VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN
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VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN
VICTIMES DE TORTURE : QUELLE(S) RECONNAISSANCE(S) EN EUROPE? TORTURE VICTIMS: WHICH RECOGNITION IN EUROPE? 28-29/10/2009 1 Ce programme est une publication unique de Parcours d'Exil, association loi 1901 reconnue de bienfaisance. Adresse : Parcours d'Exil, 26 rue de Cronstadt 75015 Paris - Téléphone : 01 45 33 31 74 - Télécopie : 01 45 33 53 61 Site Internet : www.parcours-exil.org Email : [email protected] Coordination rédaction : Sandrine Scardigli Maquette : Parcours d'Exil Rédaction : Hélène de Rengervé, Sandrine Scardigli, Yiannis Vacondios Photos : Pierre Duterte Impression : Altavia Tirage : 300 ex. Diffusion électronique : 200 ex. Dépôt légal : à parution ISBN/EAN :29782916244150 Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? Torture victims: which recognition in Europe? FIAP Jean Monnet - Paris, France 28-29/10/2008 3 Les organisateurs Parcours d’Exil offre aux victimes de sévices, d’atteintes aux droits humains et tout particulièrement de tortures et de violences d’Etat (directes ou indirectes) une prise en soins en vue d’une réhabilitation médico-psychologique, indépendamment de leur âge et condition. La prise en soins a pour but de leur permettre de dépasser les difficultés liées aux séquelles des sévices subis, de se réinsérer dans la société qui les accueille et de se recréer un projet de vie, pour eux et leur famille, dans de bonnes conditions. L’action de l’association est composée de trois missions principales : • soigner les patients (900 en 2007) et les aider dans leur insertion sociale via le groupe Insertion ; • former les professionnels en contact potentiel avec des victimes ; • informer le public et les leaders d’opinion sur la situation des victimes. L’IRCT (conseil international pour la réhabilitation des victimes de torture) est une organisation indépendante et internationale. Elle promeut et soutient la réhabilitation des victimes de torture et œuvre à la prévention de la torture. Son réseau comprend 139 membres. L’IRCT travaille en partenariat avec les gouvernements, ainsi qu’avec des organisations humanitaires ou spécialisées dans la santé et des institutions intergouvernementales. L’IRCT travaille à la sensibilisation au sujet des victimes de torture, promeut et soutient la création de lieux de soins à travers le monde, travaille à la prévention de la torture et de l’impunité, documente l’impact et les conséquences de la torture et vise à augmenter les ressources financières pour les centres de soins et les programmes de par le monde. Parcours d’Exil offers medical and psychological rehabilitation to every person who has been victim of Human rights violations, and particularly torture and State violence (direct or indirect), independently of their age and condition. The rehabilitation’s objective is to enable the patients to overpass the difficulties related to the sequels of the undergone mistreatment, to integrate themselves in their host country and to create a new project, for them and their family, under good conditions. The action of Parcours d’Exil is divided into three missions: • to offer free rehabilitation (900 patients in 2007) and to support their social integration via the Group Insertion; • to train the professionals potentially in contact with victims; • to inform the public and the opinion leaders about the situation of the victims. The International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT) is an independent, international health professional organisation that promotes and supports the rehabilitation of torture victims and works for the prevention of torture worldwide. Its network has 139 members. The IRCT also works in partnership with governments, human rights organisations, health professional organisations and intergovernmental organisations. The IRCT raises awareness of the rehabilitation needs of torture victims, promotes and supports the establishment of treatment facilities around the world, works for the prevention of torture and to put an end to impunity, documents the impact and consequences of torture and works to increase funding for rehabilitation centres and programmes worldwide. Parcours d’Exil - 26, rue de Cronstadt - 75015 PARIS - FRANCE 4 Tel. : 0033 (0)1 45 33 31 74 [email protected] www.parcours-exil.org Sommaire Introduction et programme détaillé p.6 Partie I - Résumés des interventions p.14 Partie II - Texte des recommandations adopté le 29 octobre p.74 Partie III - Intégralité des textes des interventions p.92 Dont : liste détaillée des interventions p.93 Annexes : p.164 Liste des participants p.166 Biographies des intervenants p.170 A propos de Parcours d’Exil p.180 Contents Introduction and detailed program p.7 Part I - Summaries of the speeches p.15 Part II - Recommendations adopted on 29th of October p.75 Part III - Full Speeches p.92 With detailed list of the speeches p.93 Annexe: p.165 List of participants p.166 Speakers biographies p.171 About Parcours d’Exil p.181 5 Introduction Programme détaillé 6 Introduction Detailed program 7 Introduction La conférence intitulée « Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? » a été organisée au Foyer International d’Accueil de Paris (FIAP) Jean Monnet, les 28 et 29 octobre 2008 (voir pages 10 et 12 : programme), en partenariat avec le Conseil international pour la réhabilitation des victimes de torture (IRCT). L’Europe accueille aujourd’hui des milliers de réfugiés et demandeurs d'asile chaque année. Parmi ces réfugiés, les victimes de torture bénéficient de droits spécifiques au soin et à une protection réelle, reconnus par plusieurs textes internationaux et européens. Cependant, l’absence de processus structuré de reconnaissance des victimes de traumatisme les prive de ces droits, puisqu’à aucun moment de leur parcours ils ne croisent le chemin de médecins et de thérapeutes spécifiquement formés -sauf par chance. Cette situation prévaut dans la plupart des pays d’Europe ; il a donc semblé opportun à l'association Parcours d'Exil d'organiser une conférence, labellisée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, afin d’attirer l’attention des gouvernements européens sur une question qui présente un intérêt humanitaire majeur et un impact financier important. En effet, la non prise en soin de victimes de torture peut générer des situations de violences (contre soi, contre ses proches, contre autrui), d’addiction (alcool, tabac, drogues), d’obstacle à l’insertion (nervosité, irritabilité, difficulté de concentration et de mémorisation, tendance à l’isolement) qui toutes ont un coût lourd pour la société d’accueil. Cent trente neuf participants venants de dix pays (voir Annexe : liste des participants), représentant des ONG (organisations non gouvernementales), ministères, institutions européennes, fondations, centres d’accueil des demandeurs d’asile, réseaux académiques, centres de réhabilitation des victimes de torture et cabinets d’avocats, ont assisté à cet événement. La conférence a reçu le label de la présidence française de l’Union européenne et a bénéficié du patronage de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe, de l’UNESCO et du ministère français de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Les travaux se sont terminés par l’adoption d’un texte de recommandations qui sera envoyé aux institutions compétentes françaises et européennes (voir pages 74 à 91 : recommandations). L’objectif de cette conférence était donc d’examiner, avec un collège d’experts européens, les différentes possibilités d’action et d’instauration d’un processus de reconnaissance précoce des victimes de torture à leur arrivée en Europe afin de permettre une prise en soin rapide et appropriée. Cette reconnaissance précoce est indispensable pour permettre par la suite à ces victimes de suivre les étapes de la demande d’asile et de l’intégration sans subir les conséquences des séquelles du traumatisme, ou du moins, en apprenant progressivement à les gérer, pour mieux vivre avec. Vous trouverez en partie I le résumé des interventions et en partie III les textes complets des intervenants dans la langue utilisée durant la conférence. 8 Introduction The conference entitled "Torture victims of torture: which recognition(s) in Europe?" was organized in Paris, in the premises of the FIAP Jean Monnet (Foyer International d’Accueil de Paris) on October, 28th and 29th 2008 (see pages 11 and 13: program). It was organised in partnership with the International rehabilitation council for torture victims (IRCT). Europe welcomes thousands of refugees and asylum seekers every year. Among these refugees, torture victims may benefit from specific rights for care and real protection, which are recognized by several international and European texts. However, the torture victims have been deprived from these rights due to the lack of a structured process of recognition. They never meet specifically trained doctors or therapists, except by chance. 139 participants from 10 countries attended the event (see Annexs: list of participants): representatives of Non Governmental Organizations, ministries, European institutions, foundations, reception centres of asylum seekers, academic networks, centres of rehabilitation of torture victims and law firms. The conference received the label of the French presidency of the European Union and took place under the patronage of the European Commission, the Council of Europe, the UNESCO and the French ministry for Immigration, Integration, national Identity and Co-development. This situation prevails in most of the European countries. It thus seemed important to the association “Parcours d’Exil” to organize a conference, within the framework of the French presidency of the European Union, in order to draw the attention of the European governments on this issue which has a major humanitarian interest and an important financial impact. In fact, the cost of not taking under specific consideration torture victims may be high for the reception society. It can generate violent situations (against oneself, against one’s kin, against others), addiction (alcohol, tobacco, drugs), obstacles to insertion (nervousness, irritability, difficulty of concentration and memorization, tendency to isolate oneself). The event ended by the adoption of a recommendation text which will be sent to the French and European relevant institutions (see pages 74 to 91: Recommendations). The objective of this conference was to You will find in Part I the summary of each have a close look, with a group of European speech, and in Part III the whole speeches experts, on the various ways of establishing in the language used during the conference. a process of early recognition of torture victims, at their arrival in Europe, in order to allow a fast access to an appropriate care. This early recognition is necessary for these victims so that they can, afterwards, undergo the different stages of asylum application and of their integration in this new society, without suffering from the consequences of the after-effects of the traumatism, or at least, by learning to manage them and better live with them. 9 Mardi 28 octobre Enregistrement / Accueil Presse : Mardi 28 octobre, 8h30 – 10h 10h00 Ouverture par François Zimeray, Ambassadeur des droits de l’Homme pour la France 10h30-12h30 Migration légale et clandestine en Europe, asile, traite des êtres humains : influence sur l’accueil et l’accompagnement des victimes de torture Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil • Demandeurs d’asile et réfugiés : nombre, origine géographique ; procédures d’asiles en Europe Paul McDonough, research officer, ECRE (European Council on Refugees and Exiles) Xenia Messariti, policy officer, Commission européenne - Unité “Asile” Philippe Tremblay, chargé de programme, APT (Association for the Prevention of Torture) Mathieu André, Affaires européennes, Forum Réfugiés • Les priorités de la Présidence française et les victimes de torture : conséquences de la « fermeture » de l’Europe sur les conditions d’accueil et de prise en soin des victimes Jean-Pierre Guardiola, chef asile, ministère de l’Immigration Catherine Wihtol De Wenden, directeur de recherche, institut des sciences politiques (CERI) Eric Panloup, délégation aux victimes (DAV), ministère de l’Intérieur et des DOM-TOM • Séquelles de la torture et influence sur les capacités d’intégration Dr Pierre Duterte, médecin directeur, Parcours d’Exil Martine Brousse, directrice, La voix de l’enfant • Débat 12h30 Pause déjeuner 14h30-16h15 Protection des victimes de torture et politiques européennes et/ou nationales Modératrice : Laetitia de Radigues, chef de bureau, IRCT Bruxelles (Belgique) • Etat des lieux des conventions et textes internationaux sur la protection des victimes de torture Alima Boumediene -Thiery, sénatrice, ancien membre du Parlement européen Laurence de Bauche, chercheuse, Réseau académique ODYSSEUS Xavier Ronsin, procureur de la République, Comité pour la prévention de la torture • Prise en charge des victimes de torture en France et dans d’autres pays européens Sophie Attuil, Affaires juridiques & internationales, OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides) Dr Mia Honinckx, Coordinatrice service médical, FEDASIL (Belgique) Brita Sydhoff, Secrétaire générale, IRCT • Difficultés particulières pour les victimes résidant dans les pays même où elles ont été torturées Dr Camelia Doru, médecin & fondatrice, Fondation ICAR (Roumanie) • Débat 16h15 Pause café 16h45—17h45 Exemples de bonnes pratiques au niveau européen Dr Laurent Subilia, médecin, directeur, centre de santé des migrants, Genève (Suisse) Erick Vloeberghs, Affaires internationales, Pharos, Utrecht (Pays-Bas) Dr Lilla Hárdi, Psychiatre, directrice, fondation Cordelia (Hongrie) • Débat 10 Tuesday, 28 October Participant registration / Press : Tuesday, 28 October, 8:30 – 10:00 10:00 Opening by François Zimeray, French Ambassador for Human Rights 10:30-12:30 Legal and illegal immigration in Europe, asylum, trade of human beings: influence on hosting and rehabilitation of torture victims Moderator: Hélène de Rengervé, administrative and financial director, Parcours d’Exil • Population of refugees and asylum seekers: number, geographical origin, asylum procedures in Europe Paul McDonough, research officer, ECRE (European Council on Refugees and Exiles) Xenia Messariti, policy officer, European Commission - Asylum unit Philippe Tremblay, programme officer, APT (Association for the Prevention of Torture) Mathieu André, affaires européennes, Forum Réfugiés • Priorities of the French presidency and torture victims: consequences of “closing” Europe regarding hosting and treatment conditions of torture victims Jean-Pierre Guardiola, Asylum Head of department, Ministry of Immigration Catherine Wihtol De Wenden, research director, CERI/CNRS Eric Panloup, delegation for victims, Ministry of Interior, Overseas and Territorial Communities • Sequels of torture and influence on integration capacities Dr Pierre Duterte, director, Parcours d’Exil Martine Brousse, director, La Voix de L'Enfant • Debate 12:30 Lunch break 14:30-16:15 Protection of torture victims and European/national policies Moderator : Laetitia de Radigues, IRCT, Head of Brussels office • Overview of international conventions and texts on the protection of torture victims. Alima Boumediene -Thiery, senator, former MEP Laurence de Bauche, researcher, ODYSSEUS Academic network Xavier Ronsin, procureur de la République, Committee for prevention of torture • European legislation concerning the protection of torture victims Sophie Attuil, International and Legal Affairs officer, French Office for Protection of Refugees and Stateless (OFPRA) Dr.Mia Honinckx, medical coordinator, FEDASIL (Federal Agency for the Reception of Asylum seekers, Belgium) Brita Sydhoff, Secretary-General, IRCT • Specific difficulties of victims living in the country where they were tortured Dr Camelia Doru, physician and founder, ICAR Foundation (Romania) • Debate 16:15 Coffee break 16:45—17:45 Examples of best practices at European level Dr Laurent Subilia, physician, director, Centre of migrants’ health, Geneva (Switzerland) Erick Vloeberghs, International affairs, PHAROS - Centre of expertise (Netherlands) Dr Lilla Hárdi, psychiatrist, director, Cordelia Foundation (Hungary) • Debate 11 Mercredi 29 octobre 09h30-11h00 Mise en place du processus de reconnaissance précoce des victimes de torture Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil • Aspects techniques : Où, quand, comment, par qui ? Dr Sylvie Lancino, ANAEM (agence nationale d’accueil pour les étrangers et les migrations) Yves Nicolas, directeur, CADA ADOMA de Caen • Aspects psychologiques et psychiatriques : quelles questions doit-on poser, sur la base de quels « formulaires » : MINI, PTSD, protocole d’Istanbul ? Régine Waintrater, psychologue et thérapeute familial, université Paris 7 Karin Teepe, psychologue clinicienne, Parcours d’Exil • Débat 11h00 Pause café 11h30-12h30 Implications d’une reconnaissance précoce des victimes de torture • Implications éthiques et thérapeutiques ; comment circonscrire les risques de détournement de ce processus de reconnaissance de victimes de torture Dr Pierre Duterte, médecin Directeur, Parcours d’Exil Pierre Courcelle, responsable du service Asile, ACAT France (association des chrétiens pour l’abolition de la torture) Danielle Mérian, avocate honoraire, administratrice de Parcours d’Exil, militante ACAT Monique Végéga, chef de service, FNARS Picardie (fédération nationale des associations d’accueil et de reconversion sociale) 12h30 Pause déjeuner 14h30-16h00 Conclusions et Recommandations Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil • Recommandations sur la mise en place de la reconnaissance précoce des victimes de torture • Adoption de la déclaration 16h00-16h30 Clôture des débats 12 Wednesday, 29 October 09:30-11:00 Implementation of a process of early recognition of torture victims Moderator: Hélène de Rengervé, administrative and financial director, Parcours D'Exil • Technical aspects: Where, When, How, By whom? Dr Sylvie Lancino, ANAEM (French agency for migrations and foreigners) Yves Nicolas, directeur, Hosting centre, Caen (ADOMA) • Psychological and psychiatric aspects: Which questions should be asked, on the basis of which documents: MINI, PTSD, Istanbul protocol? Regine Waintrater, psychologist and family therapist, University Paris 7 Karin Teepe, psychologist, Parcours D'Exil • Debate 11:00 Coffee break 11:30-12:30 Implications of an early recognition of torture victims • Ethical and therapeutic implications: how to limit the risk of misuse of this process of recognition of torture victims Dr Pierre Duterte, medical director, Parcours D'Exil Pierre Courcelle, Head of asylum service, ACAT France (Christian Association for Torture abolition) Danielle Mérian, lawyer, vice-president of Parcours d’Exil, ACAT militant Monique Végéga, head of service, FNARS Picardie (National federations of organisms dealing with hosting and social integration) 12h30 Lunch break 14:30-16:00 Conclusion and Recommendations • Recommendations on the implementation of the process of early recognition of torture victims • Adoption of the statement 16:00-16:30 Closing of debate 13 Partie I Résumé des interventions 14 Part I Speeches summary 15 Mardi 28 octobre Ouverture par M. François Zimeray, Ambassadeur pour les droits de l’Homme (France) L ES premiers mots de bienvenue ont été prononcés par le Dr Pierre Duterte, Médecin Directeur de l’association Parcours d’Exil ; il a souligné le thème de la conférence et rappelé les pays participants pour ensuite remercier les organisations qui ont accordé leur patronage et notamment le Premier ministre français, M. François Fillon, pour l’octroi du label de la « Présidence française de l’Union européenne ». L’allocution d’ouverture a été prononcée par M. François Zimeray, Ambassadeur français pour les droits de l’Homme. M. Zimeray, en tant que représentant du gouvernement français et de la secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme Melle Rama Yade, a exprimé le privilège qui était le sien d’inaugurer cette journée de réflexion et a commencé en rappelant un proverbe selon lequel « Tout homme a deux patries, la sienne et la France ». Il a souligné l’intitulé général de la confér e nc e, qui i nd i qu e au p lu r i e l « reconnaissances des victimes de torture », en expliquant qu’il s’agit de reconnaissance juridique ainsi que du repérage dans une société qui doit demeurer sensible aux souffrances des autres. Mettant l’accent sur la question de l’isolement, M. Zimeray a établi un lien entre l’individu et le niveau politique international. En parlant du FIAP (foyer international d’accueil de Paris) où se tenait la conférence, il a noté que ce lien est simple et plus facile à sentir entre ces murs, où on croit un peu que « l’Homme a deux patries ». Le lien entre l’individu et ce que vivent les diplomates, les instances, les Nations unies, l’OSCE, l’Union européenne, est précisé- ment ce concept de famille humaine. Faisant référence à la célébration du soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), texte poétique sur le concept de la famille humaine (qui malheureusement se trouve en ce moment menacé voire en recul dans le monde), l’ambassadeur a noté que les travaux de cette conférence illustrent les enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés. Il a également souligné le contexte difficile dans lequel nous célébrons cet anniversaire : il contraste avec l’anniversaire des cinquante ans tenu à la fin d’une décennie optimiste qui était marquée par la chute du Mur, les accords d’Oslo, la fin de l’apartheid et l’arrivée de nouvelles technologies pleines de promesses. Contrairement à cet esprit optimiste, cette dernière décennie est marquée par le 11 septembre 2001, le terrorisme et l’antiterrorisme qui constituent des pressions sur les droits de l’Homme, la prise de conscience des enjeux climatiques, les enjeux alimentaires et dernièrement, la crise financière. Cette anxiété constitue un poison pour l’universalisme. Pour donner un exemple plus concret du recul de la famille humaine, M. Zimeray a indiqué le refus initial de l’aide humanitaire internationale par le gouvernement birman, au moment où le pays fut frappé par un cyclone. Les instances du pays n’ont finalement accepté l’aide que si les bateaux passaient par l’Asie, afin de qualifier l’aide « d’asiatique ». Un deuxième exemple fut le refus des Casques bleus au Soudan et l’acceptation uniquement de forces africaines. 16 Tuesday, 28 October Opening by Mr François Zimeray, Ambassador for Human Rights (France) T HE welcoming speech was made by Dr Pierre Duterte, Director of the association “Parcours d’Exil”. He focused on the topic of the conference. Then he quoted the participating countries and thanked the organizations which granted their patronage and in particular the French Prime Minister, Mr François Fillon, for having granted the label “French Presidency of the European Union”. The opening address was pronounced by Mr François Zimeray, French Ambassador for Human rights. Mr Zimeray, representing the French government and the Secretary of State in charge of foreign affairs and Human Rights Miss Rama Yade, expressed his privilege to have been invited to inaugurate this day of reflexion. He started by quoting a proverb which says that “Any Man has two homelands, his own and France”. He underlined the fact that the general subject of the conference indicates into the plural “recognitions of torture victims”. He explained that the participants were going to deal with legal recognition as well as the position in a society which must remain sensitive to the sufferings of others. Stressing the question of isolation, Mr Zimeray established a bond between individuals and the international political level. While speaking about the FIAP (International welcoming centre of Paris) where the conference took place, he noted that this bond was simple and easier to feel there, where one believes a little that “every man has two homelands”. The bond between individuals and what diplomats face, i.e. the authorities, the United Na- tions, the OSCE, the European Union, is precisely the concept of human family. Referring to the celebration of the 60th anniversary of the Universal Declaration of Human Rights (UDHR), poetic text about the human family concept (which is unfortunately currently threatened), the Ambassador noted that the work of this conference illustrate the challenges currently at stake. He also underlined the difficult context in which we celebrate this anniversary: there is a huge contrast with the fiftieth, which was held at the end of an optimistic decade marked by the fall of the Wall, the agreements of Oslo, the end of apartheid and the arrival of new technologies full of promises. Unlike this optimistic spirit, the last decade has been marked by 9/11/2001, by terrorism and anti-terrorism which constitute pressures on Human Rights, climate change, food stakes and lately the financial crisis. This anxiety constitutes a poison for universalism. Giving a more concrete example of the fall of the human family concept, Mr Zimeray indicated the initial refusal of the international humanitarian aid by the Burmese government, when the country was struck by a cyclone. The national authorities finally accepted the assistance only under the condition that the boats would pass by Asian harbors, in order to qualify this help as “Asiatic”. A second example was the refusal of the Blue Helmets in Sudan and the acceptance only of African forces. 17 Expliquant les difficultés actuelles majeures dans le combat pour les droits de l’Homme, il a mentionné les pays comme la Russie et la Chine, qui demandent pourquoi on veut leur faire adopter les valeurs occidentales. Il est vrai qu’un texte tel que la DUDH ne serait pas adopté aujourd’hui. Elle est désormais considérée comme « notre » valeur, « notre conception » dont nous disons qu’elle est universelle mais pour laquelle beaucoup de pays répondent qu’elle est occidentale. Il existe par exemple une déclaration islamique des droits de l’Homme. Quelle est donc la légitimité de la DUDH ? La question peut être choquante mais elle est pertinente et appelle une réponse. D’un premier point de vue, on dirait que sa légitimité est juridique, puisqu’elle a été adoptée en 1948 à l’unanimité. Mais la réponse vient immédiatement : en 1948 il n’y avait que peu de pays signataires. Sa légitimité philosophique est discutée aussi. Pour M. Zimeray, sa légitimité réside dans le fait que, quelle que soit la latitude, nous n’avons pas perçu dans le regard d’une femme, dont le fils ou le mari a disparu, que l’on souffre différemment. Nous n’avons pas remarqué dans le regard d’un enfant soldat que c’est normal parce que c’est culturel. Les femmes ne trouvent pas normal d’être battues ou violées. Il n’y a pas deux façons de souffrir de la torture. Notre légitimité à faire valoir cette universalité, nous la puisons dans le regard de la réalité des souffrances de ce public pour lequel nous consacrons tant d’efforts. Les droits de l’Homme sont universels parce que les souffrances sont universelles. vernements. De ce point de vue, il note que le bilan de la diplomatie française est remarquable : appui avec l’Argentine concernant la convention sur les disparitions forcées, mise en application de la convention sur les enfants soldats, fonctionnement du tribunal international de la Haye grâce à un traité voulu, amendé et adopté par des diplomates. Il a terminé son discours en soulignant que la diplomatie française regarde avec un très grand intérêt les travaux de ces deux jours et plus généralement le travail difficile, obstiné et discret des organisations présentes, et exprime à travers lui sa reconnaissance et ses remerciements. Avant de passer au premier panel de la journée, le Dr Duterte a remercié M. l’Ambassadeur de sa touchante intervention et notamment d’avoir pensé aux enfants soldats, qui est une des causes pour lesquelles il se bat depuis plus de dix ans et qui est très difficile à gérer au niveau de l’administration française. M. Zimeray a conclu son allocution en mettant l’accent sur le rôle de la diplomatie dans le combat pour les droits de l’Homme, indiquant qu’il ne s’agit pas seulement des condamnations ou des prises de position morales mais d’abord et surtout des droits existants ou pas, appliqués ou pas, et c’est là-dessus qu’il faut juger l’action des gou18 Explaining the current major obstacles in the fight for Human Rights, he mentioned countries like Russia and China which wonder why other countries wish to make them adopt western values. It is clear that such a text as the Universal Declaration of Human Rights would not be adopted today. It is currently looked upon as “our” values, “our” perception, which we qualify as universal, although many countries declare that they are western. An Islamic declaration of Human rights does indeed exist. Which is thus the legitimacy of the Universal Declaration? The question may seem to be shocking but it is relevant and requires an answer. From a first point of view, one would say that its legitimacy is juridical, since it was adopted unanimously in 1948. But the answer is immediate: in 1948 there were only a few signatory countries. Its philosophical legitimacy is discussed too. For the Ambassador, its legitimacy resides in the fact that, whatever the latitude, we do not see in the eyes of a woman whose son or husband has disappeared, that one suffers differently from place to place. We do not notice in the eyes of a child soldier that the situation is normal because it is cultural. Women do not find normal to be beaten or raped. There are not many ways of suffering from torture. Our legitimacy to put forward this universality is drawn by looking to the reality of the sufferings of those for whom we devote so many efforts. The human rights are universal because the sufferings are universal. ances, implementation of the convention on child soldiers, operation of the Hague international court thanks to a treaty which was requested, amended and adopted by diplomats. He finished his speech by underlining that the French diplomacy is highly interested in the works of these two days and more generally, in the difficult, obstinate and discrete work of the present organizations, and expresses its recognition and its thanks. Before beginning with the first panel of the day, Dr Duterte thanked the Ambassador for his touching speech and in particular for having mentioned child soldiers as this is one of the causes for which he has been fighting for more than ten years but which is very difficult to manage with the French administration. Mr Zimeray concluded his speech by stressing the role of diplomacy in the fight for Human rights, indicating that it is not a question only of judgments or moral standpoints but especially of the rights, existing or not, applied or not, and the action of governments may be judged only by taking this into account. From this point of view, he noted that the assessment of the French diplomacy is remarkable: support with Argentina the convention on forced disappear19 Migration légale et clandestine en Europe, asile, traite des êtres humains : influence sur l’accueil et l’accompagnement des victimes de torture Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours D'Exil Le premier panel de la journée était constitué de M. Paul McDonough, chercheur du conseil européen sur les réfugiés et exilés (ECRE), Mme Xenia Messariti, fonctionnaire de la Commission européenne - Unité Asile, M. Philippe Tremblay, chargé de programme de l’association pour la prévention de la torture (APT) et de M. Mathieu André, chargé des affaires européennes, Forum Réfugiés. M. McDonough a expliqué le rôle d’ECRE en tant qu’organisation de société civile chargée de mise en réseau et de lobbying, qui coordonne soixante-huit agences en Europe. Qualification qui n’indique pas clairement les cas de torture, la directive Redirection et celle des procédures d’asile. Il a mis l’accent sur l’instauration de la protection subsidiaire qui rend la protection des victimes obligatoire même quand il s’agit de torture par des acEn citant des statistiques, il a indiqué le re- teurs non étatiques. cord actuel de vingt-cinq millions de réfugiés et déplacés dans le monde (estimation UNH- En ce qui concerne les victimes de torture et CR), notamment en provenance de l’Irak et leur protection, il a cité le problème des fronde l’Afghanistan mais aussi de la Somalie, du tières européennes, où le personnel n’a pas la Soudan, de RDC, etc. formation nécessaire pour gérer des personIl y avait environ 650.000 nouveaux réfugiés nes traumatisées et ne fait pas de distinction en 2007, 14% vers l’Europe. Le nombre de de- entre les réfugiés. De plus, les arrivants ont mandeurs d’asile en Europe est en baisse, des difficultés à approcher des personnes en puisqu’il est actuellement plus petit que le uniforme, à parler de leurs expériences et à nombre des demandeurs d’asile en Allemagne mémoriser les procédures. Ils n’ont pas droit en 1991. à une assistance juridique gratuite et les avocats ne sont pas assez nombreux pour pouvoir Etant donné qu’une des raisons principales de traiter les milliers de demandes d’asile qui se la fuite d’un réfugié est l’instabilité, il est présentent chaque année. normal que ces chiffres soient en baisse, puisque les régions autour de l’Union européenne Pour conclure, il a indiqué que les lieux de deviennent plus stables. Mais les conflits dans détention sont le dernier endroit où placer le monde créent plus de réfugiés, qui se diri- une victime, que les longues procédures adgent loin de l’Europe. ministratives peuvent limiter la protection L’Irak est actuellement le pays d’origine prin- des réfugiés et qu’une aide médicale et psycipal. La Suède a jusqu’à présent accepté une chologique supplémentaire pour ces persongrande majorité de réfugiés, mais ne qualifie nes est indispensable. désormais plus la situation en Irak comme un conflit armé. L’Europe n’est plus si accueillante à cause des contrôles renforcés et du manque de distinction entre réfugiés et autres immigrants. M. McDonough a ensuite évoqué les quatre directives européennes qui sont actuellement en révision : la directive Accueil, la directive 20 Legal and illegal immigration in Europe, asylum, trade of human beings: influence on hosting and rehabilitation of torture victims Moderator: Hélène de Rengervé, Administrative and financial director, Parcours D'Exil The first panel of the day gathered Mr Paul McDonough, research officer of the European Council on Refugees and Exile (ECRE), Mrs Xenia Messariti, policy officer of the European commission Asylum Unit, Mr Philippe Tremblay, programme officer of the Association for the Prevention of Torture (APT) and Mr Mathieu André, project officer for European affairs for Forum Refugiés. Mr McDonough explained the role of ECRE as a networking and lobbying civil society organization, which coordinates 68 agencies in Europe. Giving some statistics, he indicated the current record of 25 million refugees and displaced persons around the world (UNHCR estimation), in particular coming from Iraq and Afghanistan but also from Somalia, Sudan, DRC etc. There were approximately 650.000 new refugees in 2007, 14% towards Europe. The number of asylum requests in Europe is declining, since it is currently smaller than the one of asylum requests in Germany in 1991. Since one of the primary reasons for the escape of a refugee is instability, it is normal that these figures are falling, since the areas around European Union have become more stable. But the conflicts in the world create more refugees, who move far from Europe. Iraq is currently the main country of origin. Sweden had accepted until recently a large majority of refugees, but this may change as the Swedish State does no longer aknowledge the situation in Iraq as an armed conflict. Europe is less accessible because of reinforced controls and the lack of distinction between refugees and other migrants. and the one concerning asylum procedures. He stressed the introduction of the subsidiary protection which makes the protection of victims obligatory even when torture has been committed by non-state actors. Regarding torture victims and their protection, he quoted the problem of the European borders, where the staff has not been trained to deal with traumatized people and does not make distinction among refugees. Moreover, these people face difficulties to approach people in uniforms, to speak about their experiences and to memorize procedures. The refugees are not entitled to a free legal assistance and the lawyers are not numerous enough in order to be able to treat thousands of asylum requests each year. To conclude, he indicated that the places of detention are not a place where to put a victim, that the long administrative procedures can limit protection of refugees and that additional medical and psychological assistance for these people is essential. Mr McDonough then evoked the four European directives which are currently in revision: the “reception” directive, the “qualification” directive which does not clearly indicate the case of torture, the “redirection” directive 21 Mme Xenia Messariti, représentante de la Commission européenne, a exposé les acquis européens en matière d’asile mettant l’accent sur les personnes vulnérables. Elle a aussi parlé des développements à venir et a invité les participants à proposer des améliorations aux politiques européennes, afin d’assurer un niveau correct de suivi thérapeutique des personnes vulnérables pendant la « deuxième étape de législation d’asile » qui sera bientôt instaurée. Après avoir mentionné le cadre général de la politique d’asile dans l’Union européenne (base légale, instruments concernant l’asile, standards minimum, conditions d’accueil, statut de réfugié etc.) elle a mis l’accent sur la directive Accueil (2003 avec date limite de transposition aux lois nationales en février 2007). Celle-ci indique plus explicitement le cas de personnes avec des besoins spécifiques et s’applique à toute personne présentant une demande d’asile aux frontières d’un état européen, ainsi qu’à leurs familles. Cette directive (2003/9/CE) a pour but d’assurer des bonnes conditions de vie aux demandeurs d’asile, notamment l’accès au logement, nourriture, vêtements (art.13), la santé (art.15), l’éducation des mineurs et l’information sur les organisations ou groupes de personnes qui pourraient fournir de l’assistance. La directive détermine clairement une liste de personnes ayant des besoins spécifiques : mineurs ; handicapés ; personnes âgées ; femmes enceintes ; familles monoparentales ; victimes de torture, viol ou autre forme de violence physique, psychologique ou sexuelle. La liste est ouverte et inclut de nombreux autres exemples intégrés par les pays européens. Une fois les besoins spécifiques identifiés suite à une évaluation individuelle, la directive oblige les Etats membres de l’Union européenne à prêter une attention particulière à ces personnes, notamment en ce qui concerne la réception de matériel, l’assistance médicale et le logement. Un accent particulier est mis sur trois catégories : mineurs, mineurs non accompagnés et victimes de torture. Le problème est que la directive Accueil n’a pas réussi à harmoniser les politiques nationales sur la réception des demandeurs d’asile, étant donné qu’elle laisse aux Etats une grande marge de manœuvre pour son implémentation. Par conséquent, il y a actuellement des standards inadéquats de réception des personnes ayant des besoins spécifiques. De plus, les pratiques d’identi22 fication de ces besoins sont très faibles dans la majorité des Etats européens. Des solutions afin d’assurer que les besoins spécifiques soient traités de façon appropriée sont proposées dans le cadre de la deuxième phase du système commun d’asile européen (CEAS). La Commission européenne s’engage dans cette direction et propose des mécanismes au niveau national pour identifier les besoins spécifiques et un suivi des cas individuels. La liste sera élargie afin d’inclure d’autres catégories comme les victimes de la traite humaine. Il faudra également s’assurer que l’accès aux soins sera équivalent à celui des résidents du pays d’accueil, que l’accès à l’éducation des mineurs sera facilité, que les victimes de torture auront accès aux centres de réhabilitation et au traitement médical et psychologique adéquat. Une formation est requise pour les personnes qui travaillent avec des victimes. La détention est limitée sauf dans des cas exceptionnels ou quand elle est conforme aux principes de proportionnalité et de nécessité. Elle doit faire l’objet d’un monitoring régulier. La détention des mineurs est interdite, sauf si c’est dans leur intérêt. La Commission européenne proposera également des amendements à la régulation de Dublin II, qui avait pour objectif de réglementer les relations entre les autorités nationales et pas entre les autorités et les individus, sans donc prévoir des mécanismes pour les demandeurs ayant des besoins spécifiques, notamment concernant la procédure de transfert. Le transfert des personnes vulnérables sera autorisé seulement si leur situation le permet et sera suivi par un échange des informations médicales afin d’assurer le monitoring des cas spécifiques et le suivi du traitement nécessaire. Pour conclure, Mme Messariti a souligné les initiatives en dehors du cadre légal, et notamment celles des ONG. La société civile a un rôle important à jouer, afin de donner aux institutions européennes une image concrète de la situation au niveau national et de contribuer au développement de bonnes pratiques. Dans le cadre de la deuxième étape de législation d’asile, il faut tenir compte de besoins sociaux des demandeurs d’asile d’abord. Suite à cette intervention, Mme de Rengervé (Parcours d’Exil) a indiqué les liens particuliers de l’association avec Forum Réfugiés pour la création d’un centre de soins à Lyon, afin de pallier le manque de soins en cette région. Mrs Xenia Messariti, representing the European Commission, exposed the European assets regarding asylum, with a focus on the vulnerable people. She also spoke about the upcoming developments and invited the participants to propose improvements on European policies, in order to ensure a correct level of treatment of vulnerable people during the “second phase of asylum legislation” which is going to be implemented. After mentioning the general framework of the asylum policy in the European Union (legal bases, instruments concerning asylum, minimum standards, reception conditions, statute of refugee etc.) she put the stress on the Reception directive (2003 with deadline of transposition to national laws in February 2007). This directive, which more explicitly indicates the case of people with special needs, applies to any person who presents an asylum request at the borders of any European state, and applies also to his family. The purpose of this directive (2003/9/CE) is to ensure good life conditions to asylum seekers, in particular the access to housing, food, clothing (art.13), health (art.15), the education of minors and information about organizations or groups of people who could provide assistance. The directive determines a list of people clearly having special needs: minors, handicapped, elderly, pregnant women, single-parent families and victims of torture, rape or another form of physical, psychological or sexual violence. The list is open and includes many other examples integrated by European countries. Once the special needs identified following an individual evaluation, the directive obliges the European Union Member States to pay special attention to these people, in particular regarding the reception of material and medical help and housing. A particular stress is laid on three categories: minors, unaccompanied minors and torture victims. The problem is that the Reception directive has not succeeded in harmonizing national policies on the reception of asylum seekers, and leaves a large space for manoeuvre to the States for its implementation. Consequently, there are currently inadequate standards of reception of people having special needs. Moreover, the identification practices of these needs are very poor in the majority of the European States. Solutions in order to ensure 23 that the special needs are treated in a suitable way are proposed within the framework of the second phase of the Common European Asylum System (CEAS). The European Commission is committed in this direction and proposes mechanisms at national level to identify the special needs and a follow-up of the individual cases. The list will be widened in order to include other categories like victims of human trafficking. It will also have to make sure that person having special need will be granted an equal access to care services than that of the host country residents, that the access to education of minors will be facilitated, that the torture victims will have access to rehabilitation centres, and to medical and psychological adequate care. People working with victims have to be trained. The use of detention is limited except in exceptional cases and when it is in line with the principles of proportionality and necessity. It must be under regular monitoring. Detention of minors is prohibited unless it is in their best interest. The European Commission will also propose amendments to the Regulation of Dublin II, which objective is to regulate relations between national authorities and not between the authorities and individuals, without thus envisaging mechanisms for the applicants having special needs, in particular concerning the transfer procedure. Transfer of vulnerable people will be authorized only if their situation allows it and is followed by an exchange of medical information in order to ensure the monitoring of specific cases and follow-up of the necessary treatment. To conclude, Mrs Messariti underlined the initiatives outside the legal framework, and in particular by NGOs. Civil society has an important role to play, in order to give to the European institutions a concrete image of the situation at national level and to contribute to the development of good practices. Within the framework of the second phase of the asylum policy, it is necessary to take first into account the social needs of asylum seekers. Following this intervention, Mrs de Rengervé (Parcours d’Exil) indicated the particular bonds created with the NGO Forum Refugiés, for the creation of a health care centre in Lyon, in order to reduce the lack of care in that area. M. Philippe Tremblay représentait l’association pour la prévention de la torture (APT), ONG internationale ayant son siège à Genève et fondée il y a 30 ans. L’APT œuvre dans ce domaine de diverses façons ; par une action de lobbying, de plaidoirie pour la ratification des traités pertinents, par un soutien technique aux Etats dans la mise en œuvre de lois et par des activités de formation. Il a présenté un ensemble de textes internationaux, qui forment les « balises de l’intervention » des organisations internationales en matière de lutte contre la torture. Il n’a pas développé sur les textes et mécanismes européens pertinents, tout en reconnaissant qu’ils peuvent être plus efficaces que ceux des Nations unies. Il cite la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) qu’il a qualifiée de socle sur lequel la protection contre la torture se construit, même si elle a une force moindre que les traités et conventions et que le droit international a beaucoup évolué depuis. Depuis 1949, il y a eu la convention de Genève qui protège les personnes contre les actes de torture dans les situations de conflit armé (« art. 4 : protection des civils dans des conflits armés ») ; le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’ONU en 1966 et signé aujourd’hui par 160 Etats, et qui est un traité contraignant (l’article 7 reprend l’interdiction de la DUDH « de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ; « Art. 10 : obligation positive de traiter tous détenus avec respect ») ; la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU (1984), qui explique les obligations des Etats en la matière ; le protocole facultatif à la convention contre la torture (OPCAT, 2002), qui constitue un traité de nouvelle génération car il n’énonce pas de droits de l’Homme mais qui, à partir de l’obligation de prendre des mesures nécessaires pour la prévention de la torture, propose la mise en place d’un système de visites des lieux de détention sur l’ensemble d’un territoire national et des entretiens confidentiels avec les détenus. Jusqu’à présent, seuls 36 Etats ont ratifié ce protocole. La protection juridique, qui est donc absolue, est menacée suite aux événements du 11 septembre 2001 par certains gouvernements qui cherchent des excep- tions, changent les méthodes d’interrogatoire et cherchent le seuil de souffrance tolérable. M. Tremblay a rappelé le scénario de la « bombe à retardement » évoqué par certaines administrations : est-il légitime de torturer quelqu’un qui saurait où se trouve une bombe afin de sauver d’autres vies ? Il a également rappelé les séries télévisées utilisant la torture. Il a souligné que l’APT combat cette perception et qu’elle a organisé en 2007, avec de partenaires universitaires, enquêteurs, etc. une conférence au cours de laquelle on a cherché à déconstruire ce scénario et à réaffirmer l’importance de la prohibition de la torture. Les obligations étatiques sont l’interdiction de la torture et la pénalisation des actes de torture, y compris la complicité et l’incitation. Certains Etats ont cherché à démontrer qu’ils avaient dans leur code pénal des infractions qui couvrent cette obligation, mais l’APT souhaite des amendements clairs. Il a ensuite rappelé la définition de la torture, donnée par la convention contre la torture : « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite». Il est donc interdit d’utiliser des informations obtenues sous la torture. Cela enlève toute justification à l’utilisation de la torture. Il est également interdit de transférer une personne là où elle risque d’être soumise à la torture, que le transfert soit officiel ou pas (exemple de la pratique de la CIA avec les vols secrets). Il a évoqué aussi le principe du non refoulement qui indique une protection absolue où l’on ne s’intéresse pas aux raisons pour lesquelles une personne serait torturée, ni aux actes qui lui sont reprochés (contrairement à la convention relative aux droits des réfugiés). 24 Mr Philippe Tremblay represented the Association for the Prevention of Torture (APT), international NGO with headquarters in Geneva and founded 30 years ago. The APT has different kinds of action: lobbying, pleading for the ratification of relevant treaties, technical support to different countries for the implementation of laws and training activities. He presented an overview of international texts, which constitute the “markers of the intervention” of international organizations regarding the fight against torture. He did not elaborate on the relevant texts and European mechanisms, although he admitted that they can be more effective than those of United Nations. He quoted the Universal Declaration of Human Rights (UDHR) which he defined as the basis on which protection against torture is built, even if it is less powerful than treaties and conventions and international laws, which has evolved. Since 1949, there have been many juridical tools: - the Geneva Convention, protecting people against acts of torture in case of armed conflicts (“Article 4: protection of civilians in armed conflicts”); - the international pact on civil and political rights, adopted by United Nations in 1966 and signed today by 160 States, as a binding treaty (art 7: recalls the prohibition of the UDHR “of torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment”; Article 10: obligation to treat all prisoners with respect); - the Convention against torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment (UN 1984), which explains the obligations of States in this matter; - the Optional Protocol to the Convention Against Torture (OPCAT 2002), which constitutes a new generation treaty because it does not state human rights but elaborates the obligation to take necessary measures for the prevention of torture, by proposing the establishment of a visiting system of detention places within a national territory and confidential discussions with prisoners. Until now, only 36 states have ratified this protocol. threatened since the events of 11 September 2001 by some governments seeking exceptions, changing the interrogation methods and seeking the tolerable threshold of suffering. Mr Tremblay pointed out the “time bomb” scenario evoked by certain administrations: should somebody torture someone who knows where a bomb is, in order to save other lives? He also pointed out the TV programs using torture. He stressed that the APT has been fighting against this perception and that it organized in 2007, together with university partners, investigators etc., a conference during which they tried to deconstruct this scenario and to reaffirm the importance of the prohibition of torture. The official obligations refer to the prohibition of torture and the penalization of acts of torture, including complicity and incentive. Certain States tried to show that they dispose, within their penal code, of infringements which cover this obligation. But the APT wishes clear amendments. He then pointed out the definition of torture, given by the Convention Against Torture: “Any act by which severe pain or suffering, whether physical or mental, is intentionally inflicted on a person for such purposes as obtaining from him or a third person information or a confession, punishing him for an act he or a third person has committed or is suspected of having committed, or intimidating or coercing him or a third person, or for any reason based on discrimination of any kind, when such pain or suffering is inflicted by or at the instigation of or with the consent or acquiescence of a public official or other person acting in an official capacity”. It is thus forbidden to use the information obtained under torture. This removes any justification of the use of torture. It is also forbidden to transfer a person where he/she is likely to be subjected to torture, whether the transfer is official or not (example of the CIA practice of secret flights) He also evoked the principle of “nonrefoulement” which indicates an absolute protection where one is not interested in the reasons for which a person would be tortured, nor in the acts which are reproached to him (differs from convention relative to the rights of the refugees). The legal protection, which is thus absolute, is 25 Certains Etats tentent de contourner l’obligation de non refoulement comme par exemple par les assurances diplomatiques : si on renvoie des personnes chez elles, l’Etat récepteur s’engagerait à traiter les personnes selon les conventions internationales ; ces assurances ne protègent pas légalement de la torture. Afin qu’une prévention existe, les Etats doivent incorporer l’interdiction de la torture dans les manuels de la police et des gardiens de prison, procéder aux examens médicaux des déte- nus, donner accès aux avocats, enregistrer les détenus et avoir l’ obligation d’enquête en cas de plainte. M. Tremblay a conclu en abordant la compétence universelle qui consiste pour un Etat en un devoir d’arrêter une personne soupçonnée de torture même si les actes ont été commis sur un autre territoire. Cet Etat doit ensuite extrader le suspect vers le pays où les actes ont été commis ou bien enclencher lui-même une procédure. M. Mathieu André a ensuite expliqué le rôle de Forum Réfugiés, qui accompagne des réfugiés depuis leur arrivée en France depuis vingt- vulnérables, par exemple les familles, les enfants, les malades qui ne peuvent pas affronter les mois, voir les années de fuite et les conditions de voyage et de vie. M. André a insisté à la fin sur la nécessité de bâtir un système d’asile européen ayant un sens, ce qui est évidement très difficile dans le contexte actuel (les frontières se ferment, les personnes circulent à travers des systèmes très contrôlés, les réfugiés à l’extérieur de l’UE seront plus longtemps en exil prolongé sans perspective). Selon l’UNHCR il faut 17 années d’attente pour espérer voir une solution durable pour ces personnes ! La réponse de l’UE pourrait être la suivante : • Les garde-frontières doivent distinguer parmi les migrants les personnes à la recherche d’une protection internationale pour que les frontières ne deviennent pas étanches pour les réfugiés et que le système d’asile européen ne devienne pas une coquille vide ; • Il faut créer des voies d’accès légales avec la possibilité de rentrer légalement sur le territoire européen pour demander l’asile, tout comme il sera possible de le faire pour travailler. Mais si l’on s’en tient au pacte européen, ces entrées protégées ne sont pas à l’ordre du jour ; • La réinstallation, avec la recherche volontaire de réfugiés dans leur pays d’origine, lorsqu’ils sont en danger dans le pays d’accueil. Il importe de noter que l’UE dispose de 5000 places de réinstallation tandis que le HCR indique le besoin de 500.000. Le représentant de Forum Réfugiés a conclu en soulignant que la diplomatie européenne a un rôle très important dans la protection des droits des réfugiés et que la question essentielle reste la volonté politique. cinq ans. Il a souligné d’abord que l’Europe doit mettre ses politiques dans une perspective mondiale afin de résoudre les problèmes des réfugiés. 12 millions de réfugiés dans le monde auxquels il faut ajouter les 2 millions de réfugiés palestiniens, 25 à 30 millions si on inclut les personnes déplacées dans leurs pays à la recherche d’une protection, réparties inégalement sur la planète (30% Asie, 25% Afrique ; 70 à 75% dans des pays en développement). Environ 7 millions de réfugiés restent bloqués dans les camps de réfugiés, dans des zones éloignées, frontalières ou de combat, sans droits fondamentaux, sans liberté de circulation et sans aucune perspective ni d’intégration ni de retour. En citant l’exil depuis plusieurs décennies des 300.000 Burundais en Tanzanie, sans droit de travailler dans les camps, des 300.000 Vietnamiens en Chine et des 2.000.000 d’Afghans en Iran et au Pakistan, M. André a expliqué que le chiffre européen de 1,5 millions réfugiés (15% du monde entier) plus 200.000 à 250.000 demandeurs d’asile par an est faible. Il a noté qu’en France par exemple, nous comptons 1 réfugié pour 1.300 habitants, tandis que ce chiffre s’élève à 1 pour 6 en Tanzanie ! La majorité des réfugiés restent dans leur région d’origine, mais certains viennent en Europe, notamment parce qu’ils peuvent l’atteindre (90% y arrivent irrégulièrement via les passeurs dont ils dépendent) en espérant bénéficier de l’aide à s’intégrer, avoir des perspectives personnelles. Mais les premiers exclus sont les plus 26 Some States trie to circumvent the obligation of non-refoulement such as for example by the diplomatic insurances: if we force people to return, the receiving State would treat them according to international conventions; these insurances do not legally protect from torture. In order for prevention to exist, countries must incorporate the prohibition of torture in the police and prison warders’ handbooks, carry out medical examinations of prisoners, give access to lawyers, record prisoners and have the obligation of investigation in case of complaint. Mr Tremblay concluded by mentioning the universal competence which consists, for a State, in a duty to arrest a person suspected of torture even if the acts were committed within another territory. This State must then extradite the suspect towards the country where the acts took place or engage a procedure itself. Mr Mathieu André explained the role of “Forum Refugiés”, which accompanies refugees in France for 25 years. He initially underlined that Europe should considerate its policies in a most global way in order to solve the problems of refugees. There are nowadays 12 million refugees in the world, plus another 2 million Palestinian refugees, going to a total of 25 to 30 million if one includes the persons internally displaced, searching for protection, distributed unequally on the planet (30% Asia, 25% Africa, 70 to 75% in developing countries). Approximately 7 million refugees remain blocked in refugee camps, in distant, frontier or combat zones, without basic right, freedom of circulation or any prospect for integration nor return. conditions. Mr André insisted on the need of building a European asylum system with a strong meaning. But this is obviously very difficult to implement within the current context (borders are closed, people circulate through controlled systems, refugees outside the EU will be longer in prolonged exile, without prospect). According to the UNHCR the average waiting time for refugees in order to get a sustainable solution to their situation is 17 years! The EU answer could be the following: • The frontier guards must distinguish among migrants those people searching for international protection, so that the borders do not become tight for the refugees and that the European asylum system does not become an empty shell. • It is necessary to create legal access paths with the possibility of entering legally on the European territory to seek asylum, just like it will be possible to do it for work. But according to the current European pact, these protected entries are not within the agenda. • The re-instalment, by voluntary research for refugees in their country of origin, when they are in danger in the hosting country. It is important to note that the EU has 5000 places of re-instalment while the HCR indicates the need for 500.000. By underlining the exile during several decades of 300.000 Burundians in Tanzania, in camps without right to work, of 300.000 Vietnamese in China and 2.000.000 Afghans in Iran and Pakistan, Mr André explained that the European figure of 1,5 million refugees (15% of the global number), plus 200.000 to 250.000 request asyluMissper annum, is weak. He noted that in France, for example, we count 1 refugee for 1.300 inhabitants, while this figure is 1 for 6 in Tanzania! The majority of refugees remain in their area of origin, but some come to Europe, in particular because they are able to reach it (90% arrive irregularly via the human smugglers on which they depend) hoping for an assistance for integration, for personal prospects. But the first excluded are the most vulnerable, e.g. families, children, patients who can not face months, even years of escape and the travel and life The Forum Refugiés representative concluded by stressing that the European diplomacy has a very important role in the protection of the refugees rights and that the political will remains the crucial issue. 27 Les priorités de la Présidence française et les victimes de torture : conséquences de la « fermeture » de l’Europe sur les conditions d’accueil et de prise en soin des victimes La deuxième table ronde de la matinée avait pour panélistes M. Jean-Pierre Guardiola, chef du service Asile au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire ; Mme Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au centre d’études de relations internationales (CERI) ; et M. Eric Panloup, chef d’escadron à la délégation aux victimes (DAV), ministère de l’Intérieur et des DOM-TOM. M. Guardiola a parlé au nom du ministre M. Hortefeux, qui avait donné son patronage à la conférence. Il a commencé son intervention en exprimant son désaccord avec le mot « fermeture » du titre de la table ronde, en indiquant qu’en 2007 l’OFPRA et la cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont rendu 8.816 décisions d’attribution du statut de réfugié, contre 7.380 en 2006, soit une augmentation de 19,5%, qui signifie qu’actuellement plus d’un demandeur d’asile sur trois se voit reconnaître le statut en France. Il a ensuite évoqué le « Pacte européen sur l’immigration et l’asile », initiative de la France lors de sa présidence de l’Union européenne, qui a été adopté au dernier Conseil européen. En le qualifiant de « feuille de route » sur les questions migratoires et sur l’asile, il a indiqué qu’un important travail législatif sera lancé par la Commission européenne dans les mois qui viennent, visant à apporter des modifications aux directives européennes en matière d’asile. Il a également mentionné la mise en place d’un bureau d’appui européen en matière d’asile au premier trimestre 2009, qui facilitera la coopération entre les Etats membres de l’UE, le partage d’informations et l’échange de bonnes pratiques. La nécessité d’une telle structure est évidente si on regarde les divergences dans les taux de reconnaissance du statut de réfugié selon les nationalités dans les pays européens (ex : le statut de réfugié pour ressortissants irakiens va de 1% à plus de 90% - 52% en France) tion irrégulière et les filières mafieuses ne devrait pas avoir pour conséquence de rendre plus difficile l’accès à cette protection. Se référant à la législation française, il a indiqué la protection subsidiaire, introduite par la directive 29/04/2004, reflétée dans la loi française depuis décembre 2003, permettant de couvrir les situations qui ne sont pas couvertes par la convention de Genève, notamment les cas des personnes exposées aux traitements contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme. Le droit d’asile est donc fortifié. Toutefois, la marge de manœuvre dans l’interprétation des textes a pour conséquence le fait que les taux d’octroi divergent entre les pays européens. La différence de traitement entre réfugiés et subsidiaires ne se justifie pas et prouve la nécessité de l’approfondissement de la réflexion sur l’harmonisation, allant dans le sens de la suppression de ces disparités. L’adoption de statut uniforme d’ici 2012, préconisée par le pacte européen, devrait répondre à ces difficultés. M. Guardiola a insisté pour finir sur la nécessaire association de la société civile à ce travail de construction d’une Europe de l’asile. Les pouvoirs publics et les institutions européennes ont besoin des témoignages, des analyses, des propositions ainsi que des critiques constructives. Comme exemple de cette association, il a cité la conférence ministérielle sur l’asile, organisée par M. Hortefeux les 8 et 9 septembre dernier à Paris, qui a exprimé la volonté politique dans cette direction. Une autre orientation donnée par le Pacte est Il a conclu en invitant les organisations particil’accès à la procédure d’asile à l’extérieur des pantes à présenter des propositions dans ce frontières de l’UE. Le renforcement des contrô- sens. les aux frontières pour lutter contre l’immigra28 Priorities of the French presidency and torture victims: consequences of “closing” Europe regarding hosting and treatment conditions of torture victims The keynotes speakers of the second round table were Mr Jean-Pierre Guardiola, chief of the asylum department of the Ministry of immigration, integration, national identity and codevelopment ; Mrs Catherine Wihtol de Wenden, research director at the CERI/CNRS ; and Mr Eric Panloup, from the delegation for victims, of the Ministry of Interior, Overseas and Territorial Communities. Mr Guardiola spoke in the name of the minister Mr Hortefeux, who had given his patronage to the conference. He began by expressing his disagreement with the term “closing” of the roundtable title, by indicating that in 2007 the OFPRA and the National Court of Asylum Right (CNDA) attributed 8.816 statutes of refugee, against 7.380 in 2006, showing an increase of 19,5%, which means that currently more than one asylum request out of three obtains the statute of refugee in France. Then he mentioned the “European Pact on immigration and asylum”, French initiative during its presidency of the European Union, which was adopted at the last European Council. By describing it as “roadmap” on migratory questions and asylum, he indicated that an important legislative work will be launched by the European Commission. Its aim is to modify European directives regarding asylum. He also mentioned the establishment of a European support office in charge of asylum in the first quarter of 2009, which will facilitate the cooperation between EU member States, by spreading information and exchanging good practices. The need for such a structure is obvious if one looks at the divergences in the rates of recognition of the statute of refugee according to nationalities in European countries E.g., the rate of acceptance of the refugee statute for Iraqi nationals goes from 1% to more than 90% and is of 52% in France. Another orientation given by the Pact is the access to asylum procedures outside the borders of the EU. The reinforcement of control at the borders in order to fight against irregular immigration and criminal groups was not supposed to have as consequence a more difficult access to this protection. Referring to the French legislation, he indicated that subsidiary protection, introduced by the European directive 29/04/2004, is reflected in the French law since December 2003, making it possible to cover situations which are not covered by the Geneva convention, in particular cases of people exposed to treatments contrary to the European Convention of Human Rights. The right of asylum is thus strengthened. However, a consequence of the many ways of interpretation of these texts is the diverging granting rates between European countries. The difference of treatment between refugees and subsidiaries is not justified and proves the need for more reflexion on an harmonization going in the direction of suppressing these differences. The adoption of a unified statute until 2012, recommended by the European Pact, should bring an answer to these difficulties. Last but not least, Mr Guardiola focused on the necessary association of the civil society to the building of a Europe of asylum. The public authorities and the European institutions need testimonies, analyses, proposals as well as constructive criticisms. As an example of this association, he indicated the ministerial conference on asylum, organised by Mr Hortefeux on 8 September 2008 in Paris, which expressed the political will in this direction. He concluded by inviting the participating organizations to present proposals in this direction. 29 Après les remerciements de la part de Parcours d’Exil, exprimés par Mme de Rengervé, pour cette ouverture, l’opportunité de dialogue ainsi que le patronage du ministère, Mme Catherine Wihtol de Wenden a pris la parole. Elle a exprimé son avis que l’idée de « l’Europe de l’asile » dans le pacte est positive mais que les pratiques sont problématiques pour les droits de l’Homme. Donnant un aperçu de la situation, elle a évoqué l’afflux des demandes d’asile en Europe au début des années 90 (438.000 demandes en 1992 en Allemagne) qui s’est réduit ces dernières années. La volonté des Etats de « partager le fardeau » justifie l’idée d’une politique européenne. Ainsi la convention de Dublin en 1990 et le règlement Dublin II en 2003 ont mis fin à ce qui était intitulé asylum shopping. Désormais, quand une demande d’asile est refusée une fois, il n’y a pas de possibilité de faire une autre demande dans un autre pays membre de l’UE. Mais ceci réduit le droit d’asile au fil du temps ; on ne peut être réfugié que si on est demandeur dans le premier pays où l’on arrive dans l’UE. La politique européenne devient difficile et les formules d’asile développées pour les cas qui ne sont pas couverts par la convention de Genève créent un système dispersé. Par exemple, la France a décidé de supprimer le droit de travail afin qu’il n’y ait plus de « faux réfugiés » (1991) tandis que ce droit a été rétabli en Allemagne la même année afin d’éviter que les gens ne soient « payés à ne rien faire ». L’opinion publique a conduit à des politiques plus diverses, plus dispersées, réduites par rapport aux principes constitutionnels de la reconnaissance du droit d’asile et à la convention de Genève. sonnes sur place : asile interne, définition de périmètres de protection listes de « pays tiers sûrs ». Pour conclure, elle a indiqué que beaucoup de pays européens interviennent à des fins de protection dans des pays en crise, rendant ambigüe la notion de protection. Par exemple, en Côte d’Ivoire, la France est intervenue pour pacification. Quand l’OFPRA se prononçait sur la sécurité des personnes sur place, cela voulait dire qu’ils appréciaient le travail de la défense française. La marge d’autonomie de la personne est ainsi réduite ainsi que la possibilité de demander l’asile, donc le principe de l’asile est réduit aussi. La convention de Genève est maintenue mais dans un système d’asile européen qui est en train de se créer, où les sensibilités sont différentes au vu des situations internationales. La mise en œuvre de la dimension « contrôle » des personnes entrées irrégulièrement rend l’accès au territoire européen de plus en plus difficile. Les pays aux frontières externes ont un rôle de contrôle et de fermeture (Maroc, Turquie, etc.) avec des personnes en situation de « sas » ; ce travail de « tri » est effectué par des pays qui ne sont pas toujours des gardiens des droits de l’Homme comme la Libye. Le contrôle des personnes conduit à des situations posant des problème en terme de droits de l’Homme : centres de rétention, violence lors des reconductions à la frontière ou des contrôles d’identité… On note la volonté d’une plus grande efficacité mais aussi des tentatives d’ « européanisation » de l’asile qui grignotent les fondamentaux du droit d’asile. Mme de Wenden a ensuite expliqué que sous l’influence de l’urgence, de la crise et des orientations humanitaires, le droit d’asile est répandu plutôt dans une tendance sécuritaire (ex. : utilisé par l’UE pour contrôler les frontières) et a pris la forme de la protection des per30 Mrs de Rengervé thanked on behalf of Parcours d’Exil for the opening, the opportunity for dialogue as well as the patronage of the Ministry. Then, Mrs Catherine Wihtol de Wenden took the floor. She expressed her opinion that the idea of “Europe of Asylum” in the pact is positive but that the practices are problematic for Human Rights. Giving an outline of the situation, she mentioned the inflow of asylum requests in Europe at the beginning of the 90’s (438.000 requests in 1992 in Germany) which has reduced over the last years. The will of the countries to “share the burden” justifies the idea of a European policy. Thus the convention of Dublin in 1990 and the Dublin II regulation in 2003 have put an end to what was entitled “asylum shopping”. From now on, when a request for asylum is refused, there is no possibility of making another request in any other Member State of the EU. But this reduces the right of asylum on a long term basis; the refugee statute can be obtained only if requested in the first country of arrival in the EU. The European policy becomes tougher and the formulas of asylum developed for the cases which are not covered by the Geneva convention create an incoherent system. For example, France decided to suppress the right to work in order to stop the “false refugees” while this right was restored the same year in Germany in order to prevent that people “were paid for doing nothing”. The public opinion led to more various and incoherent policies, reduced compared to the constitutional principles of the recognition of the right of asylum and to the Geneva convention. To conclude, she indicated that many European countries intervene in order to protect people in countries which are in crisis, so that they make the concept of protection ambiguous. For example, in Ivory Coast, France intervened for pacification. When the OFPRA came to a conclusion about the safety of the people on the spot, that wanted to say that they appreciated the work of French army. The individual autonomy is thus reduced as well as the possibility of requiring asylum. Therefore the principle of asylum is reduced too. The convention of Geneva is maintained, but in the frame of the new European asylum system which is being created, and where the sensitivities are different regarding the international situation. The implementation of the control of irregularly entered people makes the access to the European territory increasingly difficult. The countries at the external borders have a role of control and closing (Morocco, Turkey, etc) with people in situation of “airlock”; the work of “sorting out” is made by countries which are not always Human rights guardians, e.g. Libya. The control of migrants may lead to problematic situations in term of Human rights, e.g. retention centres, violence during forced returns to the border or during identity checks. The will for a greater effectiveness exists but also the disavowal through many elements since the attempts at Europeanization of asylum which nibble fundamental right of asylum. Mrs de Wenden then explained that due to the emergency, the crisis and the humanitarian orientations, the right of asylum is widespread rather in a closing tendency (ex: used by the EU to control the borders) and got oriented towards the protection of the people on site: internal asylum, definition of perimeters of protection; lists of safe third countries. 31 M. Eric Panloup est ensuite intervenu sur la traite des êtres humains, sujet lié avec celui des victimes de torture puisque l’exploitation de la souffrance humaine n’a pas de limite et que les personnes en grande détresse forment souvent un terreau particulièrement fertile pour les réseaux criminels. Il a tout d’abord fait une brève présentation de la délégation aux victimes (DAV) : créée en 2005, elle est forte de trois gendarmes et de trois policiers, et a pour mission de s’occuper des victimes d’infraction pénale. Il a ensuite qualifié la traite comme l’une des pires atteintes à la dignité humaine et aux droits de l’Homme. Donnant le cadre juridique, il a cité le protocole de Palerme puis la convention de Varsovie sur la protection des victimes de la traite des êtres humains, en soulignant l’implication de la France sur la scène nationale et internationale dans cette direction et notamment la mise en application sur le territoire français d’un dispositif législatif et réglementaire pour ce qui est du volet répressif visant à combattre les réseaux criminels. Il a également indiqué que la prise en charge des victimes étrangères est inscrite dans le code d’entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d’asile et qu’une volonté forte de politique pénale, recentrant la lutte contre la traite sur la victime, l’oriente de fait vers la protection des victimes qui passe d’abord par la reconnaissance de leur statut (incrimination dans le code pénal ne date que de 2003). En ce qui concerne le suivi des victimes, il devient compliqué lorsque la victime est ressortissante étrangère en situation irrégulière sur le territoire national. La difficulté impose une réflexion commune sur la question, puisque le problème n’est pas celui d’une catégorie de spécialistes mais d’un ensemble pluridisciplinaire d’experts. M. Panloup a évoqué à ce propos les programmes de formation à l’identification des victimes qui seront mis en place en 2009 à destination des policiers et des gendarmes. DEBAT le terme « droit humain » au lieu de « droit de l’Homme » qui peut gêner car il rappelle le « mâle ». Mme de Rengervé a indiqué à ce propos que le terme « droits humains » n’est pas encore accepté par tous, qu’un débat sémantique existe mais que Parcours d’Exil est d’accord avec le terme de « droit humain ». La parole a été donnée ensuite à la salle, afin de poser des questions et de dialoguer avec les intervenants. Mme Véronique Robert, représentante de l’UNHCR France, faisant référence à l’intervention de Mme De Wenden, a donné la position de l’organisation sur l’asile interne : l’UNHCR a toujours insisté pour que les voies de l’asile restent ouvertes et qu’il n’y ait pas de conséquence directe pour les réfugiés cherchant à gagner d’autres pays. Cela a été la condition sine qua non pour la création du statut de réfugié interne. Mme de Wenden a répondu en faisant allusion aux personnes cherchant une protection. Par conséquent, s’il n’y a pas de demande d’asile, il ne peut pas avoir de statut de réfugié de facto. Pour conclure, il a abordé le dispositif d’accueil sécurisant pour les victimes de la traite, mis en place au niveau national en 2002, organisé autour d’associations spécialisées et coordonné en étroite relation avec les ministères concernés. Ce dispositif propose un hébergement sûr à toute personne majeure victime de la traite dont la sécurité n’est pas garantie. Son principe s’appuie sur la confidentialité du lieu, l’éloignement géographique et l’adhésion de la victime. Les délais de présence varient selon le cas (avenir sur territoire français ou souhait de retour dans son pays). A ce jour, environ 300 personnes ont été prises en charge par ce réseau. La représentante du centre de réhabilitation des victimes de torture en Arménie, Mme Larisa Alaverdyan, a indiqué que quand on parle de victimes de torture, il n’est pas clair de quelles procédures on parle. Elle s’est interrogée sur le lien entre le Conseil de l’Europe et les pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne et qui ont beaucoup de problèmes. Mme de Wenden a répondu que dans le cas de ces pays, les instances qui peuvent statuer sont la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour internaUne autre question venant de la salle a été sur tionale et le Conseil de l’Europe. 32 Mr Eric Panloup spoke about the human trafficking, a topic very close to torture victims since the exploitation of human suffering does not face limits and since people in great distress often constitute a fertile ground for criminal networks. He first briefly presented the delegation to victims (DAV) which was created in 2005. Its staff is composed by three “gendarmes” and three police officers. Its mission is to deal with victims of penal offence. He then described the human trafficking like one of worst infringe to human dignity and human rights. Giving the legal framework, he mentioned the Palermo protocol, then the Warsaw convention on the protection of human trafficking victims, underlining the implication of France in the national and international scene in this direction and in particular the establishment in the French territory of legislative measures aiming at fighting criminal networks. He also indicated that the care for foreign victims is written in the code of entry and stay of foreigners and asylum seekers and that a strong will of penal policy, focusing the fight against human trafficking on the victims, orientates it towards the protection of victims which initially goes through the recognition of their statute (entry in the penal code only in 2003). As far as the follow-up of the victims is concerned, it becomes complicated when the victim is a foreigner in irregular situation on the national territory. The difficulty imposes a common reflexion on this question, since the problem is not that of one category of specialists but of a multitude of experts. Mr Panloup mentioned on this issue the training programs aimed at police officers and gendarmes on the identification of victims which will be set up in 2009. DEBATE which can be considered as pointing out the “male”, the term “droits humains” (Human Rights) was proposed. Mrs de Rengervé stated that that a wording debate is existing: even if it has not been accepted by everybody, Parcours d’Exil agrees with the expression “droits humains”. Representing the Centre for rehabilitation of torture victims in Armenia, Mrs Larissa Alaverdyan indicated that when one speaks about torture victims it is not clear to which procedures he refers to. She wondered on the link between the Council of Europe and the countries which are not members of the European Union, and who are facing many problems. Mrs de Wenden answered that in the case of these countries, the competent authorities are the European Court of Human rights, the International Criminal Court and the Council of Europe. The audience then took the floor in order to ask questions and to dialogue with the speakers. Mrs Veronique Robert, representing UNHCR France, referring to the intervention of Mrs de Wenden, gave the position of the organization about internal asylum: the UNHCR has always insisted that the “paths for asylum” remain open and that there would be no direct consequence for refugees seeking to reach other countries. That was the indispensable condition for the creation of the statute of internal refugee. Mrs de Wenden answered by referring to people seeking protection. Consequently, if there is no request for asylum, they can not de facto have the refugee statute. Another question was on the term “human right” in French. Instead of “droits de l’Homme” To conclude, he referred to the safe reception plan for human trafficking victims, set up at a national level in 2002: this plan is organised around specialized associations and coordinated in collaboration with concerned ministries. It proposes a safe accommodation to any adult victim of trafficking whose safety is not guaranteed. Its principle is based on the confidentiality of the location, the geographical distance and the will of the victim. The duration of accommodation varies from case to case (does the person have a future in French territory or does he/she wishes to return to the country of origin). Until now, approximately 300 people have been taken care by this network. 33 Séquelles de la torture et influence sur les capacités d’intégration Les dernières interventions de la matinée ont été celles du Dr Pierre Duterte, médecin directeur de Parcours d’Exil, et de Mme Martine Brousse, directrice de l’association « La Voix de l’Enfant ». Le Dr Duterte a essayé de raccourcir son intervention, étant donné le temps limité, en citant le traumatisme comme sujet très important qui met en échec toute ressource individuelle. Il a souligné que la torture a pour but de faire taire, donc que les victimes ne parlent pas. Une formation est indispensable afin de reconnaître les symptômes groupés dans le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), notamment les syndromes de réminiscence, de répétition, qui apparaissent au travers de cauchemars, de voix, de bruits ou d’images. Pour cette raison, les formations des fonctionnaires de l’OFPRA sont importantes car le traumatisme peut empêcher la reconnaissance par les autorités. En comparant ce fonctionnement avec un champ de mines, il a donné l’exemple d’un enfant sierra-léonais qui apprenait à lire et à écrire avec la façon classique (P+A = [pa] : « papa ») lorsqu’il est tombé malade, car ce mot lui a rappelé l’image où il jouait au foot avec la tête de son père ! On ne sait donc jamais ce qui va provoquer une réminiscence. Le Dr Duterte a aussi évoqué d’autres symptômes : l’évitement qui consiste à tout faire pour éviter de se rappeler, d’y penser ; la tendance à l’isolement qui pose problème aux éducateurs voulant absolument socialiser la personne. En citant aussi les troubles de la mémoire et de la concentration, il a donné l’exemple d’universitaires ou enseignants qui disent ne plus pouvoir lire. Les troubles du caractère sont également très importants (irritabilité, violence). Nous pouvons constater de nombreuses demandes de familles pour des problèmes de violence familiale qui se sont déclenchés après la torture. Les personnes demandent alors un traitement pour comprendre pourquoi elles sont devenues comme ça. Ces symptômes sont les plus communs, ainsi que la dépression, les troubles alimentaires ou les toxicomanies pour fuir le souvenir. Ils expliquent les problèmes d’insertion, dès le premier stade des procédures, comme par exemple le refus de statut de réfugié à cause de récits incohérents, non chronologiques (ceci-même est un symptôme car les victimes ne peuvent pas circonstancier et ne peuvent donc pas répondre à l’administration). Justement, « comment parler en public de ce qu’on a vécu ? » En rappelant qu’un exposé de symptômes plus détaillé sera envoyé aux participants à l’issue de la conférence, le Dr Duterte a conclu en soulignant que sans prise en soins, la vie en société est un calvaire quotidien et que cette conférence est importante pour donner une chance aux victimes de se réinscrire dans une vie normale, ce qui serait impossible sans soutien ni thérapie permettant de dépasser les symptômes. Mme Martine Brousse a remercié l’association Parcours d’Exil qui est membre de La Voix de l’Enfant. Elle a commencé son intervention avec une expérience personnelle récente : sa mission dans les territoires occupés palestiniens à la rencontre des enfants, ensemble avec M. Stéphane Hessel, ancien ambassadeur de France à l’ONU. Elle a rappelé les signes difficilement détecta- bles quand il y a eu torture sur un être humain, évoqué par Dr Duterte, ainsi que l’article 3 de la DUDH et l’anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant (tout Etat veille à ce que « l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale »). Mais comment les Etats y veillent-ils dans le cas de torture, de maltraitance, de toute forme d’exploitation dans le monde ? Il a ensuite passé la parole à Mme Brousse, directrice de l’association La Voix de l’Enfant en affirmant que la torture est d’autant plus insupportable quand elle touche les enfants. 34 Sequels of torture and influence on the capacities of integration Dr Pierre Duterte, Medical Director of Parcours d’Exil and Mrs Martine Brousse, director of the association “la Voix de l’Enfant”, were the last speakers of the morning session. Dr Duterte tried to shorten his speech, considering the limited time, by indicating that traumatism is a very important subject which puts in failure every individual resource. He underlined that the purpose of torture is to conceal, therefore victims do not speak. Training is essential in order to recognize symptoms of the Post-Traumatic Stress Depression syndrome (PTSD), in particular those of recollection, repetition, which appear through nightmares, voices, noises or images. For this reason, training civil servants of the OFPRA is important, as traumatism can prevent recognition by the authorities. Comparing this syndrome to a minefield, he gave the example of a lesson at Parcours d’Exil: while learning how to read with the traditional way (D+A = [da] : « Dad »), a child from SierraLeone felt sick. The word “Dad” pointed out the image of him playing football with his father’s head! It is thus impossible to know what will provoke the recollection. Dr Duterte also evoked other symptoms: avoidance which consists on doing everything in order to avoid remembering or thinking; tendency to isolate oneself which is a problem for social workers who absolutely want to socialize the person. By indicating memory disorders and concentration problems, he gave the example of academics or teachers who declare that they can no longer read. The personality disorders are also very impor- tant (irritability, violence). One can note many requests of families concerning problems linked with internal family violence that started after torture. People then ask for a treatment in order to understand why they became like that. These symptoms are very common, together with depression, food disorders or drugaddiction in order to flee from memories. They can explain problems of insertion, as from the first stage of the administrative procedures, such as the refusal of the refugee statute because of incoherent, non chronological narrations (this can be considered as a symptom itself, because victims can not provide full details and therefore can not answer to the administration). But precisely, “how can one speak in public about what one lived?” By recalling that a more detailed presentation of symptoms will be sent to all participants by email after the end of conference, Dr Duterte concluded by stressing that without care, life in society is a daily ordeal and that this conference is important to give a chance to victims to reintegrate a normal life. This would be impossible without support nor therapy which enables them to overcome symptoms. He handed over to Mrs Martine Brousse, director of the association “la Voix de l’Enfant”, affirming that torture is even more unbearable when it harms children Mrs Martine Brousse thanked the being, as explained by Dr Duterte, as well as the association “Parcours d’Exil” which article 3 of the Universal Declaration of Human is member of “la Voix de l’Enfant”. Rights and the anniversary of the international convention on the rights of the child (State ParShe began with a recent personal experience ties shall ensure that “the best interests of the during her mission in the Palestinian occupied child shall be a primary consideration”). territory. She met there children, together with But how do States watch over cases of torture, Mr Stephan Hessel, former French ambassador of mistreatment or any form of exploitation to the United Nations. She pointed out the diffi- around the world? culty in detecting signs of torture on a human 35 L’article 37 de la convention indique : « Les États parties veillent à ce que nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » mais il faut s’interroger sur les moyens des instances internationales pour la mise en œuvre de cet article. Mme Brousse a rappelé que Pierre Duterte a donné des clés pour repérer la torture, mais on passe à côté quand les enfants arrivent en France. Quel est l’accueil pour les mineurs étrangers isolés qui passent par la zone d’attente et sont parfois refoulés ou maintenus dans la zone internationale ? Seule la France n’a qu’une zone pour tous ! Elle se demande comment le pays des droits de l’Homme peut avoir une zone, sur son territoire, qui ne fait pas partie de la France. Dans cette zone d’attente, des mineurs isolés arrivent sans être accueillis ni respectés dans leurs droits, et sont refoulés. D’autres arrivent par filières terrestres ou maritimes et errent dans les rues. D’autres sont victimes de trafic (rappel de la conférence actuelle sur les enfants victimes pour le sport en Afrique). Ces enfants ne sont pas pris en soins par des médecins ou des psychologues compétents, ils sont accueillis et suivis seulement par les associations. Une décision européenne doit être prise pendant la présidence française pour que les enfants soient reconnus comme victimes ; mais la seule reconnaissance serait inutile si elle n’était pas accompagnée d’une hausse des moyens. On peut espérer la mise en place de moyens pour qu’il y ait davantage de centres : comme pour les enfants victimes de violence en France, chaque département devrait avoir un centre pour accueillir les enfants étrangers qui ont fui la violence de leur pays. On entend souvent qu’il n’y a « pas de trace » de cette violence non physique. Il est vrai que les enfants victimes indirectes qui ont vu la violence et l’humiliation de leurs parents et/ou la disparition de proches n’ont pas de trace physique, mais ils sont tout autant victimes. Mme Brousse a conclu en proposant qu’un centre spécialisé soit établi par département, pour l’accueil des mineurs victimes, isolés ou pas, ce qui ferait de la France un modèle en Europe, comme c’est le cas pour les unités médico-judiciaires. Elle a souligné que les mineurs ne pourront pas s’intégrer et devenir des adultes responsables s’ils ne sont pas pris en charge, et qu’au-delà des textes internationaux, il faut qu’on se mette debout, comme stipule le message transmis par M. Hessel, qui a fêté ses 91 ans dans un camp près d’Hébron en Cisjordanie où 12.500 Palestiniens sont enfermés sur leurs terres. Quand les enfants, sans avenir, l’ont interrogé : « Monsieur qu’est-ce que l’on doit faire lorsque l’on n’a plus de liberté sur sa propre terre ? », la réponse fut « Il faut résister, se mobiliser pour faire respecter ses droits et s’il faut, il faut agir. » On doit donc redevenir des résistants, de vrais résistants pour faire valoir le droit des enfants, des personnes dont on doit être digne de dire qu’on est à leurs côtés. n’arrivent pas à se reconstruire car leurs histoires ne sont pas reconnues et qu’on leur demande des preuves. Le Dr Duterte a répondu en expliquant qu’un des drames du traumatisme est le déni, comme par exemple les cas d’inceste et le déni par les proches. Les victimes de torture sont dans le déni permanent car le tortionnaire n’est jamais condamné. Beaucoup de personnes ne sont pas reconnues car elles n’ont pas pu expliquer leur cas et ne sont donc jamais reconnues comme victimes. Le processus d’insertion ne peut donc pas être mis en route. Jean-Pierre Bemba devrait être jugé aussi pour avoir exploité des enfants soldats. Le drame majeur est donc la non reconnaissance des victimes. En clôturant cette session de la maLa représentante du centre de réfugiés EXIL à tinée, Mme de Rengervé a rappelé que le but de Bruxelles s’est exprimée en soulignant l’importan- cette conférence était d’examiner comment faire ce de soutenir les victimes qui sont en Europe et pour reconnaître les victimes. DEBAT La parole a été donnée ensuite à la salle, afin de poser de questions et de dialoguer avec les intervenants. M. Eric Panloup a donné un complément d’information à propos de l’intervention de Mme Brousse : au 1/12/08, il va y avoir, en complément de l’accueil sécurisant des majeurs, une demi-journée de réflexion sur le même type d’accueil sécurisant pour les mineurs. Mme Brousse a exprimé son contentement à cette nouvelle, en indiquant que Parcours d’Exil dispose de l’expertise sur ces questions et que l’association devrait être associée à la réflexion puis à la mise en œuvre et à l’ouverture de tels centres. 36 Article 37 of the convention indicates that “States parties shall ensure that no child shall be subjected to torture or other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment” but it is necessary to question ourselves about the means set by international bodies for the implementation of this article. She recalled that Dr Duterte indicated how to detect torture, but we are not detecting it when children arrive in France. What kind of welcoming is it when isolated foreign minors are stuck in the waiting area and are sometimes sent back or maintained in the international zone? Mrs Brousse indicated that only France has a single zone for all the newcomers, wondering how France, country of Human Rights, can accept a zone within its territory which is not actually “France”. In this waiting area, isolated minors arrive without being accommodated. Their rights are not respected and they are often sent back. Others arrive by ground or maritime networks and hang around in the streets. Others are victims of traffic (recall of the current conference on children victims for sport in Africa). These children are not cared for by doctors or qualified psychologists. Their accommodation and care are made only by associations. A European decision must be taken during the French Presidency so that children are recognized like victims. But recognizing torture victims without having the means to accommodate them is useless. We can hope for the establishment of structures and means, so that there are not only a few centres. It is necessary, as it is the case in France for children victims of domestic violence, that in each department there is a centre to accommodate children who fled the violence of their country. Many times we hear that there is “no trace”. It is true that children who are indirect victims, who faced violence and the humiliation of their parents and/or disappearance of close relatives, do not have physical traces. But they remain victims. Mrs Brousse concluded by proposing that a specialized centre is established in every French department, for the reception of minors, isolated or not. This would make France a model in Europe, as it is the current case for the medical/legal units. She stressed that minors will not be able to integrate and to become responsible adults if nobody cares for them. Beyond international texts, one needs to stand, as stipulates the message transmitted by Mr Hessel, who celebrated his 91st birthday in a camp close to Hebron in the West Bank (Cisjordanie) where 12500 Palestinians are locked up on their own grounds. When children without future asked him: “Sir, what does one has to do when one does not have any more freedom on his own ground?” the answer was “It is necessary to resist, to mobilize oneself in order to make one’s rights respected and, if necessary, to act.” We must therefore become again “resistants”, true “resistants”, to point out the rights of children, being worthy to say that we are at their side. lieved and because they are asked to provide evidence. Dr Duterte answered by indicating that one of the dramas of traumatism is denial, such as for example the cases of incest and the denial by close relatives. Torture victims are in a situation of permanent denial since the torturer is never condemned. Many people are not recognized because they could not explain their case and thus are never recognized as victims. The process of insertion cannot thus start. Jean-Pierre Bemba should also be judged for the exploitation of children soldiers. The major drama is therefore the nonrecognition of victims. The representative of the centre of refugees EXIL Closing this morning session, Mrs de Rengervé rein Brussels stressed the importance to support vic- called that the objective of this conference was to tims which are in Europe and are not able to re- examine means in order to recognize victims. built themselves because their stories are not beDEBATE The floor was given then to the public, in order to ask questions and to dialogue with the speakers. Mr Eric Panloup provided further information in connection with the intervention of Mrs Brousse: on 1/12/08 there will be, complementary to the safe reception of adults, a half-day of reflexion on the safe reception mechanism for minors. Mrs Brousse expressed her satisfaction in this regard, indicating that Parcours d’Exil has an expertise on these questions and that it should be associated with this reflexion, and furthermore with the establishment and the opening of such centres. 37 Protection des victimes de torture et politiques européennes et/ou nationales Modératrice : Laetitia de Radigues, chef de bureau, IRCT Bruxelles (Belgique) Suite à la pause déjeuner, les travaux ont repris à 14h30. Mme de Radigues a brièvement présenté le conseil international de réhabilitation des victimes de torture (IRCT) et a ensuite donné la parole à Mme Alima Boumediene –Thiery, sénatrice et ancien membre du Parlement européen, qui faisait partie du panel avec Mme Laurence de Bauche, chercheuse et membre du réseau académique ODYSSEUS et M. Xavier Ronsin, procureur de la République et membre élu du comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe. Mme Boumediene-Thiery a parlé des instruments internationaux et européens concernant l’indemnisation des victimes de torture. Elle a souligné que l’appréciation du préjudice subi est, par essence, subjective, que le mal subi par une victime de torture est impossible à réparer en raison des graves conséquences psychologiques qu’il induit et que les actes de torture ne s’effacent pas. Elle a expliqué que l’indemnisation joue un rôle important dans le processus de réparation car elle accompagne la victime sur le chemin de la guérison en garantissant que ses droits ont été entendus et défendus. Faisant un état des lieux du droit international dans ce domaine, elle a noté que ce n’est qu’au milieu des années 80 qu’est apparue la nécessité de définir un corpus de règles relatives à la réparation des victimes de violations de droits de l’Homme, et en particulier de torture. La Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir de 1985, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, fait expressément référence à la nécessité de réduire la criminalisation et soulager la détresse des victimes. La grande originalité de ce texte est qu’il préconise, au cas où la victime ne pourrait obtenir d’indemnisation de la part de l’auteur du crime, que l’Etat assure une indemnisation financière aux victimes qui ont subi une atteinte à leur intégrité physique ou morale en conséquence d’actes criminels. L’Etat peut donc être tenu à une indemnisation même si sa propre responsabilité n’est pas engagée. Un autre point intéressant de ce texte est la prévision que les Etats doivent encourager l’expansion des fonds nationaux d’indemnisation des victimes. En avril 2000, la Commission des droits de l’Homme a adopté un texte intitulé Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire. La convention contre la torture de 1984 fait aussi explicitement référence au droit des victimes de torture à une indemnisation. Mme Boumediene-Thiery a expliqué que selon ces principes, une indemnisation doit couvrir le préjudice physique ou moral, y compris douleur, souffrances et chocs émotionnels, la perte d’une chance, comme par exemple l’impossibilité de recevoir une éducation, les pertes matérielles, l’atteinte à la réputation ou à la dignité, les frais engagés pour l’assistance judiciaire et tous les frais médicaux (médicaments, consultations psychologiques, services sociaux). Faisant référence au droit international humanitaire, elle a indiqué que la question de l’indemnisation des victimes est absente, puisque seules les réparations pour les Etats sont prévues. Dans la seconde partie de son intervention, Mme Boumediene-Thiery s’est interrogée sur ce que les Etats font de ces principes dans leur droit interne. Elle a donné entre autres l’exemple de la France, où un dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions a été mis en place, indépendamment de la procédure pénale et même si l’auteur des faits n’a pas été retrouvé. Elle a conclu son intervention en indiquant que l’indemnisation, en complément de la sanction de l’auteur, sont les seuls moyens de créer les conditions d’une guérison de la victime. 38 Protection of torture victims and European and/or national policies Moderator: Laetitia de Radigues, Head, IRCT Brussels Following to the lunch break, the works started again at 2:30 pm. Mrs de Radigues briefly presented the International Council of Rehabilitation of Torture Victims (IRCT) and then gave the floor to Mrs Alima Boumediene-Thiery, senator and former member of the European Parliament, who was part of the panel along with Mrs Laurence de Bauche, researcher and member of the Odysseus academic network, and Mr Xavier Ronsin, public prosecutor and elected member of the Committee for the Prevention of Torture (CPT) of the Council of Europe. Mrs Boumediene-Thiery spoke about international and European instruments concerning compensation for torture victims. She underlined that the appreciation of the harm done is essentially subjective, that it is impossible to be repaired because of the serious psychological consequences induced and that acts of torture are never erased. She explained why compensation plays an important role in the reparation process since it accompanies the victim towards cure by guaranteeing that his rights were heard and defended. Making an overview of international law in this domain, she noted that it was not until the middle of the 80’s that the necessity for defining a corpus of rules related to the reparation of victims of violations of human rights, and in particular torture, appeared. The Declaration of Basic Principles of Justice for Victims of Crime and Abuse of Power, adopted by the General Assembly of the United Nations in 1985, expressly refers to the need for reducing the criminalisation and for relieving the distress of victims. The great originality of this text is that it recommends, if the victim can not obtain compensation directly from the perpetrator, that the State ensures a financial compensation to victims which underwent a breach of their physical or moral integrity as a consequence of criminal acts. The State can thus be obliged to compensate even if the crime is not of its own responsibility. Another interesting point of this text is the forecast according to which States must expand national funds towards compensation of victims. In April 2000, the Commission of human rights adopted a text entitled Basic principles and directives on the right to resort and reparation of victims of violations of international law related to human rights and humanitarian international law. The convention against torture of 1984 also refers to the right of torture victims to compensation. Mrs Boumediene-Thiery explained that according to these principles, a compensation must cover physical or moral damage, including pain, sufferings and emotional shocks, loss of an opportunity, such as impossibility of receiving education, material losses, attack to reputation or dignity, expenses for legal assistance and all medical expenses (psychological drugs, consultations, social services). Referring to humanitarian international law, she indicated that the issue of compensation of victims is absent, since only State reparation is envisaged. In the second part of her speech, Mrs Boumediene-Thiery asked how do States integrate these principles in their laws. She gave among others the example of France, where an autonomous provision of compensation for victims of infringements was set up, independently of the penal procedure and even if the perpetrator was not found. She concluded by indicating that compensation in complement to the sanction of the perpetrator are the only means of creating conditions for the cure of the victim. 39 pour réaliser une étude supplémentaire via le Fonds européen aux réfugiés, projet qui a été accepté. Dès le 1er décembre 2008, un travail sera effectué sur six pays de l’UE. Parmi eux, il y aura Malte, qui fait actuellement face à un gros problème puisque la majorité des demandeurs d’asile sont systématiquement placés en rétention. La volonté politique de les sortir des centres existe, mais le système est très défaillant car cela prend des semaines ou même des Le réseau procède aux études sur l’immigration mois. Mme de Bauche est heureuse d’apprendre et l’asile, à la demande ou sur initiative. Mme que dans la nouvelle directive, les conditions de de Bauche a participé à deux études en 2007 et rétention seront davantage encadrées. 2008, demandées par la Commission européenne, visant à évaluer la directive Accueil évoquée Elle a souligné que de nombreux pays pratiquent par Xenia Messariti au début de la conférence. la rétention de demandeurs d’asile, y compris des mineurs. Sans vouloir répéter les propos de la représentante de la Commission européenne, elle s’est Dans le cadre de l’étude menée pour le fonds concentrée sur certains sujets, notamment sur européen des réfugiés, elle a insisté sur l’imporles failles que l’étude d’Odysseus a dévoilées tance des contributions des associations et cenconcernant les provisions et dispositions relati- tres, car le réseau Odysseus cherche des experves aux demandeurs d’asile vulnérables, ayant tises et des contributions, notamment sur les des besoins spécifiques (mineurs, victimes de conséquences de la torture sur les personnes et torture, mineurs isolés étrangers, femmes en- sur la façon dont les entretiens devraient être ceintes, parents isolés, etc.). La directive stipu- menées pour identifier les victimes de torture. le que pour ces personnes vulnérables, les Etats membres de l’UE ont une obligation supplémen- Mme de Bauche a conclu en citant que l’étude a taire en termes de conditions d’accueil mis en évidence le fait que, dans la directive (logement, habillement, nourriture, accès aux actuelle, il y a des dispositions spécifiques sur soins, etc.). les victimes de torture et celle pour les miL’étude a montré que dans dix Etats il n’y a pas neurs, imposant que des soins médicaux spécifide procédure de reconnaissance des deman- ques appropriés soient mis en place par les deurs d’asile. Certains demandeurs sont repéra- Etats. Mais pour ces deux dispositions, dans plus bles, comme par exemple les parents isolés, de la moitié des Etats européens (UE) il y a des mais pas les victimes de torture. Si les deman- problèmes : soit la directive n’est pas intégrée deurs d’asile ne sont pas reconnus en tant que dans l’arsenal, soit elle est intégrée mais sans personnes vulnérables, il est évident que leurs être mise en œuvre. Par exemple, dans plubesoins spécifiques ne peuvent pas être pris en sieurs pays, les soins existent mais les demancompte. Sur ce constat, Odysseus a proposé à la deurs d’asile n’y ont pas accès. Dans d’autres Commission européenne de modifier l’article 17 pays, les soins reposent sur la seule intervention de la directive. En effet, cette mesure est ambi- des ONG qui ne sont pas financées par l’Etat. La guë et cette ambigüité explique en partie pour- procédure d’identification est donc nécessaire ; quoi certains Etats membres n’ont pas alloué les mais une fois les personnes identifiées, on doit droits attribués aux demandeurs d’asile vulnéra- identifier leurs besoins et mettre en place les bles. Mme de Bauche était donc très heureuse structures pour y répondre. des modifications présentées par Mme Messariti. Mme de Bauche a indiqué que suite au constat de ces études, Odysseus a demandé des fonds Mme Laurence de Bauche, chercheuse et membre du réseau académique Odysseus, a commencé par une brève présentation du réseau Odysseus, créé il y a environ dix ans par Philippe de Bruycker à l’université libre de Bruxelles et qui regroupe, dans la plupart des pays de l’Union européenne, des spécialistes de l’immigration et du droit d’asile. 40 Mrs de Bauche indicated that following the report of the two studies, Odysseus proposed to the European Fund for Refugees an in-depth study on this issue, and more particularly on the identification of vulnerable applicants. The project proposal was accepted. From 1st December 2008, a research will be carried out in six countries of the EU. Among them there will be Malta, which is currently facing big problems since the majority of asylum seekers are systematically placed in custody. In principal, specific measures are foreseen in order to identify vulnerable applicants and remove them. However, the system is very problematic, since this may need several weeks or even months, during which no medical care is provided. Mrs de Bauche is glad to hear that in the new directive, there will be a more important frame for retention. She underlined that several countries impose Without wanting to repeat the words of the rep- custody of asylum seekers, including minors. resentative of the European Commission, she focused on certain issues, in particular on the Within the framework of the project for the flaws revealed by the study of Odysseus con- European Fund for Refugees, she insisted on the cerning provisions related to vulnerable asylum importance of the contributions from associaseekers, having special needs (e.g. minors, tor- tions and other non state-controlled centres, ture victims, isolated foreign minors, pregnant because the Odysseus network seeks expertise, women, isolated parents, etc.). The directive notably on the consequences of torture and on says that for these vulnerable people, the Mem- the way interviews should be carried out in orber States of the EU have an additional obliga- der to identify torture victims. tion in terms of material reception conditions (accommodation, clothing, food, access to care Mrs de Bauche concluded underlining their research has set the light on the fact that in the service etc.). The study showed that in ten States there is no current directive, there are specific provisions procedure of identification of asylum seekers. on torture victims and on minors, imposing The detection of vulnerability may be easy in States to provide appropriate medical care. But certain cases like the isolated parents, but in for these provisions, in more than half of the other cases, it is impossible such as torture vic- European States (EU) there are problems: either tims. If vulnerable asylum seekers are not iden- the directive is not transposed within national tified as such, it is obvious that their special laws, or it is but without implementation. For needs can not be taken into account. Based on example, in several countries, care exists but this fact, Odysseus proposed to the European asylum seekers do not have access to it. In other Commission a modification of the article 17 of countries, medical care is exclusively based on the directive. Indeed, this measure is ambiguous the intervention of NGOs, which are not fiand such ambiguity partially explains that some nanced by the States. The identification proceMember States did not implement rights allotted dure is thus necessary but once the vulnerable to vulnerable asylum seekers. In this direction, persons are identified, one must also evaluate Mrs de Bauche was very glad in view of the their needs and set up the appropriate structures to answer to them. modifications presented by Xenia Messariti. Mrs Laurence de Bauche, researcher and member of the coordination team of the academic network Odysseus, first gave an overview of the Odysseus network, created approximately ten years ago by Philippe de Bruycker within the University Libre of Brussels. The Odysseus network gathers specialists in immigration and asylum rights in almost all European Union countries. The network proceeds to studies on immigration and asylum, upon request or on its own initiative. During the last couple of years, Mrs de Bauche took part in two studies requested by the European Commission, aiming to evaluate the transposition of the “Reception” directive, mentioned by Xenia Messariti at the beginning of the conference, in all Member States of the EU. 41 M. Xavier Ronsin, procureur de la République, membre élu du Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe, a fait un état des lieux du paysage juridique international, en se concentrant sur l’Europe au sens large (47 Etats membres du Conseil de l’Europe, incluant la Russie, la Turquie et les pays de l’Europe de l’Est). D’après M. Ronsin, les juristes donnent souvent l’impression de faire des textes rarement applicables, mais l’interaction entre les législations nationales et les conventions internationales existe bien et permet la mise en place de mécanismes de réparation et de prévention efficaces. En ce qui concerne la législation française, elle est impactée directement par les conventions internationales comme avec la création de la commission nationale de déontologie et sécurité (CNDES), et très récemment (28/07/2008),la ratification du protocole optionnel à la Convention contre la torture a permis la création du poste de contrôleur général des lieux de détention et de privation des libertés (loi du 30/10/2007). Il a rappelé la genèse de la construction progressive d’une « Europe des droits de l’Homme » à la suite de la convention du 4/11/1950, la création de la Cour européenne des droits de l’Homme, le protocole 9 qui a permis le droit de recours individuel (accepté par la France en 1981, menant à sa première condamnation par la Cour en 1986), le protocole 11 (1988) fusionnant les organes de la Cour européennes, et le protocole 14 (2004) qui créa un mécanisme de filtres afin de gérer le trop grand nombre de demandes et qui, malgré la ratification de 46 Etats membres sur 47 ne peut pas prendre effet pour cause de la non signature de la Russie. Expliquant le comité pour la prévention de la torture (CPT) dont il est le membre élu français, il l’a qualifié de « boîte à outils » du Conseil de l’Europe. Il a mentionné la protection juridictionnelle et l’évolution des décisions de la Cour qui n’hésite plus désormais à qualifier de « torture » ce qui était avant considéré comme traitement « inhumain et dégradant ». Cela stigmatise un pays lorsqu’il est condamné pour n’avoir pas pu prévenir un cas de torture (exemple : condamnation de la France pour traitement inhumain ou dégradant (Tomasi, 1992) puis pour torture (Selmouni, 1999) tous les deux dans des cas de garde à vue dans des commissariats ; ainsi que trois arrêts du 2 octobre 2008 condamnant la Russie pour torture). Ensuite, il a évoqué l’importance de recommandations européennes qui forment un guide d’action pour interagir avec les législations nationales en cours de constitution. M. Ronsin a expliqué à ce propos qu’il n’est pas suffisant de dire que les pays ne respectent pas leurs lois ou leurs engagements mais qu’il faut aussi les aider à progresser et à mettre en place des mécanismes sains de prévention et de surveillance des atteintes aux droits de l’Homme. Il a conclu en donnant plus d’éléments sur les missions et le fonctionnement du CPT, dont il est le membre français aux côtés de 46 autres experts (autant que les pays membres du Conseil de l’Europe). Il a décrit le rôle préventif du CPT qui peut, par des visites inopinées, visiter et contrôler prisons, hôpitaux psychiatriques, centre de rétention et autres lieux de privation de liberté, ayant un accès large aux documents et aux personnes. Ces visites durent de 1 à 2 semaines et peuvent, en cas de sérieuses violations, résulter en une notification immédiate au pays concerné des observations faites sur les atteintes aux droits de l’Homme. Dans tous les cas, un rapport est établi et publié contenant remarques, critiques et recommandations. cats) a demandé Mme de Bauche (Odysseus) quels sont les cinq autres pays participants à Pendant le débat avec la salle qui a suivi, M. l’étude du réseau Odysseus concernant le Fonds Ronsin a donné comme exemple la visite en Ar- européen aux réfugiés. Mme de Bauche a réponménie en mars 2008 (publication du rapport en du qu’il s’agit de la Belgique, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Espagne et de la Pologne. vue). Une représentante des Pays-Bas (cabinet d’avoDEBAT 42 Mr Xavier Ronsin, public prosecutor, elected member of the Committee for the prevention of torture (CPT) of the Council of Europe, presented an overview of the international jurisdiction, concentrating on Europe, in the broad sense of the Council of Europe: 47 Member States including, in addition to the countries of Western Europe, Russia, Turkey and countries of eastern Europe. According to Mr Ronsin, lawyers often give the impression to produce beautiful international texts and to ignore their applicability. Though regarding Human Rights, there exists a strong and positive interaction between international conventions and national legislations which allowed the establishment of effective prevention and reparation mechanisms. He gave the example of the French legislation, which under the influence of international conventions, created in 2000 the national deontology and safety commission (CNDES), and very recently supported (28/07/2008) the ratification of the optional protocol to the international convention of the United Nations against torture and inhuman and degrading treatments (OPCAT) and the adoption of a specific legislation related to the missions of a general inspector of places of detention and loss of liberty (law of 30/10/2007). He recalled the genesis of the progressive construction of “Europe of Human Rights”, following the convention of 4/11/1950, the setting-up of a true jurisdiction entitled European Court of Human Rights, the protocol 9 allowing the right of individual petition (accepted by France in 1981 leading to its first judgment by the Court in 1986), the protocol 11 (1998) merging the organs of the European Court and the protocol 14 (2004) which created a filter mechanism in order to face the overflow of individual requests, but which, in spite of the ratification of 46 Member States out of 47, can not come into effect because of the refusal of Russia. He compared the various actions of the Council of Europe to a “tool box” with multiple tools. He mentioned jurisdictional protection and the evolution of the decisions of the Court which does not hesitate now to define as “torture” what was regarded before as an inhuman or degrading treatment. He underlined the stigmatizing impact for a country when condemned for not being able to prevent a case of torture. He provided as examples the judgments of France for inhuman or degrading treatment (Tomasi, 1992) then for torture (Selmouni, 1999) both examining cases of police custodies, and three recent judgments of Russia, also for torture (decisions of 2 October 2008). He then referred to the importance of the European recommendations which constitute a guide of action which interacts with the upcoming national legislations. He explained that it is not sufficient to say that certain countries do not respect their engagements or their laws, but also that they should be helped to progress and install clean mechanisms of prevention and control of attacks towards Human Rights. He presented the missions and the operating process of CPT whose he is the elected French member, together with 46 other experts (equal to the number of Member States of the Council of Europe). The CPT has preventive role : by unexpected visits in a country, it can visit and control prisons, psychiatric hospitals, retention centres and all other places of liberty loss, having a broad range of right to documents, places and people. These inspection visits, lasting from 1 to 2 weeks, could lead, in case of serious infringements, to an immediate notification to the concerned country of observations on infringement to Human rights. In every case, a detailed report is drafted and published containing remarks, critics and recommendations. A representative of the Netherlands (law firm) asked Mrs de Bauche (Odysseus) which are the During the debate which followed, Mr Ronsin other five participating countries in the study of confirmed that visits had taken place in Armenia the network for the European Fund for Refuin March 2008 (publication of the report gees. Mrs de Bauche answered that it is Belplanned). gium, Netherlands, Sweden, Spain and Poland. DEBATE 43 Prise en charge des victimes de torture en France et dans d’autres pays européens. Le panel suivant a traité le sujet de la prise en charge des victimes de torture en France et dans d’autres pays européens. Il était constitué de Melle Sophie Attuil, Affaires juridiques & internationales, office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Mme Mia Honinckx, coordinatrice du service médical de FEDASIL en Belgique et de Mme Brita Sydhoff, secrétaire générale de l’IRCT. Melle Attuil a précisé qu’elle n’évoquerait pas la prise en charge des victimes en général, mais comment l’OFPRA reconnaît les victimes dans sa mission : apporter une protection juridique et administrative pour les personnes qui risquent d’être persécutées si elles retournent dans leur pays d’origine. Elle a également indiqué qu’instaurer un protocole de reconnaissance précoce des victimes de tortures et de traumatismes pourrait, en effet, jouer un rôle très important au moment de la procédure d’asile à l’OFPRA, puisque ses officiers sont face aux victimes tous les jours. En expliquant les types de protection accordés par l’office aux victimes, elle a indiqué l’article 1A2 de la convention de Genève qui définit les réfugiés. La protection subsidiaire s’inspire directement de l’article 3 de la CEDH qui stipule que « nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ». Après avoir cité la loi du 10 décembre 2003 qui explique que les persécutions peuvent être également le fait d’acteurs non étatiques, et de fait élargit le champ de la protection, elle a présenté les cas d’« exceptionnelle gravité des persécutions subies ». Dans certains cas, la qualité de réfugié est accordée sur la base sur l’exceptionnelle gravité des persécutions subies. Ainsi, le refus des victimes de retourner dans leur pays d’origine est justifié, même s’il n’existe plus de craintes objectives en cas de retour (exemple : Rwanda, Kosovo, Cambodge). Donnant quelques chiffres, elle a cité qu’en 2007, l’OFPRA a admis sous sa protection 3401 demandeurs, soit un taux d’accord en première instance de 11,6% contre 7,8% en 2006. Le taux global d’admission passe de 19,5 % en 2006 à 29,9% en 2007. Les admissions au titre de la protection subsidiaire représentent 8% de l’ensemble des décisions positives. Ce sont donc au total 8781 personnes qui ont été placées sous la protection de l’OFPRA au cours de l’année 2007. Quand il s’agit de l’entretien passé avec les demandeurs, il n’y a pas de modèle type ; mais l’officier de protection va s’adapter au demandeur, ayant une formation par le biais d’un tutorat avec un autre officier de protection expérimenté. Elle a souligné à ce propos que depuis environ un an, l’OFPRA fait appel aux services d’une psychologue pour répondre à la demande de certains officiers instructeurs qui se sentaient parfois désarmés face aux traumatismes et aux difficultés des demandeurs qu’ils avaient face à eux. Une formation est aussi offerte aux agents qui le souhaitent sur les psychotraumatismes chez les réfugiés. Après avoir abordé les éléments principaux d’un entretien, et le fait qu’une fois l’entretien terminé l’officier peut orienter les personnes vers des structures adaptées aux besoins qu’il aura identifiés, Melle Attuil a évoqué la place du certificat médical dans la procédure d’examen de la demande d’asile, en expliquant que l’OFPRA ne demande quasiment jamais aux demandeurs d’asile de fournir un certificat médical. C’est donc les demandeurs qui, de leur propre initiative, fournissent des certificats médicaux à l’office. Le certificat médical est un élément de preuve parmi d’autres : l’OFPRA rend sa décision en fonction de tous les éléments du dossier. En conclusion, elle a exprimé l’avis de l’office que de nouvelles pistes de réflexion sont ouvertes à l’OFPRA et chez ses homologues européens, sur une meilleure reconnaissance des victimes de torture et autres mauvais traitements dans la procédure d’asile, faisant référence également aux directives européennes et aux échanges avec des partenaires du réseau EURASIL (réseau présidé par la Commission européenne qui réunit les praticiens de l’asile des Etats membres de l’UE et également ceux de la Norvège, du Canada et des Etats-Unis). 44 Care of torture victims in France and other European countries. The next panel of the afternoon session was constituted by Miss Sophie Attuil, legal and international affairs officer in the French Office of Protection of Refugees and Stateless (OFPRA), Mrs Mia Honinckx, Coordinator of the medical service of FEDASIL in Belgium and Mrs Brita Sydhoff, Secretary-General of IRCT. Miss Attuil clarified that she would not speak in general about the care of victims, but would explain how OFPRA identifies torture victims within the framework of its mission which is to provide legal and administrative protection to people who are likely to be persecuted if they return to their country of origin. She also indicated that the establishment of a protocol of early recognition of torture and traumatism victims could play a very important role during the asylum procedure, since the officers of OFPRA interact on a daily basis with these victims. Explaining the different types of protection granted by OFPRA, she referred to the article 1A2 of the Geneva Convention which defines the refugee statute. Subsidiary protection is inspired directly by the article 3 of the European Convention of Human Rights which stipulates that “no one can be subjected to inhuman or degrading treatments”. Miss Attuil also explained that according to the law of 10 December 2003 the persecutions can be also the case of non-state actors. By this innovation, the law of 10 December 2003 widened the field of protection. The office also applies, in certain cases, what is called “exceptional gravity of undergone persecutions”. In some countries of origin, there may seem to be any further fears of persecution. The office, however, will recognize the statute of refugee, considering that the exceptional gravity of undergone persecutions justifies their refusal to return to their country and to claim protection of new authorities (e.g.: Rwanda, Kosovo, Cambodia). Giving some figures, she stated that in 2007 OFPRA admitted 3401 applicants, meaning a first instance rate of 11,6%, compared to 7,8% in 2006. The total rate of admission passes from 19,5% in 2006 to 29,9% in 2007. The admissions under the title of subsidiary protection repre- sent 8% of the total positive decisions. There are totally 8781 people who were placed under the protection of the OFPRA during the year 2007. There is no standard model of interview with the applicants. The protection officer adapts the interview to the applicant. Within the office, the training is organised with the partnership of an experienced protection officer. She underlined that for approximately one year, OFPRA has called upon the services of a psychologist, in order to answer the request of certain officers who had difficulties facing the traumatism and the difficulties of the applicants. Training on psycho-traumatism of the refugees is also proposed to officers who request it. She then described the course of an interview. Following the interview, the officer can direct people towards appropriate structures, according to the identified needs. Miss Attuil mentioned the use of the medical certificate within the examination procedure of an asylum request, by explaining that OFPRA almost never requires from asylum seekers to provide such a certificate. The applicants provide medical certificates to the office on their own initiative. The medical certificate is a piece of evidence among others; OFPRA will make a decision by considering all elements of the file. She concluded by saying that today new subjects of thinking exist within OFPRA and its European counterparts, regarding a better recognition of torture victims and other mistreatments, during the asylum procedure. This can be noted in the different European directives but also in the exchanges between partners of the EURASIL network (network presided by the European commission gathering asylum practitioners from the EU member states but also from Norway, Us and Canada). 45 Le Dr Mia Honinckx, coordinatrice du service médical de l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (FEDASIL) en Belgique, a expliqué la mission de FEDASIL qui organise l’accueil des étrangers (accompagnement social, médical et psychologique, formations et animation). Il importe de noter que FEDASIL accueille les demandeurs d’asile mais ne traite pas les demandes d’asile. Dès l’arrivée, il leur est offert un endroit pour vivre en sécurité, en paix, pour leur permettre de se reposer et de réévaluer la situation. Tous les nouveaux arrivés doivent être examinés par un médecin ou un infirmier. Le but est multiple : contrôler les dépistages pour la tuberculose, inventorier les problèmes médicaux, diagnostiquer les maladies présentes, répondre aux questions, donner l’information sur les organisa- tions de soins nationaux et établir l’information sur les séquelles de la torture. En cas de suspicion de torture ou de maltraitance (il est très compliqué de trouver la solution pour chaque cas), si la maltraitance continue, il faut essayer de l’arrêter : la victime a la possibilité d’avoir une place en sécurité où elle peut aller quand elle veut que la situation s’arrête. Dans tous les cas la victime est accueillie par les professionnels qui organisent l’hébergement, le traitement, les services médicaux, sociaux et le suivi des victimes de la traite. Si la maltraitance est terminée, FEDASIL essaie d’apporter la possibilité de parler de la violence pour redémarrer une meilleure vie et se remettre physiquement et psychologiquement. Il n’y a pas de centre résidentiel spécialisé dans le traitement des victimes de torture, mais les hôpitaux le font. Mme Brita Sydhoff, secrétaire générale du conseil international pour la réhabilitation des victimes de torture (IRCT), qui compte 139 centres de soin spécialisés, a insisté sur la nécessité d’une harmonisation législative et d’une mise en œuvre de l’aide à la réhabilitation, en soulignant que le soin par des professionnels offre aux individus l’occasion d’une meilleure intégration dans la société. Elle a donné l’exemple du centre Refugio en Allemagne, indiquant que les lois allemandes restreignent à des cas très limité la prise en charge financière du soin et limitant de ce fait les possibilités de recevoir une réhabilitation, tandis que dans d’autres pays, les demandeurs d’asile ont les mêmes droits que les résidents du pays d’accueil. Elle a fait référence aux directives européennes et aux efforts de la Commission européenne, insistant toutefois sur le fait que plusieurs pays ne respectent pas leurs engagements. Comme exemple, elle a parlé de retraumatisations lors d’un processus d’enquête. Néanmoins, dans le paysage législatif actuel, un facteur essentiel est la référence à l’identification des victimes de torture. En effet, plusieurs textes énoncent des droits spécifiques pour les personnes vulnérables, y compris les victimes de torture. Mais comment détecter qui a subi des tortures ? Une procédure pour leur identification précoce est indispensable. Plusieurs organisations utilisent le protocole d’Istanbul. C’est un manuel des Nations unies dont le but est d’enquêter efficacement sur la torture et les autres traitements cruels et dégradants. Certaines méthodes sont aussi employées au détriment des victimes de torture telles que certaines procédures d’interrogation, la pratique de détention de demandeurs d’asile, notamment de mineurs. Elle a conclu en soulignant la fermeture de deux centres de réhabilitation en Europe, par manque de financement, et en invitant les organisations de la société civile à réunir leurs efforts afin d’assurer la protection et la réhabilitation des victimes. mes en dehors du protocole d’Istanbul, Mme Sydhoff a expliqué que l’IRCT ne connaît pas les Les intervenants ont par la suite répondu aux méthodes de tous les centres de réhabilitation questions du public. en Europe et qu’en plus, certains pays ne dispoSuite à la question de la représentante de Chy- sent pas d’outils de reconnaissance des victipre sur les méthodes de reconnaissance de victi- mes. DEBAT 46 Dr Mia Honinckx, medical coordinator of the Federal Agency for the Reception of Asylum Seekers (FEDASIL) in Belgium, explained the mission of the organization which coordinates the reception of foreigners (social, medical and psychological support, training and activities). It is important to note that, event if FEDASIL accommodates asylum seekers, it does not deal with the asylum requests. As of their arrival, they are offered a place to live safely, in peace, to enable them to rest and evaluate the situation. Every newcomer must be examined by a doctor or a nurse. The objectives are multiple: tracking of tuberculosis, inventory of medical problems and diagnosis of diseases, answering to questions, providing information on the structures of national care and establishing information on the after-effects of torture. In case of suspicion of torture or mistreatment (it is very complicated to find the solution for each case), if the mistreatment continues, it is necessary to try to stop it: the victim has the possibility of a safe place to go whenever he/ she desires. In all cases the victim is accommodated by professionals who organise housing, treatment, medical and social support, and follow-up of victims of human trafficking. If the torture has ended, FEDASIL tries to give the possibility to speak about violence in order to start a better life and to recover physically and psychologically. There is no residential centre specialized in treatment of torture victims, but hospitals can handle such cases. Mrs Brita Sydhoff, Secretary General of the International Council for Rehabilitation of Torture Victims (IRCT), which brings together 139 specialised health centres, insisted on the need to harmonize legislations and to support rehabilitation offers. This is an important issue, since medical care provided by professionals can offer the chance of a better social inclusion. She gave the example of the REFUGIO centre in Germany, indicating that German laws restrict to very limited cases the financial coverage of rehabilitation, thus limiting the access to rehabilitation. Meanwhile, in other countries asylum seekers have the same rights as residents. European legislation itself does not facilitate harmonization. In fact, some texts are written in an ambiguous way. This ambiguity is used by some States in order to avoid their obligations. As an example, she stated the case of retraumatization in the frame of the interview process. But we do not start from nothing. Within the existing legislative framework, a crucial factor relates to the torture victims identification. Indeed, several provisions speak about specific rights for vulnerable people, including torture victims. But how to know which person has suffered from torture? A procedure for early identification is essential. Several centres use the protocol of Istanbul to identify torture victims. It is a handbook from the United Nations with aim to inquire effectively into torture and other cruel, inhuman or degrading treatments. Some methods are very detrimental towards people who underwent torture, such as certain interrogation processes or detention of asylum seekers, particularly minors. She concluded by underlining the closing of two rehabilitation centres in Europe, due to insufficient financing, and by inviting civil society organizations to join their efforts in order to ensure protection and rehabilitation of victims. tims, apart from the protocol of Istanbul, Mrs Sydhoff explained that the IRCT is not aware of The speakers then answered to questions. all methods within the rehabilitation centres in Europe and that moreover, certain countries do Following the question of the representative of not have tools for recognition of victims. Cyprus regarding methods of recognition of vicDEBATE 47 En s’adressant à la représentante de l’OFPRA, une participante s’est demandé si un protocole pourrait instaurer le doute au lieu d’avoir un effet bénéfique, et quelle serait la place du certificat médical qui, si discuté, pourrait remettre en cause la parole du médecin. Melle Attuil a indiqué que la protection subsidiaire mentionne la torture et les traitements dégradants et inhumains et élargit le champ de la protection. La condition pour la protection est le lien avec des motifs de la convention de Genève et l’existence de craintes en cas de retour. Elle a expliqué que le certificat médical n’a pas de valeur probante s’il n’y a pas de lien de causalité entre les séquelles physiques et le récit du demandeur qui doit correspondre aux critères de l’asile. La représentante du centre EXIL de Bruxelles a ensuite exposé l’idée d’un suivi spécialisé et la nécessité d’humaniser la rencontre avec le demandeur. Posant la question sur la façon d’identifier ce qui n’est pas dicible ainsi que sur la réaction de la Commission européenne vis-à-vis des Etats qui n’assument pas leurs obligations, elle a souligné le désaccord entre les critères des organismes de l’Etat et les institutions qui veulent soigner les personnes. Mme Sydhoff a indiqué à ce propos l’utilisation du mot « survivants de la torture » au lieu de « victimes de torture » par des institutions américaines. Elle a proposé aussi d’avoir en Europe plus qu’une « porte d’entrée » (pas uniquement l’asile). Le Dr Honinckx a ajouté que le soin des victimes doit se faire dans le plus grand respect des personnes, ce qui est moins facile quand on parle de procédure. A son avis, certaines décisions de l’office des étrangers sont inexplicables. La logique est celle de la convention de Genève qui ne prend pas forcément en compte toutes les souffrances. Faisant référence à l’OFPRA, un directeur de CADA a indiqué que plus l’office acquiert d’expérience, moins il accorde de statuts de réfugiés. Se référant aussi à la confiance, il a rappelé que les personnes reçues ne parlent pas de leur expérience de torture car le moment de l’entretien est très difficile. Mais étant accueillis par l’OFPRA avec le sourire, ils pensent que cela s’est bien passé alors que souvent la décision finale est négative. Il a ajouté que dans les centres d’accueil, il serait important d’avoir du personnel professionnel, puisque dans les CADA les employés apprennent l’histoire des personnes, qui ne peut être racontée dès l’arrivée du demandeur mais seulement après de longs mois. Par conséquent, devant sa rareté, l’accord du statut de réfugié par l’OFPRA devient un événement. Melle Attuil a indiqué à ce propos que le taux d’accord de l’OFPRA s’élève actuellement à 12%. Elle a ajouté que beaucoup de questions sont posées lors de l’entretien. Le récit du demandeur reste l’élément le plus important du dossier. Durant l’entretien, un objectif de l’officier est par-dessus tout de mettre le demandeur en confiance afin qu’il puisse raconter ce qui lui est arrivé pour expliquer sa fuite, afin que l’officier recueille les informations nécessaires à sa prise de décision. Une participante venant des Pays-Bas (cabinet d’avocats) a commenté la mauvaise pratique de son pays, d’après elle, qui a instauré une procédure accélérée de deux à quatre jours. Les psychologues examinent le demandeur à plusieurs reprises mais in fine la demande peut être rejetée quand les différents entretiens ont pu révéler des incohérences ou quand il ne dispose pas de documents, et ce malgré son état de traumatisme. Mme Sydhoff a ajouté à ce propos que les PaysBas ont une longue tradition d’accueil de demandeurs d’asile et soutiennent les centres de réhabilitation. Faisant référence à l’intervention de la représentante de l’OFPRA sur le suivi psychologique des officiers, une psychothérapeute au sein d’un CADA a demandé de clarifier si ce suivi est lié à la difficulté d’entendre ou à l’apprentissage d’entendre les discours. En soulignant le décalage entre la reconstruction du récit et la réalité, qui justifie les refus de l’OFPRA, elle a ajouté le problème de la langue. 48 A participant asked the representative of OFPRA whether a protocol could provoke doubt instead of having a beneficial effect, and which would be the place of the medical certificate which, if discussed, could question the doctor’s opinion. Miss Attuil explained that the medical certificate does not have a convincing value if there is no link between the physical effects and the narration of the applicant, which must correspond to the conditions of protection granting. The representative of the EXIL centre in Brussels presented the idea of a specialized follow-up and the need for humanizing the meeting with the applicant. She asked herself about the way of identifying what is difficult to express as well as about the reaction of the European Commission with respect to States which do not assume their obligations; then she underlined the differences between criteria of the State institutions and organizations which want to take people in care. Mrs Sydhoff indicated on this issue the use of the term “torture survivors” instead of “torture victims” by American institutions. She also proposed to have in Europe more than one “main entry” (i.e not only asylum). Dr Honinckx added that the care of victims must be carried out in great respect of people, which is not easy when we speak about procedures. In her opinion, certain decisions of the office of foreigners are unexplainable. The logic is the one of the Geneva Convention which does not take under consideration all sufferings. important to have professional staff, since in these centres, employees hear about people’s stories, which can not be told immediately, but only after several months. Consequently, being rare, the granting of the refugee statute by the OFPRA becomes a special event. Miss Attuil stated on this issue that the OFPRA granting rate is currently 12%. She added that many questions are asked during the interview. The words of the applicant remains as one of the most important elements. During the interview, the aim of the protection agent is above all to put the applicant in confidence so that he manages to explain what happened to him. It is to the best interest of the applicant to explain what happened, so that the officer collects all necessary information before making a decision. A participant coming from the Netherlands (law firm) commented on the bad practice of her country, according to her, which sets up an accelerated procedure of two to four days. The psychologists examine the applicant on several occasions but in the end, the request may be rejected because of inconsistencies revealed in the different interviews or because he/she does not dispose official documents, in spite of the level of traumatism. Mrs Sydhoff added that the Netherlands have a long tradition of reception of asylum seekers and support rehabilitation centres. Referring to the psychological follow-up of the officers, indicated by the representative of OFPRA, a psychotherapist asked to clarify if this follow-up is related to the difficulty in listening or to the training to listen to the speeches. By underlining the shift between narration and reReferring to the OFPRA, one director of a CADA ality, which justifies the refusal by OFPRA, she (reception centre) indicated that the more the added the language problem. office acquires experience the less it grants refugee statutes. As far as confidence is concerned, he indicated that the seekers do not speak about their torture experience because this is very difficult at the time of the interview. Being very kindly welcomed by the OFPRA, they think that everything went well, whereas the final decision is often negative. He added that in reception centres it would be 49 Melle Attuil a répondu que la présence de psychologues à l’office est d’abord motivée par le besoin des officiers de décharger le stress et l’émotion face aux traumatismes des demandeurs. Le deuxième objectif est que l’officier puisse évoquer des cas difficiles pour lesquels le psychologue peut lui donner des outils afin de mieux gérer les traumatismes des demandeurs. Elle a également indiqué qu’une formation est désormais dédiée au psycho-traumatisme des réfugiés mais le psychologue n’a pas pour vocation de former. Mme de Rengervé a alors remercié Melle Attuil de se prêter aux discussions, en soulignant que le but des débats est de trouver des moyens pour que tous travaillent dans de meilleures conditions, et pour que la reconnaissance de la victime soit faite au plus tôt afin que l’OFPRA prenne en compte cet aspect dans son travail. Elle a ensuite remercié tous les intervenants de cette table ronde d’avoir traité ces questions difficiles et a passé la parole au Dr Camelia Doru. Difficultés particulières pour les victimes résidant dans le pays-même où elles ont été torturées Le Dr Camelia Doru, médecin et fondatrice de la fondation ICAR en Roumanie, a d’abord remercié Parcours d’Exil d’avoir accordé une place à ce sujet lors de cette conférence. Elle a expliqué la situation en Roumanie, en revenant sur la période depuis la Seconde Guerre Mondiale. En 1946, suites au résultat des élections arrangé es en faveur des communistes, le roi a été chassé, la constitution changé ; la répression politique sauvage a commencé. Ce fut le début de la répression contre ceux qui n’appartenaient pas au mouvement communiste. Selon les statistiques, pendant la période 1945-1999, le nombre de victimes directes s’élève à presque 2.000.000, dont 500.000 déportés et déplacés. Elle a indiqué que des dizaines de milliers de personnes ont été assassinées, tuées par le travail forcé et la torture. Les survivants sont restés privés de tout et ont continué à être surveillés par le système. En 1999, 100.000 personnes ont été enregistrées auprès de l’association des victimes, mais sans obtenir la réparation attendue, puisque la vérité restait cachée. Les anciens communistes ont renforcé leur position en prenant le pouvoir économique. La torture étant un sujet qualifié « d’embarrassant », le seul espoir de restauration de la dignité des victimes repose sur la société civile, qui a mis le sujet sur la table. Plus de vingt ans se sont écoulés avant qu’il ne soit reconnu que le régime était criminel et illégitime, et que les victi- mes méritaient reconnaissance et excuses pour le mal subi. Le Dr Doru a donné l’exemple de la situation politique, quand le président Bacescu a condamné le régime communiste devant le Parlement. Il y a eu une réaction terrible des anciens communistes qui hurlaient des slogans et demandaient l’emprisonnement du président. Le même Parlement a convoqué un référendum pour éloigner le président ; cette suspension a été rejetée par la population. Elle a évoqué la façon de cacher la vérité, en indiquant que l’institution chargée de l’étude des dossiers de la Sekuritate n’a jamais fonctionné et a été décapitée par une décision parlementaire interdisant la publication des noms sans décision préalable des tribunaux. Les casiers judiciaires des victimes n’ont pas été nettoyés, les biens des victimes ne seront jamais récupérés ; la réhabilitation médicale est fournie uniquement par la fondation ICAR et reste mal comprise par les autorités, qui confondent le soin avec l’assistance sociale. Elle a conclu en soulignant que lorsqu’on vit dans un pays démocratique, il est frustrant de voir que la vérité est à moitié dite, que la justice obéit à la politique, et que les victimes sont abandonnées par l’Union européenne, puisque les pays sont considérés comme déjà prêts à régler ces problèmes. 50 Miss Attuil answered that the presence of a psychologist at the office answers to the requests expressed by officers who are facing difficulties in exercising their duties. Regarding individual consultation, the officer can also evoke difficult cases for which the psychologist can provide him with tools in order to better handle the traumatism of applicants. She also indicated that from now a training session is dedicated to psycho-traumatism of refugees. However, the psychologist’s role is not to train. Mrs de Rengervé thanked Miss Attuil for her contribution to the debate, by stressing that the objective of such debates is to find means so that everybody works in better conditions, so that the recognition of victims can happen as soon as possible in order for OFPRA to take into account this aspect. She thanked all speakers of the roundtable to have treated such difficult questions and gave the floor to Dr Camelia Doru. Specific difficulties of victims living in the country where they were tortured Dr Camelia Doru, doctor and founder of the ICAR Foundation in Romania, thanked Parcours d’Exil for having given time to this issue. She explained the situation in Romania, beginning from the period following the Second World War. Dr Doru gave the example of the political situation, when president Bacescu condemned the communist regime in front of the Parliament. There was a terrible reaction of the former communists who roared slogans and requested the detention of the president. The same Parliament organised a referendum in order to destiIn 1946, the elections result, settled in favour of tute the president; this measure was rejected the communists, chased away the king and by the population. modified the constitution. The political repressions began. It was the beginning of repression She explained the way of hiding the truth, by against those who did not belong to the commu- indicating that the institution in charge of nist movement. According to statistics, between studying the “Sekuritate” files has never func1945-1999, the number of victims goes up to tioned and was abolished by a parliamentary almost 2.000.000, from which 500.000 deported decision forbidding publication of names withor disappeared people. She indicated that tens out a preliminary court decision. The police reof thousand people were murdered, killed by cords of victims are not cleaned; the victims forced labour and torture. Survivors remained will never get their possessions back. deprived of everything and continued to be un- Medical rehabilitation is only supplied by the der constant surveillance by the system. In ICAR foundation and remains misunderstood by 1999, 100.000 persons were registered in the the authorities, which confuse the therapy with association of victims, without getting the ex- social work. pected reparation, since the truth remains hidden. She concluded by underlining that when one The former communists strengthened their posi- lives in a democratic country, it is frustrating to tion by taking over economic power. The torture see that the truth is half said, that justice obeys is classified as an “embarrassing” subject. Civil politics and that victims are abandoned by the society remains the only hope of restoration of European Union, because countries are considthe victims’ dignity. More than twenty years had ered as prepared to solve these problems. passed before it was recognized that the regime was criminal and illegitimate, and that the victims deserve recognition and excuses for the harm done. 51 Exemples de bonnes pratiques au niveau européen Le panel était constitué du Dr Laurent Subilia, médecin responsable de la consultation pour victimes de torture et de guerre au département de médecine communautaire et de premier recours des hôpitaux universitaires de Genève ; d’Erick Vloeberghs, responsable des affaires internationales de l’organisation « Pharos » aux Pays-Bas ; et du Dr Lilla Hárdi, psychiatre et directrice de la Fondation Cordelia en Hongrie. M. Laurent Subilia a commencé en expliquant qu’il est resté perplexe quand Parcours d’Exil lui a demandé de parler de bonnes pratiques en Suisse, puisque depuis dix ans les structures sont progressivement démantelées. Il a ensuite évoqué l’historique de la consultation du centre de santé et les difficultés actuelles : 1988 : visite sanitaire de frontière (vaccins et courte consultation de 5 min) : ces consultations ont permis de constater que la violence était plus importante que les maladies ; 1992 : consultation obligatoire avec infirmières et médecins ; 1993 : questionnaire de dépistage de problèmes médicaux et de violence ainsi qu’établissement d’une collaboration avec les services sociaux ; 2002 : consultation développée avec du personnel médical spécialisé incluant le développement de la présence d’interprètes (plus de 50 langues) et consultation spécialisée de personnes sévèrement traumatisées ; développement des échanges avec l’administration et formation ; questionnaire spécialisé ; 2004 : difficultés politiques dues au découragement à l’immigration, lequel a résulté en une diminution du nombre de réfugiés ; création avec la Croix-Rouge suisse de consultations pour victimes de torture. Analysant le questionnaire de 1993, M. Subilia a indiqué que plus de 2/3 de personnes ont vécu un événement traumatique et que les violences pendant le trajet ont nettement augmenté depuis. 18% répondaient « OUI » à la question « avez-vous été torturé ? » et 1/3 demandaient un suivi médical. En 1994, 54% selon le psychiatre nécessitaient un suivi. En 2006 : 20% étaient en dépression, 25% présentaient un syndrome post-traumatique et 15% combinaient les deux cas (dépression + PTSD). Il a exposé ensuite le pronostic de la pathologie, qui dépend du moment où l’on se situe. L’exil est un mauvais moment qui provoque des rémi- niscences. Le pronostic des séquelles de torture et de guerre dépend plus du contexte psychosocial du moment que de la gravité du traumatisme. Les facteurs de risques sont les mêmes que les pressions mises sur les requérants (par exemple charge de la preuve, accès limité à l’assistance médicale, interprétation restrictive, accès au travail, hébergement collectif, détention administrative, accès limité aux soins). Donnant l’exemple de l’étude sur les rescapés de Srebrenica, il a noté que ce qui a été le plus utile dans la thérapie était la gentillesse, la disponibilité, la solidarité et l’écoute. Se référant à l’intervention de Mme Sydhoff (IRCT) sur l’importance de maintenir des centres de réhabilitation, il a insisté sur la prise en charge de victimes de torture et il a évoqué l’exemple de trois patients pris en charge par les hôpitaux : • Une patiente, souffrant de diabète, qui refusait les soins nécessaires dans le service hospitalier normal et qui reste toujours en admission provisoire concernant son statut en Suisse ; • Une autre patiente, violée en Algérie, qui présente des crises d’agressivité. Le service de dialyse refusait de la soigner. Son agressivité a été contournée par l’écoute mais elle est décédée suite à une péritonite ; • Un troisième patient : réfugié de Bosnie, amputé suite à la guerre. Après trois jours de coma et un essai de greffe à Belgrade, il est venu en Suisse pour améliorer sa situation. Etant très anxieux, il avait des angoisses importantes quand il était reçu en service de néphrologie car il confondait le coma et l’anesthésie. Suite à un autre exemple, celui d’une famille kurde qui a passé cinq ans d’errance, traversant plusieurs pays d’Europe, il a conclu en indiquant que l’humiliation est un facteur très aggravant dans le syndrome post-traumatique et que les durcissements des politiques d’asile sont perçus par les migrants comme très humiliants. 52 Examples of best practices at European level The panel was constituted by Dr Laurent Subilia, responsible for the Consultation for torture and war victims in the Department of Community Medicine - University Hospitals of Geneva; Erick Vloeberghs, international affairs officer of the “Pharos” organization in the Netherlands; and Dr Lilla Hárdi, psychiatrist and director of the Cordelia Foundation in Hungary. Mr Laurent Subilia began by explaining that he had remained perplexed about being asked to speak about best practices in Switzerland, because structures have been gradually dismantled for ten years. He then evoked the history of the consultation of the health centre and the current difficulties: 1988: Border sanitary visit (vaccines and short consultation of 5 min). During these consultations, it was noticed that violence was more important than diseases; 1992: Compulsory consultation with nurses and doctors; 1993: Screening of medical problems and violence via a questionnaire and establishment of collaboration with social services; 2002: Consultation developed with medical specialized staff including interpretation services of more than 50 languages and specialized consultation of severely traumatized persons; development of exchanges with the administration and training; specialized questionnaire; 2004: Political difficulties due to discouragement of immigration, resulting in a decrease of the number of refugees; implementation together with the Swiss Red Cross of consultations for torture victims. Analyzing the questionnaire of 1993, Mr Subilia indicated that more than 2/3 of people experienced a traumatic event and that violence has sharply increased since. 18 % answered "YES" to the question “have you been tortured?” and 1/3 asked for a medical follow-up. In 1994, 54% according to the psychiatrist needed follow-up. In 2006 20% were in depression, 25% had posttraumatic syndrome and 15% combined both cases (depression and PTSD). He then presented the pathological forecast, which depends on when it is tried to be formulated. The exile is a bad moment which provokes reminiscences. The forecast of the sequels of torture and war depends more on the current psychosocial context than on the gravity of the traumatism. The risk factors are identical to the pressures put on applicants (for example proof, limited access to medical care, restrictive interpretation, access to labour market, collective accommodation, administrative detention, limited access to health care). Giving the example of the study on survivors of Srebrenica, he noted that the most useful elements during therapy were kindness, availability, solidarity and listening. Referring to Mrs Sydhoff's (IRCT) remark on the importance of keeping rehabilitation centres, he insisted on torture victims' care and evoked the example of three patients taken care by hospitals: • A patient, suffering from diabetes, who refused the necessary care and who remains in temporary admittance regarding her statute in Switzerland; • The second patient, an Algerian lady raped in her country, with crises of aggressiveness. The service of dialysis refused to look after her. Her aggressiveness was bypassed thanks to listening, but she died following peritonitis; • The third patient: refugee of Bosnia, amputated after war. After three days of coma and a transplant experience in Belgrade, he came to Switzerland to improve his situation. Being very anxious, he faced particular fears when he was received in the nephrology service because he confused anaesthesia with coma. Following a last example of a Kurdish family which spent five years of wanderings and crossing several European countries, he concluded by indicating that humiliation is a very aggravating factor within the post traumatic syndrome and that the reinforcement of asylum policies are considered as very humiliating by migrants. 53 M. Erick Vloeberghs a parlé de “CARE FULL initiative”, indiquant que la publication en 2006 du livre sur le protocole d’Istanbul a donné lieu à un document de lobbying actuellement signé par 40 ONG. En ce qui concerne les développements aux Pays-Bas, il a cité le livre vert sur le futur et la nécessité de structures appropriées. Il a mis l’accent sur les recommandations pour la mise en œuvre dans le pays d’un entretien médical basé sur le protocole d’Istanbul. Cette proposi- tion a été refusée par le gouvernement, qui a instauré l’examen médical au début de la procédure de demande d’asile. Il a ensuite exposé le projet MAPP (ONG aux Pays-Bas), qui a établi une liste d’observations pour identifier les problèmes des réfugiés. Cette liste ne peut pas servir pour effectuer un diagnostic. 3.000 demandeurs d’asile, notamment originaires du Burundi et d’Iran, ont déjà été examinés par MAPP. Le Dr Lilla Hárdi a présenté la fondation Cordelia et a commencé en indiquant que d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), depuis 1996 chaque réfugié doit être traité en tant que survivant de traumatisme. Après avoir mis l’accent sur le service d’interprètes de Cordelia, elle a expliqué l’aspect de la thérapie familiale (non verbale) et celui de la thérapie émotionnelle. Elle a également évoqué de nouvelles approches comme l’examen dyna- mique des dessins des patients après les sessions et le processus de réhabilitation intensif qui débutera en 2009. Le Dr Hárdi a souligné la nécessité de supervision des professionnels en contact avec les victimes de torture et de développer des relations avec le gouvernement afin de progresser. En conclusion, elle a cité la méthode de la fondation Cordelia dans l’élaboration d’un rapport médico-légal, qui est actuellement accepté dans la plupart de cas par les autorités. DEBAT est un document supplémentaire. Les requérants n’ont pas toujours confiance dans le médecin ; les histoires cachées sont souvent bien pires que l’histoire construite. Le public a aussi exprimé son inquiétude concernant la reconnaissance du statut de réfugié des victimes de torture, qui subissent une grande pression. Mme de Rengervé a rappelé les propos du Dr Hárdi sur les contacts avec les autorités compétentes et que raconter son histoire personnelle dans son intégralité nécessite du temps. Un protocole de reconnaissance pourrait ainsi bloquer les procédures accélérées afin de laisser le temps au demandeur de raconter son histoire. Une participante des Pays-Bas a exprimé son souhait d’empêcher les procédures rapides d’exister. En même temps, Mme de Radigues (IRCT) a indiqué que les bonnes pratiques ne concernent pas uniquement les Etats mais aussi les initiatives de la société civile. Suite à l’accent mis par les participants des Pays-Bas sur le fait qu’il ne faudrait pas indiquer le pays comme un exemple de bonnes pratiques, le débat est clos. Pendant le débat qui a suivi, les participants des Pays-Bas ont expliqué qu’un problème important est que les psychologues ne s’intéressent pas à la crédibilité, contrairement aux autorités administratives. Ils ont donné l’exemple de personnes qui n’étaient pas crédibles et se sont interrogés sur l’effet du traumatisme sur la mémoire. M. Vloeberghs a indiqué que lorsqu’on a peur, on peut mentir, et qu’ensuite il faudra continuer avec ce mensonge. Le Dr Hárdi a ajouté que la négociation entre la procédure administrative et l’information médicale est importante. Les autorités comprennent que les centres tels que Cordelia interagissent avec les demandeurs d’asile à long terme et connaissent mieux les patients, pouvant ainsi reconnaître la vérité et agir en tant que modérateur. M. Subilia a expliqué le risque de l’instrumentalisation du document médical et que la distinction entre médecin traitant et médecin expert est indispensable. La qualité du rapport dépend de la cohérence mais le médecin traitant doit rester médecin traitant et le document apporté 54 Mr Erick Vloeberghs spoke about the “CARE FULL initiative”, indicating that the publication in 2006 of a book on the Istanbul protocol gave birth to a document of lobbying, currently signed by 40 NGOs. As far as developments in the Netherlands are concerned, he stressed the green book on the future and the necessity of appropriate structures. He emphasized the recommendations for the implementation of a medical interview based on the protocol of Istanbul. This proposal was refused by the government, which put the medical examination at the beginning of the asylum procedure. He then presented the MAPP project (NGO in the Netherlands), which established check list in order to identify the problem of refugees. This list can not be used to proceed to a diagnosis. 3.000 asylum seekers have already been examined by MAPP, notably natives from Burundi and Iran. Dr Lilla Hárdi presented the Cordelia foundation. She began by indicating that according to the World Health Organization (WHO), since 1996 every refugee must be treated as a traumatism survi- dynamic examination of patients’ drawings after sessions and the intensive rehabilitation process which will begin in 2009. Dr Hárdi underlined the need for supervision of professional staff in contact with torture victims and to develop relations with the government in order to progress. In conclusion, she stated the method of the Cordelia foundation in the elaboration of a medicallegal report, which is currently accepted by the authorities in most cases. vor. After emphasizing on the interpreters' service of Cordelia, she explained the aspect of family therapy (non verbal) and that of the emotional therapy. She also evoked new approaches such as the remain as such. The document is considered as supplementary. The applicants do not often During the debate which followed, participants trust doctors; hidden stories are often much from the Netherlands stated that psychologists worse than the ones which can be made up. are not interested in the credibility, unlike the authorities: this difference creates serious prob- The audience also expressed its anxiety conlems. They gave the example of persons who cerning the grant of refugee statute to torture were not credible and wondered about the ef- victims under big pressure. fect of traumatism on their memory. Mrs de Rengervé recalled Dr Hárdi’s comments on the contacts with responsible authorities and Mr Vloeberghs indicated that when one is afraid, added that telling one’s whole story needs time. one can lie, and has to keep lying afterwards. Dr A protocol of recognition could stop the accelerHárdi added that the negotiation between the ated procedures, providing time for applicant to administrative procedure and medical informa- tell his story. tion is important. The authorities understand The participant from the Netherlands expressed that centres such as Cordelia interact in long- her wish to prevent the existence of accelerated term with asylum seekers, having a better procedures. At the same time, Mrs de Radigues knowledge of patients. They are thus able to (IRCT) indicated that good practices do not conrecognize the truth and act as moderator. cern only States but also civil society initiatives. DEBATE Mr Subilia explained the risk of the misuse of the medical document and that the distinction between treating doctor and expert doctor is indispensable. The quality of the report depends on the coherence but the treating doctor has to Last but not least, the Dutch participants put emphasis on the fact that the Netherlands should not be indicated as an example of best practices. Then the debate ended. 55 Mercredi 29 octobre Mise en place du processus de reconnaissance précoce des victimes de torture Modératrice : Hélène de Rengervé, directrice financière et administrative, Parcours d’Exil Le Dr Sylvie Lancino, médecin coordonateur du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA) pour l’est de la France, remplaçant le Dr Marc Wluczka, médecin chef de l’ANAEM retenu à l’étranger, était la première oratrice de cette seconde journée. Elle a présenté l’accueil des demandeurs d’asile dans les structures du dispositif national d'accueil et le soutien apporté par l'ANAEM à travers sa direction de la santé publique (DSP). Elle a mis l'accent sur la souffrance et sa reconnaissance, qu'il s'agisse de celle subie dans le pays d'origine, durant le voyage ou de celle liée à l'attente lors des procédures administratives. Cette souffrance, à laquelle les structures d'accueil sont confrontées, peut être antérieure au traumatisme lié au motif de l'exil et est alors aggravée par la situation. Elle peut être une conséquence de l'exil ; elle peut apparaître lors du voyage, ou encore à l'arrivée et pendant la procédure. La solution pour la DSP de l’ANAEM serait d’essayer de répondre à la souffrance non seulement de façon médicale mais aussi par l’accueil. Par exemple, construire un lieu dans lequel le demandeur d’asile se sente en sécurité, rétablir l’appartenance à un groupe afin d’éviter l’exclusion, (par exemple des groupes de parole, d’expression, de créativité, d’activité professionnelle non rémunérée). Le Dr Lancino a exposé aussi le sujet de la formation des travailleurs sociaux à la reconnaissance de la souffrance, même si ces derniers doivent accepter le cadre de leur intervention et leurs limites. Elle a conclu en citant que partout la souffrance psychique des demandeurs d’asile est le premier point évoqué par les équipes et en soulignant l’importance d’identifier les partenaires au niveau local. M. Yves Nicolas, directeur de centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA ADOMA) de Caen est ensuite intervenu, se concentrant sur trois sujets : 1. Les avantages et désavantages d’un CADA, 2. L’approche de terrain, 3. Les formations. la vie collective peuvent être un frein, d’après aussi le livre du Dr Duterte (référence aux réminiscences quand la victime voit une bouteille de Coca, une cigarette, etc.) de même que les contrôles d’étages, le suivi du règlement intérieur, les sanctions, les feuilles de présence, etc. Se référant à la fin du séjour au sein d’un CADA, M. Nicolas a qualifié l’obtention du statut de réfugiés en tant que « deuil de son pays » et comme le démarrage d’autres difficultés, en dehors de la situation d’assistanat. La question de la sortie est encore plus forte pour les déboutés du droit d’asile. Être débouté, c’est voir son histoire niée, retrouver une situation de non droit, la peur d’être arrêté ou reconduit à la frontière. Pour les travailleurs sociaux, ce moment est également difficile car ils sont tenus de proposer au demandeur débouté de retourner dans son pays. Après avoir évoqué le rôle d’un CADA et les circulaires qui définissent ses actions (accueil ; hébergement ; accompagnement administratif, social et médical), il a indiqué que le séjour au sein d’un tel établissement est une étape difficile pour le demandeur d’asile. Il s’agit souvent d’une longue période d’attente de la réponse quant à son statut, où il se trouve dans une situation d’assistanat, d’inactivité et d’ennui. Cette situation freine la reconstruction de la personne. Le cas d’un CADA collectif est avantageux à ce propos. Mais quelques contraintes de 56 Wednesday, 29 October Establishment of a process of early recognition of torture victims Moderator : Hélène de Rengervé, financial and administrative director, Parcours d’Exil Dr Sylvie Lancino was the first speaker of this second day. She is medical coordinator of the asylum seekers national reception system (DNA) for the eastern part of France, replacing Dr Marc Wluczka, chief doctor of the French agency in charge of migration and welcoming foreign people (ANAEM), who was abroad during the conference. She presented the reception of asylum seekers within the structures of the national reception system (DNA) and the support offered by ANAEM through its public health direction (DSP). She emphasized the suffering and its recognition, whether it is the one provoked in the country of origin, during the journey or while waiting for the administrative procedures to be completed. This suffering, to which reception structures have to face, might be anterior to the traumatism connected to the exile motive and is then aggravated by such situation. It might be a consequence of the exile, appear during the journey or even on arrival and during the procedure. The solution, according to the DSP of ANAEM, would be to try to deal with the suffering not only in a medical way but also through the reception conditions. For example, build a place in which asylum seekers would feel safe, to restore membership in a group, to avoid exclusion (e.g. speech groups, expression, creativity, unpaid professional activity). Dr Lancino also presented the issue of training of social workers to the recognition of suffering, even if they have to accept the framework of their intervention and their limits. Mr Yves Nicolas, director of the reception centre for asylum seekers (CADA - ADOMA) in Caen, made his speech on three parts: 1. The advantages and disadvantages of a CADA; 2. The grass roots approach; 3. Training courses. also according to Dr Duterte’s book (reference to the reminiscence due to daily objects or situations, like a bottle of Coca Cola, the lighting of a cigarette, etc.) as well as floor inspections, rules of procedure, sanctions, attendance sheets, etc. Referring to the end of the stay within a CADA, Mr Nicolas qualified the moment of obtaining the statue of refugee as a moment of “mourning one’s country” and of the beginning of other difficulties, outside the situation of assistance. The exit from the centre is a difficult issue, even more for those whose asylum request has been rejected. This rejection is lived like the negation of their own experience. It means to face illegality as well as the fear of being arrested or sent back to the borders. For social workers, this moment is also difficult as they have to propose to asylum seekers to return in their country. After having spoken about the role of the CADA and the circulars defining its actions (reception; lodging; administrative, social and medical support), he indicated that staying in such a centre constitutes a difficult stage for an asylum seeker. It is often a long period of waiting for the answer to the statute’s request, where people find themselves in a situation of assistance, inactivity and boredom. This situation slows down the personal rehabilitation. The collective CADA is an advantage in this case. But some constraints of collective life can be a brake, She concluded by stating that the psychic suffering of asylum seekers is the first point of discussion everywhere and by underlining the importance of partners’ identification at local level. 57 Donnant des éléments sur le CADA de Caen, il a cité 93 personnes accueillies dans deux établissements (AUDA et CADA) et 7 salariés (1 directeur, 1 secrétaire, 3 intervenants sociaux, 2 animatrices dont une chargée accompagnement à sortie). Parmi les demandeurs, il a cité 43 personnes isolées et 50 personnes en familles. 60% sont originaires d’Afrique (13 Pays), 25% d’Europe (5 pays), 15% d’Asie. 30 adultes sur 70 ont affirmé avoir été torturés : 19 d’Afrique, 10 d’Europe, 1 d’Asie. Les causes, à part la guerre, sont politiques, culturelles, ethniques, religieuses mais aussi l’esclavage (3 personnes concernées). M. Nicolas a ensuite exposé brièvement la difficulté à parler de la torture, liée aux problèmes administratifs et les formations mises en place dans la région. Etant donné le temps limité de son intervention, il a indiqué aux participants qu’ils pourraient obtenir plus d’informations avec la diffusion du rapport de la conférence. DEBAT demi-journée par mois sur 6 mois ; cette action a été reconduite en 2009). En ce qui concerne la préparation des entretiens, elle ne se fait pas assez en équipe. Mme Maya Lenica, psychologue en CADA en Picardie a précisé que beaucoup de personnes n’utilisent pas les droits CMU, parce que notamment en Picardie l’obtention de ces droits est long (de 3 à 6 mois pour leur mise en place). Pendant ce temps il n’y a pas d’accès aux soins. D’autres participants ont confirmé que ce problème n’est pas limité uniquement à la Picardie. Le représentant du CADA Isère a exposé le cas d’un CADA éclaté, où les demandeurs sont hébergés dans des appartements. Par conséquent, il n’y a pas de sentiment d’isolement. Se référant à la Belgique, il a parlé de deux types de reconnaissance : juridique et en tant qu’être humain. Il a également cité les formations sur l’inter-culturalité, organisées en Isère avec Forum Réfugiés. Pour conclure, il a exposé les cinq « catégories » des demandeurs d’asile : primoarrivants en CADA ; personnes en réexamen qui ne peuvent pas être hébergés ; personnes en procédure prioritaire ; personnes dont la situation relève de la régulation Dublin II et enfin celles en « situation administrative complexe » comme les couples où l’un peut demander l’asile et l’autre non –d’où l’existence de paradoxes parfois ingérables. Le participant de l’institut de victimologie de Paris a posé une question sur le traumatisme secondaire: « les personnes des centres sont les premières à recevoir l’histoire, comment les centres prennent-ils en compte la souffrance des personnels souffrant de traumatisme vicariant ? » Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a indiqué que la santé des patients se dégrade malgré la couverture médicale universelle (CMU) fournie en France. L’ouverture aux soins existe mais de nombreux facteurs font que les demandeurs n’en profitent pas, du fait non seulement des traumatismes mais aussi de la complication administrative. De plus en plus de migrants ne sont plus assurés sociaux même s’ils pourraient l’être. Le Dr Lancino (ANAEM) a ajouté que les personnes accueillies dans les CADA ont toutes la CMU au minimum, mais que les hébergés en CADA sont parmi les plus favorisés. Des questions ont été adressées à M. Nicolas : quelle formation a été mise en place avec la DDASS ? Comment les travailleurs préparent-ils les entretiens ? Comment perçoivent-ils les documents attendus et comment les préparentils ? M. Nicolas a expliqué que les formations sont une sensibilisation à des problèmes spécifiques et que les lignes budgétaires pour la formation dans un CADA sont très limitées. Puisqu’il est difficile de participer à des formations à Paris, des formations locales ont été établies avec la DDASS du Calvados, regroupant tous les professionnels travaillant avec des populations migrantes, afin de créer un réseau et d’échanger avec tous les partenaires institutionnels et associatifs. M. Nicolas a cité les formations sur la géopolitique du Caucase et de l’Afrique, celles sur les traumatismes liés à l’exil et l’interculturalité (par exemple, une formation coorganisée par le CADA et la DDASS sur l’ethnopsychiatrie existe depuis décembre 2007, d’une 58 Giving elements about the CADA of Caen, he stated 93 persons hosted in two buildings (AUDA and CADA) and 7 employees (1 director, 1 secretary, 3 social workers, 2 support officers including one in charge of supporting the exit from the CADA). Among the asylum seekers, he indicated 43 isolated persons and 50 with their families. 60% coming from Africa (13 countries), 25% from Europe (5 countries), 15% from Asia. 30 out of 70 adults declared to have been tortured: 19 from Africa, 10 from Europe, 1 from Asia. Causes, except from war, are political, cultural, ethnic, religious, as well as slavery (3 persons concerned). Mr Nicolas then presented briefly the problem of speaking about torture, connected to the administrative problems and the training courses organised in the region. Given the limited time of his intervention, he indicated that participants could obtain more information with the final report of the conference. held during half a day per month over 6 months; this project renewed in 2009). As far as the Dr Duterte (Parcours d’Exil) indicated that pa- preparation of interview is concerned, it is a tients’ health is getting worse, in spite of the pity that it does not involve enough team wok. universal medical cover (CMU) provided in France. The access to medical care exists but Mrs Maya Lenica, psychologist in a CADA in many factors lead to the fact that applicants do Picardy specified that many people do not use not take advantage of this, because of trauma- CMU, because obtaining these rights requests a tism as well as administrative complications. long procedure (3 to 6 months in Picardy). DurThe number of people not protected by the na- ing this time there is no access to medical care. tional insurance scheme is growing, even if they Other participants confirmed that this problem would have been eligible to it. does not concern only Picardy. DEBATE Dr Lancino (ANAEM) added that people accommodated in a CADA all benefit from the CMU at the minimum but they can be considered as most advantaged. Some questions were asked to Mr Nicolas: which training is implemented with the DDASS? How do social workers prepare interviews? How do they perceive awaited documents and how do they prepare them? Mr Nicolas explained that the training aim is to rise awareness to specific problems and that the budget lines for training in a CADA are very limited. Since it is difficult to take part in training sessions in Paris, local trainings have been established in partnership with the DDASS of Calvados, bringing together all professionals working with migrant populations, in order to create a network and to exchange with all institutional and associative partners. Mr Nicolas gave the example of trainings about geopolitical problems in Caucasus and Africa, another one on traumatisms related to the exile and multiculturalism (e.g. the training co-organised by CADA and DDASS about ethno-psychiatry which was The representative of the CADA Isere presented the case of a “spread” CADA, where the applicants are lodged in apartments. Consequently, there is no feeling of isolation. Referring to Belgium, he spoke about two types of recognition: legal and as a human being. He also stated trainings about multiculturalism, organised in Isere in partnership with Forum Refugees. To conclude, he presented the five “categories” of asylum seekers: newcomers in CADA; people in re-examination, who can not be lodged; people in priority procedure; people whose situation is relevant from the Dublin II regulation; and last but not least people in a “complex administrative situation” such as couples where one can require asylum while the other can not. This may create paradoxical situations which might be impossible to deal with. The participant from the institute of victimology of Paris asked about the secondary traumatism: “Staff working in the centres are the first who hear the story. How do centres handle the vicarious traumatism lived by their staff?” 59 Le Dr Lancino a répondu que dans le terme « conditions d’accueil » on entend aussi « accueil des professionnels ». Leur formation et accompagnement sont primordiaux. L’ANAEM réfléchit au problème mais le soutien des équipes est assuré par les structures elles-mêmes. M. Nicolas a ajouté que l’accompagnement est difficile à cause de problèmes financiers. Les réunions d'équipe ont lieu chaque semaine. Cependant beaucoup de CADA ne peuvent pas mettre en place d'accompagnement à la pratique professionnelle (APP), faute de crédits. Ainsi le CADA de Caen n'a pu inscrire que trois séances d'APP d'équipe en 2008. Sa collaboration avec la DDASS du Calvados pour la mise en place de formations locales permet de compenser partiellement ce manque. Mme de Rengervé ajoute que la souffrance des professionnels n’est pas toujours reconnue par les autorités. A la fin de cette table ronde, le directeur de CADA Antelois a indiqué que les directeurs de CADA disposent d’une enveloppe globale pour employer des salariés : c’est donc leur choix d’embaucher des psychologues afin de soutenir les équipes. Aspects psychologiques et psychiatriques Ce panel était constitué de Mme Régine Waintrater, psychologue et thérapeute familial, maître de conférences à l’université Paris 7; et de Mme Karin Teepe, psychologue clinicienne. Mme Régine Waintrater a exposé le « pacte testimonial », qui sous-tend à toutes les rencontres, qu’elles soient définies ou non comme thérapeutiques. Après avoir présenté la fonction du témoignage, notamment dans le cas du traumatisme, elle a placé la consultation thérapeutique à mi-chemin entre l'entretien et la thérapie. Elle a souligné que le traumatisme instaure toujours une rupture : pour la victime, il y aura désormais un avant et un après, et la difficulté pour elle consiste d'abord à retrouver une continuité psychique. Sur le chemin du retour à soi, Mme Waintrater a distingué plusieurs temps, notamment le temps du judiciaire, où la victime s'attache à faire la vérité sur les événements, et le temps de la ressaisie psychique, temps plus privé, loin des regards du groupe. Après avoir cité les fonctions de l’entretien, en soulignant la création d’un environnement fiable et la restauration de l'espace subjectif interne, Mme Waintrater a brièvement exposé le point de vue du clinicien, en insistant sur la complexité d'un tel travail, qui se situe au carrefour de l'entretien clinique, du témoignage et de la consultation thérapeutique. La parole a été ensuite donnée à Mme Karin Teepe. Elle a présenté le travail d’évaluation interne fait au centre de soins de Parcours d’Exil : dans le cadre de la législation européenne, les centres de soins sont tenus de mettre en place une évaluation interne. Ceci consiste à requérir les appréciations des patients sur l’accueil, l’offre et le déroulement de soins, et le ressenti du patient sur l’amélioration éventuelle de sa santé. Un questionnaire très détaillé a été établi, demandant entre autres : une description des soins apportés (médicaux et psychologiques) ; une appréciation de l’accueil, de l’ambiance du centre, du temps écoulé entre la demande et l’offre de soins ; la compréhension de l’interlocuteur ; la manière de s’exprimer du thérapeute, et l’effort au-delà de la langue. Le questionnaire n’est pas à remplir individuellement, mais lors d’un entretien. Ce choix indique que l’association mise sur la réflexion de ses patients sur les soins reçus, afin d’apporter des corrections. Les situations les plus difficiles se présentent lorsque l’entretien ne permet pas un soulagement de la tension interne. L’interview devient alors mécanique et le patient n’émet pas d’avis précis. Par conséquent, il n’y a aucun commentaire sur les soins. A l’inverse, la satisfaction du patient se voit lorsqu’il y a une capacité à réagir de façon personnelle, le questionnaire étant alors pris comme sujet de réflexion et longuement débattu. Mme Teepe a souligné le grand intérêt que présente la réaction des patients. Elle a également mis l’accent sur la question de l’empathie du thérapeute, non par rapport au récit du traumatisme mais par rapport aux symptômes (panique, pas de repérage, retards, etc.). 60 Dr Lancino answered that the term “reception conditions” also implies “reception of professionals”. Their training and support are essential. ANAEM is thinking on this matter but team support is ensured by the structures themselves. Mr Nicolas added that the support is difficult because of financial problems. Team meetings take place every week. However, many CADA are not able to establish professional practice support due to insufficient budget. As a result, the CADA of Caen was not able to subscribe to more than three team support sessions in 2008. Its collaboration with the DDASS of Calvados for the establishment of such training helped to partially compensate this lack of financing. Mrs de Rengervé added that the suffering of professionals is not always recognized by the authorities. At the end of this roundtable, the director of CADA Antelois indicated that CADA directors dispose of a global envelope to hire employees. It is thus their choice to hire psychologists in order to support their staff. Psychological and psychiatric aspects The second panel of the day was constituted by Mrs Régine Waintrater, psychologist and family therapist, lecturer at the university Paris 7 and by Mrs Karin Teepe, clinical psychologist of “Parcours d’Exil”. Mrs Waintrater presented the “testimonial pact”, which is a root for all meetings, regardless if they are defined as therapeutic or not. Having explained what is testimony, notably in the case of traumatism, she placed the therapeutic consultation halfway between the interview and the therapy. She underlined that the traumatism always establishes a break: for the victim, there will be a “before” and “after”. At first, the difficulty consists in finding a psychic continuity. On the way back to oneself, she distinguished several time periods: the judicial time, where the victim attempts to get the truth out of the events, and the time of psychical rehabilitation, which is more private, far from the group. Mrs Waintrater stated the functions of the interview by underlining the establishment of a reliable environment and the restoration of the internal subjective space. Then she briefly presented the point of view of the clinician, by insisting on the complexity of such a work, at the crossroads of the clinical interview, the testimony and the therapeutic consultation. The floor was then given to Mrs Karin Teepe, who exposed the internal evaluation made in the centre of “Parcours d’Exil”, explaining that within the framework of the European legislation, medical centres are constrained to set up internal evaluation. This shows the patients’ opinion on the reception, the medical care, as well as their feelings on the possible improvement of their health condition. ally, but during an interview. This choice indicates that the association gives a great importance on the thoughts of its patients, in order to make the necessary improvements. The most difficult reactions are seen when the interview does not allow to remove internal tension. In this case, the interview becomes mechanical and the patient remains vague about the relation. Consequently, there is no comment on the medical care. On the other way, the satisfaction is connected to the capacity of reacting in a personal way, given the fact that the questionnaire is considered as a means for thinking and is discussed during a long time. Mrs Teepe underlined that the patients’ reaction is of a great interest. She also emphasized the issue of the therapist’s empathy, not with respect to the narration but regarding symptoms (panic, lack of marks, delays, etc.) A very detailed questionnaire has been established, including a request for description of care provided by the doctor and the psychologist; an opinion on the reception, the atmosphere of the centre, the time lag between request for appointment and consultation; the way the therapist expresses himself/herself and the effort done to fight language barriers. The questionnaire was not to be filled individu- 61 DEBAT Une participante (psychologue) a demandé ce que cette situation d’évaluation reproduit de l’expérience traumatique du patient. Elle a indiqué que le refus de répondre peut être une confrontation avec quelque chose de connu. L’interprétation des réponses est donc difficile car on ne sait pas de quoi elles sont fondamentalement composées. Mme Teepe a répondu que ce n’est pas le questionnaire uniquement qui provoque des réminiscences, mais beaucoup de stimuli externes et quotidiens. La plupart des patients ont des réactions personnelles et positives et sont heureux d’aider. Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a rappelé que le questionnaire a été mis en place par obligation, pour éviter qu’un autre mode d’évaluation ne soit imposé par les autorités. Un représentant de CADA a demandé à Mme Waintrater : « Quand on parle d’hébergement du discours de la personne, ne faudrait-il pas que les cliniciens se démarquent d’entendre le discours là où la personne a été torturée ? Le moment même de la torture n’est-il pas une telle déstructuration psychique ? Ne faut-il pas faire bord avec le temps de la destruction, et le temps de la reconstruction n’est-il pas le temps où l’espace est offert ? ». Mme Waintrater a répondu que l’hébergement psychique est au plus près de la personne mais que non, il ne faut pas l’enfermer dans la scène traumatique qui parfois n’est pas racontée. Une autre question a été posée par le public : « Est-ce que pour reconnaître les personnes torturées, l’enjeu n’est-il pas dans le transfert ? » Mme Waintrater a indiqué à ce propos l’importance de la neutralité bienveillante, et le besoin d’adapter celle-ci, dans le souci de ne pas « retraumatiser ». « Le thérapeute doit savoir, à certaines moments, tempérer la neutralité et augmenter la bienveillance, ce qui ne signifie pas la simple compassion. Il s’agit, pour le thérapeute, d’offrir à son interlocuteur un cadre et une écoute fiable qui lui permettent de savoir à qui il parle ». Elle a ajouté qu’on ne peut pas s’abriter derrière la neutralité. Dans le cas de négationnisme, de génocide, les personnes ont besoin de savoir de quel côté on est. L’empathie et le repérage patient et attentif des mouvements psychiques chez le thérapeute sont sa boussole pour savoir comment se positionner à chaque moment. Implications d’une reconnaissance précoce des victimes de torture La dernière table ronde de la conférence était constituée du Dr Pierre Duterte, médecin directeur de Parcours d’Exil ; de M. Pierre Courcelle, bénévole au service asile de l’ACAT France (action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ; de Mme Danielle Mérian, avocate honoraire et administratrice de Parcours d’Exil ; de Mme Monique Végéga, chef de service et membre de la FNARS Picardie (fédération nationale des associations d’accueil et de reconversion sociale). Le Dr Duterte, après avoir remercié les orateurs de la qualité des interventions et des débats, a expliqué le travail réalisé depuis un an sur la mise en place d’un questionnaire de dépistage précoce des victimes de torture, actuellement en phase d’essai. Il a noté l’importance de faire le moins mal possible, en posant des questions qui ne sont pas une source de « retraumatisation » ou de « revictimisation ». Il a exprimé son inquiétude en ce qui concerne la France, en se demandant si les thérapeutes ne « re-traumatisent » pas parfois involontairement. Il a ensuite expliqué la nécessité de l’éthique, en indiquant le danger que représente ce questionnaire. Comment peut-on faire pour éviter qu’il ne serve de dépistage à la frontière ? C’est-à-dire pour éviter qu’il ne soit détourné en outil de rejet à la frontière ? Il a qualifié cette situation de très sensible, à la limite entre soin et maltraitance. En conclusion, il a invité les autres intervenants du panel à réfléchir sur quelles sont les protections à mettre en place pour éviter ces risques. 62 Mrs Waintrater answered that psychic hosting is as close as possible to the person but that the A psychologist asked if old traumatic experi- person should not be locked up in the traumatic ences can not be reproduced by this evaluation scene, which sometimes is not even told. procedure. She indicated that the refusing to answer could mean confrontation with some- Another question was asked by the public: thing already experienced. The interpretation of “In order to recognize the tortured people, isn't the answers is thus difficult because one does the stake in the transfer?” not know on which elements they are based. Mrs Waintrater answered by evocating the imMrs Teepe answered that it is not the question- portance of the benevolent neutrality which naire alone which might cause reminiscence, needs to be adapted in order to avoid a “rebut a lot of external and daily stimuli. Most of traumatism”. the patients show positive reactions and are “The therapists need to know when to moderhappy to help. ate neutrality and increase benevolence, not Dr Duterte (Parcours d’Exil) pointed out that the meaning simple compassion. In this way, the questionnaire was set up out of obligation, in therapist offers the patient a framework of order to prevent that another mode of evalua- trustful listening, allowing him/her to undertion would be imposed by the authorities. stand to whom he/she is talking to” DEBATE A representative of CADA asked Mrs Waintrater: “When we are speaking of « hosting » the patient speech, wouldn’t it be necessary that clinicians try to avoid to listen to this story where it happened? Isn’t the specific moment of torture the time of such a psychological destructuration ? Isn’t the time to try to join the time of destructuration and time of reconstruction; isn’t the time where a space is offered?” She added that one can not find a shelter behind neutrality. In case of denial, of genocide, patient needs to know on which side the therapist is. Empathy and the slow and watchful tracking of his psychic movements are the compass of the therapist to determine how to position himself towards the patient at every moment. Implications of an early recognition of torture victims The last round table of the conference was constituted by Dr Pierre Duterte, medical director of Parcours D'Exil; Mr Pierre Courcelle, volunteer in the asylum service of ACAT France (Association of Christians for the Abolition of Torture); Mrs Danielle Mérian, lawyer, administrator of Parcours D'Exil; and Mrs Monique Végéga, head of department and member of the National Federation of community reception and social rehabilitation (FNARS Picardie) Dr Duterte thanked all panellists for the quality of their speeches and the debates. Then he explained the research work realised for about a year on the implementation of a questionnaire of early recognition of torture victims, still currently in trial phase. He noted the importance to make as low harm as possible, by asking questions which may not traumatise or victimise again the patient. He expressed his worry, as far as France is concerned, wondering whether therapists sometimes unwillingly re-traumatise patients. He then explained the necessity of ethics, indicating the danger represented by this questionnaire. How can we ensure that it will not serve as screening at the border? Meaning not to be diverted in order to reject people in the border? This situation is very sensitive, at the limit between care and mistreatment. As a conclusion, he invited the other panellists to think about what kind of protections can be set up in order to avoid these risks. 63 M. Pierre Courcelle a présenté son travail sur le droit d’asile depuis quinze ans. Il a parlé en tant que militant, qui reçoit tous les jours des demandeurs d’asile. Il a confirmé que parmi les demandeurs d’asile, il y a une forte proportion de gens qui ont subi une violence soutenue, comme au moment des guerres du Rwanda et du Congo. Il a indiqué que dans le cadre de l’ACAT, il reçoit des gens qui ne viennent pas de CADA, mais logés chez des amis, dans leur famille, etc., en soulignant que la première chose est de les écouter, puisqu’eux même disent qu’ils ne sont pas écoutés lors de l’entretien avec l’OFPRA. Il a remarqué qu’il existe à l’OFPRA une série de questions prédéfinies auxquelles le demandeur répond mais que le demandeur n’a pas réellement la possibilité d’exprimer ce qu’il veut. là et qu’on ne tient pas compte de cette réalité. M. Courcelle a ensuite souligné que depuis quelques années on pousse à la rapidité dans l’examen des cas : le temps administratif et judiciaire ne correspondent plus au temps des soins. Il a été entendu qu’on pourrait examiner un dossier en un mois. Cette pensée appartient à quelqu’un qui n’a jamais reçu de demande d’asile et n’a jamais vu de dossier. « Comment peut-on parler de reconstruction des gens dans cette optique ? Comment parler de reconstruction après avoir reçu, au bout de la procédure judiciaire, une décision qui dit finalement vous avez menti, fraudé ? » En conclusion, il a insisté sur les zones d’attente, de rétention, et la menace permanente d’une reconduite à la frontière dont beaucoup sont dangereuses, tout en s’interrogeant sur les insFaisant référence à la procédure administrative, tructions données aux policiers d’escorte. il a insisté sur la culture du résultat donnant l’exemple d’un jeune officier de protection qui « Est-ce que nous ne pratiquons pas nousa claqué la porte : on lui avait dit qu’il serait mêmes la torture à la Kafka ? » s’est-il demanjugé sur le nombre de dossiers traités. Selon M. dé. Courcelle, les demandeurs sont mieux entendus à la cour nationale du droit d’asile (CNDA) avec Le Dr Duterte a ajouté que parler de guérir la un bon avocat. Il a expliqué que l’ACAT leur torture est une escroquerie car on ne guérit jadonne la parole puis les aide à faire un récit le mais au sens médical : on ne revient jamais à plus cohérent possible pour les plaidoiries, afin l’état antérieur. On peut consolider mais pas de préparer l’entretien à l’OFPRA ou l’audience guérir. La torture est une telle machine destrucà la commission. C’est donc frappant qu’ils ne trice qu’on ne peut jamais en guérir. soient pas entendus. Il a ensuite expliqué que la deuxième chose contre laquelle il s’est longtemps battu en vain est que des violences très fortes, très importantes, qui sont connues, ne sont pas prises en compte aujourd’hui parce qu’elles sont trop anciennes. Il a donné par exemple le cas d’une jeune femme mauritanienne violée à 13 ans, qui a vu sa mère tuée devant elle, son père battu à mort au Sénégal ; la réponse de l’OFPRA à sa demande d’asile fut qu’elle demandait l’amélioration de son niveau de vie économique puisque les faits étaient « trop anciens ». Son impression est qu’on ne guérit pas facilement de choses de ce genre, que le traumatisme peut toujours être 64 Mr Pierre Courcelle presented his work of the last fifteen years about asylum rights. He spoke as an activist, who receives asylum seekers on a daily basis. He confirmed that among asylum seekers, there is a strong proportion of people who suffered high violence, such as during the wars of Rwanda and Congo. one does not cure easily from this kind of things and that the traumatism can always be there without being taken into account. Mr Courcelle then noted that lately, from the moment that the examination of every case has been speeded up, the administrative and judicial time do no longer correspond to the medical care time. Someone explained that a file can be examined in one month. Only someone who has never received an asylum seeker and has never seen a file can think this way. “How can we speak about rehabilitation of people from this point of view? How is it possible to speak about reconstruction, when you receive a judicial decision which finally said: you lied and cheated?” He indicated that within the framework of ACAT, he receives people who do not come from reception centres, but are hosted by friends, family etc. He underlined that the first thing to do is to listen to them, because as they say, the interview with the OFPRA does not give them the opportunity to really be heard. He noticed that in the OFPRA there is a series of predefined questions to which the applicant answers but In conclusion, he underlined the waiting and that the applicant does not really have the op- detention zones, the permanent threat of being sent back to the borders, of which many are portunity to speak according to his own will. dangerous, and he wondered about the instrucReferring to the administrative procedure, he tions given to the police officers in charge of insisted on the result-oriented culture, giving taking the asylum seekers away. the example of a young officer of protection “Are we not practising ourselves torture in a who quitted after he was told that he would be Kafkaian way?”, he wondered. judged on the number of finished cases. Dr Duterte added that speaking about cure of Mr Courcelle expressed his opinion that the ap- torture is a nonsense, because one is never plicants are better listened to at the National cured in a medical way: one can never return to Court of the Asylum Right (CNDA), when repre- the previous state. One can be strengthened but sented by a good lawyer. He explained that not be cured. The torture is such a destructive ACAT gives the floor to them and afterwards mechanism that one can never be cured from it. help them to make a narration as coherent as possible, to prepare the interview with the OFPRA or with the Commission. It is thus shocking that they are not listened to. He then stated that the second issue against which he has fought for a long time in vain is that some known and very strong violent facts are not taken into account today because they are “too old”. He gave as an example a Mauritanian young lady, raped when she was 13, who saw her mother killed and her father beaten to death in Senegal. She received a negative answer from the OFPRA on the opinion that she seemed to seek only an improvement of her economic standard of living, since the traumatic events were “too old”. His impression is that 65 Maître Danielle Mérian a pris ensuite la parole, disant qu’elle avait considéré comme « une colle » la question sur « quel pare-feu peut-on instaurer afin d’empêcher des gouvernements pervers de détourner l’instrument d’un processus de reconnaissance précoce de victimes de torture ? » Elle ne voit pas comment on pourrait empêcher ça, mais elle a indiqué qu’elle sait comment la société civile doit agir. « …personnes travaillant dans les centres d’hébergement ont reçu une formation appropriée et sont tenues au secret » : la formation est décrite comme antérieure au travail ; la confidentialité : le travailleur devrait expliquer ce qu’est le secret professionnel. Elle a insisté sur la transposition non réussie en droit français : pas de document d’information, pas d’avantage, pas d’évaluation individuelle, pas de soin. Elle a indiqué que c’est aux associaEn tant que citoyens européens, nous avons à tions de militer pour l’application effective de exiger de nos gouvernements qu’ils appliquent la directive. la directive actuellement sous-appliquée puisque la transposition en droit interne français est En France les rares centres de santé doivent quasi inexistante. Elle a ensuite cité des passa- être subventionnés par l’Etat. ges de la directive Accueil, qui établit des normes minimales, des principes généraux qui mo- Se référant à la reconnaissance précoce, elle a tivent les dispositions particulières : il s’agit parlé d’une double finalité : soigner rapidement pour les Etats de devoir « mettre en place un et établir un certificat médical, mais le quesespace de liberté, de sécurité et de justice (…) tionnaire/liste d’observation n’a pas pour finali[et] maintenir le principe de non refoulement té le diagnostic. Il devrait être utilisé par toutes les personnes aux contacts des demandeurs d’a(…) ». Ces normes impliquent de dispenser des soins sile (avocats, militants, travailleurs sociaux aux victimes et de dispenser l’asile à des per- etc.) pour que les personnes en grande souffransonnes qui relèvent du statut de réfugiés politi- ce soient redirigées vers des centres de santé. ques même s’ils n’ont pas vécu la torture physi- Ce questionnaire ne devrait jamais été utilisé que, comme par exemple les journalistes, ou par les forces de police pour faire un tri entre tout autre personne ne pouvant pas exercer son ceux qui ont été torturés physiquement et ceux qui ont été menacés et seraient rejetés dans métier dans des conditions normales. des avions. Elle a parlé des dispositions générales : « les Etats membres informent les demandeurs d’asile des avantages dont ils peuvent bénéficier (…) y compris des soins médicaux (…) [Les demandeurs doivent] recevoir ces informations dans une langue qu’ils connaissent de façon suffisante ». Des efforts sont à faire dans les langues ! A propos des « conditions matérielles et de soins » : on oublie que la garantie de soins particuliers aux personnes vulnérables s’applique aux personnes placées en rétention : « …accordent une attention particulière à la prévention de la violence dans les centres d’hébergement » : des patients du Dr Duterte racontent avoir des crises de violence inexpliquées. 66 Maitre Danielle Mérian then took the floor. She explained that she had been quite puzzled by the asked question: “Which measures should be established in order to prevent governments from misusing the process of early recognition of torture victims?” She does not see how we could prevent that, but she indicated that she knows in which way civil society has to act. As European citizens, we have to demand that our governments apply the current directives (e.g. the transposition in French law is nearly non-existent). She then quoted parts of the “Reception” directive, which establishes minimum standards and general principles motivating specific arrangements: States have to “set up a space of freedom, security and justice (…) [and] maintain the principle of not sending back (…)”. These standards imply to provide medical care to victims and the grant of asylum to political refugees, even if they did not suffer from physical torture, such as journalists or other persons who can not exercise their profession in normal conditions. She insisted on the unsuccessful transposition in French law: no information document, no advantage, no individual evaluation, no care. She indicated that NGOs need to militate for the proper application of the directive. In France, the very few specialised health centres must be subsidized by the State. Referring to the early recognition, she spoke about a double objective: to take in care quickly and to establish a medical certificate, but this questionnaire/checklist can not lead to a diagnosis. It should be used by all persons in contact with asylum seekers (lawyers, social workers, activists etc.) so that persons in heavy sufferings are redirected towards health care centres. This document should never be used by police forces to sort those who were physically tortured from those who were threatened and would thus be thrown back to airplanes. She spoke about general arrangements: “member States inform asylum seekers on the advantages they are entitled to (…) including medical care (…) [The asylum seekers may] receive this information in a language which they sufficiently understand”. Efforts should be made concerning languages ! About the “material and care conditions ”: we forget that the guarantee of particular care to vulnerable persons applies to persons placed in custody. “(…) pay attention to the prevention of violence in reception centres”: some patients of Dr Duterte describe unexplained violence crises. “Persons working in reception centres received an appropriate training and are held by professional secret”: in the directive, it is clear that training must be given before working. About confidentiality: the social worker should explain what professional secret is. 67 Mme Monique Végéga fut le dernier orateur de la conférence. Elle a abordé le thème sous un autre angle : les implications d’une non reconnaissance des victimes de torture. Elle a pris l’exemple de sa région, la Picardie, où elle intervient depuis vingt ans. Assistante sociale de formation, elle a indiqué que les CADA œuvrent dans un cadre de plus en plus restreint, dans un Etat pas toujours respectueux des droits humains, et qui met davantage l’accent sur la gestion des sorties des CADA que sur la qualité de l’accompagnement. On sait à peu près ce qu’il faut faire auprès des demandeurs d’asile dans le département (multiplication des places en CADA, organisation de plates-formes d’arrivée pour les primoarrivants durant les « années fastes », mise en place d’actions permettant le suivi médicopsychologique des demandeurs d’asile). Elle a expliqué sa collaboration avec Parcours d’Exil, quand plusieurs thérapeutes de l’association intervenaient auprès des demandeurs d’asile accompagnés dans le cadre de la plateforme. Même si le système restait à améliorer, les soutiens proposés étaient complémentaires : les travailleurs sociaux avaient en charge l’accompagnement « du quotidien » (recherche de solution d’hébergement, réponses aux besoins de première nécessité, accès aux soins...) et l’aide (proposée) à la constitution du dossier de demande d’asile, tandis que les thérapeutes traitaient le traumatisme ; chaque personne accueillie recevait un soutien adapté. Chaque intervenant avait une vision claire de sa mission et le demandeur d’asile était écouté dans des espaces distincts de parole et d’écoute, ce qui faisait qu’il y avait moins de « faux déboutés ». Le dispositif national d’accueil a été régionalisé en 2008. Ainsi en Picardie le choix a été fait par le préfet de région de maintenir la plateforme d’accueil des primo-arrivants de Beauvais et de fermer celle d’Amiens, sans coordination ni organisation préalable, sans moyen pour combler les besoins qui ont émergé à la suite de cette régionalisation et qui auraient pu être anticipés. Les primo-arrivants sont aujourd’hui accueillis dans un seul département, l’Oise, où ils doivent exprimer leur demande d’asile auprès des services préfectoraux. La mission confiée à la plate- forme d’accueil ne concerne que l’orientation des demandeurs d’asile vers les CADA. Aucun moyen n’est mis en place en ce qui concerne le suivi thérapeutique. Faisant référence aux propos du Dr Duterte, elle remarque que s’il est effectivement nécessaire de repérer les victimes de torture, afin de leur proposer un soutien adapté, on constate que le dispositif actuel ne permet même pas d’offrir aux demandeurs d’asile, en amont de l’accueil en CADA, la satisfaction de leurs besoins vitaux ou un accompagnement adapté. Cette reconnaissance devrait maintenant être faite dès l’arrivée en CADA. Elle a ajouté que les CADA œuvrent eux-mêmes dans un cadre juridique de plus en plus contraignant. Une circulaire en date du 24/07/08 émanant du ministère de l’Immigration refixe les missions des CADA et leur donne obligation de signer une nouvelle convention d’objectifs et de moyens. La question se pose au sein de certaines associations gestionnaires de CADA de savoir si l’on accepte ou pas d’être conventionné avec l’Etat pour entrer dans le dispositif existant. La FNARS a mené une réflexion autour de cette convention et a attiré l’attention des gestionnaires de CADA sur l’impact que peut avoir la signature d’une telle convention qui apparaît, à plusieurs égards, critiquable. Mme Végéga a ensuite évoqué la précarisation du système actuel. La circulaire met l’accent sur la gestion de la sortie : le respect du droit d’asile ne semble plus être la priorité ; il est surtout demandé de gérer la sortie dans les délais (toute personne déboutée de sa demande d'asile doit quitter le CADA un mois après la réception de la décision). L’Etat préconise de faire sortir les personnes vers le dispositif d’hébergement d'urgence classique lequel n’a pas les moyens de les héberger. Elle a conclu que la question n’est pas de savoir comment on devrait fonctionner. Les gestionnaires connaissent les limites de leur personnel et la nécessité de travailler en lien étroit avec des associations spécialisées et de mettre en place de véritables espaces de parole. Il s’agit plutôt de savoir quels moyens on a de lutter contre la volonté affichée par l’Etat de traiter les choses au plus vite sans prendre en compte les réels besoins des populations. 68 Mrs Monique Végéga was the last speaker of the conference. She spoke about the subject from a different point of view : the implications of a NON recognition of torture victims. She took the example of her own region, Picardy, where she has been working as social worker for twenty years. hosting platform is reduced to orientation of asylum seekers towards the reception centres. No mean exists for the therapeutic follow-up. Referring to Dr Duterte’s comments, evoking the necessity of identifying victims, she noticed that we are currently in a context where asylum seekers do not receive appropriate support and can not fulfil their vital needs before their enShe indicated that reception centres work in trance in a reception centre. Recognition should more and more binding conditions, in a country thus be made at the arrival in a reception cenwhich does not always respect human rights, tre. which emphasizes the management of the exit of the centre more than the quality of the sup- She added that the reception centres are themport. It is generally known what is necessary to selves working within an increasingly conbe done regarding asylum seekers in the region strained legal framework. A circular of 24 July (e.g. multiplication of places in CADA, arrival 2008 from the ministry of Immigration redefines platforms for new-comers in the “luxurious the missions of the reception centres and years”, implementation of actions allowing a obliges them to sign a new convention of objecmedical and psychological follow up of asylum tives and means. The question is raised today within some organisations if one accepts or not seekers). Mrs Végéga explained her collaboration with to be officially in contract with the State in orParcours d’Exil when several therapists of the der to enter or not the existing plan. The FNARS organisation were called in the structure she has examined this issue and drew the attention was in charge of. Even though the system could of reception centres managers about the impact still be improved, the proposed support was of signing such a convention, which appears, in complementary: social workers were in charge several cases, criticisable. of the “everyday support” (research of housing, Mrs Végéga then evoked the loss of stability of first necessities, access to medical care…) and the current system. The circular emphasizes the the support (proposed) for the constitution of management of the exit. The respect of the asythe asylum request file, while the therapists lum right is no longer the priority. It is espetreated traumatism. In this way, everyone re- cially requested to manage the exit within the ceived an appropriate support. Each profes- time set (every person whose application has sional had a clear vision of his mission and the been rejected has to leave the reception centre asylum seeker was listened to in separate within one month after being notified of the spaces for speech and active listening. As a re- decision). This means that the State requests to sult, there were less false rejections of applica- redirect people towards the classic accommodation system, which is unable to accommodate tions. The national hosting plan was divided on a re- them. gional basis in 2008. Thus, in Picardy, the choice was made by the region prefect to maintain the To conclude, she stated that the question is not Beauvais platform (hosting of newcomers) and to know how one should function. Managers are closed the one in Amiens, without previous co- aware of the limits of their staff and of the ordination nor organisation, without the settle- need for working together with specialized orment of any fund to compensate the evolving ganisations. It is rather a question of knowing needs following this regionalisation. Newcomers which means one disposes in order to fight are today welcomed in a single department, against the State’s will to deal with things as Oise, where they have to present their asylum quickly as possible, without taking into account request to the prefecture. The mandate of the the real needs of the populations. 69 dification des personnes qui se ferment pour se protéger. DEBAT M. Ottet (défense juridique de requérants d’asile à l’aéroport de Genève) a exposé la procédure mise en place en Suisse. C’est une procédure très rapide qui demande une décision de première instance en vingt jours et donne cinq jours pour les recours. Il se demandait que faiton dans ces conditions pour la détection précoce des cas de torture ? Afin d’expliquer que les victimes ne peuvent pas présenter leur situation dans ce type de procédure, il a donné deux exemples : en premier, celui d’une femme nigériane forcée de se marier à 15 ans, violée par son « mari », ayant fait une fausse couche après avoir essayé de s’enfuir ; son mari lui avait coupé un doigt en punition. Ensuite, l’histoire d’une femme de Congo Brazzaville, ayant vu son enfant tué devant elle. Les juristes doivent la faire parler, sans attendre. Elle doit avoir une deuxième audition durant laquelle sa demande sera rejetée à cause des contradictions. Que fait-on dans ce genre de situation avec ces personnes ? M. Ottet a proposé de déclarer fermement dans les conclusions que ce type de procédure sommaire ne convient pas, quand on détecte la présence de traces de torture et de traumatisme, et qu’il faut vraiment dénoncer ce genre de procédures aux frontières. Après le commentaire de Mme de Rengervé que ces propos correspondent aussi aux indications des juristes néerlandais, M. Nicolas (CADA Caen) a rappelé la circulaire du 24/07/2008, où l’accompagnement des personnes vulnérables est précisé, ainsi que la formation des personnels, même si les moyens ne sont pas accordés pour le moment. Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a ajouté que les personnes qui reçoivent les récits sont aussi vulnérables. A chaque supervision depuis dix ans, on retrouve une souffrance majeure du personnel, qui impacte le travail des travailleurs sociaux et de tout intervenant des CADA. Le turnover s’accélère. Il est difficile d’aider quand on est obligé de faire sortir les personnes à terme. Il ne faut donc pas perdre de vue le besoin d’aide du personnel, pour éviter le turnover des personnes trop sensibles qui partent, et la rigi- Mme Végéga (FNARS Picardie) a ajouté que la circulaire prévoit l’hébergement décent mais qu’il faut lutter pour ne pas accueillir des personnes isolées dans des appartements prévus pour l’accueil de famille (et n’offrant donc pas de garantie aux personnes accueillies du respect de leur intimité par exemple). Les dotations de financement sont trop limitées, souvent en dessous des moyens nécessaires au fonctionnement minimal. Les CADA sont en situation budgétaire précarisée et les travailleurs sociaux qui y interviennent souffrent des contradictions entre leur propre éthique, les missions des CADA telles qu’elles ont été réaffirmées, et la façon dont il leur demandé de les mettre en œuvre. La difficulté pour assurer l’accompagnement de la précarité est donc augmentée par la précarisation des structures elles-mêmes. M. Sfar (ADATE) a indiqué sur la question de l’accompagnement dans la santé, la circulaire de 2008 dit qu’une circulaire spécifique est en cours. Les établissements doivent donc se mobiliser pour un travail en amont afin que la circulaire à sortir ne soit pas restrictive et n’impose pas sans donner les moyens. Un état des lieux de la santé dans les CADA doit être fait avant la sortie de ladite circulaire. Pour cela, il faut travailler en réseau. Le Dr Duterte (Parcours d’Exil) a ajouté que cet objet a été très clairement défini par M. Guardiola (ministère de l’Immigration), M. Panloup (ministère de l’Intérieur) et Mme Messariti (Commission européenne) qui souhaitent bien travailler en réseau. « Ils ont demandé des propositions ; travaillonsy cet après-midi et envoyons-les. J’ai entendu les trois ministères présents dire « faites des propositions, on est prêt à entendre ». Pourquoi ne pas y croire ? » Concluant, le Dr Duterte a cité qu’il a toujours travaillé en relation correcte avec l’OFPRA et qu’il n’a jamais eu à s’en plaindre. « On peut se plaindre mais on peut aussi faire des propositions. Des portes se sont ouvertes, entrons. » 70 DEBATE Mr Ottet (legal defence of asylum applicants at the airport of Geneva) explained the procedure in Switzerland: a very fast procedure which asks for a first decision in twenty days and gives five days for appeals. He asked what is possible in such cases to detect torture. In order to explain why victims can not expose their situation in such quick procedures, he gave two examples: the first one was the story of a Nigerian woman forced to get married when she was 15, raped by her “husband”, having miscarried after having tried to flee; her husband cut one of her fingers as punishment. The second example is the story of a woman of Congo Brazzaville who had seen her child killed in front of her. The lawyers have to make her speak, without waiting. She will have a second hearing during which her request will be rejected because of contradictions. What can one do in this kind of situation? Mr Ottet suggested to firmly declare in the conclusions that this type of accelerated procedure is inappropriate, when we detect traces of torture and traumatism. It is necessary to denounce this kind of procedures taking place at the borders. Mrs Végéga (FNARS Picardy) added that the circular plans for decent housing but that it is necessary to fight in order not to accommodate isolated people in apartments for families (thus not providing guarantee for the respect of intimacy for example). The budgetary decrees are very limited, often below necessary funds for minimum functioning. The reception centres financial situation is becoming worse and social workers suffer from contradictions between their own ethics, the redefined reception centre mandate and the way they are requested to implement this mandate. The difficulty of supporting precariousness is thus increased by the precariousness of the structures themselves. Mr Sfar (ADATE) indicated that on the issue of health support, the 2008 circular indicates that a specific circular is ongoing. All establishments must be mobilized towards an upstream work so that the new circular will not be restrictive and will not impose without giving the appropriate resources. An health inventory in the CADA must be made before the publication of the new circular. For that, there is a need for networking. Dr Duterte (Parcours d’Exil) added that Mr Guardiola (ministry of Immigration), Mr Panloup (ministry for the Interior) and Mrs Messariti (European Commission) clearly express that they wish to work within a network. They asked for proposals; let us work this afternoon and send them. I heard the present three ministries saying “make proposals; we are ready Dr Duterte (Parcours d’Exil) added that people to hear”. Why not believe in it?” who hear the stories are also vulnerable. Since ten years, in every supervision, we can notice a Concluding, Dr Duterte stated that he has almajor suffering of staff which impacts the work ways collaborated with OFPRA and he never had of social workers or other professionals within a to complain. reception centre. The turnover accelerates. It is “One can complain but one can also make prodifficult to help people when the final obliga- posals. Doors are open, let us enter.” tion is to make them leave from the structure. Thus, we should not omit the staff’s need for assistance, in order to avoid turnover of sensitive people who quit and the hardening of those who lock themselves for self protection. After Mrs de Rengervé’s comment that these remarks correspond to the indications of the Dutch lawyers, Mr Nicolas (CADA Caen) recalled the circular of 24/07/2008, where support of vulnerable people is specified, as well as staff training, even if means are not granted for the moment. 71 Conclusions et Recommandations A U début de cette dernière séance, le projet de texte de recommandations, à débattre par les participants afin d’être adopté à l’issue de la conférence, a été distribué en français par le comité de rédaction (Laetitia de Radigues – IRCT ; Hélène de Rengervé - Parcours d’Exil ; Camélia Doru - ICAR ; Dr Pierre Duterte – Parcours d’Exil ; Sandrine Scardigli – Parcours d’Exil ; Yiannis Vacondios – Parcours d’Exil ; Erick Vloeberghs – Pharos). Le texte était basé sur les exposés et les débats de la conférence et proposait des références aux directives européennes et aux textes internationaux, des constats et des propositions pour l’établissement d’un processus de reconnaissance précoce systématique des victimes de torture. Il a été clarifié que ce texte n’engageait que les participants de cette conférence à titre personnel mais qu’il serait ouvert à tous, afin que des associations ou des individus puissent s’associer. Suite aux invitations à propositions de la part de la Commission européenne et des instances françaises, le texte (qui ne propose pas un diagnostic médical) sera transmis aux institutions européennes ainsi qu’aux ministères compétents de l’Union européenne (voir pages 142-157 – Recommandations pour le texte adopté). Le texte a été travaillé paragraphe par paragraphe par l’ensemble des participants. L’accent a été mis sur la référence aux conventions internationales ainsi qu’à la définition et citation du « syndrome de stress post-traumatique » et des « troubles psychologiques ». Le sujet de la formation a été longuement discuté, évoquant le problème de communication des patients. En ce qui concerne la terminologie utilisée pour le processus de reconnaissance précoce des victimes de torture, le terme « questionnaire » n’a pas été accepté et a été remplacé par « liste d’observation » (checklist). Le terme « protocole » a également été remplacé par « processus ». La cartographie des services de soins au sein d’un pays a été également mise en valeur ainsi que l’utilisation du certificat médical. Suite à l’adoption du texte des recommandations, le Dr Pierre Duterte, médecin directeur de Parcours d’Exil, a clôturé la séance, en remerciant les participants et l’équipe organisatrice de Parcours d’Exil. 72 Conclusions and Recommendations A T the beginning of the last session, the drafting committee (Laetitia de Radigues – IRCT; Hélène De Rengervé - Parcours d’Exil; Camélia Doru - ICAR; Pierre Duterte – Parcours d’Exil; Sandrine Scardigli – Parcours d’Exil; Yiannis Vacondios – Parcours d’Exil; Erick Vloeberghs – Pharos) distributed a draft text of recommendations, to be discussed by all participants in order to be adopted. The text, distributed in French, was based on the speeches and debates of the conference. It referred to the European directives and international texts and recommended the establishment of a process for the early recognition of torture victims. It was clarified that this text would be adopted by the participants acting in their personal capacity, but would be opened to everyone, so that associations or individuals can join later on. Following the call for proposals on behalf of the European Commission and the French authorities, the text (which does not propose a medical diagnosis) will be forwarded to the European institutions as well as the responsible ministries of the European Union (see pages 145—157 - Recommendations). The text was studied paragraph by paragraph by all the participants. Emphasis was made to international conventions as well as the definition of the “post-traumatic stress syndrome” and of “psychological disorders”. The issue of training was seriously discussed, indicating the communication problem of patients. Regarding the terminology used for the process of early recognition of torture victims, the word “questionnaire” was not accepted and was replaced by “checklist”. The term “protocol” was also replaced by “process”. The mapping of medical care services within a country was also underlined, as well as the use of a medical certificate. Following the adoption of the recommendations, Dr Pierre Duterte, medical director of Parcours d’Exil concluded the meeting by thanking participants and the organizing committee of Parcours d’Exil. 73 Partie II Texte des recommandations adopté le 29 octobre par l’assemblée 74 Part II Recommendation adopted by the assembly on 29th of October 75 Recommandations finales de la conférence « Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? » 28-29/10/2008 Nous les représentants des organisations non gouvernementales, fondations, centres d’accueil des demandeurs d’asile, réseaux académiques, centres de réhabilitation des victimes de torture, cabinets d’avocats ; Venant d’Arménie, Belgique, Bosnie Herzégovine, Chypre, Danemark, France, Hongrie, Pays-Bas, Roumanie, Suisse ; Participant à la conférence européenne : « Victimes de torture : quelle(s) reconnaissance(s) en Europe ? » organisée par l’association Parcours d’Exil à Paris les 28 et 29 octobre 2008 dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne ; Rappelant que la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies, qui fête cette année son soixantième anniversaire, stipule que nul ne doit être soumis à la torture ; Considérant que la torture consiste à infliger intentionnellement et systématiquement des douleurs ou des souffrances physiques ou psychiques qui peuvent générer des troubles somatiques et psychologiques habitant la victime longtemps après les sévices subis ; Se référant : à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, au Protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture (OPCAT), à la Convention internationale des droits de l’Enfant, à la Convention relative au statut des réfugiés, à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; Requérant l’application de la législation européenne existante, trop peu transposée dans les législations internes, et plus particulièrement : Directive Accueil (2003/9/EC, 27 janvier 2003) : articles 15,17, 20 & 25 et 14(5) sur la confidentialité, Directive Qualification (2004/83/EC, 29 avril 2004) : articles 4(3) & 4(4), 15 & 29, Directive Procédure (2005/85/EC, 1er décembre 2005) : articles 12(3), 13(3) ; Se référant aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme qui dit le droit (cf. affaire Saadi c. Italie, 28/02/2008) ; 76 Final recommendations of European conference “Torture victims: which recognition(s) in Europe?” October 28th & 29th 2008 We the representatives of non-governmental organizations, foundations, reception centres for asylum seekers, academic networks, torture victims rehabilitation centres, law firms; Coming from Armenia, Belgium, Bosnia Herzegovina, Cyprus, Denmark, France, Hungary, Netherlands, Romania and Switzerland; Participating in the European conference: "Torture victims: which recognition(s) in Europe?" organized by the organisation Parcours d’Exil in Paris, on October 28th and 29th 2008 within the framework of the French presidency of the European Union; Reminding that the United Nations Universal Declaration of Human Rights, which celebrates this year its sixtieth anniversary, stipulates that nobody must be subjected to torture; Considering that torture consists in deliberately and systematically imposing pain or physical or psychological suffering, which can generate somatic and psychological disorders affecting the victim long after the infliction of ill treatment; Referring to: the United Nations Convention Against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment; the Optional Protocol to the Convention Against Torture (OPCAT); the International Convention on the Rights of the Child; the Convention relative to the status of the refugees; the UN Convention for the Suppression of the Traffic in Persons and of the Exploitation of the Prostitution of others; the Geneva Convention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War; the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms; the European Convention for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading Treatment or Punishment; Requiring the implementation of the existing European legislation insufficiently transposed into the national legislations, and more particularly: The “Reception Directive” (2003/9/EC, January 27 th 2003): articles 15, 17, 20 & 25 and 14(5) on confidentiality, The “Qualification Directive” (2004/83/EC, April 29th 2004): articles 4(3) & 4(4), 15 & 29, The “Procedure Directive” (2005/85/EC, December 1st 2005): articles 12(3), 13(3); Referring to decisions of the European Court of Human Rights establishing case law (affair Saadi vs Italy, in 28/02/2008); 77 Se référant au protocole d'Istanbul, manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ; Se référant à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir de 1985, et aux Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violation du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire adopté par la commission des droits de l’Homme des Nations unies en 2000, recommandant une indemnisation des victimes comme élément clé du processus de reconstruction ; Se référant au récent pacte européen sur l’immigration adopté par le Conseil européen les 15 et 16 octobre 2008 et plus particulièrement à l’engagement 4 : « Bâtir une Europe de l’asile » et rappelant le principe de non refoulement ; Constatant qu’il y a 12 millions de réfugiés dans le monde en 2007 (estimation HCR) et 26 millions de personnes déplacées internes ; Conscients qu’un pourcentage conséquent des demandeurs d’asile souffrent de troubles somatiques et/ou psychologiques ; Conscients de l’influence des séquelles de la torture sur les capacités d’insertion ; Considérant que les Etats sont responsables de la protection et des soins des personnes vulnérables, qu’ils doivent financer ; Considérant que les personnes vulnérables ne devraient pas être placées en détention vu les effets pathogènes de celle-ci ; Constatant que le délai court d’examen des demandes d’asiles imposé par certains pays est contraire aux intérêts des personnes vulnérables ; Après avoir fait un état des lieux de la prise en charge des victimes de torture en Europe, indépendamment de leur origine ; En réponse aux invitations des institutions européennes et françaises à être force de proposition notamment dans le cadre des débats concernant l’établissement d’une politique européenne commune d’asile ; Dans le but d’établir une reconnaissance de la souffrance des survivants de la torture et une reconnaissance juridique de leur statut qui sont des composantes de leur réparation (juridique, psychique, morale, sociale, réhabilitation médicale, etc.) ; Recommandons que soit établi un processus de reconnaissance précoce systématique des victimes de torture. 78 Referring to the Protocol of Istanbul: manual to effectively investigate into torture and other punishments or inhuman, degrading or cruel treatments; Referring to the UN Declaration of Basic Principles of Justice for Victims of Crime and Abuse of Power of 1985, and to the fundamental principles and directives concerning the right for appeal and for repair of victims of violation of international law in relation with Human Rights and of the humanitarian international Right adopted by the Commission of Human Rights of the United Nations in 2000, recommending a compensation of victims as a key element of the process of reconstruction; Referring to the recent European pact on immigration, adopted by the European Council on October 15th and 16th 2008 and particularly to the commitment 4: "Building a Europe of asylum" and reminding the principle of non-refoulement; Noticing that there are 12 million refugees in the world in 2007 (HCR estimation) and 26 million internally displaced persons; Conscious that a large percentage of asylum seekers suffer from somatic and/or psychological disorders; Conscious of the influence of the after-effects of torture on the capacities of insertion; Considering that States are responsible for the protection and the care of vulnerable persons, which they are obliged to finance; Considering that vulnerable persons should not be placed in detention, taking into consideration its pathogenic effects; Noticing that the short delay of examination of the asylum requests, imposed by certain countries, is against the interests of vulnerable persons; Following the overview of the care systems for torture victims in Europe, independently of their origin; Answering the invitations of the European and French institutions to make proposals, notably within the framework of the debates concerning the establishment of a European Common Asylum Policy; Aiming to establish a recognition of the suffering of torture survivors and a legal recognition of their status, which are constituents of their reparation (legal, psychic, moral, social, medical rehabilitation, etc.); Recommend the establishment of a process of systematic early recognition of torture victims. 79 Ce processus consiste en 2 étapes préalables : 1. Organiser une formation systématique pour tous les intervenants en lien avec les personnes potentiellement victimes de torture (officiers de protection et membres des instances d’appel, médecins, psychologues, employés du bureau d’appui européen, avocats, juges, travailleurs sociaux, éducateurs, enseignants, policiers, gendarmes, officiers aux frontières, associations des droits de l’Homme, associations de victimes, mandataires juridiques, interprètes, etc.) sur la nature spécifique des symptômes engendrés par la torture, ses conséquences médico-psychologiques sur les victimes et notamment sur leurs difficultés à verbaliser leur vécu ; Directives Accueil 24(1) & Procédure 13(3a) ; 2. Etablir, en accord avec les parties prenantes, une liste simple d’observations à base de critères permettant d’identifier des personnes vulnérables ; Cette liste d’observations sera diffusée auprès des intervenants en contact avec les personnes potentiellement victimes de torture afin qu’ils l’utilisent dès que possible (un temps nécessaire à l’établissement d’un lien de confiance étant établi) pour déterminer leur vulnérabilité potentielle. Directive Accueil 17(2) ; ATTENTION La liste d’observation ne doit être utilisée à la frontière que pour éviter qu’une procédure accélérée ne soit imposée à un survivant de la torture. Elle ne peut servir au refus d’entrée sur le territoire ou au refus du dépôt d’une demande d’asile. Aucun diagnostic médical ne peut être posé en conclusion de cette liste d’observations. Et 3 étapes ultérieures : Dès lors que la liste d’observations identifie une personne vulnérable : 1. Alerter, selon une procédure déterminée, les autorités responsables afin que cette vulnérabilité soit prise en compte et que la procédure d’examen de la demande d’asile soit adaptée, sans préjuger de la finalité de la demande d’asile ; Directive Procédure 12(3) & 13(3) ; Protocole d’Istanbul § 9, 135, 142, 143, 161,164, 263, 270 2. Orienter rapidement la personne vers un centre de soins spécialisé Directive Accueil 15, 17 & 20 ; Directive Qualification 29 ; Protocole d’Istanbul § 94 3. Une cartographie des services de soins spécialisés doit être établie pour confronter les besoins aux capacités réelles de soins sur le territoire national dans le but d’établir au niveau local des services de soins dédiés fonctionnant avec du personnel formé aux problématiques de la prise en soins des victimes de torture ; Rédaction d’un certificat médical aux fins d’évaluer les séquelles physiques et/ou psychologiques : A la demande du patient ou de son mandataire légal, par le thérapeute qui le suit ou un médecin de son choix, A la demande des autorités, par un expert indépendant des autorités et extérieur au processus thérapeutique. Directives Accueil 17(2) et Procédure 12(3) ; Protocole d’Istanbul § 122 80 This process consists of two preliminary stages: 1. Organize systematic training for all persons working with torture victims (protection officers and members of the appeal authorities, doctors, psychologists, employees of the European support office, lawyers, judges, social workers, teachers, police officers, border officers, Human Rights organisations, organisations of victims, legal agents, interpreters, etc) on the specific nature of the symptoms generated by torture, its medicopsychological consequences on the victims and in particular on their difficulties to tell their personal history ; Directives Reception 24 (1) & Procedure 13 (3a); 2. Establish, in agreement with the stakeholders, a simple checklist based on criteria allowing the identification of vulnerable people; This checklist will be disseminated to persons in contact with potential torture victims so that they may use it at the earliest possible time (after the time necessary to establish a trust link) in order to determine their potential vulnerability. Directive Reception 17 (2). ATTENTION The checklist should not be used at the border other than to prevent an accelerated procedure from being imposed on a torture survivor. It can not be used to refuse entry into the territory or to refuse the deposit of an asylum request. No medical diagnosis can derive from this checklist. And 3 later stages: Following the identification of a vulnerable person: 1. Alert, according to a determined procedure, responsible authorities so that this vulnerability is taken into account and that the examination procedure of the asylum request is adapted, without prejudging the result of the request; Directive Procedure 12 (3) & 13 (3); Istanbul Protocol § 9,135,142,143,161,164,263,270 2. Quickly direct the person towards a specialized health care centre. Directive Reception 15, 17 & 20; directive Qualification 29; Istanbul Protocol § 94 A mapping of specialized care services must be established in order to confront the needs with the real care capacities on the national territory, aiming to establish targeted care services at local level, functioning with staff trained on the subject of care for torture victims; 3. Drafting a medical certificate in order to evaluate the physical and/or psychological after-effects: At the patient’s or his/her legal representative’s request, by the therapist who follows him/her or a doctor of his choice; At the request of the authorities, by an independent expert, external to the therapeutic process. Directives Reception 17 (2) and Procedure 12 (3); Istanbul Protocol § 122 81 Pour mémoire : Définition de la torture Selon l’article premier de la Convention internationale contre la torture : « Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. » Protocole d’Istanbul Protocole d’Istanbul : Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Istanbul, Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (1999). Définition de la torture, §.234. « [La torture] a pour objet et pour effet de réduire la victime à un état de détresse et d’impuissance extrêmes pouvant aboutir à une détérioration des fonctions cognitives, émotionnelles et comportementales. Autrement dit, la torture constitue essentiellement une agression contre les structures psychologiques et sociales fondamentales de l’individu. Elle vise à briser non seulement l’intégrité physique de la victime, mais aussi sa personnalité. […] En déshumanisant sa victime et en brisant sa volonté, il pervertit gravement les relations futures qui s’établiront entre la victime et son entourage. C’est ainsi que la torture peut, par contrecoup, miner le fonctionnement et la cohésion de communautés tout entières. » §.92 : « L’enquêteur devrait […] ménager suffisamment de temps pour l’entretien. Il ne faut pas s’attendre à recueillir un témoignage complet dès la première entrevue. » §.93 : « La victime présumée [devrait] pouvoir recourir aux services de psychologues ou de personnes spécialisées dan le travail avec les victimes de la torture. » §.121 : « Le témoignage oral ou écrit du médecin sert à fournir un avis autorisé sur la mesure dans laquelle les observations médicales corroborent les allégations de mauvais traitements formulées par le patient et à transmettre au pouvoir judiciaire ou autre autorité compétente les observations et appréciations du médecin […] » 82 For information: Definition of « torture » According to the first article of the UN Convention against torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment: “For the purposes of this Convention, torture means any act by which severe pain or suffering, whether physical or mental, is intentionally inflicted on a person for such purposes as obtaining from him or a third person information or a confession, punishing him for an act he or a third person has committed or is suspected of having committed, or intimidating or coercing him or a third person, or for any reason based on discrimination of any kind, when such pain or suffering is inflicted by or at the instigation of or with the consent or acquiescence of a public official or other person acting in an official capacity. It does not include pain or suffering arising only from, inherent in or incidental to lawful sanctions.” Istanbul Protocol Istanbul Protocol : Manual on the effective investigation and documentation of torture and other cruel inhuman or degrading treatment or punishment, Istanbul, UN. Office of the High Commissioner for Human Rights (1999). Definition of torture, §.234 “One of the central aims of torture is to reduce an individual to a position of extreme helplessness and distress that can lead to a deterioration of cognitive, emotional and behavioural functions. Thus, torture is a means of attacking an individual’s fundamental modes of psychological and social functioning. Under such circumstances, the torturer strives not only to incapacitate physically a victim but also to disintegrate the individual’s personality. […] By dehumanizing and breaking the will of their victims, torturers set horrific examples for those who later come in contact with the victim. In this way, torture can break or damage the will and coherence of entire communities.” §.92 : “Sufficient time should be allotted to interview the alleged torture victim. Investigators should not expect to get the full story during the first interview.” §.93 : “Psychological or counselling services trained in working with torture victims should be accessible, if possible, to the alleged torture victim […]” §.121 : “The purpose of the written or oral testimony of the physician is to provide expert opinion on the degree to which medical findings correlate with the patient’s allegation of abuse and to communicate effectively the physician’s medical findings and interpretations to the judiciary or other appropriate authorities. […]” 83 §.134 : « […] La torture, notamment sexuelle, est un sujet très intime qui ne sera parfois pas abordé avant la deuxième visite, voire plus tard encore. On ne devrait jamais forcer les victimes à parler de la torture si elles ne se sentent pas en confiance. » §.141 : « […] Différentes raisons font qu’il peut s’avérer difficile d’obtenir une relation précise d’actes de torture […] » §.142 : « […] Chacun de ces facteurs peut entrainer des incohérences dans le témoignage de l’intéressé […] » §.160 : « […] Lorsqu’il existe des preuves physiques de la torture, celles-ci apportent une confirmation importante des dites déclarations. Toutefois, l’absence de telles preuves ne devrait pas être invoqué pour nier la torture car de nombreuses formes de sévices ne laissent pas de traces et encore moins de cicatrices permanentes. » §.163 : « […] Si l’on veut obtenir un récit fidèle d’actes de torture, la confiance est essentielle. Ecoute active, rigueur dans la communication, courtoisie, empathie sincère et honnêteté sont indispensables pour gagner la confiance […] » §.262 : « […] Le patient doit avoir la latitude de faire des pauses, d’interrompre à tout instant l’entretien et de partir si le stress devient insupportable avec la possibilité d’un rendezvous ultérieur. […] » §.269 : « […] Une femme qui a subi en prison un viol ou d’autres sévices de la part d’un homme est davantage susceptible d’éprouver des sentiments de détresse, de méfiance et de peur face à un évaluateur de sexe masculin. En revanche, les hommes qui ont subi des sévices sexuels peuvent être gênés d’évoquer certains détails en présence d’une femme […] » 84 §.134 : “[…] Torture, particularly sexual torture, is a very intimate subject and may not come up before a follow-up visit or even later. Individuals should not be forced to talk about any form of torture if they feel uncomfortable about it.” §.141 : “[…] Torture survivors may have difficulty recounting the specific details of the torture for several important reasons […]” §.142 : “[…] Inconsistencies in a person’s story may arise from any or all of these factors. […]” §.160 : “[…] To the extent that physical evidence of torture exists, it provides important confirmatory evidence that a person was tortured. However, the absence of such physical evidence should not be construed to suggest that torture did not occur, since such acts of violence against persons frequently leave no marks or permanent scars.” §.163 : “[…] Trust is an essential component of eliciting an accurate account of abuse. Earning the trust of someone who has experienced torture or other forms of abuse requires active listening, meticulous communication, courtesy and genuine empathy and honesty. […]” §.262 : “[…] The individual needs to be given an opportunity to request breaks, interrupt the interview at any time and be able to leave if the stress becomes intolerable, with the option of a later appointment. […]” §.269 : “[…] a woman who was raped or tortured in prison by a male guard is likely to experience more distress, mistrust and fear when facing a male evaluator than she might with a female interviewer. The opposite is true for men who have been assaulted sexually. They may be ashamed to tell the details of their torture to a female evaluator. […]” 85 Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres : directive Accueil […] « Article 15 : Soins de santé 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. 2. Les États membres fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers. » DISPOSITIONS CONCERNANT LES PERSONNES AYANT DES BESOINS PARTICULIERS « Article 17 : Principe général 1. Dans la législation nationale transposant les dispositions du chapitre II relatives aux conditions matérielles d'accueil et aux soins de santé, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés de mineurs et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique qu'aux personnes dont les besoins particuliers ont été constatés après une évaluation individuelle de leur situation. » « Article 20 : Victimes de tortures ou de violences Les États membres font en sorte que, si nécessaire, les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question. » « Article 24 : Personnel et ressources 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités et les autres organisations qui mettent en œuvre la présente directive bénéficient de la formation de base utile eu égard aux besoins des demandeurs d'asile des deux sexes. 2. Les États membres allouent les ressources nécessaires à la mise en œuvre des dispositions nationales prises aux fins de la transposition de la présente directive. » 86 COUNCIL DIRECTIVE 2003/9/EC of 27 January 2003 laying down minimum standards for the reception of asylum seekers […] “Article 15 Health care 1. Member States shall ensure that applicants receive the necessary health care which shall include, at least, emergency care and essential treatment of illness. 2. Member States shall provide necessary medical or other assistance to applicants who have special needs.” PROVISIONS FOR PERSONS WITH SPECIAL NEEDS “Article 17 General principle 1. Member States shall take into account the specific situation of vulnerable persons such as minors, unaccompanied minors, disabled people, elderly people, pregnant women, single parents with minor children and persons who have been subjected to torture, rape or other serious forms of psychological, physical or sexual violence, in the national legislation implementing the provisions of Chapter II relating to material reception conditions and health care. 2. Paragraph 1 shall apply only to persons found to have special needs after an individual evaluation of their situation.” “Article 20 Victims of torture and violence Member States shall ensure that, if necessary, persons who have been subjected to torture, rape or other serious acts of violence receive the necessary treatment of damages caused by the aforementioned acts.” “Article 24 Staff and resources 1. Member States shall take appropriate measures to ensure that authorities and other organisations implementing this Directive have received the necessary basic training with respect to the needs of both male and female applicants. 2. Member States shall allocate the necessary resources in connection with the national provisions enacted to implement this Directive.” 87 Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts : directive Qualification […] ÉVALUATION DES DEMANDES DE PROTECTION INTERNATIONALE « Article 4 : Évaluation des faits et circonstances […] 3. Il convient de procéder à l'évaluation individuelle d'une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants: […] b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l'objet de persécution ou d'atteintes graves; c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d'être exposée pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave ; […] 4. Le fait qu'un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l'objet de menaces directes d'une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d'être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s'il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. […] » CHAPITRE V- CONDITIONS À REMPLIR POUR ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME PERSONNE POUVANT BÉNÉFICIER DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE « Article 15 : Atteintes graves Les atteintes graves sont: a) la peine de mort ou l'exécution, ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine, ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international.» « Article 29 : Soins de santé 1. Les États membres veillent à ce que les bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire aient accès aux soins de santé dans les mêmes conditions d'accès que les ressortissants de l'État membre ayant octroyé ces statuts. […] 3. Les États membres fournissent, dans les mêmes conditions d'accès qu'aux ressortissants de l'État membre qui a octroyé le statut, les soins de santé appropriés aux bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire qui ont des besoins particuliers, tels que les femmes enceintes, les personnes handicapées, les personnes qui ont été victimes de torture, de viol ou d'une autre forme grave de violence morale, physique ou sexuelle ou les mineurs qui ont été victimes de toute forme d'abus, de négligence, d'exploitation, de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants ou de conflits armés. » 88 Council Directive 2004/83/EC of 29 April 2004 on minimum standards for the qualification and status of third country nationals or stateless persons as refugees or as persons who otherwise need international protection and the content of the protection granted […] ASSESSMENT OF APPLICATIONS FOR INTERNATIONAL PROTECTION “Article 4 Assessment of facts and circumstances […] 3. The assessment of an application for international protection is to be carried out on an individual basis and includes taking into account: […] (b) the relevant statements and documentation presented by the applicant including information on whether the applicant has been or may be subject to persecution or serious harm; (c) the individual position and personal circumstances of the applicant, including factors such as background, gender and age, so as to assess whether, on the basis of the applicant's personal circumstances, the acts to which the applicant has been or could be exposed would amount to persecution or serious harm; […] 4. The fact that an applicant has already been subject to persecution or serious harm or to direct threats of such persecution or such harm, is a serious indication of the applicant's well-founded fear of persecution or real risk of suffering serious harm, unless there are good reasons to consider that such persecution or serious harm will not be repeated. […]” CHAPTER V QUALIFICATION FOR SUBSIDIARY PROTECTION “Article 15 Serious harm Serious harm consists of: (a) death penalty or execution; or (b) torture or inhuman or degrading treatment or punishment of an applicant in the country of origin; or (c) serious and individual threat to a civilian's life or person by reason of indiscriminate violence in situations of international or internal armed conflict.” “Article 29 Health care 1. Member States shall ensure that beneficiaries of refugee or subsidiary protection status have access to health care under the same eligibility conditions as nationals of the Member State that has granted such statuses. […] 3. Member States shall provide, under the same eligibility conditions as nationals of the Member State that has granted the status, adequate health care to beneficiaries of refugee or subsidiary protection status who have special needs, such as pregnant women, disabled people, persons who have undergone torture, rape or other serious forms of psychological, physical or sexual violence or minors who have been victims of any form of abuse, neglect, exploitation, torture, cruel, inhuman and degrading treatment or who have suffered from armed conflict.” 89 Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres : directive Procédure […] « Article 12 Entretien personnel […] 3. L’entretien personnel peut également ne pas avoir lieu lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible d’y procéder, en particulier lorsque l’autorité compétente estime que le demandeur n’est pas en état ou en mesure d’être interrogé en raison de circonstances durables indépendantes de sa volonté. En cas de doute, les États membres peuvent exiger un certificat attestant de son état de santé physique ou psychique. Lorsque l’État membre n’offre pas au demandeur la possibilité d’un entretien personnel en application du présent paragraphe, ou, le cas échéant, à la personne à charge, des efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur ou à la personne à charge de fournir davantage d’informations. […] » « Article 13 Conditions auxquelles est soumis l’entretien personnel […] 3. Les États membres prennent les mesures appropriées pour faire en sorte que l’entretien personnel soit mené dans des conditions qui permettent au demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande. À cet effet, les États membres: a) veillent à ce que la personne chargée de mener l’entretien soit suffisamment compétente pour tenir compte de la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la demande, notamment l’origine culturelle ou la vulnérabilité du demandeur, pour autant qu’il soit possible de le faire […] » 90 Council Directive 2005/85/EC of 1 December 2005 on minimum standards on procedures in Member States for granting and withdrawing refugee status […] “Article 12 Personal interview […] 3. The personal interview may also be omitted where it is not reasonably practicable, in particular where the competent authority is of the opinion that the applicant is unfit or unable to be interviewed owing to enduring circumstances beyond his/her control. When in doubt, Member States may require a medical or psychological certificate. Where the Member State does not provide the applicant with the opportunity for a personal interview pursuant to this paragraph, or where applicable, to the dependant, reasonable efforts shall be made to allow the applicant or the dependant to submit further information. […]” “Article 13 Requirements for a personal interview […] 3. Member States shall take appropriate steps to ensure that personal interviews are conducted under conditions which allow applicants to present the grounds for their applications in a comprehensive manner. To that end, Member States shall: (a) ensure that the person who conducts the interview is sufficiently competent to take account of the personal or general circumstances surrounding the application, including the applicant’s cultural origin or vulnerability, insofar as it is possible to do so; and […]” 91 Partie III Intégralité du texte des interventions NB : les textes des interventions sont dans la langue originale. Les discours suivants ont été retranscrits par Parcours d’Exil à partir des enregistrements sonores : MM. Courcelle, McDonough et Tremblay, et Mme Végéga. Part III Participation whole texts Attention: these contents have remained in the original language The following speeches have been written by Parcours D'Exil according to the recordings: Mr. Courcelle, McDonough and Tremblay, and Mrs. Vegega. 92 28/10/2008 François ZIMERAY p. 94-96 Paul MCDONOUGH p. 97-98 Xenia MESSARITI p. 99-101 Philippe TREMBLAY p. 102-103 Mathieu ANDRE p. 104-105 Jean-Pierre GUARDIOLA p. 106-107 Catherine WIHTOL DE WENDEN p. 108-110 Eric PANLOUP p. 111-112 Pierre DUTERTE p. 113-114 Alima BOUMEDIENE-THIERY p. 115-117 Laurence DE BAUCHE p. 118-120 Xavier RONSIN p. 121-125 Sophie ATTUIL p. 126-128 Mia HONINCKXS p. 129-130 Brita SYDHOFF p. 131-133 Camelia DORU p. 134-135 Laurent SUBILIA p. 136-139 Eric VLOESBERG p. 140-142 Lilla HARDI p. 143-145 29/10/2008 Sylvie LANCINO p. 146-148 Yves NICOLAS p. 149-151 Régine WEINTRATER p. 152-155 Karin TEEPE p. 156-157 Pierre COURCELLE p. 158 Danièle MERIAN p. 159-161 Monique VEGEGA p. 162-163 93 M. François Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’Homme Allocution d’ouverture par une personne recluse, qui montre bien ce dans quoi on peut sombrer lorsqu’on est comJe voudrais, si vous permettez, en quelques plètement isolé et dépourvu de personne avec mots vous dire au nom du gouvernement fran- qui échanger et dialoguer. çais que je représente aujourd’hui, et particulièrement de Mme Rama Yade, secrétaire d’Etat Donc établir un pont entre l’individu pour lequel aux Affaires étrangères et aux Droits de l’Hom- vous travaillez et puis le niveau politique et pome, que c’est un vrai privilège pour moi d’avoir litique international, qui est plutôt mon champ cette occasion de pouvoir participer à vos tra- de compétence. Et ce pont est simple et on le vaux et singulièrement inaugurer ces deux jour- ressent ici, dans cette maison, ce FIAP qui nous accueille, et je voudrais en remercier à la fois nées de réflexion que vous entamez ce jour. les animateurs et également ceux qui ont perOn dit souvent -c’est un vieux proverbe auquel mis à cet équipement, cette maison de foncil faut donner plus de réalité encore (il faut se tionner, de vivre, d’exister… et qui est tout à méfier des proverbes)- que « tout homme a l’honneur de la France parce qu’elle fait vraideux patries, la sienne et la France » ; à nous ment vivre ce proverbe. Vous voyez, on passe là du slogan à la réalité : quand on est ici, quand de faire en sorte que ce soit vrai. on parcourt un peu les couloirs de cette maison, J’ai relevé dans le programme de vos réflexions, on croit un peu que tout homme a deux patries, bien sûr l’intitulé général, mais dans l’intitulé la sienne et la France. général, une question : « quelle(s) reconnais- Le lien entre l’individu et ce que nous vivons, sance(s) pour les victimes de la torture ? » ; et nous diplomates confrontés aux autres nations, dans la question… une question dans la question dans ce que nous appelons la scène multilatérapuisque les choses sont ainsi formulées avec un le, c'est-à-dire ces instances, Conseil de l’Europetit « s » entre parenthèses, derrière pe comme vous avez évoqué, Union européenne « reconnaissance », ce qui suggère à la fois re- bien sûr, Nations unies, OSCE où l’on retrouve connaissance au sens de repérage : comment, tout ou partie des peuples de la Terre… C’est dans une société où tout incite au repli sur soi précisément ce concept de famille humaine et à l’indifférence, demeurer sensible aux souf- cher à René Cassin. Il n’est pas pour moi indifféfrances des autres ? et reconnaissance évide- rent de rappeler et de souligner que vos travaux ment au sens juridique, au sens de statut. C’est prennent place en cette année de célébration ainsi que j’interprète ce petit pluriel parenthè- du soixantième anniversaire de la DUDH et je voudrais vous dire un mot à ce sujet et vous dire se. comment pour moi ils s’inscrivent parfaitement Vous travaillez, et les documents que j’ai par- dans l’esprit de cette célébration et illustrent courus il y a un instant m’ont convaincu, sur la parfaitement les enjeux auxquels nous sommes question de l’isolement, qui est évidement cen- confrontés. trale. Et je voudrais, si vous le permettez, parce Il y a soixante ans en effet à Paris, au palais de que c’est la seule contribution que je peux ap- Chaillot, fut adoptée cette déclaration univerporter à votre réflexion, essayer d’établir un selle, dont le mot le plus important pour moi est lien entre l’individu sur lequel vous travaillez, cette dimension universelle. C’est quoi, l’unipour lequel vous travaillez, l’individu dont votre versalisme ? C’est ce concept que René Cassin petite plaquette dit avec cette très forte cita- évoquait dans le préambule de ce texte court, tion qu’il peut être parfois « délaissé de lui- trente articles clairs, très compréhensibles, ce même », ce qui me renvoie d’ailleurs à cette qui est rare en matière législative (c’est devenu très surprenante et très forte sculpture qui est trop rare), poétiques en plus, ce concept de juste de l’autre côté de la rue …je ne sais pas si famille humaine. vous l’avez vue en passant mais avant de sortir de cette maison, allez la voir…Je crois qu’il n’y a pas de plus beau symbole de l’enfermement intérieur que l’exposition de ce plancher sculpté Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, 94 Et bien, cet universalisme, ce concept de famille humaine qui sont assez naturels pour les Français et, pour vous, comme une évidence et un devoir, puisque vous avez fait de tout ou partie de votre engagement militant, votre engagement professionnel, ce concept de famille humaine, dans le monde que nous voyons à présent, il est menacé, je dirais même qu’il est en recul. C’est donc dans un contexte difficile que nous célébrons cet anniversaire, contexte qui contraste tellement avec ce que nous avons vécu il y a dix ans au moment de la célébration du cinquantième anniversaire. Il y a dix ans, nous étions au terme d’une décennie optimiste, commencée par la chute du mur de Berlin, par la fin de l’apartheid, par les accords d’Oslo au Proche-Orient, ce sentiment que la paix était en progrès, que nous ne passerions pas le cap du XXIe siècle sans des progrès importants, marquée également par l’arrivée des nouvelles technologies qui étaient pleines de promesses y compris en matière des droits de l’Homme qui allaient être diffusés partout dans le monde… bref sans parler, puisque nous étions en 1998, de la Coupe du monde de football ; c’était une décennie optimiste dans laquelle nous célébrions le cinquantième anniversaire de la DUDH. Aujourd’hui nous sommes dans un contexte marqué par le 11 septembre, la conférence de Duban, la place du terrorisme ET de l’antiterrorisme qui tous les deux constituent des pressions sur les droits de l’Homme, vous le savez bien : le lien entre anti-terrorisme/torture existe aussi ; terrorisme et anti-terrorisme peuvent, l’un comme l’autre constituer des pressions sur les droits de l’Homme ; les exemples ne manquent pas. Une décennie marquée également par la prise de conscience des enjeux climatiques. Oh oui, certains bien sûr l’avaient dénoncé depuis longtemps, et aujourd’hui c’est un savoir partagé, donc une anxiété partagée ; par la prise de conscience des enjeux alimentaires sans parler depuis quelques semaines de la crise financière : bref c’est dans un contexte anxiogène, qui incite au repli sur soi, que nous célébrons ce soixantième anniversaire. Et cette anxiété et ce repli sur soi, c’est le contraire de l’universalisme. C’est un poison pour l’universalisme qui est forcement une main tendue aux autres. Et quand je dis que la famille humaine est en recul, on peut prendre quelques exemples. Il y a trois mois à peine, lorsqu’un cyclone a frappé très durement la Birmanie (100.000 morts) et que nous avons voulu apporter notre aide, nous avions dans l’Océan indien un bateau prêt à débarquer des millions de tonnes de marchandises ; le gouvernement birman a d’abord refusé cette aide, pour finalement l’accepter à condi- tion qu’elle transite par des ports asiatique pour qu’elle devienne une aide asiatique (seule l’aide asiatique était recevable) : concept d’aide ethnique…c’est l’universalité qui recule. Il y a deux ans et demi, au Soudan, dans le drame du Darfour, la communauté internationale propose des Casques bleus : refus, puis acceptation à condition que ce soit, sous les casques, des soldats africains. Concept de police internationale ethnique. Là encore, c’est l’universalité qui recule. Les exemples ne manquent pas. C’est pourquoi nous voulons faire de ces célébrations des célébrations de combat autour de cette idée, cette idée simple que nous avons portée pendant si longtemps, à laquelle il faut donner un corps, et encore une fois il n’y a pas de meilleur symbole et de meilleure réalisation de celle-ci que vos travaux dans ce cadre-là, pour montrer que pour nous ce n’est pas seulement un slogan mais ça peut être une réalité. Alors, je voudrais également vous faire toucher du doigt l’obstacle que nous rencontrons dans ce combat d’idée : Russes, Chinois ou autres nous disent aujourd’hui « au nom de quoi voulez-vous nous imposez vos valeurs ? » car ce qui était hier la DUDH, adoptée par la quasi-totalité des pays composant les Nations unies (aujourd’hui elle ne serait certainement pas adoptée et je ne sais pas si on trouverait quelqu’un pour rédiger un texte aussi utopique que celui-là) ; mais aujourd’hui ça nous est renvoyé comme « nos valeurs». Quelle est donc notre légitimité à vouloir faire régner une conception, faire prévaloir une conception des droits de l’Homme que nous disons être universelle mais dont on nous répond qu’elle n’est pas universelle mais occidentale ? Et vous verrez que je ferai le lien avec vos travaux ; certains d’entre vous l’ont tout de suite vu. Pour illustrer cela, il faut savoir qu’il y a aujourd’hui par exemple une déclaration islamique des droits de l’Homme. On nous dit que « nous aussi on a les droits de l’Homme. Arrêtez de nous seriner avec les droits de l’Homme, nous avons les nôtres ». Sauf que ce ne sont pas les mêmes, notamment pour les femmes. Donc, quelle est notre légitimité ? Question difficile, question choquante mais au fond question pertinente à laquelle il faut apporter une réponse. On peut y apporter une réponse juridique : notre légitimité est que ça a été adopté par les Nations unies, à la quasitotalité des nations composant l’Assemblée ; oui mais c’était en 1948, et à cette époque-là il n’y avait que quarante pays, aujourd’hui on en a cent quatre-vingt douze qui sont membres des Nations unies ; cette approche juridique est insuffisante. On peut proposer une légitimité plus philosophique mais il faut convaincre. 95 Moi, je pense que notre légitimité à faire prévaloir cette conception universelle des droits de l’Homme est tout simplement dans le fait que, quelle que soit la latitude, je n’ai pas remarqué dans le regard d’une femme dont le mari ou le fils a fait l’objet d’une disparition forcée, que l’on souffre différemment des violations des droits de l’Homme, que l’on soit Colombien, Tchétchène, Birman. Je n’ai pas remarqué dans le regard et dans les propos d’un enfant soldat de Centrafrique ou du Népal, que l’un ou l’autre considérait que « c’est normal parce que c’est culturel ». Je n’ai pas remarqué que les femmes trouvent normal d’être battues et violées au motif que ce serait la coutume ou que l’ordre des choses le voudraient ainsi. Et évidement, ni moi ni vous n’avons remarqué qu’il y avait deux façons différentes de souffrir de la torture, qu’il y avait des hommes qui en souffraient et d’autre non. Les droits de l’Homme sont un droit de victime. Et notre légitimité à faire prévaloir cette conception universelle, qui est dans le cœur du combat diplomatique français aujourd’hui, notre légitimité à faire prévaloir cette conception universelle, on la puise dans le regard, dans la réalité des souffrances de ce public pour lequel vous consacrez tant d’efforts. Ces droits sont universels parce que l’Homme est universel, et que ses souffrances sont universelles. Personne n’est mieux placé que vous pour le savoir. diplomatie française est à certains égards un bilan remarquable : nous avons porté pendant des années avec l’Argentine la Convention sur les disparitions forcées ; il y a aujourd’hui des milliers d’enfants qui sont libérés en Afrique, grâce à une convention sur les enfants soldats qui vient d’entrer en application. Et puis il y a eu il y a quelques années cette convention sur la torture, que vous connaissez bien. Et bien ces textes-là, sans parler de la Cour pénale internationale, il y a aujourd’hui derrière les barreaux à La Haye des gens qui sont emprisonnés…c’est une réalité, ce n’est pas un slogan. Et ils le sont pourquoi ? Parce qu’il existe un traité qui le permet, et ce traité a été voulu, porté, négocié, amendé, adopté par des diplomates sur la scène internationale, et finalement aujourd’hui il est en application. Même si ces textes ne sont pas respectés comme ils le devrait partout, à partir du moment où ils existent, tous les juristes vous diront qu’ils créent une situation différente. Agir en violation d’un texte ou agir sans un texte est une situation différente, au plan politique, d’abord pour les défenseurs des droits de l’Homme dans les pays concernés. Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire, finalement le pont entre nos activités est évident et s’établit naturellement, ça veut dire que nous regardons donc avec un très grand intérêt, non seulement les travaux que vous allez mener ici ces deux journées mais plus généralement le travail difficile, obstiné, discret que vous menez, et je voudrais saisir cette occasion pour vous en féliciter et vous dire que nous vous en sommes témoins et que nous vous en sommes tout simplement très reconnaissants. Voilà le lien que j’établis entre ce que vous faîtes et le combat que nous menons. Car ici je sais que l’on sait que l’on est légitime à apporter une réponse universelle à cette souffrance universelle. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qui est pour moi, pour nous, diplomates français, l’enjeu important, non seulement de ces Merci. célébrations mais plus généralement du combat que nous menons pour les droits de l’Homme. Un dernier mot, sur la place des droits de l’Homme dans la diplomatie. Vous savez bien que les mots n’ont pas le même sens selon ceux qui les entendent. Quand on dit « droits de l’Homme » il y a souvent un malentendu : les gens attendent d’une politique qui se prévaut des droits de l’Homme des prises de position, des condamnations, des postures morales. Oui, sans doute il le faudrait, mais les droits de l’Homme en tous cas, dans la diplomatie, ce n’est pas seulement ça, ce n’est pas comme ça que ça progresse. Les droits de l’Homme c’est d’abord et surtout des droits, qui existent ou qui n’existent pas, qui sont appliqués ou pas, et c’est là-dessus qu’il faut juger l’action des gouvernements et de la diplomatie. De ce point de vue-là, je veux pouvoir dire que le bilan de la 96 Paul McDonough European Council on Refugees and Exiles (ECRE) Policy officer First I would like to thank very much Parcours d’Exil from myself and from ECRE for inviting us and organising this event. ECRE, the European Council on Refugees and Exiles, is basically two things: a networking organization and a lobbying organization. We coordinate the work of about sixty-height agencies around Europe, as their press, national governments and civil society to drive forward the rights of refugees. In Brussels, our particular group does a lot of work with the European Commission, helping to share an understanding of how the European asylum acquits can better reflect refugees law and rights. conflict. That brings up a clue to a less benevolent process that may be reducing the number of asylum seekers in Europe. For example, whereas Sweden received the third largest number of asylum seekers in the world in 2008, and large numbers were received in France, Greece and the UK as well, other large European countries are receiving noticeably fewer asylum seekers than in the past. Many would say that Europe is no longer welcoming refugees as before. This is seen most obviously in the increasingly strengthened border control measures, which too often do not make a distinction between refugees and other people seeking to enter Europe’s territory. I am going to give a few numbers and statistics, to show how large the refugee issue is in our Remember that reaching the European territory world and in Europe. Then we will discuss some is quite a challenge nowadays. details of the European asylum acquits itself. About ten years ago, the logic of the free moveIn 2007, according to the UNHCR, there was a ment of people led the powers of Europe to rerecord number of refugees and internally dis- alize that a Europe without border also requires placed people: about 25 million. It is important common approach to immigration. And common to know that a refugee only becomes a refugee approach to immigration requires common apafter he/she leaves his home country, Which proach to asylum and refugees. To that end, means that one fled to another part of the there are four very significant laws in Europe country is technically called “internally dis- today, all of them currently under review for placed person”. The greatest numbers today amendment: come from Afghanistan and Iraq (both cases • the Reception directive, which governs the numbering millions). Other large numbers come conditions required for bringing asylum seekfrom Somalia, Sudan and Congo for example. ers in Europe and what must be provided Globally about 650.000 new asylum claims were when they arrive; filed in 2007. Today, about 14% of the world • the Qualification directive, which governs the hosted refugees are in Europe. Even as more rules for who actually receives international and more are granted protection (e.g. numbers protection in Europe and what that protection rise at 33% to 93.000 in 2007) the number of consists of; people actually seeking asylum in Europe is • the Dublin Regulation, which decides which steadily falling. Fewer applied in Europe in 2007 European Member State should accept which for example than in Germany alone in 1993. particular asylum application; • the Asylum Procedure Directive, which is, as Part of the explanation for this is that even if it sounds, the basic procedures of how an asyinstability and conflicts drive the global numlum application comes through. bers of refugees up, areas near the EU have continued to stabilize by comparison. So, notwith- ECRE has been focused recently on the Qualifistanding flash points like Georgia, today most cation directive. We released a survey on the refugees begin their flight far away from the implementation of the Qualification Directive territory of Europe. Iraq today is the largest sin- just last Friday [24/10/2008] (www.ecre.org). In gle source of asylum seekers in Europe, with broad concept, this directive reflects the rules Sweden having accepted today more Iraqi refu- of the 1951 Geneva Convention governing the gees than all the rest of Europe combined. Un- status of refugees. fortunately we expect this to change, because Sweden has joined other European States in redefining the situation in Iraq as not an armed 97 One crucial innovation that applies to torture victims is the institution of subsidiary protection. If you are at risk of a violation of the article 3 of the European Convention of Human Rights, then the directive requires that you receive protection in Europe. Article 3, among other things, prohibits very strongly any torture whatsoever. So, if a torture victim arrives in Europe, fleeing risk of further torture, he/she must be protected. lum Procedure directive does not require free legal aid, and 2) there are simply not enough lawyers. E.g., in some Member States, each lawyer is literally facing thousands of individual cases per year! One lawyer can not handle this. And perhaps, something may be most immediately traumatic to torture survivors: it is far too easy under European rules to simply hold in detention asylum seekers while their claims are being determined. The last place a torture surOther key advancements in the Qualification vivor needs to be is a prison. In some Member directive are the inclusion of persecution of States, administrative detention is very hard to non-State actors, leading to protection and also distinguish from prison. the recognition that gender-based persecutions can gain protection, as reflected in the direc- Some torture victims coming to Europe for protection absolutely need medical and psychiatric tive. care, in addition to their important needs as So far, this sounds very nice. The basic rules are refugees. Let us not forget here, that the refuin fact quite liberal by international standards. gee experience is not a choice. It is a desperate But there is another side, the rules of evidence flight from persecution. We also need to look and procedure, where the EU asylum law some- closely on our laws and our boring administratimes appears less friendly to refugees, particu- tive procedures, because all too often, those larly to those traumatized by severe experi- are the things that can eliminate the ability to ences such as torture. At the most basic level, access these services for refugees, and thus the border personnel, that do not have the exper- rights to international laws may never be realtise or training, sometimes even to know that ized. the moment someone says “I am a refugee” or “I need protection”, laws are engaged right at that moment. The border guard has responsibilities on behalf of the State, but too many border guards simply don’t know that. Other dangers come up, for example reporting deadlines, placed in the Qualification directive, which allows Member States to require refugees to bring their application for asylum “as soon as possible” to authorities. For torture victims, I’m sure you can imagine, that is a particular difficult thing sometimes. The last thing a torture victim wants to do entering Europe is to approach somebody wearing a uniform. There are also evidential deadlines, for example it is open to Member States (and some of them do so) to require all evidence to be submitted with the first hearing, and if new evidence come up later, they may not be considered. Again, torture victims have difficulties in speaking about their experience, some may have psychological trauma to the point that they may not remember that experience until much later. It is a very unfortunate consequence of some of these procedural rules that evidence may never come to court. The simple matter of legal aid: an applicant has better chance to obtain asylum with the help of a lawyer, but in some Member States 1) the Asy98 Xenia Messariti Commission européenne Unité Asile Reception conditions for asylum applicants in the EU and protection of persons with special needs I would like to thank Parcours d’Exil for the invitation; I really believe it is very important for the Commission to be present in these discussions, especially at this moment of the creation of the second stage of the asylum procedure. I would like to shortly present to you today the issue of reception conditions for all asylum seekers, including the most vulnerable category of those applicants, namely persons with special needs, which includes torture victims. I would, most importantly however, like to share with you, on behalf of the Commission, coming EU developments in this policy area, that aim to ensure a higher level of protection for this category of applicants during the second stage of the asylum procedure. Legislative framework As most of you are surely aware, our legal basis to adopt Community level measures in the area of asylum is article 63 of the Treaty. The instruments adopted during the first phase of the asylum legislation set out minimum standards to be reflected in national legislation of the 27 Member States. These instruments (introduced earlier by Paul McDonough) tackle in a non horizontal way the issue of vulnerable persons and persons with special needs. In this respect, these issues are addressed to a certain extent in all of these documents. However, for today’s discussion, I think the most important of them is the 2003 Reception conditions directive, since it devotes specific attention to the issue of persons with special needs from day 1 of the asylum procedure. Initially it foresees for benefits for all asylum applicants including: access to material reception conditions, namely food, clothing, housing and financial assistance that could guarantee a standard of living adequate to ensure the applicant’s health and subsistence (article 13: access to health care that includes at least emergency health care and essential treatment of illness (article 15); access to the labour market, within specific time frames and restrictions (article 11); Freedom of movement under certain exceptions; Right to education for minors; Right to information on organizations or groups of persons that could provide assistance. 2. Who has special needs? At a second level, the directive further obliges member States to give particular attention to persons with special needs, when granting core entitlements under the directive. But what is exactly the meaning of persons with special needs according to the directive? The directive provides for an open list of vulnerable persons among which several of those could be identified as having special needs, after specific procedure takes place taking under consideration the specificities of their situation. Vulnerable persons should at least be considered the following: minors, unaccompanied minors, disabled people, elderly people, pregnant women, single parents with minor children and persons who have been subjected to torture, rape or other serious forms of psychological, physical or sexual violence. The list is an open one, and member States could foresee at national level for further examples. Indeed this has been the practice in a number of member States. However it is important to underline that these vulnerable persons are not considered immediately as persons with special needs. You need to carry out an identification procedure in order to detect those needs. I can not emphasize enough how important the existence of such identification procedure at member State level is. To whom does it apply? The directive applies to all who registered an asylum application with the authorities as well as to family members, if they are covered by such application. In this respect it is very important to underline that it covers any areas that host asylum seekers, including detention, and also any kind of types of asylum procedures, including accelerated border procedures or the Dublin procedure. The main objective of the directive is to ensure a dignified standard of living for asylum appli- 3. On a third stage, the directive gives particular emphasis to three categories of vulnerable cants. This is pursued in 3 stages: persons, irrespective of whether they are found to have special needs or not. 1. Benefits 99 With regard to minors: article 18 states that the best interest of the child shall be a primary consideration for member States when implementing the directive. Minors who have been victims of any form of abuse, neglect, exploitation, torture or cruel, inhuman and degrading treatment or who have suffered from armed conflicts are to be granted access to rehabilitation services, ensure that appropriate mental health care is developed and qualified counselling is provided when needed. With regard to unaccompanied minors: member States are obliged to ensure necessary representation and to provide regular assessments of their specific situation. Moreover, they shall endeavour to trace the members of the minor’s family as soon as possible. Those working with unaccompanied minors shall have the appropriate training concerning their needs, and shall be bound by the confidentiality principle as defined in the national law, in relation to any information obtained in the course of their work. Article 20 concerning victims of torture and violence: member States shall ensure that, if necessary, persons who have been subjected to torture, rape or other serious acts of violence receive the necessary treatment of damages caused by the aforementioned acts. What is the problem? Many commentators claim that the directive has achieved a relatively modest level of harmonisation of national policies concerning reception conditions. Indeed, the directive provides for result-based obligations that allow member States a wide degree of manoeuvre concerning their implementation. This has resulted in certain cases to the adoption of inadequate standards of treatment concerning reception conditions, notably concerning treatment of persons with special needs. In particular, practices regarding the identification of special needs at national level have been particularly poor. The majority of member States have not provided any specific procedure to identify asylum seekers with special needs, with some among them receiving asylum seekers in great numbers. In these member States, the identification of persons depends, if they are detected, on being taken into account by the authorities who examine the asylum application, lawyers, social workers, NGOs etc. meaning that identification could occur at the latest stage of the asylum procedure, and only because the asylum seeker himself/herself indicated it. Where mechanisms are established they are not proactive; consequently the identification lies on the asylum seeker himself rather than on the authorities. The Commission is very much aware of these deficiencies. The Evaluation Report on the Directive issued on 27 November 2007, as well as the Green Paper on the Future Common European Asylum System adopted on 6 June 2007 confirm these observations. It must be underlined that harmonising national reception policies for 27 member States is an extraordinary exercise. Despite these deficiencies, it should be reminded that the directive contains a number of important entitlements, as described before, that should be the starting point for us, for EU common action, for the second phase of the asylum procedure. Which are the solutions? As most of you are surely aware, the Policy Plan on Asylum that provides for the architecture of the second phase of the Common European Asylum System (CEAS), adopted on 6 June this year, has announced the Commission’s commitment to address these deficiencies by adopting a proposal modifying the Reception conditions directive. The proposal is going to be adopted next month (18/11) and will mainly provide the following: 1. Most importantly, it will ensure the establishment of mechanism at national level in view of identifying special needs as soon as an application for international protection is lodged and to provide for a follow up of individual cases where required. In this respect, member States’ policies will become proactive and the identification of special needs will not burden the applicant. 2. The open list of vulnerable persons will be expanded to include other categories of applicants such as victims of trafficking or persons with mental health problems. 3. Ensure that access to health care is granted on equal conditions as nationals. 4. Concerning minors, access to education will be facilitated. 5. Concerning unaccompanied minors, further emphasise the obligation of member States to trace their families. 6. Concerning victims of torture and violence, it will be ensured that they have access to rehabilitation services and the possibility to obtain medical and psychological treatment. Further safeguards will be provided regarding the exact level of required training for those working with such persons. 100 7. 8. Last but not least, detention: not applied for minors unless it is in their best interest, prohibited for unaccompanied minors, for vulnerable persons only after an individual evaluation by a specialist. Specific conditions for vulnerable persons are also introduced, regular monitoring of detention and support where necessary. Report on yearly basis on number of vulnerable persons and level of assistance granted. The Commission will also adopt, together with the proposal amending the Reception directive, a second proposal amending the famous Dublin regulation. As I’m sure most of you here would agree with me that Dublin, as it was intended to mainly regulate relations between authorities rather than authorities and the individual, did not foresee for a number of safeguards for asylum applicants, notably applicants with special needs, under the transfer procedure. In this respect the proposal will aim to rectify these deficiencies by ensuring inter alia that unaccompanied minors will only be transferred to another member State if it is in their best interest. Persons with special needs shall only be transferred if their particular situation allows it. In case of transfer of persons with special needs, member States shall ensure the exchange of relevant medical information in view of ensuring the monitoring of the person’s specific situation and the continuation of any necessary treatment. I would like to remind here that this proposal will be adopted in the co-decision procedure, which places the European Parliament in a very important role. In this respect, equally important will be the role of national NGOs, indicating their concerns to their members of Parliament, in order to be reflected at a EU level. What else could be done, outside from the legal framework? It is important to mention at this point the important role further initiatives could have, outside the legislative sphere. It is the Commission’s view that practical cooperation will further assist, in the harmonisation of reception, conditions and the establishment of higher level of protection through the exchange of best practices. For example, practical cooperation through the EURASIL workshops with the participation of UNHCR, NGOs and other stakeholders, proved extremely useful in the past, especially concerning the treatment of traumatised persons. European Refugee Fund (ERF) funding opportunities could also assist in the development of best practices. Vulnerable groups are always a specific priority under ERF, encouraging in this respect the partners to carry out projects on this matter. Last but not least, I would strongly emphasize our need to communicate with you, NGOs or individuals, in view of monitoring the implementation of the current and future directive at national level. The Commission has limited capacities in monitoring the implementation of the acquits in practice. In this respect, it values communication with organizations that could provide important information on what actually occurs at national level. Their contribution during the preparation of the proposal on the Reception Conditions directive and the Dublin regulation was extremely important, both identifying deficiencies as well as providing their own views on what could be made possible during the second phase of the asylum legislation. I would finally like to conclude my presentation by ensuring everyone that the Commission is indeed aware of the great deficiencies identified in the first phase of asylum legislation concerning persons with special needs notably victims of torture. I would like to state from my personal experience as a lawyer for refugees, the implications that the failure to identify special needs could have, not only on the person’s health but also on the person’s ability to represent himself during these difficult legislative procedures at national level and to be able to provide evidence to the authorities to support his case. In this respect, if I would have to find a motto for our second stage of asylum legislation, it should be that social needs should be addressed first. I would finally like to conclude my presentation by emphasising that it is our strong belief that the asylum acquits should be considered as an integrated system of rules. In this respect what is important in the second stage of the asylum legislation is to ensure that social needs are addressed first. Identifying special needs in a timely manner will ensure access to appropriate treatment. 101 Philippe Tremblay Chargé de programme, APT (Association for the Prevention of Torture) ture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » en lui donnant une force beaucoup plus importante. Il est un traité contraignant. L’article 10 est également pertinent et représente une obligation positive des Etats de traiter tous les détenus avec respect. A ce jour, je crois qu’il y a au-delà de 160 Etats qui font partie de ce pacte. En 1984 a été adoptée par l’ONU la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui explique aux Etats quelles sont les obligations auxL’APT, l’association pour la prévention de la quelles ils sont tenus pour donner un corps à la torture, est une ONG basée à Genève, et fondée protection contre la torture. il y a une trentaine d’années : à l’époque elle s’appelait le « Comité suisse contre la torture ». Et puis, le dernier traité est le fameux Protocole Le comité a donné aussi naissance à l’OMCT facultatif à la convention contre la torture (OPCAT ; adopté récemment en 2002), qualifié (organisation mondiale contre la torture). Le travail de l’APT s’exerce sur le plan de la de traité de nouvelle génération en ce qu’il n’éprévention de la torture, entendue au sens lar- nonce pas de droits de l’Homme mais parce ge. Nous faisons un travail de plaidoirie, de lob- qu’il s’agit de l’élaboration d’une obligation que bying, pour amener les différents Etats à mettre l’on retrouve dans la convention contre la tortuen œuvre les traités et textes internationaux re à son article 2 : celle pour les Etats de prenpertinents en matière de lutte contre la torture. dre toutes mesures nécessaires pour prévenir les Il y a également un travail de soutien technique actes de torture sur leurs territoires. Les Etats pour les aider à mettre en œuvre dans leur droit s’engagent à mettre en place un système de interne ces normes internationales. Nous aidons visites régulières de l’ensemble des lieux de aussi les Etats à mettre sur pied des mécanismes détention sur leur territoire. Il s’agit donc d’un indépendants de supervision des lieux des dé- traité très concret qui prend forme de visites tention, et nous offrons de la formation pour spontanées et d’entretiens confidentiels avec faire en sorte que ceux-ci sachent par exemple les détenus, indépendamment de l’autorité étacomment effectuer des entretiens avec les dé- tique. A ce jour, seuls trente-six Etats ont ratitenus, des victimes de torture. Nous ne travail- fié ce protocole. lons pas sur les questions de la réhabilitation. Maintenant, il est important de garder en tête L’évolution du droit international du droit de la que cette protection est menacée suite aux évépersonne : il faut commencer par le texte fon- nements du 11 septembre 2001. Plusieurs goudateur, la Déclaration universelle des droits de vernements, aux Etats-Unis mais aussi en Eurol’Homme, de 1948, qui proclame que « nul ne pe, ont tenté d’installer le doute et de trouver peut être soumis à la torture ou à tout autre des exceptions, de changer de manière très traitement cruel et dégradant ». Il est vrai que créative les méthodes d’interrogatoire et d’esc’est une déclaration et dans le droit internatio- sayer de s’imaginer le seuil de souffrance qui nal, les déclarations ont une force moindre que pourrait être jugé tolérable et qui ne serait pas les traités et conventions ; mais il s’agit du so- couvert par la protection de la torture. cle sur lequel la protection contre la torture se Je pense par exemple au fameux scénario de la « bombe à retardement » évoqué par certaines construit petit à petit. Dès l’année suivante, le droit international hu- administrations, notamment l’américaine suite manitaire protège contre la torture (IVe conven- au 11 septembre. Cette fameuse question à sation de Genève, Protection des populations civi- voir : si vous avez devant vous une personne qui les en temps de guerre). Comme vous le savez, sait où se trouve une bombe qui risque de coûle droit humanitaire ne s’appliquait pas lors des ter la vie d’environ 10.000 personnes, ne seriezvous pas tentés d’utiliser la torture si vous conflits armés. croyez qu’à terme cette personne vous donnera En 1967 a été adopté le Pacte international sur les informations qui vous permettront de désales droits civils et politiques, dont l’article morcer cette bombe ? 7 reprend l’interdiction de la DUDH « de la torJ’aimerais d’abord remercier Parcours d’Exil de nous avoir invités. On m’a demandé de faire un survol des textes internationaux de protection contre la torture — sujet très large. Je vais m’en tenir à l’essentiel, étant conscient que nombre de participants ne sont pas juristes. Je vais me consacrer aux textes et mécanicismes émanant des Nations unies. Je suis conscient que l’Europe dispose d’un arsenal des mécanismes, qui sont aussi voire plus efficaces pour faire face à la pratique de la torture. 102 On peut également penser aux séries télévisées, notamment l’américaine 24 Heures où l’on voit un policier américain torturé par des méchants terroristes islamistes. On se rend compte que la protection absolue contre la torture n’est plus quelque chose de sacré. A l’APT on a jugé important de combattre cette perception. L’an dernier, l’APT a ainsi convoqué un colloque. Ça a donné lieu à des échanges très intéressants, et nous avons publié une brochure accessible sur notre site web (www.apt.ch) ; nous avons invité des universitaires, anciens enquêteurs, représentants de la société civile, à s’asseoir et déconstruire ce scénario, à remettre en question les prémices sur lesquelles se base ce scénario, pour réaffirmer l’importance de cette prohibition. Quelles sont les obligations étatiques ? Elles peuvent être regroupées en rubriques. Je vais commencer par la plus importante, celle de l’interdiction de la torture. Les Etats ont l’obligation de pénaliser les actes de torture, en droit interne, y compris la complicité, la tentative et l’incitation. Certains Etats ont tenté de démontrer au comité contre la torture de l’ONU qu’ils avaient déjà dans leur code pénal des infractions qui couvraient cette obligation. Mais le comité a répété qu’« il faut appeler un chat un chat » qu’il était important d’amender au besoin le code criminel pour insérer des articles qui interdisent clairement les actes de torture. Il faut savoir que la convention contre la torture défini ce qu’il est entendu par la torture. Il s’agit d’une souffrances aiguë, physique ou mentale, infligée de manière intentionnellement dans un but précis, par exemple d'obtenir une confession, de punir, d’intimider, infligée par un agent de l’Etat ou toute autre personne agissant d’un accord d’un officier de l’Etat. Sous cette rubrique d’interdiction, il doit être interdit d’utiliser des informations obtenues sous la torture dans des procédures judiciaires. Si cette règle est appliquée, cela a pour conséquence de remettre en question l’utilité que certains personnes donnent à la torture, c’est-àdire arracher des confessions qui par la suite peuvent être retenues contre la personne torturée. Une autre interdiction importante est celle de transférer une personne là où elle risque d’être soumise à la torture. Il peut s’agir d’un transfert direct ou indirect. Cette prohibition couvre les transferts officiel ou pas (exemple de la pratique de la CIA avec les vols secrets…des prisonniers qui ont transités par plusieurs pays avant d’être détenus à Guantanamo… ) La règle du non refoulement existe également dans la Convention relative aux droits des réfugiés. La portée de la règle n’est pas la même. Dans le cadre de la Convention contre la torture, cette protection est absolue. C'est-à-dire qu’on ne s’intéresse pas aux raisons pour lesquelles une personne serait torturée, ni aux actes qui lui sont reprochés (le texte diffère ici de la convention relative aux droits des réfugiés). Le « pire des terroristes » doit pouvoir jouir de cette protection. Dans le cadre de la convention relative aux droits des réfugiés, cette personne ne pourrait pas être reconnue comme réfugié. Certains Etats ont tenté de contourner l’obligation de non refoulement par exemple par les assurances diplomatiques : certains Etats européens ont cherché à obtenir des assurances diplomatiques d’autres Etats, dans l’hypothèse où, si on renvoyait des personnes chez eux, l’Etat récepteur s’engagerait à traiter ces personnes selon les conventions internationales ; Il faut savoir que ces assurances ne protègent pas du risque de la torture. Il faut incorporer l’interdiction de la torture dans les manuels de formation de la police et des gardiens de prison. Il faut mettre en place des garanties judiciaires qui peuvent prendre la forme d’examens médicaux des détenus, la tenue des registres, l’assurance à l’accès à un avocat ou à la famille, etc. Il y a aussi l’obligation d’enquête. L’Etat doit mettre en place de mécanismes de plainte. La dernière rubrique est celle de la punition et réhabilitation. Si l’enquête établit que des actes de torture ont été commis, une poursuite pénale doit être enclenchée et à terme les peines doivent être sérieuses et proportionnelles à la gravité de l’acte. Le Comité contre la torture a souvent dit qu’on peut pas imaginer une peine de moins de 5 ou 6 ans, peut importe la gravité de l’acte. A cette question la réponse est la compétence universelle qui consiste pour un Etat à arrêter une personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture même si les actes ont été commis sur un autre territoire. Par la suite, l’Etat doit prendre la décision soit d’extrader cette personne vers le pays où les actes ont été commis soit d’enclencher lui-même une procédure judiciaire. J’aurais aimé aborder les mécanismes comme le Comité contre la torture, le Comité des droits de l’Homme, le travail des reporteurs spéciaux contre la torture…mais je crois que je n’ai pas le temps… Je vous remercie. 103 Mathieu André Forum Réfugiés Affaires européennes Je voudrais débuter mon intervention par un rappel de la situation des réfugiés dans le monde afin de remettre en perspective la situation en Europe et ce qui devrait être les priorités européennes en faveur des réfugiés les plus vulnérables. Nombre de réfugiés Il y aurait aujourd’hui près de 12 millions de réfugiés dans le monde. D’une manière générale, la répartition des réfugiés dans le monde est fortement inégale puisqu’on trouve : • 30% des réfugiés en Asie, • 25% au Moyen orient et en Afrique du Nord, • 20% en Afrique. Si la majeure partie des réfugiés est accueillie au sein de pays pauvres, les situations sont très différentes. Je voudrais mettre ici l’accent sur une catégorie particulière de réfugiés, ceux que l’on ne verra jamais en Europe : il y a en effet dans le monde près de 7 millions de réfugiés qui vivent dans des camps depuis plus de 10 ans sans droits fondamentaux. Ce sont ceux que l’on appelle des réfugiés prolongés, c’est-à-dire qu’ils se retrouvent bloqués dans des pays d’accueil, sans possibilité d’intégration sur place et sans espoir de pouvoir retourner chez eux. Dans la plupart des cas, ces réfugiés vivent dans des camps relativement éloignés des centres urbains mais proches des zones frontalières, ce qui influe de manière négative tant sur leur capacité de se procurer des moyens de subsistance, que sur les conditions de sécurité qui règnent dans les camps. De fait, ils dépendent entièrement d’une aide humanitaire qui se raréfie les années passant. Parmi les plus importants contingents de réfugiés de longue date, notons les deux millions de réfugiés afghans au Pakistan et en Iran, les 300 000 Burundais en Tanzanie ou les 300 000 Vietnamiens en Chine. Répartition 1,5 million en Europe auxquels il faut ajouter près de 200.000 à 250.000 demandeurs d’asile que l’Europe accueille tous les ans. L’UE n’accueillerait donc qu’un faible pourcentage des réfugiés dans le monde : moins de 15%. C’est peu par rapport au poids économique de l’Europe, c’est peu par rapport à la population européenne : alors qu’en France le ratio est d’un réfugié pour 1 319 habitants, il est de 1 pour 6 en Jordanie, 1 pour 35 au Tchad ou encore 1 pour 62 en République du Congo (Congo Brazzaville). Qui vient en Europe ? Selon le HCR, les nationalités qui arrivent en tête sont les Irakiens, les Russes, les Pakistanais, les Somaliens, les Afghans les Serbes et Nigérians. Pourquoi viennent-t-ils en Europe ou plutôt pourquoi choisissent ils l’Europe ? Il est aujourd’hui difficile de répondre à cette question même si certaines études peuvent nous renseigner : l’écrasante majorité des réfugiés choisit de fuir dans un pays frontalier et y reste. Lorsque les réfugiés choisissent de fuir au-delà de leur région d’origine, ils choisissent un pays dans lequel ils pensent pouvoir bénéficier d’un réseau social et de perspectives au niveau personnel. Ils choisissent enfin un pays qu’ils peuvent atteindre. Comment arrivent-ils en Europe ? Ils arrivent pour 90 % d’entre eux de façon irrégulière en Europe. Et là je reprendrai les termes même de la Commission européenne car elle le dit si bien : « les filières illégales constituent une importante voie d’accès à la sécurité qu’offre l’Union, les passeurs étant des intermédiaires clés pour y entrer ». On peut tirer de cette présentation la conclusion suivante : l’Europe accueille peu de réfugiés par rapport à son poids économique et sa population, elle accueille des réfugiés qui ont su venir par des moyens irréguliers, donc des réfugiés riches ou suffisamment endurants ou débrouillards pour tromper les contrôles aux frontières européennes. Face à cette situation, bâtir le meilleur système d’asile en Europe n’a pas de sens si rien n’est fait. Les progrès techniques autorisent à penser que des frontières étanches pourraient se développer et si des portes d’entrées spéciales n’y sont pas aménagées, alors les réfugiés ne passeront plus du tout. 104 Deux priorités selon Forum Réfugiés pour que l’Europe reste une terre d’accueil : organiser des voies d’accès à l’Europe et s’investir audelà de son territoire pour protéger les réfugiés. Intégrer la protection des réfugiés à la politique étrangère de l’UE Enfin l’UE doit faire de la protection des réfugiés une composante à part entière de sa politique étrangère. Elle doit promouvoir l’application de la Convention de Genève là où, trop souvent, les droits des réfugiés sont réduits, limités voire bafoués. La question de la protection des réfugiés doit être « désenclavée » pour intégrer toutes les composantes de la politique étrangère de l’Union européenne : la coopération avec les Etats tiers (notamment dans le domaine de l’immigration), l’aide au développement ou l’assistance humanitaire. Il serait par exemple beaucoup plus cohérent de lier les initiatives européennes en matière de réinstallation à la contribution d’ECHO dans les pays comme la Jordanie ou la Syrie qui accueillent un grand nombre de réfugiés irakiens, qu’aux « programmes de protection régionaux », concept flou et n’ayant pas encore fait la preuve de son efficacité. Organiser des voies d’accès pour les réfugiés : L’absence de voies légales d’accès à l’Union européenne contraint les réfugiés qui veulent y trouver l’asile à des voyages dangereux et coûteux. De fait les plus faibles en sont naturellement exclus. Face à cette situation quelles sont les alternatives ? L’Union européenne devra créer des procédures d’entrée protégées pour ceux qui, du fait de leur éloignement géographique, du coût et des dangers de plus en plus grands que comporte le recours à des passeurs, ne peuvent arriver spontanément. Elle pourra s’inspirer de certains pays européens qui délivrent déjà un petit nombre de visas au titre de l’asile. De nombreux obstacles et difficultés techniques se poseront. Il faudra penser l’accès à ces procédures, éviter leur engorgement et assurer des garanties procédurales afin de permettre un traitement équi- De même, lorsque l’UE envisage de collaborer table des demandes. avec les pays du Maghreb ou la Libye dans le domaine du contrôle de l’immigration, elle deS’investir au-delà de son territoire pour proté- vrait d’abord s’assurer que ces derniers respecger les réfugiés : tent les droits des réfugiés et notamment le Développer la réinstallation : en ce qui concer- principe de non-refoulement. ne les réfugiés les plus vulnérables, le HCR a identifié 150.000 personnes, principalement au Moyen-Orient et en Afrique. Ces personnes doivent être réinstallées car pour différentes raisons elles sont en grand danger dans le pays où elles ont trouvé refuge. Or, ces personnes ne seront pas réinstallées en Europe. Moins de 5000 personnes ont été réinstallées en Europe l’année dernière. Alors que la Commission se prépare à faire des propositions pour une initiative européenne dans le domaine de la réinstallation fin 2009, l’Europe est confrontée à un double challenge. A l’heure actuelle, l’Europe ne propose que 5% des places de réinstallation offertes dans le monde (moins de 5.000). Pour que l’action européenne dans ce domaine ne reste pas anecdotique, les Etats membres doivent s’engager à offrir plus de places. Le deuxième challenge sera de maintenir un haut standard dans l’accueil des populations vulnérables, notamment en continuant à ne pas ajouter de critères de sélection à ceux définis par le HCR. La création d’un programme européen pourrait répondre à ces deux challenges par l’encadrement des critères nationaux de sélections des réfugiés à réinstaller et par la mobilisation de moyens qui pourraient inciter les Etats membres à offrir plus de places pour les réfugiés les plus vulnérables. 105 Jean-Pierre Guardiola Chef de service Asile Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Mesdames, Messieurs, tection que l’on constate. Je suis très heureux et très honoré de prendre Dans ce contexte, la France a pris une initiative forte à l’occasion de sa présidence du Conseil la parole ce matin devant vous. européen. M. Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’in- Elle a proposé à ses partenaires un Pacte eurotégration, de l’identité nationale et du dévelop- péen sur l’immigration et l’asile qui, après plupement solidaire, a accepté de parrainer votre sieurs mois de discussion, a été adopté lors du manifestation et m’a demandé de le représen- dernier Conseil européen. Ce pacte est la « feuille de route » de l’Union ter aujourd’hui, ce que je fais très volontiers. européenne pour les années qui viennent sur les Je le fais très volontiers car, en tant que chef questions migratoires et sur l’asile. Il donnera du service de l’asile au ministère de l’Immigra- l’impulsion politique nécessaire pour avancer à tion, je connais l’association Parcours d’Exil et 27, notamment sur la voie d’une « Europe de j’en apprécie l’action en faveur des victimes de l’asile ». sévices et d’atteintes aux droits de l’Homme, Un important travail législatif sera lancé dans les mois qui viennent par la Commission eurotout particulièrement de tortures. péenne (comme l’a indiqué tout à l’heure la C’est une action qui mérite d’être encouragée représentante de la Commission) sur la base de son plan d’action en matière d’asile, publié au et aidée par le ministère que je représente. mois de juin dernier et qui est en parfaire cohéL’intitulé de cette table ronde est : « Les priori- rence avec le pacte européen. tés de la présidence française et les victimes de Il visera à apporter des modifications aux directorture : conséquences de la fermeture de l’Eu- tives européennes qui régissent la matière de rope sur les conditions d’accueil et de prise en l’asile. La volonté de la présidence française est que ces modifications traduisent un alignement soin des victimes ». Permettez-moi de vous dire, d’emblée et en vers le haut des normes et procédures applicatoute franchise, que cet intitulé ne correspond bles aux demandes d’asile. pas à la réalité. Il est, en effet, inexact de parler de Par ailleurs, un bureau d’appui européen en ma« fermeture de l’Europe » – et singulièrement tière d’asile sera mis en place au premier tride la France - aux réfugiés et, parmi eux, aux mestre 2009. Il s’agira d’une structure souple de coopération entre les Etats membres pour le victimes de la torture. Un simple chiffre le démontre : l’année dernière partage d’informations sur les pays source et l’OFPRA et, en appel, la CNDA ont rendu 8.816 pour l’échange de bonnes pratiques. Ce ne sera décisions d’attribution du statut de réfugié pas une instance de décision. La décision en contre 7.380 en 2006, soit une augmentation de matière d’octroi du statut restera une compé19,5%. Cette progression se confirmera en 2008. tence nationale. Le taux global d’admission au statut de réfugié La nécessité d’une telle instance de coopération est passé de 19,5% en 2006 à 29,9% en 2007. pratique entre Etats membres est apparue avec C’est donc actuellement plus d’un demandeur évidence ces dernières années, devant les divergences très fortes dans les taux de reconnaisd’asile sur 3 qui se voit reconnaître le statut. A la frontière, la demande d’asile a progressé sance du statut de réfugié selon les nationalités de 75% en 2007 par rapport à l’année précéden- dans les Etats membres. Comme cela a été soute. Le taux d’avis positif rendu par l’OFPRA au vent souligné, pour le déplorer, le taux de reministère de l’Immigration est passé de 21,8% connaissance du statut de réfugié pour les resen 2006 à 44,6% en 2007 et comme par le passé, sortissants irakiens, par exemple, varie de 1% à le ministre de l’Immigration a toujours suivi l’a- plus de 90% selon les pays de l’UE (52% en France). vis de l’OFPRA. C’est donc tout le contraire d’une fermeture des frontières aux personnes en besoin de pro106 Une autre orientation très importante qui vient d’être donnée par le pacte est celle de la mise en place de dispositifs permettant l’accès à la procédure d’asile de personnes ayant un besoin de protection à l’extérieur des frontières de l’UE. Les 27 ont, en effet, voulu marquer que le nécessaire renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’UE pour lutter contre toutes les formes d’immigration irrégulière et contre les filières mafieuses ne devait pas avoir pour conséquence de rendre plus difficile l’accès à cette protection. Les 27 – ou en tout cas un certain nombre d’entre eux, dont la France – ont également décidé de développer des programmes de réinstallation de réfugiés sur le territoire de l’Union. Mesdames, Messieurs, le temps dont je dispose étant limité, mon propos n’est pas de vous faire un exposé complet sur les politiques européennes en matière d’asile. Mais je voudrais insister sur un point qui est celui de la nécessaire association de la société civile et des ONG aux travaux de construction de l’Europe de l’asile. introduite dans le droit européen par la directive du 29 avril 2004. Elle figure dans le droit français depuis la loi du 10 décembre 2003. La protection subsidiaire permet de couvrir des situations que ne couvre pas, même au prix d’une interprétation large, la Convention de Genève sur les réfugiés. Elle apporte une protection dans des cas distincts de ceux prévus par la Convention de Genève, où les personnes sont exposées à des risques de traitement contraires à la CEDH (notamment son article 3) telle qu’elle est interprétée par la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment la peine de mort, la torture, les traitements inhumains et dégradants, les menaces graves et individuelles résultant d’une situation de conflit. Cette association est nécessaire. La politique d’asile, plus que toute autre, est un domaine où les pouvoirs publics et les institutions européennes ont besoin de recevoir du monde associatif des témoignages, des analyses, des propositions et aussi bien sûr des critiques constructives. M. Hortefeux en organisant les 8 et 9 septembre dernier à Paris, sous présidence française, une conférence ministérielle sur l’asile (« Bâtir une Europe de l’asile ») a expressément voulu y associer la société civile et les ONG et le résultat de cette journée de dialogue a été particulièrement intéressant et constructif. Votre préoccupation – la préoccupation de Parcours d’Exil et celle d’autres associations et personnalités ici présentes – est de prendre en compte la situation et les besoins de protection spécifiques aux victimes de la torture. Eh bien, je vous invite à présenter des propositions de modifications législatives en ce sens. Nous sommes en effet dans une phase de construction d’une Europe de l’asile et dans ce contexte, toutes les propositions constructives seront les bienvenues. C’est ainsi, par exemple, qu’il me semble, à titre personnel, qu’une réflexion approfondie sur la protection subsidiaire serait utile. Vous savez que la protection subsidiaire a été 107 Catherine Wihtol de Wenden Directrice de recherche (CNRS—Sciences Po) Pour ma part, je vais être peut-être sur un autre registre même si on reste toujours sur l’asile et les victimes de la torture. Et je vais me placer peut-être sur un temps plus long pour essayer d’expliquer deux choses : que d’une part un certain nombre de mécanismes institutionnels ont eu pour effet de réduire le droit d’asile, notamment dans un contexte européen depuis de nombreuses années (depuis 1990 en gros), et que d’autres pratiques viennent conforter ces tendances même s’il y a des velléités qui sont louables d’avoir une Europe du droit d’asile plus harmonisée, sachant que les inégalités créent parfois des zones de non-droit, de traitements différenciés et une moindre efficacité de la politique européenne d’immigration en général. L’idée de construire une Europe de l’asile me parait tout à fait positive dans le cadre du pacte, mais cela s’inscrit dans une série de mécanismes institutionnels depuis de longues années, qui sont très réducteurs du droit d’asile et dans des pratiques qui sont encore plus problématiques pour les droits de l’Homme. C’est là-dessus que je vais fixer mon propos. Tout d’abord sur les mécanismes institutionnels : je rappelle très brièvement un contexte que vous connaissez aussi bien que moi si ce n’est plus ; depuis les années 90, on a eu un afflux en Europe des demandeurs d’asile qui s’est fortement réduit depuis trois ou quatre ans. On a été jusqu’à 500.000 demandes d’asile en Europe au milieu des années 90 ; pour ne citer qu’un seul chiffre : en 1992, l’Allemagne à elle seule a reçu 438.000 demandes d’asile pendant que la France à l’époque était autour de 25 ou 30.000, à peu près le même chiffre pour le Royaume-Uni ; ensuite l’Allemagne a réduit son nombre d’arrivants du fait de sa réforme du droit d’asile en 1993 et aujourd’hui, selon les années, la France, l’Allemagne, l’Angleterre depuis à peu près cinq ans, se disputent le premier rang pour le nombre d’accueil de demandeurs d’asile qui se présentent dans le contexte européen. Autre élément, certains Etats demandaient le burden sharing, le partage du fardeau, puisque certains recevaient beaucoup plus de demandeurs que d’autres. Ce qui justifie l’idée d’une politique européenne de l’asile. L’autre élément est qu’il y avait eu des tentatives, notamment une tentative autrichienne en 1998, d’élaborer en parallèle du droit de la convention de Genève et même de façon presque séparée, une sorte de système européen de l’asile autonome qui finalement a été écarté des dé- bats européens. Entre-temps, on a eu malgré tout la construction de la politique européenne de l’asile, les accords de Dublin de 1990 avec pour principe de la fin à ce qu’on appelle le asylum shopping, qui est le fait de tenter sa chance dans plusieurs pays : on « fait son marché » entre les pays européens de façon concurrentielle pour les demandes d’asile. Une fois qu’on a eu une réponse négative, on ne peut plus demander l’asile dans un autre pays européen. Il s’agit de Dublin 1. Puis en 2003, on a eu Dublin 2 qui est une réponse, en partie, à ce qu’il c’est passé à Sangatte : des gens qui traversaient l’Europe avec l’idée de demander l’asile dans un pays bien précis qui était le Royaume-Uni parce qu’ils y avaient des liens ; un droit d’asile peut être plus favorable parce qu’il avait des prestations plus importantes et surtout le droit de travailler, lequel en France a été supprimé pour les demandeurs d’asile depuis 1991 (alors que d’autres pays européens permettaient de travailler aux demandeurs d’asile). Voilà donc le contexte. En réalité dans tout ce mécanisme, le droit d’asile a été grignoté par rapport au principe constitutionnel : il n’est plus tout à fait vrai que toute personne a le droit d’être accueillie comme réfugié dans tous les pays européens parce qu’on a le droit d’être accueilli comme réfugié que si on n’a pas été refusé dans un autre pays européen - et aujourd’hui c’est le one stop one shop, le premier pays où on met le pied qui est le pays où on doit être examiné comme demandeur d’asile. Par conséquent, cela réduit le droit d’asile d’une part, puisque chaque pays garde une partie de sa souveraineté, notamment dans ce domaine que sont les relations politiques étrangères. Cela va être difficile - ambitieux mais difficile d’avoir une politique européenne de l’asile tant qu’on n’a pas une politique européenne commune. D’autre part, des formules de l’asile que certaines associations appellent « au rabais » se sont développées pour faire face à toute une série de situations qui ne correspondent plus à la convention de Genève mais qui sont néanmoins des personnes qui peuvent être victimes de torture, des personnes qui fuient une situation de crise, etc. 108 On a eu en France l’asile territorial de 1998 et 2003. On a eu le statut B en Allemagne et dans d’autres pays européens, des formes diverses d’accueil humanitaire. On a inventé même en France, pour la crise yougoslave, un statut particulier de gens qui ont trouvé l’asile soit en France, soit en Allemagne, etc., mais de façon dispersée. Et donc l’idée d’avoir un système commun n’était pas mauvaise et en même temps le droit d’asile a beaucoup répondu à l’opinion publique puisque la décision de 1991 en France de supprimer le doit du travail des demandeurs d’asile vient du fait que certains disaient que c’était des « faux réfugiés », qu’ils venaient là pour travailler parce que l’accès au travail était fermé depuis 1974 et que les gens essayaient l’asile comme ils auraient essayé d’autres voies d’entrée. En Allemagne, débat inverse en 1991 : on a rétabli le droit au travail des demandeurs d’asile parce que dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les gens disaient « ces gens-là sont payés à ne rien faire » ; il y avait eu beaucoup de manifestations de violence contre ces gens qui étaient « payés par l’État ». Je voudrais résumer en disant que l’opinion publique a conduit à des politiques d’asile très diverses, voire dispersées dans les pays européens. Et ceci dit, ces politiques d’asile dans un système européen de l’asile ont conduit plutôt à une réduction du droit d’asile par rapport au principe constitutionnel de la reconnaissance du droit d’asile dans les pays européens, et par rapport au principe de la convention de Genève initiale. Cela est un premier élément. Deuxièmement, sous l’influence du HCR et sous l’influence également de la crise de l’asile dans les années 90 et 2000, on a eu un développement de situations « humanitaires ». C’est-àdire que le droit d’asile s’est plutôt répandu, si j’ose dire, dans une tendance non seulement sécuritaire puisque le droit d’asile a été utilisé par les pays européens comme moyen parmi d’autres de contrôler les frontières mais aussi a été tenté par les formes humanitaires qui étaient une tendance du HCR, consistant à protéger les personnes sur place. Donc l’asile interne, par exemple, dans un certain nombre de pays, a défini dans des pays en crise des périmètres de protection des personnes mais en même temps ces personnes, très souvent, ne peuvent plus demander le droit d’asile si elles sont bénéficiaires chez elles de l’asile interne. Liste de « pays sûrs » d’où on ne peut pas demander l’asile, liste de « pays tiers sûrs » : dans la loi française de 2003, on prend en compte cette nouvelle dimension d’asile interne, de pays sûrs, de pays tiers sûrs, etc. D’autres pays européens l’avaient fait auparavant. Pour clôturer, le fait que beaucoup de pays européens interviennent à des fins de protection dans des pays en crise rend encore plus ambiguë la prise en compte de la notion de « pays sûrs » et surtout de l’asile interne. Je prends un seul exemple, la Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, l’armée et la police française sont intervenues à des fins de rétablissement de la paix, de pacification. Le ministère des Affaires étrangères, qui avait alors la pleine tutelle sur l’OFPRA, se prononçait sur la réalité de l’asile interne (et le cas se retrouve dans d’autres pays européens). Pour examiner si la situation était sûre et si les personnes étaient suffisamment protégées sur place pour ne pas avoir à demander l’asile en France, cela voulait dire qu’ils appréciaient éventuellement la façon dont le ministère français de l’Intérieur ou de la Défense avait fait son travail en assurant une certaine paix là où la personne avait demandé l’asile. Il y a une ambigüité très forte puisqu’on est juge et partie dans ce système. Là aussi, cela réduit la marge d’autonomie de la personne, avec cette introduction de l’humanitaire et des zones de protection dans la possibilité de demander l’asile donc du droit d’asile même si les personnes sont protégées sur place et si on peut considérer à bon droit que les gens sont mieux chez eux parce que la plupart des personnes déplacées trouvent asile chez leurs voisins que dans un pays beaucoup plus lointain avec lesquels ils auront moins de liens. C’est un point de vue mais c’est effectivement une réduction du principe du droit d’asile en tant que tel. Par ailleurs, de nouveaux problèmes d’asile sont apparus comme ceux qu’on appelle les réfugiés environnementaux, peu pris en compte par le droit et la jurisprudence mais néanmoins posant problème pour la nature de la protection que l’on peut offrir. Aujourd’hui, on est dans une situation où d’une part la convention de Genève est maintenue, le débat sur « faut-il supprimer la convention de Genève » étant plutôt derrière nous. Mais en même temps, on essaie d’avoir un système européen de l’asile, en l’absence de politique étrangère commune qui fait qu’on a des sensibilités différentes à l’égard des situations internationales et à la souveraineté de l’Etat disons un peu chahutée à travers cet élément ; et en même temps, on veut être plus efficace et faire que les choses soient plus équitables entre les pays européens dans l’accueil des demandeurs d’asile et essayer de répartir un petit peu la « charge » entre les pays. 109 Si on regarde la mise en œuvre de la dimension « contrôle » des personnes qui entrent irrégulièrement, il ne faut pas oublier que l’asile est la seule façon légale d’entrer sans papier dans les pays européens. On constate que d’une part l’accès au territoire, même européen, est de plus en plus difficile puisqu’un certain nombre de pays sur les frontières extérieures de l’Europe ont pour rôle de contrôler les frontières externes. L’accès au territoire européen est de plus en plus difficile du fait de ce système de garde-frontières assumé par des pays qui sont devenus des pays de transit pour l’essentiel, le Maroc, la Turquie, etc., avec des gens qui se trouvent dans une situation de sas, sans possibilité de sortir de là où ils sont entrés parce qu’ils espéraient aller plus loin. Et l’autre problème est que ce travail de « tri » est fait par des pays pas toujours gardiens des droit de l'Homme, comme la Libye. Toutefois, certaines associations ont critiqué (à juste titre me semble-t-il) les disparités constatées au plan européen pour la mise en œuvre par les Etats membres de la protection subsidiaire. Elles considèrent que cette forme de protection laisse une trop grande marge de manœuvre aux Etats membres en ce qui concerne l’interprétation de cette notion (attestée par des taux d’octroi trop divergents) et le statut qui en découle. Elles estiment que la différence de traitement entre les bénéficiaires du statut de réfugié et les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne se justifie pas. Elles appellent, en conséquence, à un approfondissement de la réflexion sur l’harmonisation, allant dans le sens de la suppression de ces disparités. L’adoption – à l’horizon 2012- de statuts uniformes de réfugié d’une part, et de bénéficiaire de la protection subsidiaire d’autre part – telle Autre élément, c’est que ce contrôle des per- qu’elle est préconisée par le projet de Pacte sonnes conduit à des situations qui posent pro- européen sur l’asile et l’immigration – devrait blème en termes de droits de l’Homme, par répondre à cette difficulté. exemple les centres de rétention. Je participe à la commission nationale de déontologie de la C’est un exemple d’un progrès possible dans le sécurité, qui est une commission indépendante : domaine de la protection accordée aux victimes on a beaucoup de problèmes avec les violences de la torture. à la personne qui sont commises lors des reconductions à la frontière, parmi lesquelles il y Je vous remercie de votre attention. a des déboutés du droit d’asile qui parfois avec des éléments nouveaux arrivent à obtenir le statut, peu d’entre eux mais certains. Là aussi l’asile est en cause. Et puis bien sûr le quotidien de nos affaires ce sont les contrôles d’identité où on a en permanence des problèmes de maltraitance, du fait de la façon dont les choses sont parfois gérées. Tout cela pour dire que l’on est dans un souci de plus grande efficacité, certes, dans un souci de plus grand partage entre les pays européens avec l’idée que les plus offrant en terme de prestations sociales ne seront pas pénalisés à l’égard des moins offrants, par exemple, parce qu’on a de grandes disparités en la matière. Mais en même temps, on est en train de renier l’asile à travers toute une série d’éléments qui existent depuis la tentative de « réeuropéaniser » l’asile, et de grignotage des principes fondamentaux du droit d’asile constitutionnel et de la convention de Genève. La protection subsidiaire a renforcé de manière significative, comme l’ont d’ailleurs constaté les comités internationaux de protection des droits de l’Homme, la protection due à des personnes exposées à des risques dans leur pays d’origine, et a fortifié le droit d’asile, notamment à destination des victimes de la torture. 110 Eric Panloup Délégation aux Victimes (DAV) Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales Bonjour, Tout d’abord je vous remercie pour cette invitation à participer à ce colloque sur les victimes de torture. Mon intervention s’inscrit en marge de la réflexion, dans le cadre de la traite des êtres humains, mais le parallèle est grand entre les victimes de la traite et les victimes de torture. En effet, l’exploitation de la misère et de la souffrance humaine n’a pas de limite, et les personnes en grande détresse, physique ou psychologique, forment souvent un terreau particulièrement fertile pour les réseaux criminels. Je profite de cette occasion pour vous présenter brièvement la délégation aux victimes à laquelle j’appartiens. Chef du détachement de la gendarmerie nationale au sein de la structure, je suis en charge, aux côtés d’un capitaine de police, de la problématique liée aux victimes de la traite des êtres humains. La délégation, forte de trois gendarmes et de trois policiers, créée en 2005, a pour mission essentielle de s’occuper des victimes d’infraction pénale. Notre action vise notamment à étudier les possibilités d’améliorer la prise en charge des victimes ainsi que les mécanismes existants que ce soit pour la reconnaissance du statut des victimes ou pour l’assistance dont elles doivent bénéficier. A ce titre notre implication en faveur des victimes de la traite est importante et la mission particulièrement ambitieuse tant la complexité du phénomène est importante. La traite des êtres humains est une des formes de violence les plus avilissantes qui soit. Que ce soit l’exploitation sexuelle, l’esclavage moderne, le travail forcé ou toute autre forme d’exploitation, il s’agit incontestablement d’une des pires atteintes à la dignité humaine et aux droits de l’Homme. La France, parmi les premiers Etats à avoir ratifié le protocole de Palerme puis la convention de Varsovie sur la protection des victimes de la traite des êtres humains, s’implique avec détermination tant sur la scène internationale que sur le territoire national. Cette vision transnationale et l’impérieuse nécessité de coopérer ont été clairement affichées cette année par l’envoi d’un représentant au séminaire des rapporteurs nationaux et formations équivalentes qui s’est tenu à Vienne au siège de l’OSCE les 22 et 23 septembre dernier. Au niveau national, la France a mis en application sur son territoire un dispositif législatif et réglementaire important et très complet, notamment pour ce qui est du volet répressif visant à combattre les réseaux criminels. Ainsi, ce code pénal français donne une définition très claire de la traite des êtres humains et la prise en charge des victimes étrangères est également inscrite dans le code d’entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d’asile. Cependant, la vision essentiellement centrée sur les auteurs tend à évoluer vers une conception beaucoup plus large du phénomène. Aujourd’hui une vision holistique du problème émerge et le besoin de coopération et de coordination nationale semble s’imposer. Le recentrage de la lutte contre la traite des êtres humains sur la victime est incontournable, essentiel si on veut enfin reconnaître le statut de victime aux personnes exploitées, lutter efficacement contre ce fléau et ainsi obtenir des condamnations pour traite. Cette volonté forte de politique pénale oriente de fait vers la protection des victimes. La protection des victimes passe par la reconnaissance de leur statut. Or à ce jour en France, une seule affaire a été jugée pour traite des êtres humains et une deuxième est à l’instruction (ces affaires concernent des trafics d’enfants). Cela ne veut pas dire bien évidement qu’il n’y a pas d’exploitation et de trafic humain en France, non, les affaires de traite sont jugées selon d’autres catégories d’infraction plus connues et plus anciennes. L’incrimination dans le code pénal ne date que de 2003. Or, ne pas condamner au titre de la traite des êtres humains, c’est ne pas avoir de victimes de traite, dans la conception de victime idéale. Leur prise en charge et leur considération risquent alors de s’en ressentir. En revanche, il est à noter que les peines prononcées contre les auteurs sont lourdes. Mais qu’en est-il du suivi des victimes ? Cette considération se complexifie encore lorsque la victime est une ressortissante étrangère en situation irrégulière sur le territoire national. Car la prise en compte de sa position administrative ainsi que la question de sa régularisation possible, en cas de traite des êtres humains, rendent parfois délicate l’assistance à la victime. 111 La difficulté à rendre cohérent l’ensemble sein du réseau sera de 15 jours environ, le du système impose une réflexion commune sur temps d’organiser son retour dans les meilleures conditions possibles d’accueil et de voyage. Si la question. cette dernière désire demeurer sur le territoire L’exemple du délai de réflexion proposé à la national, sa prise en charge peut durer jusqu’à victime est intéressant. Il oscille entre 30 jours un an. A ce jour, quelque 300 personnes ont été et 6 mois selon le pays. En outre certains pays prises en charge par le réseau Ac Sé depuis sa n’imposent aucun délai pour assurer cette pro- création en 2002. tection, pariant sur le fait qu’assurer leur protection permettra à ces victimes, lorsqu’elles se Je vous remercie de votre attention. sentiront prêtes, de collaborer avec les autorités. Il est en effet difficile pour certaines victimes des actes les plus odieux de se restructurer et d’accepter de faire face à tant d’horreur dans des délais contraignants. La traite des êtres humains n’est pas le problème d’une catégorie de spécialistes mais d’un ensemble pluridisciplinaire d’experts. Apprendre à identifier une victime de la traite des êtres humains, la reconnaître dans sa qualité de victime avant toute chose, puis assurer sa protection, constituent un enjeu majeur, gage d’une approche efficiente de la question. C’est pourquoi des programmes de formation à l’identification des victimes vont être mis en place en 2009 à destination des policiers et gendarmes. Cette formation porte notamment sur l’application de critères d’identification clairement établis. J’aborderai un dernier point avant de clore mon intervention. Ce dernier point concerne l’accueil sécurisant des victimes de la traite des êtres humains. En effet, il existe en France un dispositif d’accueil sécurisant mis en place au niveau national. Ce dispositif national (ou réseau Ac Sé) pour les victimes de la traite des êtres humains est organisé autour d’associations spécialisées, de lieux d’accueil disséminés sur tout le territoire national et coordonné en étroite relation avec les ministères concernés. Il propose un hébergement sûr à toute personne majeure victime de la traite des êtres humains dont la sécurité n’est pas garantie. Le principe d’accueil s’appuie sur la confidentialité du lieu, l’éloignement géographique et l’adhésion de la victime. La saisine de ce réseau national sécurisant ne peut être opérée que par un policier ou gendarme, un magistrat ou un travailleur social spécialisé. La victime est prise en charge quel que soit son avenir sur le territoire français, qu’elle ait vocation à y demeurer ou qu’elle souhaite retourner dans son pays. Dans ce cas de figure, seul les délais de présence au sein de la structure seront différents. Si la personne souhaite retourner dans son pays d’origine, sa présence au 112 Pierre Duterte Médecin Directeur Parcours d’Exil Le traumatisme psychique Définition du traumatisme • « Le choc est équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le soi propre. » (« Réflexions sur le traumatisme », in Psychanalyse IV, Payot, Paris, 1982 p. 139) • Cette définition du trauma, formulée par Sandor Ferenczi en 1932, souligne la façon dont le choc psychique met en échec les ressources individuelles grâce auxquelles chaque personne, qu’elle soit enfant ou adulte, est habituée à faire face aux difficultés de l’existence. Elle permet d’envisager le trauma psychique sans trauma physique, tel qu’il survient dans les situations où la personne ne peut « défendre le soi propre » parce qu’elle assiste à la torture ou au massacre d’autrui, à l’activité sexuelle des adultes quand il s’agit d’un enfant. • • • Des troubles de la mémoire et de la concentration ; Des troubles du caractère (nervosité, irritabilité) ; Des troubles de l’alimentation, des toxicomanies ; Des troubles psychosomatiques ; Des troubles dépressifs. Le traitement idéal d’un tel syndrome implique une prise en charge pluridisciplinaire. La victimologie a mis l’accent sur l’importance du travail en réseau autour des victimes, reliant psychothérapie, soins médicaux ou/et psychiatriques, soutien social (associatif) et intervention judiciaire. Dans le cas des personnes réfugiées, la dimension judiciaire est quasiment inaccessible. Rares sont ceux qui verront un jour leurs tortionnaires ou leurs persécuteurs dans le box des accusés, écoutant le verdict d’une condamnation justifiée. La plupart restent privés de cette « réintégration symbolique » dans la communauConséquences psychopathologiques du trauma té humaine d’où ils avaient été « exclus » par la violence. Le stress post-traumatique Seuls l’OFPRA et la CRR peuvent offrir une justiDepuis le développement de la victimologie en ce « en creux », en les reconnaissant statutaires France, en 1993, le terme le plus souvent utilisé et donc victimes, mais sans pouvoir identifier pour désigner le syndrome présenté par les vic- solennellement, ni sanctionner, les auteurs. times est l’ESPT, état de stress posttraumatique. C’est un ensemble de symptômes Troubles dissociatifs apparaissant après une période de latence qui Le débordement psychique, l’expérience d’être peut durer plusieurs mois. impuissant à éviter la catastrophe, incite la victime, et tout particulièrement l’enfant, à se Les symptômes les plus couramment décrits sont modifier lui-même à défaut de pouvoir modifier les suivants : l’environnement destructeur. La fragmentation • Un syndrome de répétition, qui se traduit psychique permet au Moi d’échapper à la conspar l’irruption répétitive de réminiscences cience totale du désastre. traumatiques, de cauchemars, de réveils nocturnes, aggravé après une exposition à « Je ne souffre plus, je cesse même d’exister des événements ou des éléments qui rap- tout au moins comme un Moi global » pellent le traumatisme ; (S. Ferenczi). • Un syndrome d’évitement, par lequel la personne tente d’éviter tout ce qui lui Chaque fragment de la personnalité n’a plus rappelle l’événement (comme d’en par- qu’un fragment de l’événement à gérer : les ler, par exemple) et souvent toute émo- émotions d’horreur, de terreur, sont séparées tion ; de la perception physique de la douleur, des • Des troubles dissociatifs ; odeurs d’urine et de sang, de la vision du regard • Une tendance à l’isolement social ; haineux de l’agresseur, de la compréhension intellectuelle de l’événement, etc. • Un état « sur le qui-vive » permanent ; 113 aussi, faute d’avoir pu contre-attaquer un agresseur tout-puissant, déplacer une colère légitime sur d’autres innocents, dès lors que leurs caractéristiques rappellent l’agresseur ou l’agression. Les mineurs, en particulier, reproduisent souvent avec précision les actes de violence ou de détournement sexuel qu’ils ont subi contre les autres enfants, leurs éducateurs, les policiers, Après le trauma, ce mécanisme de défense dé- etc. sespérée se manifestera encore chaque fois que la victime sera de nouveau confrontée à un élément matériel ou métaphorique du choc traumatique. Les personnes se dissocient, par exemple, lors d’un entretien portant sur leur histoire traumatique. Leur interlocuteur le perçoit souvent de façon implicite : la personne paraît soudain absente, « ailleurs », ou adopte un ton monocorde ou étrangement détaché pour relater des faits horribles. Il se peut également qu’elle génère chez l’intervenant un sentiment d’irréalité, d’ennui, d’incrédulité. Cette « stratégie » défensive permet à la victime de perdre partiellement conscience de la confrontation avec la mort inhérente à l’expérience. Il arrive qu’elle éprouve la sensation d’observer de l’extérieur son corps supplicié ou d’être coupée de la perception de la douleur physique en encore qu’elle s’absorbe totalement dans un détail inoffensif de la scène. La mémoire de l’événement, elle aussi, sera morcelée et organisée selon ce qui fait le plus sens par rapport au choc traumatique, ce qui n’est pas sans nuire à la crédibilité des victimes. L’identification à l’agresseur «(…) cette peur, quand elle atteint son point culminant, les oblige à se soumettre automatiquement à la volonté de l’agresseur, à deviner le moindre de ses désirs, à obéir en s’oubliant complètement, et à s’identifier totalement à l’agresseur. Par identification, disons par introjection de l’agresseur, celui-ci disparaît en tant que réalité extérieure, et devient intrapsychique. » (S. Ferenczi : « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant. Le langage de la tendresse et celui de la passion » in Psychanalyse IV, Payot, Paris, 1982 p.130). Par l’identification à l’agresseur, la victime retrouve un certain pouvoir sur l’événement. Elle cesse partiellement d’être une victime impuissante. Du coup, logiquement, elle devient « coupable » à la place de l’agresseur. Les victimes manifestent d’intenses sentiments de culpabilité par rapport aux faits qu’elles ont subis, qui les poussent à cacher ces faits ou à les minimiser en s’en rendant responsable. Identifiées à l’agresseur, les victimes retournent le plus souvent la violence contre elles-mêmes par la disqualification constante, par les conduites suicidaires, l’automutilation, les toxicomanies, les tentatives de suicide. Elles peuvent 114 Alima Boumediene –Thiery Sénatrice L’indemnisation des victimes de torture : état des lieux des instruments internationaux et européens Bonjour à tous, Lorsque l’on songe aux victimes de torture, on songe au préjudice subi. Ce dernier est par essence subjectif : il ne saurait y a voir de préjudice type, ou de souffrance type. Celui-ci découle de « l’ensemble des données de la cause », lesquelles recouvrent à la fois des paramètres internes et externes. L’évaluation du préjudice dépend souvent de la nature et du contexte du traitement ou de la peine, de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets physiques et mentaux, ainsi que parfois de l’âge, du sexe, et de l’état de santé de la victime. L’appréciation du préjudice est donc, par essence, subjective. Comment, à partir de cette subjectivité, construire un système uniforme et équitable d’indemnisation des victimes de torture ? Comment trouver, au sein de la quantité impressionnante d’instruments internationaux et européens des droits de l’Homme, un dénominateur commun acceptable ? Ne perdons pas de vue un point : le mal subi par une victime de torture est impossible à réparer en raison des graves conséquences psychologiques qu’il induit. Je commencerai donc mon intervention par ceci : quel que soit le système existant, son efficacité, son caractère dissuasif, une chose demeure : les actes de torture ne s’effacent pas. Ils demeurent, après les séquelles physiques, sous la forme de dommages moraux indélébiles. L’indemnisation vient ici jouer un rôle qui a pourtant son importance dans le processus de réparation : elle accompagne la victime sur le chemin de la guérison en garantissant que ses droits ont été entendus et défendus. L’indemnisation est donc consubstantielle à la condamnation. Je vous présenterai, de manière non exhaustive, l’émergence d’un droit international de l’indemnisation des victimes de la torture, pour ensuite vous offrir une perspective comparative avec la pratique des Etat. parue la nécessité de définir un corpus de règles relatives à la réparation des victimes de violations de droits de l’Homme, et en particulier de torture. Le texte fondateur d’un droit international des victimes est la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir de 1985, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, faisant expressément référence à la nécessité de réduire la criminalisation et soulager la détresse des victimes. La réparation a donc ici, dans ce texte, une valeur autre que simplement pécuniaire : elle s’inscrit dans le processus de réparation de la victime. Cette déclaration, qui s’adresse à tous les Etats, définit un ensemble de principes sur lesquels doit se fonder toute politique en matière d’indemnisation des victimes de violations de droits fondamentaux. La grande originalité de ce texte, c’est qu’il préconise, au cas où la victime ne pourrait obtenir d’indemnisation de la part de l’auteur du crime, que l’Etat assure une indemnisation financière aux victimes qui ont subi une atteinte à leur intégrité physique ou morale en conséquence d’actes criminels. L’Etat peut donc être tenu à une indemnisation même si sa propre responsabilité n’est pas engagée. Autre point intéressant de ce texte : la déclaration prévoit que les Etats doivent encourager l’expansion des fonds nationaux d’indemnisation des victimes. Ces principes seront repris par le professeur Van Boven, lorsqu’il entreprit, dans le cadre de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, de mettre en place des principes fondamentaux concernant le droit à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l’Homme et des libertés. La réflexion menée par le Pr. Van Boven sera reprise par le Pr. Joinet pour aboutir à un texte adopté en avril 2000 par la Commission des droits de l’Homme intitulé Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Droit international Ce n’est qu’au milieu des années 80 qu’est ap115 A ce moment naissent les principes qui vont guider les démocraties dans la prise en compte graduelle du droit des victimes de violation des droits de l’Homme à bénéficier d’une réparation adéquate et équitable. Selon ces principes, une indemnisation doit couvrir : • le préjudice physique ou moral, y compris douleur, souffrances et chocs émotionnels ; • la perte d’une chance, comme par exemple l’impossibilité de recevoir une éducation ; • les pertes matérielles ; • l’atteinte à la réputation ou à la dignité ; • les frais engagés pour l’assistance judiciaire, et pour tous les frais médicaux (médicaments, consultations psychologiques, services sociaux). La précision de ces principes tranchent avec les dispositions des conventions internationales. Par exemple, la convention contre la torture de 1984 fait explicitement référence au droit des victimes de torture à une indemnisation. Mais elle se contente de disposer que « tout Etat partie est tenu de garantir, dans son système juridique, à la victime d’une torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate ». Il en est de même en ce qui concerne les juridictions internationales et régionales qui sont elle-même amenées à réparer, de manière subsidiaire, les atteintes aux droits de l’Homme. Lorsque la Cour européenne des droits de l’Homme accorde une satisfaction équitable, à savoir une somme d’argent visant à réparer le préjudice subi, elle le fait au regard des circonstances de l’espèce sans considération d’une grille de lecture. Le 12 octobre 2004, dans une affaire où la Roumanie a été condamnée pour des actes de torture, elle a octroyé 10.000€ à la veuve de la victime pour le préjudice moral, décédée en raison des actes de torture subis. Dans une autre affaire, moins récente, et impliquant la France, l’affaire Selmouni de 1989, la Cour avait octroyé 76.224€ pour dommage corporel et moral. Entre ces deux affaires, la différence n’est pas celle de l’intensité de la souffrance, ou de l’humiliation subie. Elle est simplement l’expression d’une impossibilité de mettre en œuvre une grille de lecture homogène. Toute tentative de schématisation du préjudice en cas de torture est impossible, parce que la torture est un acte protéiforme, ayant des effets multiples qui ne sauraient être quantifiables objectivement. Le prétoire est donc le seul lieu où le préjudice devient évaluable in specie. Les montants seront variables, parfois du double au triple selon la juridiction, ou la victime. Dans tous les cas, elle n’est, à mon sens, jamais suffisante pour effacer les traces de la torture. Droit international humanitaire En ce qui concerne le droit international humanitaire, la question de l’indemnisation des victimes est absente, puisque seules les réparations pour les Etats sont prévues. Lors du conflit opposant l’Irak au Koweït, la question s’est posée de savoir si les graves infractions au droit international des droits de l’Homme, et notamment les tortures infligées, pouvaient être indemnisées. Dans sa résolution 687 de 1991, le Conseil de sécurité a créé un Fond d’indemnisation pour les dommages et préjudices causés du fait de l’invasion du Koweït par l’Irak. La Commission d’indemnisation des Nations unies a donc décidé d’indemniser les victimes de graves préjudices, et notamment de tortures, à hauteur de 30.000$ par requérant. Cet exemple me semble important, puisqu’il prolonge la question de la création d’un fond d’indemnisation au plan des relations internationales. J’en viens maintenant à la seconde partie de mon intervention. Que font donc les Etats de ces principes dans leur droit interne ? Existe-t-il partout des fonds d’indemnisation des victimes pour suppléer les auteurs dans leurs violations des droits de l’Homme ? Existe-t-il partout un système qui permette une réparation du préjudice moral vécu par la victime ? D’abord, je dois préciser que la participation de la victime au procès pénal n’est pas automatique dans tous les pays. Pourtant, permettre à la victime de se constituer partie civile, c’est garantir également un droit à réparation au pénal. De nombreux pays de common law ne prévoient pas la possibilité pour la victime de participer au procès pénal et d’obtenir, devant les juridictions répressives, réparation de leur préjudice. Elles pourront, par la suite, introduire une demande au civil mais sans que cela soit finalement lié au procès pénal en cours. Concernant la création d’un fonds d’indemnisation, recommandée par l’Assemblée générale des Nations unies dès 1985, il faut avouer que la pratique étatique est hétérogène. 116 En France, un dispositif autonome d’indemnisation des victimes d’infractions a été mis en place, indépendamment de la procédure pénale et même si l’auteur des faits n’a pas été retrouvé. Au sein de chaque tribunal de grande instance, les victimes ou leurs ayants droits peuvent saisir, sous certaines conditions, les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), et formuler une demande d’indemnisation qui, s’il y est fait droit, sera versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI). Le 1er juillet 2008, ce dispositif a été renforcé. Les victimes d’infractions pourront, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision de la juridiction pénale est définitive, s’adresser au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) qui versera soit une avance plafonnée à 3.000 €, soit l’intégralité des dommages et intérêts si ceux-ci ne dépassent pas 1.000 €. ment de la sanction de l’auteur, sont les seuls moyens de créer les conditions d’une guérison de la victime. Je vous remercie. C’est ensuite le fonds de garantie des victimes qui exercera une action récursoire contre l’auteur. Ce système est de nature à garantir une indemnisation diligente et rapide, et participe de la guérison que j’évoquais tout à l’heure. Le plus vite l’indemnisation intervient, le plus vite la réparation, au sens large du terme, peut commencer. C’est ainsi que, derrière ces chiffres, dont vous m’excuserez l’utilisation –mais cela me semblait nécessaire- il y a un impératif auquel aucun Etat ne peut se soustraire : les victimes de violations de droits de l’Homme, en particulier les victimes d’actes de torture, doivent bénéficier d’un dispositif spécifique visant à réduire l’échelle du temps et la durée du procès pénal. D’abord, la participation au procès pénal devrait être un impératif de justice : l’implication de la victime dans la procédure pénale concourt au sentiment de justice. Elle permet également à la victime de faire valoir sa qualité de victime au pénal, et pas plusieurs mois après, devant un juge civil. Ensuite, la question de l’indemnisation doit être au centre de toute politique pénale soucieuse de restaurer l’intégrité morale de la victime. D’où la nécessité de la création, au sein de chaque Etat, d’un fonds d’indemnisation des victimes de torture, seule garantie d’une réparation diligente et équitable du préjudice subi par les victimes. Ne voyez rien de vénal dans mes propos. Mais c’est une réalité : l’indemnisation, en complé117 Laurence de Bauche Réseau Odysseus Bonjour Mesdames et messieurs, Méthodologie de l’étude : Objet de la directive Brièvement -parce que peut-être certaines personnes ne connaissent pas cet instrument juridique- cette directive européenne détermine les droits et les avantages minimaux que les Etats membres de l’Union doivent reconnaître Je remercie également l’association et en parti- aux demandeurs d’asile (= demandeurs de proculier M. Vacondios d’avoir associé à cette tection internationale) pendant la durée de la conférence le réseau académique Odysseus que procédure d’asile c'est-à-dire pendant la durée je représente. d’examen de leur demande d’asile. Permettez-moi tout d’abord de remercier l’association Parcours d’Exil pour l’organisation de ces deux jours de réflexion et d’échanges sur la problématique de la reconnaissance des victimes de la torture. En quelques mots, le réseau Odysseus, qui a été créé en 1999 par Philippe de Bruycker, professeur à l’Institut d’études européenne de l’ULB, est un réseau qui regroupe des spécialistes en droit de l’immigration et de l’asile dans les Etats membres de l’Union européenne ; ces spécialistes sont en très grande majorité des professeurs d’université qui allient le plus souvent à leur expérience académique une expérience pratique. Le réseau a pour objet principal de mener, soit d’initiative soit pour le compte de tiers, des études sur l’état et l’évolution du droit de l’immigration et de l’asile. C’est ainsi qu’il organise en moyenne tous les deux ans un congrès international dans le domaine, suivi de la publication d’un ouvrage ; qu’il tient chaque année un cours d’été sur le droit et la politique européenne du droit de l’immigration et de l’asile et qu’il organise aussi depuis maintenant trois ans un certificat d’un an sur le droit européen et international de l’immigration et de l’asile. Donc le titre de la directive, en évoquant l’accueil des demandeurs d’asile, vise en fait des droits et des avantages que l’on qualifie généralement de conditions d’accueil. Deux grandes catégories de droits et d’avantages sont distinguées par la directive : il s’agit des conditions matérielles d’accueil et des autres conditions d’accueil. Conditions matérielles : logement, nourriture, habillement et allocation pécuniaire journalière garantissant un niveau de vie adéquat pour la santé et la subsistance des demandeurs d’asile. Autres conditions d’accueil : droit à l’information ; droit au travail, à l’éducation pour les enfants ; et aussi ce qui nous intéresse dans le cadre de la problématique qui nous occupe, le droit d’accès aux soins de santé. Cette catégorie spécifique, ce sont les demandeurs d’asile vulnérables qui sont également désignés comme les demandeurs d’asile ayant Pour ma part je suis juriste, je ne suis rattachée des besoins particuliers. à aucune université. Je fais partie de l’équipe de coordination du réseau Odysseus et j’ai mené Plusieurs dispositions dans la directive ont trait avec Philippe de Bruycker en 2006 et fin 2007/ à cette catégorie spécifique de demandeurs d’adébut 2008 deux études pour le compte la Com- sile parmi laquelle figurent entre autres : les mission européenne ; ce sont ces études qui jus- personnes qui ont subi des tortures, des viols tifient ma présence parmi vous aujourd’hui. ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. Quel était l’objet de ces études ? En fait il s’agissait d’évaluer dans les Etats membres de l’Union la transposition de la directive du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile. 118 L’objectif des différents articles de la directive qui sont relatifs aux demandeurs d’asile vulnérables est d’imposer aux Etats membres d’accorder à ces demandeurs d’asile des conditions d’accueil spéciales c’est à dire : Comment expliquer ce constat ? Sans entrer dans des détails juridiques assez techniques je peux me contenter de souligner que cette absence de mise en place d’une procédure d’identification dans une dizaine d’Etats - des conditions d’accueil adaptées à leur si- membres s’explique très certainement par le manque de clarté de l’article 17 de la directituation de vulnérabilité, ve qui est l’article posant le principe général de - des conditions d’accueil adaptées aux be- l’adaptation des conditions d’accueil en cas de soins particuliers que leur situation spécifique situation de vulnérabilité. de vulnérabilité engendre et cela dans deux Notre proposition est de modifier et de claridomaines : Celui des conditions minimales d’accueil CMA, fier l’article 17. Celui de l’accès aux soins de santé. Voir la nouvelle directive qui devrait être proposée par la Commission vers la mi-novembre. Premier problème constaté : pas de procédure d’identification des En tout cas, la position de la Commission est demandeurs d’asile vulnérables très claire : Dans son livre vert (juin 2007) sur l’avenir du Dans une dizaine d’Etats membres de l’Union, il régime d’asile européen commun, n’y a pas de procédure d’identification des Dans son rapport du 26 Novembre 2007 sur la demandeurs d’asile vulnérables. transposition de la directive accueil, Dans son plan d’action en matière d’asile de Or, vous ne pouvez évidemment ni identifier ni juin 2008, évaluer les besoins particuliers et par là-même adapter à ces besoins les conditions minimales Elle insiste sur la prise en compte des persond’accueil et les soins de santé si vous n’identines vulnérables et sur la nécessité de leur fiez pas le demandeur d’asile en tant que deidentification. mandeur d’asile vulnérable. S’agissant précisément de la problématique de la reconnaissance des victimes de la torture, cette absence de procédure d’identification a un impact extrêmement négatif –plus négatif que pour d’autres catégories de demandeurs d’asile vulnérables où la situation de vulnérabilité apparaîtra en tout état de cause même en l’absence d’une procédure d’identification comme le parent isolé avec un enfant. Ainsi, dans son rapport de novembre 2007, elle stipule : « L’identification des DA vulnérables est un élément essentiel sans lequel les dispositions de la directive concernant le traitement spécial à réserver à ces personnes perdraient tout leur sens. » Il restera bien sûr à identifier et à évaluer les besoins spécifiques des personnes concernées : deux parents isolés avec enfants peuvent présenter des besoins différents plus ou moins étendus. Par ailleurs, l’absence d’identification d’un demandeur d’asile en tant que personne victime de torture ou d’autres formes graves de violence a également un impact sur la procédure d’asile elle-même et donc sur la reconnaissance du statut de réfugié. (Signes non détectables de vulnérabilité) 119 Projet FER. Belgique : loi Janvier 2007- EV Mai 2007- AR Avril 2007 ARTICLE 17 besoins particuliers. » Les termes manquent aussi de clarté. La première disposition que j’évoquerai est l’article 17 de la directive en ce qu’il énonce le principe général du traitement de ces DA vulnérables, donc disposition centrale mais qui est malheureusement manque de clarté juridique. « §. 1. Dans la législation nationale transposant les dispositions de la directive relatives aux conditions matérielles d’accueil et celles relatives aux soins de santé, les Etats membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables telles que Les mineurs, Les MNA (mineurs non accompagnés), Les handicapés, Les personnes âgées, Les femmes enceintes, Les parents isolés accompagnés de mineurs et Les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. » L’idée est d’adapter les conditions minimales d’accueil et les soins de santé aux besoins spécifiques des personnes vulnérables. « ARTICLE 20 Victimes de torture ou de violence Les EM font en sorte que si nécessaire les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question. » Les termes restent vagues. Constat : dans plus de la moitié des Etats membres (16), ces dispositions sont soit pas transposées soit problématiques : pas suffisamment de structure spécialisées, absence de prise en charge par l’Etat, ou une prise en charge qui ne repose que sur les ONG. Troisième problème : déficience de la prise en charge des mineurs victimes de torture ou de violence en ce qui concerne l’accès à des soins de santé mentale appropriés et à un soutien qualifié « ARTICLE 18 §.2. « §.2. Le § 1 ne s’applique qu’aux personnes Les EM font en sorte que les mineurs qui ont dont les besoins particuliers ont été constaété victimes de toute forme d’abus, de néglités après une évaluation individuelle de leur gence, d’exploitation, de torture, de traitesituation. » ment cruels, inhumains et dégradants, ou de conflits armés aient accès à des services de Evoquer une évaluation individuelle des beréadaptation ; ils veillent à ce que soient dissoins particuliers semble assez cohérent : cf. pensés des soins de santé mentale appropriés 2 : les femmes enceintes sont considérées comet que les victimes aient accès si besoin est à me des personnes vulnérables un soutien qualifié. » Les termes sont déjà plus précis Deuxième problème : déficience de l’assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs d’asile vulnérables Constat : dans environ la moitié (14) des Etats membres, la disposition n’a pas été transposée ou est problématique. Un certain nombre de pays où la disposition est juridiquement transposée mais où dans la prati« ARTICLE 15 que elle n’est appliquée : idem article 15 et Disposition générale relative aux 20 : manque ou absence de structures adaptées, soins de santé la prise en charge repose sur la seule intervention des ONG. §.1. Les EM font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent au minimum les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. §.2. Les EM fournissent l’assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des 120 Xavier Ronsin Procureur de la République Comité pour la Prévention de la Torture (CPT) - Conseil de l’Europe Etat des lieux des conventions et des textes internationaux sur la protection des victimes de torture I – Sur le plan universel Quatre actes successifs, depuis bientôt 60 ans : --10 décembre 1948 : Déclaration universelle des droits de l’Homme et son article 5 relatif à la torture ; --16 décembre 1966 : Pacte international relatif aux droits civils et politiques (entrée en vigueur : le 23 mars 1976) et son article 7 relatif à la torture ; --10 décembre 1984 : Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le 26 juin 1987) et son article 1 qui décrit plus précisément ce que l'on entend par le terme torture, et son article 17 relatif à la création d'un comité contre la torture (experts indépendants chargés de l'application de la convention par les Etats parties) ; -- 18 décembre 2002 : Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (entré en vigueur le 22 juin 2006). l'Etat. II – Sur le plan européen Rappel de quelques grandes notions sur « l'architecture européenne » de protection des droits de l’Homme : A - Quelle Europe ? Pas l'Europe économique, mais une Europe des droits de l’Homme : 47 pays : toute l'Europe occidentale et orientale, y compris la Turquie et la Russie : le Conseil de l'Europe. Créé le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe a pour objectif de favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l’Homme et d'autres textes de référence sur la protection de l'individu. 10 pays fondateurs de 1949 : Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, puis Irlande, Italie, Danemark, Norvège et Suède. A ce jour, 47 Etats membres et 1 Etat candidat : la Biélorussie, non actuellement invitée en raiImpact en France : son de son non respect des droits de l’Homme et Créée par la loi 2000-494 du 6 juin 2000, la des principes démocratiques. Commission nationale de déontologie de la sécurité est une autorité administrative indépendan- B — Quels textes fondateurs ? te. Elle est chargée de veiller au respect de la B. 1 déontologie par les personnes exerçant des acti- Première pierre fondatrice : 4 novembre 1950 : vités de sécurité sur le territoire de la Républi- Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (entrée en que. La commission n'est ni un tribunal, ni un conseil vigueur en septembre 1953) de discipline ; elle souhaite être un lieu de re- Article 3 – Interdiction de la torture cours et de contrôle. « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des — Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 insti- peines ou traitements inhumains ou dégratuant un Contrôleur général des lieux de priva- dants.» tion de liberté et Décret n° 2008-246 du 12 mars Dès 1959 : instauration d'une Cour européenne 2008 relatif au Contrôleur général des lieux de des droits de l’Homme. privation de liberté Protocole 9 : mécanisme de droit de recours — Loi n° 2008-739 du 28 juillet 2008 autorisant individuel facultatif et ce droit ne pouvait être l'approbation du protocole facultatif se rappor- invoqué qu'à l'encontre des Etats qui avaient tant à la convention contre la torture et autres accepté de le reconnaître. peines ou traitements inhumains ou dégradants En 1990, les 22 Etats contractants l'avaient acArticle unique : cepté (la France en octobre 1981, et première « Est autorisée l'approbation du protocole fa- condamnation de la France le 8 décembre 1986 cultatif se rapportant à la Convention contre la pour l’affaire Bozano). torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adopté le 18 décembre 2002 à New York, et dont le texte est annexé à la présente loi. » La présente loi sera exécutée comme loi de 121 Protocole 11 : Cour unique et permanente Entré en vigueur le 1er novembre 1998, ce protocole a remplacé les anciennes Cour et Commission qui fonctionnaient à temps partiel par une Cour unique et permanente. Protocole 14 : adopté le 13 mai 2004 mécanismes de filtre (46 ratifications et un Etat signataire n'ayant pas ratifié, la Russie ). B. 2 Deuxième pierre : 26 juin 1987 Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le 1/02/1989) et création du CPT (texte adopté par le comité des ministres le 26 juin 1987 et ouvert à la signature des Etats membres du conseil de l'Europe le 26 novembre 1987). Entrée en vigueur le 1/02/1989, et pour la France à compter du 1/5/1989 puis protocoles 1 (invitation d'un Etat non membre à adhérer) et 2 (règles d'élection des membres du CPT) à compter du 1/3/2002. Selon l'article 1er de la Convention : « Il est institué un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants .(...) Par le moyen de visites, le Comité examine le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants ». C – Le Conseil de l'Europe, une boite à outils multiples pour promouvoir les droits de l’Homme ? Le Conseil de l'Europe : une boite à outils multiples, que je vais m'efforcer de décrire, tout en en m'efforçant à chaque fois d'en évaluer l'efficacité. Trois types : • mécanismes de contrôle juridictionnel à posteriori (cf. § D) ; •m é c a n i s m e s de prévention (recommandations) (cf. § E) ; • mécanismes de contrôle préventif par des visites : CPT et Commissaire européen des droits de l’Homme (cf. § F). D - la Cour européenne des droits de l’Homme et la lutte contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants D.1 jurisprudence: incidence directe sur la France Ex. : sur l’article 3 (interdiction torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants) Arrêt 27/08/1992 Tomasi (traitements inhumains en garde-à-vue) : « Son corps portait des marques qui avaient une seule origine, les sévices infligés pendant une quarantaine d’heures par certains des policiers chargés des interrogatoires : gifles, coups de pied, de poing et de manchette, station debout prolongée et sans appui, les menottes dans le dos, crachats, déshabillage total devant une fenêtre ouverte, absence de nourriture, menaces avec une arme, etc. » « Il lui suffit de noter que les certificats et rapports médicaux, établis en toute indépendance par des praticiens, attestent de l’intensité et de la multiplicité des coups portés à M. Tomasi ; il y a là deux éléments assez sérieux pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant. Les nécessités de l’enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne. » Arrêt 28/07/1999 Selmouni (torture en garde à vue dans un commissariat) « 1. La Cour rappelle que l’article 3 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles n° 1 et 4, et d’après l’article 15 § 2 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (arrêts précités Irlande c. Royaume-Uni, p. 65, § 163, et Soering, pp. 34-35, § 88, et Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1855, § 79). 2. Pour déterminer s’il y a lieu de qualifier de torture une forme particulière de mauvais traitements, la Cour doit avoir égard à la distinction que comporte l’article 3, entre cette notion et celle de traitements inhumains ou dégradants. Ainsi qu’elle l’a relevé précédemment, cette distinction paraît avoir été consacrée par la Convention pour marquer d’une spéciale infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances (arrêt Irlande c. Royaume-Uni précité, pp. 66-67, § 167). 3. La Cour constate que l’ensemble des lésions relevées dans les différents certificats médicaux (paragraphes 11-15 et 17-20 ci-dessus), ainsi que les déclarations du requérant sur les mauvais traitements dont il a fait l’objet durant sa garde à vue (paragraphes 18 et 24 cidessus) établissent l’existence de douleurs ou de souffrances physiques et, à n’en pas douter nonobstant l’absence regrettable d’expertise psychologique de M. Selmouni à la suite de ces faits, mentales. 122 Le déroulement des faits atteste également que les douleurs ou souffrances ont été infligées intentionnellement au requérant, aux fins notamment d’obtenir des aveux sur les faits qui lui étaient reprochés. Enfin, il ressort clairement des certificats médicaux joints au dossier de la procédure que les multiples violences ont été directement exercées par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions. 5. Les actes dénoncés étaient assurément de nature à créer des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à humilier, avilir et briser éventuellement la résistance physique et morale du requérant. La Cour relève donc des éléments assez sérieux pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et dégradant (arrêts Irlande c. Royaume-Uni précité, pp. 6667, § 167 ; Tomasi précité, p. 42, § 115). En tout état de cause, la Cour rappelle qu’à l’égard d’une personne privée de sa liberté l’usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 (arrêts Ribitsch précité, p. 26, § 38, Tekin c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1517-1518, § 53). 6. La Cour relève également que le requérant a été tiré par les cheveux ; qu’il a dû courir dans un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour le faire trébucher ; qu’il a été mis à genoux devant une jeune femme à qui il fut déclaré « Tiens, tu vas entendre quelqu’un chanter » ; qu’un policier lui a ultérieurement présenté son sexe en lui disant « Tiens, sucele » avant de lui uriner dessus ; qu’il a été menacé avec un chalumeau puis avec une seringue (paragraphe 24 ci-dessus). Outre la violence des faits décrits, la Cour ne peut que constater leur caractère odieux et humiliant pour toute personne, quel que soit son état. 7. La Cour note enfin que ces faits ne peuvent se résumer à une période donnée de la garde à vue au cours de laquelle, sans que cela puisse aucunement le justifier, la tension et les passions exacerbées auraient conduit à de tels excès : il est en effet clairement établi que M. Selmouni a subi des violences répétées et prolongées, réparties sur plusieurs jours d’interrogatoires (paragraphes 11-14 ci-dessus). 8. Dans ces conditions, la Cour est convaincue que les actes de violence physique et mentale commis sur la personne du requérant, pris dans leur ensemble, ont provoqué des douleurs et des souffrances « aiguës » et revêtent un caractère particulièrement grave et cruel. De tels agissements doivent être regardés comme des actes de torture au sens de l’article 3 de la Convention. » Arrêt 7/06/2001 Papon (condition de détention : traitement non dégradant malgré âge et santé) ; Arrêt 14/11/2002 Mouisel (traitement dégradant : obligation faite à un détenu âgé et malade de porter des menottes pendant son transfèrement à l'hôpital) : « En définitive, la Cour est d'avis que les autorités nationales n'ont pas assuré une prise en charge de l'état de santé du requérant lui permettant d'éviter des traitements contraires à l'article 3 de la Convention. Son maintien en détention, surtout à partir du mois de juin 2000, a porté atteinte à sa dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et causé une souffrance allant au-delà de celle que comportent inévitablement une peine d'emprisonnement et un traitement anticancéreux. La Cour conclut en l'espèce à un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en détention dans les conditions examinées cidevant. » Arrêt Rivière 2006 (traitement inhumain et dégradant) : maintien en détention malgré l'apparition d'une pathologie mentale et de tendances suicidaires : « 75. Au vu de cette jurisprudence, la Cour considère que l’état d’un prisonnier dont il est avéré qu’il souffrait de graves problèmes mentaux et présentait des risques suicidaires, même si jusqu’à présent ceux-ci ne se sont pas réalisés, appelle des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité de cet état avec les exigences d’un traitement humain, quelle que soit la gravité des faits à raison desquels il a été condamné. 76. En définitive, la Cour est d’avis que les autorités nationales n’ont pas, en l’espèce, et malgré des efforts d’adaptation non niables et qu’elle se garde de sous-estimer, assuré une prise en charge adéquate de l’état de santé du requérant lui permettant d’éviter des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Son maintien en détention, sans encadrement médical actuellement approprié constitue dès lors une épreuve particulièrement pénible et l’a soumis à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. La Cour conclut en l’espèce à un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en détention dans les conditions examinées ci-dessus. » Arrêt Frérot 2007 (traitement dégradant) : fouille intégrale d'un détenu avec inspection anale systématique après chaque parloir durant deux ans. 123 Selon la Cour, ensemble : ce sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont souvent associés, et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque indubitablement l'obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, en sus des autres mesures intrusives dans l'intimité que comportent les fouilles intégrales, caractérisent un degré d'humiliation dépassant celui – tolérable parce qu'inéluctable – que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus. De surcroît, l'humiliation ressentie par le requérant a été accentuée par le fait que ses refus de se plier à ces mesures lui ont valu, à plusieurs reprises, d'être sanctionné par des placements en cellule disciplinaire. « 48. La Cour en déduit que les fouilles intégrales que le requérant a subies alors qu'il était détenu à la maison d'arrêt de Fresnes, entre septembre 1994 et décembre 1996, s'analysent en un traitement dégradant au sens de l'article 3. Il y a donc eu violation de cette disposition. Elle considère en revanche que le seuil de gravité requis n'est pas atteint en l'espèce pour qu'il y ait traitement « inhumain ». » D.2 D'autres exemples de jurisprudence Trois arrêts Russie 2 octobre 2008 3 comités directeurs : CDBI : comité directeur pour la bioéthique ; CDCJ : comité européen de coopération juridique ; CDPC : comité européen pour les problèmes criminels. Créé en 1958, le CDPC a la responsabilité de superviser et de coordonner les activités du conseil de l'Europe en matière de prévention et de contrôle du crime. Il a pour mission d'identifier les éléments prioritaires de coopération juridique intergouvernementale, de proposer au comité des ministres les domaines d'action en matière de droit pénal et de procédure, criminologique et pénologique, et de conduire les activités dans ces domaines. Il élabore des conventions, des accords, des recommandations. 3 organes consultatifs : • conseil scientifique criminologique ; • conseil pour les questions de police ; • conseil de coopération pénologique PC-CP. Les recommandations du Conseil de l'Europe Objectif : à la fois guides de bonnes pratiques ou de bonne gouvernance, mais aussi fruit de compromis ; Pas extérieures aux différents Etats membres, car expressément acceptées par eux (d'où parfois les compromis, voire les réserves rarissimes) ; Certes pas de valeur contraignante, mais irriguées par la jurisprudence de la Cour EDH, et irriguant à rebours celle-ci voire les avis du CPT qui de plus en plus font référence à celles-ci. La Cour constate la violation de l’interdiction de la torture dans trois arrêts de chambre concernant la Russie, en raison des mauvais traitements que la police a infligés aux requérants ; et du fait de l’insuffisance de l’enquête menée par les autorités sur les allégations de mauvais traitements formulées par les requérants. Affaires Akoulinine et Babitch c. Russie (requête no 5742/02), Beloussov c. Russie (n° 1748/02) , Liste des principales recommandations : surpoSamoïlov c. Russie (n° 64398/01). pulation Développement des peines dans la communauté E - mécanismes de prévention (coopérations Les règles pénitentiaires européennes dites RPE juridiques et recommandations) adoptées en janvier 2006 Multiples axes : • améliorer l'indépendance et le fonctionne- F - le CPT : Comité de prévention contre la ment de la justice ; torture, appelé aussi comité anti-torture • Etat de droit et sécurité des citoyens ; Le travail du CPT est conçu comme une partie • lutte contre le terrorisme, combat contre la intégrante du système de protection des droits criminalité économique, lutte contre l'exploi- de l’Homme du Conseil de l'Europe, mettant en tation sexuelle des enfants, préventions du place un mécanisme non judiciaire "pro-actif" en crime, police et sécurité intérieure, etc. ; parallèle au mécanisme judiciaire de contrôle a • révolution scientifique et protection juridique posteriori de la Cour européenne des droits de de l'être humain (bioéthique, protection des l’Homme. données à caractère personnel, utilisation de Philosophie générale : coopération d'abord mais aussi cohérence avec les mécanismes de contrôl'animal par l'homme). le juridictionnel par la Cour européenne des droits de l’Homme (mécanisme de dernier reModes d'action : Conventions diverses et groupes de suivi, envoi cours) d'experts, programmes de coopération et de formation. 124 Souci premier d'éviter la stigmatisation de pays (ceux en transition vers la démocratie) Cf. la deuxième « pierre angulaire » : 26 juin 1987 Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (entrée en vigueur le 1/02/1989 ) et création du CPT Extrait du texte : « Par le moyen de visites, le Comité examine le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. » (article 1er de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) Statistiques (au 20/10/2008) • 256 visites (159 visites périodiques + 97 visites ad hoc) ; • 204 rapports du CPT rendus publics. 2008 22/09/2008 - 06/10/2008 : Fédération de Russie 23/09/2008 - 29/09/2008 : Grèce 14/09/2008 - 26/09/2008 : Italie 15/09/2008 - 22/09/2008 : Monténégro 30/06/2008 - 03/07/2008 : « ex-République yougoslave de Macédoine » 16/06/2008 - 20/06/2008 : Albanie 20/05/2008 - 26/05/2008 : Malte 12/05/2008 - 19/05/2008 : Chypre 21/04/2008 - 30/04/2008 : Lituanie 20/04/2008 - 30/04/2008 : Finlande 27/03/2008 - 03/04/2008 : Fédération de Russie (Caucase du Nord) 25/03/2008 - 02/04/2008 : République tchèque 15/03/2008 - 17/03/2008 : Arménie 11/02/2008 - 20/02/2008 : Danemark 14/01/2008 - 25/01/2008 : Portugal 2007 05/12/2007 - 10/12/2007 : Ukraine 27/11/2007 - 07/12/2007 : Lettonie 02/12/2007 - 06/12/2007 : Royaume-Uni 19/11/2007 - 29/11/2007 : Serbie 14/10/2007 - 18/10/2007 : "l'ex-République yougoslave de Macédoine" 24/09/2007 - 05/10/2007 : Suisse 19/09/2007 - 01/10/2007 : Espagne 14/09/2007 - 24/09/2007 : Moldova 02/09/2007 - 10/09/2007 : Fédération de Russie 04/06/2007 - 14/06/2007 : Pays-Bas 20/05/2007 - 22/05/2007 : Turquie 09/05/2007 - 18/05/2007 : Estonie 04/05/2007 - 14/05/2007 : Croatie 21/03/2007 - 02/04/2007 : Géorgie 21/03/2007 - 29/03/2007 : Serbie (Kosovo) 19/03/2007 - 30/03/2007 : Bosnie-Herzégovine 20/02/2007 - 27/02/2007 : Grèce 05/02/2007 - 09/02/2007 : Liechtenstein 30/01/2007 - 01/02/2007 : Hongrie 14/01/2007 - 15/01/2007 : Espagne 1990 (premières visites ) 02/12/1990 - 08/12/1990 : Danemark 09/09/1990 - 21/09/1990 : Turquie 29/07/1990 - 10/08/1990 : Royaume Uni 01/07/1990 - 09/07/1990 : Malte 20/05/1990 - 27/05/1990 : Autriche Statistiques CPT Les rapports du CPT A l’issue de chaque visite, le CPT élabore un rapport exposant ses constatations et les recommandations qu’il juge nécessaires pour améliorer la situation des personnes privées de liberté. Ce rapport confidentiel est adressé à l’Etat concerné. Le rapport contient une demande de réponse écrite de l’Etat dans laquelle celui-ci indiquera les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations faites, réagira aux commentaires formulés et répondra aux demandes d’information. Les constatations du CPT sont confidentielles, sauf dans deux cas : premièrement, si un Etat demande lui-même la publication du rapport et de ses commentaires en réponse ; deuxièmement, si un Etat refuse de coopérer ou d’améliorer la situation des personnes privées de liberté à la lumière des recommandations du CPT ; dans ce dernier cas, le Comité peut décider (à la majorité des deux tiers et après avoir donné à l’Etat la possibilité de s’expliquer) de faire une déclaration publique sur la question. A l’origine, il avait semblé que la confidentialité serait importante pour obtenir la coopération des Etats et garantir l’efficacité du CPT ; or les Etats ont montré qu’ils étaient prêts à ce qu’une grande partie de leur dialogue avec le Comité soit rendu public et qu’ils le souhaitaient même. De fait, la majorité des Etats visités ont autorisé la publication des rapports du CPT et de leurs réponses. Ils peuvent être obtenus auprès du secrétariat du CPT et sont accessibles sur son site web. Extrait des normes du CPT : TABLE DES MATIERES I. Détention par la police 6 II. Emprisonnement 17 III. Services de santé dans les prisons 29 IV. Personnes retenues en vertu de législations relatives à l'entrée et au séjour des étrangers 39 V. Placement non volontaire en établissement psychiatrique 51 VI. Mineurs privés de liberté 62 VII. Femmes privées de liberté 69 VIII. Formation des responsables de l'application des lois 73 IX. Lutte contre l'impunité 74 125 Sophie Attuil OFPRA, division des affaires juridiques et internationales Service des affaires européennes et de la coopération internationale mains ou dégradants ». Dans la définition de la protection subsidiaire, une mention explicite est faite à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants. La Convention de Genève, dans la définition qu’elle donne du réfugié, se concentre, elle, davantage sur les motifs de persécution et non sur les persécutions ellesmêmes. En ouvrant le champ de la protection, la protection subsidiaire a pris en considération d’autres formes de persécution qui pouvaient Introduction La mission de l’OFPRA est d’apporter une pro- autrefois, il est vrai, ne pas donner lieu à l’octection juridique et administrative à des person- troi d’une protection à l’Office. nes contraintes à l’exil, des personnes qui risqueraient d’être persécutées si elles retour- Egalement, depuis la loi du 10 décembre 2003, naient dans leur pays d’origine. C’est donc le les persécutions peuvent être le fait d’acteurs quotidien des officiers de protection à l’OFPRA, non étatiques si les autorités de protection ceux qui instruisent les demandes d’asile, de se (Etats ou organisations internationales et régioretrouver face à des personnes qui ont subi des nales) refusent ou ne sont pas en mesure d’ofmauvais traitements et des tortures. Dans ce frir une protection. Par cette innovation, la loi cadre, instaurer un protocole de reconnaissance du 10 décembre 2003 a ouvert le champ de la précoce des victimes de tortures et de trauma- protection. tismes pourrait, en effet, jouer un rôle très important au moment de la procédure d’asile à L’office applique aussi, dans certains cas, ce qu’on appelle l’« exceptionnelle gravité des l’OFPRA. persécutions subies ». Certains demandeurs Aujourd’hui, mon intervention consistera à dres- n’ont, en effet, plus de risque actuel de perséser un état des lieux de ce qui se passe à l’OF- cution dans leur pays d’origine, mais l’office PRA : comment l’OFPRA reconnaît-il les victimes leur reconnaîtra la qualité de réfugié considéde tortures au cours de l’instruction de leur de- rant, en effet, que l’exceptionnelle gravité des persécutions subies justifie leur refus de retourmande d’asile ? ner dans leur pays d’origine et de se réclamer Quels types de protection sont accordés par de la protection des nouvelles autorités en place. Même s’il n’existe plus de crainte objective l’office aux victimes de tortures ? L’OFPRA accorde une protection aux personnes en cas de retour, les persécutions subies ont dont la situation relève du champ d’application chez cette personne encore un tel retentissede textes de droit. Il s’agit, dans une très large ment qu’un retour n’est pas envisageable. L’OFpart à l’office, de la Convention de Genève et PRA a notamment appliqué ce principe dans le cas de demandeurs rwandais, kosovars ou bien de la protection subsidiaire. encore cambodgiens. Il n’est peut-être pas utile de faire de longs dé- En 2007, l’OFPRA a admis sous sa protection veloppements sur la Convention de Genève, 3.401 demandeurs soit un taux d’accord en preavec laquelle vous êtes tous ici familiers. Je me mière instance de 11,6% contre 7,8% en 2006. Le permets simplement de vous lire l’article 1A2 taux global d’admission passe de 19,5% en 2006 qui consacre la définition du réfugié : est réfu- à 29,9% en 2007. Les admissions au titre de la giée toute personne qui craint « avec raison d’ê- protection subsidiaire représentent 8% de l’entre persécutée du fait de sa race, de sa reli- semble des décisions positives. Ce sont donc au gion, de sa nationalité et de son appartenance à total 8.781 personnes qui ont été placées sous la un certain groupe social ou de ses opinions poli- protection de l’OFPRA au cours de l’année 2007. tiques ». Comment l’office reçoit-il les victimes de tortuLa protection subsidiaire s’inspire directement res dans le processus d’instruction des demande l’article 3 de la CEDH qui stipule que « nul des d’asile ? ne peut être soumis à des traitements inhuA titre préliminaire, je souhaiterais apporter une précision quant à mon intervention. Il ne s’agit pas pour moi d’évoquer avec vous, comme il est dit sur le programme, la « prise en charge des victimes de torture en France », mais seulement d’expliquer comment l’OFPRA reconnaît les victimes de torture dans le cadre de la mission qui est la sienne. 126 L’OFPRA a acquis une expérience et une entretien : expertise certaines en matière d’entretien des • D’établir la confiance, notamment en insistant demandeurs d’asile. Il n’y a pas de modèle-type sur l’obligation de confidentialité, la sienne et d’entretien. L’entretien est conçu à l’Office celle de l’interprète ; d’expliquer le déroulecomme un processus dynamique : l’officier de ment de l’entretien et de la procédure d’asile protection qui, quotidiennement, reçoit des de- plus largement ; mandeurs d’asile, va s’adapter aux demandeurs • De rassurer le demandeur : lui expliquer que qu’il a face à lui. sa parole est essentielle, raconter ce qui lui est arrivé est fondamental dans l’examen de A l’office, les agents qui entendent les deman- sa demande ; deurs d’asile ne reçoivent pas de formation • De la manière de poser des questions : quesconsacrée exclusivement à la question des phé- tions ouvertes, ce qui encourage généralenomènes traumatiques. La formation se fait es- ment la parole ou la confiance ; sentiellement par le biais d’un tutorat avec un • D’adapter le rythme de l’entretien : de faire autre officier de protection expérimenté. L’OF- des pauses notamment et en cas de besoin ; PRA a une approche plutôt pragmatique dans ce un report de l’entretien est, bien entendu, domaine : c’est la pratique même des entre- proposé au demandeur si celui-ci ne parvient tiens et le partage des expériences avec d’au- pas à s’exprimer ; tres agents plus expérimentés qui permettront à • De rendre compte dans la rubrique du formul’officier de protection de développer des com- laire « observations sur le déroulement de pétences particulières pour entendre un deman- l’entretien » des difficultés du demandeur à deur d’asile, pour identifier certains signes de s’exprimer, à raconter certaines choses. détresse et pour, j’allais dire, gérer au mieux en entretien les traumatismes que cette person- Pour les entretiens au cours desquels seront ne a pu vivre. Depuis environ un an, l’OFPRA abordées des questions telles que l’excision, le fait appel aux services d’une psychologue ; c’é- mariage forcé, ou bien encore les violences dotait pour répondre à une demande de certains mestiques, l’office s’efforce de faire entendre officiers instructeurs qui se sentaient parfois ces femmes par des OP féminines, accompadésarmés face aux traumatismes et aux diffi- gnées d’interprètes féminines également. cultés des demandeurs qu’ils avaient face à eux. Une formation, également, est désormais offer- Une fois l’entretien terminé, l’OP peut orienter te aux agents qui le souhaitent : il s’agit d’une ces personnes vers des structures adaptées aux formation donnée par FTDA sur les psychotrau- besoins qu’il aura identifiés lors de l’entretien. matismes chez les réfugiés. Cette formation Il pourra s’agir aussi bien d’organisations qui aidera sans doute l’OP (officier de protection) à s’occupent de questions d’hébergement que mieux appréhender les traumatismes de certains d’assistance juridique, ou bien encore de soudemandeurs et orienter certains d’entre eux tien médical et psychologique. Une liste d’orgavers les professionnels appropriés. nisations a d’ailleurs été établie par l’OFPRA et pourra leur être fournie. Dans de rares cas, l’OP Concrètement, en entretien, comment cela se prend contact directement avec ces associapasse-t-il ? Encore une fois, c’est un processus tions. Mais il n’y a à l’office aucun protocole qui dynamique : l’OP va s’adapter au demandeur permette de contacter certaines structures et qu’il a face à lui. Ce qu’il faut retenir, c’est que de référer certaines situations à une ressource pour prendre une décision sur une demande d’a- spécialisée. Et en ce sens, instaurer un protocosile, il faut mettre en perspective toute une le de reconnaissance précoce des victimes de série d’éléments qui ont trait à l’histoire de la torture pourrait, en amont, avoir un effet impersonne dans son pays d’origine. Et un des élé- portant au stade de l’OFPRA, mais également ments les plus importants reste la parole du de- pourrait, en aval, créer un meilleur dialogue mandeur. En entretien, le but de l’OP est avant entre organisations aux compétences diverses. tout de mettre le demandeur en confiance pour que celui-ci parvienne à verbaliser ce qui lui est Outre l’entretien, je voudrais évoquer avec vous arrivé. A titre indicatif d’ailleurs, le taux de la place du certificat médical dans la procédure convocation en entretien, qui a nettement aug- d’examen de la demande d’asile. L’OFPRA ne menté en 2007 par rapport à l’année précéden- demande quasiment jamais aux demandeurs te, s’élève à 94%. Ce fort accroissement traduit d’asile de fournir un certificat médical. bien le développement de la politique de quali- Ce sont donc les demandeurs d’asile qui de leur té initiée par l’office depuis quelques années. propre initiative fournissent des certificats médicaux à l’office. Pour donner quelques exemples, il s’agira en 127 Le certificat médical est un élément de preuve parmi d’autres ; c’est au vu de l’ensemble des éléments du dossier que l’OFPRA va prendre une décision. Pour qu’un certificat médical ait une valeur probante, il est nécessaire que soit établi le lien de causalité entre les constatations relevées lors de l’examen du demandeur et les tortures dont celui-ci dit avoir été victime. Ainsi, les déclarations du demandeur jouent un rôle déterminant quant à la valeur probante du certificat médical. Il est, à ma connaissance, très rare que l’OFPRA accorde une protection à quelqu’un sur seule présentation d’un certificat médical. Exemple : certains Algériens kabyles, évacués vers la France après la répression des manifestations en Kabylie en 2001, avaient été placés sous la protection de l’office sur seule présentation d’un certificat médical. En conclusion, je dirais qu’aujourd’hui, de manière évidente, de nouvelles pistes de réflexion ont été ouvertes à l’OFPRA et chez ses homologues européens sur une meilleure reconnaissance des victimes de torture et autres mauvais traitements dans la procédure d’asile. Au niveau européen, on constate un véritable effort auquel l’OFPRA, bien évidemment, participe pour examiner au mieux les demandes d’asile des personnes victimes de torture et autres mauvais traitements. On le constate d’ailleurs dans le texte même des directives européennes, la directive Accueil, la directive Qualification, ou bien encore la directive Procédure. La question des « personnes vulnérables » et ayant des « besoins particuliers » y est spécifiquement adressée. La Commission européenne prévoit certains amendements en 2009 de la directive Procédure ; un des éléments en jeu concerne l’amélioration du traitement des personnes vulnérables. Au niveau des échanges entre partenaires, de plus en plus de foruMissde discussion sont organisés autour de la question des traumatismes et de leur prise en compte dans la procédure d’asile. En mai dernier, la Commission européenne et l’UNHCR ont invité les membres du réseau Eurasil (réseau présidé par la Commission européenne qui réunit les praticiens de l’asile des Etats membres, et également ceux de la Norvège, du Canada et des Etats-Unis) à participer à un atelier consacré spécifiquement aux personnes traumatisées dans le cadre de la procédure d’asile. Cet atelier a permis notamment de dresser un état des lieux de ce qui était fait et de ce qui n’était pas fait dans ce domaine par les Etats membres et les autres Etats présents. 128 Dr Mia Honinckx FEDASIL (Belgique) Coordinatrice du service médical Mission Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile et autres catégories d’étrangers Créée par la loi-programme du 19 juillet 2001 Opérationnelle depuis mai 2002 Tout demandeur d’asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine Fedasil et ses partenaires Centres fédéraux Centres Croix-Rouge Mutualités socialistes Ciré Vluchtelingenwerk Vlaanderen ILA (CPAS) 3.590 3.513 47 600 750 7.109 Accueil Lit Pain Bain Assistance sociale Assistance médicale Assistance psychologique Accueil médical Intake Premier contact Anamnèse Historique de l’état de santé Plaintes actuelles (diagnostics et traitements) Traitements en cours Tuberculose- dépistage Questions spécifiques Informations concernant l’organisation des soins de santé Attestations pour l’Office des Etrangers ou pour la police si séquelles de tortures Premier but La confiance La sécurité La paix Le repos Le temps de s’arrêter Le temps de la réévaluation et de la réflexion La situation La situation est difficile Le voyage était fatigant, dangereux La Belgique ne correspond pas aux attentes, promesses L’accueil ne convient pas Structure communautaire Peu / pas de privé La situation est différente Incompréhensible Inattendue Insupportable Angoissante Collaborateurs médicaux sont super sensibles pour tous signes de torture, maltraitance ou de violence. invitent à parler informent offrent de l’aide – même dans l’avenir ne forcent rien sont à l’écoute Action du médical Si maltraitance, torture, violence ou suspicion Si la maltraitance continue Le premier but est d’arrêter la violence mais indispensable : - autorisation de la victime - respect pour la victime En tout cas, on offre : un lieu de sécurité une alternative Recommandation 2006 Tout nouvel arrivant doit être examiné par un Si la situation est terminée collaborateur du service médical (médecin ou La parole L’écoute infirmier) Une aide pour la guérison physique et psycholoAttention particulière pour des personnes fra- gique, éventuellement avec l’aide des services spécialisés gilisées Un soutien pour redémarrer une nouvelle vie Victimes de torture Victimes de la traite des êtres humains Enfants - DAMANA Femmes seules Personnes âgées Personnes handicapées 129 BREF Primum non nocere La thérapie ne peut pas être plus grave que le silence Arrêt de la violence Respect pour la victime / enfants Offrir des possibilités / des alternatives Jamais de décision pour la victime, toujours en concertation avec elle. Premier cas Une femme maltraitée pendant le mariage Vit toujours avec son mari et ses enfants et ne veut pas abandonner sa famille Deuxième cas Une femme victime de crime Fortement dépressive Doit être hospitalisée en psychiatrie Ne veut pas Troisième cas Un homme venant d’Irak Premières semaines : pas de problème Homme intelligent, veut aider tout le monde qui semble en avoir besoin Après les premières semaines comportement psychotique : crie en marchant « Saddam Hussein ! Saddam Hussein ! » Séjour prolongé à l’hôpital psychiatrique ; neuroleptique Beaucoup de temps 130 Brita Sydhoff Secrétaire générale, Conseil International pour la Réhabilitation des Victimes de Torture (IRCT) Care of asylum seekers in Europe who have been subjected to torture First of all, I wish to thank Parcours d’Exil for organising this conference. Before going into the details of some good practices this afternoon, I would like to present an overview of the situation in the European Union. This presentation is based on information provided by some of the 30 IRCT member centres in the EU (out of more than 140 around the world). As you know, torture is one of the very clear rights violations for which there are grounds for protection in Europe. Nevertheless, the care provided to asylum seekers who have been tortured differs from one country to another. There is an urgent need to harmonise the existing legislation for protection and care of tortured asylum seekers without reducing the minimum standards for reception. Providing care to tortured asylum seekers benefits not only the individual, but also the societies where the asylum seekers will be hosted. The IRCT experience shows that if left without treatment, victims of torture may experience a deterioration of physical and/or mental health which can last a lifetime. Inadequate reception and integration policies can exacerbate or perpetuate the effects of trauma. This affects not only individuals, but their families and the communities in which they reside. Providing professional, specialised treatment to torture victims and their families constitutes an essential element in ensuring and improving public health. Moreover, because it embraces a holistic approach to restoring well-being, effective rehabilitation enables torture survivors to become productive members of their communities, and gives the individual a better chance to function and be integrated into a new society. II. Very different standards What can best describe the asylum policies and practices among the European member States is variety. Sometimes this variety occurs even within a country, for instance in Austria as a federal state or in Sweden where access to care and policies differs by municipalities. systematic approach in receiving asylum seekers. Yet again, some countries that a decade ago were considered transit countries have now become countries of settlement, such as Greece or Hungary. Shifting public opinion towards asylum seekers also plays an important role in how they are received. Since the advent of the so-called “war on terrorism”, the plight of persons seeking asylum around the globe has been a particular concern of the IRCT. Some States have adopted security measures that have diminished the institution of asylum as an effective protection measure for persons seeking asylum. It is important to keep in mind that Europe receives a relatively limited percentage of the total refugee population – according to UNHCR figures it is 15% or roughly 1.5 million persons. Nevertheless there is still this image that Europe is “invaded” by “floods” of asylum seekers. As the construction of the European Union progresses, one goal is to move towards a Common European Asylum System, so every asylum seeker is treated equally and gets the same protection regardless of where he/she arrives within the EU. Despite the many challenges, it is positive to harmonise this system, as along as the minimum standard is not the goal for all. But to strive to harmonise protection and care of asylum seekers among States with such different backgrounds and systems, the directives must be clear. There is also the problem created by the “two-stage approach” of the directive: it has to be transposed into national legislation and thereafter the law has to be implemented. When doing this, every country can interpret the directive differently, especially when there are ambiguities in the terms used therein. For example, the article 20 of the Council directive laying down minimum standards for the reception of asylum seekers (the so-called Reception conditions Directive) states that: “Member States shall ensure that, if necessary, persons who have been subjected to torture, Certainly differences in historical and political rape or other serious acts of violence receive backgrounds – and system of care – play a part. the necessary treatment of damages caused by Some countries, like the Nordic states or the the aforementioned acts.” Netherlands, have a long tradition of welcoming those seeking asylum, whereas others lack a 131 and process may be flawed. This can lead to unfair procedures and incorrect findings that endanger the protection and well-being of victims of torThe centre Refugio in Kiel (Germany), for in- ture and other abuses. Victims are left unstance, mentions that the costs for longer term treated, which is a humanitarian catastrophe. In psychiatric/psychotherapeutic treatment are the worst case, already traumatised individuals not always or easily granted, because in German can be re-traumatised by asylum interrogations law only acute illnesses are considered neces- that do not take into account their vulnerabilsary to treat and will be compensated by the ity. State. [As parenthesis: some EU countries have the same policy but not all. In several member How should identification take place? A proceStates, asylum seekers are entitled to a cover- dure for early identification is crucial. The IRCT age close to the rest of the population, and in recommends that reception authority staff rethe UK there is no difference (source: Odysseus ceive necessary training in methods of identifistudy) ]. Authorities do not fund mental health cation that respect and address the vulnerabilicare if they anticipate that the asylum request ties of victims of torture and other forms of viowill be rejected. Immediate care is often appro- lence. Referral to assistance services, especially priate and indispensable; therefore persons sub- torture rehabilitation programmes, should be jected to torture should receive the necessary systematic. Many national systems require meditreatment immediately and independently of cal screening, but these often only determine the anticipated outcome of the asylum applica- whether the asylum seeker has AIDS or TB. In tion procedure. Moreover, it should be special- the Netherlands, for instance, organisations ised doctors who determine what the necessary such as Pharos have argued for a health check shortly after the arrival of the asylum seekers, treatment should comprise. which would include mental health screening. Many centres use the Istanbul Protocol to help III. How should it be? We are not starting from zero. A legislative identify asylum seekers who may have been torframework exists – both at the international tured. Rehabilitation centres organise training level in the form of the UN Convention against for border guards, for officers in charge of deTorture and its Optional Protocol and the 1951 termining asylum status. Exchanges of experiRefugee Convention and at the regional level, ences are crucial to learn from each other. such as with the European Reception conditions When talking about process of recognition of Directive. This latter legislation can be im- asylum seekers, I would like to say a word on proved; there are examples of good practice to the psychological impacts of long waiting perilook at (this is the topic of this afternoon ods in this procedure for torture victims. A study was released end of last year, commispanel). sioned by the European Parliament on condition Clearer wording would help to close the gap in centres for third countries national, focusing between interpretations. Going back to article on persons with special needs (which include 20: to mention “if necessary” is not needed; it victims of torture). is just an open door to restrictive interpreta- For asylum seekers in open centres, long awaittion, especially as in the same sentence it is ing periods, the lack of prospects, uncertainty mentioned “necessary treatment”. They should about their status, fear of forced return and a delete the word “if necessary”, that’s it! The lack of activity are considered by stakeholders European Commission is currently working on as major causes of stress and anxiety affecting amending the directive. But the amendments asylum seekers, which could lead to psychologiwill have to be approved by the Member States cal stress or could aggravate existing psychologiand not all Member States are keen on firmer cal disorders. Needless to add that when asylum seekers are commitment. put in detention, it is even worse. Detention Another important issue is the question of iden- itself is pathogenic. Detention aggravates the tification of the torture survivor. It is the first mental state of persons suffering from psychostep in this procedure. How can a victim of tor- logical or psychiatric disorders; and detention ture be addressed or treated if he/she has not itself can generate psychological disorders, esbeen identified? In some countries, limited or no pecially when the detention lasts for months. access to adequate medical, social and legal Persons in situation of vulnerability are even support services mean that torture, persecution more immediately and more durable affected. and other acts relevant to the eligibility process Detention is not the place for torture vicof asylum status go undocumented, and the tims to be held. What constitutes “if necessary” “necessary treatment”? Who decides this? 132 It is also worth to mention that for many asylum seekers, the journey to Europe has been a traumatising experience as well. Persons undertaking these dangerous journeys are both physically and psychologically weakened and this is rarely taken into consideration by the authorities. IV. Conclusion To conclude, there is still a lot to be done to ensure a proper reception of asylum seekers in general and those who have been victims of torture in particular. Civil society organisations must remain vigilant and continue monitoring and reporting on the way their national administrations implement the Reception Directive and I mentioned the need for rehabilitation for vic- other laws that seeks to protect asylum seekers. tims of torture, the need to improve the identification of asylum seekers who have been vic- Therefore I would like to call all of us to unite tims of torture. But another key issue, sorry to our efforts: be trivial, is money. Rehabilitation has a cost! For asylum seekers to be protected according to At the same time, it is very difficult to evaluate the existing obligations; those costs. All specialists agree that rehabilita- To ensure early identification of victims of tortion needs a holistic and multi-disciplinary ap- ture and a fair eligibility procedure of asylum; proach. Each patient is different. It is long-term To ensure rehabilitation services are provided as early in this process as possible and that rehawork that requires resources. bilitation centres are given financial support. The IRCT recently analysed the funding of 30 rehabilitation centres in the European Union. As Thank you very much. you know, the situation varies considerably. Despite being sometimes the only rehabilitation service available in the country, despite the existing obligation under the Reception Directive, many rehabilitation centres still have to work by themselves with very limited State support. The withdrawal of funding from the EC to centres in the EU requires a very long transitional period for governments to feed in across the EU. It is time for Member States to assume their responsibility and to assess the following: how are existing rehabilitation services funded? How can the States assume their obligations? I don’t assume that there is only one way to finance rehabilitation services. What works for one country may not be feasible in another. There are additional ways a State can help a rehabilitation centre. For instance not to submit charity to the VAT, or to make it easier for the civil society to support centres, such as allowing tax deduction for the donation to charity. But the point is, rehabilitation services are needed – all too often rehabilitation centres struggle financially and are unable to serve all those who require their services, or worse : are forced to close their doors. 133 Camelia Doru Directrice médicale, fondation ICAR - Roumanie Difficultés particulières des victimes résidant dans leur pays et des centres de réhabilitation qui les soignent La Roumanie eut la malchance de se trouver à la frontière de l’URSS et de tomber en son pouvoir dès la fin de la Seconde guerre mondiale. Les communistes ne comptaient en ce temps-là que quelques milliers de sympathisants sur une population de vingt millions personnes vivant alors en Roumanie. C’est pour cela que le résultat des élections de 1946 fut tout simplement arrangé en faveur des communistes venus de Moscou. Ils prirent le pouvoir, chassèrent le roi, installèrent une république – dite « populaire »changèrent la constitution et instaurèrent une répression politique sauvage contre tous ceux qui essayaient de défendre les valeurs démocratiques, la liberté et les traditions roumaines. Ainsi commença une grande épuration contre les « ennemis du peuple ». Femmes et hommes, de toutes confessions, éducations et professions, âge et orientations politiques anticommunistes furent la proie du système concentrationnaire, qui comptait des centaines de prisons, de lieux de travail forcé, de camps de déportation et d'hôpitaux psychiatriques. Selon les statistiques de la Commission présidentielle pour l'étude du totalitarisme en Roumanie, entre 1945 et 1989, le nombre des victimes directes fut de presque 2 millions, 600.000 condamnés politiques, 200.000 condamnés administratifs - mais en réalité aussi politiques, plus d’un demi million de déportés, évacués ou contraints de vivre dans les endroits les plus isolés et hostiles. Parmi les détenus, des dizaines des milliers furent assassinés, exterminés par le travail forcé et la famine, ou torturés. À leur sortie de prison, ils étaient dépourvus de tout : santé, famille, biens, emploi et place sociale. Ils continuèrent à être marginalisés, stigmatisés et surveillés par le système, conscient de la faillite de leur « rééducation ». En 1989, presque 100.000 survivants s’étaient enregistrés auprès de l’association des victimes (association roumaine des ex-prisonniers politiques). Mais leurs destins brisés ne connurent pas la réparation attendue ; la nouvelle élite politique était en effet « la même Jeannette autrement coiffée ». Une lutte sourde pour cacher la vérité commença alors. Sous le règne de la liberté et de la démocratie, les ex-communistes purent s’emparer aussi du pouvoir économique ce qui renforça évidemment leurs positions. Le sujet de la répression politique, et en particulier la torture, était embarrassant et en quelque sorte tabou pour tout le monde. Les bourreaux évitaient d’en parler, effrayés par une possible condamnation légale pour les crimes commis ; les gens ordinaires se sentaient coupables d'avoir su et laissé commettre des crimes sans réagir ; enfin, les victimes elles-mêmes ne voulaient pas revivre des épisodes traumatiques de leur existence. Dans ces conditions, le seul espoir de remettre l’histoire à sa place et de restaurer la dignité des victimes se trouvait dans la société civile — et dans des organisations comme la nôtre - qui, en effet, avec obstination mit et remit sur la table les sujets qui n’arrivaient pas à être discutés par les politiciens. Parce qu’on sait bien qu'une arme efficace contre un problème qui dérange n’est pas de le nier (ça pourrait apporter de complications inutiles et même dangereuses), mais de le retarder ou de l’ignorer. Et nous eûmes besoin de presque vingt ans – pendant lesquels plus que la moitié des victimes moururent - pour arriver enfin à reconnaître que le régime était criminel et illégitime, que les victimes souffrent de dommages irréparables et qu'elles méritent toute notre reconnaissance et nos excuses pour le mal produit. Nous eûmes besoin de vingt ans pour avoir un geste de réparation morale, finalement venu de M. Basescu, président de la République, le 18 décembre 2006. (ICAR fondation a eu un rôle important dans cette démarche qu’elle a enclenchée en 2003). Devant les membres du Parlement et des invités venus de l’étranger, nous assistâmes à une atroce réaction de la part de l’opposition : les anciens communistes sifflaient, hurlaient des slogans, agitaient des caricatures et demandaient l’emprisonnement du président. Bref, un « cirque » digne de ses acteurs. Peu après cet épisode, le même Parlement décida de suspendre le président en convoquant en référendum - la seule solution légale pour le révoquer étant donné son élection au suffrage universel direct. Heureusement, la suspension du président fut drastiquement rejetée par 74% des voix. 134 Que peut-on dire aujourd’hui de la situation des victimes de violations graves des droits de l’Homme - y compris victimes de torture - qui se trouvent dans leur pays natal, pays où ils furent persécutés mais continuent de vivre ? La classe politique n’a aucun intérêt à parler du passé, même si ses privilèges sont maintenant bien protégés par des lois favorables et des banques solides. L’attitude recommandée est de regarder vers l’avenir sans perdre de temps avec le passé. L’institution qui devait étudier les dossiers de la Securitate (la police secrète politique) et nous faire connaître les noms de ceux qui voulaient occuper une position publique et avaient collaboré avec le système répressif n’a jamais vraiment fonctionné et a été récemment décapitée par une décision de ce même Parlement, qui interdit la publication de noms sans décision préalable des tribunaux. Un projet de loi récent visant à annuler les condamnations politiques et finalement à nettoyer les casiers judiciaires des dizaines des milliers de victimes est en attente à la Chambre des députés. Les biens des victimes, confisqués par les communistes et achetés après 1989 par la nouvelle élite politique, ne seront jamais récupérés par les vrais propriétaires grâce à une nouvelle loi qui fut votée en ce mois d'octobre 2008 et qui prétend apporter la « paix sociale » en entérinant la situation. La génération suivante est aussi touchée par l’histoire des parents, non seulement d'un point de vue psychologique mais aussi social et économique. Ce sont les enfants des autres, les « coucous qui s’installent dans les nids qu’ils n’ont jamais construits », qui continuent à profiter. C’est très frustrant, quand on vit chez soi, parmi les gens qui connaissent bien le passé récent, quand on vit dans un pays démocratique, où l’autorité de la loi et l’indépendance de la justice devraient être une réalité ordinaire du quotidien, de voir que la vérité a été à moitié dite, que la justice obéit au pouvoir politique ou économique et que l’horizon de la réconciliation nationale s’éloigne au lieu de se rapprocher. C’est également frustrant de voir que, même au niveau de la Commission européenne, ces victimes d’Europe de l’Est sont abandonnées et leurs pays considérés comme déjà préparés pour régler ces problèmes. Il est vrai que ces problèmes sont les nôtres mais malheureusement, comme la réalité nous le montre, ils ne seront pas une priorité « spontanée » de nos gouvernements. Et si l’impunité est si facilement acceptée, rien ne garantit que nous soyons à l’abri de répétitions. Mettre le couvercle sur le passé ne va pas résoudre un problème d’injustice grave, qui peut éclater n’importe quand, sous une forme et une violence imprévue. Et nous sommes quand même tous en Europe ! La réhabilitation médicale des victimes est toujours fournie uniquement par notre fondation et est mal comprise par les autorités, qui la confondent avec l’assistance sociale pour les pauvres. Donc, les besoins spécifiques des victimes sont ignorés et la nécessité de centres spécialisés pour assister les victimes n’est pas reconnue. Les réparations auxquelles les victimes ont droit d’après les normes légales internationales sont difficiles à demander et à obtenir en raison de barrières bureautiques et financières et de la durée excessive des procédures judiciaires. Les prescriptions sont ainsi souvent invoquées dans les actions civiles pour dédommagements. Les familles des victimes, qui ont souffert presque de la même manière que les victimes ellesmêmes, peuvent espérer une assistance limitée, à la condition qu'elles n’aient pas « osé » refaire leurs vies (se remarier). 135 Exemples de bonnes pratiques au niveau européen Laurent Subilia Médecin responsable de la consultation pour victimes de torture et de guerre Département de médecine communautaire et de premier recours Hôpitaux Universitaires de Genève Bonnes pratiques ? Sous-enchère européenne Dépistage des troubles psychiatriques dans l’aménagement des conditions d’accueil ! 1994 : 76 patients évalués par psychiatre 1994 : 54% troubles psychiatriques justifiant un traitement Suisse : Genève 1988 : visite sanitaire de frontière + visite médi- 2006 : 20% Dépression cale (5min). CH : assurance médicale obligatoire dès l’enre- 25% PTSD 15% PTSD + dépression gistrement de la demande d’asile. 1992 : consultation ambulatoire : infirmière de Requérants d’asile réfugiés : population fragisanté publique et médecins du département de lisée. Fortes pressions exercées sur population difficisanté communautaire. 1993 : questionnaire de dépistage, assistance lement capable de les supporter. précoce aux rescapés de violence (guerre / tor- On sait traiter les aspects somatiques et psychologiques. Les aspects psychosociaux sont plus ture). Collaboration avec services sociaux. 2002 : développement du centre de santé Mi- difficiles à aborder. grants ; consultation ambulatoire pour requé- La principale difficulté limitant les possibilités thérapeutiques réside dans la précarité du cadre rants et réfugiés. Traitement médical, soutien psychologique, social. Pathologies sociales (Craig Haney, in Crime and soutien psychosocial Point Santé (consultation infirmière dans les deliquency n°49, January 2003) Perte du contrôle de soi, du sens de l’initiative foyers). Self initiation of behaviour Réseau d’interprètes. Consultation spécialisée dans les soins aux res- Perte de la capacité d’initier une activité Apathie, léthargie, désespoir capés de violence systématique. Impacts des rapports médicaux, formalisation Sentiment d’irréalité, déréalisation Perte du sens des relations personnelles des rapports médicaux. 2004 : consultation pour victimes de torture et Perte du sens de soi Perte du lien entre l’expérience et le sens (nonde guerre. Croix-Rouge Suisse, Hôpitaux Universitaires de sens) « Acting out » comme moyen de réagir avec enGenève, UNVFTV tourage Analyse des questionnaires de dépistage Retrait social 572 requérants (mai 93 à fév. 94) Crainte de contacts, replis dans monde fantasEvénement traumatisant rapporté à 62% (353) Torture rapportée par 18% (hommes 27%, fem- magorique Incapacité d’exprimer des émotions positives mes 3%) Etat de santé considéré mauvais par 17% des Rage, colère personnes sans antécédent traumatique et 35% Le pronostic des séquelles de torture et de guerre dépend plus du contexte psychosocial du modes personnes avec antécédent traumatique Rapportent au moins un symptôme d’intensité ment que de la sévérité du traumatisme. sévère : la semaine précédente 37%, symptôme Facteurs stressants : éloignement familial, difficultés administratives, longueur des procédures psychologique 27% administratives, limitation de l’accès au travail, Suivi médical : 28% désœuvrement, ennui Evénements traumatiques rapportés Politique d’accueil /facteurs de risque de reDétention : 186 soit 33% traumatisation Situation de guerre : 66 soit 12% Politique de découragement : Privations abri, eau, nourriture 147 soit 26% •La charge de la preuve ; Battu (e) : 173 soit 30% •Longueur des procédures administratives ; Torturé (e) : 104 soit 18% •Accès limité à l’assistance médicale ; Violences sexuelles : 13 soit 2% •Interprétation restrictives des lois et convenProches : décès non naturels : 178 soit 31% tions ; Proches : disparus : 95 soit 17% 136 •Accès au travail limité ; tes) ; •Assistance sociale limitée ; •Accès aux soins limité ; •Hébergement collectif ; « Deterrence through Precarity » •Détention administrative (mesures de contrain- Etiological factors influencing the transition orm distress to disorders following trauma Support Other life events Family history Personality Coping style Trauma Intrusive memories Other life events Biological traits Past experience Psychological disorders Personality Environmental response 2002, évaluation : impact de la procédure 68 rescapés de Srebrenica, arrivés entre 1995 et 2002 Situation instable (requérants, admissions provisoires) : les personnes se perçoivent en plus mauvaise santé, consultent environ 2 fois plus souvent, statut quo ou évolutions défavorables plus fréquentes, cadre administratif impasse thérapeutique. Statut administratif : peu d’impact sur PTSD, différence significative sur l’angoisse, dépression et perception de l’état de santé. Problèmes psychologiques : handicap persistant/ chronique. La souffrance liée au traumatisme reste élevée, la capacité de gérer cette souffrance s’améliore. Démantèlement des structures actuelles Limitation de l’accès au soins. Non reconnaissance du statut de victime. Retraumatisation Perte des subventions : abandon du soutien à la réhabilitation au profit de la prévention. Traitement = prévention des traumatisations collectives Traitement = prévention des transmissions trans-générationnelles Décision politique de laisser aux services de santé la charge du traitement. Traitement des victimes de violences interhumaines Approche spécifique = spécialisation médicale Exemples cliniques Demande du service de médecine interne HUG Mme M., Bosniaque ; mari, père, 4 frères, une fille tuée à Srebrenica. Diabète II + complications Insuffisance rénale Etat dépressif, PTSD M. M., Kosovar serbophone, mutilé de guerre. Insuffisance rénale (crush syndrome), Troubles anxieux massifs PTSD. Difficultés de prise en charge dans service de dialyse en raisons des troubles anxieux. Requêtant d’asile ; attend la réponse à sa demande Mme H., Algérienne séquestrée par FIS. Diabète II + complications Insuffisance rénale, Etat dépressif, PTSD. Réadressée à la consultation car refuse dialyse, équivalent suicidaire ? Admission provisoire depuis 10 ans. Demande de consultation à un service dépassé par troubles comportement: violence. Décédée il y a 1 an (choc sceptique) après 8 ans d’admission provisoire. « Victimologie », illustration des difficultés de traitement : Nécessité d’une approche globale coordonnée spécifique (liens entre conséquences somatiques, psychologiques et sociales). Nécessité de structures de soins spécialisées. Nécessité de cadres administratifs et de contextes sociaux stables. 137 Exemple par l’histoire d’une famille jected family sent back Netherland. Father + son: administrative Mother + daughter back detention during one month, then to center 3 days back to center in In Iraq Addressed by lawyer and interpreter- cultural NL and Rotterdam mediator for domestic violence. Husband: conflict with security guards for non In France respect of justice adjunction to stay away from Husband reaches Dutch Center and finds out family. Wife and husband: accept to come and that his wife has left. Goes to Rotterdam and Paris Mother and daughter advised to try Switpresent their real history. Fares: Mr K. football player, parents killed. De- zerland. Leave for Paris arrive Gare de l’Est, tained in Kurdistan. Freed through ICRC. Appli- sick pregnant, no money. cation for asylum in NL rejected, appeal but Helped by passer-by, SAMU social and by leaves for Turkey to fetch his family. Arrested in mosque. Gathers 300.-E for trip to CH. Family meets in park, enough money for 2 train tickets Istanbul, sent back to Iraq. Re-arrested in Iraq Kismet: married against her will ; goes twice to to Lyons Board a train to Pontarlier, by smuggler car to Neuchâtel (VH). Application for asylum ICRC to get her husband out of jail. accepted and temporary admission given In Turkey and Greece Family leaves Irak, 1 daughter left behind In Switzerland (chickenpox). Cross, in winter, into Turkey, Accommodation in collective housing. School for travel by truck to Greece. Stay over a year in children. Greece clandestinely ransomed by local mafia, Wife hospitalized, birth of daughter, husband kidnapped, wife rapped by Iraqi mafia. Family regrouping for daughter left in Iraq. Family flees to Patras, ransomed by policeman. Husband severely depressed, domestic violence Family decides to make a run for a ferry. Separated from family, forbidden from apMother and children board a ferry to Italy. proaching family. Husband turned back by custom officer. 2 attempted suicide. In Italy and France Husband stuck in Greece. Looks for money to Children huge behaviour problems in school. pay the mafia. Contact kept through mobile Husband does not respect the ban from «home», clashes with security guards. phone Mother and two kids in Italy. Brindisi - Rome - Wife exhausted asks for return of husband (for Vintimiglia (help from PKK office). Train ticket the children). to France, sent back by French police. Help from mosque, train ticket to Paris. Paris: chil- Couple accept appointment in RCT want «to tell dren kidnapped by mafia ; threatens to go to the whole truth» the French police. Children given back 3 days Assessment later. Depressive state, PTSD, behaviour disorders, (sequels of torture, war, organized violence, In the Netherlands Husband reaches France, meets family in Gare migration). Domestic violence (sequels of sexual assaults) de l’Est, With help from mosque buy ticket to Nether- «parental» and «conjugal conflict». land, sent to Center for refugees. Family may Family dysfunctions. apply but husbands application rejected, has to Acculturation problems. leaves. Father: nervous breakdown. Family expelled from center. Wait a month in Rotterdam. Tribunal no interpreter. Application rejected. Leave for Belgium. New application for asylum. La violence déstructure La violence absolue déstructure absolument. In Belgium In Antwerp, social welfare, medical assistance, Assistance: axis accommodation in a flat. But domestic violence. Husband expelled, son runs away twice, left with his father. Father beaten by Russian mafia in front of his son. Application for asylum rekurde 138 Individual work on trauma. Couple therapy: conjugal conflict and parental role. Reconstruction of family structure, family community, role of each person, requalification, requalification of father. Psychoeducation, discussion on acculturation. Coordination of social and medical network crisis manager Network meeting (physician, nurse, social helper) Network meeting in school for son and daughters Relation thérapeutique : difficultés et nécessité d’avoir accès à une anamnèse (biographie) complète. Bilan Recherche d’une réponse culturellement compatible particulièrement pour les problèmes personnels et familiaux. Médiation culturelle Nécessité d’un travail en réseau et d’une bonne coordination. Travail interdisciplinaire Impact des politiques sociales (politique d’asile) Advocacy Conclusions The deterrent policies are antithetical to the principal of rehabilitation Silove JAMA 2000. La précarité prolongée comme moyen de décourager l’immigration présente un coût très élevé en terme de santé publique. Dans quelle mesures est-ce que les politiques européennes d’accueil respectent les différentes conventions internationales ? Doit-on considérer «l’humiliation » comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant? 139 Erick Vloeberghs Pharos (NL) Affaires internationales Care Full: joint initiative of Amnesty Interna- ence or flight are normal” aware of the risk tional – Dutch section, PHAROS & Dutch Refugee “ B e traumatisation” (§.148; §.149) Council Targets: 1. Enhancing protection through better identification within RSD of asylum seekers who are victim of torture and maltreatment; 2. Notably: recognition of health problems that hinder making a coherent, consistent and complete account of the experience. Activities: Publication Care Full. Medico-legal reports and the Istanbul Protocol in asylum procedures (2006) April 2007 Care Full Principles and Recommendations (Lobby document) Subscriptions by more than 40 (inter)national NGOs Medical assessment: aims and advantages The aim of the health assessment in an early stage of the asylum determination procedure: 1.the identification of psychological and/or psychiatric impairments that hinder giving a consistent, coherent and complete account of what happened; 2. insight can be gained whether there are medical problems that provide supportive evidence of torture and other ill-treatment; 3. asylum seekers may suffer illnesses which require treatment; those illnesses may impede expulsion after rejection of the asylum request (art. 3 ECHR). of re- “Some victims of rape are silent concerning what happened. And only want to speak about it with a (female) medical doctor” (§.270) Developments in NL The EU-directives (the formation of CEAS) – articles on definitions, procedures and reception i.e.: 4(3), 4(4), 12(3), 13(3), 17(1) and 20 The Green Paper on the future CEAS (2007) The critics by international organisations such as HRW, CAT and UNHCR on the Dutch fast track (accelerated procedure) in 2005-06 The proposal by the Care Full initiative (since 2006) and the advice by the independent Advisory Committee on Aliens Affairs (2007 and 2008) The MAPP-practice (since 2006) – more to follow… The above critics and recommendations caused a reviewing by the Dutch authorities of the Aliens Act (2000). The importance of taking medical and psychological aspects into account is recognised. The Dutch government expressed the intention to introduce medical examination at the start of the procedure! Qualification directive Art. 4 (3): “The assessment of an application for international protection is to be carried out on an individual basis and includes taking into account” The advantages of medical and psychological […] “(b) The relevant statements and documentaresearch are: tion presented by the applicant including infor1. a more fair and efficient asylum procedure; mation on whether the applicant has been or 2. a decrease of repeated asylum applications; 3. faster diagnostics and treatment of persons may be subject to persecution or serious harm.” with trauma related complaints. Art. 4 (4): “The fact that an applicant has already been What does the Istanbul Protocol say? “Take sufficient time and do not expect to get subjected to persecution or serious harm or to the complete story when doing only one inter- direct threats of such persecution or such harm, is a serious indication of the applicant’s wellview” (§.93) “Victims of torment can have problems remem- founded fear of persecution or real risk of suffering serious harm unless there are good reabering in detail what happened” (§.142) “Trust is essential in getting the complete ac- sons to consider that such persecution or serious harm will not be repeated.” count of the torture” (§.164) “Render the possibility of pauses. Resume the interview later if necessary” (§.263) “Contradictions in the account of the experi140 Procedures directive Art. 12 (3): “The personal interview may be omitted where it is not reasonably practicable, in particular where the competent authority is of the opinion that the applicant is unfit or unable to be interviewed owing to enduring circumstances beyond his/her control. When in doubt, Member States may require a medical or psychological certificate.” Istanbul Protocol. Medical aspects in the Dutch Asylum Procedure seem to get more attention; the importance of taking medical and psychological aspects into account when deciding upon an asylum application seem to be recognised. Hopefully the positive aspects of this instruction will be integrated in the proposals for reviewing the Aliens Act 2000, which are currently prepared by the Dutch Government. Art. 13 (2,3) “2. A personal interview shall take place under Proposal for medical examination conditions, which ensure appropriate confiden- The Advisory Commission for Aliens Affaires (ACVZ) and Pharos propose a 3 step model tiality. (2007): 3. Member States shall take appropriate steps Early warning checklist (primary screening). to ensure that personal interviews are con- A medical examination targeting at: ducted under conditions which allow applicants Gathering medical (forensic) information and to present the grounds for their applications in Psychological (mental health) information a comprehensive manner. To that end, Member Making a report about which medico-psychosocial problems hinder making a coherent, conStates shall: sistent and complete asylum story (a) Ensure that the person who conducts the If necessary: specialized medico-forensic examiinterview is sufficiently competent to take ac- nation count of the personal or general circumstances surrounding the application, including the ap- Not yet implemented! plicant’s cultural origin or vulnerability, insofar Amendments are being made and the MAPP pilot on psychological information runs as it is possible to do so (…)” but it is still a proposal! The procedure is not officially in place. Reception Directive Art. 17(1): “Member States shall take into account the spe- The MAPP Project Step 1 Early Warning Checklist cific situation of vulnerable persons such as […] MAPP is a small Dutch NGO that opened a desk persons who have been subjected to torture, for the psychological examining of asylum seekrape or other serious forms of psychological, ers within RSD physical or sexual violence […]” The MAPP project is a time-bound pilot soon to be closed Green Paper The Checklist has been developed by MAPP & “… Serious inadequacies exist with regard to Pharos (2006) the definitions and procedures applied by Mem- The Early Warning Checklist is used by lawyers ber States for the identification of more vulner- and volunteers of Dutch Council for Refugees able asylum seekers and the Member States lack (step 1). the necessary resources, capacities and exper- The checklist is strictly related to noticeable tise to provide an appropriate response to such behaviour of the asylum seeker. needs.” It can NOT be used as a diagnostic tool nor may “… necessary to prescribe in more depth and the findings be interpreted. detail the ways in which the special needs of The Early Warning Checklist can be found in the the most vulnerable asylum seekers should be Conference map identified and addressed in all stages of the asylum process.” The start of MAPP MAPP started the pilot in 2006 because they got The independent Advisory Committee on Aliens a lot of complaints by asylum seekers, their lawAffairs (ACVZ) gave in its report about the refu- yers and therapists in The Netherlands about gee determination procedure (2007) and its re- the careless (insensitive) approach of often secent advice (2008) about the medical aspects of verely traumatized asylum seekers. the asylum procedure, advices on how to implement medical examination into the asylum procedure in accordance with the principles of the 141 Their mental problems interfering with making a full and coherent asylum story were not sufficiently taken into account. So they collected a number of psychologists / psychotherapists and psychiatrists who, on a voluntary base (=not paid), examine those asylum seekers which are referred to MAPP by their lawyers and/or therapist. The main target of the MAPP pilot is: checking the mental health condition of asylum seekers by means of checklists and examinations, and the identification of mental health problems that may intervene during the asylum interview. IND officers are willing to adapt the timing & interview (time out period of one month; not in the IND location; cutting of interview in pieces; a more emphatic approach, allowing the presence of family or a medical professional, a written testimony…) Numbers: between June 2006 and August 2008, the MAPP examined 300 asylum seekers (with early signalling list) 57% women and 43% men. 31 nationalities were represented, the top three of which were: Armenian (14%), Iraqi (9%) and Burundian (7%). In the cases of eighteen asylum seekers (9%), it was nearly impossible to examine them, because of cognitive limitations or mental health problems of such a gravity that prohibited a full examination. According to the latest IND instruction: if there are signs of mental problems that interfere with the ability to speak out, MAPP can do a more extensive psychological examination – go to Step Out of 187 persons who underwent a full exami2. nation (psycho-medical examination – second The MAPP Project Step 2: psychological exami- stage) 70% were diagnosed as suffering from PTSD. nation The examination (based on IP; use of inter- Depressive symptoms were diagnosed for 69%, somatic symptoms for 47% and anxiety symppreter) includes: toms for 61%. a psychiatric interview; 72% of examined asylum seekers suffered from a a non-verbal concentration test; the Harvard Trauma Questionnaire (part 2 – vali- lack of concentration. dated for refugees); Referrals: over 70% of the examined asylum the Brief Symptom Inventory (5-point Likert); seekers were suffering from such serious sympIf necessary: a non-verbal IQ test; toms, that an immediate referral for further The examination is done by trained and qualiexamination and therapy was required. fied psychologists and psychiatrists. This high percentage (70% referrals) is linked to Focus: are mental health issues interfering with those who got a psycho-medical examination. the applicant’s ability to render a coherent and As said, in only 1% of the total caseload of asylum applications during the period June 2006 – consistent account? 2008 a MAPP psychologist/ According to the 2008 IND instruction: if there August are signs of mental problems that interfere with psychotherapist was asked to do the examinathe ability to speak out, MAPP can do a more tion! extensive psychological examination – go to step Problems 2. Many asylum applications are rapidly (and careThe pilot involves a selected sample of the total lessly) finished in the reception center of Schiof asylum seekers that entered the Netherlands. phol airport. The asylum seeker is then not yet Only 1% of the total amount of asylum seekers in the Netherlands and de facto without right. could be reached. The MAPP receives four times In spite of that the need of medical assessment the number of applications as they can process! is recognised by the asylum authorities, no offiAgain: the pilot serves to show the need for a cial approbation has been given by the ministry proper examination of the mental health condi- of Health. The matter of medicalisation of the procedure and the need for more clarity contion of asylum seekers. cerning the financial consequences remains topThe MAPP Project : first findings… ics under discussion. Results of the MAPP pilot Numbers and presented mental health problems The lengthening of 48-working hours to 8 working days - within which the asylum application Behaviour during interview must take place - is in some cases still too tight. Referrals for treatment (Step 3) IND is more aware of psychological impairments that interfere with making a consistent, coherent and full story of what happened. 142 Lilla Hárdi Cordelia Foundation for the Rehabilitation of Torture Victims, Hungary Rehabilitation of Torture Survivor Refugees in Hungary: from the Therapy of PTSD to Integration The beginning The CORDELIA Foundation for the Rehabilitation of Torture Victims has been engaged in helping, psychosocial counselling, psychiatric treatment and long term assistance of severely traumatized refugees, mostly survivors of torture, since 1996. give up their usual paranoid position earlier, the containing function of the therapist(s) can be realised soon. The role of the interpreters The therapeutic sessions are conducted in the original languages of the clients. The interpreters are familiar with two different cultures through do to their education, training and empathy. They are the "first violinists" of Uprooting and exile According to the European Working Group of the the therapy. WHO in 1986: each refugee should be treated a trauma survivor, as uprooting and exile are Our therapies Individual, couple, family and group therapies among the most serious traumata of life. with verbal and non-verbal methods. The individual verbal therapy Complex PTSD The "survival syndrome" was described by Chod- In most of the cases it is a short-term therapy, off in 1969. It is one of the first approaches to focusing generally on the trauma or torture but the current understanding of PTSD (Post Trau- we also use middle or long-term therapies elaborating the traumatic experience and also matic Stress Disorder). Torture survivors suffer of the special type of facilitating the patients’ capacity to integrate in the new culture. PTSD: Complex PTSD or DESNOS. Family therapies “Complex PTSD” (DESNOS) Alterations in the regulation of effective im- The tortured, humiliated head of a family, the pulses, including anger and self-destructiveness. raped mother or the abused child distort the Alterations in attention and consciousness, lead- structure of the (religious) family used to be ing to amnesia, dissociative episodes, and de- stable for thousands of years of culture and traditions. personalization. Alterations in self-perception, such as chronic The surrealistic world of the torture chamber survives in the confused human relations of the sense of guilt, responsibility, and/or shame. Alteration in social contacts, such as not being family (“mutilated families”). Non-verbal able to trust other people or to feel intimate therapies The verbal therapy is prepared by or joined to with them. non-verbal group therapies facilitating the Somatization without any organic background. change of the pathological primitive defence Cognitive problems. mechanisms of the patient. S/he becomes approachable by the verbal processes gaining back “The trauma is contagious” According to Judith Herman: torture affects not the – sometimes seriously paranoid lack of – only the torture survivor and his/her family trust. members: horizontal danger, but it leads to a Non-verbal group methods transgenerational trauma: vertical danger. The danger of the transmission of traumata is The "heroic age" of non-verbal therapies with Bosnian victims: communicative movement possible without proper therapy. group therapy The next step: animation group method, Hungary – The treatment of torture survivors The Cordelia Foundation is a “mobile centre” (animation of inanimate objects) that served to and the therapeutic activity takes place in the develop a contact with a person who had berooMissand living quarters of the refugees at the come alienated from his/her own body or from his/her environment as the consequence of torrefugee acceptation stations. This "inverted situation" allows a better under- ture. standing for both parties. Patients generally 143 “Station groups" were elaborated for refugees from Kosovo. Elementary emotions emerged with drawing houses. This activity collided with the fact that those houses existed on paper only. They had been burnt down or blown up. We used elements of psychodrama due to the extreme level of aggression on the surface. The Afghan epos Refugee women from Afghanistan also brought their children to the group sessions “witnessing” the war stories, the sufferings and cruelties of war. We didn’t close them out of the session recognising that this was a special way to pass the personal experiences among protected psychological environments. “Symbol group" therapy We present a lost object or a piece of memory from the past to our clients awaking memories having been blocked by anxiety and fears. The lost object should be mourned in order to decrease the extreme anxiety, caused by the loss of the “interior calming mother” object. New approaches Dynamic Examination of Drawings is a new initiation being a non-verbal therapeutic method. We have the clients drawn a human figure after each session and we compare them in the therapeutic process. Sometimes we introduce verbal therapy with this method, as well. Somalian man Before therapy Two months later (3) Somalian woman Before therapy Two months later (3) Somalian woman Before therapy Two months later (3) 144 Cure and Integration We set up a Special Intensive Rehabilitation Unit in one of the refugee shelters. The intensive rehabilitation process begins in January 2009. 6 therapists and several volunteers are going to work with 16 clients for 8 weeks, 3 days/week. We plan to deal with 80 clients/year. MEDICO-LEGAL REPORTS STRUCTURE OF REPORTS PART I – INTRODUCTORY STATEMENTS Statement of Foundation Reference to Istanbul Protocol The Statement of the Medical Doctor in charge of the Case The aim of the examination Supervision/care for caregivers Group supervision have been run with “refugee professionals” of the Ministry of Justice by two therapists of the foundation for 8 years Participants/supervisees: eligibility officers, border guards, nurses of the health units, social workers, interpreters Supervisors: psychotherapist and non-verbal therapist as the therapist and the co-therapist PART II - BACKGROUND Preceding case history: Family history Schooling/education Personal objectives Special circumstances Social background of the applicant: Current family status and his/her knowledge on family members, friends Summary The therapeutic methods of the Cordelia Foundation: verbal, non-verbal, individual, family, group Social rehabilitation is focusing integration Supervision and regular trainings for the staff PART III - DESCRIPTION Description of the methods of torture and its clinical consequences: Where? When? What happened? Sequelae of Torture Reference to other medical specialist (s): Somatic status: full somatic description focusing on the somatic after-effects of torture other somatic disease (s) PART IV - ASSESSMENT AND SUMMARY Psychological/psychiatric assessment of client: Psychiatric status focusing on the psychological sequelae of torture Summary: Declaration of accordance between symptoms described and the psychological and medical examination Accordance between the described forms of torture and the forms characteristic to the regions concerned PART V - FINAL STATEMENTS Final Statement Declaration of the violation of European Convention of Human Rights and the UN CAT in case of sending the victim home where her/his health or her/his life is endangered. 145 Sylvie Lancino ANAEM Médecin coordonateur du dispositif national d’asile pour la zone 2 (Alsace, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne Ardennes) La souffrance psychique des demandeurs d’asile : quelles souffrances, quelles réponses ? Docteur Marc WLUCZKA Médecin chef de l’ANAEM Directeur de la santé publique de l’ANAEM sée par un médecin placé sous l’autorité hiérarchique directe du médecin directeur de la santé publique de l’ANAEM. Docteur Sylvie LANCINO Médecin coordonateur du Dispositif National d’Asile pour la zone 2 (Alsace, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne Ardennes) Le mode de gestion de ces structures est presque toujours associatif. Parmi les structures de type « foyer », l’ADOMA (ex-SONACOTRA) et l’AFTAM sont les deux opérateurs prédominants. France Terre d’Asile, opérateur historique, est très présent dans les structures éclatées et en région Ile-de-France. Le groupement associatif Forum Réfugiés occupe une position comparable en terme de légitimité dans la région RhôneAlpes. Par ses enquêtes annuelles sur les visites médicales d’entrée et de sortie des CADA comme par sa présence sur le terrain et son action nationale, l’ANAEM est l’acteur public le mieux informé de la situation sanitaire de cette partie du public des demandeurs d’asile, et tire aussi bien de ses enquêtes que de ses rapports d’inspection la matière à son travail de conseil technique et d’aide à la décision de son ministère de tutelle. Au cas par cas, la DSP de l’ANAEM est appelée à aider à résoudre des problèmes médicaux préoccupants pour certaines personnes et/ou certaines structures. Dans ce contexte, les situations en relation avec la souffrance psychique occupent une large part de ce type d’intervention où l’ANAEM est très sollicitée par les associations, les autorités sanitaires ou son ministère de tutelle. Docteur Catherine FORTIN Médecin coordonnateur du Dispositif National d’Asile pour la zone 1 (Ile-de-France, Normandie, Picardie, Nord-Pas de Calais) Résumé : Confrontés de plus en plus fréquemment à la souffrance psychique des demandeurs d’asile hébergés, les agents des CADA sont eux-mêmes en souffrance devant leur difficulté à gérer efficacement ce problème récurrent. Par ailleurs, il est indispensable de promouvoir un véritable accès des demandeurs d’asile à des soins psychiques de, proximité, spécialisés ou non, dans leur langue ou pas. Mais il est un enjeu important pour le bon fonctionnement des institutions du dispositif national d’accueil (DNA) de mettre en place une formation de l’ensemble des personnels à la connaissance du problème de la souffrance, de ses causes, de ses effets et de ses conséquences. Cette formation leur permettra d’être mieux en capacité d’en anticiper l’apparition inévitable, et de mieux en gérer les aspects les plus insupportables pour le fonction- Pour un demandeur d’asile, la question de sa souffrance est de l’ordre de l’évidence, puisque nement des institutions d’accueil. la raison pour laquelle il demande l’asile est Depuis 2003, l’ANAEM, par l’intermédiaire de sa précisément la souffrance endurée ou risquée direction de la santé publique (DSP) exerce une dans son pays d’origine. A cela peut se rajouter mission de soutien, de mise en réseau, et d’ins- la souffrance due au voyage et à l’errance, parpection technique des structures membres du fois extrêmement longue pour arriver jusqu’au pays dans lequel il peut enfin demander l’asile, DNA des demandeurs d’asile. et aussi la souffrance liée à la procédure de deCe dispositif se compose des CADA (centres mande d’asile, à l’attente et à l’incertitude de d’accueil des demandeurs d’asile), CPH (centres la situation future, sur laquelle il n’a aucune d’hébergement provisoire) et structures d’ac- prise, dès lors que son dossier se trouve dans les cueil d’urgence qui y sont rattachées circuits administratifs de l’OFPRA et plus tard (exemple : AUDA). Elles sont à ce jour au nom- de la CNDA, lorsqu’il est en procédure de rebre de 274. Le territoire national métropolitain cours. a été partagé en 5 zones comprenant un nombre voisin de structures, chaque zone étant supervi146 Cette souffrance peut se révéler à différentes phases de son parcours. Elle peut être antérieure au traumatisme qui conduit à l’exil. Elle relève alors d’une pathologie non reliée directement aux violences subies, mais aggravée la plupart du temps par cette situation. Elle peut être secondaire à ce traumatisme. Elle peut apparaître lors du voyage qui, du fait des circonstances, constitue aussi en soi un traumatisme, et elle peut apparaître à l’arrivée dans le pays d’accueil, voire plus tard, au cours de la procédure de demande d’asile, généralement à certains moments clé de cette procédure. Comment répondre à cette souffrance au sein d’une structure d’accueil ? La réponse ou les éléments de réponse ne se situent pas uniquement sur le plan médical. L’accueil et l’environnement que le demandeur d’asile va trouver à l’arrivée, et tout au long de son séjour, c’est-à-dire un lieu dans lequel il puisse se sentir bien et en sécurité, constituent la première étape dans la prise en charge de sa souffrance. Son rétablissement dans le groupe, afin de rompre l’isolement dans lequel il est le plus souvent, va également l’aider à se stabiliser et à s’insérer dans la structure. Au sein du CADA, cela pourra passer par des activités socialisantes telles que des groupes de paroles, des activités d’expression, de théâtre, des sorties, voire une activité bénévole. Cet environnement sécurisant et structurant est une des premières conditions qui vont permettre à la personne en souffrance de pouvoir récupérer et commencer à se reconstruire et à supL’expression de cette souffrance est multiple, porter par ailleurs le long parcours de la demanet ses manifestations ne sont pas toujours iden- de d’asile. tifiables en tant que telles pour des interveLa formation des travailleurs sociaux à la reconnants non formés à cet effet. Elle peut s’exprimer sous forme de pathologies naissance et à la gestion de cette souffrance est non spécifiques, inclassables, et récurrentes également indispensable. quelle que soit la prise en charge réalisée et les investigations pratiquées. Ce sont souvent des Le temps dont disposent les équipes des CADA plaintes répétitives, sans substrat anatomique pour répondre à la souffrance, exprimée ou non, réel, à type de troubles digestifs, maux de ven- des demandeurs d’asile est limité. En effet la tres, douleurs diverses et variées, des demandes structure d’accueil n’a pas pour vocation prerépétées de consultations, de médicaments, mière (même si cela fait aussi partie de ses misd’examens complémentaires, sans pathologie sions) de s’occuper de la santé des demandeurs d’asile, mais de leur apporter une aide sur un clinique évidente. plan administratif et juridique pour l’instruction Elle peut s’exprimer également sous forme de de leur demande d’asile. troubles psychologiques, tels que troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie, difficultés La prise en charge des problèmes somatiques se d’endormissement, cauchemars), des maux de fait comme pour tout un chacun dans le système tête, des troubles du comportement à type d’ir- de droit commun puisque les demandeurs d’asiritabilité, ou au contraire une passivité, un le sont bénéficiaires de la CMU. Mais lorsqu’il manque de dynamisme, un repli sur soi, une s’agit de souffrance psychique, la réponse est plus difficile et le manque de structures capanégligence de soi, de son environnement… bles de répondre aux besoins exprimés, en parCe peut être encore des difficultés de cohabita- ticulier pour les CADA éloignés des grandes viltion, un mécontentement et des revendications les se fait sentir. Les travailleurs sociaux sont permanentes, des comportements inciviques, alors souvent « pris entre deux feux » : il faut une escalade dans la violence verbale, de la faire avancer le dossier de demande d’asile et maltraitance conjugale ou parentale, et au final répondre en même temps aux demandes d’écoules « pétages de plomb » avec auto ou hétéro te et de soutien. agressivité qui se mettent au premier plan un problème dont ils ne sont en règle générale que le dernier signe, mais le plus visible. La question de la souffrance dans une structure d’accueil n’est pas forcément posée par les personnes les plus concernées, c'est-à-dire par les demandeurs d’asile eux-mêmes. C’est le plus souvent la structure d’accueil qui évoque spontanément le problème, en général pour faire état de ses difficultés à y répondre. La DSP de l’ANAEM réalise alors souvent que la difficulté à aider est aussi génératrice de souffrance chez l’aidant, confronté à sa propre impuissance. 147 La première difficulté à laquelle sont confrontés les travailleurs sociaux est le diagnostic et l’évaluation de cette souffrance, comment en apprécier la gravité, et comment l’aborder avec le demandeur d’asile pour l’amener à accepter une consultation avec un psychologue ou un psychiatre. Le manque de formation des travailleurs sociaux à la prise en charge et à la reconnaissance des signes de souffrance psychique est réel, et les équipes se sentent souvent démunies devant ce mal-être qui a parfois tant de difficulté à s’exprimer et qui ensuite ne peut être pris en charge au moment opportun, du fait de ce manque de structures. Le temps de latence entre le moment où la personne va exprimer son mal-être et où une réponse ou bien un début de prise en charge vont lui être proposés est souvent très long, ce qui peut amener parfois le demandeur d’asile à l’exprimer avec violence, par un passage à l’acte ou par l’apparition d’une dépendance à un psychotrope : alcool, médicaments, drogues… A cela se rajoute la barrière de la langue, car rares sont les structures de soins à même de prendre en charge les demandeurs d’asile non francophones. La barrière de la langue est ainsi souvent mise en avant et elle est réelle car ne pas partager la même langue rend évidemment la communication plus difficile. Par contre, les équipes se trouvent souvent confrontées à des situations paradoxales : les psychiatres refusent la présence d’un interprète, sous le prétexte qu’une tierce personne perturbe le colloque singulier entre le médecin et son patient ; mais dans le même temps, l’entretien ne peut avoir lieu puisque le patient ne parle pas le français… ne certaine défiance envers les structures psychiatriques en général. Ce sont des patients qui ne se rendent pas à leur rendez-vous ou qui abandonnent une thérapie en cours de route, et dont la prise en charge sur le long terme peut s’avérer extrêmement difficile, voire décevante… Il faut alors aussi amener les travailleurs sociaux à accepter le cadre de leur intervention et ses limites ; et leur soutien, par des échanges de pratiques réguliers, voire une supervision d’équipe, est indispensable. Par ailleurs, la présence de personnel paramédical (infirmières, psychologues) dans la structure, soit embauché par elle, soit par convention avec les équipes de psychiatrie de secteur ou avec des associations compétentes en la matière, permet une prise en charge de proximité et une écoute régulière par des personnes formées à cet effet. Ces personnels paramédicaux peuvent aussi jouer un rôle de soutien d’équipe, et également de travail d’accompagnement plus global. L’ANAEM, de son côté, apporte un soutien technique aux équipes et peut intervenir au sein des structures pour faciliter la gestion des cas particuliers, trouver des relais pour les prises en charge, voire aider au transfert d’une personne en souffrance vers une structure plus appropriée si nécessaire. Contrairement à la santé physique des demandeurs d’asile, qui fait l’objet d’un rapport annuel, la connaissance de l’état de santé mentale ou psychique de ce public est encore insuffisante et manque d’indicateurs objectifs. Pour y remédier, l’ANAEM travaille à l’élaboration d’un L’identification de médecins référents formés à outil d’évaluation qui permettrait de quantifier la prise en charge de la souffrance psychique les problèmes et les besoins qui en découlent. des demandeurs d’asile en général, et des demandeurs d’asile non francophones en particu- Ces besoins sont grands, car dans toutes les lier, permettrait alors un diagnostic plus rapide structures d’accueil, la souffrance psychique et une prise en charge plus ciblée. Il n’y a pas des demandeurs d’asile apparaît au premier actuellement suffisamment de praticiens formés plan des problèmes de santé qui sont décrits par à reconnaître cette pathologie, et on constate les équipes. Il est donc nécessaire d’identifier, que dans bien des cas, la prise en charge est au niveau local, tous les partenaires publics ou presque toujours médicamenteuse et symptoma- privés, institutionnels ou associatifs à même tique, au détriment de l’écoute. Les prescrip- d’intervenir dans ce domaine, et les sensibiliser tions d’antalgiques, d’antidépresseurs ou d’an- voire les former à la prise en charge de ce puxiolytiques soulagent alors le patient jusqu’à un blic. certain point mais ne résolvent pas le problème qui l’a amené à consulter. On se trouve confronté également à la difficulté qu’ont certaines personnes à accepter une prise en charge psychiatrique, du fait de l’assimilation qui en est faite avec la folie, ou du fait d’u148 Yves Nicolas CADA ADOMA Chef d’établissement INTRODUCTION : LA CIRCULAIRE DU 24 JUILLET 2008 Il est difficile de distinguer les tortures physiques des tortures psychologiques. Les nouveaux textes relatifs aux missions CADA (circulaire du 24 juillet 2008 et cahier des charges annexé) mentionnent que : - « un accompagnement social et psychologique est assuré par l'équipe CADA, avec le cas échéant l'appui d 'intervenants extérieurs » ; - « une attention particulière doit être apportée au soutien psychologique (...) les souffrances psychiques spécifiques aux DA peuvent être liées à un passé traumatique » ; - « des sessions d'accompagnement et d'écoute de personnes déstabilisées par des événements passés » peuvent être comprises dans les activités d'animation ; - « l'équipe doit avoir reçu une formation relative au profil spécifique des personnes victimes de traumatisme ». La notion de personnes vulnérables est également apparue dans ce nouveau cadre juridique qui encourage « des actions qui doivent être menées en faveur des personnes vulnérables, afin de favoriser leur identification le plus tôt possible ». Tout cela pour dire que ces problématiques liées aux traumatismes pour les victimes de torture émergent désormais dans le cahier des charges des missions du CADA. Reste la question évidente des moyens et de leur mutualisation. Les tortures décrites sont : en détention : cellule très exiguë, coups, menaces de mort, simulacre d’exécution, mutilations ; viol, viols collectifs ; exécution de membres de la famille, ou violences sur membres de la famille en présence de la personne ; dans le cas d’esclavages : coups et harcèlement psychologique. Les tortures concernent une proportion importante de la population du CADA : des personnes jeunes, et souvent isolées, sans famille proche. Cependant, nous faisons le constat que : parler de la torture est difficile pour le demandeur d’asile ; dans la très grande majorité des cas, c’est l’intervenant social en premier qui aborde le sujet ; la personne éprouve un sentiment de honte à en parler, la torture est refoulée ; cela survient presque toujours au moment de l’élaboration du dossier OFPRA ou CNDA ; ce dossier est le fil conducteur, il est l’élément déclencheur de l’expression, mais il est difficile d’en parler en dehors de ces entretiens ; il en résulte que, selon la situation administrative du demandeur d’asile, l’abord de la torture peut se faire dès l’arrivée au CADA (dossier OFPRA), mais souvent après plusieurs mois de séjour au CADA (CNDA). PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE DE LA TORTURE AU SEIN DU CADA 28 ménages, soit 30 personnes ont parlé de torL’expression en elle-même est difficile : ture subie. propos confus, évasifs ; difficultés à se souvenir ; Afrique : 8 pays, 19 personnes difficultés à redire son histoire à un nouvel inEurope et ex-URSS : 5 pays, 10 personnes terlocuteur ; Asie : 1 pays, 1 personne difficultés à s’exprimer devant une personne Pays : Soudan : 4 ; Russie : 4 ; Chine : 1 ; Ethiopie : 3 ; d’un autre sexe ; problèmes de traduction, présence d’un interSerbie : 2 ; Nigéria : 3 ; Arménie : 2 ; Guinée : 3 ; Azerbaïdjan : 1 ; Congo : 2 ; Molda- prète ; sentiments de colère et de révolte par rapport vie : 1 ; Rwanda : 2 ; Niger : 1 ; aux décisions OFPRA. Mauritanie : 1 Sur les 30 personnes, 13 sont des femmes. Ecouter et parler de la torture est difficile pour l’intervenant social : Les causes de la torture : Politiques : 8 Guerres : 9 Culturelles (mariages forcés) : 2 Ethniques : 5 Religieuses : 3 Esclavage : 3 149 difficulté de repérer ce problème car cela ne transparaît pas forcément dans l’accompagnement quotidien de la personne ; crainte d’aller trop loin, ou pas assez, dans les entretiens ; crainte de ne pas maîtriser son émotion ; rapport homme-femme peut être un frein dans l’entretien ; comment accompagner la personne au-delà des entretiens spécifiques OFPRA/CNDA ? Pour une meilleure qualité d’entretien : l’abord de la question au bout d’un certain temps de séjour peut être positif ; en effet, la mise en confiance passe par un accompagnement au quotidien où on apprend à se connaître, s’apprécier, se reconnaître ; resituer l’approche de la torture dans le cadre de notre mission, en précisant les enjeux des dossiers constitués ; s’appuyer sur les écrits de l’OFPRA pour permettre l’expression de précisions, de contestations ; respecter les réserves, proposer des entretiens en plusieurs étapes ; anticiper les étapes du dossier OFPRA/CNDA pour parler de la torture afin que la personne ait le temps de s’y préparer, que les questions ne soient pas vécues comme une enquête policière, et que rapidement elle ait conscience que le CADA [aide à] la reconnaissance dans cet aspect de son histoire. Les suivis apportés : en CMP, un généraliste, mais difficultés linguistiques, personnel pas formé pour ce type de population/problématique ; consultation avec psychologue, formée en ethnopsychiatrie. DEUXIÈME PARTIE : LES PLUS ET LES MOINS DU CADA DANS LA RELATION D’AIDE AUX VICTIMES DE TORTURE Le séjour en CADA participe à la reconstruction. En arrivant au CADA, on met fin à une période d’errance et d’hébergement d’urgence dans le meilleur des cas. Le CADA permet de répondre aux besoins vitaux de la personne : se poser ; avoir un toit, une constance de logement, une adresse, un quartier ; se réapproprier certains actes de la vie quotidienne : par exemple cuisiner ; mettre en place des droits sociaux ; avoir une forme de revenus ; inscrire ses enfants à l’école et à des activités, avoir des activités. Dans ce sens, le CADA peut permettre à la personne ayant subi des tortures de se redonner des repères, de sortir de son seul statut de victime : de personnaliser son logement ; recevoir des amis, des compatriotes ; de se confronter à une vie sociale normale, où il peut devenir acteur ; L’équipe d’un CADA n’est pas un thérapeute. d’être reconnu par une ou des institutions comLa nécessité d’élaborer un écrit CNDA précis, me un être humain à part entière avec ses soufcirconstancié n’est–il pas parfois en contradic- frances et aussi tout son potentiel. tion avec les précautions thérapeutiques ? Mais le rôle de l’intervenant social et de l’équi- Le CADA permet : pe est de créer une relation de confiance, de d’être reconnu comme ayant besoin d’une airepérer les situations, et de proposer la ren- de ; contre avec le thérapeute. d’être accompagné dans le cheminement du L’expression en équipe dossier OFPRA et CNDA ; Un CADA en collectif permet que les personnes d’être entouré par des professionnels de la relasoient connues par plusieurs salariés aux mis- tion d’aide. sions différentes ; les échanges se font souvent entre deux collègues, ou avec le directeur : Dans la plupart des cas, les DA comprennent pour préparer un entretien, pour souffler ; cer- bien le sens de notre mission. Ils viennent frétaines situations sont évoquées en réunion d’é- quemment à nos permanences d’accueil pour quipe. leurs démarches administratives, mais aussi Mais les échanges en équipe sur la torture sont pour des petits riens de la vie quotidienne (qui peu fréquents au regard du nombre de deman- prennent une grande place dans le CADA). deurs d’asile concernés ; il manque manifeste- C’est à travers ce quotidien qu’une relation de ment un temps de supervision pour améliorer la confiance peut s’établir. technique d’entretien, pour continuer l’accom- Le CADA collectif est-il aidant pour une relation pagnement sur ce thème, pour mieux repérer de confiance ? les personnes en détresse. Le CADA ADOMA de Caen est collectif. Je pense L’accompagnement proposé : que c’est un plus pour le demandeur d’asile car Les intervenants sociaux ont proposé un accom- le personnel du CADA est disponible et très prépagnement psy à 10 personnes. sent mais aussi varié. 8 ont été mis en place. 150 ti de la victime de tortures ? Le débouté de la demande d’asile semble souvent résigné, rarement révolté. Nous sommes tenus de l’informer de la possibilité d’aide au retour au pays, c'est-à-dire làMais cette vie collective, avec les contraintes même où la personne a été torturée. Quel sens qui en découlent, peut-elle être un frein au donner à cette information ? mieux –être de la personne ayant subi des tortuComment préparer le débouté à sa sortie du res ? Si la vue d’une cigarette qu’on allume ou d’une CADA, comment la vit-il ? simple bouteille de Coca peut profondément Etre débouté, quand on a été torturé, c’est : perturber la personne torturée, quels sont les la négation de son histoire ; retrouver une situation de non droit ; effets : revivre la peur d’être arrêté, reconduit à la d’un règlement intérieur ; de contrôles d’étage, de chambres, de signatu- frontière ; c’est une situation de porte-à-faux qui peut être res de feuilles de présence ; longue : sortie/non-sortie du CADA, hôtels, un d’éventuelles sanctions ? Comment sont vécues les confrontations avec jeu de cache-cache, une longue période sans décision donc sans existence. les autres demandeurs d’asile ? Nous replaçons toujours ces réajustements, ce rappel au cadre, dans le contexte d’une règle Comment préparer la personne ? collective nécessaire au respect de chacun. Mais comment s’assurer que cela ne réactive pas le TROISIÈME PARTIE : LES FORMATIONS MISES EN PLACE PAR mal-être du DA qui a subi les pires violations du LE CADA ADOMA DE CAEN droit et de la dignité ? Depuis plusieurs années, le CADA ADOMA de Le CADA est une étape difficile pour le deman- Caen organise, avec un financement DDASS, des deur d’asile : formations s’adressant au personnel ou militants C’est une période d’incertitude quant à l’ave- de toutes les institutions, structures ou associanir : sera-t-on statutaire ou débouté ? tions en lien avec les personnes migrantes. Ces C’est une période d’assistanat : AMS, aides ali- journées de sensibilisation ont l’objectif de mentaires ; créer un réseau local et une culture commune, C’est une période d’inactivité, d’ennui, notam- de mieux se connaître et mieux agir ensemble. ment pour les hommes : interdiction de travailler. Les thèmes abordés : De ce fait, le demandeur d’asile a souvent du Géopolitique : pays du Caucase, différentes rémal à se projeter dans l’avenir, à faire des pro- gions d’Afrique ; jets immédiats, à être constant dans ses activi- Traumatismes liés à l’exil (Mme Donoso, collatés, ou être ponctuel à ses rendez-vous. boratrice de Françoise Sironi) ; Ces aspects sont des freins à la reconstruction L’interculturalité (organisée par le SSAE). de la personne. La fin du séjour au CADA est une période délicate Depuis décembre 2007, ADOMA, la DDASS et La personne victime de tortures vit sans doute l’association Itinéraires ont mis en place pour un moment important de reconnaissance, donc ces mêmes professionnels une formation sur de reconstruction de soi en obtenant le statut l’ethnopsychiatrie : de réfugié. 4 groupes de 8-10 personnes chacun ont été formés à raison d’une matinée par mois, de déL’accès au statut de réfugié est toujours une cembre à juillet 2008 ; joie visible, exprimée, fêtée mais elle débouche depuis la fin du printemps 6 demandeurs d’asile souvent sur de nouvelles interrogations : suivis par ce personnel bénéficient d’une aide je prends conscience de sortir de l’assistanat ; psychologique par une psychologue formée à suis-je capable d’y faire face ? l’ethnopsychiatrie ; Il faut faire le deuil de son pays. une journée de bilan a été organisée le 15 septembre 2008 en présence de Philippe Bas, présiNous accompagnons cette sortie dans la recher- dent de l’ANAEM, avec notamment l’intervenche d’un logement, dans l’accès aux droits et au tion d’Isam Idris, assistant de Marie-Rose Moro travail. de l’hôpital Avicenne de Bobigny. Cette action est financée à nouveau pour Comment tenir compte à cette étape du ressen- la période 2008-2009. D’autre part, les différentes fonctions au sein de l’équipe permettent de mettre en relief le regard que nous portons sur le demandeur d’asile. 151 Régine Waintrater Psychologue, thérapeute familiale — Université Paris VII Le pacte testimonial Avec le premier coup « contre lequel il n’y a pas moyen de se défendre, et que ne viendra parer aucune main secourable, c’est une partie de notre vie qui s’éteint pour ne plus jamais se rallumer », écrit Jean Améry, pour dire la rupture radicale du pacte social que représente la torture. Le pacte social, qui sous-tend notre existence, c’est la croyance et le droit à être secouru par un autre, en vertu de notre appartenance commune à l’humain. La torture, c’est la destruction de cette croyance fondamentale en un autre secourable, nécessaire à notre vie psychique. Comment restaurer ce pacte ? Par un autre pacte, que j’appelle le pacte testimonial, et qui sous-tend toutes les rencontres, qu’elles soient définies ou non comme thérapeutiques. Le témoignage constitue une tentative pour combler le fossé radical qui sépare ceux qui ont vécu l’impensable et les autres. Tous les témoignages soulignent le sentiment d’abandon de la part du monde, qui a définitivement miné leur confiance dans un environnement suffisamment bon : tous ont éprouvé, à un moment de leur calvaire, le sentiment d’être seuls au monde, privés à jamais du recours à l’autre, leur semblable. Dans le cas de traumatisme extrême, la dimension testimoniale occupe une place importante, préliminaire à tout engagement dans un travail thérapeutique au long cours. Tous les entretiens ne débouchent pas sur une thérapie en « bonne et due forme ». Ces entretiens, dont la définition reste volontairement ouverte, constituent pour les victimes la première, et souvent l'unique occasion de prendre la parole, pour dire à la fois ce qu'elles ont subi, mais aussi pour retrouver le chemin de l'humain dont elles ont été écartées par la persécution. On s'oriente vers un processus de consultation thérapeutique, au sens où Winnicott la définit. A mi-chemin entre l'entretien et la thérapie, la consultation thérapeutique ressemble à un court voyage que le patient accomplira en compagnie du clinicien. Les notions de contact et d'empathie prennent le pas sur celles d'insight ou d'interprétation, qui, dans ce type de travail, ne constituent pas le but à atteindre. Il s'agit plutôt, à l'aide d'une technique souple et interactive qui repose essentiellement sur la personne réelle du thérapeute, d'ouvrir un espace propice à la gestion des conflits : dans ce modèle, les moments de restitution et d'explicitation sont un facteur central pour le retour à la parole. Le nouage particulier que ces situations instaurent entre l'intrapsychique et l'intersubjectif vient solliciter en chacun de nous, parfois de façon très violente, la composante relationnelle du psychisme. Il nous oblige à nous interroger sans relâche sur la position qui est la nôtre dans de telles rencontres : c’est donc le fil transférocontretransférentiel qui conduira nos pas, seul instrument dont dispose le clinicien pour le guider dans le maquis touffu et terrifiant de récits qui, tous, disent la destruction infligée par l'homme à son semblable. Le traumatisme instaure toujours une rupture : pour la victime, il y aura désormais un avant et un après, et la difficulté, pour elle, consiste d'abord à retrouver une continuité psychique, et à sortir du « hors temps » instauré par le traumatisme. Longtemps après l'événement, le traumatisme continue à fonctionner comme un corps étranger, fiché dans le psychisme et réfractaire à toute intégration. Le sentiment d'étrangeté a partie liée avec des manifestations psychosomatiques et une série de symptômes que le sujet subit dans une passivité extrême. L'incapacité à mobiliser les fonctions psychiques ordinaires ne fait que redoubler ce sentiment d'étrangeté à soi-même, creusant ainsi un fossé douloureux et incompréhensible entre le soi d'avant et le soi actuel. « Je ne me reconnais plus », « Ce n'est pas moi », autant d'expressions qui reviennent sans cesse dans le discours de la victime. La confrontation brutale avec la réalité de sa mort a changé le survivant, et cette métamorphose est en elle-même source de traumatisme. Il ne s'agit ni d'enfermer la personne dans la certitude du traumatisme, ni de négliger ce dernier, mais plutôt de l'accompagner sur le chemin de la réappropriation de soi, qui passe par la mise en mots, prélude à la mise en histoire. On distingue plusieurs temps sur ce chemin du retour à soi : le temps du judiciaire, où la victime s'attache à faire la vérité sur les événements, pour que justice soit rendue. Ce premier temps est indispensable à la prise de parole : pour la victime, il s'agit de dire la vérité des faits, même si cette exigence d'exactitude constitue une contrainte ; le temps de la ressaisie psychique, temps plus privé, loin des regards du groupe. C'est le temps de la ressaisie psychique que la victime entame souvent seule, selon un rythme qui lui est propre. Ce moment personnel peut prendre des années, et nul ne peut prétendre le circonscrire à une période 152 FONCTIONS DE L'ENTRETIEN Le témoignage, en ce qu'il implique la rencontre de deux psychés, peut devenir un lieu d'élaboration du traumatisme. Il est toujours une adresse à l'autre, représentant de la communauté humaine dont le survivant a été exclu par l'événement dont il témoigne. Avec lui, c'est un groupe entier qui a été banni, et c’est au nom de ce groupe que le témoin parle, groupe constitué de toutes les victimes de la persécution, les morts de sa famille, mais aussi de ses pairs, compagnons de souffrances qui n’ont pas survécu. Celui qui recueille son témoignage, que nous avons appelé le « témoignaire », représente lui aussi le groupe de tous ceux qui, n’ayant pas partagé cette expérience, se retrouvent étrangers au groupe des témoins. Tant par son dispositif concret qu’au niveau symbolique, le témoignage est un processus groupal, qui fonctionne comme une formation intermédiaire, permettant à chacune des deux parties en présence de retrouver le lien avec une groupalité psychique interne et externe. Créer un environnement fiable Le témoignage cherche à refaire du lien là où il y a eu rupture : quand le témoin prend la parole, c'est à la fois pour affirmer l'irréductible de son expérience, mais aussi pour renouer avec son semblable. C'est en effet la négation du pacte social qui constitue, pour les victimes de violences extrêmes, la catastrophe psychique dont ils continuent à souffrir leur vie durant. Si le souvenir des persécutions s'estompe avec le temps, le sentiment d'avoir été abandonné du reste du monde ne s'atténue jamais. Le fait d'avoir face à soi une personne prête à l'écouter représente, pour la victime, un acte d'une grande portée symbolique. Tenter de restaurer la confiance dans l'environnement est donc la première tâche de l'entretien, tâche complexe, qui ne dépend évidemment pas de la seule bonne volonté du clinicien. Quelle que soit son empathie, il se heurtera à des marques de défiance qu'il doit pouvoir accepter sans en être blessé, comme autant de séquelles dont le survivant souffre, pour longtemps, sinon pour toujours. Cette défiance peut prendre plusieurs formes, que le clinicien apprendra à reconnaître, au fur et à mesure des entretiens. Outre l'écoute empathique, l'effort actif de documentation de la part du clinicien est un point important pour l'établissement d'une confiance et d'une sécurité de base. Même s'il intervient avant tout sur la réalité psychique, celui-ci doit acquérir un savoir minimum sur la réalité concrète de son interlocuteur. Il le doit, pour comprendre certains faits, mais il le doit aussi pour la victime, à qui il montre ainsi d'emblée qu'il n'est pas indifférent à son histoire et à celle de son groupe d'appartenance. Ce point peut sembler contraire à la neutralité bienveillante requise du clinicien : or, face à de telles situations, il lui faut, comme l'écrit Carole Damiani, « garder la bienveillance et nuancer la neutralité ». L'intérêt dont il fera preuve est un levier important pour la prise de parole. Le rescapé d'un génocide a besoin de savoir à qui il a affaire, et le fait d'être défini comme un sympathisant, adoubé par le groupe des survivants, constitue la première étape d'une affiliation sans laquelle aucune parole ne peut circuler. La victime ne peut se permettre d'affronter une nouvelle fois l'indifférence de l'autre, qui est pour elle un traumatisme renouvelé, qui redouble le traumatisme initial. Le thérapeute doit donc parfois accepter de répondre aux questions posées par la personne, sans trop se mettre en avant, mais sans non plus se montrer sibyllin, ce qui mettrait son interlocuteur dans une position d’inconnu qu’il n’a que trop vécue. Il s’agit là d’un équilibre subtil entre le dévoilement et un silence qui pourrait être vécu comme une offense supplémentaire, le dosage restant à la seule appréciation du témoignaire, qui doit savoir comment rompre un anonymat angoissant sans que ses paroles ne viennent empiéter sur celles de la victime. Restaurer l'espace subjectif interne Parce qu'il est acte de langage, l'entretien offre la possibilité d'une parole qui a été empêchée par le traumatisme. On peut se demander, à juste titre, si l'entretien avec les victimes de traumatisme doit obligatoirement passer par le temps du témoignage. Il ne s'agit pas ici d'une simple remémoration, mais d'un effort long et difficile de la part de la victime pour s'arracher à la déliaison psychique dans laquelle elle se trouve plongée. L’évocation des scènes traumatiques, loin d'être un « enfermement compulsif dans la factualité », a pour fonction de rouvrir la parole, en créant ainsi un « espace vital entre la victime et son agresseur » (1995). En confondant les espaces psychiques respectifs de l'individu et du groupe, le traumatisme a changé la signification de notions comme l'intériorité et la subjectivité. Raconter à un autre est un moyen d'articuler à nouveau ces espaces psychiques, en défaisant peu à peu l'intrication confusionnante qui s'est instaurée : le récit testimonial, qui recouvre à la fois la description de l'événement et la façon dont celui-ci a été vécu par le sujet, permet à ce dernier de récupérer un espace privé, dans une assignation respective des deux réalités, réalité extérieure et réalité interne. 153 Par le biais de son interlocuteur, la victime peut ainsi se réapproprier la parole qui lui a été ôtée dans la violence du trauma : la reprise des processus de pensée et de figuration ne peut se faire qu'en s'étayant sur un autre, dans un échange langagier au plus près du psychisme. Les temps de l'entretien Le temps du témoignage Comme c'est le cas dans les rencontres avec des victimes de traumatisme extrême, le premier entretien se déroule sous le signe du témoignage. Le patient est toujours préoccupé de répondre à ce qu'il imagine être les attentes du clinicien, mais, ici, le clinicien doit lui épargner un surcroit d'angoisse, qui constituerait un traumatisme supplémentaire. Les mimiques, les sourires, les hochements de tête, les regards et bien sûr, les relances actives sont des balises nécessaires au dialogue testimonial. Le clinicien est donc très sollicité, et doit se montrer à la fois présent et discret, pour éviter d'empiéter sur le récit qui commence. Tout au long du récit, le témoignaire va prêter son psychisme et son appareil à penser pour permettre au témoin une mise en images, représentation de scènes irreprésentables. Pour ce faire, il s'appuiera essentiellement sur ses capacités identificatoires et l'empathie dont il saura faire preuve, faculté qu'il aura de se couler dans le vécu du témoin, et de ressentir comme lui, parfois pour lui, une expérience qui n'a pu faire l'objet d'aucune mise en mot. Il s’agit pour le thérapeute de prêter quelque chose de son propre fonctionnement mental pour permettre à la victime de ressaisir certains épisodes de sa vie, par le biais du récit qu'il en fait. Le travail de la pensée est une condition nécessaire pour que les événements survenus se constituent en expérience, au lieu d'occuper le psychisme, en repoussant toute transformation. Les faits traumatiques bruts, tapis dans le psychisme, attendent d'être élaborés et transformés : car le traumatisme a ceci de paradoxal qu'il interrompt l'activité psychique, tout en forçant l'esprit à la reprendre, en remettant de la pensée là où elle a fait défaut Dans sa majeure partie, cette activité consiste à trouver des représentations à des vécus intolérables qui dépassent les catégories habituelles de pensée : trouver des mots et des images aptes à rendre compte de ce qui hante son esprit, c'est le travail qu'accomplit le témoin à chaque nouvelle narration. Son récit, il le fait certes pour réduire le décalage qui existe entre son expérience et celle des autres, mais aussi pour se relier aux aspects de son Moi qu'il a dû refouler pour survivre ; en ce sens, il s'agit d'un dialo- gue avec l'extérieur, mais aussi, avant tout, d'un dialogue très privé avec lui-même. Renouer avec la temporalité Le traumatisme instaure une temporalité particulière, qui écrase les catégories habituelles : il résiste au processus d’historicisation, dans un mouvement de perpétuelle actualisation. Le survivant vit désormais dans un temps où le passé l'emporte sur le présent et oblitère tout futur. Or, comme l’écrit Danielle Quinodoz, « c’est dans la mesure où il s’inscrit dans la durée que le Moi est vivant, et qu’un moment de la vie peut devenir souvenir ». La mise en récit permet de renouer avec la temporalité ordinaire et commune, étayage indispensable à la vie psychique. Ce n’est pas dans le temps de l’entretien que cela se passera, mais on peut avoir la certitude que, pour long et incertain que soit ce processus, il passe par une parole adressée à un autre capable de la recevoir et de l’attendre . DU COTE DU CLINICIEN Avant de terminer, je voudrais revenir brièvement sur l'importance des affects contretransférentiels, qui constituent, comme je l'ai dit, la seule boussole. Face aux victimes, les mouvements affectifs du clinicien sont multiples et violents, suivant en cela une temporalité propre, qui a beaucoup en commun avec la temporalité du traumatisme. Tout d'abord, la sidération qui, à l'instar de celle de la victime, ne manque pas de saisir le thérapeute : dans un premier temps, la violence des contenus peut paralyser sa capacité à maintenir des représentations. Pour être un pareexcitation efficace, il doit tout d'abord résister à l'excès de stimulations ingérables découlant de l'évocation des situations traumatiques : la souvenance testimoniale, en effet, est toujours une souvenance traumatique. Pour le témoin, elle implique un retour à des scènes qui, par leur violence, ont résisté à l'élaboration, et sont demeurées brutes, enclavées dans le psychisme occupé du survivant. La vulnérabilité extrême de la personne incite souvent le clinicien à adopter une position réparatrice, faite de toute puissance et de culpabilité. Le traumatisme intentionnel, particulièrement la persécution de type génocidaire ou la torture, suscite chez l'autre une culpabilité mêlée de honte : quand un être humain a été exclu du groupe, chacun se sent responsable de ce qu'il n'a pu empêcher. 154 Honte thérapeutique pour la victime, à qui elle restitue son statut d'humain membre de la collectivité, mais aussi honte qui peut se muer en paralysie, ou, au contraire, pousser le thérapeute à confondre les registres, en s'engageant dans une réparation forcée, qui tourne parfois à l'activisme. Sans analyser cela, le professionnel ne pourra accepter l'échec, et fera peser sur son patient une obligation à guérir qui le contraindra, une fois encore, à se plier aux exigences de l'environnement. Plutôt que de combattre ou de nier ces affects perturbants, le thérapeute doit apprendre à les repérer jusque dans leurs manifestations les plus subtiles : patiemment, il doit défaire l'emprise du traumatisme, et tenter de séparer les expériences, en évitant la confusion qu'il induit ; le partage, dans sa double acception de mise en commun et de réassignation, s'effectue ici dans un repérage de la résonance en soi des paroles de l'autre. Le thérapeute doit analyser les manifestations défensives qui l'envahissent, en les prenant pour ce qu'elles sont : des mécanismes en miroir d'un psychisme aux prises avec lui-même. Son rôle principal est un rôle d'hébergement : pour un temps, il va prêter son psychisme au patient, momentanément invalidé. Ce rôle s'apparente à celui du de la fonction alpha décrite par Bion, qui consiste, à l'instar de la mère des premiers mois de la vie, à s'adapter aux besoins de l'enfant, pour lui servir à la fois de pare-excitation, de filtre, de dépôt et de matrice à l'intériorisation de ces fonctions vitales. La fonction alpha suppose chez celui qui l'exerce une capacité à anticiper les besoins psychiques de l'autre, en donnant du sens à ce que celui-ci éprouve sans pouvoir le penser. CONCLUSION Toute conclusion semble ici artificielle. Il me reste à souhaiter, cependant, que le clinicien aura reconnu ici la spécificité d'un tel travail, qui se situe au carrefour de l'entretien clinique, du témoignage et de la consultation thérapeutique. Sa complexité déborde chacune des catégories, mais elle reflète la matière dont elle traite le traumatisme, toujours morcelé, parfois confusionnant. La volonté affirmée de ne pas se cantonner dans un seul registre découle de cette constatation : la nécessité de les articuler ensemble, tout en veillant à repérer, à chaque fois, celui dans lequel on se situe. La réappropriation de soi constitue donc le but premier de tout travail avec les victimes de traumatisme. 155 Karin TEEPE Psychologue thérapeute, Parcours d’Exil L’évaluation interne au centre de soins Parcours d’Exil : le questionnaire et son utilisation Dans le cadre de la législation française récente, les établissements sanitaires et sociaux sont tenus à mettre en place un système d’évaluation interne, qui sera, à terme, croisé avec les données d’une évaluation menée par les services de tutelle financière (DASS ou autres financeurs). anonyme, car il est plus facile de confier que les médecins et les thérapeutes sont mauvais lorsqu’on remplit un questionnaire sur un bout de table qu’en situation d’entretien en face à face. Le questionnaire se présente sous forme d’items, pour lesquels les patients ont le choix des réponses : L’évaluation interne revient à requérir l’appré- ∗ tout à fait d’accord ciation des usagers (ici, des patients) sur l’en- ∗ d’accord semble des prestations fournies par le centre de ∗ neutre soins : ∗ pas d’accord La manière dont ils sont accueillis ; ∗ pas du tout d’accord La gamme de l’offre des soins ; Le déroulement des soins ; et, donc, les questions portent sur : Le ressenti du patient concernant son état de ∗ L’accueil et la prise des rendez-vous ; santé ; ∗ la salle d’attente ; L’amélioration éventuelle suite au traitement. ∗ le temps d’attente ; ∗ l’attitude du personnel (poli, aimable, respecL’équipe de Parcours d’Exil, sous la direction du tueux). Dr Duterte et de Mme de Rengervé directrice financière, a établi un questionnaire se voulant Concernant la satisfaction générale du patient : aussi détaillé que possible sur tous ces aspects. Décrire de façon précise le déroulement de ∗ la qualité du dialogue : utilisation des mots ; soins pour des personnes victimes de mauvais les explications données concernant la maladie et les symptômes ; traitements revient à donner une certaine défi∗ nition de la nature des soins à apporter, et qui la qualité de l’écoute (l’attention portée, la sont à la lisière entre le médical et le psycholo- compréhension, le temps donné) ; ∗ la connaissance spécifique des problèmes liés gique. L’accent est mis, à travers les questions, sur aux mauvais traitements ou tortures. l’accueil et l’ambiance, le temps qui s’écoule entre la demande initiale et l’offre de soins, la Concernant les examens médicaux : compréhension par le patient de l’interlocuteur, ∗ l’attitude du praticien au cours des examens ; la manière dont celui-ci s’exprime pour être ∗ les explications fournies les concernant ; compris —et cet effort va au-delà des questions ∗ des questions concernant le sentiment d’une de la compréhension du français- l’empathie, amélioration possible à venir, et la confiance l’accompagnement des mouvements émotion- dans le futur. nels des patients. Après réflexion, Parcours d’Exil a fait le choix Concernant le traitement médicamenteux : de ne pas distribuer le questionnaire et de le la rapidité de l’amélioration ; laisser remplir anonymement, mais de mettre ∗ le sentiment de soulagement procuré en place une situation d’entretien, lors de la- (spécialement en lien avec les troubles du quelle les patients sont interviewés au moyen sommeil, de la mémoire, des angoisses) ; ∗ la crainte des effets secondaires ; de la passation du questionnaire. ∗ les modalités de prise des médicaments. Ce choix indique que Parcours d’Exil mise sur une évaluation qui permet aux patients une ex- Depuis le début de l’année, j’effectue la passapression et une réflexion sur les soins reçus et tion des questionnaires au centre de soins Pard’apporter des corrections en cas de désadapta- cours d’Exil, à raison d’une demi-journée par tion de l’offre, plutôt qu’un refus ou une criti- mois environ. Avant de poser les questions, je que radicale. En effet, s’il s’était agi prioritaire- fournis une explication aux patients quant à ment de détecter des dysfonctionnements, il l’existence et aux motivations de ce quesaurait peut-être fallu recourir au questionnaire tionnaire : 156 « Parcours d’Exil cherche à évaluer la qualité des prestations qu’elle propose, et les améliorations à apporter. Cette évaluation nous est demandée par les services financiers, dont nous avons besoin pour pouvoir continuer à assurer notre travail, et spécialement la gratuité des soins. Nous vous remercions de nous aider ». Aguerrie par la passation, je m’excuse également d’avance pour les questions qui pourraient sembler faire double emploi. Comme déjà indiqué plus haut, il s’avère que cette méthode de travail sert à priori à apporter des précisions sur ce qui se joue dans le processus et dans la rencontre thérapeutique, et sur ce que les patients viennent chercher au centre de soins, plutôt que de détecter les défaillances. En effet, il est difficile pour les patients de confier à l’intervieweur que la prise en charge n’a pas été adéquate ou n’a pas permis de soulagement de la tension interne. Lorsque c’est le cas, j’ai rencontré deux positionnements : 1. L’interview devient mécanique. Le patient confirme que le médecin ou le thérapeute a utilisé les mots corrects, qu’il s’est senti respecté comme une personne, que le médecin savait ce qu’il faisait, etc. ; mais l’interviewer a le sentiment que le patient dit tout cela pour lui faire plaisir et qu’il s’est abstrait de la relation. Dans ce cas, le patient ne fait aucun commentaire personnel sur les soins reçus ; 2. Le patient met fin brutalement à l’interview, expliquant qu’il a un train à prendre (un long trajet à faire) et qu’il n’a plus de temps ; la réaction est une réaction de panique. Dans ce dernier cas, la réaction s’est mise en place en deux temps : à la question « le docteur m’a posé des questions trop personnelles », le patient a répondu qu’il ne comprenait pas la questions, ensuite, qu’il ne comprenait pas bien le français ; et à la question suivante : « le docteur s’est comporté de façon professionnelle et respectueuse envers moi », le patient déclare qu’il doit partir. La satisfaction des patients se lit, pour moi, dans leur capacité à réagir de façon personnelle à ce questionnaire. Souvent, la première attitude reflète une curiosité amusée, et ensuite, le questionnaire est pris comme support de réflexion pour partir sur des associations et des modelages personnels. Exemple : dans la première mouture du questionnaire, beaucoup plus longue que la version actuelle, la première question était : « Il est facile d’arriver au centre de soins ». Un des patients, habitué du centre de soins, répond : « Oui, c’est très facile » et ajoute, en guise d’explications, qu’il n’a pas de difficultés pour prendre les transports en commun – et puis, il hésite, réfléchit, sourit et dit : « Sauf la première fois », ce qui renvoie à la difficulté psychologique de venir pour de tels soins ; difficulté qui se traduit par exemple par une hésitation sur le trajet à prendre, l’oubli du chemin, l’erreur d’itinéraire, etc. Il est intéressant que les patients réagissent de la sorte : à l’effort de descriptif de la relation thérapeutique fourni par le centre de soins répond l’effort de définition du patient : en quoi consiste le soin ? Du coup, ces patients ont plaisir à parler « de l’autre », du docteur, du thérapeute. Souvent, ils arrivent à des formulations comme « le docteur est comme un père pour moi » qui sont des redéfinitions des items : « Je me suis vraiment senti compris par le docteur » ; ou : « Le docteur m’accepte vraiment comme une personne ». On trouve là une reformulation de l’exigence d’une empathie véritable et particulière du thérapeute avec les victimes de traumatismes. Sàndor Ferenczi le premier avait souligné cette nécessité dans son écrit de 1936 Confusion de langues entre l’enfant et l’adulte. L’empathie en question ne concerne pas seulement les traumatismes subis, mais doit s’étendre aux symptômes, aussi embêtants et aussi entêtants soient-ils. Afin de faire toucher du doigt la difficulté de cette empathie avec ces symptômes, Ferenczi avait parlé de l’ « hypocrisie professionnelle », qui guette le thérapeute ou le travailleur social. La phrase « Le docteur est comme un père pour moi » revient comme réponse par les patients pour l’ensemble des items visant le soutien apporté par le thérapeute. Chez d’autres patients encore, les symptômes prennent le pas sur le reste, tel le couple qui vient afin d’obtenir des attestations sur leur état de santé à la suite des persécutions, afin de les produire devant les autorités : M. est mécontent d’avoir essuyé un refus et essaye de me persuader qu’il n’y a que cela qui pourra les aider ; Mme est absente à elle-même, elle ne peut que veiller sur le bébé dans son giron, elle m’explique qu’elle ne comprend pas bien le français et qu’elle a déjà oublié ce qui s’est dit dans le cabinet du docteur, alors l’évaluation... ? Ainsi va l’évaluation : quand elle réussit, elle est peut-être d’abord une question de définition d’identité que les mauvais traitements ont tenté de ravir aux patients. 157 Pierre Courcelle ACAT Service Asile Je vais vous donner mes impressions de quelqu’un qui reçoit tous les jours des demandeurs d’asile. Qu’est-ce que nous pouvons faire, qu’est-ce que nous essayons de faire ? La première chose que je constate : je dirai tout simplement que parmi les demandeurs d’asile, effectivement, nous avons une forte proportion de gens qui ont subi la torture ou des violences très fortes comme au moment des guerres du Rwanda et des guerres du Congo. Mais nous recevons des gens qui ne viennent pas de CADA, nous ils sont chez leur famille, des amis, etc. … La première chose qui me paraît importante pour nous qui les recevons, c’est d’abord de les écouter. Je pense et c’est l’impression que nous avons lorsque nous les recevons après qu’ils aient été à l’OFPRA par exemple, ils ne sont pas écoutés. On ne les laisse pas parler. Lorsque l’on regarde les comptes-rendus d’entretien à l’OFPRA, il y a une série de questions auxquelles on répond et il faut tout de suite passer à l’autre. Et je leur dis : « tu n’as pas dit ça ? » et on me répond : « on ne m’a pas posé la question et on ne m’a pas laissé parler ». Et cela, je crois qu’il faut le dire, parce que j’ai trop entendu cette réponse-là pour être à peu près convaincu que domine ce que j’appellerai la « culture du résultat ». C'est-à-dire un jeune officier de protection qui a claqué la porte, le directeur de l’OFPRA lui avait dit « vous serez jugé au nombre de dossiers que vous traitez », c'est-à-dire « au nombre de rejets que vous traitez », il ne faut pas s’y tromper. [Les demandeurs d’asile] sont sans doute un peu mieux entendus à la cour nationale du droit d’asile [CNDA], surtout s’ils ont un bon avocat pour présenter leur thèse après l’étude, l’écoute du rapporteur. La première chose que nous avons à faire, c’est les écouter, leur donner la parole et après les aider, par exemple à faire un récit le plus cohérent possible ; [c’est] que nous pouvons faire soit pour des primo-arrivants ou pour préparer l’entretien à l’OFPRA ou l’audience à la commission. Ce qui me frappe et qui nous frappe tous, [c’est qu’] ils ne sont pas entendus et nous avons à palier ce manque. La deuxième chose que je remarque, c’est que des violences très fortes, très importantes, qui sont connues d’ailleurs [ne sont pas reconnues aujourd’hui] parce qu’elles sont « trop ancien- nes ». Je connais assez bien le [cas] des Mauritaniens parce que j’en ai reçus beaucoup et je citerai un cas que je connais très bien : c’est une jeune femme qui a été violée à 13 ans, [qui] a vu sa mère tuée devant elle après qu’on lui ait coupé les oreilles et elle avait vu son père décéder au Sénégal après avoir été battu à mort. A l’OFPRA, on lui a dit « ce que vous demandez, c’est pour votre amélioration de vie ; si vous voulez, entre nous, vous êtes une demandeuse d’asile économique », devant la commission on lui a dit « mais c’est trop ancien ». j’ai tout de même l’impression qu’on ne guérit pas facilement de chose de ce genre, on ne guérit pas et je pense que le traumatisme peut toujours être là. Mon impression [est que] depuis 3, 4 ans où l’on pousse à la rapidité des [études des] cas, je dirais que le temps administratif et judiciaire ne doit pas correspondre du tout au temps des soins. Et alors je me demande comment faire. Nous avons entendu, vous savez par qui, qu’on pourrait examiner normalement une demande d’asile en un mois. C’est quelqu’un qui n’a jamais vu un dossier de demande d’asile et qui n’a jamais reçu un demandeur d’asile. Comment faire que ces gens qui sont sous la procédure et qui savent bien que « c’est pas gagné d’avance », comment pouvons nous parler de reconstruction des gens dans cette optique ? Et comment parler de reconstruction après qu’on ait reçu dans cette procédure judiciaire une décision qui dit finalement - le décriptage n’est pas difficile - « vous avez menti, vous avez fraudé, vous nous avez raconté des histoires ». Même si on dit oui par exemple, se termine dans un certificat médical qui n’infirme pas l’analyse qu’on trouve dans les décisions dans la cour nationale du droit d’asile. Comment peut-on parler d’une reconstruction après cela ? Je laisse la parole aux spécialistes parce que je ne sais pas y répondre. Je voudrais dire enfin [ceci :] avec nos procédures, nos zones de rétention, la menace permanente d’une reconduite à la frontière, beaucoup sont dangereuses. Je voudrais bien savoir d’ailleurs d’une façon précise, comment ça se passe et quelles sont les instructions données aux policiers d’escorte. Est-ce que nous ne pratiquons pas nous même officiellement la torture à la Kafka ? Il faut relire Le procès. 158 Danielle Mérian Parcours d’Exil Avocate honoraire A une juriste, à une avocate, on ne peut deman- Conditions matérielles d’accueil et soins de sander que d’interroger les textes. té Article 13-2 alinéa 1 : « garantir un niveau de C’est en effet en s’appuyant sur la lettre de la vie adéquat pour la santé » loi que nous devons exiger l’application de celalinéa 2 : « garantir dans le cas de le-ci. personnes ayant des besoins particuliers, - Que dit la directive européenne pour ce qui conformément à l’article 17, ainsi que dans le intéresse notre réflexion ? cas de personnes placées en rétention. » - Que dit la loi française ? - Pourquoi la société civile doit-elle requérir Article 14-2 in fine : « Les Etats membres accorl’application de la loi ? dent une attention particulière à la prévention Ce qui existe, et ce qui doit être soutenu : de la violence à l’intérieur des locaux et des - Une proposition française sur la reconnaissan- centres d’hébergement. ce précoce des victimes de torture. Ceci implique des soins précoces pour des mala- Comment l’intégrer au processus du droit d’a- dies mentales induites par la torture. » sile ? Article 14-5 : « Les personnes travaillant dans 1. QUE DIT LA DIRECTIVE EUROPEENNE qui éta- les centres d’hébergement ont reçu une formablit des “normes minimales” d’accueil des de- tion appropriée et sont tenues par le devoir de mandeurs d’asile ? confidentialité. » Les « considérants » : - mettre en place...un espace de liberté, de 2. QUELLE APPLICATION EN DROIT FRANCAIS ? sécurité et de justice ; La formation appropriée est citée comme antérieure à la directive. C’est dire son importance - maintenir le principe de non-refoulement ; - garantir le plein respect de la dignité humai- et sa nécessité. La confidentialité crée la ne ; confiance et délie la parole si le travailleur social a, avant tout échange, expliqué le secret - garantir un niveau de vie digne ; professionnel auquel il est tenu sans dérogation. - évaluer régulièrement la mise en œuvre. Pour ce qui nous intéresse, ces normes impliquent de : 1/ dispenser des soins aux victimes de torture, 2/ garantir l’asile à des personnes ayant réellement subi des persécutions et n’ayant pas été torturées. Les DISPOSITIONS GENERALES Information Article 5-1 alinéa 1 « Les Etats membres informent...les demandeurs d’asile, dans un délai...n’excédant pas quinze jours après le dépôt de leur demande d’asile...des avantages dont ils peuvent bénéficier. » Soins de santé Article 15-1 : « les soins médicaux nécessaires...comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. » Il appartient à la société civile de faire admettre comme soins urgents le traitement des personnes torturées. Article 15-2 l’assistance demandeurs Où sont les Etats ? « Les Etats membres fournissent médicale ou autre nécessaire aux ayant des besoins particuliers. » centres de santé financés par les Personnes ayant des besoins particuliers Article 5-1 alinéa 2 : « y compris les soins médi- Article 17-1 : « Les Etats membres tiennent compte de la situation particulière des personcaux. » nes vulnérables (mineurs, handicapés, femmes Article 5-2 : « par écrit...dans une langue dont enceintes...) et les personnes qui ont subi des ils ont une connaissance suffisante. Le cas tortures, des viols ou d’autres formes graves de échéant...oralement. » violence psychologique, physique ou sexuelle. » Article 17-2 : « ne s’applique qu’aux personnes dont les besoins particuliers ont été constatés après une évaluation individuelle de leur situation. » 159 Aujourd’hui cette évaluation individuelle d’accueil des demandeurs d’asile, ainsi que sur pour chaque demandeur d’asile reste lettre les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de morte. l’aider ou de l’informer sur les conditions d’accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins Mineurs Article 18-1 : « L’intérêt supérieur de l’enfant médicaux. Une transposition à ce point a minima est-elle constitue une considération primordiale. » Article 18-2 : « Les Etats membres font en sorte encore une transposition ? que les mineurs qui ont été victimes de toute Il n’est pas question des avantages, ni d’une forme d’abus....aient accès à des services de évaluation individuelle, ni de constatation réadaptation...que soient dispensés des soins de de soins urgents pour des personnes vulnérables santé mentale appropriés et que les victimes ayant été torturées, ni de formation pour les autorités et autres organisations eu égard aux aient accès...à un soutien qualifié. » besoins des demandeurs d’asile des deux sexes. Mineurs non accompagnés Article 19-1 : « les autorités compétentes procèdent régulièrement à une appréciation de la 3. POURQUOI LA SOCIETE CIVILE DOIT-ELLE REQUERIR L’APPLICATION DE LA LOI ? situation de ces mineurs. » Article 19-4 : « Le personnel chargé des mineurs L’illustration par le dernier décret français du a eu ou reçoit une formation appropriée concer- peu de cas fait d’une transposition réelle d’une directive européenne déjà molle (rédigée d’une nant leurs besoins. » manière vague et générale) démontre que les associations de défense des droits humains doiVictimes de tortures ou de violences Article 20 : « si nécessaire les personnes... re- vent inviter leurs militants à mener des campaçoivent le traitement que nécessitent les dom- gnes pour l’application effective des termes de la directive : le financement par l’Etat de cenmages causés. » tres de santé pour soins urgents aux personnes Système d’orientation, de surveillance et de vulnérables qui doivent bénéficier d’une évaluation individuelle faite par des agents ayant reçu contrôle Article 23 : « (…) que le niveau des conditions une formation appropriée. d’accueil fasse l’objet d’orientations, d’une CE QUI EXISTE ET CE QUI DOIT ETRE SOUTENU surveillance et d’un contrôle appropriés. » Il existe en France quelques centres privés de santé soignant des personnes torturées, homPersonnel et ressources Article 24-1 : « Les autorités et les autres orga- mes, femmes et enfants. Ils devraient être subnisations...bénéficient de la formation de base ventionnés par l’Etat. utile eu égard aux besoins des demandeurs d’aUNE PROPOSTION FRANCAISE SUR LA RECONsile des deux sexes. » Article 24-2 : « Les Etats membres allouent les NAISSANCE PRECOCE DES VICTIMES DE TORTURE ressources nécessaires à la mise en œuvre des Le projet de questionnaire de reconnaissance dispositions nationales prises aux fins de la précoce de victimes de traumatisme proposé par l’association Parcours d’Exil constitue une transposition de la ...directive. » facette possible de l’application effective de la directive aux survivants de torture. QUE DIT LA LOI FRANCAISE ? La directive du 27 janvier 2003 prévoyait la transposition dans les lois nationales pour le 6 4. C’est un projet en direction des travailleurs sofévrier 2005. L’Etat français aura attendu le 23 août 2005 ciaux des centres d’accueil des demandeurs d’apour prendre un décret modifiant les conditions sile qui a pour objet de leur permettre de repérer les victimes de traumatisme, ces victimes d’entrée et de séjour en France des étrangers. Le seul titre du décret dit le peu de cas qui est qui ont tant de mal à évoquer ce qu’elles ont fait du demandeur d’asile, même si ce droit fon- subi, pour les orienter vers des structures apdamental figure au préambule de la Constitu- propriées. tion. La transposition se limite à l’article 13 du décret qui prévoit la remise à l’étranger (qui n’est pas dénommé demandeur d’asile) un document d’information sur ses droits et sur les obligations qu’il doit respecter eu égard aux conditions 160 COMMENT INTEGRER UN TEL QUESTIONNAIRE AU PROCESSUS DU DROIT D’ASILE Ce questionnaire devrait avoir une double finalité : 1/ d’abord permettre de soigner rapidement des personnes en souffrance pour leur permettre de se reconstituer, 2/ constituer une voie d’orientation qui permettra d’établir un certificat médical constituant un élément de preuve pour un officier de protection. Mais ce questionnaire — qui n’a pas pour finalité de poser un diagnostic mais de permettre un repérage urgent de soins pour la victime— devrait pouvoir être utilisé non seulement par les travailleurs sociaux des centres d’accueil des demandeurs d’asile mais par toute personne dont la fonction est d’entrer dans une relation de confiance avec le demandeur d’asile, à savoir : ∗ les officiers de protection de l’OFPRA (office français pour les réfugiés et apatrides) qui doivent être formés ; ∗ les avocats dont la mission est d’être la voix des sans voix ; ∗ les militants des organisations humanitaires qui reçoivent des demandeurs d’asile et les aident à constituer leur demande de statut de réfugié politique. Les personnes qui en aucun cas ne devraient se saisir de ce questionnaire sont les forces de police aux frontières. En aucun cas le questionnaire ne devrait permettre à la police des frontières de faire un tri entre ceux que l’on pourrait repérer comme survivants de torture et les autres demandeurs d’asile qu’on expulserait. On peut relever du statut de réfugié politique sans avoir été torturé mais menacé sérieusement de mort, l’avocat en Colombie, le journaliste en Algérie, pour citer des métiers à haut risque. Etre mis dans l’impossibilité absolue d’exercer son métier justifie une demande d’asile et un processus de reconnaissance précoce des victimes de torture ne doit pas être détourné aux frontières pour expulser ceux qui n’auraient pas été torturés. 161 Monique Végéga FNARS Picardie Il m’a été demandé d’intervenir autour des implications d’une reconnaissance précoce des victimes de torture. Et comme je ne suis pas toujours très disciplinée, j’ai choisi de plutôt l’aborder sous un autre angle, à savoir quelles sont les implications d’une non-reconnaissance précoce des victimes de torture, en appuyant ce que j’ai à vous dire sur un exemple précis qui est celui de la région picarde où j’interviens moi depuis une vingtaine d’années auprès des demandeurs d’asile. D’abord en tant qu’assistante sociale, ensuite en tant que chef de service et aujourd’hui je représente la FNARS, qui entre autres a pour objectif de réfléchir, de faire des propositions autour des différentes problématiques qui concernent aujourd’hui les demandeurs d’asile. Ce que j’ai envie de dire aujourd’hui, qui a déjà été dit a plusieurs reprises, c’est qu’on œuvre dans un cadre de plus en plus [restreint], de fait que dans cet Etat, peut-être pas toujours respectueux des droits de chaque individu présent sur son territoire, on est en région picarde soumis comme beaucoup d’autres à différentes contraintes. Et je voudrais dire que l’on sait à peu près ce qui convient de faire auprès de demandeurs d’asile, pour l’avoir mis en place petitement dans les années précédentes puisqu’on avait connu la grande époque des multiplications de places de CADA (on est passé de 30 places à 268 au début des années 2001). On a eu la possibilité de mettre en place une plate-forme d’accueil des primo-arrivants, qui réunissait sur un même lieu, même si c’était encore mal construit, ce fameux caravansérail dont parlait Pierre Duterte, où nombre de gens intervenaient, où beaucoup de demandeurs d’asile arrivaient. Au moins ils étaient accueillis et par rapport à ce qui nous préoccupe ensemble aujourd’hui, on avait eu la possibilité de travailler en lien avec Parcours d'Exil. Plusieurs thérapeutes intervenaient, le docteur Pierre DUTERTE intervenait également, ce qui permettait aux travailleurs sociaux de se consacrer à la mission qui est la leur, à savoir l’accompagnement du quotidien, tenter d’offrir à chacun les conditions vitales, de réunir les conditions de première nécessité, hébergement, alimentation, etc. et puis l’accompagnement du dossier de procédure, tandis que les thérapeutes de Parcours eux-mêmes traitaient tout ce qui a trait au traumatisme, ce qui permettait à chacun d’avoir une vision claire de sa mission et à chaque demandeur d’asile de se sentir accueilli, écouté dans des espaces différents et de fait de pouvoir avoir deux espaces de parole différents, deux espaces d’écoute différents, qui au bout du compte faisait (…) qu’on produisait beaucoup moins de faux déboutés, puisqu’avec le soutien des thérapeutes de Parcours, les travailleurs sociaux pouvaient réellement travailler sur la demande d’asile sans craindre d’outrepasser leurs limites, leurs compétences et de se consacrer à la mission qui est la leur. Aujourd’hui, on est dans un cadre où le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile a été régionalisé (…). La plate-forme d’accueil picarde a été fermée, faute de moyen et en raison de la décision du préfet de région qui a été de régionaliser et d’accroître les moyens d’une autre plate-forme qui existait déjà dans l’Oise. La plate-forme de la Somme a été fermée, on en a plus aujourd’hui qu’une seule (…) basée dans une autre ville (…) Beauvais, qui certes a été dotée de moyens un petit peu complémentaires, mais pas suffisamment pour contrebalancer ce qu’on a perdu dans le département de la Somme. Donc aujourd’hui, à l’accueil des primoarrivants, il y a un département qui est en charge d’accueillir, il n’y a plus de suivi thérapeutique, il n’y a pas les moyens. Et la mission de la plate-forme est uniquement l’orientation vers les CADA. Pierre Duterte posait tout à l’heure la question, évoquait le fait de la nécessité de repérer les victimes de torture, pas forcément pour les qualifier. Parce qu’on n’entre pas dans la catégorie des victimes, aujourd’hui on est dans un contexte où les demandeurs primoarrivants, dans un premier temps n’entrent pas dans la catégorie des gens qui peuvent être correctement accompagnés, hébergés, puisqu’en parallèle les crédits d’urgence ont subi des diminutions drastiques. Et de ce fait, on se pose de la même manière que vous vous posez la question de la limite du soin et de la maltraitance ; en tant qu’acteur auprès des demandeurs d’asile à un autre niveau, on se pose souvent la question de la limite entre l’accompagnement et l’exclusion qu’on génère [soi-même] quand on accepte de les accueillir. Ceci étant dit, il me semble que la reconnaissance précoce des victimes de torture doit se faire dès l’entrée ou à défaut, qu’elle doit se travailler dès l’arrivée en CADA de manière à aussi pouvoir d’emblée, au moment où les travailleurs sociaux vont tenter d’accompagner les dossiers de demande d’asile, [assurer] la constitution des récits de vie qui doivent être joints à chaque demande d’asile. 162 On veut une reconnaissance précoce de manière à pouvoir aussi offrir un accompagnement adapté. Aujourd’hui on voit arriver dans les CADA des gens qui sont à quatre ou cinq jours du dépôt limite de leur demande d’asile, dans la mesure où les plates-formes d’accueil ne sont plus en charge de l’accompagnement des procédures. On n’a pas la capacité dans les CADA à avoir ce travail dès l’entrée, il faut arriver à l’anticiper comme cela se faisait précédemment.(…) Tout à l’heure on parlait de la circulaire du 24 juillet qui régit maintenant les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, impose aussi aux gestionnaires du CADA maintenant de re-signer une nouvelle convention et on est nous aussi gestionnaire de CADA confronté à cette vraie question qui est : accepte-t-on ou n’accepte-t-on pas de conventionner avec l’Etat, entre-t-on ou n’entre-t-on pas dans le dispositif tel qu’il se conçoit actuellement ? Donc moins on va se donner les moyens d’accompagner le demandeur d’asile vers le statut de réfugié (vont-ils ou non entrer dans les fameux critères de définition du statut de réfugié ?),et plus on fournira de « faux déboutés », plus on aura de gens dans la rue. Ma vraie question n’est pas tellement de savoir quel protocole, quel questionnaire il faut mettre en place puisque je pense qu’on sait déjà à peu près comment on devrait fonctionner. Je pense que les gestionnaires de CADA ont pour beaucoup conscience que leurs travailleurs sociaux même formés ont des limites et qu’il est absolument nécessaire de travailler en parallèle avec des associations telles que Parcours d’Exil, on sait à peu près bien qu’il faudrait mettre en place un travail en parallèle et [en] complémentarité entre les travailleurs sociaux et des thérapeutes pour que le demandeur d’asile puisse avoir les bons espaces de parole qui lui permetEn particulier, la FNARS a mené un travail de tent de mettre en avant ce qui dans son parréflexion autour de cela, a tenté [de convain- cours de vie [et ceci] relève de ces fameux cricre ] les gestionnaires de CADA à ne pas [se] tères de la convention de Genève. conventionner ; de fait le dispositif d’accueil est traversé [par des courants] contradictoires et Ma vraie question à moi c’est plutôt : quels moyens a-t-on de lutter [contre] cette volonté chacun fait un peu comme il le souhaite. affichée par l’Etat actuellement de traiter les Je voulais parler de la précarisation du dispositif choses au plus vite, au plus court, sans prendre lui-même [de la demande] d’asile puisque cette en compte les réels besoins des populations circulaire met l’accent sur la gestion de la sor- qu’on nous demande d’accueillir ? tie, et ce que nous demandent nos représentants étatiques est véritablement de travailler à la sortie. Pour le reste je vais le dire assez brutalement, ils n’en ont rien à faire : le respect du droit d’asile n’est pas leur problème. Tout ce qui aujourd’hui est demandé de manière précise, autoritaire et pressante aux gestionnaires de CADA, c’est de correctement gérer la sortie de façon à pouvoir, nous disent-ils, effectivement faire rentrer les demandeurs d’asile qui en ont besoin. Mais le demandeur d’asile jusqu’au bout du parcours est placé dans une vraie situation de précarité. Puisqu’il est demandé aux gestionnaires de CADA de se conformer à la loi, donc de sortir un débouté avec qui on a peut-être travaillé pendant des mois, voire pour certain des années, dans le délai d’un mois, on se heurte là encore à un Etat qui nous demande tout et son contraire : « sortez-les donc, sortez-les dignement » mais sortez-les dignement vers le dispositif d’hébergement généraliste puisque les CADA sont financés par le ministère de l’Immigration que chacun connaît et que ce même ministère nous demande de le sortir vers le dispositif d’hébergement généraliste qui n’a pas les moyens de cela. 163 Annexes I. Liste des participants II. Biographies des intervenants III. A propos de Parcours d’Exil 164 Annex I. Participants listing II. Speakers biographies III. About Parcours d’Exil 165 I. Liste des participants I. Participants listing 166 Intervenants (par ordre d’intervention) : ZIMERAY François Ministère affaires étrangères ECRE Ambassadeur pour les droits de l’Homme Chercheur McDONOUGH Paul MESSARITI Xenia TREMBLAY Belgique Policy Officer Belgique Philippe European Commission-Asylum unit APT Programme officer Suisse ANDRE Mathieu Forum Réfugiés Affaires européennes France GUARDIOLA Jean-Pierre Ministère de l'Immigration Catherine CERI/CNRS Chef du service asile France Directrice de Recherche France Eric Chef d'escadron France Médecin Directeur France WIHTOL DE WENDEN PANLOUP France DUTERTE Pierre Ministère Intérieur (DAV) Parcours d’Exil BROUSSE Martine La Voix de l'Enfant Directrice France DE RADIGUES Laetitia IRCT Belgique BOUMEDIENNETHIERRY DE BAUCHE Alima Sénat Chef de bureau de Bruxelles Sénatrice France Laurence ODYSSEUS Chercheur Belgique RONSIN Xavier ATTUIL Sophie République Française OFPRA HONINCKX Mia FEDASIL CPT-Procureur de la Répu- France blique Affaires juridiques et inFrance ternationales Coordinatrice médicale Belgique SYDHOFF Brita IRCT Secrétaire général Danemark DORU Camelia ICAR Foundation Fondatrice Roumanie SUBILIA Laurent Hôpitaux Genève Médecin Suisse VLOEBERGHS Erick PHAROS Affaires internationales Pays-Bas HARDI Lilla Médecin directrice Hongrie LANCINO Sylvie Cordelia Foundation ANAEM NICOLAS Yves ADOMA-CADA Caen Chef d'établissement France WAINTRATER Régine France TEEPE Karin COURCELLE Pierre Université Paris VII Psychologue, thérapeute familiale Parcours d'Exil Psychologue - psychothérapeute ACAT Service asile France MERIAN Danielle Parcours d'Exil France VEGEGA Monique FNARS Picardie France Avocate honoraire France France 167 Participants (par ordre alphabétique) ADDOU AFARKI AIT SISELMI ALAVERDYAN AMALIR ARROUVEL AUDIGIER BA BADER BASSEVILLE BEDIN BILIETTE BOISSEAU BOREIL BOS BOYER-EDELINE BRIK BUJURIRI Leila Abderrahim Nadir Larisa Stéphane Hervé Laure Ciré Jean-Pierre Valérie Karine Erika Stéphanie Florence Hanno Christine Nacera Emmanuel BUSSE CASTELLI CHARAIX CHERBONNET COLLAVET CRESP CRETIEN CUREAU DANIEL DANTOVIC DECASTILHO DE RADIGUES DE RENGERVE DHORDAIN DIAB DIELS DJEGA-MARIADASSOU DUPUY ERARD EVERAERE FERTON FESCHAREK GIRAULT GOMEZ GOURET GUEROT GUILLOT HAMON HAQUART HEAU HERT HOFTIJZER HOLST HUARD Maria-Gladys Corine Sébastien Jean-Baptiste Ingrid Jean Véronique Delphine Dominique Isabelle Laetitia Hélène Carol Mohammed Tea Colette Olivier Nicolas Vanessa Emilie Nicolas Isbel Maria Cécilia Véronique Estelle Catherine Véronique Elise Emmanuel Florence Annelies Erick Françoise Plaine Commune FRANCE FRANCE CNDA FRANCE Foundation against violation of law ARMENIE Fondation MASSE TREVIDY FRANCE CADA PSTI FRANCE CADA AFTAM FRANCE APTM FRANCE FRANCE Croix-Rouge française FRANCE CADA ADOMA FRANCE Croix-Rouge française FRANCE UNHCR France FRANCE ACAT France FRANCE De Waal & Zumpolle Advocaten NETHERLANDS FRANCE CADA Croix Rouge FRANCE Sauvegarde de l'enfance & de l'adolescen- FRANCE ce des Yvelines Société EXIL BELGIQUE Croix-Rouge française FRANCE Croix-Rouge française / CADA FRANCE CADA Croix Rouge FRANCE CADA DROME ADOMA FRANCE Parcours d’Exil FRANCE AFTAM CPH FRANCE CADA ADOMA FRANCE Société EXIL BELGIQUE FRANCE AFTAM SAO35 FRANCE IRCT BELGIQUE Parcours d’Exil FRANCE CADA ADOMA FRANCE Forum Réfugiés FRANCE Parcours d’Exil FRANCE AHPP - Hôpitaux Paris FRANCE Croix-Rouge française FRANCE ADOMA CADA Cébazat FRANCE AMLI Action Sociale FRANCE CADA Croix Rouge FRANCE UNHCR France FRANCE Parcours d’Exil FRANCE ACAT France FRANCE AFTAM FRANCE ADOMA FRANCE CADA ADOMA FRANCE CADA Caen FRANCE Forum Réfugiés FRANCE Parcours d’Exil FRANCE ADOMA Leo Delibes - Le Havre FRANCE De Saen Advocaten NETHERLANDS ICAR ROUMANIE 168 CADA Quimper FRANCE JAN JEREMIC-HEAU JONQUERES JURGUES KALFON KHIAT KHUTSISHVILI LAROQUE LASERNA RICHART LATTES LAUNEY LEBLEVEC LECONTE LEGER LEGOUHY LENICA LELLOUCHE LEMETAYER LHERMITTE LLOBREGAT LOVE LUCET MARANGOU MARCEL MARCHAL MARKOLAN Maud AFTAM Olivier Myriam René Rachida Lika Christine Amparo Lucie Angie Alexandra Juliette Cendrine Jean Maia Frédérique Anne Caroline Yves Hélène ADOMA AMLI Action Sociale CADA PSTI ADOMA Leo Delibes - Le Havre CAAR (Comité Aide aux Réfugiés) ACAT France Parcours d’Exil CADA ADOMA CADA Caen CADA Quimper France Terre d’Asile Délégation aux victimes (DAV) CADA Langeac AFTAM ACAT France AFTAM AFTAM Parcours d’Exil Olympia Cécile Emilie Chakiba MASTAR MATTHYS MAURICE MEILLIEZ MENDY MERIAUX MOUREAUX MURCIA OTTET PAMBO LOUEYA PETREAU POLIVKA POLSTER PONDAAG POULAIN RAMIREZ REDRON ROBERT ROBIN ROSENFELD RUTENA SAINT-GIRONS SALCIC Abdelhouahad Christine Odile Catherine Laetitia Michel Isabelle Elisabeth Michel Martine Nicole Nadia Cyndie Thelma Tiffany Carolina Gaëlle Véronique Marie Anouk Buyembo Sylvain Dubravka SARRE SCARDIGLI SERAIN Fanny Sandrine Stéphanie SFAR TENG TIMMER TOUTAIN TRAYNARD UWAMAHORO VACONDIOS VELLENGA-V.NIEWWKERK VUYLSTEKE WIENER ZWART Rached Jenny Mariette Monique Marie-Therese Chantal Yiannis Loes Claire Charlotte Ellen FUTURE WORLDS CENTER ACAT France Croix-Rouge française Association pour le soutien aux victimes de violence CADA Vierzon CADA AFTAM La Voix de l'Enfant ADOMA CADA Pierre Bayle Parcours d’Exil AMLI Action Sociale EXIL Medical Examination Group CADA Nord 77 ELISA-ASILE AFTAM - Unité territoriale de la Somme France Terre d’Asile CAAR (Comité Aide aux Réfugiés) ADOMA VERRIPS & PONDAAG Advocaten ADOMA Université CADA Croix Rouge UNHCR France CADA Quimper AFTAM APARDAP CADA Croix Rouge Association for Rehabilitation of Torture Victims - Centre for Torture Victims Sarajevo CADA AFTAM Parcours d’Exil Sauvegarde de l'enfance & de l'adolescence des Yvelines ADATE Companie L'A ITINERAIRES APARDAP APTM Parcours d’Exil Law Firm 169 Société EXIL CAAR (Comité Aide aux Réfugiés) Lawyer office Kranendonk & Meindersma FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE CHYPRE FRANCE FRANCE SUISSE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE BELGIQUE FRANCE SUISSE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE NETHERLANDS FRANCE France FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE BOSNIA & HERZEGOVINA FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE NETHERLANDS FRANCE FRANCE FRANCE FRANCE NETHERLANDS BELGIQUE FRANCE NETHERLANDS II. Biographie des intervenants 170 II. Speakers biographies 171 Alima Boumediene-Thiery Juriste internationale, issue de l’immigration, elle est docteur en socio-économie et possède un DEA de droit public international et d’économie et société, un DEA de socio-économie du développement, un DESS de droit administratif et un DESS de politiques publiques locales. Dès la fin des années 1970, elle a commencé à s’investir particulièrement dans la vie associative concernant l’immigration en France puis en Europe, et a été également responsable de diverses associations de femmes et solidarité. Elle a participé notamment à la marche contre le ra- cisme et pour l’égalité des droits en 1983, puis à la caravane de la citoyenneté, pour le droit de vote en 1985. Depuis, sa « marche » continue : manifestations, grève de la faim, occupation des lieux, rencontres, débats, actions diverses, privilégiant toujours l’action associative. En 1995, elle est élue pour la première fois sans étiquette politique dans sa ville natale - Argenteuil - à l’occasion des élections municipales. En 1998, elle décide de rejoindre le parti des Verts. Députée européenne de 1999 à mars 2004, elle est élue sénatrice en 2004. Martine Brousse Ancien administrateur de la fondation d’entreprise du groupe Suez et de la fondation Lauréus France dont les actions sont tournées vers l’enfance, la directrice de La Voix de l’Enfant est membre depuis 1986 de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, rattachée au premier ministre, et co-présidente de la sous-commission Education aux droits de l’Homme. Parmi ses nombreuses activités, il faut noter la mise en place d’un programme de santé et d’éducation en Pologne (1982), la prépara- tion d’un programme de santé et d’éducation pour des enfants vivant en milieu rural à Madagascar (1987) et la création d’une cellule d’urgence et d’un premier numéro vert national pour les signalements d’enfants victimes de maltraitance (1988). Elle assure également des formations sur la protection et la défense des enfants ainsi que sur les droits de l’Enfant. Pierre Courcelle Il est la figure emblématique du service asile de l’ACAT-France. Né en 1922, juriste de formation, il reçoit les demandeurs d’asile à l’ACAT depuis 15 ans. Son parcours militant commence dès les années 60. Au CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) dès 1960, il est déjà très attentif aux problèmes du tiers-monde. En ce sens, l’œcuménisme de l’ACAT correspond à ses convictions et dès 1974 (année de création de l’ACAT), il s’engage. Au fil des années, son militantisme s’affine ainsi que ses prises de position. La fin des années 80 connaît une recrudescence des demandeurs d’asile en France. Il défend leurs droits et en 1993 commence à recevoir des demandeurs. Laurence De Bauche Diplômée d’un mastère en droit de l’Université Libre de Bruxelles ainsi que d’un mastère en ressources humaines de la Sorbonne à Paris, elle a commencé sa carrière comme avocate au barreau de Bruxelles, qu’elle a quitté pour rejoindre le cabinet du ministère de l’Education de la communauté française de Belgique. En parallèle, elle a travaillé comme assistante à l’université de Bruxelles. Durant les deux dernières années, elle s’est orientée vers le droit concernant l’immigration et le droit d’asile. Elle a ainsi été co-auteur de deux rapports du réseau Odysseus au nom de la Commission Européenne, en évaluant la transposition dans le dispositif législatif des Etats membres de la directive du 27 janvier 2003 relative aux conditions minimum d’accueil des demandeurs d’asile. Elle a également coordonné l’étude d’Odysseus pour la Commission européenne évaluant la transposition dans les Etats membres de dix directives concernant l’immigration et le droit d’asile. En décembre 2008, elle prendra la responsabilité d’une étude pour le fonds européen aux réfugiés concernant l’identification des personnes vulnérables parmi les demandeurs d’asile. Camelia Doru Diplômée d’un master de la faculté de médecine de l’université de Bucarest et spécialiste en soins intensifs et en anesthésie, elle est impliquée activement dans des actions pour la démocratie pendant et après la révolution de 1989. En 1991, elle crée la fondation ICAR, qui a ouvert le premier centre de réhabilitation pour victimes de torture de Roumanie à Bucarest en 1993 ; elle a ouvert d’autres centres similaires à Iasi (1995) et Craiova (1998). Ces centres étaient initialement dédiés à l’assistance médi- cale et psychologique pour les anciens prisonniers politiques ; depuis récemment, ils prennent en soins également des victimes de torture parmi les demandeurs d’asile et réfugiés. Depuis 1997, elle est membre actif du conseil pour l’IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims) : entre 2003 et 2005, membre du comité exécutif, elle a été vice présidente de 2003 à 2004. En 2006, elle est devenue membre du Bureau de l’institut gouvernemental pour l’enquête sur les crimes du communisme en Roumanie. Distinctions : élevée à l’Ordre de Chevalier de la légion d’honneur en 2002 ; a reçu les insignes de l’Ordre national du mérite en 1993. 172 Alima Boumediene-Thiery International lawyer, child of an immigrant family (Maghreb), she has obtained many diplomas: DEA (Master’s) in international public law and economy/society, DEA in socio-economy of development, Doctorate of socio economy and Master’s in administrative law and local public policies. At the end of 1970, she began to be particularly involved in community life regarding immigration in France then in Europe, and was also responsible of various associations dealing with women and solidarity. She took part to the "Walk against racism and for equal rights” in 1983, and in 1985 to the Caravan of Citizenship for the right to vote. Since then, her “walk” has never ended: demonstrations, hunger strike, occupation, meetings, debates, various actions, always privileging the community action. In 1995, she is elected for the first time (municipal elections) in her birthplace, Argenteuil, without ‘political label’, from a list of plural left. In 1998, she decides to join the Green party. From 1999 to March 2004, she was a member of the European Parliament. She has been elected Senator on 26/09/2004. Martine Brousse Former administrator of the Foundation of Suez Group and the Foundation Laureus France, whose actions are in favour of childhood, the director of “la Voix de l’Enfant” is member, since 1986, of the National advisory commission of Human rights, attached to the Prime Minister, and co-president of the sub-commission Education to Human rights. Among her numerous activities, one should note the establishment of a health and education programme in Poland (1982), the preparation of a health and education programme for children living in rural areas in Madagascar (1987), the creation of an emergency cell and a first national toll-free number to reveal cases of children who are victims of abuse (1988). She is responsible as well of training on the protection and the defence of children and their rights. Pierre Courcelle He is the emblematic figure of the asylum service of ACAT-France. Lawyer, born in 1922, he has been receiving asylum seekers on behalf of ACAT for 15 years. His community involvement starts in the sixties. With the CCFD (Catholic Committee against hunger and for development) from 1960, he was very committed to problems of the ‘third world’. The ecumenicalism of ACAT thus corresponds to its convictions and he joined the association in 1974 (year of creation of ACAT). The end of the eighties is characterised by an outbreak of asylum seekers in France. He defends their rights and begins to meet them in 1993 . Laurence De Bauche Having a Master’s degree in law from the Libre University of Brussels, and a Master’s in Human Resources from the Pantheon-Sorbonne University in Paris, she began her career as a lawyer at the Brussels Bar, which she quit in order to join the Cabinet of the Minister for Education of the French Community of Belgium. In parallel, she worked as assistant at the University of Brussels. During the last two years, she went through a professional reconversion, turning towards immigration law and asylum. She is joint author of two summary reports, written by the academic network Odysseus on behalf of the European Commission, evaluating the transposition in the EU Member States of the Council Directive of 27/01/2003 relative to minimal standards of reception of asylum seekers. She also coordinated the study undertaken by Odysseus for the European Commission aiming at evaluating the transposition in the EU Member States of 10 Directives in the field of immigration and asylum. Next December she will undertake, within Odysseus, a study for the European Fund of Refugees relating to the problems of the identification of vulnerable asylum seekers. Camelia Doru She is graduated from the Faculty of Medicine, University of Bucharest and specialist in Intensive Care and Anaesthesiology. Actively involved in civic initiatives for democracy during and after the 1989 revolution, she founded in 1991 the ICAR Foundation, which opened the first Romanian rehabilitation centre for victims of torture in Bucharest in 1993 and later opened similar centres in Iasi (1995) and Craiova (1998). Initially these centres concentrated on medical and psychological assistance to former political prisoners but in recent years, services have also been provided to torture victims among asylum seekers and refugees. Since 1997 she is an active Council member of the International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT), being from 2003 to 2005 Executive Committee member, and by acting in 2003 and 2004 as IRCT Executive Vice President. In 2006 she became board member of the governmental Institute for Investigation of the Crimes of Communism in Romania. Distinctions: Order of Chevalier of the Legion of Honour in 2002, National order of the Merit in 1993. 173 Pierre Duterte Docteur en médecine depuis 1981, il est engagé en 1994 par l’association pour les victimes de répression en exil (AVRE) jusqu’en 2002. Il fonde en 1995 Ballal (aide aux déportés Mauritaniens vivant au Sénégal) et en 1997 Rupture dont le but est de lutter contre la peine de mort et pour l'amélioration des conditions de détention en prison. De 1998 à 2004, il est enseignant universitaire en victimologie à la faculté de Pa- ris V René Descartes. Il est également expert auprès de la Commission européenne entre 2003 et 2005. En 2001, il fonde Parcours de Jeunes – devenu Parcours d’Exil- avec Mme de Rengervé ; il en est Médecin Directeur depuis 2002. Photographe, il expose à Paris (2003, 2004, et depuis 2006), Miami (2005) et New York (2006). Il a publié en novembre 2007 Terres Inhumaines aux éditions J.C. Lattès, où il relate son expérience de thérapeute auprès de victimes de torture. Jean-Pierre Guardiola Titulaire d’une maîtrise de philosophie, il est entré dans l’administration en 1974 comme attaché de préfecture à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Nommé administrateur civil au tour extérieur en 1988, il a été jusqu’en 1993 chef du bureau des étrangers relevant du régime général et du droit communautaire au ministère de l’intérieur. Auditeur au Conseil de l’Etat (1993–1995), il a été également adjoint au sousdirecteur du contentieux et des affaires juridiques et chef du bureau du contentieux des libertés publiques et de la police administrative au ministère de l’Intérieur (DLPAJ, 1995-1996), sous-directeur de l’administration des étrangers à la préfecture de police de Paris (1996-2002), sous-directeur des affaires politiques de l’outremer au ministère de l’Outre-Mer (2002-2005) et chef de service, chargé de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière au ministère de l’Intérieur (DLPAJ, 2005-2007). Depuis le 1er janvier 2008, il est nommé chef du service de l’asile au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Lilla Hárdi Elle est fondatrice et directrice de Cordelia, qui est la seule organisation en Hongrie assurant la prise en soins spécialisée pour les réfugiés ayant été victimes de torture. Fondée en 1996, l’organisation offre des soins psychiatriques et psychosociologiques aux victimes de violence organisée venues du monde entier. Mia Honinckx Docteur en médecine de l’université de Leuwen depuis 1984 ; depuis 1991, elle est médecin au « Petit Château » et dans d’autres centres de réception pour les demandeurs d’asile en Belgique. Depuis 2004, elle est le coordinateur médical de l’agence fédérale pour la réception des demandeurs d’asile (FEDASIL). Paul McDonough Responsable des sujets juridiques pour le conseil européen pour les réfugiés et exilés (ECRE), il est spécialisé en droit international pour les réfugiés. Son travail à l’ECRE met l’accent sur le développement du système commun européen de droit d’asile, en particulier sur les mesures de l’UE ayant pour objectif de réguler et d’harmoniser la loi sur le droit d’asile. De plus, il est responsable du soutien aux campagnes de communication d’ECRE concernant les problématiques transverses comme la détention et les besoins des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables comme les victimes de torture. Danielle Mérian Diplômée d’un DEA de droit privé, ainsi que d’un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, concours de chargé de travaux dirigés aux facultés de droit, elle est chargée de travaux dirigés en droit civil et droit commercial de 1963 à 1967 et avocate au barreau de Paris de 1964 à 2006. Ses activités militantes sont nom- breuses : pendant 23 ans informatrice juridique au centre d'information féminin et familial de Boulogne-Billancourt, elle est aussi militante de l'ACAT depuis 1975 ; administrateur depuis 2006 de Prisonniers sans frontières, association qui s'occupe d'humaniser les prisons en Afrique de l'Ouest, elle est également vice-présidente de Parcours d’Exil. Xenia Messariti Elle travaille pour la Commission européenne, spécialisée dans les sujets relatifs aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’UE. Diplômée de droit à l’université de Southampton (GB) elle est également docteur en droit public international (Londres). Elle a récemment été diplômée en droit communautaire sur l’immigration et l’asile, dans le cadre du réseau de formation Odysseus. Enfin, elle est membre de l’association des avocats du Barreau de Chypre. 174 Pierre Duterte Medical practitioner since 1981, he gets very quickly involved in community life: from 1994 to 2002, he was hired by the Association for the Victims of Repression in Exile (AVRE). In 1995, he founded the organisation “Ballal”, helping Mauritanians deportees living in Senegal and in 1997 the organisation “Rupture”, whose objective was to fight against death penalty and for the improvement of life conditions in prison. From 1998 to 2004, he taught victimology at the University of Paris V René Descartes. He was also expert to the European Commission between 2003 and 2005. In 2001, he founded with Hélène de Rengervé “Parcours de jeunes”, which will become thereafter “Parcours d’Exil”. He has been managing the health care center of the organisation since 2002. Photographer as well, he exposes throughout the world: in Paris (2003, 2004, and since 2006) but also in Miami (2005) and New York (2006). He published in November 2007 a book reporting its experience of therapist for torture victims: “Terres Inhumaines ” (editions JC Lattès). Jean-Pierre Guardiola Licenced in philosophy, he entered the national administration in 1974, as officer of the prefecture of Bouches-du-Rhône. Appointed civil administrator in 1988, he was until 1993 chief of the foreign office under the general scheme of Community law within the ministry for interior. Auditor for the State Council (1993-1995), he also worked with the Deputy Director of the legal affairs and chief of the office of public freedom and administrative police force in the ministry for interior (DLPAJ, 1995-1996). He served as Deputy Director of the foreigners administration (Police, Paris, 1996-2002), Deputy Director of overseas political affairs at the ministry for overseas (2002-2005) and head of department, responsible for the foreign division and trans-border circulation of the ministry for interior (DLPAJ, 2005-2007). Since 01/01/08, he has been appointed Chief of the asylum service of the ministry for immigration, integration, national identity and codevelopment. Lilla Hárdi The founder and director of Cordelia, the only organisation in Hungary that offers specialised services for refugees who have been subjected to torture. Founded in 1996, the organisation provides psychiatric and psychosocial care to victims of organised violence coming from all over the world. Mia Honinckx Doctor of medicine of the University of Leuwen in 1984 ; since 1991 doctor at the “Petit Château” and other reception centres for asylum seekers in Belgium. Since 2004, she is medical coordinator of the Federal Agency for the Reception of Asylyum seekers (FEDASIL). Paul McDonough Research officer responsible for legal matters at the European Council for Refugees and Exiles (ECRE), he is a specialist in international refugee law. His work at ECRE focuses on the development of the Common European Asylum System, specifically on the EU measures that regu- late and seek to harmonize asylum law. Last but not least, he is responsible for supporting ECRE’s advocacy efforts regarding cross-cutting issues such as detention and the needs of particularly vulnerable asylum seekers such torture victims. Danielle Mérian DEA Graduate (Master) in private law, she has also obtained a certificate for the profession of lawyer, contests of applied research to the Faculty of Law. She was in charge of applied research in civil and commercial law from 1963 to 1967 and acted as lawyer at the Paris bar from 1964 to 2006. Among her numerous community activities: legal advisor in the Centre of Female and Family of Boulogne-Billancourt for 23 years, she has also been committed within ACAT since 1975; administrator since 2006 of Prisoners Without Frontiers, association which deals with the humanization of prisons in West Africa, she is as well vice-president of “Parcours d’Exil”. Xenia Messariti She is a policy officer in the European Commission specialising on the issue of reception conditions for asylum applicants in the EU. She graduated as a lawyer from Southampton University in the UK and received a postgraduate master degree on 'Public International Law' from University College of London. Recently she also followed postgraduate studies on 'EU law on Immigration and Asylum' organised by the Odysseus Network of Academics. She is also a member of the Lawyers Bar Association of Cyprus. 175 Yves Nicolas Diplômé d’assistant de service social, il est depuis janvier 2003 directeur du centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ADOMA de Caen. Il a été également délégué à la tutelle pendant 15 ans et durant 7 ans auprès de SDF dans une CAO (coordination, accueil, orientation) service social. Depuis l'automne 2007 il est un des acteurs de la mise en place d'une formation et d'une consultation en ethnopsychiatrie dans le Calvados. Eric Panloup Officier supérieur de la gendarmerie, il est titulaire d’un diplôme en sciences criminelles et d’un master en droit public. Chef d’escadron de la gendarmerie nationale, en fonction à la délé- gation aux victimes (DAV) au sein du ministère de l'Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales, il est chargé de la protection et la reconnaissance des victimes, particulièrement de la traite des êtres humains. Laetitia de Radigues Titulaire d’un BA en politiques et relations internationales ainsi que d’un MA en droit international et d’un MSc sur le sujet de Violence, conflit et développement, elle a occupé jusqu’à présent de nombreuses responsabilités : gestion de projets européens et lobbying pour la prévention de la torture, pour les droits des survivants à la réparation, ainsi que sur des sujets relatifs aux réfugiés et demandeurs d’asile en Europe ; elle a également été leader sur des levées de fonds et dans la coordination de centres de réhabilitation en Europe. Son expérience comprend dix ans avec le comité international de la Croix-Rouge. Elle a travaillé au Rwanda, en Slovénie, en Bosnie, aux Philippines, en Colombie, en Ethiopie, en Russie, en Israël, au Soudan et au Tchad. Hélène de Rengervé Titulaire d’un diplôme de commerce et de gestion, d’une maîtrise en Etudes européennes et d’une spécialisation en fundraising obtenue en 2006 à l’ESSEC, son parcours professionnel est européen : elle est successivement présidente d’AEGEE Europe, chargée de mission chez WelcomEurope, chef de projet sur la conférence internationale Newropeans 2000, et enfin formatrice en Pologne dans le cadre du programme PHARE. Sa carrière prend un tournant plus enga- gé dans l’humanitaire et le social en 2001, lorsqu’elle entre à l’AVRE où elle rencontre le Dr Duterte avec qui elle fonde Parcours de Jeunes en 2001. En parallèle, elle travaille pour Sol en Si en tant que coordinatrice, et comme consultante en fundraising pour l’International Rehabilitation Council for Torture victims (IRCT). Elle occupe depuis 2004 le poste de Directrice administrative et financière pour Parcours d’Exil, ayant à sa charge entre autres la gestion des ressources humaines et le fundraising. Laurent Subilia de Genève et responsable de la Consultation Médecin généraliste au département de médeci- pour victimes de torture. ne communautaire aux Hôpitaux Universitaires Xavier RONSIN Actuellement Procureur de la République à Nantes, il est membre élu depuis le 14 mars 2007 du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) auprès du Conseil de l’Europe. Ancien juge d'instruction à Lorient et à Chartres, puis Procureur de la République à Roanne, substitut général à Angers, directeur adjoint de l’administration pénitentiaire de 2002 à 2004, période au cours de laquelle il a présidé notamment le comité de pilotage du développement du placement sous surveillance électronique. Membre en 2001 et 2007 des deux comités d'orientation de la loi pénitentiaire, il a corédigé en qualité d'expert auprès du Conseil de l'Europe le projet de "règles pénitentiaires européennes " adopté par les 46 ministres européens de la justice en janvier 2006. Brita Sydhoff Diplômée en sociologie et anthropologie sociale, elle est responsable de la mise en œuvre générale des politiques et stratégies de l’IRCT pour promouvoir et soutenir les membres de l’IRCT et plus généralement les programmes de prévention contre la torture. Elle a été responsable du département loi internationale et réfugiés de la Croix-Rouge suédoise ; représentante permanent pour le conseil norvégien pour les réfugiés à Genève ; responsable de programmes avec le conseil international pour les institutions bénévoles à Genève ; responsable de recherche sur les migrations internationales pour l’organisation internationale des migrations à Budapest ; responsable des opérations pour le conseil danois des réfugiés en ex-Yougoslavie comme responsable de la mise en place de programmes humanitaires d’urgence ; consultante pour l’OMS. Cadre supérieur au bureau suédois des migrations pendant treize ans jusqu’en 1984. 176 Yves Nicolas Social work graduate, he has been director of the Reception centre of asylum seekers (CADA) ADOMA of Caen since January 2003. He was a supervision delegate during 15 years and 7 years in a CAO (Coordination, Host, Orientation) social service within homeless. He has been one of the initiators of the establishment of training and consultation in ethno- psychiatry in the Calvados since autumn 2007. Eric Panloup Senior officer of the Gendarmerie, graduate of criminal sciences, he has a Master’s degree in public law. He is Major, working for the Delegation to Victims (DAV) within the ministry of the interior, overseas France and territorial communities. He is in charge of protection and recognition of victims and particularly of human trade victims. Laetitia de Radigues BA in Politics and International Relations, MA in International Law, MSc in Violence, Conflict and Development. Her main responsibilities consist of monitoring EU policies and advocating on the prevention of torture, the survivors’ rights to reparation and refugees and asylum seekers issues in Europe as well as leading fundraising efforts and coordinating a network of European rehabilitation centres. Her previous experience comprises ten years with the International Committee of the Red Cross, mainly in the protection area. She has worked in Rwanda, Slovenia, Bosnia, the Philippines, Colombia, Ethiopia, Russia, Israel/Palestinian territories, Sudan and Chad. Hélène de Rengervé Holding a diploma in trade and management, a university degree in European Studies and a specialization in Fundraising obtained in 2006 at ESSEC, her professional career is European: she was successively President of AEGEE Europe, chargée de mission at WelcomEurope, project manager for the Newropeans International Conference in 2000, and finally trainer in Poland within the framework of the PHARE programme. Her career turned towards humanitarian and social affairs in 2001 when she worked for AVRE and met Dr Duterte, with whom she founded “Parcours de Jeunes” in 2001. In addition to her commitment to Parcours d’Exil, she works for Sol en Si as a coordinator, and as a consultant in Fundraising for the International Rehabilitation Centre for Torture victims (IRCT). Since 2004, she is the administrative and financial director of Parcours d’Exil, being responsible, among others, for human resources and fundraising. Laurent Subilia medicine in Geneva and responsible for the conGeneral doctor in the Department of community sultation of torture victims. Xavier RONSIN Currently Public Prosecutor in Nantes, elected member since 14/03/07 of the European Committee for the Prevention of Torture (CPT) of the Council of Europe. Former instruction judge in Lorient and Chartres, then public prosecutor in Roanne, general substitute in Angers, Deputy Director of the prisons service from 2002 to 2004, period during which he chaired the steering committee of the placement development under electronic monitoring. Member in 2001 and 2007 of the two orientation committees of penitentiary law, he was joint author, in his capacity as expert of the Council of Europe, of the project of "European penitentiary rules", adopted by the 46 European Ministers for justice in January 2006. Brita Sydhoff Degrees in Sociology and Social Anthropology. She is responsible for the overall implementation of the IRCT policies and strategies with a broad mandate to promote and support IRCT rehabilitation centres and programmes and the prevention of torture globally. Her previous positions include Head of the Department of International Law and Refugees of the Swedish Red Cross; Resident Representative of the Norwegian Refugee Council in Geneva, Switzerland; Head of Programmes with the In- ternational Council for Voluntary Agencies, also in Geneva; Head of research programme on international migration in the International Organisation for Migration in Budapest, Hungary; Head of the Danish Refugee Council’s operations in the former Yugoslavia with responsibility for implementing humanitarian emergency programmes; and consultant for the World Health Organization. Before leaving Sweden in 1984 she worked for the Swedish Migration Board in senior positions for 13 years. 177 Karin Teepe DESS et DEA de psychologie clinique et de psychanalyse à l’université Paris VII. Psychanalyse personnelle, formations spécifiques en thérapie familiale systémique avec un regard particulier sur la clinique de la maltraitance. Chef de service d’un service de placement familial (80 enfants confiés en famille d’accueil sur décision du tribunal pour enfants ; le placement intervient en raison du délaissement par les parents, associés fréquemment à des violences physiques, sexuelles ou psychologiques). Psychologue en cabinet libéral, elle travaille à l’association Parcours d’Exil depuis 2007. Philippe Tremblay Membre de l’association du barreau de Québec depuis 1996, il est diplômé de l’université du Québec à Montréal d’un master en loi internationale sur les réfugiés. Avant de rejoindre l’APT (association pour la prévention de la torture), il a travaillé comme délégué pour le Haut commissariat aux réfugiés au Rwanda ainsi que pour le comité international de la Croix-Rouge en Colombie et en Afghanistan. Il a également travaillé comme chargé de recherche pour Rights and Democracy, organisation humanitaire à Montréal. Monique Végéga Assistante sociale de formation, elle a exercé ce métier pendant 15 années à l’AFTAM avant de devenir chef de service de CADA et de mettre en place une plateforme d’accueil pour les demandeurs d’asile « primo-arrivants ». Elle est actuellement administratrice de la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) Picardie, en charge de l’animation de la commission régionale « réfugiés-migrants » et de la commission régionale « usagers » Erick Vloeberghs Il est anthropologiste médical (MSc.) et responsable des affaires internationales de Pharos, centre de ressources et de conseils sur les réfugiés, les demandeurs d’asile et la santé des primo-arrivants. Il a auparavant travaillé avec Médecins sans frontière au Congo et en Afghanis- tan, ainsi qu’avec Centrum45 (centre de soins pour demandeurs d’asile et réfugiés victimes de traumatismes) et le MOA (services médicaux aux demandeurs d’asile). Ses publications traitent de la thérapie soma-orientée avec les demandeurs d’asile et réfugiés ; il est co-auteur des publications Care Full. Regine Waintrater Psychanalyste, thérapeute familiale et lecteur à l’université de Paris VII Denis Diderot, elle est l’auteur de nombreux articles sur le traumatis- me extrême et sa transmission. Elle a pris part à deux grands projets d’envergure sur la collecte de témoignages vidéo de survivants de la Shoah (Yale University and Spielberg). Catherine Wihtol de Wenden est une politologue et une juriste française. Directrice de recherche au CNRS (CERI) et docteur en science politique (institut d'études politiques de Paris), elle est une spécialiste des migrations internationales sur lesquelles, depuis une vingtaine d'années, elle a mené différents travaux, de nombreuses études de terrain et dirigé différen- tes recherches comparatives, surtout européennes. Elle a été consultante auprès de l'OCDE, du Conseil de l'Europe, de la Commission européenne et "expert externe" auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Elle est aussi membre de la commission nationale de déontologie de la sécurité. François Zimeray Avocat, homme politique et diplomate, né en 1961, député européen pour le parti socialiste européen entre 1999 et 2004, membre de la Commission des Affaires étrangères et de la Politique de défense. Très engagé dans les domaines de l’environnement, de la paix et des droits de l’Homme notamment par la création de nom- breuses organisations, il est également très actif au niveau local : président de l'agglomération de Rouen depuis 2002, il abandonne cette fonction après avoir été nommé lors du conseil des ministres du 13 février 2008 ambassadeur pour les droits de l’Homme, sur proposition de la secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme. 178 Karin Teepe She has obtained two Master degrees in clinical psychology and psychoanalysis from the University of Paris VII. She proceeds with personal psychoanalysis, having specific training in systemic family therapy with an emphasis on abuse. She is head of department for family placement (80 children entrusted in families following the decision of the Court for children; the placement intervenes because of parents’ renunciation, frequently associated with physical, sexual or psychological violence). She has been working for Parcours d’Exil since 2007. Philippe Tremblay He has been a member of the Quebec Bar Association since 1996 and holds a Master’s degree in international refugee law from the University of Quebec in Montreal. Before joining the APT (Association for the prevention of torture), he worked as a field delegate for the UN High Commissioner for Refugees in Rwanda, and for the International Committee of the Red Cross (ICRC) in Colombia and Afghanistan. He also worked as a Research Officer at Rights and Democracy, a Montreal-based human rights institution. Monique Végéga She worked as social worker during 15 years within AFTAM, before becoming head of department of a Centre for reception of asylum seekers (CADA) and setting up a platform of reception for “newcomers”. She is currently adminis- trator of the National Federation of Associations of Reception and Social Rehabilitation (FNARS) Picardy, being responsible for the animation of the regional commission “refugee-migrants” and the regional commission “users”. Erick Vloeberghs He is medical anthropologist (MSc.) and head of International Affairs of Pharos, centre of knowledge and advice on refugees, asylum seekers and newcomers' health. He previously worked with MSF (Doctors Without Borders) in Congo and Afghanistan, with Centrum45 (treatment center for traumatized refugees and asylum seekers) and the MOA (Medical Services Asylum seekers). He published about bodily oriented therapy with asylum seekers and refugees and is co-author of the Care Full publications. Regine Waintrater Psychoanalyst, family therapist, and lecturer at the university of Paris VII Denis Diderot, she has also written many articles on the extreme trau- matism and its transmission. She took part in two large-scale European projects of video collection of testimonies of the survivors of Shoah (Yale University and Spielberg). Catherine Wihtol de Wenden She is a political economist and lawyer in France. Research director in CNRS (CERI) and doctor of political science (Institute of political studies-Paris), she is specialist in international migrations. For twenty years, she has undertaken a large number of field studies, and di- rected various comparative research projects, mainly European. She has been a consultant for the OECD, the Council of Europe, the European Commission and an external expert of the United Nations High Commission for Refugees (UNHCR). She is also a member of the National commission on ethics of safety. François Zimeray Lawyer, politician and diplomat, born in 1961, he was MEP for the European socialist party between 1999 and 2004 and member of the Commission of Foreign affairs and Defense policy. Together with his commitment in the fields of human rights, peace and environment through the founding of many organisations, he has been also involved at local level: president of the Rouen community since 2002, he resigns after being nominated Ambassador for Human Rights by the Council of Ministers on 13 February 2008, following a proposal by the Secretary of State in charge of Foreign affairs and Human rights. 179 III. A propos de Parcours d’Exil 180 III. About Parcours d’Exil NB : available in French only 181 Notre mission 2 - Les activités de l’association Dans la poursuite des objectifs décrits ci-dessus, nous avons structuré nos activités selon trois grands axes : Soigner Les patients sont reçus gratuitement et uniquement sur rendez-vous. Thérapies Leur prise en soins est pluridisciplinaire et coordonnée par le Médecin Directeur qui oriente, seul ou en concertation avec d’autres thérapeutes, les patients vers l’un ou l’autre membre de l’équipe. Les thérapies, qu’elles soient individuelles ou familiales, utilisent les services de différents intervenants : médecins, psychologues, psychothérapeutes, art thérapeute et kinésithérapeute. Le groupe Insertion Il vise à aider les patients à s’insérer à la société française en proposant des cours (Français Langue Etrangère, Mathématiques, Histoire et civilisation, Instruction civique, Informatique) ainsi que des sorties culturelles et des ateliers de lecture. Former Les professionnels du centre de soins Parcours d’Exil proposent leurs services en tant que formateurs pour plusieurs activités : Les formations aux professionnels qui travaillent avec un public de victimes de sévices et des mineurs isolés, La supervision des équipes de centres de soins partenaires, La mise à disposition de ressources thérapeutiques délocalisables pour nos partenaires, Le transfert de compétences : en collaboration avec Forum Réfugiés, ouverture du centre de soins ESSOR à Lyon en septembre 2007. Informer Parcours d’Exil, c’est également une équipe d’experts disponibles pour partager ses connaissances sur la torture et ses méfaits auprès de tout type de public. Nous observons notamment : Le pays d’origine des populations torturées, Les types de tortures employées, L’identité des tortionnaires, Leurs conséquences sur les victimes, Le devenir des victimes de torture en France, Les pratiques européennes pour la prise en soin. L’information passe également par la communication : La newsletter trimestrielle destinée aux membres de l’association et à ses partenaires, Le site Internet, L’organisation d’événements : par exemple expositions photos, conférences, La participation à des rencontres internationales et nationales. 182 Vision—Mission-Valeurs VISION : Soigner toute personne victime d’atteintes aux droits humains MISSIONS : Soigner a) Soigner gratuitement toute personne victime de traumatismes. b) Considérer chaque patient dans sa globalité pour lui offrir une prise en soin appropriée Former a) Former les professionnels à la reconnaissance des symptômes du traumatisme et à l’accompagnement des victimes. b) Superviser les équipes de professionnels pour les aider à mieux vivre et penser leur travail. Informer Informer les leaders d’opinion de la réalité des victimes de traumatisme et de leurs besoins de soins appropriés. Etre un interlocuteur privilégié auprès des institutions nationales et internationales. VALEURS : Chaque personne est « admissible à toutes les dignités » (extrait de l’art.6 de la Déclaration des Droits de l’Homme) Éthique : parce que nos patients sont particulièrement vulnérables, chacune de nos interventions se doit d’être pensée de façon éthique. Compétence : tout professionnel est formé, de façon continue, pour assurer la mission qui est la sienne. Respect : toute personne est respectée, quelle que soit son origine, sa condition, ses croyances ou son état de santé. Disponibilité : toute personne demandant une prise en soin est accueillie dans les meilleurs délais. Confidentialité : Toute information communiquée dans le cadre de la prise en soin est couverte par le secret médical ou professionnel. Indépendance : L’association est indépendante, apolitique et aconfessionnelle. Transparence : L’association établit chaque année des documents comptables annuels certifiés par un commissaire aux comptes. Gouvernance : Les instances collectives jouent pleinement leur rôle d’orientation et de contrôle des dirigeants. 183 Historique Le 13 août 2001, Hélène de RENGERVE et Le 26 Novembre 2005, l’association reçoit le Pierre DUTERTE fondent l’association « Prix de Juste d’or 2005 de l’action sanitaire « Parcours de Jeunes » (association loi 1901). humanitaire ». Sa vocation première était alors la prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE), afin de répondre à leur souffrance spécifique Le 3 Septembre 2005, remise de la légion d’honneur à M. René Knockaert, Président d’Honneur de Parcours d’Exil. souvent mal connue des intervenants en généEn 2005 et 2006, grâce au « Fond Européens ral. Réfugiés », pilotage du projet Dès 2002, l’ONU reconnaît l’utilité de l’asso- des ciation et la fait bénéficier du « Fond des Na- « Laokolé », qui propose une formation à la tions Unies pour les Victimes de Tortu- prise en charge des Mineurs Isolés Etrangers aux professionnels de l’accompagnement sores » (FNUVT). cial. A partir de 2003 et jusqu'en 2007, le Prede Le 12 Juin 2006, obtention du prix de la « Parcours de Jeunes » (devenue par la suite « Fondation pour l’Enfance ». mier Ministre reconnaît le travail Parcours d'Exil) en renouvelant chaque année Le 15 Juin 2006, obtention du prix « Giacinto sa subvention au titre des Droits Humains. Accornero » de la Caisse d’Epargne sur le thèFin 2003, le « Fond Européen des Réfugiés » me de l’aide à la personne. leur accorde une subvention. C’est le premier Fin 2006, second grand tournant : Parcours tournant de son histoire, puisque c’est ce qui d’Exil obtient une subvention de la part de la va initier l’installation de l’association dans Commission Européenne (« Initiative Euroses propres locaux en Décembre 2003 et ainsi péenne pour la Démocratie et les Droits de permettre à près de 300 nouveaux patients de l’Homme » (IEDDH), et initie le partenariat venir profiter de ses soins courant 2004. avec l’association « Forum réfugiés » pour la Août 2004, obtention de l’agrément DRASS création d’un centre de santé à Lyon pour l’horizon 2007. « Centre de santé ». C’est au début de l’année 2005 que l’asso- Septembre 2007, le centre de santé ESSOR ciation devient « Parcours d’Exil ». Ce chan- ouvre ses portes à Lyon, en collaboration avec gement vise alors à mieux refléter les orienta- Forum Réfugiés. tions que celle – ci prend en désignant toutes Novembre 2007, parution de Terres Inhumaivictimes de torture comme bénéficiaires de nes, du Dr Duterte, aux éditions Lattès. soins. Juin 2008, Francesca Solleville devient la marraine de l’association. 184 Nos membres, patients et partenaires 1 – Activités du centre de soins en 2007 Activités thérapeutiques Patients reçus Au rythme d’une progression régulière depuis l’ouverture de l’association en 2003 jusqu’en 2007, la file active en 2007 a été de 897 patients soit 8% de plus qu’en 2006 ; parmi eux, on comptait 467 nouveaux patients. En France en 2007 on estimait le nombre de personnes victimes de torture à environ 10 000 ; les associations assurant un accompagnement thérapeutique en avaient aidé 1 500 au total. Nationalités : 63 nationalités différentes. Les principaux pays concernés sont : Guinée Conakry (36,23%), RDC (15,72%), Nigeria (4,46%), Mauritanie (3,90%), Angola (3,46%), Côte d’Ivoire (3,34%), Congo Brazzaville (3,01%), Sierra Leone (3,01%), Rwanda (2,01%). Sexe : Hommes : 64 %, Femmes : 36% Moyenne d’âge : 28,68 ans Majorité : 15% de mineurs (dont 37%de mineurs isolés) et 85% de majeurs Lieu de résidence : Paris : 32%, Ile de France : 48%, Province : 20% Situation par rapport au logement : CADA & CPH : 30%, Hébergement d’urgence : 29%, Particulier : 27%, Foyer de mineurs : 8%, SDF : 5%, Logement personnel : 2% Statut lors de l’arrivée au Centre de Soins Demandeurs d’asile : 91%, Statutaires : 8%, Autres : 1% Orientation des patients vers Parcours d'Exil : Associations : 40%, CADA & CPH : 31%, Demandes spontanées et patients : 16%, Professionnels santé et social : 4%, Foyers de mineur, ASE : 10% Le Groupe Insertion Nombre de cours dispensés : 156 Nombre de participations par matière : 538 Nombre d’intervenants extérieurs : 14 2 - Ils ont fait appel à nos services : Services Formation ADOMA (Ex-SONACOTRA) Fondation des Orphelins Apprentis d’Auteuil OFPRA (Office Français des Réfugiés et Apatrides) AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches) France Terre d'Asile ADMI (Association Départementale des Maisons pour l'Insertion) Ressources thérapeutiques délocalisées AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches) ASSAGE (Association Sociale et Sanitaire de Gestion) AGE (Association de Groupements Educatifs) Expertise : source d’information sur la torture et ses victimes, envoi de patients, supervision de centre de soins… AFTAM (Association pour la Formation des Travailleurs Africains et Malgaches) Aide Sociale à l'Enfance (Paris, Yvelines, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, etc.) Conseil Général de l'Oise Enfants du Monde Droits de l’Homme France Terre d'Asile Croix-Rouge Française 185 Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne Sous le haut patronage de : M. Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne M. Terry Davis, secrétaire général du Conseil de l’Europe M. Pierre Sané pour M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO M. Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire CETTE RENCONTRE A ÉTÉ ORGANISÉE AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DE 186 :