La loi ALUR et les baux d`habitation

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La loi ALUR et les baux d`habitation
Études
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LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
La loi ALUR et les baux d’habitation
Béatrice VIAL-PEDROLETTI,
maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », a profondément
impacté la réglementation des baux d’habitation avec pour finalité récurrente la protection des locataires tant
pour accéder à un logement que pour y demeurer. À cette fin, des mesures phares ont été prises qui portent, en
particulier, sur les loyers et les congés. La liberté des bailleurs n’existe plus également concernant les locations
en meublés qui seront dorénavant soumises à l’essentiel des dispositions de la loi du 6 juillet 1989. En
définitive, une loi très polémique qui risque de dissuader un peu plus les investisseurs... au détriment des
locataires.
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1 - Incontestablement, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », en date du 24 mars 2014 est une
loi importante, une loi « fleuve » composée de 177 articles, qui
impacte aussi bien la copropriété que les professions immobilières,
les logements sociaux ou les logements locatifs privés.
2 - Dans le domaine des baux d’habitation, les modifications sont
substantielles. Contrairement aux différents « toilettages » opérés
sur la loi du 6 juillet 1989 depuis sa promulgation, le projet de loi
ALUR initié par la dorénavant ex-ministre Cécile Duflot avait pour
ambition de moderniser en profondeur cette loi. Et elle y est parvenue puisque c’est la loi dans son ensemble qui est retouchée, de
son domaine d’application qui est étendu aux locations en
meublés, au contrat de bail qui est davantage encadré, sans parler
des mesures très polémiques relatives aux loyers ou aux congés.
La réforme est tellement dense qu’il apparaît difficile, même dans
le cadre de ce hors-série consacré à la loi « ALUR », de traiter de
façon totalement exhaustive et approfondie des nouvelles mesures.
Des études complémentaires plus ciblées seront opportunes, par
exemple, sur les locations en meublés, les congés ou encore la
colocation ; d’autres seront nécessaires dès la parution des décrets
d’application, en particulier ceux attendus sur le bail type ou sur
les loyers.
3 - Il ressort à l’évidence de cette loi un renforcement des droits
des locataires, ce qui n’est pas étonnant compte tenu des objectifs
de la réforme. L’exposé des motifs de la loi indique que le législateur a voulu « réguler le marché locatif privé » par l’instauration
d’un régime d’encadrement des loyers destiné à combattre la crise
du logement, « apaiser les rapports locatifs » et « renforcer les droits
des locataires ». Sur ce dernier point, il a été remarqué que ce
renforcement permettrait de restaurer un équilibre qui s’était fragilisé au fil du temps, au détriment des locataires. Il semblait pourtant que les différents toilettages intervenus postérieurement à la
loi de 1989 aient été plutôt favorables aux locataires : l’instauration de nouvelles clauses réputées non écrites ou de nouveaux cas
de réduction du délai de préavis, la prorogation de la durée du bail
en cas de vente à la découpe ou encore la réduction du dépôt de
garantie à un mois n’en sont que quelques exemples.
4 - Ce nouvel « équilibrage » – terme qui ne paraît pas des mieux
adaptés – a été critiqué par les professionnels inquiets sur les perspectives à venir, sur les risques de désengagement des propriétaires
pour l’investissement locatif en raison de l’encadrement des loyers
et des congés, deux mesures phares de la loi. Une partie des politiques a également tenté d’obtenir un infléchissement du contenu
de la loi, en pointant les graves atteintes portées au droit de
propriété et à la liberté contractuelle. Mais la saisine du Conseil
constitutionnel par les députés et sénateurs de l’opposition n’a rien
donné. Par décision n° 2014-691 du 20 mars 2014, le conseil n’a
censuré que quelques dispositions ponctuelles. Deux d’entre elles
portaient sur l’encadrement du loyer 1 ; une troisième était relative
à la protection des locataires âgés ne disposant que de faibles
ressources 2. La dernière concernait la location de meublés touristiques de courte durée 3.
5 - La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 est donc applicable
depuis le 27 mars, lendemain de sa publication au Journal officiel.
Les dispositions transitoires (5) seront envisagées à la fin de cette
étude dont l’objet est de mesurer l’impact de la loi ALUR sur le
domaine d’application de la loi du 6 juillet 1989 (1), le contrat de
bail (2), les obligations des parties (3) et la cessation des relations
locatives (4).
1. Domaine d’application de la loi
du 6 juillet 1989
A. - Maintien du domaine d’application traditionnel
6 - Locations de locaux nus (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 2). –
Le domaine d’application d’origine de la loi, à savoir les locations
de locaux nus à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel
et d’habitation ainsi que les locaux loués accessoirement au local
principal par le même bailleur (garages et autres...), n’est pas modifié en substance. L’apport principal réside dans la précision apportée à la notion de résidence principale, qui est substituée à celle
d’habitation principale dans l’article 2. Ainsi, les locaux loués à
1. Le Conseil constitutionnel a censuré la limitation du complément de loyer
pouvant être prévu au-delà du loyer de référence majoré en fonction des caractéristiques « exceptionnelles » de localisation ou de confort du logement. Il a
censuré également les dispositions permettant de faire varier le loyer de référence majoré et le loyer de référence minoré « en fonction de la dispersion des
niveaux de loyers observés ». Le loyer de référence majoré ne pourra qu’être
supérieur de 20 % au loyer de référence et le loyer de référence minoré inférieur de 30 %).
2. Est censuré l’article 5 de la loi ALUR qui étendait cette protection au locataire
ne répondant pas à ces critères, dès lors que vivait avec lui une personne à
charge aux faibles ressources.
3. Le Conseil constitutionnel sanctionne l’article 19 permettant à l’assemblée
générale des copropriétaires d’un immeuble de décider à la majorité des copropriétaires de soumettre à son accord « toute demande d’autorisation de changement d’usage d’un local destiné à l’habitation par un copropriétaire aux fins
de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage ».
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usage d’habitation doivent-ils constituer la résidence principale du
preneur, entendue comme devant être « occupée au moins huit
mois par an sauf obligation professionnelle, raison de santé, ou cas
de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une
personne à charge au sens du Code de la construction et de l’habitation » 4. L’indication d’une durée de huit mois n’est pas inédite.
La loi du 1er septembre 1948 5 s’y réfère et le Code de la construction et de l’habitation aussi. La définition donnée ici de la résidence
principale est d’ailleurs reprise de celle figurant dans l’article
R. 351-1du Code de la construction et de l’habitation, texte qui fixe
le domaine d’application de l’aide personnalisée au logement. En
n’exigeant qu’une durée minimale d’occupation, la loi vient confirmer une jurisprudence qui a plusieurs fois affirmé que le bénéfice
de la loi du 6 juillet 1989 ne supposait pas une occupation permanente des lieux et que des impératifs professionnels pouvaient
même justifier que le locataire n’occupe les lieux que quelques
mois dans l’année, voire les week-ends uniquement 6.
7 - Les locaux exclus du domaine de la loi restent les mêmes, sauf
à remarquer que la location saisonnière, remplacée en première
lecture par la notion de location meublée touristique « définie
comme des logements meublés offerts en location à une clientèle
de passage qui n’y élit pas domicile », n’est même plus mentionnée dans la version finale de l’article 2. Il faut dire qu’il était inutile
de mentionner ce cas d’exclusion dans la mesure où la limitation
du domaine d’application de la loi aux locations qui constituent
la résidence principale les exclut déjà implicitement.
8 - Il est également à noter que les titulaires de logements de fonction, ainsi que les travailleurs saisonniers, pourront dorénavant, en
vertu de l’article 24-1 de la loi du 6 juillet 1989, se faire représenter par une association à l’occasion d’un litige locatif avec leur
bailleur.
9 - Locations relevant de régimes spécifiques (L. n° 89-462,
6 juill. 1989, art.40). – Les modifications apportées à l’article 40
de la loi du 6 juillet 1989 qui énumère, a contrario les dispositions
de la loi qui sont applicables aux logements appartenant à des
organismes HLM, aux locations soumises à la loi du 1er septembre
1948, aux logements conventionnés ou autres logements visés par
le texte, sont pour l’essentiel des modifications de coordinations.
10 - À noter cependant que dans le secteur HLM, le législateur
a entendu protéger les descendants pour qu’il puisse bénéficier du
transfert du bail prévu par l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989
alors qu’il n’en respecte pas les deux conditions spécifiques posées
par l’article 40. Ainsi est-il rajouté dans l’article 40-I que « lorsque
le bénéficiaire du transfert est un descendant remplissant les conditions de ressources mais pour lequel le logement est inadapté à la
4. Selon l’article R. 351-8 du CCH, sont considérés comme personnes à charge
sous réserve qu’ils vivent habituellement au foyer :
– les enfants ouvrant droit aux prestations familiales et ceux qui, bien que
n’ouvrant pas droit à ces prestations, doivent être considérés comme à charge
au sens des 1° et 2° de l’article L. 512-3 et de l’article L. 513-1 du Code de la
sécurité sociale et ont un âge inférieur à l’âge limite fixé au premier alinéa de
l’article D. 542-4 du Code de la sécurité sociale en application du dernier alinéa
de l’article L. 512-3 du même code ;
– les ascendants du bénéficiaire ou de son conjoint qui sont âgés d’au moins
soixante-cinq ans ou de soixante ans en cas d’inaptitude au travail et dont les
ressources déterminées dans les conditions prévues à l’article R. 351-5 n’excèdent pas le plafond individuel prévu à l’article L. 815-9 du Code de la sécurité
sociale en vigueur au 31 décembre de l’année de référence, multiplié par 1,25 ;
– les ascendants, descendants ou collatéraux au deuxième ou au troisième
degré du bénéficiaire ou de son conjoint qui sont atteints d’une infirmité entraînant une incapacité permanente au moins égale à un pourcentage fixé par
décret ou qui sont, compte tenu de leur handicap, dans l’impossibilité reconnue par la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, prévue par l’article L. 323-11 du Code du travail, de se procurer un emploi
et dont les ressources déterminées dans les conditions prévues à l’article
R. 351-5 n’excèdent pas le plafond individuel prévu à l’article L. 815-9 du Code
de la sécurité sociale en vigueur au 31 décembre de l’année de référence, multiplié par 1,25.
5. L. n° 48-1360, 1er sept. 1948, art. 10-2°.
6. CA Toulouse, 11 oct. 2005, n° 04/02306 : JurisData n° 2005-288619 – CA
Versailles, 29 sept. 2009, n° 08/06967 : JurisData n° 2009-379215.
taille du ménage, l’organisme bailleur peut proposer un relogement
dans un logement plus petit pour lequel l’intéressé est prioritaire ».
11 - L’article 40 est en outre complété par un VIII qui énumère a
contrario les dispositions de la loi de 1989 qui sont applicables aux
résidences universitaires, nouvelles promues dans le Code de la
construction et de l’habitation. Un nouvel article L. 631-12 leur est
consacré qui définit la résidence universitaire comme « un établissement destiné au logement collectif à titre de résidence principale
dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs,
meublés ou non, et des locaux affectés à la vie collective. Cet
établissement accueille des étudiants, des personnes de moins de
trente ans en formation ou en stage et des personnes titulaires d’un
contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. À titre exceptionnel, cet établissement peut accueillir des enseignants et des
chercheurs ».
12 - Le texte fixe les conditions spécifiques du bail conclu avec
les occupants de ces résidences, notamment sa durée qui est au
maximum d’un an, mais qui peut être renouvelée.
B. - Extension aux locations en meublés
13 - D’un régime libéral à un statut légal. – Les locations en
meublés auront connu de belles heures ; celles où les propriétaires
bénéficiaient du régime libéral du Code civil et pouvaient encore,
par ce biais, échapper à la réglementation contraignante de la loi
du 6 juillet 1989. L’encadrement progressif de ces baux, en premier
lieu par la loi du 28 juillet 1998, puis par des lois postérieures a
permis d’assurer une protection minimale à ces locataires. Pour
autant, les propriétaires conservaient une marge de liberté conséquente à laquelle la loi ALUR a entendu mettre fin. L’objectif affiché de renforcer la protection des locataires en meublés se traduit
par l’extension de bons nombres de dispositions de la loi de 1989
à ce type de locations, tout en tenant compte de leur spécificité.
Bien entendu, les locations à titre de résidence secondaire restent
régies par le Code civil, sous réserve du respect de règles particulières aux meublés touristiques de courtes durées 7.
14 - Dispositions applicables aux meublés loués en résidence
principale. – La loi ALUR insère, après le titre premier de la loi du
6 juillet 1989 un titre 1er bis intitulé « des rapports entre bailleurs
et locataires dans les logements meublés résidence principale » 8
qui se substitue aux dispositions relatives aux locations en meublés
qui figuraient dans les articles L. 632-1 et suivants du CCH. Pour
autant, ce texte n’est pas abrogé puisqu’il contient toujours des
dispositions spécifiques à la location d’un meublé situé dans un
établissement recevant du public aux fins d’hébergement (hôtel
meublé, maison de retraite). Ces locations-là sont également
soumises au titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989, à l’exception des
articles 3-2, 3-3, 18, 24-1, 25-4 et 25-11.
15 - Ce titre 1er bis n’est applicable ni aux logements-foyers, ni
aux logements faisant l’objet d’une convention avec l’État portant
sur leurs conditions d’occupation et leurs modalités d’attribution.
Il ne régit pas non plus les logements attribués ou loués en raison
de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi et les
locations consenties aux travailleurs saisonniers.
16 - L’article 25-3 nouveau de la loi du 6 juillet 1989 énumère
les dispositions de cette loi qui sont applicables aux baux en
meublés. Il s’agit des articles : 1er (discriminations), 3-2 (état des
lieux) ; 3-3 (dossier de diagnostics techniques) ; 4 (clauses réputées
non écrites) ; 5 (rémunération des intermédiaires) ; 6 et 7 (obligations des parties) ; 7-1 (prescription des actions dérivant du bail) ;
8 (cession et sous-location) ; 8-1 (colocation) ; 18 (décret d’encadrement des loyers) 20-1 (obligation de mise en conformité en cas
d’indécence) ; 21 (quittance) ; 22 (dépôt de garantie) ; 22-1
7. V. CCH, art. L. 631-7 : afin de lutter contre la pénurie de logements, la loi ALUR
prévoit un régime d’autorisation pour la location de meublés touristiques dans
les zones tendues. – V. infra Loyers et copr. 2014, Hors-série n° 1, étude 2.
8. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-3 à 25-11, nouveaux.
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(cautionnement) 22-2 (pièces justificatives exigées du candidat à
la location) ; 24 (clause résolutoire) et 24-1 (associations mandatées pour régler les litiges).
17 - Outre ces textes, les locations en meublés sont régies par des
dispositions complémentaires.
18 - Ainsi, le bail meublé est dorénavant défini par la loi, comme
devant porter sur « un logement décent équipé d’un mobilier en
nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y
dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences
de la vie courante » (la liste des éléments que doit comporter ce
mobilier doit être fixée par décret). C’est ce que la jurisprudence
exigeait déjà des propriétaires pour que la qualification de meublé
soit justifiée.
19 - Comme pour les baux de locaux non meublés, le contrat de
location doit respecter un contrat-type auquel sont joints un inventaire et un état détaillé. Il reste, comme auparavant un bail conclu
pour une durée d’au moins un an (l’article L. 632-1 du CCH ne
prévoyait pas un minimum, mais une durée d’un an), avec une
possible réduction à neuf mois lorsqu’il est consenti à un étudiant.
Dans ce cas, il n’y a pas de tacite reconduction au terme du bail.
20 - Pour s’en tenir aux nouveautés par rapport au régime initial
instauré par l’article L. 632-1 du CCH, il y a lieu de noter que le
loyer initial est encadré dans les zones tendues, comme pour la
location de locaux nus, mais en adaptant à cette catégorie de logements les dispositions du nouvel article 17 de la loi de 1989. Ainsi
une majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence est
prévue pour tenir compte du caractère meublé du logement. De
même, le complément de loyer tient compte des équipements et
services associés au logement. La révision du loyer est soumise au
même régime restrictif de mise en œuvre que pour les baux non
meublés. Le régime des congés est également affecté. Alors
qu’aucun formalisme n’était jusqu’ici prévu, il faudra à l’avenir
notifier les congés par acte d’huissier ou par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception (mais curieusement pas par une
remise en main propre, procédé prévu par le nouvel article 15). La
reprise pour habiter n’est plus aussi libre puisque les bénéficiaires,
comme dans l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sont listés par
la loi 9 et il s’agit des mêmes personnes. Enfin, le bailleur qui entend
congédier pour l’un des trois motifs prévus par la loi est soumis à
l’obligation de proposer un relogement lorsque le locataire est âgé
de plus de soixante-cinq ans et à des ressources inférieures à un
plafond qui est celui en vigueur pour l’attribution des logements
locatifs conventionnés. C’est le même régime que pour les baux
non meublés (avec la même exception au profit du bailleur âgé ou
aux ressources inférieures au seuil précité), à une différence près
qui ne s’explique que par une négligence des parlementaires qui
ont saisi le Conseil constitutionnel. En effet, même s’il ne satisfait
pas à ces seuils d’âge et de ressources, le locataire bénéficiera
néanmoins de cette protection dès lors qu’il a à sa charge une
personne vivant habituellement dans le logement et répondant aux
conditions précitées, alors qu’une disposition semblable qui figurait dans l’article 15 de la loi de 1989 modifié par la loi ALUR a été
censurée par le Conseil constitutionnel.
21 - Un régime dérogatoire est prévu pour le montant du dépôt
de garantie, afin de tenir compte du coût de remise en état lié à
l’ameublement du logement. Le montant maximum est fixé à deux
mois, alors qu’il est d’un mois dans la loi du 6 juillet 1989.
22 - Il en va de même des charges locatives. Il est prévu deux
modalités d’imputation de celles-ci : soit un mécanisme de provision de charges régularisables comme dans l’article 23 de la loi de
1989 ; soit un forfait versé simultanément au loyer, dont le montant
et la périodicité sont prévus dans le contrat et qui ne peut donner
lieu à complément ou régularisation ultérieure.
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9. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-8-I, al. 5.
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2. Contrat de bail
23 - Documents exigés d’un candidat à la location ou de sa
caution. – Pour éviter que la recherche d’un logement ne se transforme en « parcours du combattant » et aussi pour limiter la
demande de certains justificatifs jugés discriminatoires ou portant
atteinte à la vie privée, l’article 22-2, introduit dans la loi du
6 juillet 1989 par la loi du 17 janvier 2002 fixait une liste de documents qui ne pouvaient être demandés à un candidat à la location.
La loi nouvelle supprime cette liste qui avait été plusieurs fois
complétée par des lois postérieures. À sa place, le nouvel
article 22-2 prévoit qu’un décret en Conseil d’État énumérera la
liste des seules pièces justificatives pouvant être exigées du candidat à la location ou de sa caution par le bailleur, préalablement à
l’établissement du contrat de location.
24 - Le texte précise également qu’« en préalable à l’établissement du contrat de location, le bailleur ne peut imposer la cosignature d’un ascendant ou d’un descendant du candidat à la location ».
25 - Pour rendre plus effectives ces interdictions, une amende
administrative est envisagée par l’article 22-2 : prononcée par le
représentant de l’État dans le département, son montant ne peut
être supérieur à 3 000 € pour une personne physique et à
15 000 € pour une personne morale.
A. - Parties au contrat
1° Cotitularité légale : extension aux partenaires pacsés
26 - Cotitularité subordonnée à une demande. – La cotitularité
légale du droit au bail, jusqu’ici réservée aux époux, est étendue
aux partenaires pacsés. Le droit au bail portant sur le logement
familial est donc réputé appartenir aux deux partenaires alors
même que le contrat de location n’aurait été conclu que par un des
partenaires, sous réserve, précise l’article 1751 modifié, d’une
demande conjointe des partenaires. Le bailleur ne devrait pas
pouvoir la refuser. Cette extension était prévisible dans un contexte
de rapprochement de la réglementation du pacs et du mariage. Elle
doit être approuvée, au moins pour des raisons de cohérence juridique avec l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui impose de
notifier tous les actes jalonnant le bail à la personne liée au locataire par un Pacs, bien que celle-ci ne soit pas locataire de par la
loi.
27 - Attribution judiciaire du droit au bail. – Un nouvel
article 1751-1 du Code civil prévoit également la possibilité d’une
attribution judiciaire du droit au bail suite à une rupture du pacs :
« en cas de dissolution du pacte civil de solidarité, l’un des partenaires peut saisir le juge compétent en matière de bail aux fins de
se voir attribuer le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation des deux
partenaires, sous réserve des créances ou droits à indemnité au
profit de l’autre partenaire. Le bailleur est appelé à l’instance. Le
juge apprécie la demande en considération des intérêts sociaux et
familiaux des parties. ». Cette appréciation du juge d’instance (et
non du JAF comme pour les époux) laisse une latitude pour refuser la demande d’attribution du bail s’il apparaît, notamment au vu
des arguments soulevés par le bailleur, que le partenaire n’est pas
suffisamment solvable pour rester locataire à lui tout seul, compte
tenu du fait que la rupture du pacs fait cesser la solidarité. L’attribution du droit au bail pourrait dans ce cas être subordonnée à la
fourniture d’une caution.
2° Cotitularité conventionnelle : encadrement
de la colocation (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 8-1)
28 - Définition de la colocation. – Face à la pratique courante
que constitue la colocation, la loi ALUR a décidé de l’encadrer par
quelques dispositions spécifiques contenues dans un article 8-1
nouveau de la loi du 6 juillet 1989. Ces dispositions qui
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s’appliquent aux baux de locaux nus comme aux baux de locaux
meublés, viennent se surajouter ou déroger aux autres règles générales de la loi du 6 juillet 1989. En effet le texte précise que
« chaque contrat de bail formalisant une colocation respecte les
chapitres Ier, II et III du présent titre Ier ou, s’il concerne un logement
loué meublé, du titre Ier bis de la présente loi ».
29 - Le texte commence par définir la colocation comme « la
location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant
leur résidence principale et formalisée par la conclusion d’un
contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le
bailleur ». Cette définition rend compte de la variété des cas de
colocation. Soit un seul bail est conclu entre un bailleur et des locataires ; soit il y a autant de contrats qu’il y a de locataires, parce que
le propriétaire loue plusieurs chambres dans un même appartement à des locataires distincts. Bien qu’il y ait dans cette configuration plusieurs contrats différents conclus entre locataires et
bailleur, il s’agit bien d’une colocation dans la mesure où les différents locataires d’un même appartement partageront les pièces
communes (cuisine, salle de bains, etc.).
30 - Cette colocation « à baux multiples » révèle des difficultés,
déjà dénoncées dans cette revue 10, auxquelles l’article 8-1 a
entendu remédier. D’abord et à l’évidence, dans ce type de colocation, les critères de la décence définis pour un bail unique sur un
appartement ne peuvent être respectés 11. D’où la prévision d’un
décret en Conseil d’État pour adapter aux logements loués en colocation les dispositions du décret relatif à la décence du 30 janvier
2002.
31 - Ensuite, l’ouverture de la colocation à des baux multiples,
passés avec chacun des colocataires, pourrait permettre à des
bailleurs peu scrupuleux d’organiser des colocations abusives en
termes de caractéristiques des locaux, de nombre de personnes
colocataires et de montant des loyers. De plus, ces nouvelles dispositions pourraient, indirectement, favoriser le développement des
marchands de sommeil. Afin de prévenir de telles dérives, et sur
proposition de la Commission des affaires économiques et
sociales 12, l’article 8-1 a été complété par l’Assemblée nationale
pour soumettre cette colocation aux règles générales de division
contenues dans les articles L. 111-6-1 et L. l11-6-1-1 du Code de
la construction et de l’habitation 13 et aux normes de peuplement
énoncées à l’article L. 831-3-I du Code de la sécurité sociale, qui
doivent être définies par voie réglementaire.
32 - Enfin, pour éviter que ce cas particulier de colocation ne
permette au bailleur de contourner l’encadrement des loyers – les
loyers de référence étant fixés par appartement et non par chambre
– l’Assemblée nationale en deuxième lecture est venue rajouter que
l’addition des loyers perçus au titre de ces multiples baux ne devait
pas dépasser le loyer de référence majoré, tel que défini à l’article 3
du projet de loi.
33 - Régime de la colocation. – Comme pour le bail consenti à
un unique locataire, le contrat devra respecter un contrat-type
défini par décret en Conseil d’État.
34 - Concernant l’assurance que doit souscrire un locataire, les
parties au contrat peuvent se mettre d’accord pour que le bailleur
souscrive, comme en matière de bail non meublé, une assurance
pour compte récupérable auprès de locataires.
10. B. Vial-Pedroletti, Locations de chambres dans un appartement : aménagements
conventionnels et difficultés juridiques : Loyers et copr. 2008, étude 1.
11. CA Paris, 14 nov. 2013, n° 12/02146 : JurisData n° 2013-025885 ; Loyers et
copr. 2014, comm. 5, faute d’une alimentation en eau et d’un coin cuisine
aménagé, la chambre louée dans un appartement ne respecte pas les critères
de décence.
12. Rapp. Goldbert et Linkenheld, 19 déc. 2013, n° 1670.
13. Ces règles interdisent notamment la division d’un logement d’une superficie de
moins de 14 m2 ou d’un volume habitable de moins de 33 m3 ou qui ne sont
pas pourvus d’une installation d’alimentation en eau potable, d’une installation
d’évacuation des eaux usées ou d’un accès à la fourniture de courant électrique.
35 - Par dérogation au régime instauré par l’article 23 de la loi du
6 juillet 1989, les parties au bail ont le choix entre deux modalités de récupération des charges locatives :
– soit dans les conditions prévues à l’article 23, lorsqu’il s’agit de
provisions pour charges ;
– soit sous forme d’un forfait versé simultanément au loyer, dont
le montant et la périodicité de versement sont définis dans le
contrat et qui ne peuvent donner lieu à complément ou à régularisation ultérieure. Pour éviter cependant un « gonflement » des
charges destiné à contourner l’encadrement des loyers, la loi prend
soin de préciser que le montant ne doit pas être manifestement
disproportionné au regard des charges dont le locataire ou, le cas
échéant, le précédent locataire se serait acquitté.
36 - Enfin, la mesure la plus importante concerne sans nul doute
l’étendue dans le temps des effets de la solidarité entre colocataires
et entre locataire et caution que la loi a voulu limiter. Contrairement au principe jusqu’ici dégagé par la jurisprudence, le congé
délivré en cours de bail par un locataire met fin à son engagement
solidaire ainsi qu’à celui de la personne qui s’est portée caution
pour lui. L’extinction de la solidarité suppose néanmoins qu’un
nouveau locataire figure au bail. À défaut, la solidarité du colocataire sortant s’éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six
mois. L’acte de cautionnement des obligations d’un ou de plusieurs
colocataires résultant de la conclusion d’un contrat de bail d’une
colocation identifie nécessairement, sous peine de nullité, le colocataire pour lequel le congé met fin à l’engagement de la caution.
37 - Il est opportun de préciser que l’ensemble de ces règles et en
particulier la limitation dans le temps de la solidarité ne concerne
que les baux d’habitation relevant de la loi du 6 juillet 1989. Les
titulaires de baux relevant du Code civil, en particulier les baux
professionnels ou commerciaux, ne bénéficient pas de cette limitation.
B. - Conclusion du contrat
38 - Instauration d’un bail-type. – L’article 3 précise que le
contrat de bail doit respecter un modèle-type, défini par décret en
Conseil d’État. Comme l’a indiqué le rapporteur, ce modèle de
contrat introduit une simplification : au lieu d’acheter dans le
commerce un formulaire type qui peut être imprécis ou contenir
des erreurs, les propriétaires qui louent leurs biens de manière autonome, sans passer par un professionnel auront à leur disposition
un document très clair et exhaustif. Députés et sénateurs de l’opposition se sont élevés contre cette atteinte à la liberté contractuelle.
En vain et la saisine du Conseil constitutionnel sur ce point n’a pas
davantage prospérée.
1° Contenu du contrat
39 - Ce contenu qui était jusqu’ici concentré dans l’article 3, est
désormais l’objet de plusieurs articles. La loi ALUR rajoute de
nouvelles dispositions, relatives à la sanction d’une surface erronée 14, à l’état des lieux 15 et au dossier de diagnostic technique 16.
40 - Clauses imposées. – Le contenu minimal obligatoire reste
listé par l’article 3 de la loi. Outre les mentions obligatoires imposées jusqu’ici (identité du bailleur, date de prise d’effet et durée,
consistance et destination du bail, désignation des locaux et équipements d’usage privatif, surface habitable, montant du loyer, du
dépôt de garantie), de nouvelles clauses devront figurer dans les
futurs baux. À côté du nom ou de la dénomination du locataire et
d’une mention relative aux équipements d’accès aux technologies
de l’information et de la communication qui jusqu’ici faisait l’objet
d’un document annexé au contrat, les autres nouvelles mentions
sont essentiellement de nature financière. Ainsi, devront être
mentionnés au contrat :
14. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3-1, nouveau.
15. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3-2, nouveau.
16. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3-3 nouveau.
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Études
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LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
bailleur ou prononcée par le juge rétroagira à la date de signature
du bail. En revanche, si elle intervient plus de six mois à compter
de la prise d’effet du bail, la diminution de loyer prendra effet à la
date de la demande.
46 - La sanction prévue par la loi ALUR a le mérite de mettre fin
aux hésitations jurisprudentielles qui étaient sources d’insécurité
juridique. En effet, faute de sanction spécifique, les tribunaux hésitaient à dédommager le locataire. Face à des demandes de réduction de loyer, généralement formulées par le preneur au terme du
bail à l’occasion d’un règlement de comptes avec le bailleur,
certains tribunaux y faisaient droit dès lors qu’ils estimaient que la
différence de surface, relativement importante, était nécessairement préjudiciable au preneur 20 tandis que d’autres la refusaient
considérant que la surface n’est pas un élément déterminant du
consentement 21.
47 - Clauses réputées non écrites. – De nouvelles clauses sont
réputées non écrites par l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989. Parmi
elles, la clause pénale a suscité de vives discussions lors des débats
parlementaires. Malgré un vote en leur faveur en première lecture
par l’Assemblée nationale qui avait considéré que, par soucis
d’équilibre, le locataire devait être pénalisé en cas de retard de
paiement des loyers et charges puisque le bailleur lui-même était
contraint de payer une pénalité de 10 % du dépôt de garantie par
mois de retard dans le remboursement, les clauses pénales ont finalement été censurées. Dans la nouvelle version de l’article 4, elles
sont interdites en tant que « pénalité », au même titre que les
amendes.
48 - Une autre clause est réputée non écrite ; celle qui impose au
locataire en plus du paiement du loyer, de souscrire un contrat pour
la location d’équipements. Enfin, deux clauses qui existaient déjà
sont réécrites. C’est le cas de la clause qui impose au locataire la
facturation de l’état des lieux lorsque celui-ci n’est pas établi par
huissier dans le cas prévu par l’article 3. Comme le coût de l’état
des lieux d’entrée est dans le nouvel article 5 pour partie à la charge
du locataire, c’est uniquement le coût de l’état des lieux « de
sortie » qui ne peut pas par une clause du bail être imposé au
preneur. Est également modifiée la clause, réputée non écrite, qui
interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur
lorsque celui-ci réalise des travaux : le seuil au-delà duquel
l’indemnisation du locataire est imposée n’est plus de quarante
jours, mais de vingt et un jours. Ce même seuil remplace dans
l’article 1724 du Code civil, texte applicable à tous les baux, mais
non impératif, le seuil de quarante jours.
– le loyer de référence et le loyer de référence majoré, correspondant au type de logement et définis par le représentant de l’État
dans le département sur les territoires mentionnés à l’article 17 17 ;
– le montant et la date de versement du dernier loyer acquitté par
le précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement
moins de dix-huit mois avant la signature du bail. La mention de
la date de versement va permettre au locataire de vérifier la date
de fin du précédent contrat 18 ;
– la nature et le montant des travaux effectués dans le logement
depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier
renouvellement du bail 19.
41 - La finalité de ces indications est de contrôler que le bailleur
respecte les nouvelles règles d’encadrement de loyers, qu’il s’agisse
du loyer initial, réglementé par le nouvel article 17 ou du loyer à
la relocation, encadré par les décrets successifs du 1er août 2012
et 2013 et par les futurs décrets qui seront pris en application de
l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989. En effet, ces décrets autorisent, par dérogation au blocage de principe du loyer demandé à
un nouveau locataire, une augmentation en cas de travaux d’un
certain montant, ce qui justifie la mention imposée par l’article 39°.
42 - Le renoncement, le cas échéant, au bénéfice de la garantie
universelle des loyers (dont l’entrée en vigueur est différée au
1er janvier 2016), telle que prévue à l’article 24-2 nouveau de la
loi, devra également être expressément mentionné dans le contrat
de location. À défaut, le bailleur s’engage à déclarer le contrat de
location auprès de l’agence mentionnée au II du même
article 24-2. La GUL est donc perçue, semble-t-il, comme une
garantie supplétive qui s’appliquera dès lors que les parties n’ont
pas manifesté un choix différent.
43 - Sanctions. – Après avoir rappelé que chacune des parties a
la possibilité d’exiger de l’autre l’établissement d’un contrat
conforme aux dispositions légales, l’article 3 in fine rajoute une
sanction spécifique en cas d’absence dans le contrat de location
d’une des informations relatives à la surface habitable, aux loyers
de référence et au dernier loyer acquitté par le précédent locataire.
Dans ce cas, le locataire peut, dans un délai d’un mois à compter
de la prise d’effet du contrat de location, mettre en demeure le
bailleur de porter ces informations au bail. À défaut de réponse du
bailleur dans le délai d’un mois ou en cas de refus de ce dernier,
le locataire peut saisir, dans le délai de trois mois à compter de la
mise en demeure, la juridiction compétente afin d’obtenir, le cas
échéant, la diminution du loyer.
44 - Sanction d’une surface erronée (L. n° 89-462, 6 juill. 1989,
art. 3-2). – La surface habitable est un critère déterminant dans le
choix d’un logement qui justifie que le locataire puisse être dédommagé lorsque la surface annoncée par le bailleur ne correspond pas
à la réalité. Et pourtant, il aura fallu attendre cette loi pour que soit
comblé un vide législatif ; l’absence de sanction dans la loi
n° 2009-323 du 25 mars 2009 qui a rendu obligatoire la mention
de la surface habitable du bien loué.
45 - Inspiré directement de la « loi Carrez », le nouvel article 3-2
de la loi du 6 juillet 1989 permet au locataire d’exiger du bailleur
une diminution de prix au prorata du nombre de mètres carrés
manquants lorsque la surface habitable du bien loué est inférieure
de plus d’un vingtième à celle annoncée dans le bail. Le texte
précise la procédure à suivre : si le bailleur ne répond pas dans un
délai de deux mois à compter de la demande en diminution de
loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la
diminution de loyer à appliquer. Le locataire a tout intérêt à formuler sa demande assez rapidement. En effet, s’il agit dans les six
premiers mois du bail, la diminution de loyer acceptée par le
49 - État des lieux complété (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 32). – La nécessité d’établir un état des lieux à l’entrée comme à la
sortie du contrat demeure et le principe d’un établissement contradictoire, soit à l’amiable entre les parties (ou par un tiers mandaté),
soit par huissier aussi. Dans le projet adopté en première lecture
par l’Assemblée nationale, il était question d’imposer, comme pour
le bail, un document-type. Le texte définitivement adopté se
contente de préciser que l’état des lieux est établi selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la
Commission nationale de concertation.
50 - Parmi les nouveautés, il y a lieu de mentionner que les états
des lieux d’entrée et de sortie sont complétés par un relevé de différents compteurs (installation de chauffage ou d’eau chaude sanitaire individuelle, ou collective avec un comptage individuel), ce
qui était déjà le cas dans la pratique. Ces données pourront sur leur
demande être mises à la disposition des entreprises chargées
d’effectuer le diagnostic de performance énergétique, afin de
17. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3- 7°.
18. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3-8°.
19. L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 3-9°.
20. CA Versailles, 7 sept. 2010, n° 09/06554 : JurisData n° 2010-019719 ; Loyers
et copr. 2011, comm. 4.
21. CA Paris, 11 janv. 2011, n° 08/12907 : JurisData n° 2011-000630.
2° Documents annexes
Études
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
rendre ce dernier plus fiable en l’appuyant sur des données de
consommation réelle.
51 - Par ailleurs, le texte autorise le locataire à demander au
bailleur ou à son représentant de compléter l’état des lieux dans un
délai de dix jours à compter de son établissement. Si cette demande
est refusée, le locataire peut saisir la commission départementale
de conciliation territorialement compétente. Ce délai est évidemment opportun car il laisse le temps au locataire, qui peut ne pas
prendre tout de suite possession du logement, de constater les
défauts dont il ne se serait pas rendu compte au moment de la
signature de l’état des lieux. Cette pratique, régulièrement constatée sur le terrain, a recueilli, semble-t-il, l’assentiment des professionnels. Il n’empêche qu’elle peut être source d’abus si dans les
dix jours le preneur a commis des désordres de son propre fait dans
le logement. À défaut d’intermédiaire professionnel pouvant justifier de l’auteur des désordres et refuser, en conséquence, de rectifier l’état des lieux, il appartiendra au locataire de démontrer que
les dégradations sont antérieures à l’état des lieux.
52 - Dossier de diagnostic technique renforcé (L. n° 89-462,
6 juill. 1989, art. 3-3). – Le dossier de diagnostic technique, que
le bailleur doit fournir et annexer au contrat de location lors de sa
signature ou de son renouvellement, s’alourdit. En plus du diagnostic de performance énergétique (CCH, art. L. 134-1), du constat de
risque d’exposition au plomb (C. santé publ., art. L. 1334-5 et
L. 1334-7) et de l’état des risques naturels et technologiques (dans
les zones mentionnées au C. env., art. L. 125-5 I) devront être joints
au bail :
– une copie d’un état mentionnant l’absence ou, le cas échéant,
la présence de matériaux ou produits de la construction contenant
de l’amiante, un décret en Conseil d’État devant en définir les
modalités d’application, notamment la liste des matériaux ou
produits concernés ;
– un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, dont
l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Un décret en Conseil d’État doit en définir les
modalités d’application, ainsi que les dates d’entrée en vigueur de
l’obligation en fonction des enjeux liés aux différents types de logements, dans la limite de six ans à compter de la publication de la
loi ALUR.
53 - Ces exigences relatives aux installations d’électricité et de
gaz figurent déjà dans le décret sur la décence. La fourniture d’un
diagnostic permettra de vérifier que le bailleur respecte bien, sur
ces points son obligation de délivrer un logement décent.
54 - Notice d’information. – À l’avenir, une notice d’information
relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi
qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes
pour régler leurs litiges devra être annexée au contrat de location.
Cette notice d’information précise également les droits, obligations
et effets, pour les parties au contrat de location, de la mise en œuvre
de la garantie universelle des loyers, telle que prévue au même
article 24-2. Un arrêté du ministre chargé du Logement, pris après
avis de la Commission nationale de concertation, doit déterminer
le contenu de cette notice.
3° Rémunération des intermédiaires
55 - Partage d’honoraires liés à certaines prestations. – Un
nouvel article 5, I, qui remplace l’article 5 pose en principe que la
rémunération des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur
concours à l’entremise ou à la négociation d’une mise en location
d’un logement, qu’il s’agisse d’un non meublé ou d’un meublé, est
à la charge exclusive du bailleur. Par exception, sont partagés entre
bailleur et locataire les honoraires des personnes mandatées pour
effectuer la visite du preneur, constituer son dossier, rédiger un bail
et l’état des lieux, dernier acte qui était jusqu’à présent à la charge
exclusive du bailleur.
56 - Ce partage n’est pas forcément égalitaire, le texte se contentant de préciser que le preneur ne peut payer une somme supé-
rieure à celle pesant sur le bailleur. De plus, la part incombant au
preneur sera plafonnée par décret. En effet l’article 5-1 indique que
le montant toutes taxes comprises imputé au preneur pour ces prestations demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de
surface habitable de la chose louée, fixé par voie réglementaire et
révisable chaque année, dans des conditions définies par décret.
Le plafonnement des frais et leur décorrélation avec le montant des
loyers a été l’objectif du législateur. Il en résulte que les intermédiaires ne pourront plus facturer au locataire le classique mois de
loyer qu’ils exigeaient au titre de la constitution de son dossier.
57 - Ces honoraires sont dus à la signature du bail ou à compter
de la réalisation de la prestation s’agissant de l’état des lieux.
Attention : Afin d’améliorer l’information du locataire, les
trois premiers alinéas de l’article 5, I ainsi que les montants
des plafonds qui y sont définis doivent être reproduits, à
peine de nullité, dans le contrat de bail lorsque celui-ci est
conclu avec le concours d’une personne mandatée et
rémunérée à cette fin. Les intermédiaires doivent donc être
vigilants sur ce point, à défaut de quoi les parties, et
particulièrement le locataire, seraient en droit de refuser de
payer les honoraires ou de réclamer restitution de l’indu.
3. Obligations des parties
A. - Relations financières
1° Loyer
a) Fixation du loyer
58 - Encadrement du loyer initial dans les « zones tendues » (L.
n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 17). – C’est sans doute la mesure la
plus polémique de la loi ALUR, celle sur laquelle même le conseil
d’analyse économique, rattaché au Premier ministre a rendu un
rapport très mitigé, constatant que le dispositif risquerait « d’engendrer des inefficacités dans le parc locatif privé et qui avait recommandé avant toute généralisation, de procéder à une expérimentation dans les zones pilotes. ».
59 - Malgré cela, la majorité a maintenu le cap et décider d’encadrer le loyer initial dans les zones dites « tendues », c’est-à-dire
selon le nouvel article 17, I, « dans les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué
entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés
sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel
existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des
loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens
ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au
nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ».
Un décret est attendu qui doit fixer la liste des communes
comprises dans ces zones. Dans les autres zones, le loyer initial est
totalement libre.
60 - Dans les zones tendues, le représentant de l’État dans le
département fixe chaque année, par arrêté, en s’appuyant sur des
données fournies par l’observatoire local des loyers, un loyer de
référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence
minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable,
par catégorie de logement et par secteur géographique. L’article
17-I précise que le loyer de référence majoré ne peut être fixé à un
montant supérieur de 20 % au loyer de référence, tandis que le
loyer de référence minoré ne peut être fixé à un montant supérieur
au loyer de référence diminué de 30 %.
À partir de ces principes, il est prévu que le loyer initial est
plafonné au loyer de référence majoré et, en cas de dépassement,
le locataire peut intenter une action en diminution du loyer.
61 - Un complément de loyer peut néanmoins être appliqué au
loyer de base dès lors que le logement présente des caractéristiques
de localisation ou de confort par leur nature et leur ampleur par
comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans
7
Études
le même secteur géographique. Dans le texte tel que voté en
dernière lecture par le Sénat le 20 février 2014, le complément de
loyer devait être « exceptionnel » et justifié par des caractéristiques
de localisation ou de confort elles-mêmes exceptionnelles. Le
Conseil constitutionnel a cependant censuré ce qualificatif jugé
trop attentatoire au droit de propriété. Il en résulte qu’il devrait être
plus facile a priori d’exiger un complément de loyer, sous réserve
de la façon dont les juges saisis appliqueront le texte. Quoiqu’il en
soit, les modalités d’application de cette disposition doivent être
précisées par décret en Conseil d’État.
62 - Le preneur peut contester le complément de loyer en respectant une procédure précise : Il doit impérativement commencer par
saisir dans un délai de trois mois à compter de la signature du bail
la commission départementale de conciliation. Il appartient alors
au bailleur de démontrer que les caractéristiques de localisation ou
de confort, de par leur nature et leur ampleur justifient un dépassement du loyer de référence majoré. À défaut de conciliation, le
locataire dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis de la commission départementale de conciliation
pour saisir le juge d’une demande en annulation ou en diminution
du complément de loyer exceptionnel. La fin de non-recevoir tirée
de l’absence de saisine préalable de la commission départementale de conciliation peut être soulevée d’office par le juge.
63 - Le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice rétroagit à compter de la prise d’effet du bail.
64 - Révision du loyer en cours de bail (L. n° 89-462, 6 juill.
1989, art. 17-1). – La révision annuelle du loyer, limitée à l’indice
de référence des loyers (IRL), intervient dans les mêmes conditions
que celles prévues initialement dans la loi de 1989, moyennant
certaines modifications. La révision reste subordonnée à la
présence d’une clause spécifique dans le bail, contrairement à ce
qui avait été décidée en première lecture. En revanche, l’important
à noter est que cette clause d’indexation ne joue plus automatiquement, comme auparavant, ce qui permettait au bailleur qui n’avait
pas réclamé les augmentations en temps utile de réclamer les arriérés d’indexation sur une période de cinq ans. Désormais, l’application de la révision du loyer suppose une manifestation de volonté
du bailleur et si celui-ci ne s’est pas manifesté dans un délai d’un
an suivant sa date de prise d’effet, il est réputé avoir renoncé au
bénéfice de cette clause pour l’année écoulée. Autrement dit,
l’action en révision est prescrite au bout d’un an, l’objectif étant
d’éviter les révisions tardives qui entraînaient un rappel de loyers
conséquent pour le locataire. Dans le même esprit, il est prévu que
si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai
d’un an, cette révision de loyer prenne effet à compter de sa
demande, sans rétroactivité donc.
65 - La révision du loyer en cours de bail peut également résulter de l’accomplissement de travaux d’amélioration par le bailleur.
Le principe d’une majoration de loyer par accord des parties en
prévision ou suite à des travaux d’amélioration est maintenu ; il est
seulement précisé que la majoration ainsi définie ne peut ouvrir
droit au locataire d’engager une action en diminution du loyer.
Autrement dit, le montant de la majoration est librement fixé par
les parties, comme l’avait d’ailleurs déjà affirmé la Cour de cassation 22 et le locataire ne pourrait objecter qu’il dépasse le loyer
médian de référence, voire le loyer majoré appliqué par le bailleur.
66 - Réajustement du loyer au moment du renouvellement de
bail (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 17-2). – Les modalités de
réajustement du loyer diffèrent selon que le logement loué se
trouve en zone tendue ou non.
67 - Dans les zones tendues, l’article 17-2, I envisage deux
actions :
8
22. Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n° 00-18.697 : JurisData n° 2002-014791 ; Loyers
et copr. 2002, comm. 254 ; AJDI 2002, p. 609, note Y. Rouquet ; Rev. Administrer aout-sept. 2002, p. 51, note B. Gauclère.
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
– une action en diminution de loyer engagée par le locataire si
le montant du loyer fixé au contrat de bail, hors montant du
complément de loyer le cas échéant, est supérieur au loyer élevé.
L’exclusion du complément de loyer s’explique par le fait que ce
dernier doit être contesté dans un délai de trois mois à compter de
la signature du bail. S’il ne l’a pas été à ce moment-là, il ne pourra
plus l’être au moment du renouvellement. La règle est différente
concernant le loyer de base à propos duquel l’article 17-2, relatif
au loyer initial, prévoit déjà, sans limitation dans le temps, qu’une
action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base
est supérieur au loyer élevé. Ce loyer de base pourra donc être
contesté par le locataire soit au cours du bail initial, soit s’il ne l’a
pas fait, au moment du renouvellement ;
– une action en réévaluation engagée par le bailleur dès lors que
le loyer est inférieur au loyer médian de référence minoré.
68 - Dans ces deux cas, l’une ou l’autre des parties peut proposer un nouveau loyer à son cocontractant, au moins six mois avant
le terme du contrat pour le bailleur, et cinq mois seulement pour
le locataire, afin de bloquer la possible réaction du bailleur qui
notifierait un congé pour éviter de subir une diminution du loyer.
Le locataire peut contester une action en réévaluation de loyer en
produisant des références de loyers de voisinage – les éléments
constitutifs de ces références devant être définis par décret en
Conseil d’État – dont le nombre minimal à fournir est toujours de
trois ou de six dans les communes, dont la liste est fixée par décret,
faisant partie d’une agglomération de plus d’un million d’habitants.
69 - En cas de désaccord donc entre les parties sur ce réajustement, il est prévu une procédure amiable de règlement du litige
devant de la commission départementale de conciliation préalablement à la saisine du juge, le tout avant le terme du contrat dans
des délais strictement déterminés. En cas de hausse de loyer, un
mécanisme d’étalement de cette hausse dans le temps est également prévu. En somme, l’article 17-2 adapte le dispositif prévu
actuellement à l’article 17 c) au nouveau dispositif d’encadrement
des loyers, en se référant aux loyers médians de référence. Mais à
la différence de ce que permettait l’article 17-2, le bailleur n’est
plus libre, dans les zones tendues, d’aligner le montant du loyer sur
la moyenne du marché. Pour éviter une augmentation aussi importante du loyer, le rattrapage ne pourra aller au-delà du loyer de référence minoré.
70 - Dans les zones non tendues, la loi maintient le principe antérieur, à savoir que le loyer ne donne lieu à réévaluation que s’il est
manifestement sous-évalué. Si tel est bien le cas, le bailleur devra
respecter la même procédure (saisine impérative de la commission
et du juge avant le terme du contrat) et produire les mêmes références comparatives de loyers que celles exigées par l’ancien texte.
b) Paiement du loyer
71 - Deux dispositions intéressent ce paiement. L’article 7 a) est
complété par la loi nouvelle afin de préciser que le paiement partiel
du loyer effectué en application des articles L. 542-2 et L. 831-3
du Code de la sécurité sociale ne peut être considéré comme un
défaut de paiement du locataire. Cette disposition ne peut être
comprise que reliée aux textes précités qui confèrent aux organismes payeurs des allocations familiales ou sociales le pouvoir de
sanctionner le bailleur dont le logement n’est pas décent en
suspendant le paiement de l’allocation logement jusqu’à ce que le
bailleur ait mis les locaux en conformité. Pendant cette période, le
locataire ne paie plus au bailleur que le loyer diminué du montant
des allocations sans que cette diminution puisse fonder une action
du bailleur à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. Ces
nouvelles mesures n’entreront en vigueur qu’à compter du
1er janvier 2015.
72 - L’article 21 relatif à la quittance indique en complément du
principe de transmission gratuite de la quittance, qu’« aucuns frais
liés à la gestion de l’avis d’échéance ou de la quittance ne peuvent
être facturé au locataire ». Pour éviter les frais d’envoi de quittance,
Études
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
le bailleur ou son mandataire pourra à l’avenir avec l’accord du
preneur transmettre celle-ci par voie dématérialisée.
2° Charges locatives
73 - Régularisation des charges. – La loi ALUR n’est pas revenue
sur les principes directeurs posés dans l’article 23 de la loi du
6 juillet 1989. Le principe reste la transparence des charges avec
une liste limitative résultant du décret n° 87-713 du 26 août 1987
qui reste applicable malgré son ancienneté, dans l’attente de la
parution d’un nouveau décret annoncé par l’article 25 nouveau de
la loi du 6 juillet 1989. En fait, les seules améliorations du texte
porte sur la régularisation annuelle des charges. Ainsi, lorsque cette
régularisation n’est pas effectuée avant le terme de l’année civile
suivant l’année de l’exigibilité, le locataire peut demander que le
paiement des sommes qu’il doit soit fait par douzième. La loi
nouvelle a également fait passer d’un mois à six mois la durée
pendant laquelle les pièces justificatives doivent être tenues « dans
des conditions normales » (ce qui est d’une grande précision !) à
la disposition des locataires suite à l’envoi du décompte par nature
des charges. Enfin, le preneur aura le choix à compter du
1er septembre 2015 de demander la transmission par voie dématérialisée ou par voie postale du récapitulatif des charges.
3° Garanties de paiement
74 - Dépôt de garantie. – L’article 22 de la loi du 6 juillet 1989
est modifié sur certains points qui ont tous trait à la restitution du
dépôt en fin de bail. La loi ALUR prévoit deux délais de restitution.
Le dépôt doit être restitué dans un délai de deux mois sauf lorsque
l’état de lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée,
autrement dit lorsqu’il n’y a aucune dégradation et travaux de
remise en état à envisager. Dans ce cas, il doit être restitué dans un
délai maximal d’un mois, déduction faite, le cas échéant, des
sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles
soient dûment justifiées. Ces délais courent à compter de la restitution des clés par le locataire, dont les modalités sont précisées par
le texte. Il pourra s’agir d’une remise en main propre des clés au
bailleur ou à son mandataire, seul cas de figure jusque-là admis en
jurisprudence, ou d’un envoi à ces mêmes personnes par LRAR.
75 - Par ailleurs, pour que la sanction en cas de rétention illégale
soit dissuasive, ce qui n’était pas le cas avec la rédaction initiale
du texte où le solde du dépôt non restitué dans les délais produisait intérêt à un taux légal proche de 0 %, l’article 22 modifié
prévoit que le bailleur qui ne restitue pas dans les délais devra
verser au preneur une pénalité équivalente à 10 % du dépôt pour
chaque période mensuelle commencée en retard.
76 - Un traitement particulier est cependant réservé au bailleur
dont les lieux loués se situent dans un immeuble en copropriété.
Pour tenir compte du fait que l’arrêté définitif des comptes qui se
fait généralement en fin d’année ne correspond pas forcément à la
date de restitution des lieux, la loi autorise le bailleur à procéder
à un arrêté des comptes provisoire et à conserver une fraction du
dépôt limitée à 20 %, au-delà du délai légal de restitution jusqu’à
l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble. La Cour de cassation
et une réponse ministérielle avaient déjà préconisé cette solution
équitable dans le silence du texte initial.
77 - Cautionnement. – L’objectif du législateur était au départ de
supprimer cette garantie, jugée trop difficile à obtenir pour les locataires. Cette suppression supposait l’instauration d’une garantie
universelle de loyer obligatoire, non cumulable avec un cautionnement, comme le précise l’article 22-1 de la loi de 1989. Finalement, la GUL étant facultative pour le bailleur, celui-ci conserve
le choix du recours à un tiers garant.
78 - Quelques précisions sont apportées à la réglementation du
cautionnement. La règle du non-cumul d’un cautionnement avec
une assurance déjà souscrite est étendue à toute autre forme de
garantie, telle que la GUL ou la GRL. En revanche, elle ne
s’applique pas au dépôt de garantie. Il est également précisé que
le non-respect de cette interdiction est sanctionné par la nullité du
cautionnement.
79 - Garantie universelle des loyers (GUL). – La garantie universelle des loyers est l’une des mesures les plus décriées de la loi
ALUR. Son but initial était de faciliter l’accès au logement de locataire tout en sécurisant les bailleurs. À cette fin, elle devait être obligatoire pour tous les propriétaires du parc locatif privé (meublé ou
non meublé), interdisant par voie de conséquence le recours au
cautionnement, et financée à parts égales par les bailleurs et les
locataires. Finalement après deux passages devant les chambres du
parlement, cette « sécurité sociale du logement » n’a plus rien
d’universelle ; elle est facultative (sous réserve de renoncement
dans le contrat de bail) et le bailleur pourra lui préférer le cautionnement. De plus, elle sera gratuite pour les parties et son financement sera pris en charge par l’État.
80 - Applicable à compter du 1er janvier 2016, la GUL est minutieusement réglementée par un nouvel article 24-2 de la loi du
6 juillet 1989. De nombreux décrets sont cependant attendus pour
fixer se modalités d’application, en particulier le montant minimal
d’impayés ouvrant droit à la garantie, le plafond pris en compte
pour le calcul de l’aide, les modalités d’application de la franchise
ou encore la durée maximale d’octroi de l’aide. Un établissement
public administratif devrait être créé pour gérer cette garantie.
B. - Autres obligations
81 - Assurance imposée au locataire. – L’obligation pour le locataire de s’assurer contre les risques locatifs est maintenue dans son
principe, de même que la clause de résiliation de plein droit pour
défaut d’assurance. Dans l’article 7 g) modifié de la loi du 6 juillet
1989, une alternative est cependant laissée au bailleur lorsque le
preneur ne lui remet pas l’attestation d’assurance exigée. Plutôt que
de faire jouer la clause résolutoire, et après un délai d’un mois à
compter d’une mise en demeure non suivie d’effet, il peut prendre
l’initiative de souscrire lui-même une assurance pour le compte du
locataire, récupérable auprès de celui-ci. Le texte précise que le
montant total de la prime d’assurance annuelle acquittée par le
bailleur est récupérable par douzième à chaque paiement du loyer.
Par souci d’indemniser le bailleur de ses démarches et aussi pour
ne pas déresponsabiliser le preneur face à son obligation d’assurance, la loi permet au bailleur de majorer le montant de la prime,
dans des limites qui seront fixées par décret en Conseil d’État. Ce
contrat d’assurance sera résilié par le bailleur dès lors que le locataire souscrit lui-même sa propre assurance ou, en cas de départ
de ce dernier, avant le terme du contrat d’assurance.
L’avenir le dira, mais il paraît peu probable que beaucoup de
bailleurs se transforment en « bon samaritain » et souscrivent à
leurs frais une assurance dont il n’est pas certain qu’ils pourront
recouvrer le montant, de surcroît par douzième.
82 - Mise en conformité d’un logement indécent. – La mise sur
le marché de logements indécents est une préoccupation majeure
qui a conduit le législateur à prendre de nouvelles mesures. Outre
un rapport attendu sur l’opportunité de réviser le décret n° 2002120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement
décent 23, la loi ALUR a doté les organismes payeurs des allocations
familiales ou sociales de nouveaux pouvoirs de coercition à
l’encontre du bailleur. Ainsi, lorsque l’organisme payeur a constaté
l’indécence, l’allocation logement n’est pas versée au locataire ou
au bailleur mais conservée par l’organisme tant que les travaux de
mise en conformité ne sont pas effectués. Le bailleur doit les
accomplir dans un délai de dix-huit mois maximum. Si le logement
ne répond toujours pas aux caractéristiques de décence à l’issu de
23. Notamment sur la possibilité d’une évolution de la définition du seuil minimal
de surface habitable en deçà duquel un logement est considéré comme indécent et d’une intégration de la performance énergétique parmi les caractéristiques du logement décent.
9
Études
ce délai de mise en conformité, le bénéficie de l’allocation logement est définitivement perdu, étant précisé que le bailleur ne peut
demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue
correspondant au montant de l’allocation conservée. L’article 20-1
modifié de la loi du 6 juillet 1989 précise que l’information du
bailleur par l’organisme payeur de son obligation de mise en
conformité du logement, telle que prévue aux articles L. 542-2 et
L. 831-3 du Code de sécurité sociale, tient lieu de demande de
mise en conformité par le locataire.
83 - Travaux imposés au locataire. – L’article 7 e) de la loi du
6 juillet 1989 renforce la protection du locataire à qui certains
travaux peuvent être imposés en cours de bail et qui doit permettre
l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux
d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du
même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à
l’entretien normal des locaux loués, de travaux d’amélioration de
la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux
qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier
alinéa de l’article 6. Comme dans l’ancienne disposition, il est
prévu que les deux derniers alinéas de l’article 1724 du Code civil
sont applicables à ces travaux, sous réserve toutefois du respect de
la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de
l’habitat. La nouveauté consiste à informer le locataire, avant le
début des travaux, de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main
propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il est également précisé que les travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l’accord exprès du
locataire. Enfin, si les travaux entrepris dans un local d’habitation
occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère
abusif ou vexatoire ou ne respectent pas les conditions définies
dans la notification de préavis de travaux ou si leur exécution a
pour effet de rendre l’utilisation du local impossible ou dangereuse,
il est prévu que le juge puisse prescrire, sur demande du locataire,
l’interdiction ou l’interruption des travaux entrepris.
84 - Installation de détecteur d’incendie. – L’article 3 de la loi
ALUR modifie l’article 2 de la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 qui
rend obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les
lieux d’habitation au plus tard le 10 mars 2015. Tandis que cette
obligation incombait au locataire, en tant qu’occupant du logement dans la version originaire du texte, codifié à l’article L. 129-8
du Code de la construction et de l’habitation, c’est désormais le
propriétaire qui doit en assumer le coût et doit s’assurer de son bon
fonctionnement lors de l’établissement de l’état des lieux. En
revanche, c’est le locataire qui doit veiller à l’entretien de ce détecteur et à son remplacement en cas de nécessité.
C. - Litiges entre parties
10
85 - Saisine de la commission départementale de conciliation. –
Les contentieux entre bailleurs et locataires sont nombreux et
variés. La plupart d’entre eux peuvent donner lieu, avant toute
action judiciaire, à une saisine préalable de la commission départementale de conciliation dont la compétence a encore été élargie par la loi nouvelle. En effet, outre les litiges relatifs aux loyers,
à la décence, à l’état des lieux, au dépôt de garantie, aux charges
locatives et aux réparations, la commission se voit missionner pour
tenter de résoudre les litiges relatifs aux congés. Comme auparavant, sa saisine reste facultative, sauf pour les litiges relatifs aux
loyers résultant de l’application des articles 17, 17-1, 17-2 et 18 de
la présente loi et des articles 30 et 31 de la loi n° 86-1290 du
23 décembre 1986 (bail de huit ans permettant de sortir de la loi
du 1er septembre 1948).
86 - Prescription des actions (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 71). – Par dérogation à la prescription quinquennale de droit
commun jusqu’ici applicable et sans doute pour limiter dans le
temps les sources de contentieux entre locataires et bailleurs, un
nouvel article 7-1 limite à trois ans toutes actions dérivant d’un
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
contrat de bail, le délai courant « à compter du jour où le titulaire
d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant
d’exercer ce droit ». Par exception et dans l’intérêt bien compris du
preneur « l’action en révision du loyer par le bailleur est prescrite
un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail
pour réviser ledit loyer. ». Un bel exemple de manquement au principe d’équilibre entre parties souligné lors des débats parlementaires : « Le locataire constatant qu’il a payé des montants indus
peut les réclamer pendant trois ans ; en revanche, le propriétaire
distrait ou ne suivant pas bien ses affaires qui aurait oublié d’appliquer les clauses de révision du contrat ne peut solliciter le paiement
des sommes dues que pendant une durée d’un an » 24.
4. Cessation du contrat
87 - Protection renforcée des locataires. – Qu’il s’agisse de
mettre fin au bail par le biais d’un congé ou par une action en résiliation du bail, le constat est le même : la loi a entendu renforcer
la protection des locataires dans leur droit au logement et prévenir le mieux possible les expulsions locatives.
A. - Congés
88 - Modes de notification. – À côté de la notification par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception ou de la signification par acte d’huissier qui demeurent, l’article 15 permet la
remise du congé en main propre contre récépissé ou émargement.
Cet allégement du formalisme est une bonne chose en ce qu’il
permet d’éviter le coût d’un acte d’huissier ou l’incertitude de la
lettre recommandée, fragilisée par la nécessité d’une réception
effective par le destinataire pour marquer le point de départ du
délai de préavis. Avec la remise en main propre, les parties
disposent d’un procédé plus simple et tout aussi fiable que l’acte
d’huissier puisque le recours au récépissé ou à l’émargement
pourra attester qu’à telle date précise, le destinataire a bien été
informé de la volonté de l’auteur du congé. Il faut remarquer
d’ailleurs que la loi ALUR s’est contentée de transposer dans la loi
de 1989 un principe introduit dans l’article 667 alinéa 2 du Code
de procédure civile par le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 :
« La notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par
remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi
n’aurait prévu que la notification par la voie postale ».
89 - Notice d’information. – Une notice d’information devra être
jointe au congé pour habiter ou pour vendre délivrée par le
bailleur. Cette notice d’information, dont le contenu sera défini par
le pouvoir réglementaire, est destinée à renseigner les locataires sur
les obligations du bailleur et sur les voies de recours ainsi que les
possibilités d’indemnisation dont ils disposent.
1° Congé par le bailleur
90 - La volonté de protéger les locataires dans un contexte de
pénurie de logements jointe à celle de lutter contre les intentions
spéculatives de certains propriétaires justifient de nouvelles restrictions au pouvoir de donner congé du bailleur.
91 - Congé différé en cas de vente ou de reprise pour habiter. –
Le nouvel article 15-I de la loi de 1989 restreint la possibilité pour
l’acquéreur d’un bien loué de pouvoir le récupérer relativement
rapidement. S’il était tenu jusqu’ici de respecter le bail en cours
jusqu’à son terme, il pouvait au moins donner congé pour ce terme.
À l’avenir, le congé pour vente ne sera autorisé qu’au terme du
premier renouvellement du bail en cours, précise le texte. Pour que
cette disposition est un sens, le terme « renouvellement » doit être
entendu ici dans son sens générique et non dans son acception
strictement juridique. Le nouveau bailleur devra donc attendre trois
ans, voire six ans de plus – durées des renouvellements – avant de
24. V. J.-M. Tétart, amendement 39.
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
congédier le locataire. Quant à la reprise pour habiter, elle est, elle
aussi, différée si le terme du bail intervient moins de deux ans après
l’acquisition, auquel cas elle ne pourra intervenir qu’après un délai
de deux ans.
92 - Ces nouvelles règles sont le résultat d’un amendement
adopté à l’initiative du groupe Ecolo afin de lutter contre les opérations immobilières purement spéculatives. Elles ne concernent que
l’hypothèse où le congé est notifié par un nouveau propriétaire. En
conséquence, le bailleur initial qui donne congé reste soumis aux
règles classiques, étant observé que les locataires qui conservent
le même bailleur tout au long du contrat sont, eux, moins bien traités puisqu’ils pourront être congédiés pour le terme initial du bail !
93 - Suspension de la possibilité de donner congé en cas de
procédure de péril ou d’insalubrité. – Dans le cadre de procédures
visant à faire constater qu’un immeuble est insalubre ou dangereux,
suivi d’une interdiction définitive ou temporaire d’habiter le logement, il peut être imposé au propriétaire la réalisation de travaux
nécessaires et une obligation de relogement ou d’hébergement du
locataire. Pour éviter de voir un propriétaire profiter de cette situation pour faire jouer un congé-reprise et se défausser de ses responsabilités, les dispositions suivant ont été prises :
– le bailleur ne peut donner congé dès lors qu’il a reçu, soit un
courrier du préfet l’informant de la tenue du Conseil départemental compétent en matière d’environnement, de risques sanitaires
et technologiques, en vue de déclarer l’immeuble insalubre (C.
santé publ., art. L. 1331-26 et L. 1331-27), soit un courrier du maire
le mettant en demeure de faire les réparations nécessaires sur
l’immeuble et l’invitant à présenter ses observations. Il s’agit de la
procédure contradictoire préalable à la prise d’un arrêté de péril
(CCH, art. L. 511) ;
– lorsqu’aucun arrêté n’est pris, la suspension est levée à l’expiration d’un délai de six mois suivant la réception du courrier du
préfet ou du maire. Lorsqu’un arrêté d’insalubrité ou un arrêté de
péril ou encore lorsqu’un périmètre d’insalubrité est défini, le texte
rappelle que les protections des occupants sont alors applicables
(CCH, art. L. 5211 et s.) ;
– la durée du bail est également suspendue sur cette période.
94 - Droit de préemption du locataire. – La réglementation du
droit de préemption reste inchangée si ce n’est que la loi a limité
au troisième degré inclusivement les ventes entre parents qui
permettent d’échapper à ce droit. Avant la loi ALUR, le droit de
préemption ne s’appliquait pas lorsque la vente intervenait entre
parents jusqu’au quatrième degré. C’est encore ce seuil qui reste
applicable aux deux autres droits de préemption accordés au
preneur en application de l’article 10 et 10-1 de la loi du
31 décembre 1975.
95 - Protection des locataires âgés aux ressources limitées. – Les
critères de protection des locataires âgés aux faibles ressources, qui
interdisent au bailleur un congédiement sans offre de relogement,
sont modifiés. La condition d’âge, qui était de 70 ans est rabaissée
à 65 ans et le plafond de ressources n’est plus le SMIC, mais celui
en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés.
Les mêmes conditions s’appliquent au bailleur, mais de façon alternative.
96 - Il en résulte que le locataire est mieux protégé qu’auparavant
tandis que le bailleur perd l’une des rares dispositions qui était en
sa faveur. Certes, il pourra toujours tenir en échec ce régime protecteur et congédier le locataire sans offre de relogement, s’il justifie
soit qu’il a lui-même de faibles ressources, soit qu’il est lui-même
âgé. Mais tandis que le texte initial se contentait d’un propriétaire
âgé de soixante ans, le nouveau texte aligne la condition d’âge du
bailleur sur celle du locataire.
97 - Il faut mentionner que le Conseil constitutionnel a invalidé
l’extension de la protection, alors même que le locataire ne remplirait pas ces conditions, à la personne à charge vivant avec lui dès
lors qu’elle remplit lesdites conditions.
Études
98 - Lutte contre les congés frauduleux. – La loi nouvelle a
décidé de renforcer la lutte contre les congés frauduleux. Ainsi, il
est dorénavant imposé au bailleur de préciser dans le congé la
nature du lien existant entre le bénéficiaire de la reprise et le
propriétaire du logement, afin de permettre au locataire de vérifier
la légalité de la procédure. L’article 15 impose également au
bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de
reprise pour permettre au juge, en cas de contestation, de vérifier
la réalité de la situation. En conséquence, le bailleur devra motiver précisément le congé, préciser les raisons qui justifient que la
reprise n’est pas un vague projet, mais une certitude au jour de sa
notification. De façon plus générale, la loi nouvelle donne au juge
le pouvoir de vérifier, même d’office, la réalité du motif du congé
et le respect des obligations prévues à l’article 15. Le juge pourra
donc effectuer un contrôle a priori, ce qui lui était jusqu’à présent
refusé, sauf cas d’intention frauduleuse manifeste. La loi lui permettant de ne pas valider un congé qui ne serait pas justifié par des
« éléments sérieux et légitimes », la question se posera sans doute
de savoir si le contrôle judiciaire se limite à un contrôle de réalité
du motif ou s’il pourra aller jusqu’à un contrôle d’opportunité.
99 - Enfin, la loi ALUR renoue avec le dispositif adopté en son
temps par la loi du 22 juin 1982 en instaurant une sanction pénale.
Une amende pénale conséquente (6 000 € maximum pour une
personne physique, 30 000 € maximum pour une personne
morale), à vertu dissuasive, est prévue à l’encontre du bailleur qui
aurait délivré frauduleusement un congé pour vente ou pour reprise
à son locataire. La nature de cette amende a évolué au cours de la
navette législative. À une amende administrative, prononcée par
le représentant de l’État dans le département, a été substituée en
2e lecture au Sénat une amende pénale. Le locataire sera recevable
en qualité de partie civile et pourra obtenir réparation du préjudice
subi.
100 - Règles spécifiques aux « ventes à la découpe ». – Le régime
spécifique des congés pour vendre notifiés en application de
l’article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 est étendu aux immeubles
vendus par lot de plus de cinq logements, et ce afin de protéger un
plus grand nombre de locataires. Il faut rappeler que ce régime qui
ne concerne que certains propriétaires-bailleurs – ceux des secteurs
locatifs définis aux alinéas 4 et 5 de l’article 41 ter de la loi du
23 décembre 1986, c’est-à-dire en fait tous les bailleurs personnes
morales à l’exclusion des bailleurs sociaux et des SCI familiales –
permettait jusqu’à présent au locataire qui recevait un congé pour
vendre dans le cadre d’une vente par lots de plus de dix logements
dans le même immeuble, d’obtenir une prorogation de son bail de
sorte qu’il disposait du logement qu’il occupait pour une durée de
deux ans à compter de la notification du congé. Dorénavant, le
bailleur sera contraint de proroger les baux dès lors que l’opération
porte sur plus de cinq logements dans le même immeuble.
Attention : Cette nouvelle règle est d’application immédiate
et concerne les congés délivrés après le 27 mars 2014.
101 - Un nouvel article 11-2 instaure un autre cas de prorogation
du bail « lorsqu’un immeuble indivis ayant cinq locaux d’habitation ou plus est mis en copropriété ». Dans ce cas, les baux en cours
sont prorogés de plein droit d’une durée de trois ans de plus que
leur durée contractuelle ou légale antérieure. Cette disposition ne
joue que dans les zones tendues, telles qu’envisagées par
l’article 17-I de la loi de 1989.
102 - L’objectif du législateur a été là encore de protéger les locataires lors de la mise en copropriété d’un immeuble qui débouche
souvent sur des ventes à la découpe jugées spéculatives. Plutôt que
de subordonner la mise en copropriété à un permis préalable de
diviser, ce qui reste à l’étude 25, celle-ci s’accompagnera d’une
prorogation de la durée des baux préexistants.
25. L’article 175 de la loi ALUR prévoit que dans un délai d’un an à compter de la
promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un
11
Études
Remarque : L’article 11-2 ne manquera pas de soulever des
interrogations en doctrine. D’abord quant à son domaine
d’application car, malgré le terme « indivis » utilisé dans le
texte, il est peu probable que le législateur ait entendu
limiter cette disposition au cas d’immeuble détenu par
plusieurs propriétaires ; c’est certainement l’immeuble non
encore divisé qu’il a voulu viser, qu’il appartienne à une
seule personne ou à plusieurs. Ensuite, on comprend mal
pourquoi le seuil de déclenchement du texte est de « cinq
logements ou plus » alors qu’il est par ailleurs, c’est-à-dire
dans l’article 11-1 de la loi de 1989 comme dans
l’article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 de « plus de
cinq logements ». Il n’y a aucune explication cohérente à
cette différence. Cette différence de seuil est d’autant plus
illogique que la question de l’articulation de l’article 11-2
avec l’article 11-1 et du cumul des cas de prorogation
pourrait se poser.
103 - Enfin, deux mesures ont été prises qui concernent les droits
de préemption générés par les ventes intervenants en cours de
bail :
– s’agissant du droit de préemption institué par la loi Aurillac, qui
figure dans l’article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975, la loi
ALUR modifie le seuil de déclenchement de ce droit. Dorénavant,
la vente en bloc d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage
mixte de plus de cinq logements (et non plus de dix comme avant)
générera un droit de préemption au profit de locataires sur le local
qu’ils occupent, sauf si l’acquéreur pressenti s’engage à proroger
leur baux pour une durée de six ans à compter de la signature de
l’acte authentique de vente ;
– s’agissant du droit de préemption accordé au locataire lors de
la première vente par lot suivant la mise en copropriété de
l’immeuble 26, la loi ALUR instaure un nouveau droit de préemption au profit de la commune lorsque le locataire refuse de préempter. Une déclaration d’intention d’aliéner doit alors être transmise
sans délai au maire de la commune, contenant le prix et les conditions de la vente de l’ensemble des locaux pour lesquels il n’y a pas
eu acceptation de ces offres, l’objectif étant d’assurer le maintien
des locataires dans les lieux. À défaut, toute vente à un autre acquéreur est nulle.
2° Congé par le locataire
104 - Motifs de préavis réduit. – Si l’article 15-I, alinéa 2 réaffirme que le délai de préavis est normalement de trois mois lorsqu’il
émane du locataire, la suite du texte révèle que ce délai de trois
mois risque de devenir, en fait sinon en droit, l’exception.
105 - En effet, la loi nouvelle généralise le délai de préavis d’un
mois à tous les logements situés en zones tendues. Cette évolution
a été justifiée par le fait que dans ces zones, il ne serait pas difficile
pour un bailleur de trouver un nouveau locataire dans un délai
court. En réalité, tout dépend de la localisation géographique et du
type de logement et si le constat d’une relocation rapide se vérifie
sans doute pour les petits logements parisiens, il n’en va pas de
même pour les logements situés dans d’autres grandes villes où le
délai de rotation entre deux locataires dépasse très largement un
mois.
106 - Pour les logements situés en zones non tendues, le preneur
peut se prévaloir de certains motifs de préavis réduit. La loi
nouvelle a maintenu les cas de préavis réduit qui existaient auparavant, sauf à signaler que l’état de santé du locataire qui justifie
un changement de domicile est pris en compte quel que soit son
12
rapport sur l’opportunité et les modalités de mise en œuvre d’un permis de diviser. Ce permis de diviser serait délivré lors de toute division par lots et mise en
copropriété d’un immeuble comprenant au moins cinq locaux à usage d’habitation. Le rapport étudie la possibilité de subordonner la délivrance de ce permis
à des engagements garantissant la pérennité des situations d’occupation locative existant.
26. L. n° 75-1334, 31 déc. 1975, art. 10.
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
âge alors qu’il fallait qu’il ait plus de soixante ans dans le texte antérieur. Cet état de santé doit être attesté par un certificat médical.
107 - Elle a rajouté deux nouveaux motifs à la liste initiale ; le
locataire bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé et le locataire qui s’est vu attribuer un logement défini à l’article L. 351-2 du
Code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire un logement
locatif conventionné.
108 - Justification du préavis réduit. – La loi nouvelle rompt avec
la jurisprudence antérieure qui se contentait d’une justification a
posteriori du motif de préavis réduit 27. Dorénavant, le locataire
souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés
devra préciser le motif invoqué et le justifier au moment de l’envoi
de la lettre de congé. À défaut, le délai de préavis applicable à ce
congé sera de trois mois.
B. - Résiliation du bail et expulsion
109 - Dans le cadre d’un chapitre IV dont l’objet est d’améliorer
la prévention des expulsions, de nouvelles dispositions sont prises
afin de traiter encore plus en amont les impayés dans le but d’éviter
au maximum les expulsions locatives. Pour ce faire, l’article 24 sur
les clauses résolutoires est modernisé en profondeur et de
nouveaux délais sont prévus en matière d’expulsion.
110 - Modifications apportées à l’article 24 de la loi. – L’article
27 de la loi ALUR réorganise l’écriture de l’article 24 de la loi de
1989 qui est restructuré en plusieurs paragraphes. Les dispositions
existantes relatives au commandement de payer, à son formalisme,
son contenu, sa transmission à l’éventuelle caution du locataire
dans un délai de quinze jours suivant sa transmission au locataire,
à l’effectivité de la clause résolutoire pour défaut de paiement du
loyer deux mois suivant un commandement de payer demeuré
infructueux, sont reprises.
111 - Parmi les dispositions nouvelles, il y a lieu de noter :
– qu’à partir du 1er janvier 2015, tout bailleur personne morale
(hors SCI familiales jusqu’au quatrième degré) devra saisir la
commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) au moins deux mois avant l’assignation,
sous peine d’irrecevabilité de celle-ci. Jusqu’ici, l’obligation de
saisine d’une autorité publique avant l’assignation ne concernait
que les bailleurs sociaux pour leurs locataires bénéficiaires des
aides au logement. Cette saisine, qui pourra s’effectuer par voie
électronique, selon des modalités fixées par décret, est cependant
réputée constituée dès lors que la situation d’impayé a été signifiée
aux organismes payeurs des aides au logement ;
– concernant les bailleurs personnes physiques ou société civile
constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième
degré inclus, des arrêtés préfectoraux sont attendus pour fixer le
montant et l’ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer, délivrés à compter du 1er janvier 2015 sont
signalés par l’huissier de justice à la commission de coordination
des actions de prévention des expulsions locatives ;
– les délais de paiement que le juge peut accorder, même d’office,
ne sont plus limités à deux ans, mais à trois ans.
112 - Nouveaux délais en matière d’expulsion. – L’article
L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution est modifié
afin de rallonger le délai de la trêve hivernale. Celle-ci débute
toujours le 1er novembre, mais interdira à l’avenir les expulsions
jusqu’au 31 mars au lieu du 15 mars. De plus, contrairement à ce
qui était prévu antérieurement, les personnes dont l’expulsion a été
ordonnée et qui étaient entrées dans les locaux par voie de fait,
autrement dit les squatters, bénéficient désormais de ce sursis, sauf
décision contraire du juge (CPC, art. L. 412-6, al. 2, ancien). Enfin,
la durée des délais que le juge peut accorder pour quitter les lieux,
qui ne pouvait pas être inférieure à un mois et supérieure à un an
27. Cass. 3e civ., 13 déc. 2005, n° 04-19.585 : JurisData n° 2005-031365 ; Loyers
et copr. 2005, comm. 29, obs. B. Vial-Pedroletti ; AJDI 2006, p. 568, obs. F. de
la Vaissière.
Études
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
est aussi revue à la hausse ; elle ne pourra à l’avenir être inférieure
à trois mois ni supérieure à trois ans (CPC, art. L. 412-4, ancien).
113 - Sanction des expulsions illégales. – La loi ALUR crée une
infraction pénale visant à dissuader les propriétaires de pratiquer
des expulsions « manu militari ». Ainsi, un nouvel article 226-4-2
du Code pénal prévoit que « le fait de forcer un tiers à quitter le lieu
qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’État dans les conditions prévues à l’article L. 153-1 du Code des procédures civiles
d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou
contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 €
d’amende ».
5. Application transitoire de la loi ALUR
114 - Comme toujours, l’application transitoire d’une loi
nouvelle n’est jamais évidente, même pour des juristes. La loi du
24 mars 2014, publiée le 26 mars et en vigueur depuis le 27 mars
fixe dans un article 14 les règles applicables aux baux en cours (A).
Quant aux baux conclus à partir du 27 mars 2014 (B), ils sont
censés respecter la loi nouvelle, non sans difficultés, compte tenu
des nombreux décrets ou arrêtés d’application attendus.
A. - Règles applicables aux baux en cours
115 - L’article 14 de la loi ALUR, pose comme principe dans un
alinéa premier que les contrats de location en cours au 27 mars
2014, date d’entrée en vigueur du texte, demeurent soumis aux
dispositions qui leur étaient applicables.
116 - Dans ses alinéas suivants, le texte prévoit deux séries
d’exceptions.
117 - Concernant les locaux loués vides, c’est-à-dire le domaine
d’application traditionnel de la loi du 6 juillet 1989 tel que fixé à
l’article 2, sont immédiatement applicables les dispositions
suivantes :
– les articles 7 (obligations du preneur), 17-1 (révision du loyer),
20-1 (mise en conformité des logements indécents), 21 (quittance
de loyer) et 23 (charges locatives) de la loi de 1989, dans leur
rédaction résultant de la loi ALUR ;
– l’article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989 (vente à la découpe),
dans sa rédaction résultant de loi ALUR, leur est applicable pour
les congés délivrés après le 27 mars 2014.
118 - Concernant les locaux loués meublés, sont applicables les
dispositions suivantes : les articles 6 (obligations du bailleur), 7
(obligations du preneur), 20-1 (mise en conformité des logements
indécents) et 25-11 (compétence de la commission départementale de conciliation pour l’examen des litiges relatifs aux logements
meublés et relatifs aux loyers, aux congés, à l’état des lieux et du
mobilier, au dépôt de garantie, aux charges locatives, aux réparations et aux caractéristiques du logement) de la loi du 6 juillet 1989,
dans leur rédaction résultant de la loi ALUR.
Exemple : application différée de la loi nouvelle en matière
de congé
Soit un bail qui a pour terme le 30 octobre 2014 :
‰ un congé notifié le 20 avril 2014 reste soumis à la
réglementation antérieure à la loi ALUR. Il en résulte
notamment :
– que ce congé ne peut pas faire l’objet d’une remise en
main propre ;
– que le bailleur acquéreur du bien loué le 30 mars 2014
peut notifier un congé pour habiter pour le 30 octobre
2014, alors même que la durée du bail restant à courir est
inférieure à deux ans. Il n’est pas soumis aux nouvelles
dispositions restrictives de l’article 15-I de la loi du 6 juillet
1989 ;
– que le locataire qui donne congé parce qu’il a des
problèmes de santé ne peut se prévaloir d’un préavis réduit
que s’il est âgé de plus de soixante ans ;
‰ un congé notifié à compter du 31 octobre doit, en
revanche, respecter les nouvelles règles issues de la loi
ALUR car le bail tacitement reconduit (ou renouvelé) est un
nouveau bail. Mais si certaines de ces nouvelles règles
nécessitent des décrets d’application non encore intervenus, les règles anciennes demeurent applicables. En conséquence :
– le congé notifié par le locataire se verra appliquer toutes
les nouvelles règles, sauf en ce qui concerne la possibilité
de donner congé avec un préavis d’un mois dans les « zones
tendues », subordonnée à la parution du décret définissant
les communes concernées ;
– pour le congé notifié par le bailleur, le problème ne se
posera que dans trois ans au plus tôt et l’on peut espérer que
les mesures d’application seront alors intervenues.
B. - Règles applicables aux nouveaux baux
119 - Application différée de nombreuses règles. – Il est évident
que la loi nouvelle est théoriquement applicable dans son intégralité aux nouveaux contrats. Cependant, en raison des nombreux
décrets d’application et arrêtés attendus – une quarantaine environ – la loi ALUR voit une bonne partie de ses dispositions différées
dans le temps 28. Par ailleurs, l’application de certains textes est
expressément différée par la loi. C’est le cas de l’article 23 de la loi
de 1989 qui autorise la transmission des pièces justificatives des
charges par voie dématérialisée à compter seulement du
1er septembre 2015, ou encore de l’article 24-II relatif aux
nouveaux délais à respecter (à compter du 1er janvier 2015) par les
bailleurs personnes morales en matière de délivrance d’une assignation en résiliation du bail.
120 - Quid de la rédaction du « bail transitoire » ? – Les premiers
décrets sont attendus pour cet été et ils devraient concerner le bail
type, l’état des lieux et la rémunération des intermédiaires. C’est
dire que les nouveaux baux conclus à compter du 27 mars 2014,
auxquels la loi nouvelle s’applique, ne pourront respecter le formalisme imposé, faute de modèle-type à cette date 29. Ils ne pourront
pas non plus mentionner le loyer de référence et le loyer de référence majoré, dans l’attente de décrets et arrêtés annoncés qui
n’interviendront sans doute pas, dans le meilleur des cas, avant
l’automne prochain. D’ailleurs outre la parution de ces textes, la
réglementation du loyer initial est également subordonnée au fait
que dans la zone concernée ait été implanté un observatoire de
loyer opérationnel. Quant à la rémunération de l’intermédiaire, elle
pourra comme par le passé consister à demander au locataire
l’équivalent d’un mois de loyer.
121 - Il n’empêche que ces baux transitoires devront respecter les
nouvelles règles qui sont immédiatement applicables. Ainsi, en cas
de relocation, le bail devra mentionner le montant du loyer
acquitté par le précédent locataire ainsi que la nature et le montant
des travaux effectués dans le logement par le bailleur depuis la fin
du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement
du bail puisque le décret n° 2013-689 du 30 juillet 2013 reste
applicable au moins jusqu’au 31 juillet 2014. De même, le bail
devra également mentionner les nouvelles règles concernant la
révision du loyer qui ne nécessitent aucune précision complémentaire.
122 - Ces quelques indications de mentions devant figurer ou ne
pouvant figurer dans ce bail de transition sont révélateurs de la difficulté que les praticiens vont avoir pour établir un bail qui mixe les
dispositions de la loi ALUR immédiatement applicables et celles du
droit antérieur 30.
28. V. sur ce point, J. Lafond, Baux d’habitation : se préparer à la loi ALUR : JCP N
2014, n° 15, 1162, qui fait une synthèse sous forme de tableaux des dispositions de la loi ALUR qui ne peuvent pas s’appliquer immédiatement.
29. J. Lafond, Loi ALUR : l’impact sur la rédaction des baux régis par la loi du 6 juillet
1989 : JCP N 2014, n° 15, 1161.
30. V. la formule proposée par J. Lafond : JCP N 2014, n° 16-17, 1167.
13
Études
2
LOYERS ET COPROPRIÉTÉ - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
Aperçu critique sur les dispositions de la loi
ALUR relatives au contrôle de l’usage
d’habitation
Guillaume DAUDRÉ,
et Patrick WALLUT,
notaire assistant
notaire honoraire
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (ALUR) modifie, sans bouleversement, certains aspects du contrôle de
l’usage d’habitation issu de l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 et de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.
Une série de mesures contribue à étendre le champ territorial du contrôle tout en lui apportant quelques
retouches techniques. Les dispositions les plus importantes, et les plus discutées par les parlementaires,
s’attachent à recadrer le développement des meublés de tourisme. L’ensemble est entré en vigueur le 27 mars
2014.
1 - La loi ALUR « vise à mettre en œuvre une stratégie globale,
cohérente et de grande ampleur destinée à réguler les dysfonctionnements du marché, à protéger les propriétaires et les locataires,
et à permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des
conditions respectueuses des équilibres des territoires » 1. Il n’est
guère surprenant que ses auteurs se soient intéressés à la réglementation des changements d’usage : celle-ci demeure un outil de
protection des logements existants dans les centres urbains où
s’exerce une forte pression pour transformer ceux-ci en bureaux,
commerces ou cabinets de professions libérales.
Ce texte fournit l’occasion au pouvoir normatif d’apporter
quelques adaptations ou compléments d’ordre technique (1), avec
en ligne de mire les locations meublées touristiques (2). Toutes ces
mesures ont passé avec succès le filtre du contrôle de constitutionnalité, à l’exception d’une seule jugée trop contraignante pour les
copropriétaires 2.
Nombreuses sont les dispositions de la loi ALUR qui nécessitent
un décret d’application. Celles ici commentées n’en font pas partie
et ne prévoient pas de dispositif transitoire. Par conséquent elles
sont entrées en vigueur le lendemain de la publication de la loi au
Journal officiel, soit le 27 mars 2014.
1. Dispositions communes à l’ensemble
des changements d’usage
2 - La loi nouvelle procède à divers ajustements des dispositions
du Code de la construction et de l’habitation (CCH) relatives aux
changements d’usage des locaux d’habitation.
A. - Champ d’application territorial du contrôle
de l’usage
1° Application aux zones franches urbaines (L. n° 2014366, 24 mars 2014, art. 17)
3 - L’article L. 631-10 du CCH édictait que « Les dispositions de
l’article L. 631-7 ne sont pas applicables dans les zones franches
urbaines... ».
14
Ndlr : Cette étude a déjà été publiée au JCP N 2014, 1157.
1. V. l’exposé des motifs du projet de loi.
2. Cons. const., déc. 20 mars 2014, n° 2014-691 DC.
La raison en est aisément compréhensible ; au sein de ces zones
défavorisées, dans lesquelles le rapport emploi/habitat est le plus
souvent défavorable à l’activité professionnelle ou commerciale,
il avait été souhaité par le législateur que puissent s’implanter librement, soit des professions libérales, soit des activités industrielles
ou commerciales génératrices d’emplois et de services de proximité.
4 - Il est donc étonnant que la loi ALUR abroge l’article L. 63110.
Les raisons en restent obscures, ce d’autant que l’exposé des
motifs du projet de loi et les débats dans chacune des assemblées
ne nous éclairent pas sur la cause de cette abrogation 3, ni d’ailleurs
sur ses effets sur la pérennité des changements d’usage opérés sous
le bénéfice de l’article L. 631-10.
2° Faculté d’extension aux communes situées dans les
« zones tendues » (L. n° 2014-366, 24 mars 2014,
art. 16, 3°)
5 - L’article L. 631-9 du CCH prévoyait déjà une faculté d’extension aux communes non visées par l’article L. 631-7.
Le maire, qui est pourtant l’acteur principal du contrôle de
l’usage, n’est pas compétent pour décider de son application
lorsqu’elle apparaît opportune et peut seulement proposer à l’autorité administrative de prendre la décision d’extension.
6 - La loi ALUR modifie la procédure existante mais uniquement
pour les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l’article 232 du Code
général des impôts (CGI).
Pour rendre applicable l’article L. 631-7 sur tout ou partie du territoire de ces communes, une délibération de l’organe délibérant de
l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI)
compétent en matière de plan local d’urbanisme (PLU) ou, à
défaut, du conseil municipal, suffira désormais.
7 - L’article 232 du CGI concerne la taxe annuelle sur les logements vacants ; elle « est applicable dans les communes apparte3. Selon les rapporteurs de la Commission des affaires économiques au Sénat,
cette abrogation serait « pleinement cohérente » avec les autres dispositions de
la loi ALUR renforçant la régulation de la location meublée temporaire (Rapp.
n° 65, 9 oct. 2013, p. 99). Il est néanmoins permis de douter que les locations
touristiques soient fréquentes dans les ZFU...