange, expliqué le secret
- garantir un niveau de vie digne ;
professionnel auquel il est tenu sans dérogation.
- évaluer régulièrement la mise en œuvre.
Pour ce qui nous intéresse, ces normes impliquent de :
1/ dispenser des soins aux victimes de torture,
2/ garantir l’asile à des personnes ayant réellement subi des persécutions et n’ayant pas été
torturées.
Les DISPOSITIONS GENERALES
Information
Article 5-1 alinéa 1 « Les Etats membres informent...les demandeurs d’asile, dans un délai...n’excédant pas quinze jours après le dépôt
de leur demande d’asile...des avantages dont
ils peuvent bénéficier. »
Soins de santé
Article 15-1 : « les soins médicaux nécessaires...comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. »
Il appartient à la société civile de faire admettre comme soins urgents le traitement des personnes torturées.
Article 15-2
l’assistance
demandeurs
Où sont les
Etats ?
« Les Etats membres fournissent
médicale ou autre nécessaire aux
ayant des besoins particuliers. »
centres de santé financés par les
Personnes ayant des besoins particuliers
Article 5-1 alinéa 2 : « y compris les soins médi- Article 17-1 : « Les Etats membres tiennent
compte de la situation particulière des personcaux. »
nes vulnérables (mineurs, handicapés, femmes
Article 5-2 : « par écrit...dans une langue dont enceintes...) et les personnes qui ont subi des
ils ont une connaissance suffisante. Le cas tortures, des viols ou d’autres formes graves de
échéant...oralement. »
violence psychologique, physique ou sexuelle. »
Article 17-2 : « ne s’applique qu’aux personnes
dont les besoins particuliers ont été constatés
après une évaluation individuelle de leur
situation. »
159
Aujourd’hui cette évaluation individuelle d’accueil des demandeurs d’asile, ainsi que sur
pour chaque demandeur d’asile reste lettre les organisations qui assurent une assistance
juridique spécifique et celles susceptibles de
morte.
l’aider ou de l’informer sur les conditions d’accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins
Mineurs
Article 18-1 : « L’intérêt supérieur de l’enfant médicaux.
Une transposition à ce point a minima est-elle
constitue une considération primordiale. »
Article 18-2 : « Les Etats membres font en sorte encore une transposition ?
que les mineurs qui ont été victimes de toute Il n’est pas question des avantages, ni d’une
forme d’abus....aient accès à des services de évaluation individuelle, ni de constatation
réadaptation...que soient dispensés des soins de de soins urgents pour des personnes vulnérables
santé mentale appropriés et que les victimes ayant été torturées, ni de formation pour les
autorités et autres organisations eu égard aux
aient accès...à un soutien qualifié. »
besoins des demandeurs d’asile des deux sexes.
Mineurs non accompagnés
Article 19-1 : « les autorités compétentes procèdent régulièrement à une appréciation de la 3. POURQUOI LA SOCIETE CIVILE DOIT-ELLE REQUERIR L’APPLICATION DE LA LOI ?
situation de ces mineurs. »
Article 19-4 : « Le personnel chargé des mineurs L’illustration par le dernier décret français du
a eu ou reçoit une formation appropriée concer- peu de cas fait d’une transposition réelle d’une
directive européenne déjà molle (rédigée d’une
nant leurs besoins. »
manière vague et générale) démontre que les
associations de défense des droits humains doiVictimes de tortures ou de violences
Article 20 : « si nécessaire les personnes... re- vent inviter leurs militants à mener des campaçoivent le traitement que nécessitent les dom- gnes pour l’application effective des termes de
la directive : le financement par l’Etat de cenmages causés. »
tres de santé pour soins urgents aux personnes
Système d’orientation, de surveillance et de vulnérables qui doivent bénéficier d’une évaluation individuelle faite par des agents ayant reçu
contrôle
Article 23 : « (…) que le niveau des conditions une formation appropriée.
d’accueil fasse l’objet d’orientations, d’une
CE QUI EXISTE ET CE QUI DOIT ETRE SOUTENU
surveillance et d’un contrôle appropriés. »
Il existe en France quelques centres privés de
santé soignant des personnes torturées, homPersonnel et ressources
Article 24-1 : « Les autorités et les autres orga- mes, femmes et enfants. Ils devraient être subnisations...bénéficient de la formation de base ventionnés par l’Etat.
utile eu égard aux besoins des demandeurs d’aUNE PROPOSTION FRANCAISE SUR LA RECONsile des deux sexes. »
Article 24-2 : « Les Etats membres allouent les NAISSANCE PRECOCE DES VICTIMES DE TORTURE
ressources nécessaires à la mise en œuvre des Le projet de questionnaire de reconnaissance
dispositions nationales prises aux fins de la précoce de victimes de traumatisme proposé
par l’association Parcours d’Exil constitue une
transposition de la ...directive. »
facette possible de l’application effective de la
directive aux survivants de torture.
QUE DIT LA LOI FRANCAISE ?
La directive du 27 janvier 2003 prévoyait la
transposition dans les lois nationales pour le 6 4.
C’est un projet en direction des travailleurs sofévrier 2005.
L’Etat français aura attendu le 23 août 2005 ciaux des centres d’accueil des demandeurs d’apour prendre un décret modifiant les conditions sile qui a pour objet de leur permettre de repérer les victimes de traumatisme, ces victimes
d’entrée et de séjour en France des étrangers.
Le seul titre du décret dit le peu de cas qui est qui ont tant de mal à évoquer ce qu’elles ont
fait du demandeur d’asile, même si ce droit fon- subi, pour les orienter vers des structures apdamental figure au préambule de la Constitu- propriées.
tion.
La transposition se limite à l’article 13 du décret qui prévoit la remise à l’étranger (qui n’est
pas dénommé demandeur d’asile) un document
d’information sur ses droits et sur les obligations
qu’il doit respecter eu égard aux conditions
160
COMMENT INTEGRER UN TEL QUESTIONNAIRE AU PROCESSUS DU DROIT D’ASILE
Ce questionnaire devrait avoir une double finalité :
1/ d’abord permettre de soigner rapidement des
personnes en souffrance pour leur permettre de
se reconstituer,
2/ constituer une voie d’orientation qui permettra d’établir un certificat médical constituant
un élément de preuve pour un officier de protection.
Mais ce questionnaire — qui n’a pas pour finalité
de poser un diagnostic mais de permettre un
repérage urgent de soins pour la victime— devrait pouvoir être utilisé non seulement par les
travailleurs sociaux des centres d’accueil des
demandeurs d’asile mais par toute personne
dont la fonction est d’entrer dans une relation
de confiance avec le demandeur d’asile, à savoir :
∗ les officiers de protection de l’OFPRA (office
français pour les réfugiés et apatrides) qui
doivent être formés ;
∗ les avocats dont la mission est d’être la voix
des sans voix ;
∗ les militants des organisations humanitaires
qui reçoivent des demandeurs d’asile et les
aident à constituer leur demande de statut de
réfugié politique.
Les personnes qui en aucun cas ne devraient se
saisir de ce questionnaire sont les forces de police aux frontières. En aucun cas le questionnaire ne devrait permettre à la police des frontières de faire un tri entre ceux que l’on pourrait
repérer comme survivants de torture et les autres demandeurs d’asile qu’on expulserait. On
peut relever du statut de réfugié politique sans
avoir été torturé mais menacé sérieusement de
mort, l’avocat en Colombie, le journaliste en
Algérie, pour citer des métiers à haut risque.
Etre mis dans l’impossibilité absolue d’exercer
son métier justifie une demande d’asile et un
processus de reconnaissance précoce des victimes de torture ne doit pas être détourné aux
frontières pour expulser ceux qui n’auraient pas
été torturés.
161
Monique Végéga
FNARS Picardie
Il m’a été demandé d’intervenir autour des implications d’une reconnaissance précoce des
victimes de torture.
Et comme je ne suis pas toujours très disciplinée, j’ai choisi de plutôt l’aborder sous un autre
angle, à savoir quelles sont les implications
d’une non-reconnaissance précoce des victimes de torture, en appuyant ce que j’ai à vous
dire sur un exemple précis qui est celui de la
région picarde où j’interviens moi depuis une
vingtaine d’années auprès des demandeurs d’asile. D’abord en tant qu’assistante sociale, ensuite en tant que chef de service et aujourd’hui
je représente la FNARS, qui entre autres a pour
objectif de réfléchir, de faire des propositions
autour des différentes problématiques qui
concernent aujourd’hui les demandeurs d’asile.
Ce que j’ai envie de dire aujourd’hui, qui a déjà
été dit a plusieurs reprises, c’est qu’on œuvre
dans un cadre de plus en plus [restreint], de fait
que dans cet Etat, peut-être pas toujours respectueux des droits de chaque individu présent
sur son territoire, on est en région picarde soumis comme beaucoup d’autres à différentes
contraintes. Et je voudrais dire que l’on sait à
peu près ce qui convient de faire auprès de demandeurs d’asile, pour l’avoir mis en place petitement dans les années précédentes puisqu’on
avait connu la grande époque des multiplications de places de CADA (on est passé de 30 places à 268 au début des années 2001). On a eu la
possibilité de mettre en place une plate-forme
d’accueil des primo-arrivants, qui réunissait sur
un même lieu, même si c’était encore mal construit, ce fameux caravansérail dont parlait Pierre Duterte, où nombre de gens intervenaient, où
beaucoup de demandeurs d’asile arrivaient. Au
moins ils étaient accueillis et par rapport à ce
qui nous préoccupe ensemble aujourd’hui, on
avait eu la possibilité de travailler en lien avec
Parcours d'Exil. Plusieurs thérapeutes intervenaient, le docteur Pierre DUTERTE intervenait
également, ce qui permettait aux travailleurs
sociaux de se consacrer à la mission qui est la
leur, à savoir l’accompagnement du quotidien,
tenter d’offrir à chacun les conditions vitales,
de réunir les conditions de première nécessité,
hébergement, alimentation, etc. et puis l’accompagnement du dossier de procédure, tandis
que les thérapeutes de Parcours eux-mêmes
traitaient tout ce qui a trait au traumatisme, ce
qui permettait à chacun d’avoir une vision claire
de sa mission et à chaque demandeur d’asile de
se sentir accueilli, écouté dans des espaces différents et de fait de pouvoir avoir deux espaces
de parole différents, deux espaces d’écoute différents, qui au bout du compte faisait (…) qu’on
produisait beaucoup moins de faux déboutés,
puisqu’avec le soutien des thérapeutes de Parcours, les travailleurs sociaux pouvaient réellement travailler sur la demande d’asile sans
craindre d’outrepasser leurs limites, leurs compétences et de se consacrer à la mission qui est
la leur.
Aujourd’hui, on est dans un cadre où le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile a été régionalisé (…). La plate-forme d’accueil picarde a
été fermée, faute de moyen et en raison de la
décision du préfet de région qui a été de régionaliser et d’accroître les moyens d’une autre
plate-forme qui existait déjà dans l’Oise. La
plate-forme de la Somme a été fermée, on en a
plus aujourd’hui qu’une seule (…) basée dans
une autre ville (…) Beauvais, qui certes a été
dotée de moyens un petit peu complémentaires,
mais pas suffisamment pour contrebalancer ce
qu’on a perdu dans le département de la Somme.
Donc aujourd’hui, à l’accueil des primoarrivants, il y a un département qui est en charge d’accueillir, il n’y a plus de suivi thérapeutique, il n’y a pas les moyens. Et la mission de la
plate-forme est uniquement l’orientation vers
les CADA. Pierre Duterte posait tout à l’heure la
question, évoquait le fait de la nécessité de repérer les victimes de torture, pas forcément
pour les qualifier. Parce qu’on n’entre pas dans
la catégorie des victimes, aujourd’hui on est
dans un contexte où les demandeurs primoarrivants, dans un premier temps n’entrent pas
dans la catégorie des gens qui peuvent être correctement accompagnés, hébergés, puisqu’en
parallèle les crédits d’urgence ont subi des diminutions drastiques. Et de ce fait, on se pose
de la même manière que vous vous posez la
question de la limite du soin et de la maltraitance ; en tant qu’acteur auprès des demandeurs
d’asile à un autre niveau, on se pose souvent la
question de la limite entre l’accompagnement
et l’exclusion qu’on génère [soi-même] quand
on accepte de les accueillir. Ceci étant dit, il
me semble que la reconnaissance précoce des
victimes de torture doit se faire dès l’entrée ou
à défaut, qu’elle doit se travailler dès l’arrivée
en CADA de manière à aussi pouvoir d’emblée,
au moment où les travailleurs sociaux vont tenter d’accompagner les dossiers de demande d’asile, [assurer] la constitution des récits de vie
qui doivent être joints à chaque demande d’asile.
162
On veut une reconnaissance précoce de manière
à pouvoir aussi offrir un accompagnement adapté. Aujourd’hui on voit arriver dans les CADA
des gens qui sont à quatre ou cinq jours du dépôt limite de leur demande d’asile, dans la mesure où les plates-formes d’accueil ne sont plus
en charge de l’accompagnement des procédures. On n’a pas la capacité dans les CADA à avoir
ce travail dès l’entrée, il faut arriver à l’anticiper comme cela se faisait précédemment.(…)
Tout à l’heure on parlait de la circulaire du 24
juillet qui régit maintenant les centres d’accueil
pour demandeurs d’asile, impose aussi aux gestionnaires du CADA maintenant de re-signer une
nouvelle convention et on est nous aussi gestionnaire de CADA confronté à cette vraie question qui est : accepte-t-on ou n’accepte-t-on
pas de conventionner avec l’Etat, entre-t-on ou
n’entre-t-on pas dans le dispositif tel qu’il se
conçoit actuellement ?
Donc moins on va se donner les moyens d’accompagner le demandeur d’asile vers le statut
de réfugié (vont-ils ou non entrer dans les fameux critères de définition du statut de réfugié ?),et plus on fournira de « faux déboutés »,
plus on aura de gens dans la rue.
Ma vraie question n’est pas tellement de savoir
quel protocole, quel questionnaire il faut mettre en place puisque je pense qu’on sait déjà à
peu près comment on devrait fonctionner.
Je pense que les gestionnaires de CADA ont pour
beaucoup conscience que leurs travailleurs sociaux même formés ont des limites et qu’il est
absolument nécessaire de travailler en parallèle
avec des associations telles que Parcours d’Exil,
on sait à peu près bien qu’il faudrait mettre en
place un travail en parallèle et [en] complémentarité entre les travailleurs sociaux et des thérapeutes pour que le demandeur d’asile puisse
avoir les bons espaces de parole qui lui permetEn particulier, la FNARS a mené un travail de tent de mettre en avant ce qui dans son parréflexion autour de cela, a tenté [de convain- cours de vie [et ceci] relève de ces fameux cricre ] les gestionnaires de CADA à ne pas [se] tères de la convention de Genève.
conventionner ; de fait le dispositif d’accueil est
traversé [par des courants] contradictoires et Ma vraie question à moi c’est plutôt : quels
moyens a-t-on de lutter [contre] cette volonté
chacun fait un peu comme il le souhaite.
affichée par l’Etat actuellement de traiter les
Je voulais parler de la précarisation du dispositif choses au plus vite, au plus court, sans prendre
lui-même [de la demande] d’asile puisque cette en compte les réels besoins des populations
circulaire met l’accent sur la gestion de la sor- qu’on nous demande d’accueillir ?
tie, et ce que nous demandent nos représentants étatiques est véritablement de travailler à
la sortie.
Pour le reste je vais le dire assez brutalement,
ils n’en ont rien à faire : le respect du droit d’asile n’est pas leur problème. Tout ce qui aujourd’hui est demandé de manière précise, autoritaire et pressante aux gestionnaires de CADA, c’est de correctement gérer la sortie de
façon à pouvoir, nous disent-ils, effectivement
faire rentrer les demandeurs d’asile qui en ont
besoin.
Mais le demandeur d’asile jusqu’au bout du parcours est placé dans une vraie situation de précarité. Puisqu’il est demandé aux gestionnaires
de CADA de se conformer à la loi, donc de sortir
un débouté avec qui on a peut-être travaillé
pendant des mois, voire pour certain des années, dans le délai d’un mois, on se heurte là
encore à un Etat qui nous demande tout et son
contraire : « sortez-les donc, sortez-les dignement » mais sortez-les dignement vers le dispositif d’hébergement généraliste puisque les CADA sont financés par le ministère de l’Immigration que chacun connaît et que ce même ministère nous demande de le sortir vers le dispositif
d’hébergement généraliste qui n’a pas les
moyens de cela.
163
Annexes
I. Liste des participants
II. Biographies des intervenants
III. A propos de Parcours d’Exil
164
Annex
I. Participants listing
II. Speakers biographies
III. About Parcours d’Exil
165
I.
Liste des
participants
I.
Participants
listing
166
Intervenants (par ordre d’intervention) :
ZIMERAY
François
Ministère affaires
étrangères
ECRE
Ambassadeur pour les
droits de l’Homme
Chercheur
McDONOUGH
Paul
MESSARITI
Xenia
TREMBLAY
Belgique
Policy Officer
Belgique
Philippe
European Commission-Asylum unit
APT
Programme officer
Suisse
ANDRE
Mathieu
Forum Réfugiés
Affaires européennes
France
GUARDIOLA
Jean-Pierre Ministère de l'Immigration
Catherine
CERI/CNRS
Chef du service asile
France
Directrice de Recherche
France
Eric
Chef d'escadron
France
Médecin Directeur
France
WIHTOL DE
WENDEN
PANLOUP
France
DUTERTE
Pierre
Ministère Intérieur
(DAV)
Parcours d’Exil
BROUSSE
Martine
La Voix de l'Enfant
Directrice
France
DE RADIGUES
Laetitia
IRCT
Belgique
BOUMEDIENNETHIERRY
DE BAUCHE
Alima
Sénat
Chef de bureau de Bruxelles
Sénatrice
France
Laurence
ODYSSEUS
Chercheur
Belgique
RONSIN
Xavier
ATTUIL
Sophie
République Française
OFPRA
HONINCKX
Mia
FEDASIL
CPT-Procureur de la Répu- France
blique
Affaires juridiques et inFrance
ternationales
Coordinatrice médicale
Belgique
SYDHOFF
Brita
IRCT
Secrétaire général
Danemark
DORU
Camelia
ICAR Foundation
Fondatrice
Roumanie
SUBILIA
Laurent
Hôpitaux Genève
Médecin
Suisse
VLOEBERGHS
Erick
PHAROS
Affaires internationales
Pays-Bas
HARDI
Lilla
Médecin directrice
Hongrie
LANCINO
Sylvie
Cordelia Foundation
ANAEM
NICOLAS
Yves
ADOMA-CADA Caen Chef d'établissement
France
WAINTRATER
Régine
France
TEEPE
Karin
COURCELLE
Pierre
Université Paris VII Psychologue, thérapeute
familiale
Parcours d'Exil
Psychologue - psychothérapeute
ACAT
Service asile
France
MERIAN
Danielle
Parcours d'Exil
France
VEGEGA
Monique
FNARS Picardie
France
Avocate honoraire
France
France
167
Participants (par ordre alphabétique)
ADDOU
AFARKI
AIT SISELMI
ALAVERDYAN
AMALIR
ARROUVEL
AUDIGIER
BA
BADER
BASSEVILLE
BEDIN
BILIETTE
BOISSEAU
BOREIL
BOS
BOYER-EDELINE
BRIK
BUJURIRI
Leila
Abderrahim
Nadir
Larisa
Stéphane
Hervé
Laure
Ciré
Jean-Pierre
Valérie
Karine
Erika
Stéphanie
Florence
Hanno
Christine
Nacera
Emmanuel
BUSSE
CASTELLI
CHARAIX
CHERBONNET
COLLAVET
CRESP
CRETIEN
CUREAU
DANIEL
DANTOVIC
DECASTILHO
DE RADIGUES
DE RENGERVE
DHORDAIN
DIAB
DIELS
DJEGA-MARIADASSOU
DUPUY
ERARD
EVERAERE
FERTON
FESCHAREK
GIRAULT
GOMEZ
GOURET
GUEROT
GUILLOT
HAMON
HAQUART
HEAU
HERT
HOFTIJZER
HOLST
HUARD
Maria-Gladys
Corine
Sébastien
Jean-Baptiste
Ingrid
Jean
Véronique
Delphine
Dominique
Isabelle
Laetitia
Hélène
Carol
Mohammed
Tea
Colette
Olivier
Nicolas
Vanessa
Emilie
Nicolas
Isbel
Maria Cécilia
Véronique
Estelle
Catherine
Véronique
Elise
Emmanuel
Florence
Annelies
Erick
Françoise
Plaine Commune
FRANCE
FRANCE
CNDA
FRANCE
Foundation against violation of law
ARMENIE
Fondation MASSE TREVIDY
FRANCE
CADA PSTI
FRANCE
CADA AFTAM
FRANCE
APTM
FRANCE
FRANCE
Croix-Rouge française
FRANCE
CADA ADOMA
FRANCE
Croix-Rouge française
FRANCE
UNHCR France
FRANCE
ACAT France
FRANCE
De Waal & Zumpolle Advocaten
NETHERLANDS
FRANCE
CADA Croix Rouge
FRANCE
Sauvegarde de l'enfance & de l'adolescen- FRANCE
ce des Yvelines
Société EXIL
BELGIQUE
Croix-Rouge française
FRANCE
Croix-Rouge française / CADA
FRANCE
CADA Croix Rouge
FRANCE
CADA DROME ADOMA
FRANCE
Parcours d’Exil
FRANCE
AFTAM CPH
FRANCE
CADA ADOMA
FRANCE
Société EXIL
BELGIQUE
FRANCE
AFTAM SAO35
FRANCE
IRCT
BELGIQUE
Parcours d’Exil
FRANCE
CADA ADOMA
FRANCE
Forum Réfugiés
FRANCE
Parcours d’Exil
FRANCE
AHPP - Hôpitaux Paris
FRANCE
Croix-Rouge française
FRANCE
ADOMA CADA Cébazat
FRANCE
AMLI Action Sociale
FRANCE
CADA Croix Rouge
FRANCE
UNHCR France
FRANCE
Parcours d’Exil
FRANCE
ACAT France
FRANCE
AFTAM
FRANCE
ADOMA
FRANCE
CADA ADOMA
FRANCE
CADA Caen
FRANCE
Forum Réfugiés
FRANCE
Parcours d’Exil
FRANCE
ADOMA Leo Delibes - Le Havre
FRANCE
De Saen Advocaten
NETHERLANDS
ICAR
ROUMANIE
168
CADA Quimper
FRANCE
JAN
JEREMIC-HEAU
JONQUERES
JURGUES
KALFON
KHIAT
KHUTSISHVILI
LAROQUE
LASERNA RICHART
LATTES
LAUNEY
LEBLEVEC
LECONTE
LEGER
LEGOUHY
LENICA
LELLOUCHE
LEMETAYER
LHERMITTE
LLOBREGAT
LOVE
LUCET
MARANGOU
MARCEL
MARCHAL
MARKOLAN
Maud
AFTAM
Olivier
Myriam
René
Rachida
Lika
Christine
Amparo
Lucie
Angie
Alexandra
Juliette
Cendrine
Jean
Maia
Frédérique
Anne
Caroline
Yves
Hélène
ADOMA
AMLI Action Sociale
CADA PSTI
ADOMA Leo Delibes - Le Havre
CAAR (Comité Aide aux Réfugiés)
ACAT France
Parcours d’Exil
CADA ADOMA
CADA Caen
CADA Quimper
France Terre d’Asile
Délégation aux victimes (DAV)
CADA Langeac
AFTAM
ACAT France
AFTAM
AFTAM
Parcours d’Exil
Olympia
Cécile
Emilie
Chakiba
MASTAR
MATTHYS
MAURICE
MEILLIEZ
MENDY
MERIAUX
MOUREAUX
MURCIA
OTTET
PAMBO LOUEYA
PETREAU
POLIVKA
POLSTER
PONDAAG
POULAIN
RAMIREZ
REDRON
ROBERT
ROBIN
ROSENFELD
RUTENA
SAINT-GIRONS
SALCIC
Abdelhouahad
Christine
Odile
Catherine
Laetitia
Michel
Isabelle
Elisabeth
Michel
Martine
Nicole
Nadia
Cyndie
Thelma
Tiffany
Carolina
Gaëlle
Véronique
Marie
Anouk
Buyembo
Sylvain
Dubravka
SARRE
SCARDIGLI
SERAIN
Fanny
Sandrine
Stéphanie
SFAR
TENG
TIMMER
TOUTAIN
TRAYNARD
UWAMAHORO
VACONDIOS
VELLENGA-V.NIEWWKERK
VUYLSTEKE
WIENER
ZWART
Rached
Jenny
Mariette
Monique
Marie-Therese
Chantal
Yiannis
Loes
Claire
Charlotte
Ellen
FUTURE WORLDS CENTER
ACAT France
Croix-Rouge française
Association pour le soutien aux victimes de
violence
CADA Vierzon
CADA AFTAM
La Voix de l'Enfant
ADOMA CADA Pierre Bayle
Parcours d’Exil
AMLI Action Sociale
EXIL Medical Examination Group
CADA Nord 77
ELISA-ASILE
AFTAM - Unité territoriale de la Somme
France Terre d’Asile
CAAR (Comité Aide aux Réfugiés)
ADOMA
VERRIPS & PONDAAG Advocaten
ADOMA
Université
CADA Croix Rouge
UNHCR France
CADA Quimper
AFTAM
APARDAP
CADA Croix Rouge
Association for Rehabilitation of Torture
Victims - Centre for Torture Victims Sarajevo
CADA AFTAM
Parcours d’Exil
Sauvegarde de l'enfance & de l'adolescence
des Yvelines
ADATE
Companie L'A
ITINERAIRES
APARDAP
APTM
Parcours d’Exil
Law Firm 169
Société EXIL
CAAR (Comité Aide aux Réfugiés)
Lawyer office Kranendonk & Meindersma
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
CHYPRE
FRANCE
FRANCE
SUISSE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
BELGIQUE
FRANCE
SUISSE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
NETHERLANDS
FRANCE
France
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
BOSNIA & HERZEGOVINA
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
NETHERLANDS
FRANCE
FRANCE
FRANCE
FRANCE
NETHERLANDS
BELGIQUE
FRANCE
NETHERLANDS
II. Biographie des intervenants
170
II. Speakers biographies
171
Alima Boumediene-Thiery
Juriste internationale, issue de l’immigration,
elle est docteur en socio-économie et possède
un DEA de droit public international et d’économie et société, un DEA de socio-économie du
développement, un DESS de droit administratif
et un DESS de politiques publiques locales. Dès
la fin des années 1970, elle a commencé à s’investir particulièrement dans la vie associative
concernant l’immigration en France puis en Europe, et a été également responsable de diverses associations de femmes et solidarité. Elle a
participé notamment à la marche contre le ra-
cisme et pour l’égalité des droits en 1983, puis
à la caravane de la citoyenneté, pour le droit de
vote en 1985. Depuis, sa « marche » continue :
manifestations, grève de la faim, occupation
des lieux, rencontres, débats, actions diverses,
privilégiant toujours l’action associative. En
1995, elle est élue pour la première fois sans
étiquette politique dans sa ville natale - Argenteuil - à l’occasion des élections municipales. En
1998, elle décide de rejoindre le parti des
Verts. Députée européenne de 1999 à mars
2004, elle est élue sénatrice en 2004.
Martine Brousse
Ancien administrateur de la fondation d’entreprise du groupe Suez et de la fondation Lauréus
France dont les actions sont tournées vers l’enfance, la directrice de La Voix de l’Enfant est
membre depuis 1986 de la commission nationale
consultative des droits de l’Homme, rattachée
au premier ministre, et co-présidente de la
sous-commission Education aux droits de l’Homme. Parmi ses nombreuses activités, il faut noter la mise en place d’un programme de santé
et d’éducation en Pologne (1982), la prépara-
tion d’un programme de santé et d’éducation
pour des enfants vivant en milieu rural à Madagascar (1987) et la création d’une cellule d’urgence et d’un premier numéro vert national
pour les signalements d’enfants victimes de
maltraitance (1988). Elle assure également des
formations sur la protection et la défense des
enfants ainsi que sur les droits de l’Enfant.
Pierre Courcelle
Il est la figure emblématique du service asile de
l’ACAT-France. Né en 1922, juriste de formation, il reçoit les demandeurs d’asile à l’ACAT
depuis 15 ans. Son parcours militant commence
dès les années 60. Au CCFD (Comité catholique
contre la faim et pour le développement) dès
1960, il est déjà très attentif aux problèmes du
tiers-monde. En ce sens, l’œcuménisme de l’ACAT correspond à ses convictions et dès 1974
(année de création de l’ACAT), il s’engage. Au
fil des années, son militantisme s’affine ainsi
que ses prises de position. La fin des années 80
connaît une recrudescence des demandeurs d’asile en France. Il défend leurs droits et en 1993
commence à recevoir des demandeurs.
Laurence De Bauche
Diplômée d’un mastère en droit de l’Université
Libre de Bruxelles ainsi que d’un mastère en
ressources humaines de la Sorbonne à Paris, elle
a commencé sa carrière comme avocate au barreau de Bruxelles, qu’elle a quitté pour rejoindre le cabinet du ministère de l’Education de la
communauté française de Belgique. En parallèle, elle a travaillé comme assistante à l’université de Bruxelles. Durant les deux dernières années, elle s’est orientée vers le droit concernant l’immigration et le droit d’asile. Elle a ainsi été co-auteur de deux rapports du réseau
Odysseus au nom de la Commission Européenne,
en évaluant la transposition dans le dispositif
législatif des Etats membres de la directive du
27 janvier 2003 relative aux conditions minimum d’accueil des demandeurs d’asile. Elle a
également coordonné l’étude d’Odysseus pour
la Commission européenne évaluant la transposition dans les Etats membres de dix directives
concernant l’immigration et le droit d’asile. En
décembre 2008, elle prendra la responsabilité
d’une étude pour le fonds européen aux réfugiés concernant l’identification des personnes
vulnérables parmi les demandeurs d’asile.
Camelia Doru
Diplômée d’un master de la faculté de médecine de l’université de Bucarest et spécialiste en
soins intensifs et en anesthésie, elle est impliquée activement dans des actions pour la démocratie pendant et après la révolution de 1989.
En 1991, elle crée la fondation ICAR, qui a ouvert le premier centre de réhabilitation pour
victimes de torture de Roumanie à Bucarest en
1993 ; elle a ouvert d’autres centres similaires à
Iasi (1995) et Craiova (1998). Ces centres
étaient initialement dédiés à l’assistance médi-
cale et psychologique pour les anciens prisonniers politiques ; depuis récemment, ils prennent en soins également des victimes de torture
parmi les demandeurs d’asile et réfugiés. Depuis 1997, elle est membre actif du conseil pour
l’IRCT (International Rehabilitation Council for
Torture Victims) : entre 2003 et 2005, membre
du comité exécutif, elle a été vice présidente
de 2003 à 2004. En 2006, elle est devenue membre du Bureau de l’institut gouvernemental pour
l’enquête sur les crimes du communisme en
Roumanie.
Distinctions : élevée à l’Ordre de Chevalier de
la légion d’honneur en 2002 ; a reçu les insignes
de l’Ordre national du mérite en 1993.
172
Alima Boumediene-Thiery
International lawyer, child of an immigrant family (Maghreb), she has obtained many diplomas:
DEA (Master’s) in international public law and
economy/society, DEA in socio-economy of development, Doctorate of socio economy and
Master’s in administrative law and local public
policies. At the end of 1970, she began to be
particularly involved in community life regarding immigration in France then in Europe, and
was also responsible of various associations
dealing with women and solidarity. She took
part to the "Walk against racism and for equal
rights” in 1983, and in 1985 to the Caravan of
Citizenship for the right to vote. Since then, her
“walk” has never ended: demonstrations, hunger strike, occupation, meetings, debates, various actions, always privileging the community
action. In 1995, she is elected for the first time
(municipal elections) in her birthplace, Argenteuil, without ‘political label’, from a list of
plural left. In 1998, she decides to join the
Green party. From 1999 to March 2004, she was
a member of the European Parliament. She has
been elected Senator on 26/09/2004.
Martine Brousse
Former administrator of the Foundation of Suez
Group and the Foundation Laureus France,
whose actions are in favour of childhood, the
director of “la Voix de l’Enfant” is member,
since 1986, of the National advisory commission
of Human rights, attached to the Prime Minister, and co-president of the sub-commission
Education to Human rights. Among her numerous activities, one should note the establishment of a health and education programme in
Poland (1982), the preparation of a health and
education programme for children living in rural
areas in Madagascar (1987), the creation of an
emergency cell and a first national toll-free
number to reveal cases of children who are victims of abuse (1988). She is responsible as well
of training on the protection and the defence of
children and their rights.
Pierre Courcelle
He is the emblematic figure of the asylum service of ACAT-France. Lawyer, born in 1922, he
has been receiving asylum seekers on behalf of
ACAT for 15 years. His community involvement
starts in the sixties. With the CCFD (Catholic
Committee against hunger and for development)
from 1960, he was very committed to problems
of the ‘third world’. The ecumenicalism of ACAT
thus corresponds to its convictions and he
joined the association in 1974 (year of creation
of ACAT). The end of the eighties is characterised by an outbreak of asylum seekers in
France. He defends their rights and begins to
meet them in 1993 .
Laurence De Bauche
Having a Master’s degree in law from the Libre
University of Brussels, and a Master’s in Human
Resources from the Pantheon-Sorbonne University in Paris, she began her career as a lawyer at
the Brussels Bar, which she quit in order to join
the Cabinet of the Minister for Education of the
French Community of Belgium. In parallel, she
worked as assistant at the University of Brussels. During the last two years, she went
through a professional reconversion, turning
towards immigration law and asylum. She is
joint author of two summary reports, written by
the academic network Odysseus on behalf of the
European Commission, evaluating the transposition in the EU Member States of the Council Directive of 27/01/2003 relative to minimal standards of reception of asylum seekers. She also
coordinated the study undertaken by Odysseus
for the European Commission aiming at evaluating the transposition in the EU Member States of
10 Directives in the field of immigration and
asylum. Next December she will undertake,
within Odysseus, a study for the European Fund
of Refugees relating to the problems of the
identification of vulnerable asylum seekers.
Camelia Doru
She is graduated from the Faculty of Medicine,
University of Bucharest and specialist in Intensive Care and Anaesthesiology. Actively involved
in civic initiatives for democracy during and after the 1989 revolution, she founded in 1991 the
ICAR Foundation, which opened the first Romanian rehabilitation centre for victims of torture
in Bucharest in 1993 and later opened similar
centres in Iasi (1995) and Craiova (1998). Initially these centres concentrated on medical
and psychological assistance to former political
prisoners but in recent years, services have also
been provided to torture victims among asylum
seekers and refugees. Since 1997 she is an active Council member of the International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT),
being from 2003 to 2005 Executive Committee
member, and by acting in 2003 and 2004 as IRCT
Executive Vice President. In 2006 she became
board member of the governmental Institute for
Investigation of the Crimes of Communism in
Romania.
Distinctions: Order of Chevalier of the Legion of
Honour in 2002, National order of the Merit in
1993.
173
Pierre Duterte
Docteur en médecine depuis 1981, il est engagé
en 1994 par l’association pour les victimes de
répression en exil (AVRE) jusqu’en 2002. Il fonde en 1995 Ballal (aide aux déportés Mauritaniens vivant au Sénégal) et en 1997 Rupture
dont le but est de lutter contre la peine de mort
et pour l'amélioration des conditions de détention en prison. De 1998 à 2004, il est enseignant
universitaire en victimologie à la faculté de Pa-
ris V René Descartes. Il est également expert
auprès de la Commission européenne entre 2003
et 2005. En 2001, il fonde Parcours de Jeunes –
devenu Parcours d’Exil- avec Mme de Rengervé ;
il en est Médecin Directeur depuis 2002. Photographe, il expose à Paris (2003, 2004, et depuis
2006), Miami (2005) et New York (2006). Il a
publié en novembre 2007 Terres Inhumaines aux
éditions J.C. Lattès, où il relate son expérience
de thérapeute auprès de victimes de torture.
Jean-Pierre Guardiola
Titulaire d’une maîtrise de philosophie, il est
entré dans l’administration en 1974 comme attaché de préfecture à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Nommé administrateur civil au
tour extérieur en 1988, il a été jusqu’en 1993
chef du bureau des étrangers relevant du régime général et du droit communautaire au ministère de l’intérieur. Auditeur au Conseil de l’Etat
(1993–1995), il a été également adjoint au sousdirecteur du contentieux et des affaires juridiques et chef du bureau du contentieux des libertés publiques et de la police administrative
au ministère de l’Intérieur (DLPAJ, 1995-1996),
sous-directeur de l’administration des étrangers
à la préfecture de police de Paris (1996-2002),
sous-directeur des affaires politiques de l’outremer au ministère de l’Outre-Mer (2002-2005) et
chef de service, chargé de la sous-direction des
étrangers et de la circulation transfrontière au
ministère de l’Intérieur (DLPAJ, 2005-2007).
Depuis le 1er janvier 2008, il est nommé chef du
service de l’asile au ministère de l’Immigration,
de l’Intégration, de l’Identité nationale et du
Développement solidaire.
Lilla Hárdi
Elle est fondatrice et directrice de Cordelia, qui
est la seule organisation en Hongrie assurant la
prise en soins spécialisée pour les réfugiés ayant
été victimes de torture. Fondée en 1996, l’organisation offre des soins psychiatriques et psychosociologiques aux victimes de violence organisée venues du monde entier.
Mia Honinckx
Docteur en médecine de l’université de Leuwen
depuis 1984 ; depuis 1991, elle est médecin au
« Petit Château » et dans d’autres centres de
réception pour les demandeurs d’asile en Belgique. Depuis 2004, elle est le coordinateur médical de l’agence fédérale pour la réception des
demandeurs d’asile (FEDASIL).
Paul McDonough
Responsable des sujets juridiques pour le
conseil européen pour les réfugiés et exilés
(ECRE), il est spécialisé en droit international
pour les réfugiés. Son travail à l’ECRE met l’accent sur le développement du système commun
européen de droit d’asile, en particulier sur les
mesures de l’UE ayant pour objectif de réguler
et d’harmoniser la loi sur le droit d’asile. De
plus, il est responsable du soutien aux campagnes de communication d’ECRE concernant les
problématiques transverses comme la détention
et les besoins des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables comme les victimes de
torture.
Danielle Mérian
Diplômée d’un DEA de droit privé, ainsi que
d’un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, concours de chargé de travaux dirigés aux
facultés de droit, elle est chargée de travaux
dirigés en droit civil et droit commercial de
1963 à 1967 et avocate au barreau de Paris de
1964 à 2006. Ses activités militantes sont nom-
breuses : pendant 23 ans informatrice juridique
au centre d'information féminin et familial de
Boulogne-Billancourt, elle est aussi militante de
l'ACAT depuis 1975 ; administrateur depuis 2006
de Prisonniers sans frontières, association qui
s'occupe d'humaniser les prisons en Afrique de
l'Ouest, elle est également vice-présidente de
Parcours d’Exil.
Xenia Messariti
Elle travaille pour la Commission européenne,
spécialisée dans les sujets relatifs aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans
l’UE. Diplômée de droit à l’université de Southampton (GB) elle est également docteur en
droit public international (Londres). Elle a récemment été diplômée en droit communautaire
sur l’immigration et l’asile, dans le cadre du
réseau de formation Odysseus. Enfin, elle est
membre de l’association des avocats du Barreau
de Chypre.
174
Pierre Duterte
Medical practitioner since 1981, he gets very
quickly involved in community life: from 1994 to
2002, he was hired by the Association for the
Victims of Repression in Exile (AVRE). In 1995,
he founded the organisation “Ballal”, helping
Mauritanians deportees living in Senegal and in
1997 the organisation “Rupture”, whose objective was to fight against death penalty and for
the improvement of life conditions in prison.
From 1998 to 2004, he taught victimology at the
University of Paris V René Descartes. He was
also expert to the European Commission between 2003 and 2005. In 2001, he founded with
Hélène de Rengervé “Parcours de jeunes”,
which will become thereafter “Parcours d’Exil”.
He has been managing the health care center of
the organisation since 2002. Photographer as
well, he exposes throughout the world: in Paris
(2003, 2004, and since 2006) but also in Miami
(2005) and New York (2006). He published in
November 2007 a book reporting its experience
of therapist for torture victims: “Terres Inhumaines ” (editions JC Lattès).
Jean-Pierre Guardiola
Licenced in philosophy, he entered the national
administration in 1974, as officer of the prefecture of Bouches-du-Rhône. Appointed civil administrator in 1988, he was until 1993 chief of
the foreign office under the general scheme of
Community law within the ministry for interior.
Auditor for the State Council (1993-1995), he
also worked with the Deputy Director of the
legal affairs and chief of the office of public
freedom and administrative police force in the
ministry for interior (DLPAJ, 1995-1996). He
served as Deputy Director of the foreigners administration (Police, Paris, 1996-2002), Deputy
Director of overseas political affairs at the ministry for overseas (2002-2005) and head of department, responsible for the foreign division
and trans-border circulation of the ministry for
interior (DLPAJ, 2005-2007).
Since 01/01/08, he has been appointed Chief of
the asylum service of the ministry for immigration, integration, national identity and codevelopment.
Lilla Hárdi
The founder and director of Cordelia, the only
organisation in Hungary that offers specialised
services for refugees who have been subjected
to torture. Founded in 1996, the organisation
provides psychiatric and psychosocial care to
victims of organised violence coming from all
over the world.
Mia Honinckx
Doctor of medicine of the University of Leuwen
in 1984 ; since 1991 doctor at the “Petit Château” and other reception centres for asylum
seekers in Belgium.
Since 2004, she is medical coordinator of the
Federal Agency for the Reception of Asylyum
seekers (FEDASIL).
Paul McDonough
Research officer responsible for legal matters at
the European Council for Refugees and Exiles
(ECRE), he is a specialist in international refugee law. His work at ECRE focuses on the development of the Common European Asylum System, specifically on the EU measures that regu-
late and seek to harmonize asylum law. Last but
not least, he is responsible for supporting
ECRE’s advocacy efforts regarding cross-cutting
issues such as detention and the needs of particularly vulnerable asylum seekers such torture
victims.
Danielle Mérian
DEA Graduate (Master) in private law, she has
also obtained a certificate for the profession of
lawyer, contests of applied research to the Faculty of Law. She was in charge of applied research in civil and commercial law from 1963 to
1967 and acted as lawyer at the Paris bar from
1964 to 2006. Among her numerous community
activities: legal advisor in the Centre of Female
and Family of Boulogne-Billancourt for 23 years,
she has also been committed within ACAT since
1975; administrator since 2006 of Prisoners
Without Frontiers, association which deals with
the humanization of prisons in West Africa, she
is as well vice-president of “Parcours d’Exil”.
Xenia Messariti
She is a policy officer in the European Commission specialising on the issue of reception conditions for asylum applicants in the EU. She
graduated as a lawyer from Southampton University in the UK and received a postgraduate
master degree on 'Public International Law' from
University College of London. Recently she also
followed postgraduate studies on 'EU law on
Immigration and Asylum' organised by the Odysseus Network of Academics. She is also a member of the Lawyers Bar Association of Cyprus.
175
Yves Nicolas
Diplômé d’assistant de service social, il est depuis janvier 2003 directeur du centre d’accueil
des demandeurs d’asile (CADA) ADOMA de Caen.
Il a été également délégué à la tutelle pendant
15 ans et durant 7 ans auprès de SDF dans une
CAO (coordination, accueil, orientation) service
social. Depuis l'automne 2007 il est un des acteurs de la mise en place d'une formation et
d'une consultation en ethnopsychiatrie dans le
Calvados.
Eric Panloup
Officier supérieur de la gendarmerie, il est titulaire d’un diplôme en sciences criminelles et
d’un master en droit public. Chef d’escadron de
la gendarmerie nationale, en fonction à la délé-
gation aux victimes (DAV) au sein du ministère
de l'Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales, il est chargé de la protection
et la reconnaissance des victimes, particulièrement de la traite des êtres humains.
Laetitia de Radigues
Titulaire d’un BA en politiques et relations internationales ainsi que d’un MA en droit international et d’un MSc sur le sujet de Violence,
conflit et développement, elle a occupé jusqu’à
présent de nombreuses responsabilités : gestion
de projets européens et lobbying pour la prévention de la torture, pour les droits des survivants à la réparation, ainsi que sur des sujets
relatifs aux réfugiés et demandeurs d’asile en
Europe ; elle a également été leader sur des
levées de fonds et dans la coordination de centres de réhabilitation en Europe. Son expérience
comprend dix ans avec le comité international
de la Croix-Rouge. Elle a travaillé au Rwanda,
en Slovénie, en Bosnie, aux Philippines, en Colombie, en Ethiopie, en Russie, en Israël, au
Soudan et au Tchad.
Hélène de Rengervé
Titulaire d’un diplôme de commerce et de gestion, d’une maîtrise en Etudes européennes et
d’une spécialisation en fundraising obtenue en
2006 à l’ESSEC, son parcours professionnel est
européen : elle est successivement présidente
d’AEGEE Europe, chargée de mission chez WelcomEurope, chef de projet sur la conférence
internationale Newropeans 2000, et enfin formatrice en Pologne dans le cadre du programme
PHARE. Sa carrière prend un tournant plus enga-
gé dans l’humanitaire et le social en 2001, lorsqu’elle entre à l’AVRE où elle rencontre le Dr
Duterte avec qui elle fonde Parcours de Jeunes
en 2001. En parallèle, elle travaille pour Sol en
Si en tant que coordinatrice, et comme consultante en fundraising pour l’International Rehabilitation Council for Torture victims (IRCT). Elle
occupe depuis 2004 le poste de Directrice administrative et financière pour Parcours d’Exil,
ayant à sa charge entre autres la gestion des
ressources humaines et le fundraising.
Laurent Subilia
de Genève et responsable de la Consultation
Médecin généraliste au département de médeci- pour victimes de torture.
ne communautaire aux Hôpitaux Universitaires
Xavier RONSIN
Actuellement Procureur de la République à Nantes, il est membre élu depuis le 14 mars 2007 du
Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) auprès du Conseil de l’Europe.
Ancien juge d'instruction à Lorient et à Chartres, puis Procureur de la République à Roanne,
substitut général à Angers, directeur adjoint de
l’administration pénitentiaire de 2002 à 2004,
période au cours de laquelle il a présidé notamment le comité de pilotage du développement du placement sous surveillance électronique. Membre en 2001 et 2007 des deux comités
d'orientation de la loi pénitentiaire, il a corédigé en qualité d'expert auprès du Conseil de
l'Europe le projet de "règles pénitentiaires européennes " adopté par les 46 ministres européens
de la justice en janvier 2006.
Brita Sydhoff
Diplômée en sociologie et anthropologie sociale,
elle est responsable de la mise en œuvre générale des politiques et stratégies de l’IRCT pour
promouvoir et soutenir les membres de l’IRCT
et plus généralement les programmes de prévention contre la torture. Elle a été responsable
du département loi internationale et réfugiés de
la Croix-Rouge suédoise ; représentante permanent pour le conseil norvégien pour les réfugiés
à Genève ; responsable de programmes avec le
conseil international pour les institutions bénévoles à Genève ; responsable de recherche sur
les migrations internationales pour l’organisation internationale des migrations à Budapest ;
responsable des opérations pour le conseil danois des réfugiés en ex-Yougoslavie comme responsable de la mise en place de programmes
humanitaires d’urgence ; consultante pour
l’OMS. Cadre supérieur au bureau suédois des
migrations pendant treize ans jusqu’en 1984.
176
Yves Nicolas
Social work graduate, he has been director of
the Reception centre of asylum seekers (CADA)
ADOMA of Caen since January 2003. He was a
supervision delegate during 15 years and 7 years
in a CAO (Coordination, Host, Orientation) social service within homeless. He has been one of
the initiators of the establishment of training
and consultation in ethno- psychiatry in the Calvados since autumn 2007.
Eric Panloup
Senior officer of the Gendarmerie, graduate of
criminal sciences, he has a Master’s degree in
public law. He is Major, working for the Delegation to Victims (DAV) within the ministry of the
interior, overseas France and territorial communities. He is in charge of protection and recognition of victims and particularly of human trade
victims.
Laetitia de Radigues
BA in Politics and International Relations, MA in
International Law, MSc in Violence, Conflict and
Development. Her main responsibilities consist
of monitoring EU policies and advocating on the
prevention of torture, the survivors’ rights to
reparation and refugees and asylum seekers issues in Europe as well as leading fundraising
efforts and coordinating a network of European
rehabilitation centres. Her previous experience
comprises ten years with the International Committee of the Red Cross, mainly in the protection area. She has worked in Rwanda, Slovenia,
Bosnia, the Philippines, Colombia, Ethiopia,
Russia, Israel/Palestinian territories, Sudan and
Chad.
Hélène de Rengervé
Holding a diploma in trade and management, a
university degree in European Studies and a specialization in Fundraising obtained in 2006 at
ESSEC, her professional career is European: she
was successively President of AEGEE Europe,
chargée de mission at WelcomEurope, project
manager for the Newropeans International Conference in 2000, and finally trainer in Poland
within the framework of the PHARE programme.
Her career turned towards humanitarian and
social affairs in 2001 when she worked for AVRE
and met Dr Duterte, with whom she founded
“Parcours de Jeunes” in 2001. In addition to her
commitment to Parcours d’Exil, she works for
Sol en Si as a coordinator, and as a consultant in
Fundraising for the International Rehabilitation
Centre for Torture victims (IRCT). Since 2004,
she is the administrative and financial director
of Parcours d’Exil, being responsible, among
others, for human resources and fundraising.
Laurent Subilia
medicine in Geneva and responsible for the conGeneral doctor in the Department of community sultation of torture victims.
Xavier RONSIN
Currently Public Prosecutor in Nantes, elected
member since 14/03/07 of the European Committee for the Prevention of Torture (CPT) of
the Council of Europe.
Former instruction judge in Lorient and Chartres, then public prosecutor in Roanne, general
substitute in Angers, Deputy Director of the
prisons service from 2002 to 2004, period during
which he chaired the steering committee of the
placement development under electronic monitoring.
Member in 2001 and 2007 of the two orientation
committees of penitentiary law, he was joint
author, in his capacity as expert of the Council
of Europe, of the project of "European penitentiary rules", adopted by the 46 European Ministers for justice in January 2006.
Brita Sydhoff
Degrees in Sociology and Social Anthropology.
She is responsible for the overall implementation of the IRCT policies and strategies with a
broad mandate to promote and support IRCT
rehabilitation centres and programmes and the
prevention of torture globally.
Her previous positions include Head of the Department of International Law and Refugees of
the Swedish Red Cross; Resident Representative
of the Norwegian Refugee Council in Geneva,
Switzerland; Head of Programmes with the In-
ternational Council for Voluntary Agencies, also
in Geneva; Head of research programme on international migration in the International Organisation for Migration in Budapest, Hungary;
Head of the Danish Refugee Council’s operations
in the former Yugoslavia with responsibility for
implementing humanitarian emergency programmes; and consultant for the World Health
Organization. Before leaving Sweden in 1984 she
worked for the Swedish Migration Board in senior positions for 13 years.
177
Karin Teepe
DESS et DEA de psychologie clinique et de psychanalyse à l’université Paris VII.
Psychanalyse personnelle, formations spécifiques en thérapie familiale systémique avec un
regard particulier sur la clinique de la maltraitance. Chef de service d’un service de placement familial (80 enfants confiés en famille
d’accueil sur décision du tribunal pour enfants ;
le placement intervient en raison du délaissement par les parents, associés fréquemment à
des violences physiques, sexuelles ou psychologiques). Psychologue en cabinet libéral, elle
travaille à l’association Parcours d’Exil depuis
2007.
Philippe Tremblay
Membre de l’association du barreau de Québec
depuis 1996, il est diplômé de l’université du
Québec à Montréal d’un master en loi internationale sur les réfugiés. Avant de rejoindre
l’APT (association pour la prévention de la torture), il a travaillé comme délégué pour le Haut
commissariat aux réfugiés au Rwanda ainsi que
pour le comité international de la Croix-Rouge
en Colombie et en Afghanistan. Il a également
travaillé comme chargé de recherche pour Rights and Democracy, organisation humanitaire à
Montréal.
Monique Végéga
Assistante sociale de formation, elle a exercé ce
métier pendant 15 années à l’AFTAM avant de
devenir chef de service de CADA et de mettre
en place une plateforme d’accueil pour les demandeurs d’asile « primo-arrivants ». Elle est
actuellement administratrice de la fédération
nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) Picardie, en charge de
l’animation de la commission régionale
« réfugiés-migrants » et de la commission régionale « usagers »
Erick Vloeberghs
Il est anthropologiste médical (MSc.) et responsable des affaires internationales de Pharos,
centre de ressources et de conseils sur les réfugiés, les demandeurs d’asile et la santé des primo-arrivants. Il a auparavant travaillé avec Médecins sans frontière au Congo et en Afghanis-
tan, ainsi qu’avec Centrum45 (centre de soins
pour demandeurs d’asile et réfugiés victimes de
traumatismes) et le MOA (services médicaux aux
demandeurs d’asile). Ses publications traitent
de la thérapie soma-orientée avec les demandeurs d’asile et réfugiés ; il est co-auteur des
publications Care Full.
Regine Waintrater
Psychanalyste, thérapeute familiale et lecteur à
l’université de Paris VII Denis Diderot, elle est
l’auteur de nombreux articles sur le traumatis-
me extrême et sa transmission. Elle a pris part à
deux grands projets d’envergure sur la collecte
de témoignages vidéo de survivants de la Shoah
(Yale University and Spielberg).
Catherine Wihtol de Wenden est une politologue et une juriste française. Directrice de recherche au CNRS (CERI) et docteur en science
politique (institut d'études politiques de Paris),
elle est une spécialiste des migrations internationales sur lesquelles, depuis une vingtaine
d'années, elle a mené différents travaux, de
nombreuses études de terrain et dirigé différen-
tes recherches comparatives, surtout européennes. Elle a été consultante auprès de l'OCDE, du
Conseil de l'Europe, de la Commission européenne et "expert externe" auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Elle
est aussi membre de la commission nationale de
déontologie de la sécurité.
François Zimeray
Avocat, homme politique et diplomate, né en
1961, député européen pour le parti socialiste
européen entre 1999 et 2004, membre de la
Commission des Affaires étrangères et de la Politique de défense. Très engagé dans les domaines de l’environnement, de la paix et des droits
de l’Homme notamment par la création de nom-
breuses organisations, il est également très actif au niveau local : président de l'agglomération de Rouen depuis 2002, il abandonne cette
fonction après avoir été nommé lors du conseil
des ministres du 13 février 2008 ambassadeur
pour les droits de l’Homme, sur proposition de
la secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme.
178
Karin Teepe
She has obtained two Master degrees in clinical
psychology and psychoanalysis from the University of Paris VII. She proceeds with personal psychoanalysis, having specific training in systemic
family therapy with an emphasis on abuse. She
is head of department for family placement (80
children entrusted in families following the decision of the Court for children; the placement
intervenes because of parents’ renunciation,
frequently associated with physical, sexual or
psychological violence).
She has been working for Parcours d’Exil since
2007.
Philippe Tremblay
He has been a member of the Quebec Bar Association since 1996 and holds a Master’s degree
in international refugee law from the University
of Quebec in Montreal. Before joining the APT
(Association for the prevention of torture), he
worked as a field delegate for the UN High Commissioner for Refugees in Rwanda, and for the
International Committee of the Red Cross (ICRC)
in Colombia and Afghanistan. He also worked as
a Research Officer at Rights and Democracy, a
Montreal-based human rights institution.
Monique Végéga
She worked as social worker during 15 years
within AFTAM, before becoming head of department of a Centre for reception of asylum seekers (CADA) and setting up a platform of reception for “newcomers”. She is currently adminis-
trator of the National Federation of Associations
of Reception and Social Rehabilitation (FNARS)
Picardy, being responsible for the animation of
the regional commission “refugee-migrants” and
the regional commission “users”.
Erick Vloeberghs
He is medical anthropologist (MSc.) and head of
International Affairs of Pharos, centre of knowledge and advice on refugees, asylum seekers
and newcomers' health. He previously worked
with MSF (Doctors Without Borders) in Congo
and Afghanistan, with Centrum45 (treatment
center for traumatized refugees and asylum
seekers) and the MOA (Medical Services Asylum
seekers). He published about bodily oriented
therapy with asylum seekers and refugees and is
co-author of the Care Full publications.
Regine Waintrater
Psychoanalyst, family therapist, and lecturer at
the university of Paris VII Denis Diderot, she has
also written many articles on the extreme trau-
matism and its transmission. She took part in
two large-scale European projects of video collection of testimonies of the survivors of Shoah
(Yale University and Spielberg).
Catherine Wihtol de Wenden
She is a political economist and lawyer in
France. Research director in CNRS (CERI) and
doctor of political science (Institute of political
studies-Paris), she is specialist in international
migrations. For twenty years, she has undertaken a large number of field studies, and di-
rected various comparative research projects,
mainly European. She has been a consultant for
the OECD, the Council of Europe, the European
Commission and an external expert of the
United Nations High Commission for Refugees
(UNHCR). She is also a member of the National
commission on ethics of safety.
François Zimeray
Lawyer, politician and diplomat, born in 1961,
he was MEP for the European socialist party between 1999 and 2004 and member of the Commission of Foreign affairs and Defense policy.
Together with his commitment in the fields of
human rights, peace and environment through
the founding of many organisations, he has been
also involved at local level: president of the
Rouen community since 2002, he resigns after
being nominated Ambassador for Human Rights
by the Council of Ministers on 13 February 2008,
following a proposal by the Secretary of State in
charge of Foreign affairs and Human rights.
179
III. A propos de Parcours d’Exil
180
III. About Parcours d’Exil
NB : available in French only
181
Notre mission
2 - Les activités de l’association
Dans la poursuite des objectifs décrits ci-dessus, nous avons structuré nos activités selon
trois grands axes :
Soigner
Les patients sont reçus gratuitement et uniquement sur rendez-vous.
Thérapies
Leur prise en soins est pluridisciplinaire et coordonnée par le Médecin Directeur qui
oriente, seul ou en concertation avec d’autres thérapeutes, les patients vers l’un ou l’autre membre de l’équipe.
Les thérapies, qu’elles soient individuelles ou familiales, utilisent les services de différents intervenants : médecins, psychologues, psychothérapeutes, art thérapeute et kinésithérapeute.
Le groupe Insertion
Il vise à aider les patients à s’insérer à la société française en proposant des cours
(Français Langue Etrangère, Mathématiques, Histoire et civilisation, Instruction civique,
Informatique) ainsi que des sorties culturelles et des ateliers de lecture.
Former
Les professionnels du centre de soins Parcours d’Exil proposent leurs services en tant que
formateurs pour plusieurs activités :
Les formations aux professionnels qui travaillent avec un public de victimes de sévices et des mineurs isolés,
La supervision des équipes de centres de soins partenaires,
La mise à disposition de ressources thérapeutiques délocalisables pour nos partenaires,
Le transfert de compétences : en collaboration avec Forum Réfugiés, ouverture du centre
de soins ESSOR à Lyon en septembre 2007.
Informer
Parcours d’Exil, c’est également une équipe d’experts disponibles pour partager ses
connaissances sur la torture et ses méfaits auprès de tout type de public.
Nous observons notamment :
Le pays d’origine des populations torturées,
Les types de tortures employées,
L’identité des tortionnaires,
Leurs conséquences sur les victimes,
Le devenir des victimes de torture en France,
Les pratiques européennes pour la prise en soin.
L’information passe également par la communication :
La newsletter trimestrielle destinée aux membres de l’association et à ses partenaires,
Le site Internet,
L’organisation d’événements : par exemple expositions photos, conférences,
La participation à des rencontres internationales et nationales.
182
Vision—Mission-Valeurs
VISION :
Soigner toute personne victime d’atteintes aux droits humains
MISSIONS :
Soigner
a) Soigner gratuitement toute personne victime de traumatismes.
b) Considérer chaque patient dans sa globalité pour lui offrir une prise en soin appropriée
Former
a) Former les professionnels à la reconnaissance des symptômes du traumatisme et à
l’accompagnement des victimes.
b) Superviser les équipes de professionnels pour les aider à mieux vivre et penser leur
travail.
Informer
Informer les leaders d’opinion de la réalité des victimes de traumatisme et de leurs besoins de soins appropriés.
Etre un interlocuteur privilégié auprès des institutions nationales et internationales.
VALEURS :
Chaque personne est « admissible à toutes les dignités » (extrait de l’art.6 de la Déclaration des Droits de l’Homme)
Éthique : parce que nos patients sont particulièrement vulnérables, chacune de nos interventions se doit d’être pensée de façon éthique.
Compétence : tout professionnel est formé, de façon continue, pour assurer la mission
qui est la sienne.
Respect : toute personne est respectée, quelle que soit son origine, sa condition, ses
croyances ou son état de santé.
Disponibilité : toute personne demandant une prise en soin est accueillie dans les meilleurs délais.
Confidentialité : Toute information communiquée dans le cadre de la prise en soin est
couverte par le secret médical ou professionnel.
Indépendance : L’association est indépendante, apolitique et aconfessionnelle.
Transparence : L’association établit chaque année des documents comptables annuels
certifiés par un commissaire aux comptes.
Gouvernance : Les instances collectives jouent pleinement leur rôle d’orientation et de
contrôle des dirigeants.
183
Historique
Le 13 août 2001, Hélène de RENGERVE et Le 26 Novembre 2005, l’association reçoit le
Pierre
DUTERTE
fondent
l’association « Prix de Juste d’or 2005 de l’action sanitaire
« Parcours de Jeunes » (association loi 1901). humanitaire ».
Sa vocation première était alors la prise en
charge des mineurs isolés étrangers (MIE),
afin de répondre à leur souffrance spécifique
Le 3 Septembre 2005, remise de la légion
d’honneur à M. René Knockaert, Président
d’Honneur de Parcours d’Exil.
souvent mal connue des intervenants en généEn 2005 et 2006, grâce au « Fond Européens
ral.
Réfugiés »,
pilotage
du
projet
Dès 2002, l’ONU reconnaît l’utilité de l’asso- des
ciation et la fait bénéficier du « Fond des Na- « Laokolé », qui propose une formation à la
tions Unies pour les Victimes de Tortu- prise en charge des Mineurs Isolés Etrangers
aux professionnels de l’accompagnement sores » (FNUVT).
cial.
A partir de 2003 et jusqu'en 2007, le Prede Le 12 Juin 2006, obtention du prix de la
« Parcours de Jeunes » (devenue par la suite « Fondation pour l’Enfance ».
mier
Ministre
reconnaît
le
travail
Parcours d'Exil) en renouvelant chaque année Le 15 Juin 2006, obtention du prix « Giacinto
sa subvention au titre des Droits Humains.
Accornero » de la Caisse d’Epargne sur le thèFin 2003, le « Fond Européen des Réfugiés » me de l’aide à la personne.
leur accorde une subvention. C’est le premier Fin 2006, second grand tournant : Parcours
tournant de son histoire, puisque c’est ce qui d’Exil obtient une subvention de la part de la
va initier l’installation de l’association dans Commission Européenne (« Initiative Euroses propres locaux en Décembre 2003 et ainsi péenne pour la Démocratie et les Droits de
permettre à près de 300 nouveaux patients de l’Homme » (IEDDH), et initie le partenariat
venir profiter de ses soins courant 2004.
avec l’association « Forum réfugiés » pour la
Août 2004, obtention de l’agrément DRASS création d’un centre de santé à Lyon pour
l’horizon 2007.
« Centre de santé ».
C’est au début de l’année 2005 que l’asso- Septembre 2007, le centre de santé ESSOR
ciation devient « Parcours d’Exil ». Ce chan- ouvre ses portes à Lyon, en collaboration avec
gement vise alors à mieux refléter les orienta- Forum Réfugiés.
tions que celle – ci prend en désignant toutes Novembre 2007, parution de Terres Inhumaivictimes de torture comme bénéficiaires de nes, du Dr Duterte, aux éditions Lattès.
soins.
Juin 2008, Francesca Solleville devient la
marraine de l’association.
184
Nos membres, patients et partenaires
1 – Activités du centre de soins en 2007
Activités thérapeutiques
Patients reçus
Au rythme d’une progression régulière depuis l’ouverture de l’association en 2003 jusqu’en 2007,
la file active en 2007 a été de 897 patients soit 8% de plus qu’en 2006 ; parmi eux, on comptait
467 nouveaux patients. En France en 2007 on estimait le nombre de personnes victimes de torture
à environ 10 000 ; les associations assurant un accompagnement thérapeutique en avaient aidé
1 500 au total.
Nationalités : 63 nationalités différentes. Les principaux pays concernés sont :
Guinée Conakry (36,23%), RDC (15,72%), Nigeria (4,46%), Mauritanie (3,90%), Angola (3,46%), Côte d’Ivoire (3,34%), Congo Brazzaville (3,01%), Sierra Leone (3,01%), Rwanda (2,01%).
Sexe : Hommes : 64 %, Femmes : 36%
Moyenne d’âge : 28,68 ans
Majorité : 15% de mineurs (dont 37%de mineurs isolés) et 85% de majeurs
Lieu de résidence : Paris : 32%, Ile de France : 48%, Province : 20%
Situation par rapport au logement :
CADA & CPH : 30%, Hébergement d’urgence : 29%, Particulier : 27%, Foyer de mineurs : 8%,
SDF : 5%, Logement personnel : 2%
Statut lors de l’arrivée au Centre de Soins
Demandeurs d’asile : 91%, Statutaires : 8%, Autres : 1%
Orientation des patients vers Parcours d'Exil :
Associations : 40%, CADA & CPH : 31%, Demandes spontanées et patients : 16%, Professionnels santé et social : 4%, Foyers de mineur, ASE : 10%
Le Groupe Insertion
Nombre de cours dispensés : 156
Nombre de participations par matière : 538
Nombre d’intervenants extérieurs : 14
2 - Ils ont fait appel à nos services :
Services Formation
ADOMA (Ex-SONACOTRA)
Fondation des Orphelins Apprentis d’Auteuil
OFPRA (Office Français des Réfugiés et Apatrides)
AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches)
France Terre d'Asile
ADMI (Association Départementale des Maisons pour l'Insertion)
Ressources thérapeutiques délocalisées
AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches)
ASSAGE (Association Sociale et Sanitaire de Gestion)
AGE (Association de Groupements Educatifs)
Expertise : source d’information sur la torture et ses victimes, envoi de patients, supervision de
centre de soins…
AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches)
Aide Sociale à l'Enfance (Paris, Yvelines, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, etc.)
Conseil Général de l'Oise
Enfants du Monde Droits de l’Homme
France Terre d'Asile
Croix-Rouge Française
185
Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne
Sous le haut patronage de :
M. Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne
M. Terry Davis, secrétaire général du Conseil de l’Europe
M. Pierre Sané pour M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO
M. Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire
CETTE
RENCONTRE A ÉTÉ ORGANISÉE AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DE
186
: