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UFR de psychologie, Sociologie et Sciences de l’Education
Département de Sciences de l’Education
Master MÉTIERS DE LA FORMATION
Parcours INGÉNIERIE ET CONSEIL EN FORMATION
MÉMOIRE
La construction des compétences
à la relation de service
Maxime BORDIER
N° étudiant : 20911633
Sous la direction de S. SIMONIAN
Septembre 2011
Sommaire
SOMMAIRE ....................................................................................................................................1
INTRODUCTION .............................................................................................................................2
1. D’UNE ANALYSE DES BESOINS DE FORMATION A L’ETUDE DU PROCESSUS
DE CONSTRUCTION DES COMPETENCES EN SITUATION PROFESSIONNELLE ...6
1.1 PREMIERES INVESTIGATIONS THEORIQUES ..............................................................................6
1.1.1
La compétence .........................................................................................................6
1.1.2
De la compétence à la professionnalisation..........................................................10
1.1.3
Employabilité et formation ....................................................................................12
1.2
FOCALISATION SUR UN ASPECT DE LA MISSION : LA RELATION DE SERVICE ....................14
1.2.1 Définir les contours d’une relation de service .............................................................15
1.2.2
Relation de service et compétence.........................................................................17
1.2.3
Les enjeux de la professionnalisation à la relation de service..............................18
1.3
LE CHOIX D’UN CADRE THEORIQUE : LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE .......................22
1.3.1 La rencontre de plusieurs champs................................................................................22
1.3.2 La définition d’une compétence dynamique .................................................................23
1.3.3 La problématique..........................................................................................................24
2.
LA RECHERCHE...............................................................................................................26
2.1
LE MODELE D’ANALYSE..................................................................................................26
2.1.1
Interroger les modalités de la construction des compétences...............................26
2.1.2
Activité, connaissance et savoir.............................................................................27
2.1.3
Le rôle de la pratique réflexive..............................................................................30
2.2
OU RECUEILLIR DES DONNEES PERTINENTES ? : LE TERRAIN ..........................................33
2.2.1
Interroger au CFA sur les processus à l’œuvre en entreprise ..............................33
2.2.2
Description de l’échantillon ..................................................................................33
2.2.3
La formation initiale en alternance .......................................................................35
2.3
COMMENT RECUEILLIR DES DONNEES ? : L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION ......................38
2.3.1
Principes et intérêt ................................................................................................38
2.3.2
Le recueil des données...........................................................................................39
2.3.3
Repérer des savoirs d’action et les indices d’une activité réflexive......................41
3.
L’ANALYSE DES DONNEES...........................................................................................48
3.1 LES SAVOIRS D’ACTION REPERES ..........................................................................................48
3.1.1 Description et analyse ..................................................................................................48
3.1.2 Analyse transversale.....................................................................................................61
3.1.3 la 1e sous-hypothèse est-elle validée ? .........................................................................63
3.2 LA PRATIQUE REFLEXIVE DES APPRENTIS ..............................................................................64
3.2.1 Description et analyse ..................................................................................................64
3.2.2 Analyse transversale.....................................................................................................72
3.2.3 La 2e sous hypothèse est-elle validée ?........................................................................74
3.3 DISCUSSION ET PISTES D’ACTION ..........................................................................................75
3.3.1 Une compétence décidément irréductible.....................................................................75
3.3.2 La perspective pragmatique .........................................................................................75
CONCLUSION ..............................................................................................................................79
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................................................................81
ANNEXES ....................................................................................................................................83
1
Introduction
Une formation initiale en Histoire de l’Art ne me destinait pas a priori aux métiers de la
formation, c’est donc d’abord par pragmatisme que je devins formatrice en insertion
professionnelle en 2000, avant de rejoindre un Centre de Formation d’Apprentis pour y
enseigner le français en 2002. Après quelques années de cette pratique, j’éprouvai l’envie
d’évoluer professionnellement et en vins à m’intéresser notamment au poste de responsable
pédagogique.
C’est au niveau pédagogique que se situait la plus grande partie de mon expérience
professionnelle (expérience construite sans base théorique ni méthodologique) mais je souhaitais
alors aborder les aspects plus organisationnels de la formation.
Je ne disposais pas des compétences suffisantes, le recours à la formation était indispensable et
souhaité. Le master 2 pro Ingénierie et Conseil en Formation proposé par l’Université de Rouen
correspondait à mes attentes, par son contenu comme par sa modalité à distance.
Je choisissais de prendre un Congé Individuel de Formation afin d’accomplir une mission à
l’extérieur du CFA et d’élargir ainsi mon horizon professionnel.
Ce sont les caractéristiques du terrain de stage qui orientent la professionnalisation et
l’élaboration d’un parcours professionnel au sein du master, le choix de celui-ci est donc
déterminant. Le mien se porta en 2010 sur le projet Animal explora, création d’un parc de loisirs
animalier avec hébergement. Le maître d’ouvrage est le Conseil général de la Haute-Marne via
sa Direction de l’agriculture et de l’environnement. Ce projet de grande ampleur, en préparation
depuis une dizaine d’années suscitait alors questions et attentes de la part de la population. Le
parc devait ouvrir trois ans plus tard. Constatant qu’il faudrait préparer la population à occuper
les nouveaux emplois (une soixantaine au moins), je proposai au Conseil général d’effectuer une
mission d’ingénierie de formation au service de ce projet. A ce stade, le thème principal était
celui de la compétence et le souci affiché était celui de l’employabilité de la population locale.
Ma proposition de travailler sur les besoins de formation fut acceptée comme l’occasion d’initier
une réflexion à ce sujet.
2
Cette mission se déroula donc dans un service qui n’avait aucun rapport avec la formation.
Cependant la commande initiale (évaluer les besoins de formation) fut presque d’emblée
considérée comme peu réalisable car elle formulée trop tôt par rapport à la succession obligée de
certaines étapes du projet. Elle fut cependant donnée comme un premier fil conducteur.
Pour évaluer des besoins de formation, il fallait dénombrer et caractériser les emplois qui
seraient créés pour l’ouverture du parc et, en parallèle, mesurer les compétences des personnes
susceptibles de se positionner pour ces emplois. Ces éléments seraient ensuite confrontés et les
écarts éventuellement perçus pourraient être comblés par la formation.
Hors, vu l’état d’avancement du projet, l’évaluation du nombre d’emplois et leur répartition par
domaines professionnels (chiffres fournis par le cabinet assistant maître d’ouvrage) restait encore
imprécise. Aucun référentiel de métier n’était encore connu. Par ailleurs des investigations plus
importantes n’étaient pas forcément possibles et auraient fait basculer la mission dans le champ
des ressources humaines.
Nous choisissons de nous arrêter un peu plus longuement sur le contexte et le
déroulement de la mission car ces aspects ne seront pas repris dans le corps du mémoire. Ils sont
cependant nécessaires pour percevoir la logique de la construction de la recherche : la
problématisation de la mission (et la proposition d’un contenu pour celle-ci) a orienté le choix de
la problématique du mémoire.
Lorsque la mission commence en février 2010, un contrat a déjà été signé avec un professionnel
du tourisme pour l’hébergement, le marché de maîtrise d’œuvre de conception des ouvrages
(architecture) est en cours et la délégation de service public pour la partie animalière sera bientôt
lancée. Les étapes administratives se poursuivent, le projet ne sera définitivement validé qu’à
l’issue de celles-ci, à la fin du mois de juin.
La question de la formation, vue comme un sous projet, ne peut réellement se poser qu’à
partir du moment où l’ensemble des délégataires – ils seront les recruteurs - sera identifié
et que le projet entrera dans sa phase de réalisation. De même Animal Explora ne pourra
être perçu par la population comme un projet professionnel potentiel qu’à partir du
moment ou sa concrétisation sera manifeste.
A ce stade, et après un premier diagnostic de territoire en début de mission, il fallut donc
problématiser la situation pour tenter de construire une réponse dans le champ de l’ingénierie, on
pouvait le faire à partir des constats suivants :
3
La formation est bien un sous projet important. Elle permettra l’adéquation entre le profil
des personnes et les besoins des employeurs. L’enjeu est donc perceptible tant du point
de vue des personnes (question de l’employabilité qui passe, éventuellement, par
l’adaptation à un nouveau contexte professionnel) que du point de vue de la qualité des
prestations et de l’accueil proposés dans le parc.
Cependant, la formation des futurs personnels, étape du projet Animal explora, sera
différée par rapport au temps de la mission du master ICF.
Le Conseil Général ne recrutera directement aucun employé, le partenaire privé et le(s)
délégataire(s) auront la totale responsabilité de la gestion des ressources humaines. Cette
collectivité souhaite cependant « disposer des connaissances nécessaires pour orienter les
décisions liées à l’emploi et à la formation ». Ces éléments d’information et de
compréhension pourront éventuellement être utilisés lors de la contractualisation avec les
différents partenaires.
Le diagnostic de territoire ébauché en début de mission permet de percevoir le profil
socioprofessionnel mais aussi culturel de la population locale : travailler dans le parc
constituera souvent une conversion professionnelle. L’insertion des demandeurs d’emploi
devra être favorisée.
Les principaux domaines d’activité présents dans le parc sont identifiés : des métiers de
l’accueil et de la vente à ceux de la restauration et de l’hébergement en passant par les
différents types d’animation, l’encadrement des activités aquatiques, le soin aux animaux,
l’entretien, la maintenance des différents pôles et l’administration. Une soixantaine
d’emplois – hors résidence hôtelière – serait créée.
Il apparaît que la relation de service est le point commun à la quasi-totalité des métiers
présents sur le site et qu’elle caractérisera aussi les activités qui se développeront sur le
reste du territoire (emplois induits).
Ces différents éléments incitèrent à se positionner sur une mission de conseil plutôt que sur une
intervention directe. La DEA souhaitait obtenir des informations sur la formation pour agir le
moment venu : à partir de quand faudrait-il s’intéresser à la formation, quelles seraient les étapes
à respecter ? Ce questionnement fut complété par une réflexion sur le lien qui pouvait exister
entre la qualité des prestations dans le parc et la formation.
4
A ce stade, la Direction de l’environnement et de l’agriculture accepta ma proposition de
travailler dans trois directions complémentaires :
-
La réalisation d’un guide méthodologique spécifique à ce contexte
Il s’agissait de rendre lisibles les différentes étapes et démarches liées à la formation :
« L’ingénieur de formation a donc à coordonner et à piloter quatre étapes principales dans la
démarche d’ingénierie, en vue de mener une action de manière optimale pour le développement
des personnes et de l’organisation »1 : Analyser, concevoir, réaliser et évaluer.
-
La constitution d’un répertoire des outils et des acteurs de la formation :
Le survol des différentes étapes de l’ingénierie montre que la formation ne peut pas se penser en
dehors d’un réseau d’acteurs. Le deuxième axe de la mission a pour but de faire connaître ce
réseau à la Direction de l’environnement et de l’agriculture et de s’en faire connaître. Il s’agit
donc à la fois de recueillir des informations et de commencer à communiquer, de manière encore
informelle, sur le projet.
-
Des préconisations :
Celles-ci sont portèrent d’abord sur la nécessité de créer un cadre pour agir au niveau de la
formation : un comité de pilotage dédié à la formation et à l’emploi et réunissant les délégataires,
la DEA, les partenaires institutionnels et les représentants des organismes de formation serait
pertinent. Le deuxième axe fut celui plus spécifique de la formation et de la professionnalisation
à la relation de service dans le cadre d’un projet d’accueil touristique.
Compétence, formation, relation de service sont ainsi retenus comme les trois fils
conducteurs du mémoire de master pro. Celui-ci s’articule en trois parties.
La première montre l’élaboration progressive de la problématique en lien avec les lectures
théoriques – dont celles relatives à la didactique professionnelle qui constituera finalement le
cadre théorique de la recherche -, le travail réalisé dans le cadre de la mission, et la focalisation
sur la relation de service. C’est finalement la construction des compétences à la relation de
service qui sera au cœur du mémoire.
La deuxième partie est consacrée à la mise en place de la recherche, elle pose et justifie le
modèle d’analyse qui articule savoirs d’action et pratique réflexive, présente le terrain (différent
de celui de la mission) et l’outil de recueil de données.
Il s’agit enfin de décrire et d’analyser les données recueillies et de proposer en regard des pistes
d’action qui, on le verra pourront dépasser le cadre de la seule mission.
1
ARDOUIN T., Ingénierie de formation pour l’entreprise, Dunod, Paris, 2008, p.35
5
1. D’une analyse des besoins de formation à l’étude du processus
de construction des compétences en situation professionnelle
1.1 Premières investigations théoriques
1.1.1 La compétence
a) La fortune du terme
L’adjectif « compétent » est d’un usage courant. Les connotations du terme sont positives, il
évoque le sérieux, la pertinence de la personne - pas seulement du professionnel - en qui on peut
avoir confiance pour une intervention, un conseil, dans un domaine donné.
L’étymologie latine est à l’origine de ce sens courant puisque le participe présent competens (du
verbe cumpeto se rencontrer en un même point, coïncider), pris adjectivement, signifie approprié
à, qui convient. Competentia, la compétence, désigne ainsi le juste rapport, la proportion.
Dans le latin juridique, être compétent donne le droit de juger d’une affaire, ce sens spécifique
perdure jusqu’à nos jours. Au sens figuré, depuis le XVIIe siècle, se dit d’un homme qui a toute
connaissance pour juger d’une chose et, de là, signifie suffisant.
L’apparition du mot dans le champ du travail est relativement récente. La crise qui s’installe à
partir des années 1980, la concurrence accrue et les bouleversements des organisations liés aux
restructurations comme aux progrès technologiques, ont des répercussions sur le contenu du
travail et sur la gestion des ressources humaines. Cette crise économique est en partie celle du
taylorisme et l’on va passer, dans certains cas, du modèle rigide du poste de travail et de sa
qualification (réalisations de tâches prédéfinies et rationalisées) à un autre modèle orienté cette
fois vers les « spécificités » de celui qui travaille (Zarifian, 2007b p.1) : Les salariés considérés
comme ressource, peuvent influer sur la performance des entreprises.
Ce n’est pas pour autant un retour au « métier » dans lequel s’exprime un savoir-faire. Dès lors il
s’agit de mieux connaître ce qui est mis en œuvre par l’individu dans l’activité professionnelle et
cette préoccupation se cristallisera autour d’un mot du vocabulaire courant, la compétence, qui
6
évoque l’efficacité en situation de travail et qui peut être vue comme une maille large d’activité
par opposition au découpage tayloriste excessif (Le Boterf,1998, p.64).
b) Du « juste rapport » à son explication
Les domaines des ressources humaines et de la formation se dotent d’un terme qui se veut
porteur d’un nouveau regard sur un travail qui évolue. Mais, à ce stade, l’approche peut relever
surtout du behaviorisme : l’observation d’une action dans un environnement qui la détermine. La
compétence désigne là encore un juste rapport, non expliqué, entre une personne et une activité.
Mais rapidement, le contenu de la compétence va devenir l’objet d’analyse de la part des
sciences humaines. Il s’agit de comprendre son fonctionnement pour favoriser son
développement. Ce contenu reste cependant difficile à qualifier car le processus est soustrait au
regard. Le recours à des comparaisons est ainsi fréquent :
-Avec un iceberg : la partie émergée et visible du savoir-faire ne donne qu’une idée très
fragmentaire et éventuellement fausse des connaissances immergées sur laquelle s’appuie
l’activité opératoire. (Vergnaud, 1995).
-Avec le modèle de développement des synapses qui souligne le caractère exponentiel du
processus, en lien avec l’expérience (Le Boterf, 1998).
-Le modèle de la compétence linguistique (Chomsky) est souvent requis pour permettre la
compréhension et si on peut s’interroger sur la pertinence d’une transposition de celui-ci à toute
compétence, l’intérêt est bien de souligner cette inférence de l’extérieur vers l’intérieur, de
l’action efficace en situation vers ce qui permet celle-ci.
C’est l’analyse du travail sous l’angle de la psychologie cognitive, de l’ergonomie ou encore de
la didactique professionnelle (qui s’appuie sur les deux premières) qui va permettre d’opérer le
déplacement du sens du mot « compétence » d’un résultat vers un contenu plus précis.
La plupart des auteurs s’accordent sur l’aspect composite de la compétence, association de
différents types de savoirs qui permettent d’agir dans une situation particulière. Le Boterf
considère un équipement incorporé (connaissances, savoir-faire et aptitudes diverses) et des
ressources externes (réseau relationnel, banque de données…). Certains évoquent
des
composants d’ordre cognitif (conscients ou non), d’ordre affectif et d’ordre éthique (Demailly,
1994 p.73) mais d’autres distinguent compétences et qualités (savoir-être) et ne les incluent pas
7
dans les « ingrédients » de la compétence2. Hébrard (2007) préfère ainsi parler de capacités
transversales en parallèles de compétences vues comme des savoir-faire opérationnels et
contextualisés. Habituellement quand il est question de savoirs pratiques ou de savoirs d’action,
ils ne se superposent pas à la compétence mais en font partie.
La compétence est le fruit d’une construction complexe, et non le résultat d’une simple addition
de composants et elle devient à son tour un schème opératoire, une nouvelle ressource (Le
Boterf, op.cit.). Il y a donc là un caractère exponentiel : Il existe une relation dialectique entre
l’activité et la compétence (Montmollin,1994, p.39). Le caractère évolutif et dynamique de la
compétence est donc à retenir dans toute tentative de définition.
Pour Le Boterf, la compétence d’un individu réside dans son savoir combinatoire : l’aptitude à
mobiliser et à combiner des ressources pour faire face à une situation complexe ou inédite3. Le
résultat de cette combinatoire peut aussi être appelé paquets, modèles ou îlots de
connaissance.
Intervient
alors
un
type
particulier
de
ressources
cognitives,
les
métaconnaissances car si la connaissance est structurée en modèles, il est nécessaire que
l’opérateur
sache
quelque
chose
de
ces
îlots
pour
gérer
son
corpus
de
connaissances (Montmollin op.cit, p. 42).
Malgré tous les efforts de théorisation, la compétence (en tant que contenu) conserve un aspect
irréductible et continue d’être désignée de manière indirecte. On peut retenir qu’elle apparaît à la
jonction de trois phénomènes - qu’il faut étudier dans leurs relations dès lors que l’on s’intéresse
à elle - et qui sont :
1. Les caractéristiques de la personne
2. Les requis des situations de travail
3. La reconnaissance sociale
(Demailly op.cit. p.73)
L’actualisation de la compétence comporterait ainsi une part de « bricolage » au sens de création
ingénieuse et adroite, celui-ci comblerait les angles morts des savoirs procéduraux pour
s’adapter aux situations (Sorel, 1998 p.42). C’est, nous l’avons vu, ce que Le Boterf nomme
savoir combinatoire et dont le mystère réside dans le caractère personnel, les mêmes ressources
ne produisant pas nécessairement les mêmes compétences. Une discipline comme la didactique
2
Mais Champy (2007, p.38) note que, dans les activités de service, les qualités gagnent petit à petit leur statut de
compétences, à ce sujet voir 1.2
3
Voir à ce sujet l’approche de la didactique professionnelle (2.1.2, activité et production de savoir)
8
professionnelle refuse néanmoins l’idée d’une metis totalement hermétique et voit dans l’analyse
des processus d’apprentissage par l’activité une possibilité de compréhension (Pastré 2006, p.3).
c) Résultats et enjeux de la « logique compétence »
Avec la compétence naît un nouveau rapport à l’organisation, basé sur l’initiative et la
responsabilité (répondre de, avoir le souci de). On s’éloigne du seul travail prescrit et ce d’autant
plus que les situations de travail sont de plus en plus événementielles (Zarifian, 2007a, p.42).
L’engagement personnel est plus important.
Le principe de la qualification (du poste de travail) existe toujours mais la prise en compte des
compétences le rend plus flexible. De même, le diplôme reste souvent une référence sans
pourtant être garant de la compétence. Il constitue cependant un repère et on peut penser que la
réflexion sur la compétence instaurée depuis près de 30 ans a d’ailleurs permis une meilleure
adéquation formation/emploi.
Mais si la compétence c’est le retour du travail dans l’individu (Zarifian, op.cit, p.39), il faut
cependant s’assurer que celle-ci reste bien un attribut relatif à une personne et ne devienne pas
une abstraction (Le Boterf, 2006, p.20).
La compétence, c’est ce qui fait la différence entre les individus, les équipes, les entreprises
(Vergnaud, 1995) mais encore faut-il savoir la mettre en valeur sur le marché du travail et la
faire reconnaître. Cela doit souvent se faire par le biais d’un discours … ce qui suppose une
compétence spécifique construite autour d’une capacité de réflexion sur l’action et d’un savoirdire4. Les démarches de validation des acquis de l’expérience, qui nécessitent souvent un
accompagnement, l’illustrent bien.
Des effets négatifs sont également soulignés. La compétence, signe distinctif, peut induire la
gestion des individus au cas par cas dans les entreprises et donc susciter une mise en compétition
(l’étymologie commune fait percevoir d’autant mieux la proximité sémantique des deux termes).
Zarifian (2007a, p.62) pense que le modèle de la compétence est alors détourné. Pour lui,
l’individualisation se révèle dans l’engagement personnel déjà évoqué mais le travail peut de
moins en moins se passer du collectif et des réseaux qu’il faut absolument préserver pour que les
compétences se développent.
4
On peut faire le lien avec la question de l’employabilité, 1.1.3
9
Le concept de compétence, progressivement construit depuis les années 1980, évoque
donc aujourd’hui un contenu cognitif complexe et un rapport social distinctif. La variété des
approches montre à quel point il est difficile de comprendre la compétence. Elle est relative, elle
dépend du contexte mais aussi de celui qui l’observe, c’est une construction sociale.
Et si la compétence-performance peut sembler suffire à l’entreprise, on voit bien l’intérêt d’une
meilleure connaissance des processus de développement de celle-ci pour pouvoir la susciter ou la
mobiliser dans les situations de travail ou de formation.
1.1.2 De la compétence à la professionnalisation
Si la réflexion sur la compétence au travail est apparue en France, au début des années 1980,
l’intérêt pour la professionnalisation semble un peu plus récent. C’est la conséquence de « la
logique compétence » qui sous-entend un processus continu face à une évolution continue des
situations de travail. Ce thème apparaît donc conjointement dans le domaine du travail et dans
celui de la formation.
a) Eléments de définition
La polysémie du mot profession est le résultat d’une évolution historique. De la profes, d’abord
religieuse, jusqu’au serment (ou la déclaration) qui, dès le XIIIe siècle, lie un homme à une
corporation strictement réglementée dans le cadre d’une opposition entre métier libre et métier
juré.
Ces sens sont perceptibles aujourd’hui encore lorsque l’on parle d’un corps de métier en tant
que profession avec la délimitation de compétences particulières, une culture et une éthique
communes. On exerce une profession et l’on appartient à celle-ci. La dimension identitaire est
donc importante. Si cette définition peut convenir à toute une variété de champs professionnels,
celle de la sociologie anglo-saxonne est beaucoup plus restrictive et concerne les seules
professions libérales.
Le terme de professionnalisation évoque alors un processus qui peut intervenir à plusieurs
niveaux :
-
Celui des activités :
Dans le cadre des évolutions du travail évoquées précédemment, certaines professionnalités
atypiques ne se reconnaissent plus dans un corps de métier identifiable mais seulement dans une
10
succession d’expériences/compétences. Il y a alors perte des repères collectifs. La
professionnalisation revient alors à la construction, la définition d’une nouvelle profession, avec
notamment la reconnaissance de son utilité par et pour la société
-
Celui des acteurs :
Il s’agit ici de développer et de mettre à jour les compétences propres à une profession mais aussi
de construire une identité professionnelle.
La professionnalisation peut donc être perçue comme un accompagnement pour s’adapter à
l’évolution et à la flexibilité du travail mais aussi comme le processus de fabrication d’un
professionnel par la formation ; ce processus peut également être informel (Wittorski, 2001 p.4).
b) Le professionnalisme
Compétences, professionnel, ces mots appartiennent au même champ lexical et évoquent tous les
deux l’efficacité et la pertinence au travail.
Qu’est-ce qu’un professionnel ? Est-on nécessairement professionnel
si l’on possède des compétences ?
Le professionnel est celui en qui on peut avoir toute confiance, il atteint les objectifs fixés. Cette
confiance est possible s’il y a une constance de cette efficacité quels que soient les événements
de la situation professionnelle. Exercer une profession suppose une relation de service. Dans la
mesure où toute action dans une situation professionnelle est orientée par les effets qu’elle
produit sur autrui (Zarifian, 2008). Et l’on retrouve ici la notion d’utilité sociale propre à la
profession.
Il existe aussi un « professionnalisme pour soi » : savoir que l’on dispose des ressources
nécessaires pour s’adapter à des situations variées, voire imprévues, permet de travailler
sereinement (Ce qui amène à faire le lien entre métaconnaissances, sentiment d’efficacité et
développement des compétences).
Si de la compétence professionnelle au professionnalisme il n’y a qu’un pas (Le Boterf, 2006),
il est difficile de définir ce qui fait la différence. On retrouve ici la même logique que pour la
compétence. La professionnalisation est un processus d’agencement des compétences dans
lequel intervient aussi une dimension supplémentaire. Il peut s’agir d’une « inventivité » ou
encore d’une faculté d’adaptation, d’une acuité particulière pour anticiper et improviser en
11
utilisant les schèmes d’action préalablement construits (voir à ce sujet le débat sur les qualités,
constitutives ou distinctes de la compétence). C’est ce que Le Boterf appelle une pratique
professionnelle, c'est-à-dire le déroulé de choix, de décisions et d’actions mis en œuvre pour
faire face à une situation donnée. Le professionnel a assimilé un genre (les règles du métier, les
pratiques communes aux membres de sa profession). Il a aussi un style qui lui est propre, c’est
son interprétation personnelle des références communes (Y.Clot, cité par Le Boterf).
Le professionnalisme se développe d’abord au rythme de l’expérience - si celle-ci est réfléchie. Il
faut formaliser, se détacher de la situation spécifique, pour transposer5 – même si des pratiques
inconscientes, tacites, font aussi partie de l’expérience.
Ce sont ensuite les relations avec les pairs et le partage d’une culture professionnelle commune
qui participent de ce professionnalisme puisqu’il ne faut pas oublier le versant identitaire propre
aux professions.
L’augmentation des compétences ne suffit donc pas toujours à conduire au professionnalisme.
Dans toute volonté de professionnalisation, par la formation notamment, il s’agit à la fois de
construire des compétences et de prévoir une architecture d’ensemble pour celles-ci, une possible
cohérence dans l’action, en lien avec l’identité professionnelle.
1.1.3 Employabilité et formation
Le thème de la mission est, dans un sens très large, celui du lien entre la création de la station
touristique animalière et l’emploi local.
Ma proposition de travailler au repérage des besoins de formation a été acceptée comme
l’occasion d’initier une réflexion à ce sujet. Le souci affiché est celui de l’employabilité de la
population locale. Ce thème s’articule avec ceux de la compétence et de la professionnalisation
et incite à définir plus précisément les champs d’intervention de ce que l’on appelle la formation.
a) La notion d’employabilité
Le terme désigne la capacité à accéder à l’emploi et à s’y maintenir. Il comporte aussi l’idée d’un
seuil, d’un minimum requis en deçà duquel on n’arriverait pas accéder à un emploi.
5
Voir à ce sujet : 2.1.3, rôle de la pratique réflexive
12
Il s’intéresse donc aux caractéristiques des personnes dans un sens beaucoup plus large que celui
des seules compétences professionnelles, même si celles-ci constituent évidemment des critères
importants d’employabilité.
Pour être employable, il faut aussi des compétences6 « transversales »:
- « sociales » : pour entrer en relation et communiquer efficacement avec les recruteurs, pour
participer à un collectif de travail, coopérer.
- De transfert et d’adaptation pour travailler dans un contexte nouveau (activités nouvelles,
mais aussi culture professionnelle nouvelle).
Mais encore faut-il être en mesure de rendre visibles ces compétences pour accéder à
l’employabilité.
D’abord réservée à certaines catégories (chômeurs de longue durée, travailleurs handicapés) pour
lesquelles le passage à l’emploi s’avérait difficile, la notion concerne aujourd’hui l’ensemble de
la population active dans une volonté de gestion et de sécurisation des parcours.
Elle doit être une préoccupation pour tous les acteurs de l’emploi :
-
Pôle emploi qui a vocation à améliorer l’employabilité des personnes7
-
Les entreprises qui doivent la favoriser par la formation ou les actions du type de la
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC, soutenue par l’Etat).
-
Les personnes elles-mêmes qui doivent s’impliquer dans la gestion de leurs parcours
professionnels par le biais, par exemple du droit individuel à la formation (DIF) ou du
congé individuel de formation (CIF).
-
Les organismes de formation
Les réformes successives de la formation professionnelle (2004 et 2009) insistent sur la notion
de « formation tout au long de la vie » et son lien avec l’employabilité.
b) La formation
Une définition succincte du terme formation peut être utile. Cette activité fait partie du champ de
l’éducation, elle a pour objet de :
6
C’est à dessein que nous choisissons ce terme qui, plus que capacité ou qualité, évoque un pouvoir agir permis par
un ensemble de caractéristiques
Loi du 12/02/08 relative au service public de l’emploi
7
13
Permettre l’adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de
travail, de favoriser leur promotion sociale par l’adaptation aux différents niveaux de la culture
et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique
et social. 8
Une telle définition détermine des champs d’intervention très vastes et peut être mise en parallèle
avec les deux axes de la professionnalisation déjà évoqués. La formation inclut ainsi à la fois une
dimension de développement humain et une dimension de développement professionnel :
Formation qualifiante ou pré qualifiante, préparation à l’emploi, insertion, mobilisation … Elle
est liée au changement, elle l’accompagne et/ou l’induit. Ses déclinaisons sont déterminées par
un contexte (et les objectifs spécifiques émanant de celui-ci) et par les caractéristiques des
personnes.
Depuis les lois du 16 juillet 1971, l’éducation permanente est une obligation nationale et un droit
pour chacun.
Dans une société marquée par un taux de chômage qui reste élevé, le maintien et le
développement de l’employabilité constituent donc des injonctions très fortes adressées à
l’ensemble des acteurs de l’emploi et de la formation - et surtout à la personne elle-même,
responsable de son parcours professionnel.
La formation intervient dans la professionnalisation – et elle peut avoir un rôle d’anticipation à
ce niveau - ce qui constitue déjà un vecteur d’employabilité mais elle doit aussi avoir toute sa
place dans l’accompagnement vers l’employabilité. Au-delà des « techniques de recherche
d’emploi » largement diffusées et souvent standardisées, que propose la formation pour
développer de manière spécifique, chez une personne, les compétences « clés » précédemment
évoquées ?
1.2 Focalisation sur un aspect de la mission : La relation de service
Le questionnement sur le thème des besoins de formation liés à l’ouverture d’un parc de loisirs
animalier a dû évoluer en fonction de la réalité de la mission au Conseil Général de la HauteMarne. En effet, il est trop tôt au printemps 2010 pour impliquer la population et susciter des
attentes en terme d’emploi puisque le projet ne sera définitivement validé qu’en juin ( la mission
8
Art. L.900-1 du Code du travail.
14
sera terminée à cette date). De plus, même si les différents métiers ont été clairement identifiés,
l’évaluation du nombre des emplois reste imprécise.
Mais s’il est alors prématuré d’évaluer des besoins de formation, il est cependant possible de
réfléchir au cadre général de l’emploi, au contexte de travail propre au futur parc animalier.
Il apparaît ainsi que la relation de service, déclinée à différents degrés, est le point commun à
l’ensemble des métiers qui seront présents sur le site. Cette relation caractérisera également les
activités économiques qui se développeront sur le reste du territoire (emplois induits). La
satisfaction de la clientèle touristique, la qualité de l’accueil, dépendront, en partie, de la qualité
de ce service.
1.2.1 Définir les contours d’une relation de service
a) Le contexte économique
En économie, le secteur tertiaire est celui dit des « services » et l’on peut parler d’une
tertiarisation progressive de l’économie et des emplois depuis les années 1950, au détriment des
autres secteurs (plus de 80 % des emplois en France aujourd’hui).
Protéiformes, ces services sont difficiles à définir conjointement : du commerce à
l’administration en passant par les transports, la santé, l’éducation ou encore les activités de
conseil … L’INSEE indique que le périmètre du secteur tertiaire est, de fait, défini par
complémentarité avec les activités agricoles (primaires) et industrielles (secondaires).
Les contours sont d’autant plus difficiles à repérer que l’on parle aujourd’hui de tertiarisation de
l’industrie (prise en compte des souhaits de la clientèle) mais aussi d’industrialisation des
services (application du taylorisme, dans les centres d’appel par exemple).
Zarifian (2007a, p.54) évoque par ailleurs une économie de service au sens large qui repose sur
« ce que le produit apporte et transforme pour le client » (du secondaire ou du tertiaire).
b) Une approche par les connotations
Si, dans le cadre de la sectorisation économique, le mot service semble d’un usage neutre, la
définition plus complète du verbe servir montre, elle, une certaine ambiguïté et oscille entre
engagement moral (servir une cause), notion d’utilité (ce qui sert à) ou encore aspect commercial
(servir un client). L’origine latine, être esclave de, peut connoter de manière négative les
représentations liées à certains métiers de service en évoquant un lien de sujétion.
15
Au contraire, les expressions « avoir le sens du service » ou « rendre service » évoquent plutôt
une perception positive de ces activités.
Le détour par la langue anglaise est par ailleurs intéressant. Le service (en plus des acceptions
identiques à celles du mot français) désigne aussi un travail d’entretien, de maintenance.
c) La spécificité du travail
C’est sur cette définition que s’appuie le sociologue américain Goffman (1961) pour faire le lien
entre service et réparation. Il souligne que la relation de service est liée à une activité
professionnelle spécialisée : une aide spécifique, demandée par celui qui la reçoit. Pour lui,
l’interaction est la caractéristique principale de cette relation dans laquelle interviennent un
praticien/réparateur, un objet (matériel ou non) et un client actif - et reconnu comme tel par le
professionnel. Gadrey, économiste, parle lui de coproduction du service (1992).
Un des axes d’analyse des métiers de service est le niveau de relation instauré entre le
professionnel et l’usager : des activités n’induisant que peu de contacts à ceux dits
« relationnels » qui ont pour objet même l’humain (Demailly, 2008, p.20).
Pour l’ergonomie, c’est l’irruption du non professionnel - c'est-à-dire du client ou du patient dans l’activité qui rend l’analyse de celle-ci singulière et la distingue des relations de
collaboration (Cerf et Falzon, 2005, p8). La tâche comporte deux dimensions : l’une technique,
l’autre relationnelle (dans laquelle l’interaction est physique et/ou langagière).
La dimension relationnelle implique une sollicitation plus grande sur le plan émotionnel ou
psychologique que dans d’autres métiers, en particulier parce que le travail s’effectue sous le
regard du bénéficiaire et se trouve immédiatement évalué par lui (Ughetto, 2002, p.23).
Dernier trait saillant des relations de service, les situations rencontrées dans le cadre d’un même
emploi sont très variables puisqu’elles dépendent en partie du client, pluriel, de son besoin mais
aussi de la manière dont il l’exprime.
L’agent est donc amené à faire des choix, à s’adapter, à prendre des initiatives – c'est-à-dire
initier, inventer, des réponses adéquates.
16
1.2.2 Relation de service et compétence
Les caractéristiques des métiers de service que nous venons d’évoquer interpellent donc
précisément le concept de compétence à la jonction, particulièrement manifeste dans ce cas,
entre requis des situations, caractéristiques des personnes et reconnaissance sociale.
Il faut alors s’interroger sur ce qui permet au professionnel d’agir efficacement dans les
situations de service, et donc sur les composantes de ce type de compétences.
a) Des qualités ?
Les qualités relationnelles sont souvent évoquées. Elles constitueraient une base indispensable –
et innée - et viendraient en parallèle de compétences techniques propres au métier qui, elles,
feraient l’objet d’une acquisition préalable.
Il y a là un paradoxe : les qualités – humaines - sont alors utiles/utilisées dans l’activité mais
elles restent à la marge de la sphère professionnelle.
Considérons donc plutôt que ces qualités, qui font partie des caractéristiques des personnes, sont
une des composantes de leur compétence.
A l’opposé une autre tendance tend à assimiler les unes et les autres : dès l’instant qu’on leur
reconnaît un rôle important, dans des métiers eux-mêmes mieux connus et définis, et que l’on
constate qu’elles peuvent prendre des formes très différentes selon les situations
professionnelles, elles entrent dans le périmètre social de la compétence.
Parce que de plus en plus prépondérantes dans les activités de service en fort développement, les
qualités semblent ainsi gagner petit à petit leur statut de compétences (Champy, 2007, p.38).
b) Des connaissances
Pour remplir sa fonction relationnelle, le professionnel doit disposer de ressources cognitives
parmi lesquelles :
-
La construction d’un modèle de l’autre qui est nécessaire à la maîtrise du processus
d’interaction (Cerf et Falzon, op. cit. p.7).
-
Un répertoire de connaissances qui porte sur le lien qui unit le client et l’objet et sur le
cadre institutionnel du service qui oriente le déroulement de celui-ci.
-
Un répertoire « conversationnel » professionnel
17
-
Des connaissances qui concernent les caractéristiques techniques de l’objet. (Mayen,
2005, p.80)
Ces quelques éléments incitent à s’interroger sur le mode d’acquisition de ces ressources et l’on
perçoit a priori la place relative que peuvent occuper savoirs théoriques et savoirs d’action dans
de telles compétences9.
c) Des compétences « mixtes »
Une autre question se pose au sujet d’une typologie possible des compétences dans les métiers de
service : Doit-on distinguer compétences relationnelles et compétences techniques ? Faut-il voir
trois types de compétences relatifs aux trois registres d’intervention – contractuel, des civilités et
technique - identifiés par Goffman (op. cit.) tout en sachant que ces niveaux ne sont pas
hermétiques ?
Dépassant ces oppositions, Mayen (op.cit., p.67) montre qu’on ne peut dissocier les deux
dimensions de l’activité et il recourt à des concepts frontières issus du domaine technique […]
mais nourris d’un répertoire de connaissances sur les pratiques du client.
En effet, si dans une volonté de description on peut être tenté de distinguer relationnel et
technique, il faut bien concevoir que dans l’activité ces deux registres sont en permanence
coordonnés.
Il est ainsi possible de postuler qu’il existe bien des compétences à la relation
de service et que celles-ci sont mixtes. Elles sont à opposer à de « simples »
qualités, et l’on peut dès lors considérer que la formation peut participer à leur
construction.
1.2.3 Les enjeux de la professionnalisation à la relation de service
L’ouverture du parc de loisirs Animal Explora sera à l’origine de plus de quatre-vingts emplois.
Les principaux domaines d’activité présents dans le parc sont identifiés : des métiers de l’accueil
et de la vente à ceux de la restauration et de l’hébergement en passant par les différents types
d’animation, l’encadrement des activités aquatiques, le soin aux animaux, l’entretien, la
9
Ce thème sera approfondi, voir par ex. 2.1.2, activité et savoirs
18
maintenance des différents pôles et l’administration. A peu d’exceptions près la relation de
service constitue bien une dimension de chacun de ces métiers.
Le Conseil général est le maître d’ouvrage de ce projet et souhaite favoriser l’emploi de la
population locale, il est alors légitime de s’interroger sur l’employabilité de celle-ci dans le
contexte spécifique du parc.
a) Un diagnostic de territoire succinct
On l’a déjà dit, il n’est envisageable, à ce stade du projet, de commencer à évaluer les
compétences
des personnes susceptibles de travailler dans le parc. Cependant différents
éléments d’informations peuvent déjà être pris en compte pour se faire une idée plus précise du
contexte10 :
-
Le niveau de formation dans le département (personnes de plus de quinze ans non
scolarisées) est inférieur à la moyenne nationale. Près de la moitié de cette population n’a
aucun diplôme ou le seul BEPC.
-
Il y a 1646 habitants dans la commune de Chateauvillain et 4276 dans le canton
-
On dénombre 253 emplois dans la commune et 308 dans le canton (avant la fermeture de
l’entreprise ci-dessous).
-
En dehors, c’est le bassin de Chaumont qui emploie le plus de personnes
-
Une seule entreprise industrielle était présente sur le territoire et proposait une part
importante de l’emploi local. Elle a vu ses effectifs chuter progressivement depuis
plusieurs années et cinquante salariés ont été licenciés au moment de la fermeture
définitive du site en 2010.
-
Le taux de chômage dans le bassin d’emploi est de 7, 8%
-
Le RSA concerne quelques 80 foyers
-
Par ailleurs les métiers de l’hôtellerie restauration et ceux de l’animation sont repérés
comme « en tension » dans le département et les recrutements se font donc difficilement
dans ces domaines.
La création de quatre-vingts emplois dans cette zone, si elle constitue une opportunité, représente
aussi en partie un changement de cap en termes d’activité. Cette nouvelle orientation touristique,
est d’autant plus accentuée que les prochaines années verront, dans la même zone géographique,
10
Sources : INSEE et Unistatis (Pôle emploi)
19
une autre création, celle du Parc naturel national entre Champagne et Bourgogne, récemment
décidée par le Premier ministre François Fillon.
Les questions de l’accueil touristique et du développement des compétences à la relation de
service devront donc être considérées avec beaucoup d’attention. Dans ce contexte, la formation
a toute sa place pour accompagner le changement.
b) Une question d’identité professionnelle
La population locale susceptible de travailler dans le parc effectuera donc souvent une
conversion professionnelle. On peut penser qu’elle ne disposera pas toujours des compétences
nécessaires pour assumer de manière professionnelle une relation de service et qu’il s’agira
parfois de passer d’une culture professionnelle à une autre.
Le champ sémantique assez contrasté du mot « service » peut permettre de comprendre que les
vécus des situations de service peuvent, de même, être très différents. Faisons alors l’hypothèse
que c’est la posture professionnelle qui permet de vivre positivement ces situations.
Se posera alors la question de la professionnalisation à la relation de service, dans sa double
acception de montée en compétences et de construction d’une identité professionnelle. Dans une
perspective d’employabilité ces deux dimensions sont bien sûr à articuler aux compétences
transversales précédemment évoquées.
Les formations proposées seront-elles bien construites autour de ces trois axes ?
c) L’intérêt d’une « pré-formation »
Les préconisations relatives à la formation à la relation de service composaient un des axes de la
mission de conseil réalisée au Conseil général. En voici un exemple.
Parmi les postes proposés, nombreux seront dits « peu qualifiés » et ne nécessiteront que des
formations professionnelles brèves. Il serait alors pertinent de proposer une action de formation
préalable, commune à l’ensemble des futurs employés et qui constituerait une préparation à
l’emploi.
Celle-ci, après un recrutement initial indifférencié (sans positionnement précis/poste) pourrait
permettre d’agir dans deux directions :
20
Recueillir les représentations que peuvent avoir les personnes du projet Animal Explora
et du travail dans le parc. Quel est le sens du projet pour elles, sur quoi repose leur
motivation ?
Cette étape pourra participer aussi à l’analyse des besoins et permettre une évaluation du
potentiel des personnes plus complète que dans un entretien de recrutement ponctuel.
Informer les employés de la réalité du travail, des différents types de postes, des enjeux
de leurs tâches par rapport à la qualité des prestations. Cette information peut prendre la
forme de visites de sites présentant des points communs avec Animal Explora ou encore
d’interventions et de présentations de la part de différents acteurs du projet.
Le but est de confronter représentations initiales et réalité pour donner du sens à
l’engagement des personnes dans le projet : faire en sorte que la motivation ne soit pas
forcément seulement extrinsèque (trouver du travail, avoir un revenu, le bénéfice tiré de
l’activité) mais aussi intrinsèque (le fait de participer à une activité pour la satisfaction que
l’on en retire pendant la pratique de celle-ci ).
Cette période peut permettre de réfléchir collectivement à la notion de service :
On peut imaginer concevoir, avec les futurs employés, un « référentiel service » ou encore une
« charte d’accueil » qui déclinerait les objectifs de l’accueil et les compétences à
utiliser/développer en regard. Ce travail favoriserait l’implication des employés et, par la suite, le
respect de critères qu’ils auraient eux-mêmes formalisés.
Les bases d’une identité professionnelle commune peuvent être posées grâce à ce type d’action
de mobilisation.
A l’issue de cette pré-formation « humaine » qui permettra d’enclencher le processus de
professionnalisation, les personnes seront positionnées pour des postes spécifiques et des
parcours de formation individualisés pourrons être proposés.
21
Pour conclure sur les enjeux de la professionnalisation dans ce contexte précis :
On peut dire qu’elle aura une influence à la foi sur :
-
Les transitions professionnelles
-
L’employabilité
-
La qualité des prestations touristiques
Et qu’elle concerne les trois niveaux suivants :
-
Le territoire : son développement économique et son identité touristique
-
Les organisations (les deux parcs, les autres employeurs)
-
Les personnes
1.3 Le choix d’un cadre théorique : la didactique professionnelle
La didactique professionnelle s’intéresse au développement des compétences dans les situations
de travail, en cela elle fournit un cadre théorique susceptible d’orienter le questionnement initial
( qui a déjà évolué des besoins de formation à l’acquisition des compétences à la relation de
service) vers l’énoncé d’une problématique plus spécifique.
1.3.1 La rencontre de plusieurs champs
Née en France dans les années 1990, elle est issue de deux champs théoriques principaux l’ergonomie cognitive et la didactique des disciplines - et d’un champ de pratiques, celui de
l’enseignement professionnel et de la formation professionnelle continue, qui se retrouvent
autour de préoccupations proches ou complémentaires et s’enrichissent mutuellement.
Nos connaissances ne nous permettent pas d’analyser de manière très précise les apports des
deux premières disciplines mais de seulement retenir les caractéristiques suivantes :
-
L’ergonomie souhaite comprendre les situations de travail pour les améliorer, elle
apporte à la didactique professionnelle des concepts et des méthodes d’analyse du travail.
-
La didactique s’interroge sur la transmission et l’acquisition des savoirs, tant du point de
vue de l’activité de l’élève que de celle de l’enseignant. Elle apporte, elle aussi, des
concepts. Son intérêt, pour la didactique professionnelle, comme pour l’ergonomie,
réside dans une approche développementale de l’activité.
22
En cela elles poursuivent des objectifs de transformation des systèmes et des processus
qu’elles conceptualisent. Pour l’une comme pour l’autre, les problèmes de l’analyse, de
l’identification et de la conceptualisation des variables sur lesquelles elles peuvent agir,
ainsi que la construction et la mise en œuvre de levier d’action constitue l’objet de
recherche. (Samurçay et Pastré, 1998)
-
On voit ainsi en quoi ces concepts et ces outils peuvent intéresser la formation
professionnelle, qui se préoccupe quant à elle du mode d’acquisition et de développement
des compétences.
Mais il faut mentionner aussi le champ de la psychologie avec le constructivisme piagétien et le
rôle de la médiation chez Vygotsky qui viennent compléter les soubassements théoriques de la
didactique professionnelle.
1.3.2 La définition d’une compétence dynamique
Nous ne faisons que citer ici des éléments de définition donnés par Samurçay et Pastré dans leurs
différents ouvrages. Nous nous arrêterons ensuite11 plus précisément sur les différents concepts
qui s’articulent en une « théorie de la conceptualisation dans l’action ».
Etre compétent ce n’est pas savoir appliquer un ensemble de connaissances à une situation, c’est
savoir organiser son activité pour s’adapter aux caractéristiques de la situation, quitte à
transformer, plus tard et éventuellement, cette expérience acquise en savoir énonçable et donc
plus facilement transmissible. (2004)
La compétence est :
Un ensemble organisé de représentations (conceptuelles, sociales et organisationnelles) et
d’organisateurs d’activité (schèmes, procédures, raisonnements, prise de décision,
coordination) disponibles en vue de la réalisation d’un but ou de l’exécution d’une
tâche.[…]Les compétences au travail peuvent être implicites ou explicites et sont organisées
en plusieurs niveaux et champs. Cette organisation en niveau ne doit pas être entendue
comme une simple hiérarchisation ou modularité : elle exprime le fait que la structuration
11
2.1.2 Activité et savoirs et 2.1.3 Le rôle de la pratique réflexive
23
de l’action et des connaissances se font à des niveaux différents et avec des organisations
multiples en relation avec les champs de l’expérience et des problèmes rencontrés. […]
Ainsi le développement des compétences est le fruit d’un double processus : apport de
connaissances opérationnelles socialisées et/ou antérieurement constituées et construction
de compétences par l’activité propre du sujet. (1998 p.121).
Ainsi :
On ne peut réduire les compétences à un système de connaissances
Il y a un processus par lequel une compétence se construit et se développe
Analyser une compétence, c’est repérer ces organisateurs de l’activité
(2004, p. 8)
1.3.3 La problématique
(voir page suivante)
24
Un questionnement qui évolue au fil des apports théoriques successifs et de la
définition progressive de la mission
Le thème initial de la mission était celui de l’évaluation de compétences et du besoin de
formation qui pourrait en être déduit. La préoccupation sous-jacente à ce choix était de s’assurer
que les nouveaux emplois liés à l’ouverture du parc pourraient être, au moins en partie, pourvus
par les ressources locales.
Dans une perspective d’action, cette question se déclina de la manière suivante :
-
Comment favoriser l’employabilité de la population locale ?
Puis, alors que les apports théoriques montraient le caractère composite de la compétence et
les enjeux de la professionnalisation, la relation de service apparut comme le dénominateur
commun de métiers par ailleurs très variés. Elle permit de canaliser une réflexion encore trop
floue et de poser la question :
-
Comment forme-t-on à la relation de service ?
Jusqu’alors formatrice dans un centre de formation d’apprentis, il me sembla que cet
établissement pouvait me fournir un terrain susceptible d’apporter des éléments de réponse et
qu’il concordait avec le champ de la didactique professionnelle.
Ce qui amène à proposer la problématique suivante :
Comment les compétences se construisent-elles dans les formations en
alternance qui préparent aux métiers de service ?
25
2. La recherche
2.1 Le modèle d’analyse
Les perspectives et les idées nouvelles [issues du travail exploratoire qui a mené à la formulation
de la problématique] doivent pouvoir être exploitées au mieux pour comprendre et étudier de
manière précise les phénomènes concrets qui préoccupent le chercheur. Il faut donc les traduire
dans un langage et sous des formes qui les rendent propres guider le travail systématique de
collecte et d’analyse des données d’observation ou d’expérimentation qui doit suivre.
Tel est l’objet de cette phase de construction du modèle d’analyse. Elle constitue la charnière
entre la problématique retenue par le chercheur d’une part et son travail d’élucidation qui porte
sur un domaine d’analyse forcément précis et restreint d’autre part12.
2.1.1 Interroger les modalités de la construction des compétences
Partons du principe, dans la perspective de la didactique professionnelle, que :
C’est en entreprise que les apprentis développent des compétences
ce qui constitue l’hypothèse principale de la présente recherche
Et puisque ce qui nous intéresse ici c’est le processus de développement des compétences, il peut
être pertinent de tester plus précisément les deux sous hypothèses suivantes, issues de la
définition de la compétence :
Les apprentis acquièrent des savoirs d’action
dans le cadre de leur pratique professionnelle
Ils font preuve d’une pratique réflexive
12
QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L., 2007, Manuel de recherche en sciences sociales, p.105
26
2.1.2 Activité, connaissance et savoir
La première sous-hypothèse incite à s’arrêter plus précisément sur deux points : La théorie de la
conceptualisation dans l’action proposée par la didactique professionnelle d’abord, la question
des différents types de savoirs associés à l’action ensuite.
a) Connaissance et activité organisée
D’après Piaget, la première forme de la connaissance est celle qui provient de l’action du sujet
sur son environnement. Connaître c’est s’adapter aux situations et cela suppose, premièrement,
que cette activité est organisée et, deuxièmement, qu’elle induit un développement de la
personne qui, en transformant le monde, se transforme elle-même.
Toute activité comporte ainsi deux dimensions indissociables, l’une productive, l’autre
constructive (Samurçay et Rabardel, 2004 p.164).
Dans toute activité efficace il y a à la fois une organisation invariante, stable, et une part
d’adaptation. Vergnaud emprunte à Piaget le concept de schème pour en rendre compte. Mais
pour lui, au-delà de l’activité sensori-motrice, ce sont toutes les dimensions de l’activité, y
compris intellectuelles ou relationnelles, qui sont concernées (1996, p.283).
Avec la théorie de la conceptualisation dans l’action, la didactique professionnelle pose que tout
acte de travail comporte des concepts - mais ceux-ci appartiennent à un registre pragmatique, à
une forme opératoire de la connaissance. C'est-à-dire qu’ils sont orientés vers l’action car il faut
bien retenir d’une situation quelques éléments conceptuels, objets, propriétés ou relations, qui
vont servir à guider l’action (Pastré 2006).
Le schème renvoie toujours à une classe de situation pour laquelle il règle la conduite en
fonction d’un but mais en inférence avec la situation singulière. Il comporte des invariants
opératoires qui peuvent être vus comme les outils de la connaissance :
-
Des concepts en acte qui permettent de prélever et d’analyser les éléments qui orienteront
l’action par la mobilisation des règles d’action pertinentes.
-
Des théorèmes en acte qui sont des propositions tenues pour vraies pour un type de
situation.
Ces invariants constituent la partie cognitive du schème (Vergnaud, op.cit p.285). S’ils sont
généraux pour Piaget, ils sont au contraire étroitement liés au domaine d’action pour Vergnaud.
Ils ne sont pas innés mais « à prendre » dans l’action.
27
Tout schème est donc constitué de :
- Buts et sous buts
- Invariants opératoires (ou concepts pragmatiques)
- Règles d’action
- Inférence en situation
La notion de situation est donc centrale ici, ses caractéristiques déterminent :
Une connaissance-adaptation spécifique
L’élaboration, au fil des vécus successifs, de classes ou de répertoires de classes,
qui retiennent la structure commune aux situations parentes.
Et en regard, l’élaboration de répertoires de schèmes et de répertoires d’invariants
opératoires qui seront mobilisés et réorganisés selon les requis des nouvelles
situations.
Il existe une relation dialectique entre la connaissance et l’action (Samurçay et Pastré 1998).
Evoquer la part constructive de l’activité, c’est parler du développement de l’expérience et du
caractère exponentiel de la compétence13, c’est aussi s’interroger sur ce que l’on appelle de
manière générique les « savoirs d’action ».
b) Des connaissances d’origines différentes
Nous avons vu que dans le développement des compétences intervenaient des connaissances
opérationnelles socialisées et/ou des connaissances antérieurement constituées dans l’action
(Samurçay et Pastré 1998, p.121), ce que l’on peut, à première vue, comparer à l’habituelle
opposition entre savoirs théoriques et savoirs d’action.
Donnons par ailleurs les deux définitions suivantes, empruntées à Wittorski (1998, p.62) :
-
Savoir : « énoncé communicable socialement validé » (CNAM). Il s’agit d’un énoncé
descriptif ou explicatif d’une réalité, établi et reconnu par et dans une communauté
scientifique et culturelle donnée à une époque donnée. Il est disponible dans les
encyclopédies et les ouvrages spécialisés.
-
Connaissance : résultat du processus d’intériorisation et d’intégration par l’individu des
savoirs qui lui sont transmis. De ce point de vue la connaissance est le produit du
13
En lien direct avec ce développement voir 2.1.3 le rôle de la pratique réflexive
28
processus de compréhension et de mémorisation : C’est ce que l’individu conserve du
savoir qui lui a été transmis (qualitativement et quantitativement).
Il apparaît alors que l’expression « savoir d’action » - puisque son pendant « connaissance
d’action » n’est pas utilisée - désigne des réalités très différentes et présente donc une certaine
ambiguïté14.
Barbier (1996, p.3) parle de production de représentations et de savoirs sur les processus de
transformation du réel […] ce qui suppose une activité intellectuelle sur et à partir des actions.
Mais il oppose ensuite ces savoirs d’action objectivés, communicables et partageables, distincts
de ceux qui les énoncent, à des savoirs d’action détenus, composantes identitaires, inférées à
partir de la pratique15 … ne s’agit-il pas ici de connaissances ?
L’auteur souligne d’ailleurs ensuite que selon ces deux grandes acceptions, le terme savoir
d’action n’a évidemment pas du tout le même sens.
La même remarque peut être faite au sujet des « savoirs tacites » et autres « savoirs informels »
qui semblent, de fait, désigner des connaissances. De même le « savoir faire », en tant
qu’assimilation personnelle du geste est plutôt du côté de la connaissance (même s’il est d’une
certaine manière transmissible et partageable).
On pourrait finalement qualifier de « savoir d’action » à la fois les ressources cognitives acquises
dans l’action et à la suite de l’action16 (connaissances en cours d’action et savoirs sur l’action) et
celles qui sont mobilisées pour l’action efficace. Ce qui oblige aussi à s’intéresser aux savoirs
théoriques* et à leur intégration dans les processus de transformation du réel. Question qui se
pose particulièrement dans toutes les situations de formation ou d’apprentissage dès lors que des
savoirs sont d’abord appris pour être, ensuite seulement, utilisés dans le travail.
*Savoirs disciplinaires constitués d’énoncés portant non pas sur des actes mais sur des
propriétés d’objet ou des procédures (Wittorski, 1998, p. 66).
Pour Vergnaud (op. cit., p. 278) le cadre qui permet de penser la liaison entre savoirs d’action et
savoirs théoriques est celui du schème, la plasticité de celui-ci tenant aussi à l’hétérogénéité de
ses invariants et de leurs sources. Nous avons déjà mentionné des « concepts pragmatiques »,
prélevés dans les situations.
14
15
16
Ambiguïté qui disparaît si l’on désigne par savoir toute « ressource » à disposition d’un sujet
Chacune de ces deux catégories étant ensuite déclinée en différents savoirs
Voir aussi 2.1.3 le rôle de la pratique réflexive
29
D’autres concepts organisateurs peuvent être tirés de la théorie mais dont ne sera retenu que ce
qui permet spécifiquement de guider l’action. On parle alors de « concepts pragmatisés »
(Pastré, 2009, p.806).
Ainsi ce sont bien toujours des connaissances qui sont mobilisées et s’articulent dans l’action à
travers la sélection des invariants opératoires :
- Un savoir « théorique » intégré sous la forme de connaissance(s) opérationnelle(s), qui ne
retient de lui que ce qui est utile dans l’action ciblée.
- Une connaissance acquise dans l’action (qui a pu, éventuellement, effectuer le chemin inverse –
vers le savoir - si elle a fait l’objet d’une formalisation).
Ce qui importe n’est donc pas tant la nature du savoir que ce qui est retenu de celui-ci,
sélectionné, pour agir dans une situation donnée. L’ensemble des concepts pragmatiques ou
pragmatisés mobilisé pour orienter une action est appelé structure conceptuelle de la situation
(Pastré, op. cit.).
2.1.3 Le rôle de la pratique réflexive
Pour éclairer la deuxième sous hypothèse, il faut expliquer en quoi la pratique réflexive
intervient dans la construction des compétences. Cet aspect apparaît aussi dans la théorie de la
conceptualisation dans l’action. Cependant avant de l’aborder, il peut être utile de préciser ce que
désignent les différents termes du champ lexical de la réflexion.
a) De quoi parlons-nous ?
Nous empruntons au texte d’une conférence de Pineau (2007), les éléments de compréhension
suivants qui correspondent aux deux étapes de coordination qui seront ensuite décrites :
- L’« action réfléchie » et la « pratique réflexive » ne sont pas équivalentes, ce qui les
distingue c’est un niveau de conscience :
Entre l’action réfléchie et la pratique réflexive, il y a toute la distance entre une conduite
ponctuelle, s’ajustant spontanément de façon quasi réflexe, et son extension à un ensemble
d’actions, à une conduite plus large nécessitant une autorégulation et un autopilotage plus
conscient de ses multiples sens possibles.
30
Cependant lorsque nous faisons l’hypothèse d’une pratique réflexive chez les apprentis, c’est
dans le sens plus large d’un recul, d’une prise de distance par rapport à l’action, quelle soit
incidente ou suscitée.
- Il faut ensuite distinguer « pensée », (qui correspond à l’action réfléchie en cours d’action
ci-dessus), et « réflexion » cette dernière évoquant une plus grande distance entre le sujet et
son objet :
A la différence de la pensée, la réflexion lance dans le mouvement de la distanciation
dédoublante appelant la formation d’une nouvelle unité, d’une nouvelle mise en forme et en
sens des éléments dédoublés.
On peut repérer trois niveaux de distanciation :
Le reflet : le fait de donner une « image de »
(le réfléchissement chez Piaget).
La réflexion sur le reflet, dans un effort de compréhension ou de théorisation
Celle-ci prise à son tour comme objet
(l’abstraction réfléchissante chez Piaget)
b) Coordination agie et coordination conceptuelle
Pensée et action sont indissociablement liées. S’il y a coordination de l’action, c’est grâce à la
représentation, c'est-à-dire la formation en pensées d’objets, de propriétés, de relations
(Vergnaud, 1996 p.275).
•
La pensée en cours d’action aboutit à une première conceptualisation, avec
l’identification des concepts pragmatiques qui vont guider et coordonner l’action. Cette première
étape est appelée « coordination agie ». A ce stade la connaissance est tacite.
•
Un second travail de conceptualisation peut ensuite intervenir pour accéder à la
compréhension de l’action, il s’agit alors de la « coordination conceptuelle ». A ce stade il peut y
avoir une prise de conscience des connaissances, voir un partage si elles sont verbalisées.
Samurçay et Pastré (1998, p.123) expliquent que ce second niveau renforce la construction des
invariants de l’action à des niveaux supérieurs en les décontextualisant des situations
particulières. Grâce à l’extension de ces organisateurs de l’activité, le sujet peut construire des
31
classes de situation de plus en plus riches qui lui permettent de traiter la variabilité des
situations. Le recul par rapport à l’action permet ainsi de transposer à d’autres situations ce qui a
été vécu, il est donc le vecteur du développement de l’expérience professionnelle.
Au premier niveau de conceptualisation, celui de la pensée en cours d’action, la dimension
constructive de l’activité est incidente, elle n’est qu’un effet de l’activité productive.
Au contraire, dans le cadre d’une réflexion sur l’action, l’activité constructive se poursuit
volontairement. Si l’acteur revient sur une action passée, la verbalise et la conceptualise, alors on
peut considérer que le schème/la compétence sont bien validés comme ressource incorporée et
qu’ils seront plus facilement mobilisables ultérieurement17.
Mis en forme
Il y a donc interrelation entre ces deux étapes : la coordination conceptuelle fournit à la
coordination agie des invariants et schèmes plus facilement mobilisables, et la coordination agie
propose toujours de nouveaux objets à réfléchir, de nouveaux invariants à reconfigurer.
Si la première phase (pensée en cours d’action) peut être favorisée par le développement des
ressources cognitives ou encore par l’environnement de travail au sens large, la seconde (le
recul) peut faire l’objet de méthodes. Ainsi, dès l’instant que l’on souhaite favoriser la
construction des compétences, on doit s’intéresser à ces méthodes qui provoquent le recul et
permettent de démultiplier la dimension constructive de l’activité.
Pour conclure cette partie consacrée au modèle d’analyse, il faut souligner que les deux
sous hypothèses tendent à tester deux dimensions complémentaires de la compétence et
que c’est donc dans leur articulation qu’elles doivent être considérées.
17
Cette approche est très proche de celles des courants de l’apprentissage expérientiel (avec Kolb par exemple) et de
la science-action (Schön par exemple) qui insistent sur le rôle de la pratique réflexive dans le développement
cognitif et professionnel : regarder sa pratique dans une perspective pragmatique
32
Supprimé : r
2.2 Où recueillir des données pertinentes ? : Le terrain
2.2.1 Interroger au CFA sur les processus à l’œuvre en entreprise
L’hypothèse principale de la présente recherche, qui s’appuie sur le cadre théorique de la
didactique professionnelle, se focalise sur l’importance de la pratique professionnelle des
apprentis en entreprise. Pour des raisons tant d’organisation que de méthodologie, il est
cependant difficile d’aller observer in situ ces pratiques.
Le CFA interprofessionnel qui reste mon employeur pendant la durée de mon congé individuel
de formation forme à différents métiers de service.
Je choisis donc, après accord de la direction, d’interroger des apprentis au sujet de leur pratique
professionnelle, sous la forme d’entretiens qui se dérouleront au sein du CFA.
Les formations ciblées dans ce cadre sont celles qui préparent aux CAP de vente, de coiffure et
de service en restauration. Ces métiers, même s’ils ne seront pas tous présents sur le site du parc
animalier (la coiffure) ou s’ils ne reflètent pas la variété professionnelle réelle (animation, soins
animaliers, accueil, entretien …) sont intéressants dans la mesure où ils présentent la dimension,
retenue comme dénominateur commun, de relation de service.
2.2.2 Description de l’échantillon
Huit personnes ont été interrogées entre le 17 et le 25 mai 2010.
Le choix s’est porté sur des apprentis de deuxième année qui étaient alors sur le point de se
présenter aux examens. Il serait ainsi possible de mesurer un éventuel développement de
compétences après deux années de pratique professionnelle et de cours.
A partir de ce critère, la sélection des apprentis s’est faite sur la base du volontariat.
Une douzaine d’apprentis s’est positionnée et huit entretiens ont finalement été menés.
Les différents cas sont désignés de la manière suivante :
-
Trois apprentis en service restaurant : SR1, SR2, SR3
-
Trois en vente : V1, V2 et V3
-
Deux en coiffure : C1 et C2
Deux garçons et 6 filles ont été interrogés. Cela reflète assez fidèlement la proportion
hommes/femmes dans les formations ciblées.
33
L’amplitude des âges est assez importante : de 17 à 26 ans. Il est en effet possible de signer un
contrat d’apprentissage entre 16 et 26 ans. Cependant pour l’ensemble des cas cette formation
constituait bien une mise au travail initiale dans la branche professionnelle. Les cas SR1, V1 et
V3 avaient déjà obtenu un autre diplôme auparavant mais dans un autre domaine. SR3 quant à
elle étaient inscrite en Brevet Professionnel cuisine après un premier brevet en service mais
pratiquait encore occasionnellement le service en salle.
Le tableau suivant donne une vision synthétique de l’échantillon :
Code
entretien
Sexe
Age
SR 1
H
26 ans
SR2
F
18 ans
SR3
F
20 ans
V1
F
19 ans
V2
H
18 ans
V3
F
19 ans
C1
F
17 ans
C2
F
17 ans
Section
Service en
restaurant
Service en
restaurant
Service en
restaurant
Vente produits
courants
Vente produits
alimentaires
Vente produits
courants
Coiffure
Coiffure
Diplôme
préparé18
BEP
CAP
BP
CAP
CAP
CAP
CAP
CAP
18
BEP : Brevet d’études professionnelles (niv.V), CAP : Certificat d’aptitude professionnelle (niv.V), BP : Brevet
Professionnel (Niv.IV)
34
2.2.3 La formation initiale en alternance
a) L’Apprentissage : de la formation pratique à la formation alternée.
L’immersion professionnelle a constitué la première forme d’apprentissage du métier. Apprendre
en observant, apprendre en faisant, avec une gradation des tâches, des plus subalternes, confiées
aux novices, jusqu’à la maîtrise.
A partir du milieu du XIXe siècle, les apprentis illettrés doivent suivre des cours, cette obligation
est ensuite étendue à l’ensemble des employés du commerce et de l’industrie de moins de 18 ans
(Loi Astier, 1919). La création de la taxe d’apprentissage en 1925 permettra de financer cette
mesure. Par ailleurs la législation du travail s’applique à l’apprentissage (obligation du contrat en
1928, durée du travail réglementée …).
Après 1950, la scolarisation de l’apprentissage s’accentue avec l’augmentation progressive des
heures de cours. Créés en 1961, les Centres de Formation d’Apprentis se généralisent à partir de
1971 et la tutelle de l’Education Nationale se renforce. A partir de 1987 (Loi Seguin),
l’apprentissage - en tant que voie de formation institutionnalisée - permet d’accéder à l’ensemble
des diplômes professionnels et techniques (Moreau, 2008).
L’apprentissage a ainsi opéré un glissement progressif
de la formation pratique à la formation alternée.
En France, on semble aujourd’hui (re)découvrir les vertus de l’alternance alors qu’elle reste
souvent une seconde voie. Elle est désormais perçue par les pouvoirs publics comme le moyen
d’assurer, aux jeunes notamment, une meilleure insertion professionnelle. Des objectifs
quantitatifs ambitieux sont fixés19, différentes mesures légales doivent favoriser son
développement20.
A noter qu’elle fait également son apparition dans les lycées professionnels avec la mise en place
d’Unités de Formation par Alternance (UFA), ce qui constitue un changement culturel important
pour l’Education nationale.
19
20
Plus 30% d’apprentis en 2015, ce qui porterait leur nombre à 600 000.
Loi du 28 juillet 2011 sur le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels
35
b) Former à la relation de service en CFA
L’observation des référentiels de l’Education Nationale (caractère réglementaire) peut permettre
une première approche du contenu de ces formations. A leur lecture deux remarques s’imposent :
1) Il ne s’agit pas, pour le domaine professionnel, de référentiels de formation mais de
référentiels de diplôme qui déclinent les compétences, les savoirs et les savoir-faire à acquérir.
Au-delà de cette déclinaison, les éléments pédagogiques sont donc peu présents, à l’exception,
parfois, d’une certaine gradation et de l’indication de ressources mises à disposition.
2) Dans ces documents, le vocabulaire de la compétence n’est pas stabilisé, les termes
« capacité » et « compétence » semblent utilisés de manière aléatoire puisqu’ils ne désignent pas
toujours des contenus comparables. Les « savoirs associés » renvoient bien à des connaissances
théoriques mais les savoir-faire sont assimilés à des compétences.
Cependant la logique d’analyse/décomposition de la compétence (au sens défini dans la première
partie) est bien présente.
Pour chacune des trois formations considérées, la relation de service fait l’objet d’un domaine de
compétence spécifique : « communiquer » (coiffure), « gérer la relation client » (vente),
« communiquer et vendre » (service restaurant) auquel sont associés des savoirs.
Si les compétences relationnelles et les compétences techniques caractéristiques du « cœur de
métier » sont distinctes ici, c’est peut-être seulement dans une logique taxinomique. Cela ne
permet pas de présumer de ce qui est réellement mis en œuvre dans les formations.
Mais par ailleurs l’analyse des besoins du client est abordée dans le domaine « réaliser », ce qui
montre bien l’imbrication, la mixité de certaines compétences.
La dernière rénovation du référentiel de restauration indique que l’effort devra particulièrement
porter sur la communication et la commercialisation, évaluées lors d’une épreuve pratique
spécifique. Une telle épreuve a également été introduite en 2007 dans le CAP coiffure.
A ce stade, les référentiels se révèlent donc insuffisants pour comprendre comment on
forme à la relation de service.
36
c) Compétence du CFA et compétence de l’entreprise dans la formation
Les directives officielles au sujet de la finalité des périodes en entreprises sont les mêmes pour
tous les candidats qu’ils empruntent la voie scolaire ou la voie de l’apprentissage :
Découvrir l’entreprise, acquérir des compétences professionnelles (savoir-faire et savoir-être),
faciliter et développer des qualités professionnelles, assurer une complémentarité et une
continuité pédagogique avec l’établissement de formation. (CNDP)
•
Les élèves des lycées professionnels passent 14 semaines en entreprise en deux ans.
•
Les apprentis y passent 70 semaines (pour 24 semaines en centre de formation).
On le voit, malgré la scolarisation de l’apprentissage déjà évoquée, le temps principal
(quantitativement), reste, surtout pour les CAP, celui de l’entreprise … Mais celle-ci doit être
informée des objectifs de la formation en milieu professionnel par le CFA qui doit aussi, sur des
périodes restreintes, mettre en place les enseignements des domaines professionnel et général
imposés par les référentiels de diplôme.
Il ne semble pas pertinent d’opposer schématiquement un temps théorique et un temps pratique
dans cette alternance. Il existe une pratique professionnelle au CFA (avec des spécificités) et le
maître d’apprentissage apporte des éléments théoriques. On peut aussi penser qu’une
généralisation est possible au CFA (par rapport à un contexte professionnel singulier) alors que
l’entreprise est un lieu d’actualisation des pratiques (requis spécifiques).
Il faudrait donc que les compétences des apprentis se construisent dans ce jeu de répétitioncomplémentarité qui, parce qu’il peut susciter une dissonance cognitive, incite à se positionner.
Dans la logique de la didactique professionnelle, pour améliorer l’apprentissage par immersion
dans lequel le développement est incident (effet et non objet) il faudrait prévoir une continuité
dans la construction de la compétence au travers :
•
d’un temps d’apprentissage par l’action
•
d’un temps d’apprentissage par l’analyse de l’action (Pastré, 2006)
On voit bien ici la place possible des deux acteurs de la formation en alternance mais la réalité
des pratiques reste à interroger.
En quoi le CFA fait-il le lien entre les différents temps de la formation ?
37
2.3 Comment recueillir des données ? : L’entretien d’explicitation
Il ne s’agit pas ici d’évaluer les résultats de la formation mais de percevoir un processus. Il faut
donner des éléments de réponse à la question comment se construisent les compétences. La
méthodologie choisie est donc de type qualitatif.
Puisque l’on considère la compétence comme un phénomène dynamique, étudier sa construction
nécessiterait un suivi longitudinal. Celui-ci est impossible à mettre en place dans le cadre du
Master.
2.3.1 Principes et intérêt
L’entretien d’explicitation21 peut alors constituer un outil intéressant car il met l’accent sur une
situation passée particulière – la notion de situation est centrale dans l’analyse de la didactique
professionnelle – et sur le vécu de l’action par le sujet. Il s’attache au déroulement procédural de
celle-ci. Il cherche à rendre plus explicite l’activité constructive.
Cet outil, mis au point par Vermersch, qui s’inspire notamment des théories de Piaget, permet
d’atteindre des informations difficilement accessibles en favorisant la prise de conscience :
Il s’agit de passer d’un plan implicite, c'est-à-dire pré-réfléchi, à un plan explicite, c'est-à-dire
réfléchi, pour connaître les démarches précises et individuelles pour agir, apprendre,
comprendre, résoudre et effectuer une tâche professionnelle. (Balas-Chanel, 2002).
L’entretien d’explicitation peut viser trois buts :
-
renseigner l’interviewer
-
renseigner l’interviewé
-
apprendre à l’interviewé à se renseigner
Les objectifs sont donc très proches de ceux de la didactique professionnelle : analyser l’activité
constructive ; la comprendre pour pouvoir ensuite pouvoir la favoriser.
L’EdE aide à recueillir des données en dehors de la situation de travail. Il peut cependant être
comparé à l’observation en ce sens qu’il donne à voir une action en situation, par le biais d’une
évocation. Mais la description (on devrait plutôt dire la narration puisqu’il y a dimension
temporelle) se double/alterne avec un effort d’élucidation de l’action (comme celui qu’on peut
21
Egalement désigné dans la suite du texte par EdE
38
également trouver dans les entretiens d’auto confrontation) : Vers une prise de conscience de la
manière d’agir.
L’évocation est le fait de reprendre contact, de revivre une expérience passée. Les questions ou
les relances doivent aller dans ce sens et induire, par exemple, une énonciation au présent.
L’entretien est très directif au niveau de l’accession à l’évocation et du maintien dans celle-ci
mais il doit être, en dehors de cela, peu directif.
Il ne questionne pas sur des variables préétablies. Cependant la didactique professionnelle
fournira une trame pour la lecture/transcription des informations obtenues puis pour leur analyse.
En accédant au « comment j’ai fait » par le biais de l’entretien d’explicitation, on peut espérer
accéder au niveau de mise en ouvre des compétences et tester les hypothèses retenues dans le
modèle d’analyse :
La présence de savoirs d’action
L’activité réflexive des apprentis
(On peut aussi se demander si ce type d’entretien ne participe pas, aussi, au prolongement de
l’activité constructive évoqué précédemment.)
2.3.2 Le recueil des données
a) Mise en œuvre
Deux semaines avant les entretiens, je me suis rendue dans les trois sections que j’avais ciblées
pour informer les élèves de ma démarche. Ces derniers me connaissaient puisque j’avais été leur
formatrice jusqu’en novembre 2010. Ils savaient que je suivais une formation ; je leur ai expliqué
mon besoin par rapport à celle-ci en leur précisant que je m’intéressais à la manière dont ils
travaillaient et que je souhaitais interroger quelques-uns d’entre eux à ce sujet.
J’ai indiqué qu’ils pouvaient me donner leur réponse durant la semaine en cours et quand
auraient lieu les entretiens. J’ai enfin distribué un document qui formalisait de manière simple
ma demande22 .
Je leur ai donné un seul inducteur, non indispensable, au moment de la prise de rendez-vous :
réfléchir à une situation professionnelle précise qui servirait de base à l’entretien.
22
Annexe n° 3
39
Le jour de l’entretien, j’ai demandé aux apprentis leur accord pour enregistrer leurs propos et je
leur ai à nouveau expliqué brièvement le but visé.
b) Un entretien de type semi-directif qui s’inspire de l’entretien d’explicitation
Les questions ne sont pas prédéterminées, le but est de mieux comprendre la manière dont les
compétences se construisent dans l’activité à travers la description du déroulement procédural de
l’action.
La compétence à la relation de service constitue un centre d’intérêt plus spécifique, les relances
devront donc inciter à expliciter si possible cet aspect : quelles sont, par exemple, les prises
d’information à ce niveau ?
Il est nécessaire d’avoir une idée, même assez générale, des différentes tâches et opérations qui
constituent une activité pour pouvoir se renseigner sur celle-ci via l’EdE :
Une réflexion préalable sur les tâches qui composent les trois métiers et un regard sur le contenu
de formation via les référentiels se sont donc avérés utiles.
A cette préparation en amont, s’ajoute un guide d’entretien23 en deux parties :
-
Le contrat de communication et la focalisation initiale
-
Les types de relances
c) Difficultés et limites
Pour pertinent qu’il nous a paru par rapport à notre questionnement, l’EdE n’est pas pour autant
un outil facile à utiliser. Il faut habituellement être formé à ce type de pratique.
Dans un temps très restreint, il n’a pas été possible de commencer par expérimenter l’outil avant
de l’utiliser plus spécifiquement dans la recherche. C’est le recueil de données de cette recherche
qui constitue l’expérimentation.
C’est pourquoi il est préférable de dire que l’outil que nous avons utilisé s’inspire de l’EdE.
En effet, il est difficile de guider la personne vers l’évocation et de l’y maintenir. Nous y
reviendrons, la plupart des verbalisations recueillies sont de l’ordre du discours général, déjà
conscientisé24.
23
24
Annexe n°4
Ce qui présente un intérêt pour notre recherche, nous le verrons.
40
Dans un premier temps, il avait été prévu de noter les indices du type regard qui décroche,
gestes : les éléments non verbaux. Il a cependant été impossible de le faire ET de se concentrer
sur les relances adéquates (tout en gardant en tête l’orientation « relation de service »).
A la réécoute des entretiens, on s’aperçoit d’ailleurs que celles-ci sont loin d’être toujours
pertinentes : occasions inexploitées, questions sans intérêt réel par rapport aux objectifs …
Une autre lacune réside dans le fait qu’aucun critère de fin précis n’avait été prévu. Certains
entretiens ont duré près d’une heure … et d’autres une vingtaine de minutes.
D’où un matériau très inégal au-delà des seules différences interindividuelles. Le traitement de
l’info produite a donc été difficile, depuis le « piège » de transcriptions qui prennent un temps
considérable (3 entretiens très longs) jusqu’au codage des informations.
2.3.3 Repérer des savoirs d’action et les indices d’une activité réflexive
L’EdE n’interrogeant pas sur de variables préétablies, les deux thématiques des savoirs d’action
et du recul par rapport à l’action n’ont pas orienté directement les relances. C’est le déroulement
même de l’EdE qui, dans son principe d’élucidation de l’action, a permis de faire « émerger »
des savoirs et les traces d’un recul.
C’est donc en aval des entretiens que les variables précises ont été déterminées afin d’organiser
les données en un corpus exploitable pour l’analyse.
a) Des variables issues de l’EdE pour un premier classement des données
Après la transcription et une lecture approfondie, ce travail a commencé, pour chaque cas, par un
classement des informations dans les cinq dimensions de l’EdE. Ces dimensions constituent un
réseau d’informations inter reliées se rapportant à la réalisation d’une action. 25 Nous précisons
ci-dessous :
L’intérêt que revêt chacune d’elle par rapport au thème de la recherche.
Comment nous nous les sommes appropriées en les adaptant parfois.
Et, de manière très générale, le poids relatif de la dimension considérée (par rapport à
celui des autres dimensions).
25
Au sujet des informations satellites de l’action, Vermersch, 2003 pp 43-52
41
Dans le cadre strict de l’EdE, c’est la description du procédural qui est visée en premier lieu et
toutes les autres dimensions sont dites satellites de l’action et sont même considérées comme
concurrentes à sa verbalisation.
Cependant, en lien avec les différentes définitions de la compétence données précédemment,
nous nous intéresserons à l’ensemble de ces dimensions :
-
Le procédural :
Il désigne le déroulement effectif d’une action spécifique - en l’occurrence un épisode
professionnel dont une des caractéristiques est qu’il comportait une relation directe avec un
client. Il s’agit de faire apparaître par la mise en évocation, la succession de toutes les actions
mentales et matérielles qui permettent d’atteindre un but professionnel, de la prise d’information
initiale jusqu’au contrôle final.
D’après Vermersch, il est
possible d’inférer des savoirs à partir de la description
de la
dimension procédurale qui est l’objet principal de l’EdE.
L’accès et le maintien dans l’évocation sont cependant difficiles. Ce qui apparut à première vue
relever de cette dimension, s’avéra dans la plupart des cas non spécifique à la situation. La
description du déroulement de l’action était de l’ordre du « savoir procédural » et non de la
« dimension procédurale », d’où un classement dans la dimension « déclaratif ».
Au sens strict, les données recueillies relèvent donc assez peu de cette dimension (Voir cidessous).
-
Le contexte :
Cette dimension est particulièrement importante si l’on souhaite étudier une compétence vue
comme un « pouvoir agir » situé, la rencontre entre un acteur et une situation qui détermine en
partie sa manière d’agir. On y trouve le client (qui apparaît aussi dans d’autres dimensions), les
collègues, le lieu, le moment.
Le contexte est décrit avec précision dans la plupart des cas.
Notons qu’à un autre niveau, celui du cadre psychologique, la perception de la situation comme
contexte d’apprentissage ou comme contexte de travail peut orienter la posture des personnes26.
-
Les jugements
C’est l’évaluation subjective de ce qui s’est passé, l’énoncé de commentaires ou d’opinions
périphériques à l’action qui ne renseignent pas directement sur elle mais peuvent aider à
comprendre sa mise en œuvre.
26
Cf. 3.3, autres leviers de la compétence
42
Dans les entretiens toutes sortes de jugement apparaissent, sur les clients, sur le contexte. Nous
élargissons donc cette dimension au jugement au sens large car les représentations qui en sont
issues peuvent intervenir dans la mise en oeuvre de la compétence.
Cette dimension prend une importance très variable selon les cas, nous y reviendrons dans
l’analyse.
-
Le déclaratif
Vermersch met dans cette dimension tous les savoirs énoncés censés fonder ou justifier l’action
mais qui, de fait, ne lui sont pas toujours reliés : quand on a la description du faire, donc de la
dimension procédurale, on peut inférer les savoirs théoriques effectivement mis en œuvre, on
peut découvrir les savoirs qui sont fonctionnels. Alors que lorsqu’on interroge l’interviewé sur
ses connaissances théoriques, rien ne permet d’être certain que ce sont des connaissances qu’il
utilise dans l’action. (p. 49)
Or dans la description de leurs actions les apprentis interrogés ont très rarement invoqué
spontanément de tels savoirs. Par contre, alors qu’ils n’étaient pas guidés assez précisément
vers/dans l’évocation et que leurs discours prenait parfois un caractère trop général27 (par rapport
aux objectifs de l’EdE), il apparut que cet « entre deux » était intéressant : Le niveau de
généralisation des descriptions (c'est-à-dire l’extension à une classe de situations) montre déjà un
recul, une certaine formalisation des actions passées, qui trouve à s’énoncer par le biais de l’EdE.
Nous classons donc dans cette dimension du « déclaratif » les éléments descriptifs de
l’action, nombreux, qui sont devenus déclaratifs par l’EdE (et qui seront analysés à
l’étape suivante sous l’angle des savoirs d’action). On y trouve notamment les savoirs
procéduraux.
-
L’intentionnel
Toute action est orientée par des buts mais Vermersch souligne qu’il peut y avoir un décalage
important entre le but conscientisé et l’intention telle qu’elle est reflétée par l’exécution de la
tâche.
Le nombre d’items apparaissant sous cette rubrique est assez peu important. Cela tient sans doute
autant à la manière de mener les entretiens qu’à l’existence d’une sorte d’implicite intentionnel
dans une situation professionnelle donnée.
27
Indices dans l’énonciation, par exemple : « on », présent d’habitude, « toujours » .
43
Dans les propos recueillis apparaît également, de manière manifeste chez la majorité des
apprentis, une conscience de la manière de travailler et d’apprendre. Un des buts visés par
l’entretien est bien sûr de pouvoir attester d’un recul par rapport à l’action (2e sous-hypothèse)
mais une telle formalisation n’avait pas été prévue a priori.
Cela justifiait d’ajouter la rubrique :
- Manière de travailler et d’apprendre
Pour chaque cas, l’ensemble des propos à été codé de manière schématique, avec seulement les
n° de prises de parole, dans le Tableau I comportant ces 6 rubriques28.
La recherche concerne les compétences à la relation de service aussi un repérage transversal a-til été effectué et tous les extraits évoquant le client apparaissent en italique dans ce tableau. De la
même manière, tous ceux qui ont trait au CFA sont soulignés car, si l’on s’intéresse ici plus
spécifiquement au développement des compétences en entreprise, le centre de formation
intervient dans le cadre de l’alternance.
Ce premier tableau sert de base unique pour traiter ensuite indépendamment
les données relatives aux deux sous-hypothèses.
b) Typologie retenue pour les savoirs d’action
Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie29, nous désignons par savoirs d’action les
ressources cognitives acquises dans l’action et/ou mises en œuvre dans celle-ci.
Les données, issues de la description de l’action et classées dans le Tableau I, sont ensuite
observées et sélectionnées sous ce critère du savoir d’action ( La dimension du « déclaratif » est
la plus riche mais les autres dimensions fournissent aussi des informations intéressantes). Cellesci sont à leur tour classées en sept catégories30 dans le Tableau II31, complété pour chaque cas :
28
Annexe n°6, tableau I « catégorisation des verbalisations dans les dimensions de l’EdE »
Cf 2.1.2 Activité, connaissance et savoir
30
En partie issues de la définition de la compétence donnée par la didactique professionnelle
31
Annexe n° 7
29
44
-
Savoirs procéduraux :
Perceptibles à travers des énoncés fluides qui montrent l’enchaînement habituel des actions, la
coordination agie. Dans l’énonciation, la présence de nombreux adverbes ou conjonctions
montrant la succession temporelle est, entre autre, un indice de tels savoirs.
A la suite de l’EdE, il est parfois nécessaire de rétablir la chronologie des actions (l’élucidation
ne se fait pas toujours de manière linéaire, il faut « remonter » le fil de l’action à l’aide des
relances).
-
Gestes :
La dimension corporelle de l’activité apparaît parfois dans l’entretien sous la forme de
gestes mimés car elle est difficile à décrire avec des mots. Elle a été progressivement acquise
dans la répétition jusqu’à être assimilée (Savoyant, 2005).
-
Repères pour l’action :
Issus du contexte, ils correspondent à des invariants opératoires qui orientent l’action.
Certains de ces repères auraient également pu être classés dans la catégorie « modèle du client ».
Notons également que bien souvent les collègues, en tant que modèles ou que soutien,
constituent une ressource externe. Cependant ils ne seront abordés que dans le traitement de la
deuxième sous-hypothèse (à travers la catégorie « recul par rapport à la manière d’apprendre et à
la manière de travailler »).
-
Règles d’action
Les repères identifiés permettent de mobiliser les règles d’action pertinentes, valables pour une
classe de situation, et qui sont le plus souvent associées à des buts : « il faut... pour ». Elles
apparaissent plutôt dans la dimension « intentionnel » du Tableau I.
Les règles dont il est question ici, sont soit imposées de l’extérieur (règlement à suivre, norme
imposée) soit construites dans la pratique.
La règle une fois découverte ou intégrée permet une « économie » de pensée en cours d’action et
un investissement de celle-ci à des niveaux supérieurs ou différents de conceptualisation.
On peut y ajouter dans certains cas des valeurs. Antérieures à l’activité professionnelle, elles
peuvent fournir des repères (extérieurs à la situation) pour la guider. Comme pour les règles
d’action, agir en fonction d’elles constitue un impératif. Elles sont donc souvent introduites par
« il faut ».
45
-
Modèle du client
Une des ressources mises en œuvre dans la compétence à la relation de service est la
mobilisation d’un modèle du client dont on a vu qu’il était nécessaire à la maîtrise du processus
d’interaction. Ces éléments constituent aussi des repères pour l’action, il peuvent provenir des
dimensions « jugement » ou « déclaratif ».
-
Connaissance des produits
-
Vocabulaire professionnel
Les caractéristiques des produits utilisés, vendus ou servis sont appris par l’immersion en
entreprise. De même, au contact de leurs collègues, les apprentis s’imprègnent du jargon usuel de
leur métier et développent par imitation des compétences conversationnelles32.
Il a parfois été difficile de choisir la rubrique dans laquelle affecter les savoirs. Mais dans cet
exercice, la volonté taxinomique est subordonnée à la volonté de compréhension – les savoirs
d’action peuvent être appréhendés sous différents angles.
Ainsi, dans la logique du schème, les catégories du Tableau II ne sont pas hermétiques, elles se
complètent et s’articulent. Elles peuvent donner l’impression de se superposer parfois (modèle
du client/ repère pour l’action par exemple) mais nous avons veillé à ne classer les données
qu’une seule fois.
Notons à nouveau que les aspects techniques et relationnels ne sont pas séparés puisque la
compétence à la relation de service à été précédemment analysée comme une compétence mixte.
c) Les indices du recul
Une ambiguïté à lever :
Nous souhaitons repérer ce qui, dans la pratique professionnelle des apprentis, peut être
le signe d’un recul par rapport à l’action.
L’entretien d’explicitation est un outil permettant cette prise de distance : le
réfléchissement et la verbalisation du vécu.
Comment alors distinguer les produits de ces deux étapes distinctes ?
Comme cela a déjà été précisé, il a été difficile de maintenir les interviewés dans l’évocation
d’un vécu et le fait même qu’ils décrivent spontanément une manière d’agir générale, plutôt
qu’un « faire » spécifique, montre qu’un recul a été opéré avant l’entretien.
32
Dans le sens donné par Goffman
46
L’analyse des données permettra cependant de nuancer le propos au cas par cas.
Les propos qui évoquent un recul par rapport à la manière d’apprendre et/ ou de travailler – et
qui sont « ressortis » des entretiens de manière manifeste - ont été codés dans le Tableau I. Les
extraits les plus significatifs seront repris et analysés au cas par cas.
Par ailleurs certains apprentis mémorisent de manière extrêmement précise les situations vécues.
Cela peut être au moins l’indice d’une pensée en cours d’action (Cf. coordination agie)
particulièrement efficace.
Les savoirs procéduraux, le « modèle » du client, les règles tels qu’ils sont énoncés dans les
entretiens, sont aussi le reflet d’un détachement de l’action et montrent que des classes de
situations ont déjà été élaborées.
Même si la perception de celles-ci peut sembler subjective, la spontanéité et la fluidité des
verbalisations permettent aussi d’inférer qu’un recul a déjà été effectué. Ceci apparaît d’autant
mieux, par contraste, dans les rares cas ou l’entretien semble avoir réellement provoqué le recul.
Afin de disposer de toutes les clés de compréhension, il faut signaler, puisque les pratiques
peuvent être très différentes d’un établissement à l’autre, que dans le CFA concerné la pratique
réflexive n’est pas utilisée comme une méthode, un outil pédagogique. Cela ne veut pas dire pour
autant que des pratiques informelles n’existent pas à ce niveau.
Pour conclure cette deuxième partie :
Le recul par rapport à la mise en oeuvre de la recherche
Je n’avais jamais effectué ce genre de travail auparavant. Et il fut difficile de
créer des passerelles entre la « méthodologie de recherche » mise à disposition
dans le cadre du master et les données issues des entretiens d’explicitation,
d’autant plus que le modèle d’analyse, s’il était posé dans ses grandes lignes,
montrait encore une certaine incohérence.
De perplexité en doutes, la construction de la recherche s’est faite sur le modèle
essai/erreur.
Il s’agissait
d’expérimenter de manière personnelle ce genre
47
d’activité. Finalement il y a eu un étayage mutuel entre la « découverte » de
critères de classement et l’affinement du modèle d’analyse ;
La question de la fidélité à la réalité s’est posée à chaque étape de ce
classement-reconstruction.
La
méthodologie
mise
en
place
est
une
expérimentation. Pour aller au bout du processus d’apprentissage, elle
demanderait à être de nouveau utilisée.
3. L’analyse des données
Dans tous les cas étudiés, il a été demandé aux interviewés de décrire une situation
professionnelle spécifique, avec un client bien identifié, à un moment précis. De manière
naturelle les propos tendaient rapidement vers une généralisation/extension à des classes
d’activité. Ils étaient alors à nouveau orientés vers la situation choisie. Pour l’ensemble des
entretiens, on trouve donc une alternance entre le spécifique et le général.
3.1 Les savoirs d’action repérés
3.1.1 Description et analyse
Les données sont donc issues des huit « Tableau II » présents en annexes. Leur analyse ne se fera
pas strictement catégorie par catégorie car, nous l’avons vu, celles-ci ne sont pas hermétiques et
c’est aussi la logique de l’action qui nous intéresse.
a) Cas SR1 (service en restauration)
La situation qui sert de base à l’évocation est le service d’une grande table d’une vingtaine de
couverts pour une fête de famille. Le cadre de travail est un restaurant gastronomique.
Pour ce cas, l’ensemble des rubriques est rempli de manière homogène.
L’apprenti effectue seul ce service, il doit organiser rigoureusement son activité. Parmi les
savoirs procéduraux, on retrouve les différentes étapes du service. Souvent il y a un couplage
48
avec une intention : « je me déplace, comme ça ils peuvent continuer de parler »(50) ou
encore « on débarrasse au fur et à mesure, pour eux, c’est plus agréable »(95).
Les repères sont prélevés pour la plupart en cours d’action avec une grande importance du
regard, que ce soit en salle : « quand la moitié des verres sont vides, je peux envoyer en
cuisine », « souvent je reviens dans la salle pour voir si il manque pas du pain, de l’eau, pour
voir où ils en sont dans leur plat »(156)
Ou en cuisine « je vois avec les casseroles qui sont sur le feu »(166) pour ajuster le rythme du
service. Plusieurs invariants opératoires sont ainsi relatifs à la durée : « ça se mange vite, en cinq
minutes c’est mangé »(225). Cet apprenti sait coordonner son travail avec celui du chef : « je dis
au chef ‘c’est bon pour les entrées, je peux débarrasser’, lui il me dit ‘attends deux minutes que
j’envoie le chaud à côté’ ».
Ici les règles d’action énoncées visent l’efficacité, la rapidité « Il faut que j’aille vite parce qu’il
anticipe les actions suivantes « aller chercher les amuse-bouche »(88). Lorsqu’on s’adresse au
chef « Il faut pas parler pour rien dire »(118) et cela est justifié par le fait qu’il est seul et qu’il
doit rester concentré, « sinon il perd tous ses bons, parce qu’il s’occupe de tout »(119). Ces
règles sont aussi souvent à rapprocher des savoirs procéduraux : « je les sers un par un pour
éviter la casse ».
Différents modèles du client, assez généraux, ont été appris dans la pratique et servent à leur tour
à orienter celles-ci (les personnes qu’il faut laisser tranquille, celles qui au contraire demandent
plus d’attention). Les personnes âgées en général « qui n’ont plus un grand appétit »(208) et pour
lesquelles « on sait que le plat il sera pas mangé »(209).
On peut noter également que le mode de communication avec les collègues est bien connu et
repéré : « si elle est occupée, elle va faire un petit signe comme quoi la table là y’a quelque chose
qui va pas »(159), « c’est un regard, en fait, comme on est encombré, c’est un petit regard en
fait »(160). SR1 mime cette situation d’être « encombré », il a par ailleurs peu recours aux gestes
pour se faire comprendre (comment porter les assiettes, 200)
De même ils partagent un langage professionnel : « envoyer » ou encore « lancer » les plats,
« attaquer un service » par exemple.
49
Les produits servis, leur composition, sont bien connus ce qui permet d’informer ou de conseiller
les clients (26, 142, 178 par exemple).
SR1 a bien développé des savoirs dans l’activité de la pratique professionnelle
b) Cas SR2, service en restauration
La situation choisie est le service d’un groupe de vingt-cinq personnes qui souhaitent déjeuner
rapidement, cela se passe un jour férié, il y a beaucoup de clients dans ce restaurant de type
« routier ».
Chez SR2, la description du procédural est très riche car elle donne souvent à voir le déroulé des
choix, des orientations possible de l’action, en relation avec la situation, avec des formulations
du type : « si … alors je … », « soit … soit … ».
Elle évoque ainsi deux ordres de service différent selon qu’elle est seule ou qu’une collègue
intervient (21) et ces différents choix apparaissent dans la prise de commande des fromages :
-« vu que c’est un groupe, j’ai pris un bloc notes, j’ai abrégé fromage blanc et fromage et
j’ai fait des petits bâtons pour savoir exactement »(71)
-« je passe un par un »(75), « je me mets toujours entre deux personne comme ça les
quatre ils entendent et ils peuvent réfléchir / le temps que je fasse le tour »(76et77)
-« je demande ‘fromage ou fromage blanc ?’ »(71)
-« Une deuxième étape, (si tout le monde prend du fromage, je fais pas de deuxième
étape), je me mets au bout et je demande ‘ceux qui prennent du sucre, levez la
main !’ »(80)
-« si ils sont dix, je mets trois sucriers [etc …] (80)
Et elle détaille ensuite de même leur service et ses alternatives.
Elle a développé une méthode personnelle33 pour être le plus efficace possible, c'est-à-dire, dans
son cadre de travail, rapide, et toute l’organisation de l’action vise à optimiser les déplacements :
-« J’ai une habitude, c’est de laisser leur couteau pour leur fromage, ça m’évite des pas et je
perds moins de temps parce que quand je prends les fromages, je prends quatre assiettes »(57)
-« elles débarrassent au fur et à mesure et moi non, je débarrasse tout en même temps, ça évite
les pas »(61).
-ou encore une gestion des plateaux qui « évite les aller-retours ».
33
Qu’elle perçoit telle, voir 3.2.1 : la pratique réflexive
50
Par ailleurs les connaissances liées aux clients sont « opératoires » : les préférences des hommes
et des femmes pour les apéritifs, les desserts, permettent de mémoriser qui a pris quoi et de servir
sans avoir à redemander (132, 139, 144). Des signes de satisfaction ou de mécontentement sont
relevés au fur et à mesure et permettent d’anticiper : elle repère qu’un des clients n’apprécie pas
son plat et qu’il va l’appeler(44). De manière générale, « [elle] regarde, [elle] surveille »(103).
Les menus sont bien connus, les variantes sont proposées de manière automatique, « on a
toujours deux légumes du jour […] »(26). L’utilisation du matériel est subordonnée à l’efficacité,
elle utilise la desserte et les plateaux pour optimiser ses déplacements (215 par ex.)
Les règles d’action indiquent les mêmes objectifs : « toujours prendre son carnet et noter ce qui
reste »(120) avant de prendre la commande des desserts ; faire très attention aux bons en cuisine
(30). SR2 s’appuie aussi sur des valeurs telles que le respect (entre les membres du groupe servi)
(61) ; la politesse(164) lorsqu’elle retourne systématiquement s’excuser auprès des clients auquel
elle pense avoir répondu trop vivement dans le feu de l’action.
Les gestes, à l’exception du portage d’assiette, sont peu décrits(17). La dimension physique est
cependant très présente avec les nombreux déplacements qui se font à un rythme soutenu.
Le lexique professionnel n’apparaît pas spécifiquement.
Ce déroulé de choix « déjà prêts » et de règles d’action, d’invariants-repères qui s’articulent de
manière immédiate, permettent des prises de décision très rapides.
Nous constatons donc que SR2 dispose de savoirs d’action.
c) Cas SR3, service en restauration
SR3 est apprentie dans un restaurant traditionnel. Elle propose d’évoquer une situation avec un
client difficile parce qu’à la fois très pressé et très exigeant (il fait ramener son plat en cuisine
plusieurs fois). C’est un midi, il y a beaucoup de monde dans le restaurant.
A noter que dans le cadre de cet entretien il fut difficile d’obtenir des verbalisations précises.
Les étapes du service sont décrites de manière succincte : « On l’installe, on lui propose
l’apéritif, on le fait patienter un peu »(15). Il est pressé, SR3 note bien l’information et la
transmet en cuisine(16). Par ailleurs, elle montre au client, qui appelle de nouveau, qu’elle
51
considère sa demande : « désolée, on a un petit peu de monde, donc ben on s’occupe de
vous »(32).
La plupart des repères pour l’action qui apparaissent à travers cet entretien sont relatifs à ce type
de situations « critique » ils sont de deux ordres :
-
A quoi on reconnaît le client difficile :
« il a du mal à dire bonjour »(12), « il nous dit qu’il est assez pressé »(16), « il se plaignait à
chaque truc qu’on lui apportait »(10).
-
Comment on agit habituellement en retour :
« ils passent avant, en cuisine, si ils sont vraiment pressés »(18), « des fois c’est vrai que ça peut
ne pas convenir, on le ramène »(45).
Ces repères s’inscrivent dans des modèles plus larges du client : ceux qui sont pressés parce
qu’ils travaillent (17), ceux qui « veulent être aussi tranquilles que chez eux »(42).
Mais au-delà de ces repères, il subsiste une certaine incompréhension chez SR3, perceptible
quand elle dit « on a jamais eu de problème, on la fait tous les jours [cette sauce] »(22). Même si
elle a l’intuition que « des fois ils pensent que c’est une sauce comme ça, pis en fait … »(71),
elle ne la met pas à profit, ce n’est pas elle qui intervient pour expliquer mais le chef (70).
Les règles d’action et les valeurs sont souvent relatives à l’attitude qu’il faut adopter avec les
clients, elles sont répétées avec insistance dans l’énonciation. Elles n’évoquent pas forcément
une posture personnelle mais sont générales : « être respectueuse, ne pas être impulsive »(93),
« on se dit, faut se retenir, faut pas … »(97), « il faut faire tout pour que y reviennent »(118).
Mais au-delà, lorsque la situation relationnelle devient trop compliquée, SR3 « passe le relais » à
une collègue(55).
On constate donc un décalage entre les ressources décrites et l’efficacité de l’action. Cela peut
faire penser que le savoir est ici seulement déclaratif et ne correspond pas à ce qui est réellement
investi dans l’action.
L’entretien ne permet pas de faire apparaître une connaissance des produits servis.
52
Le choix de cette situation, que l’apprentie a conscience de ne pas avoir su gérer, révèle donc des
carences en termes de savoir-agir avec le client.
SR3 à acquis certains savoirs dans la pratique mais ceux qui concernent la relation avec le
client sont insuffisants puisqu’ils ne lui permettent pas de toujours
agir de manière autonome.
d) Cas V1, vente
V1 travaille dans une « moyenne surface » qui vend du petit mobilier et de la décoration. Dans la
situation choisie, V1 a conseillé un client dans le choix de plusieurs articles qui étaient destinés à
une chambre et qu’il s’agissait de coordonner.
La prise de paroles suivante, qui résume l’action en début d’entretien, montre le déroulement
procédural (depuis la prise d’informations dans le contexte jusqu’aux objectifs) et une
connaissance des gammes de produits :
« y’avait des coussins, des rideaux, des lampes …et puis une tringle à rideaux … et une parure
de draps, donc rien n’allait ensemble, du coup, je lui ai dit que ce qu’il avait choisi en coussins,
c’était des coussins avec des Bouddha dessus, on l’avait également en rideaux, donc on est
parti en rayons choisir les rideaux qu’allaient avec, du coup il a pas pris les rideaux là, on a
trouvé d’autres coussins, enfin on s’est arrangé pour que tout aille ensemble en fait »(5)
Les relances suivantes ont donc porté sur le déroulement plus précis, étape après étape de cette
vente. Les réponses ont permis d’élucider progressivement le déroulement de l’action avec
notamment le recueil des besoins :
« je lui ai demandé ce qu’il recherchait, la dimension, plus les couleurs qu’elle lui avait
demandées, puis par rapport aux questions que je lui ai posées, j’ai recherché ce qu’on avait »(6).
Puis la vente se poursuit en montrant plus qu’en parlant : « j’ai déjà pris tout ce qu’il avait trouvé
d’autre, qui lui plaisait vraiment et puis avec les rideaux, j’ai mis les mêmes à côté, qu’il voit ce
que ça pourrait donner »(8). Il s’agit bien d’une action orientée ici.
Et l’on voit l’articulation entre prise d’information et action – l’information devient savoir pour
agir ici : « Il voulait que quand les rideaux sont fermés on voit rien »(18) et « je savais quel type
il voulait alors je lui en ai proposé »(19), ce qui suppose aussi qu’elle connaît les articles et
qu’elle sait où les trouver dans le magasin. Elle sait également qu’elle peut se tourner vers les
autres magasins de la chaîne, « j’ai appelé les autres magasins pour savoir si ils en avaient »(26).
53
Quelques règles d’action apparaissent, elles concernent le client mais, puisqu’elles semblent
dépasser le seul cadre professionnel, on peut parler de valeurs : [regarder le client] « du moment
qu’on veut intéresser quelqu’un, il faut savoir ce qu’il en pense même sans lui demander »(32) et
« je le fais tout le temps en fait [regarder la personne] si je parle à quelqu’un de quelque chose
qui me tient à cœur »(38). Ce qui permet une lecture des visages et des attitudes : « je vois au
visage, en fait, aux mimiques, la gestuelle et tout, si il commence à regarder autre chose quand je
parle, c’est qu’il s’intéresse pas du coup »(32).
En l’occurrence, l’attitude du client la rassure sur l’efficacité de son action, et l’on pense à cette
spécificité des relations de service : le travail se fait sous le regard du bénéficiaire et est
immédiatement évalué par lui34 :
-« A quoi tu voyais que tu te débrouillais bien ?
-Parce qu’il avait l’air content, il suivait ce que je lui disais, il avait pas abandonné en se
disant ‘c’est tout, je vais prendre ça parce que ça me fatigue’»(29)
Au-delà de ce savoir être attentif aux signes non verbaux, V1 a aussi constitué des modèles du
client : « En général, c’est un peu tous les mêmes [les casse-pieds], c’est ceux qui demandent
conseil mais qui veulent rien … en fait ils viennent pour rien acheter »(52), « y’a ceux qui
voudraient des choses impossibles… le moins cher possible, des choses qu’on peut pas
faire »(54).
Rien n’a été codé sous la rubrique gestes mais une dimension physique et/ou gestuelle de
l’activité apparaît dans le discours et montre les déplacements dans le magasin ou encore la
manière de rassembler les différents articles pour les assortir.
Le lexique professionnel n’est pas très perceptible : « aller en rayon/en caisse».
V1 a effectivement développé des savoirs dans la pratique de l’activité professionnelle
e) Cas V2, vente
Le cadre de travail est une pâtisserie traditionnelle. Une première description concerne un
« habitué » qui achète toujours le même produit. Cependant cette situation est « critique » dans la
34
Cf. 1.2.1, c) - Ughetto (2002)
54
mesure où le client est une personne très sale. Il faut donc que le vendeur s’adapte à cette
caractéristique. Une deuxième situation est ensuite décrite : le conseil pour le choix d’un gâteau.
Dans la première situation, V2 est très réticent « c’est l’horreur »(6). Si les caractéristiques du
client orientent l’action c’est ici parce qu’ils la perturbent – d’autant plus qu’il apporte sa propre
boîte, très sale, pour la faire remplir de tuiles aux amandes. Il faut donc savoir « faire avec »,
d’un point de vue pratique (aspect sanitaire) mais aussi émotionnel (gérer la répulsion). Le
vendeur met donc en place une procédure pour cette situation qui se répète souvent :
« Ce n’est pas hygiénique, je laisse la boîte sur le comptoir, je vais prendre des gants derrière, je
reviens la chercher – il vient, il nous demande ses tuiles, il va faire ses courses et il revient la
chercher » (17). Puis un gant est enlevé pour prendre les gâteaux – mais il reste dans la main
gantée - et il est remis pour fermer la boîte (47).
Il s’agissait ensuite d’une famille, l’accueil des clients se fait toujours de la même manière : « je
dis ‘bonjour messieurs dames, vous désirez ?’ et après ils m’ont dit, ‘on voudrait un gâteau pour
huit personnes’, alors je leur propose toutes les gammes de gâteau, donc moi avant je suis allé
voir [la mise en rayons n’était pas encore faite], je leur dis tous les gâteaux qu’on a reçus et ils
me demandent des renseignements sur tel ou tel » (97 et 99). « après on leur demande si c’est
pour un anniversaire … parce que on met une plaque joyeux anniversaire et on offre les bougies
avec »(130).
D’autres savoirs sont de l’ordre de la procédure (mais on peut dire qu’ils règlent l’action aussi) :
- Les enfants qu’on fait passer derrière le comptoir pour choisir les bonbons (74)
- Le fait de taper au fur et à mesure les articles sur la caisse quand il y en a beaucoup (163).
Il faut être capable de dire de quoi sont faits les gâteaux pour renseigner les clients. C’est le cas
de V2 qui connaît les ingrédients mis en œuvre dans les différents produits. Par exemple, « j’ai
dit qu’il y avait un biscuit meringué souple aux amandes, du crémeux de vanille, du glaçage
chocolat »(106).
Le lexique professionnel se résume d’ailleurs au nom des différents ingrédients.
Il sait qu’il peut aussi consulter un document qui les décrit tous (105). Lors de l’entretien, il
n’évoque pas explicitement d’autres repères spécifiques pour l’action.
Les règles d’actions concernent d’abord le rapport aux clients : « je m’arrête de travailler [de
mettre en rayon] quand [les clients] arrivent »(80). Règle qui semble aussi issue d’un savoir plus
théorique sans doute transmis au CFA quand elle est formulée ainsi : « Il faut avoir une écoute
55
active, faut toujours regarder le client, faut pas faire autre chose en même temps »(80) mais qui
repose aussi sur « la politesse » (84) en général.
S’il est nécessaire que la mise en rayon se fasse vite le matin, c’est pour que les clients « voient
tout ce qu’il y a »(129). Cela est à mettre en relation avec une connaissance du client qui « si il
ne voit pas, ne demande pas »(129). Par ailleurs V2 évoque peu de modèles du client : les
enfants qui aiment le chocolat - le savoir permet de mieux conseiller (189) et, comme nous
l’avons vu, il connaît les habitudes des clients qui viennent quotidiennement.
La vente de pâtisserie au-delà du conseil demande de la dextérité pour faire les emballages et
nouer les rubans. Cette activité est difficile à décrire et les gestes viennent rendre les mots plus
explicites : « vous pliez le dessus du papier, en fait après vous repliez, carrément sur la boîte,
vous appuyez des deux côtés de la boîte … »(147, 149).
Il est donc possible de dire que V2 a développé des savoirs d’action pendant
la durée de son contrat d’apprentissage.
f) Cas V3, vente
Cette apprentie travaille dans les rayons charcuterie et fromage d’une grande surface. Elle ne
réussit pas à trouver une situation qui sorte de l’ordinaire et dont elle se souvienne précisément.
Il faut noter cependant qu’il a été difficile de guider la verbalisation pendant cet entretien.
Les clients se suivent, sont servis rapidement …et se ressemblent : « je dis ‘bonjour’, je dis
‘qu’est-ce qu’il vous fallait ?’, ils disent ce qu’ils veulent, tout ça … et ben moi je les sers et pis
je leur dis ‘ben merci, au revoir’, pis après j’enchaîne, bah les autres clients pareil, en fait »(7).
Elle sait cependant revenir sur le détail des différentes opérations et donner toute la procédure
d’une vente (33).
Mais alors que son activité suppose l’usage de matériels (trancheuse, caisse) et comporte des
gestes spécifiques pour servir des portions des différents produits, les descriptions n’ont pas
atteint ce niveau de précision.
De même la connaissance des produits n’est pas mise en relief par l’entretien – alors que l’on
peut penser qu’elle existe. C’est peut-être parce qu’elle ne trouve pas à être mobilisée dans une
pratique d’où la dimension de conseil semble absente.
56
Les repères pour l’action qu’il a été possible de relever résident dans la documentation dont la
vendeuse dispose pour proposer des formules de buffets (46) mais elle n’est pas en mesure de
renseigner un client qui souhaiterait modifier l’une d’entre elles, pour cela, « il faudra voir avec
la responsable, mais moi je pourrai pas savoir »(63) ce qui est vu par V3 plus comme une limite
que comme une ressource. Elle dit aussi que « en général les gens y prennent toujours à peu près
les mêmes trucs, donc on sait à peu près quoi »(61) (elle n’évoque pas les habitués mais bien les
gens en général).
Et elle « regarde sur quel ton lui parle » la personne qu’elle salue à son arrivée (12). Elle peut
définir plusieurs types de clients selon les critères de l’âge, de l’attitude, des habitudes … ces
catégories ne sont ni détaillées ni illustrées par des exemples plus concrets, « y’a plein de types
de clients, quoi, c’est varié »(61).
Deux règles apparaissent, la première dictée par l’encadrement : « il faut enchaîner pour pas
qu’ils attendent trop longtemps parce que sinon y’a le patron qu’est là » ; la seconde, partagée
avec les autres collègues concerne la manière de s’adresser aux clients impolis : « Quand ils
disent pas bonjour, tu leur dis BONjour, comme ça pour qu’ils comprennent bien »(15).
Sa pratique, qu’elle trouve elle-même assez pauvre35, semble n’avoir permis à V3 de ne
développer que les savoirs « juste suffisants pour l’action ».
g) Cas C1 coiffure
C1 choisit de décrire la réalisation d’une coupe et d’une couleur sur une cliente qu’elle n’a
jamais coiffée auparavant.
Les savoirs procéduraux sont nombreux, la succession des différentes étapes – de l’accueil
jusqu’au recueil de satisfaction - est décrite avec précision (même si l’entretien n’est pas poussé
jusqu’aux opérations les plus techniques) :
« Je lui demande ce qu’elle veut, ce qu’elle recherche dans la couleur, si c’est la brillance … »(8)
ou encore « donc, j’ai été cherché une tablette, je l’ai habillée, donc, je lui ai mis une serviette et
tout, je lui ai mis du cello. pour pas qu’elle soit tâchée et heu après j’ai commencé à appliquer la
couleur »(38) et, plus technique : « Après j’ai coupé bien 1 cm partout, je fais une séparation et
je commence à dégrader »(144).
35
Cf. 3.2.1 données concernant la pratique réflexive
57
A travers la description du procédural apparaissent aussi les formules de politesse qui
accompagnent la plupart des étapes : « donc, j’ai dit à la cliente, ‘on va pouvoir passer au bac,
s’il vous plait madame’, donc elle va au bac à shampoing, je commence à […] »(111)
On constate aussi que plusieurs tâches peuvent être effectuées successivement sur plusieurs
clientes : lors du temps de pause de la coloration de sa cliente, C1 prend en charge une autre
personne tout en restant attentive à la première : « J’ai commencé à sécher la cliente de ma
patronne et après ben j’ai été voir quelle heure il était, j’ai vu qu’il restait encore 10 mn, donc je
continue à sécher, puis j’ai été re-voir et c’était l’heure donc j’ai dit à G. ‘faut que je m’occupe
de ma cliente’ »(110).
Nous avons classé dans les repères pour l’action les renseignements pris en interrogeant la
cliente au sujet de ses souhaits ainsi que les informations concernant les caractéristiques de la
chevelure, elles aussi nécessaires pour adapter l’action :
« Elle voulait à peu près le même genre de couleur qu’elle avait mais avec un peu plus de
reflets » (35) et, par exemple, « elle avait des cheveux assez épais donc c’est pour ça que j’ai
préféré faire des séparations »(151). On voit ici le lien direct prise d’information – action, et C1
tente de préciser comment elle détermine la nature des cheveux : « quand on le touche, on le
sent » (173) et « pis même quand on regarde »(174)
Elle dispose aussi de repères pour mener la partie technique de son intervention : un savoir
technique qu’elle a expérimenté comme lorsqu’elle affirme que « Verticalement c’est moins
dégradé que en biais »(147) ou qu’elle évoque la « mèche témoin pour regarder ce qu’il y a à
couper »(149).
Elle sait également combien de temps il faut pour mener à terme chaque étape ce qui lui permet,
comme nous l’avons vu, de s’occuper de plusieurs clientes (64).
Les règles d’action concernent pour la plupart la dimension technique du métier, il est possible
de les associer à des objectifs36 avec par exemple : « il faut toujours malaxer une couleur 5 mn
(112) pour avoir beaucoup de brillance(115) », « il faut toujours faire deux shampoings, c’est
pour stopper l’oxydation »(122).
La règle suivante est déterminée par la posture d’apprentie : « Si je suis pas sûre [pour les coupes
transformatrices], je préfère toujours demander à mes collègues parce que c’est ça que j’ai peur,
de faire une bêtise à une cliente »(243). On perçoit le même souci à travers la manière de
recueillir les souhaits de la cliente « A chaque fois, après dès qu’elle me dit, ‘je veux ça’ donc je
lui ré-explique et je dis ‘c’est bien ça ?’, elle me dit ‘oui, oui’ alors je lui ré-explique encore une
36
L’EdE peut être utile pour faire apparaître les objectifs quand ils ne sont pas connus, voir 3.2.1
58
fois »(247). En effet, elle sait, parce qu’elle explique avoir eu l’occasion d’en faire l’expérience,
que « des fois on se comprend mal aussi »(245)37.
C1 sait donc être attentive au langage verbal mais elle repère aussi les signes non-verbaux :
« ben, ça se voyait, elle était à l’aise, elle parlait bien, ça se voit quand les clients y sont heu
… »(58) ou « quand elles sont stressées, elles parlent vite ou pas du tout »(62). Elle a remarqué
que la plupart des clientes demandent si les colorations comportent de l’ammoniac(39) et
qu’ « elles n’aiment pas beaucoup ça »(38).
C1 montre alors qu’elle connaît les produits qu’il s’agisse de leurs effets ou de leur utilisation :
« c’était du 5, 12[…] châtain irisé cendré, le 5 c’est tout ce qui est blond-châtain, après la
virgule, c’est le reflet »(23) et « on a une nouvelle couleur qu’est sans ammoniac, donc elle
abîme pas du tout le cheveu en fait »(44) ou encore « le temps de pause, c’est 35 mn »(91).
Cependant on peut constater une limite des connaissances à ce sujet : « c’est quand même
dangereux, je sais pas trop, c’est quand même agressif l’ammoniac »(74)38.
Comme nous l’avons précisé en début d’analyse, l’élucidation de l’action n’a pas été menée
jusqu’aux opérations les plus techniques ce qui explique que si les gestes viennent soutenir la
description verbale, cela reste assez rare (141 et 148).
Le lexique professionnel se remarque à l’utilisation des termes techniques. On dit bien par
exemple « appliquer » la couleur et non l’étaler, comme C1 est amenée à le préciser (54).
C1 a bien développé des savoirs dans le cadre de sa pratique en entreprise.
h) Cas C2, coiffure
L’apprentie interrogée ici a choisi d’évoquer la réalisation d’une coupe et d’une couleur. Elle
semble avoir choisi cette situation parce qu’elle comporte un niveau de technicité important.
Mais sa « cliente » fait ici partie de sa famille (sa tante) ce qui ne favorise pas le repérage de
tous les savoirs spécifiques mis en œuvre, de manière professionnelle, dans la relation de service.
De plus, C2 n’avait finalement que très peu de temps à consacrer à l’entretien qui a dû être mené
« tambour battant ».
37
38
Ce qui évoque, déjà, un recul par rapport à l’action
Voir rôle de l’EdE dans la compréhension
59
On peut parler de savoirs procéduraux, les différentes étapes – recueil des souhaits, coupe - sont
évoquées rapidement mais avec précision semble-t-il : « j’ai demandé si les mèches elles étaient
grosses ou petites, si elle en voulait beaucoup, la couleur, ce qu’on refaisait »(19) puis « je
sépare, j’attache avec les pinces, donc j’ai fait le tour d’oreille, j’ai commencé à faire mon
dégradé, derrière, j’avais attaché les deux trois mèches qu’elle laisse »(31).
De nombreuses règles, d’ordre technique, expérimentées dans la pratique, sont énoncées comme
par exemple : « On fait toujours une pointe pour pas couper les angles » (44), « il faut prendre en
élévation pour pas que ça fasse la coupure nette »(53).
Elle dit aussi qu’ « il faut se rappeler où c’est qu’on a coupé déjà »(39).
Pour ce faire, elle « sait qu’[elle]commence toujours du côté gauche »(40).
D’autres repères la guident encore, et notamment des invariants opératoires relatifs aux types de
cheveux : « suivant les cheveux longs, les cheveux courts, on a différentes jonctions à faire »(36)
et concernant la cliente choisie : « elle a un cheveu souple donc il se place très facilement »(27).
Les goûts des clients l’orientent, elle doit tenir compte du fait que « la bordure devant, elle aime
beaucoup que ce soit effilé »(30).
Il n’a pas été possible de mettre en évidence des savoirs concernant l’utilisation des produits
mais C2 sait qu’elle doit adopter une technique spécifique pour réaliser la couleur sur cette
cliente : « sur des clientes ça prend super bien mais sur elle on n’arrive jamais à avoir le violet
comme sur les autres clientes »(15).
C2 montre à travers ce bref entretien qu’elle s’est appropriée le lexique technique de la coiffure
( les « angles de coupe », le « plateau », les «jonctions » …) mais aussi des habitudes de
langage : « mes séparations », « elle a un cheveu ».
C2 a bien développé des savoirs d’action dans le cadre de sa pratique mais il est impossible
au vu de cet entretien de se prononcer sur des savoirs plus spécifiques
qui guideraient la relation de service.
60
3.1.2 Analyse transversale
Il s’agit à présent de confronter les résultats obtenus pour ces huit cas.
Cette recherche est basée sur une méthodologie de type qualitatif qui vise à comprendre le
phénomène de la construction des compétences à travers l’étude de cas particuliers.
a) Relativiser les résultats
En s’intéressant aux savoirs d’action, c’est la dimension individuelle, celle des composantes
identitaires, que l’on aborde.
Il s’agit de percevoir comment des individus différents, qui travaillent dans des entreprises
différentes - mais suivent des cours identiques au CFA (dans les trois métiers considérés)
acquièrent des savoirs dans l’action. De manière transversale, c’est la relation de service qui relie
ces trois métiers. Au-delà de ce point commun, les activités sont très différentes et les savoirs
d’action se développent donc dans des situations très différentes (au sein d’un même métier
également). La coiffure se distingue ainsi de la restauration et de la vente par une dimension
technique beaucoup plus prononcée - ce qui explique aussi qu’un lexique professionnel est plus
mobilisé chez les deux apprenties coiffeuses et qu’elles ont recours aux gestes pour décrire leur
activité.
Par ailleurs, cela a déjà été noté, les entretiens n’ont pas été menés de manière uniforme qu’il
s’agisse de leur durée, de la pertinence des relances, du type de situation choisie. A ce niveau, on
remarque, a posteriori seulement qu’il n’était pas opportun, de donner l’alternative « une
situation professionnelle dont vous vous souvenez, soit parce qu’elle s’est bien passée, soit parce
que vous avez eu des difficultés ».
SR3 est la seule à avoir choisi une situation difficile, peut-être d’autres savoirs seraient-ils
apparus dans l’autre cas ? Des situations critiques ont parfois été évoquées, mais en parallèle de
la situation choisie seulement ( chez SR2 et V1 notamment).
De plus il existe des différences interindividuelles dans la manière de réagir à ce type d’entretien.
Ainsi, SR1 mais surtout SR2 et C1 ont tout de suite saisi le principe d’élucidation de l’action et
le niveau de leurs description était d’emblée assez fin. Au contraire SR3 et V3 se sont montrés
beaucoup plus difficiles à guider dans l’évocation.
61
b) Des points communs
Presque tous les apprentis ont développé dans l’action des « modèles du client ». Il n’y a que
chez C2 que ce type de savoir n’apparaît pas directement (entretien trop bref) et chez V2 où ils
sont peu développés. Souvent ces modèles sont assez généraux (clients agréables/désagréables)
mais SR2 distingue de manière assez fine les habitudes des hommes et des femmes (préférences
alimentaires) et V1 repère facilement les clients qui demandent conseil mais n’achèteront rien.
SR1 et SR2 partagent un même modèle relatif aux personnes âgées qui ont peu d’appétit.
La dimension relationnelle de ces métiers n’est pas neutre, au sens ou elle peut impliquer
« émotionnellement », à différents niveaux :
-SR2 et V2 doivent d’abord surmonter leur répulsion pour servir des clients très sales et ensuite,
mettre en place une stratégie pour gérer la situation. Il s’agit de savoirs spécifiques qui
participent de cette compétence mixte dont parle Mayen.
A l’arrivée et au départ du client, quel que soit le métier, les mêmes formules de politesse et de
recueil de besoin sont en usage. Il s’agit ici de savoir acquis par mimétisme auprès des collègues
et qui font partie du savoir procédural au sens large.
Dans les trois situations de service en restaurant, pourtant très différentes, les savoirs d’actions,
qu’il s’agisse de règles ou de procédures, permettent l’organisation et la rapidité. Il s’agit pour
tous « d’économiser des pas » et d’anticiper les besoins du client. Il faut pouvoir coordonner le
service de plusieurs tables. Il y a aussi une dimension de collaboration avec les collègues. Cela
passe par une communication verbale ou non verbale avec les (SR1 et SR2). Dans ces deux cas
(service de grandes tables de plus de 20 personnes), les apprentis se déplacent de personnes en
personne, répètent, pour prendre les commandes.
Au-delà du rôle de la vue qui intervient la plupart du temps dans la prise de repère et donc la
production de savoirs, notons aussi pour certains apprentis le lien avec d’autres sens :
-SR1 et V2 disent qu’ils peuvent conseiller le vin(26) ou les gâteaux(187)
parce qu’ils les ont goûtés.
-SR2 souligne le rôle de l’audition dans la mémorisation des commandes(134, 145).
-C1 connaît la nature des cheveux en les touchant et en les regardant.
62
c) Des styles propres à chacun
Mais il y a aussi des différences : c’est peut-être là qu’est la connaissance acquise, découverte
dans l’action la plus personnelle et qui serait un des ingrédients spécifiques de la compétence, à
la rencontre de la personne et de la situation.
Les seuls entretiens ne permettent pas, bien sûr, d’atteindre un tel degré de précision.
Mais, selon les apprentis et le contexte professionnel dans lequel ils évoluent, on constate que les
savoirs d’action apparaissent et se répartissent de manière sensiblement différente dans les
rubriques du Tableau II.
Certains pensent développer des manières de faire personnelle, c’est le cas de SR 2 qui laisse les
couteaux sur la table pour gagner du temps (alors que ses collègues agissent différemment) ou de
C1 qui donne toujours deux coups de ciseau pour désépaissir alors que l’on peut faire autrement.
Comme on le voit, on aborde déjà la question du recul par rapport à l’action
d) Et les savoirs théoriques ?
L’hypothèse porte sur les savoirs d’action mais la grille de l’EdE pouvait également prendre
dans ses mailles des savoirs théoriques, ils sont peu nombreux à apparaître, sous une forme
explicite en tous cas (V2). Ils peuvent cependant affleurer dans le langage avec la gestuelle
évoquée par V1 ou le fait que C1 dise « communiquer avec la personne » mais C1 évoque très
précisément le principe de la reformulation sans jamais le désigner comme tel39.
3.1.3 la 1e sous-hypothèse est-elle validée ?
A la question « les apprentis développent-ils des savoirs d’action en entreprise ? », on peut
répondre par l’affirmative dans les huit cas traités. Cependant cette réponse doit être nuancée de
la manière suivante pour trois cas :
- SR3 n’a pas réussi à extraire de sa pratique les savoirs suffisants ou adéquats pour assumer
efficacement la relation avec les clients « difficiles » qu’elle est amenée à servir.
-V3 quant à elle a développé des savoirs mais de manière assez limitée, qu’il s’agisse de la
dimension technique ou de la dimension relationnelle de son métier.
39
Le traitement de la 2e sous hypothèse fait apparaître dans certains cas des savoirs théoriques pragmatisés, voir ciaprès.
63
- C1 n’a donné à voir que la dimension technique de son activité pour laquelle sa pratique a été
formatrice, l’aspect relationnel est peu apparu dans un entretien trop bref.
La sous-hypothèse est validée, les apprentis interrogés ont effectivement
développé des savoirs d’action dans le cadre de
leur pratique professionnelle en entreprise.
3.2 La pratique réflexive des apprentis
Les données sont directement issues de la catégorie « recul par rapport à la manière de travailler
et par rapport à la manière d’apprendre » du Tableau I (catégorisation des verbalisations).
Si je sais comment je travaille et comment j’ai appris, c’est bien qu’il y a eu un détachement par
rapport à l’action. Rappelons que les extraits classés dans le Tableau II montrent également un
recul.
Les deux aspects (travailler et apprendre) seront étudiées en même temps, dans la logique de
l’activité constructive puisque c’est bien en faisant que les apprentis développent des
compétences.
3.2.1 Description et analyse
a) Cas SR1
Dans ce cas, les propos qui évoquent un recul sont présents mais proportionnellement peu
nombreux par rapport au déclaratif.
Il semble très important pour SR1 de travailler de manière autonome depuis le début de son
apprentissage : « ils m’ont laissé indépendant pratiquement au bout de la première semaine de
travail »(104) et « ce qui est bien c’est qu’ils me laissent m’occuper de tout, de la commande à
l’encaissement ».
Il associe cela à un apprentissage « sur le tas »(191) avec une progression.
Ainsi « c’est à force de faire »(100) qu’il a appris à lancer les plats en cuisine. « Je lançais trop
tard, je pensais qu’il fallait attendre que tout le monde ait fini en fait, donc je me suis fais avoir ».
64
Son erreur l’oblige à réviser sa manière de travailler. Il identifie et teste des repères, ils sont
explicites40 pour lui. On peut donc parler de coordination conceptuelle ici.
Il n’y a pas d’échange à se sujet avec ses collègues, il ne sait pas quels sont leurs repères à eux
(106).
Cependant c’est au cours de l’EdE qu’il prend conscience qu’il observe très attentivement les
clients : « ben en fait non, là en parlant, mais enfin je me rendais pas compte que je regardais les
gens »(60). Ainsi il les « revoit », les « a en tête », se souvient de leurs places respectives (56,
58).
Le rôle des collègues apparaît pour guider la relation avec les clients. Il apprend à répondre aux
remarques des clients « à force de regarder la patronne et l’autre serveuse faire, ça
s’entend »(73,74).
Il sait aussi que c’est parce qu’il a goûté un vin qu’il est capable de le conseiller aux clients (26).
Pour terminer, on peut noter qu’il n’y a pas de retour sur le service, après celui-ci « on parle pas
travail »(108). Et, de même « ce que je fais en entreprise, j’en parle pas au CFA »(264)
SR1 sait se détacher de l’action, cela est perceptible à travers la formalisation des savoirs
du Tableau II et à travers la conscience qu’il a de sa manière d’apprendre.
b) Cas SR2
De nombreux propos sont le reflet d’un recul par rapport à l’action, ils sont souvent énoncés
spontanément.
Le rôle des collègues dans l’apprentissage apparaît à plusieurs reprises. C’est « grâce aux
collègues » qu’elle optimise ses déplacements (35), qu’elle sait comment agir avec les derniers
clients au moment de faire le ménage. Elle le résume ainsi : « c’est pas écrit [le règlement]mais
c’est transmis] (259) et « pis c’est en voyant faire aussi »(260).
On peut parler de recul réflexif dans l’exemple suivant ou SR2 montre qu’elle sait comment elle
sait : « je mémorise vite en fait au niveau des desserts […]c’est rien qu’en prenant, en écrivant
ET en regardant, je fixe la personne et je mémorise tous les détails »(134). Puis au moment de
servir : « j’entends la voix, je sais qui c’est »(145).
Les préférences exprimées par SR2 montrent un recul : Utiliser un plateau plutôt que le chariot
242), attendre que le client qu’elle a repéré l’appelle (46). Elle sait qu’elle a des préférences et
40
Voir 3.1.1 à ce sujet
65
elle peut les expliquer, donner leur source. De même elle a des manières de faire qui lui sont
propres (laisser les couteaux, 57) mais qui s’inscrivent dans les impératifs de rapidité.
Elle montre également une posture réflexive quand elle revient sur les origines de son choix
professionnel(191).
Au fil de l’entretien, elle évoque les différences de pratique entre le CFA et l’entreprise dans
laquelle elle travaille et les résume ainsi : « là où je suis, c’est un routier, c’est la rapidité, y’a
pas de découpes, y’a rien de tout ça quoi, nous c’est hop, l’assiette sur la table, ils mangent, on
débarrasse. Que là on apprend le correct, le droit, le brillant »(188,189).
SR2 sait comment elle apprend et comment elle travaille, par ailleurs de nombreux savoirs
d’action formalisés apparaissent dans le Tableau II. On peut donc dire
que SR2 développe une activité réflexive.
c) Cas SR3
Les propos évoquant un recul sont assez nombreux mais se pose pour SR3 la question du degré
de détachement et des effets de celui-ci sur la pratique professionnelle. Pour rappel, il s’agissait
dans la situation choisie de servir un client « difficile ».
SR3 constate que sa collègue « elle, elle sait, elle réagit super bien / Comment elle fait ? / je sais
pas, je sais pas du tout, elle a un truc »(57, 58).
Puis au fil de l’entretien : « je me dis bah, elle fait ça quand même depuis plus de dix ans et donc
elle a déjà l’expérience, et puis elle en a déjà vu pas mal qui défilent pareil et je pense qu’elle a
moins de … Qu’elle se dit, ‘c’est le boulot’ quoi … je sais pas comment elle fait »(60)
A travers ces deux extraits on voit bien :
-
Le constat (cela marque un premier recul) : la collègue sait faire
-
La réflexion à partir de cela, l’effort de compréhension : le rôle de la durée en lien
avec l’expérience, la posture professionnelle.
-
L’incapacité à saisir vraiment ce qui fonde l’action efficace (la relation ici) chez
sa collègue.
Et l’entretien montre ainsi la difficulté à travailler avec des clients exigeants. SR3 est consciente
de ce qui lui pose problème dans ce type de situation : « en plus il n’hésite pas à le dire
franchement devant les autres clients »(51) et « tu te dis, ça y est les autres y vont croire que tu
sais pas faire ton boulot »(52).
Ses règles d’action à cet égard se résument à « Faut se retenir »(97), répété plusieurs fois.
66
Notons aussi que dans le tableau I, c’est dans la dimension « jugement » qu’apparaissent le plus
d’items, (ce qui n’est pas le cas dans la plupart des autres entretiens). Il y a un recul mais celui
n’induit pas une mise en mouvement, les représentations sont comme figées.
Par ailleurs SR3 sait qu’elle a appris de sa collègue à ne pas « partir à vide », à ne pas « faire des
pas dans le vide ». Elle suit ce modèle.
SR3 se détache de l’action mais les effets n’apparaissent pas dans sa pratique auprès des
clients difficiles. Elle semble disposer d’éléments de compréhension mais qui
ne sont pas reliés, mis en cohérence par une réflexion suffisante.
d) Cas V1
Les verbalisations relatives à la manière d’apprendre sont nombreuses par rapport à celles
présentes dans les autres dimensions du Tableau I.
V1 montre qu’elle mesure bien la différence entre la théorie, apprise au CFA et la réalité de sa
pratique en entreprise :
«En cours, on nous dit, il faut s’intéresser aux gestes, on nous dit, s’il se gratte la tête ça veut dire
quelque chose, mais ça dépend du contexte en fait. Après on se rend compte par nous même,
c’est pas du tout pareil en fait que ce qu’on nous explique »(40). Cependant on constate, quand
elle décrit son action, qu’elle est attentive « aux mimiques, à la gestuelle du client »(32)
Son recul lui permet simplement de constater qu’il ne peut y avoir de rapport d’application direct
et que c’est bien la situation qui oriente l’usage de la théorie. On trouve donc ici une illustration
de la pragmatisation des concepts pour/dans l’action.
Elle note ensuite que « ce qui est intéressant au CFA, c’est qu’on profite de l’expérience des
autres […]par rapport à ça, la prof lui dit, t’aurait dû réagir comme ça, faire ceci … et nous donc
quand ça nous arrive après, on sait comment réagir »(42)
On peut relever deux éléments importants :
-Les cours au CFA donnent parfois l’occasion aux apprentis d’évoquer leur pratique. Ce qui
permet de repérer un temps de formalisation en formation.
-Il semble aussi que les répertoires de situation peuvent être partagés et, en tout cas, orienter les
pratiques suivantes.
67
V1 fait le lien entre répétition des situations et apprentissage : « ça entraîne entre guillemets, à
force on sait comment s’adapter …Mais les clients sont tous différents […] on apprend à
reconnaître le client en fait »(64). Et elle dit qu’il lui a fallu presque deux ans pour construire ces
repères(68).
Elle montre aussi un recul par rapport à sa posture d’apprentie : il était difficile d’oser aller vers
le client mais elle s’est dit « je suis là pour ça, faut oser »(73).
Elle est consciente d’apprendre en regardant faire ses collègues (60).
L’EdE a permis à V1 de formaliser des savoirs procéduraux. Elle sait faire mais n’a pas
conscience de sa manière d’agir :
-« Comment tu as fait pour le conseiller si t’étais pas habituée à faire ce genre de choses ?
-En fait, je sais pas, ça c’est fait tout seul
-Tout seul, ça fait comment, qu’est-ce qui vient en premier ?
-Le réflexe, c’est de lui poser des questions pour savoir où se situer par rapport à ce qu’il
veut, savoir comment est sa pièce …(16, 17)
V1 donne ainsi la preuve d’une pratique réflexive antérieure à l’EdE
mais celle-ci s’est également produite pendant l’entretien
e) Cas V2
De nombreuses verbalisations concernent la manière d’apprendre. Il est possible que dans ce cas,
le contexte du CFA, dans lequel se déroulent les entretiens, ait orienté certaines réponses.
V2 souligne le rôle de la répétition qu’il s’agisse de faire les sandwichs ou de réaliser les
emballages : « avec l’habitude, on apprend vite le geste »(42) et (147). Ce sont ses collègues qui
lui ont montré comment faire. Il les a également observées dans leur manière de s’adresser aux
clients, « après vous savez dire à peu près ce qu’il faut »(122).
V2 met en perspective ce qu’il apprend en entreprise (en regardant les autres) et la théorie vue en
cours. Cela reflète bien un recul : « C’est en stage que j’ai appris à faire ça parce que je voyais
les autres faire … Donc au CFA, la reformulation, j’ai tout de suite vu ce que c’était »(201)
De la même manière, il explique comment il met en pratique la notion d’ « écoute active ». (83)
68
Par ailleurs il fait preuve de recul réflexif puisqu’il sait comment il sait. Ainsi c’est en goûtant
qu’il a appris à connaître les gâteaux et leurs propriétés (ceux qu’il faut sortir à l’avance …) :
« on me l’a dit si, mais heu …, mais après quand on a goûté à tous les gâteaux, on sait encore
mieux conseiller »(187).
On voit ainsi comment les différentes ressources, qu’il s’agisse d’un savoir énoncé ou d’une
connaissance-expérimentation personnelle, se combinent pour permettre le conseil.
V2 a conscience d’avoir du mal à parler aux clients pendant qu’il fait les emballages : « a ce
moment là je suis gêné parce que je suis tellement concentré sur le bolduc que … vous dites rien
au client »(134) et « j’aime bien regarder les gens quand je leur parle mais je suis en train de
regarder ce que je fais »(135).
Enfin, l’expression de préférences montre qu’il prend son travail comme objet de réflexion : « je
préfère conseiller qu’encaisser ou des trucs comme ça. C’est le principe de la vente, c’est
ça »(188).
A partir de ces exemples, on peut dire que V2 a développé une pratique réflexive.
f) Cas V3
Dans le cas de V3, nous avons vu que les savoirs juste suffisants pour agir avaient été
développés. Le recul qu’elle montre par rapport à son contexte d’apprentissage peut être
éclairant à ce sujet.
Dès le début de l’entretien, V3 déplore l’aspect répétitif de son activité :
-« les autres clients pareils en fait » (7) et « c’est répétitif en fait »(8)
-« les gens prennent tout le temps les mêmes trucs »(61)
-« ils nous font faire tout le temps les mêmes trucs »(64)
D’après elle c’est pour cette raison qu’elle n’a pas assez de connaissances(62). Elle n’arrive pas
à se faire confier d’autres activités (67).
De plus elle constate les différences qui existent entre ce qu’on lui inculque au CFA et la réalité
des pratiques en entreprise, par exemple : « l’hygiène [au CFA] ils nous disent les règles de base
puis après chaque entreprise a ses règles en particuliers : Par exemple laver à l’eau froide, c’est
69
un truc qu’on fait jamais »(86). Elle ne parvient pas à en faire une synthèse et s’en tient à cette
juxtaposition(90).
Il existe donc un recul mais celui-ci n’est pas investi dans un processus
de développement de savoirs ou de compétences.
g) Cas C1
Un recul déjà opéré par rapport à la manière de travailler est très présent chez C1. Pour elle,
l’EdE a aussi été l’occasion de mieux comprendre l’origine de certaines pratiques ou de certains
savoirs.
C1 associe le développement de ses savoirs à la répétition des activités : « à force d’être dedans,
vu que je fais tout le temps des couleurs, c’est vrai que ça rentre plus facilement quand même
[les codes couleurs] »(31) ou encore « J’ai plus trop besoin de demander parce que vu que je suis
souvent sur la clientèle, ben maintenant je sais ce qu’il faut »(89).
Elle est consciente de sa pensée en cours d’action qui lui permet la coordination : « dès que j’ai
fini d’appliquer ma couleur, je pense à ce qu’il y a à faire dans le salon, parce que c’est vrai,
comme on a beaucoup de monde, faut être un petit peu partout »(96).
De même, elle peut décrire ce qu’elle ressent lorsqu’elle se concentre sur une coupe : « je vois
ma coupe, mais j’entends presque plus rien »(153)
Elle met en avant le rôle de ses collègues : « j’ai appris au CFA [à faire des séparation]mais
beaucoup plus en regardant mes collègues »(152) et « je regardais beaucoup, j’étais beaucoup
attentive à regarder comment qu’y faisaient, et c’est là qu’on voit et puis elle m’expliquait
[montrait] … j’ai tout enregistré »(153, 120).
Ainsi, C1 regarde et se concentre pour apprendre.
Si elle tire une expérience de son vécu, c’est bien parce qu’elle le réfléchit a posteriori. C’est le
cas lorsqu’elle met en place une méthode de reformulation (qui n’est pas désignée comme telle)
après avoir eu un problème de compréhension avec une cliente (245).
70
L’entretien d’explicitation à permis à C1 de :
-Comprendre les fondement d’une technique apprise : justification de l’ordre des étapes du
brushing qui participe ainsi à la coordination conceptuelle de l’action efficace, (204 à 207)
-Prendre conscience de l’origine de son savoir adapter la coupe au visage (215 à 219).
-Faire le lien entre les savoirs transmis au CFA et les effets constatés de l’ammoniac (80 à 85).
L’analyse de ces extraits du discours permet de dire que C1
a développé une pratique réflexive
h) Cas C2
L’entretien fut très bref avec C2 mais elle montre qu’elle sait se détacher de l’action. Comme
beaucoup, elle souligne que « c’est au fur et à mesure qu’on apprend, en faisant les coupes »(36)
et que regarder les autres faire aide à savoir faire à son tour, elle désigne un apprentissage
vicariant lorsqu’elle dit : « j’avais regardé avant comment ma patronne elle faisait puis le jour ou
je lui ai coupé, ben j’ai fait pis elle était à côté et je lui demandais dès qu’il y avait quelque
chose »(22).
Elle a conscience de son évolution, elle a besoin de beaucoup moins de temps(63) et
« maintenant que ça va mieux dans les coupes », elle peut parler plus avec les clientes car elle a
moins besoin de se concentrer(68). Elle dit aussi avoir « moins besoin de réfléchir à ce qu’il faut
qu’[elle]fasse »(69) ce qui est la preuve d’une assimilation de l’activité et d’une coordination
conceptuelle qui permet cette économie de pensée.
De fait le Tableau II montre qu’elle a construit dans la pratique plusieurs règles d’action
auxquelles elle peut se fier.
C2 développe donc une activité réflexive
71
3.2.2 Analyse transversale
Dans l’analyse transversale nous montrerons d’abord des points communs dans la perception
qu’on les apprentis de leur manière d’apprendre avant de souligner que des différences peuvent
être désignées en terme de degré de recul.
a) Un processus commun d’apprentissage
Le rôle de la répétition est souligné par l’ensemble des apprentis. C’est l’occasion selon les cas
de parfaire un geste, de l’assimiler (coiffure, voire vente avec V2), de construire un modèle du
client en repérant des constantes, de distinguer des invariants opératoires, de construire des
règles d’action.
La répétition peut elle-même provoquer la réflexion, la prise de conscience des dimensions
invariantes de certaines situations. Elle n’est en tout cas formatrice que si elle s’accompagne de
celle-ci. C’est la réflexion qui permet la généralisation et la transposition, par la reconfiguration
des schèmes à des niveaux différents.
Ce qui pose la question du développement de l’expérience : On le voit dans le cas de SR3 et de
son client difficile, le vécu successif de plusieurs situations similaires ne suffit pas à apprendre à
agir efficacement.
De même, tous les apprentis disent qu’ils apprennent en regardant leurs collègues. Et en les
écoutant lorsqu’ils s’adressent aux clients. Il s’agit ici du phénomène de l’apprentissage vicariant
décrit par Bandura (1986) qui permet de s’approprier le déroulement d’une action sans passer par
toutes les étapes d’élaboration par essai-erreur.
Phénomène qui a également été éclairé par l’apport des neurosciences et la découverte des
« neurones miroirs » : Quand nous regardons attentivement autrui agir, nous sollicitons les
mêmes zones de notre cerveau que si nous agissions nous-même41.
Les apprentis interrogés, qui suivent donc une formation en alternance, décrivent exclusivement
un processus d’apprentissage par immersion. Nous notons ainsi que la place du centre de
formation apparaît très peu lorsqu’ils évoquent leur manière d’apprendre – mais il est vrai que
l’hypothèse s’intéresse à ce qui se passe en entreprise.
41
Découverte du neurologue italien Rizzolatti, 1996
72
b) Des reculs différents
Ce « je sais comment je sais » est la marque d’un recul efficace chez les apprentis qui prennent
leur apprentissage même comme objet. Mais s’ils semblent tous avoir cette distance, ils ne
travaillent pas tous de manière aussi efficace semblent-t-il. Il apparaît alors que ce recul
manifeste par rapport à la manière d’apprendre nous a peut être détourné du thème précis de
notre 2e sous hypothèse, celui du recul par rapport à l’action.
Et, alors même que nous voulions l’éviter, il est tentant d’inférer le niveau du recul à partir du
constat des pratiques plus ou moins efficaces : Plus l’action est pertinente, plus le degré du recul
est important.
Est-il, à notre niveau, possible de procéder autrement pour repérer le recul ?
-A partir donc de l’activité telle que décrite dans l’EdE, ce sont C1 et SR1 et SR2 qui semblent
faire preuve du recul le plus efficace. En effet, ils font bien le lien entre leurs différents vécus
professionnels et montrent l’aspect individuel, propre au sujet, de leur manière d’agir :
C1 qui rencontre un problème lié à la communication/compréhension et SR1 qui a d’abord du
mal à gérer le rythme du service reconstruisent leur modèle de la situation et parviennent,
ensuite, à améliorer leur pratique. Le recul est suffisant pour permettre la coordination
conceptuelle de leur action et le développement des schèmes, ils ont conscience de l’origine de
leur savoir.
-V1, V2 et C2 montrent également que leur activité réflexive est efficace mais SR1 et C2
semblent plus autonomes.
-SR3 peut donner l’impression qu’elle opère un certain détachement de l’action mais sa pratique
avec les clients difficiles restent inefficace. Elle ne sait pas pourquoi elle ne réussit pas.
-V3 ne retient de son activité que l’aspect répétitif, elle n’a pas besoin de pratiquer le recul dans
une situation de routine qui est également économe de coordination agie.
73
3.2.3 La 2e sous hypothèse est-elle validée ?
Avec des objets différents (l’action elle-même, la manière d’apprendre), avec des degrés
différents, et donc des effets différents, les apprentis font preuve d’un recul par rapport à
l’action.
La seconde sous-hypothèse est donc validée
Ce qui incite désormais à s’intéresser à ce qui peut susciter ce recul chez les apprentis puisque
aucune méthode spécifique n’est apparue à ce sujet dans le cadre des entretiens (à l’exception
peut-être d’échanges ponctuels sur des cas pratiques dans les cours de vente).
Faire le lien entre savoirs d’action et recul permet bien de distinguer deux types de savoirs liés à
deux processus :
-Les savoirs acquis dans et par l’action avec notamment le rôle de la répétition (et du recul-prise
de conscience que celle-ci peut provoquer) : il serait donc préférable de les nommer
connaissance d’action.
-Les savoirs d’action transmis : apprentissage vicariant, savoirs énoncés par le maître
d’apprentissage … Et intégrés en connaissance dans la pratique
(c’est la distinction que fait Barbier entre savoirs d’action énoncés et savoirs détenus)
Et si l’on a précisé que les deux sous-hypothèses devaient être considérées dans leur
complémentarité, il s’avère que c’est la capacité réflexive qui semble primordiale dans le
processus puisqu’elle « inscrit » le savoir d’action.
L’hypothèse principale est validée :
Parce qu’ils font preuve de recul par rapport à l’action et qu’ils développent des savoirs
d’action de natures variées, on peut dire que
Les apprentis construisent des compétences à la relation de service en entreprise
Le champ de ces compétences n’est cependant pas identique d’un cas à l’autre, la dimension
constructive de l’activité dépend des caractéristiques de la personne et du contexte d’acquisition.
74
3.3 Discussion et pistes d’action
3.3.1 Une compétence décidément irréductible
Une posture de recherche difficile à tenir :
On cherche à montrer que l’articulation savoirs d’action/recul permet de développer des
compétences. Or on pourrait juger de la compétence des apprentis à la seule description qu’ils
donnent de leur activité dans les EdE (une impression de compétence, d’efficacité dès l’écoute
des propos) et ensuite inférer les savoirs ou le recul :
Les deux démarches sont différentes :
-
Soit je vois la compétence et j’en déduis des savoirs d’action et du recul
-
Soit je mets en évidence des savoirs d’action et un recul et j’en déduis la
compétence (ce qui correspond à notre modèle d’analyse)
Et l’on cherche alors les autres leviers de la compétence …
On déplace graduellement l’angle d’analyse, à chaque fois il y a « autre chose » à tester. La
recherche nous a permis de confirmer, de faire l’expérience de cette irréductibilité de la
compétence.
Peut-être n’avons-nous pas su, justement, prendre du recul par rapport à la théorie ou analyser
correctement les données mais les résultats de la recherche ne disent rien que l’on ne savait déjà
(par le biais des lectures théoriques et des autres recherches) … Ce qui ne veut pas dire que la
démarche a été vaine pour autant !
Ainsi les préconisations faites ci-dessous ne visent pas l’originalité mais sont-elles confortées
par les résultats de la recherche.
3.3.2 La perspective pragmatique
Au-delà de cet effort de compréhension qui pourra se poursuivre, il est possible de formuler des
remarques propres à orienter l’action dans le contexte du CFA comme dans celui de la mission.
Cela pourra se faire, toujours sous l’angle du conseil, dans le cadre d’un nouvel emploi, celui
d’animatrice territoriale pour l’emploi et la formation dans une unité territoriale de la
DIRECCTE42.
42
Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
75
a) Des questions sur l’alternance
A l’heure ou l’alternance est vue comme la solution aux problèmes d’insertion professionnelle,
qu’il s’agisse des « jeunes » ou des « seniors », et où son développement quantitatif est incité, les
pratiques restent très inégales : il se pose aussi la question d’un développement qualitatif de
celle-ci.
Lorsque les serveurs en restauration et les vendeurs nous donnent à voir leur activité dans cette
recherche, on pense voir qu’ils sont des salariés à part entière, avec des objectifs d’efficacité et
de rapidité. Le contrat d’apprentissage reste un contrat de travail et il est présenté comme tel,
dans tous les supports de communication proposés par le ministère du travail et la DGEFP43 qui
évoquent d’un côté les périodes d’enseignement général, technologique et professionnel et de
l’autre le travail en entreprise44et, éventuellement la mise en application des savoir faire. Il est
beaucoup plus rare de lire que les apprentis apprennent en entreprise.
Ces remarques conduisent à poser la question de l’objectif du travail en entreprise : si c’est
l’activité constructive qui prime, la part constructive n’est qu’incidente, et va dépendre en partie
des caractéristiques motivationnelles du sujet qui déterminent aussi une « posture d’apprenti ».
En lien avec la qualité du recul et ses différents degrés, il est possible de s’interroger sur la
transférabilité des compétences à d’autres contextes de travail et donc sur l’employabilité : une
autre raison de formaliser (de prévoir) les pratiques de recul par rapport à l’action.
Par ailleurs les situations très routinières, le cas de V3 le montre bien, ne favorisent pas le
développement des compétences, il n’y a pas de « grain à moudre » pour la réflexion.
Dans tous les cas étudiés, les apprentis disent apprendre en regardant faire leurs collègues : ceuxci agissent-ils forcément de manière pertinente ? Est-ce alors l’enseignement reçu au CFA qui
permet d’élargir le champ des compétences et d’avoir un regard critique, donc un recul par avoir
à la pratique ?
b) Les axes d’amélioration des formations en alternance
Ceux-ci concernent les deux pôles de l’alternance : dans l’idéal, le centre de formation et
l’entreprise sont mobilisés. Il faut que l’alternance soit dans tous les cas un dispositif ensemblier.
43
44
Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
Cf lien à la suite de la bibliographie
76
Quelques pistes :
S’appuyer sur le livret d’apprentissage pour susciter le recul : au lieu de lister
mécaniquement les activités faites en entreprise semaine après semaine, inciter à
ne s’arrêter que sur une situation particulière, mais de manière plus détaillée dans
la logique du portfolio. Ces éléments pourront par ailleurs être repris par le
formateur.
Inclure dans la formation des tuteurs, qui si elle commence à évoluer reste encore
surtout tournée sur les caractéristiques du contrat, une approche de la dimension
constructive de l’activité. Les apports de la didactique professionnelle sont
importants à ce sujet. La DP a été présentée jusqu’ici surtout comme proposant
des outils d’analyse de l’activité mais son but est bien, en regard, de proposer des
moyens d’amélioration des apprentissages45.
Et comme nous l’avons proposé, en vain pour l’instant, prévoir au tout début du
contrat d’apprentissage, une période en centre de formation qui permette aux
personnes de se placer dans la posture d’apprentis : la recherche a montré que
l’entrée dans la compétence se faisait de manières différentes selon les cas.
SR1, SR2 ou encore C1 se disent là « pour apprendre » et développent un grand
sens de l’observation, ils donnent sens à cette situation d’immersion en entreprise.
N’est-il pas possible de provoquer cette posture ?
A l’heure actuelle, les nouveaux apprentis peuvent, s’ils signent leur contrat en
juillet, passent trois mois uniquement en entreprise et l’orientation de l’activité est
déjà prise alors.
c) La formation des futurs salariés d’Animal explora
Le rôle du facteur temps est important dans le développement des compétences liées à la relation
de service. Il faut cependant nuancer les constats faits après les entretiens. L’échantillon
interrogé n’est pas représentatif de l’ensemble de la population susceptible de vouloir travailler
dans le parc. Si l’on considère les adultes, il faudra d’autant plus tenir compte, par exemple des
modèles de l’autre déjà construits … et qui ne constituent pas forcément des modèles du client
mobilisables dans le cadre d’une activité professionnelle.
45
La DP s’intéresse aussi à l’activité des tuteurs qu’elle analyse
77
Le conseil, donné dans le cadre de la mission, de travailler plus spécifiquement sur la
construction de modèles qui permettent l’action et se démarquent de représentations figées – car
la compétence réside bien dans l’adaptation – est à décliner au niveau pédagogique.
Comme nous l’avions pressenti alors, par l’acquisition de compétences à la relation des service,
c’est
aussi
l’identité
professionnelle qui
se
construit :
On
peut
alors
parler
de
professionnalisation.
78
Conclusion
La question de départ sur les besoins de formation a progressivement mené à s’intéresser aux
compétences à la relation de service et à leur développement, dans la perspective de la
professionnalisation des futurs salariés du parc Animal explora. En lien avec un essai de
définition plus large des compétences professionnelles, ces compétences particulières ont été
définies comme « mixtes » et leurs caractéristiques, liées aux requis de situations spécifiques, ont
été soulignées.
Le champ théorique de la didactique professionnelle a ensuite permis de proposer des hypothèses
de réponse à la question problématique Comment les compétences se construisent-elles dans les
formations en alternance qui préparent aux métiers de service ? avec un modèle d’analyse
articulé autour des savoirs d’action (en partie associés aux invariants opératoires, outils de la
connaissance) et du recul par rapport à l’action. La méthodologie mise en œuvre était de type
qualitatif puisque l’on se pencha sur un processus, celui de l’activité constructive.
Le CFA interprofessionnel fournit un terrain et permit d’interroger huit apprentis qui finissaient
leur deuxième année de formation en Service en restaurant, Vente et Coiffure, trois métiers
comportant une dimension de relation de service. L’outil mis en place pour recueillir les données
s’inspira de l’entretien d’explicitation mis au point par Vermersch : Accéder à l’évocation du
déroulement procédural de l’action pourrait permettre de mesurer la place des savoirs d’action et
des pratiques réflexives dans la construction de la compétence des apprentis.
Si la construction de la démarche semblait pertinente, le traitement des données s’avéra
compliqué car l’entretien d’explicitation n’interroge pas sur des variables spécifiques – même
s’il est bien sûr orienté – et il fournit ainsi des données nombreuses et parfois difficiles à
catégoriser. A noter que les entretiens menés dans le cadre du master constituaient pour moi une
expérimentation de l’EdE comme de la démarche recherche en sciences sociales.
Les résultats obtenus permettent de valider le modèle d’analyse.
On repère bien chez la plupart des apprentis des savoirs d’action qui se déclinent en règles et
repères d’action, en modèle du client ou encore en connaissance des produits. Le lien entre
79
situation, production de savoir et caractéristiques des personnes est manifeste et l’on pourrait
ainsi parler de connaissances d’action, en parallèle de savoirs partagés qui apparaissent aussi.
Cependant on constate que le recul par rapport à l’action – qui constituait sans doute la partie la
plus centrale de l’hypothèse – s’opère à des degrés très différents selon les personnes interrogées.
Cela pose les questions de l’origine de ce recul - est-il incident ou provoqué ?- et des manières
de la susciter.
Les résultats amenèrent ainsi à poser de nouvelles questions sur le principe et le fonctionnement
des formations en alternance. Les préconisations, qui n’ont pas été assez développées, proposent
ainsi des axes d’amélioration de celles-ci.
Les conseils donnés dans le cadre de la mission au sujet de la formation à la relation de service et
de la nécessaire prise en compte de cette dimension ont été confortés par la recherche.
Celle-ci permit de faire l’expérience de l’irréductibilité de la compétence initialement découverte
dans les lectures théoriques. La mission a orienté la recherche et la manière de s’approprier les
savoirs mis à disposition dans le cadre du master : pas d’intervention concrète, ciblée et délimité
et donc toute liberté d’assouvir sa curiosité … et de se perdre.
La rédaction du rapport de mission, qui donne un bon exemple de réflexion sur l’action, a
constitué une étape importante car elle a permis de donner du sens à mission qui pouvait sembler
« tâtonnante ». Je m’y interrogeais alors sur l’aspect professionnalisant du master 2 pro et notais
que le processus avait été initié mais demandait encore à être validé.
J’ai aujourd’hui réalisé en partie mon objectif d’évolution professionnelle.
80
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Et pour les référentiels de diplôme :
http://eduscol.education.fr/cid47637/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html
http://cndp.fr/archivage
Sur la présentation du contrat d’apprentissage :
http://www.emploi.gouv.fr/_pdf/fiche_contrat_apprentissage.pdf
Et la campagne 2011 de développement de l’alternance :
http://www.emploi.gouv.fr/formation_professionnelle/apprentissage/index.php
82
Annexes
-
Annexe 1, p. 84 : Convention de stage
-
Annexe 3, p. 87 : Formalisation des prises de RDV de l’EdE
-
Annexe 4, p. 88 : Guide d’entretien EdE
-
Annexe 5, p. 90 : Transcriptions des entretiens
-
Annexe 6, p. 164 : Catégorisation des verbalisations : 8 « Tableaux I »
-
Annexe 7, p. 169 : Le repérage des savoirs d’action : 8 « Tableau II »
83
84
Annexes
-
Annexe 1, p. 84 : Convention de stage
-
Annexe 3, p. 87 : Formalisation des prises de RDV de l’EdE
-
Annexe 4, p. 88 : Guide d’entretien EdE
-
Annexe 5, p. 90 : Transcriptions des entretiens
-
Annexe 6, p. 164 : Catégorisation des verbalisations : 8 « Tableaux I »
-
Annexe 7, p. 169 : Le repérage des savoirs d’action : 8 « Tableau II »
83
Annexe 1
84
85
86
Annexe 3
CFA 29/04/10
Prise de rendez-vous :
CAP Service en restauration
Entretiens d’explicitation
Construction des compétences à la relation de service
1) Dans le cadre de ma formation, je m’intéresse à la manière dont les compétences
professionnelles se construisent dans le travail et dans la formation.
Mon thème plus précis, en lien avec la mission que je fais en ce moment, est :
LA RELATION DE SERVICE que l’on trouve dans les métiers qui supposent un contact direct
avec une clientèle.
2) Je viens aujourd’hui au CFA parce que je cherche des apprentis volontaires pour participer à
des entretiens qui me permettront de mieux comprendre comment vous devenez des
professionnels de la relation de service.
J’ai besoin d’interroger trois ou quatre personnes dans votre classe, les entretiens auront lieu en
semaine C10, du 17 au 21 mai (ou en B
). Ils dureront au maximum une
petite heure.
……………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
Il ne s’agit pas d’un contrôle ou d’une évaluation mais seulement d’un essai de
compréhension de ma part.
3) Une seule consigne
Réfléchir à une situation professionnelle dans laquelle vous étiez en relation, en communication,
avec un client et dont vous vous souvenez soit parce qu’elle s’est très bien passée, soit parce
qu’au contraire, vous n’avez pas réussi à vous en sortir.
87
Annexe 4 :
I.
Entretien d’Explicitation
CONTRAT DE COMMUNICATION
ET FOCALISATION INITIALE
Je te propose, si tu es d’accord, d’évoquer avec toi une activité professionnelle précise que tu as vécue.
Je souhaite seulement que cette activité se soit déroulée en présence d’un client. Je m’intéresse à la manière dont les
personnes travaillent dans les métiers de service
Si tu veux bien …
Ça m’intéresse de savoir comment …
Et ensuite :
Raconte moi comment ça se passe au début …
RENEGOCIER LE CONTRAT SI NECESSAIRE
II. TYPES DE RELANCES :
Vers :
Description du déroulement procédural et granularité/décomposition de l’action
Intérêt pour LES PRISES D’INFORMATION INTERNES et EXTERNES
Relances à partir :
Des gestes que l’on reprend
Des mots que l’on reprend : Echo
Des mots non spécifiés, génériques : faire préciser : « comme il faut ça veut dire comment ? »
« on, c’est qui ? »
Questions descriptives : sur ce qui a pu faire l’objet d’une observation :
Quoi, qu’est-ce que ?
Où ?
88
Quand, à quel moment ?
Comment ?
Comment sais-tu ?
A partir des dénégations (jugements sur performance) :
Comment sais-tu que tu ne sais rien ?
Et quand tu ne sais rien, comment fais-tu ?
De quoi est-ce que tu te rappelles quand tu ne te rappelles pas ?
DESCRIPTION DU DEROULEMENT TEMPOREL
DESCRIPTION DES PRISES D’INFORMATION
DESCRIPTION DES PERCEPTIONS
DESCRIPTION DES APERCEPTIONS
Informations satellites de l’action :
Informations complémentaires parfois nécessaires sur :
Contexte
(Jugements)
Déclaratif (savoirs)
Intentionnel
89
Annexe 5 : Transcription des entretiens
Entretien d’explicitation
SR 1
(Entretien n°1
Service en restauration
*E : enquêteur
I : Interviewé
E1 Je voudrais que tu me parles d’une situation spécifique avec un client, une table que tu vas évoquer pour moi, si
tu veux
I1 Une table spéciale qui m’a marqué ?
E2 Voilà, qui t’a marqué, tout à fait
I2 Oui ça j’en ai eu … J’ai toujours des bons clients … alors y’a pas forcément une table qui m’a marqué …
E3 Le but c’est de parler d’une situation spécifique, je ne sais pas, y’a pas des gens qui reviennent souvent ?
I3 Oui si si y’a des gens qui reviennent tous les dimanches…
E4 Ce week-end et la semaine dernière tu as travaillé, tu peux peut-être te focaliser sur une table que tu as servie
I4 oui bah ce week-end je me suis plus occupé des grosses tables … oui… si, enfin … je peux mais y’a rien eu de
… C’était un service normal
E5 Oui, oui pardon, j’ai dit un service spécifique : un service normal je n’ai pas été assez précise …
I5 je croyais que vous vouliez un truc qui sortait de l’ordinaire
E6Non non, pas forcément quelque chose qui sort de l’ordinaire mais justement une situation concrète, précise que
tu vas pouvoir me décrire pour que moi qui connais rien … qui connais le métier de l’extérieur, je puisse voir
comment tu procèdes, ce que tu mets en œuvre pour travailler
I6 Ah d’accord moi je crois que vous vouliez parler d’une table qui m’avait marqué plus avec des clients chiants …
E7 Oui c’est vrai que ça pourrait être ça mais si il n’y a pas ce genre de clients dans ta pratique, tant mieux pour toi !
Mais voilà il faut que tu sois en mesure de revoir la situation
I7 Oui, je me suis occupé d’une grosse table c’était pour un banquet d’anniversaire
E 8Alors est-ce que tu peux me rappeler dans quel établissement tu travailles ?
I8 A V., aux T. P.
E9 D’accord
I9 Donc ce week-end y’avait une réunion de famille avec 20 personnes … Je vous parle de tout, de la mise en
place ?
E10 Moi ce qui m’intéresse c’est le contact avec les personnes, donc la mise en place, c’est bien tu peux l’évoquer,
ça te remets dans le, dans l’ambiance on va dire si tu veux mais après on va détailler surtout sur dès l’instant que tu
accueilles les gens, qu’ils arrivent …
I10 Donc on fait une grosse mise en place, une belle table, on a décoré le milieu avec des fleurs, des décorations …
Les gens sont arrivés, ils étaient contents de la table
E11A quoi tu vois qu’ils sont contents ?
I11 Ah bah ils le disent !
E12 Ils le disent …
I12 Oui, oui, ils le disent, ils sont contents … Après on attend qu’ils arrivent tous, on parle un peu, on leur demande
leur vin … pour qu’on puisse sortir les vins qu’ils se réchauffent un peu
E13 Oui parce qu’ils avaient choisi leur menu déjà ...
I13 Oui leur menu mais pas les vins
E14 Tu m’as dit, c’était un anniversaire ...
I14 Oui, oui, c’était une famille qui se réunissait le dimanche là
E15 D’accord, tu peux me décrire un petit peu, y’avait plusieurs générations ...
I15 Oui, y’avait plusieurs générations … Au moins quatre générations … Quand ils sont tous là, on commence pour
les apéritifs
E16 Alors, pour le vin finalement tu t’étais adressé à quelqu’un … ?
I16 Ah au responsable, celui qui avait réservé
E17Et donc à ce moment là, il est déjà à table, il est déjà installé ?
I17 Non, généralement c’est les premiers arrivés donc dès qu’ils arrivent, on dit bonjour mais on essaie de prendre le
vin le plus vite possible pour qu’il se réchauffe bien
E18 D’accord pour faire choisir le vin, comment ça se passé ,
I18 On lui apporte la carte des vins et puis il nous demande de lui rappeler le menu qu’il a pris
E19 Donc là …
90
I19 Alors le menu en plat c’était … Un sauté de veau aux morilles, en entrée c’était du homard, oui c’était du
homard en entrée … Donc on voit ce qu’on peut proposer, faut toujours faire attention …
E20 Tu sais proposer les vins toi ?
I20 Ah oui, moi je fais tout
E21 D’accord
I21 Donc il faut rester dans des prix ... en fonction du menu, là c’était un beau menu mais ça montait pas non plus
trop dans les prix … Donc j’ai proposé du vin qui passe bien quand même
E22 Qu’est-ce que tu leur as …
I22 Un Montagny en vin blanc … Un Auxey Duresse en vin rouge
E23 Tu leur en as proposé plusieurs et ça c’est ceux qu’ils ont choisi ?
I23 J’en ai proposé deux de chaque et c’est eux qui ont choisi, en fonction de leur …
E24 D’accord, et ils s’y connaissaient ou tu as du les aider ?
I24 J’ai du les aider parce que le blanc ils le connaissaient pas, donc j’ai du …
E25 Alors c’est quoi les caractéristiques ? Je vais apprendre aussi …
I25 C’est un vin fruité ; ça on le dit pas au client mais bon c’est un bon rapport qualité-prix quand même … C’est un
vin blanc fruité qui passe bien avec le homard
E26 Comment tu le sais ça ?
I26 Ah bah parce que je l’ai goûté !
E27 D’accord, c’est ce que je voulais savoir !
I27Oui, tous les vins de notre carte, je les ai goûtés
E28 C’est ton employeur qui t’incite à le faire ?
I28 oui, oui, c’est l’employeur qui organise ça, on s’ouvre une bouteille de temps en temps ou alors y’a un fond de
bouteille qui revient
E29 D’accord, vous goûtez et vous en parler, comment vous faites ?
I29 Ah si si on en parle un peu donc, on compare les vins de la carte les uns avec les autres
E30 et avec quoi ça va bien …
I30 Ca pas trop, on compare plus selon dans les autres vins en fait
E31 D’accord
I31 Là c’était du homard, après avoir conseillé, je vais toujours quand même demander à la patronne …
E32 D’accord
I32 Elle, elle s’y connait, je vais quand même demander à la patronne si …
E33 Si elle valide …
I33 Oui voilà …
E34 …Ton choix
I34 Oui, en général ça va
E35 C’est quelque chose que tu aimes bien faire ça, conseiller sur les vins ?
I35 Ah oui, oui, et ce qui est bien c’est là-bas ils me laissent m’occuper de tout … de la prise de commande jusqu’à
l’encaissement …
E36 Tu n’as pas toujours été dans cet établissement là
I36 Si, Si mais je veux dire ... quand je vois par rapport à d’autres … je suis pas que le porte assiette, là je m’occupe
vraiment de tout
E37 et y’a d’autres ... Y’a combien de serveur ou serveuses sinon ?
I37 Y’a la patronne et on est deux serveurs à côté.
E38 Alors d’après ce que tu me dis ça a l’air d’être un restaurant gastronomique quand même…
I38 Oui, c’est gastronomique …
E39 Y’a aussi bien un effort sur la présentation, sur les mets …
I39 oui surtout au niveau de la mise en place, (inaudible) du service …
E40 Oui c’est un service comme ici, comme au CFA, c’est pas comme certains qui sont dans le décalage entre un
restaurant plutôt … routier et puis ce qu’ils font là…Pour toi tout va dans le même sens …
I40 Oui tout va dans le même sens.
E41 d’accord, je sais pourquoi tu as conseillé le vin blanc avec le homard et ... le vin rouge, qu’est-ce qui t’a permis
de …
I41 Alors pour le vin rouge, ça reste un vin de bourgogne assez fruité mais bien sec. Comme c’était un sauté de
veau, aux morilles … et puis pour rester dans des prix raisonnables …il fallait quand même trouver un bon vin pour
les morilles …
E42 là tu me parles des morilles, effectivement est-ce que c’est difficile parfois d’associer certains mets ..?
I42 là ce qui était important c’était les morilles, avec un sauté de veau, ç’aurait pu être n’importe quoi aux morilles,
fallait plus se baser sur les morilles en fait
E43 Oui ...
I43 A part si c’est un riz de veau …
E44 Et ils semblaient content du vin ?
I44Oui oui, ils étaient contents , à la fin, du vin bien choisi
E45 OK, donc le vin est choisi avec les organisateurs du déjeuner, les autres continuent de s’installer…
91
I45 Oui les gens continuent à arriver, ils s’installent …
E46 Et ensuite ? tu vas prendre la commandes ?
I47 Les apéritifs ... Donc on fait le tour, quand c’est des grandes tables comme ça, on fait le tour parce que si ils
commencent tous à lever la main …
E48 Là tu prends tout seul, les commandes ?
I48 Ah oui, oui, parce qu’à côté y’a l’autre salle
E49 Donc tu te concentres sur ces vingt personnes ... tu fais le tour, tu notes …
I49 Je fais le tour, je note
E 50 Donc tu te déplaces ?
I50 oui je me déplace comme ça ils peuvent continuer de parler entre eux …je me déplace, je prends leur commande
apéritif, une fois terminé, je prépare les apéritifs
E51Ok, donc c’est toi qui t’occupes de les préparer
I51 Oui, après je vais leur servir
E52 Là aussi t’as des règles pour agir ? je sais pas, tu commences toujours du même côté …
I52 Oui, là généralement j’attaque le fond de la salle et puis je vais dans le sens des aiguilles d’une montre
E53 D’accord, par qui tu as commencé là ?
I53 Là, là, c’était des jeunes, je me rappelle c’était des jeunes, ils étaient au fond, j’ai commencé par un jeune en fait
E54 D’accord, je ne sais pas, tu arrives à te souvenir qui a commandé quoi ?
I54 Oui, ça va à peu près oui, disons sur vingt personnes y’a toujours … Mais généralement ça …
E55 Tu dirais que sur vingt personnes, tu te souviens de combien ?
I55 Quelle personne a pris … Si par exemple une personne elle m’a marqué, parce qu’elle avait les cheveux rouges.
Bah celle qui avait les cheveux rouges et puis à côté y va y avoir …
E56 D’accord, là c’était pas le cas dans ce repas là ?
I56 Non, là je revois les jeunes et les plus anciens
E57 D’accord, c’est ce qui te revient si tu revois ta table, donc les jeunes d’un côté …
I 57 Oui, les moins anciens au milieu …
E58 Est-ce que tu revois des visages, là comme ça, est-ce que …
I58 Ah oui, bah là je les ai en tête, j’ai les jeunes, j’ai … Enfin peut-être pas tous non plus …J’ai les petits papy
mamy, les plus vieux, j’ai la responsable du repas, oui j’ai encore l’image en tête ..
E59 Oui c’est vrai que c’est encore assez récent mais ça veut dire que tu les as observés quand même
I59 oui, voilà oui
E60 tu te rends comptes que tu les observes ?
I60 Ben en fait non là en parlant non mais enfin, non, je me rendais pas compte que je regardais les gens … (
inaudible) Mais je pense que ça fait partie du boulot de … regarder un peu les gens, rien que le fait d’arriver dans la
pièce …
E61 Déjà, tu les … tu les scannes entre guillemets ?
I61 Oui, oui, parce que quand c’est un anniversaire de mariage par exemple, il faut tout de suite repérer les
personnes qui vont se marier pour heu … parce qu’on leur met toujours une bougie à la fin
E62 D’accord, donc dès le début …Ils arrivent : tu as déjà en tête des choses auxquelles il faut faire attention pour la
suite
I62 Oui
E63 Qu’est ce que tu te dis quand tu vois arriver les gens : ces gens là ?
I63 Bah rien, rien de spécial ...là ils avaient l’air d’être tous bien … C’est vrai, y’a des t^tes qui passent moins bien
E64 Alors là je quitte un peu ce groupe là, qu’est-ce que ça fait, qu’est-ce que tu te dis quand il y a des tête qui
passent moins bien ?
I64 Je me dis ... « j’espère qu’ils vont pas être chiants »
E65 Oui ...
I65 Après, ça veut pas dire non plus qui peuvent pas être bien, enfin au premier visage, des fois…
E66 Et est-ce que ça a une influence sur ton comportement ?
I66 A ben non, faut … ça change rien …
E67 Voilà mais Ah attention quand même … A quel indice, tu vois qu’il va peut-être être chiant ?
I67 C’est à leur tête ou alors à leur façon d’arriver, un peu …
E68Un peu comment alors ?
I68 Qui veulent se montrer, qui veulent
E69 Ah oui ...
I69 Là on se dit va falloir essayer d’éviter les remarques, on se dit faut vraiment que tout soit nickel
E70 Oui, tu te dis ça ...
I70 (inaudible)
E71 Il y en a beaucoup des gens comme ça ?
I71 Non ça va en fait y’en a pas tant que ça, y’en a un peu mais y’en a pas …
E72 T’as appris à …
I72 Oui maintenant, c’est bon, j’ai appris …
E73 « Maintenant c’est bon » ça a pas toujours été le cas ?
92
I73 Au début, c’était ... Mais là maintenant c’est bon. On apprend à répondre à leurs remarques en étant …
E74 Comment on apprend ça ?
I74 Ca s’entend en fait, à force de regarder l’autre serveuse, la patronne faire, à force ...
E75 parce qu’elles, elles savent bien ?
I75 Oui, elles savent bien, elles savent détourner des ...
E76 Comment on peut détourner une tension ou …
I76 Quand c’est des gens pressés, ils savent que c’est complet et ils sont pressés, ils regardent leur montre, ils nous
font signe que c’est pressé … On leur dit gentiment b « vous n’êtres pas tout seuls, nous on a du travail »…
E77 Tu les vois regarder leur montre ...
I77 Oui, on les voit regarder leur montre, nous regarder pour voir si on arrive ...et au bout d’un moment (inaudible)
il faut bien ... « Vous êtes arrivés les derniers … »
E78 Donc les gens qui stressent, c’est parce qu’ils sont pressés, ça peut être à cause de quoi encore … Qu’il y a des
casse-pieds ?
I78 C’est dans leur nature
E79 Oui ...
I79 Mais bon à force… Au début, quand je suis arrivé, y’avait des gens, des habitués , ben ça a été dur quand même
au début avec eux, oui, y avait une famille … mais en fait les patrons m’avaient prévenus, ils m’ont dit « eux, ils
vont être chiants »
E80 Et en quoi ils étaient chiants ?
I80 C’est des gens qui veulent qu’on fasse attention qu’à eux … fallait qu’on serve que eux
E81 Oui
I81 Il leur fallait un serveur que pour eux
E82 Et en général, tu sers combien de tables à la fois ?
I82 En fait c’est un restaurant comment dire avec deux salles d’un côté et de l’autre côté soit c’est des grandes tables
soit on en fait … soit y’a sept tables. Donc quand y’a les deux salles, moi je m’occupe de la salle d’à côté où y’a les
sept tables …
E83 Oui ça fait beaucoup, ça demande beaucoup de vigilance ...
I83 En fait le plus chiant c’est de passer ... quand on est dans l’autre salle puis que les deux autres sont occupés ici,
c’est de passer en cuisine et puis de dire heu « vas-y envoie le chaud parce qu’il y a personne » et puis là ça ( ?) on
sait pas ce qui c’est passé avant, donc en fait on est …
E84 Et vous n’avez pas forcément le temps de communiquer, de vous passer le relai avec les autres ...
I84 Non, pas quand y’a du monde, moi je m’occupe de ma salle
E85 OK, alors on va revenir à cette famille nombreuse de 20 personnes, donc tu as servi les apéritifs, tu les vois là
les gens, ils sont comment à ce moment là ?
I85 Ils se parlent entre eux …
E86 Y’a beaucoup de bruit dans la salle ?
I86 Oui, oui, surtout qu’ils viennent de se retrouver, faut qu’ils racontent leur vie …
E87 Donc c’est le brouhaha, t’entends des bribes de conversation …
I87 Bah, j’écoute pas trop, c’est les retrouvailles …
E88 Et il y en a qui te parlent à ce moment …
I88 Oui, oui, je leur donne l’apéritif …Mais il faut que j’aille vite car il faut encore que j’aille chercher les … Donc
il faut que j’essaye de …
E89 Parce que là, tes apéritifs, tu les as sur un plateau ?
I89 J’amène le plateau, je le pose sur un guéridon et je les sers un par un pour éviter la casse
E90 C’est une technique qui est propre à toi ou ?..
I90 Non, quand y’a beaucoup de verres ...
E91 Alors, une fois qu’ils ont tous leur apéritif, est-ce qu’il y en a qui t’interpellent ou qui te demandent quelque
chose ?..
I91 Oui, y’a ceux qui veulent de l’eau, je leur demande si ils veulent la bouteille, la carafe ... J’amène les amusesbouches, on me demande ce que c’est, je réponds …
E92 Alors, qu’est-ce qu’il y avait comme amuse-bouche ?
I92 C’était des morceaux de poulet grillé, les gens demandent parce qu’ils voient pas ça souvent
E93 Oui
I93 Après ils disent que c’est bon
E94 Et toi tu restes relativement près d’eux pendant ce temps là ou après tu
I94 une fois que j’ai servi, je continue, j’apporte le pain au fur et à mesure, j’apporte les bouteilles d’eau
E95 D’accord
I95 Enfin, je fais tout ce qu’il y a à a faire au fur et à mesure, je regarde dans la salle assez souvent pour savoir si y’a
besoin de quelque chose
E96 d’accord ... Là tu t’occupes que d’eux sur ce ...
I96 Ah là je m’occupe que d’eux ! Enfin le temps que ça se mette en place, que les plats partent, je m’occupe que
d’eux
E97 D’accord ... Combien de temps tu leur laisses à peu près pour boire l’apéritif ?
93
I97 Bah ça dépend des gens, eux, ils ont vite bu l’apéritif, ça à duré peut-être ¼ d’heure, l’apéritif
E98 Et à quoi tu vois, pour toi c’est quoi le signal que c’est terminé, que tu peux ?..
I98 Que je peux envoyer en cuisine, c’est … Qu’il y a plus d’amuse-bouche, la plupart, la moitié des verres sont
vides, voilà sur les 20 personnes, une dizaine de verres est vide
E99 Donc là ça veut dire …
I99 Que je peux envoyer en cuisine, que c’est bon, ils peuvent démarrer
E100 Et là encore, c’est une règle qu’on t’a donnée ou bien ?..
I100 Non, c’est à force de le faire parce que au début je lançais trop tard, je pensais qu’il fallait attendre que tout le
monde ait fini en fait donc je me suis fait avoir
E101 Oui, tu n’anticipais pas assez et après …
I101 Oui, j’anticipais pas assez
E102 Et, c’est un problème que les gens attendent un peu, après ?
I102 Ben pour certains oui, mais bon là à la rigueur, ça va parce que c’est un repas de famille mais bon y’a toujours
de gens même si c’est un repas de famille, même si ils sont pas pressés, ils veulent toujours …Ils ont faim !
E103 Oui, ils sont là pour ça !
I103 Oui !
E104 Ok, et à partir de quel moment … C’est ta deuxième année, à partir de quel moment t’as pensé à ça, tu t’es dit
« tiens, je prends ce repère, quand la moitié des verres sont vides, je lance »
I104 En pas longtemps , en fait ils m’ont laissé indépendant pratiquement au bout de la dernière semaine de travail,
donc … Ma deuxième semaine de travail, j’attaquais un repas dans la salle d’à côté justement, après le restaurant a
fermé pendant les vacances et j’ai continué …
E105 Ce genre de petites choses, de repères, tu les as choisis tout de suite donc
I105 Oui, voilà
E106 Tu sais comment font tes collègues, tu leur as déjà demandé à quoi ils se repèrent eux pour justement lancer
après l’apéritif ?
I106 En fait, je pense qu’ils font la même chose en fait, oui, ça doit être ça
E107 mais est-ce que vous en avez déjà parlé ?
I107 Non on n’en a jamais parlé car en fait comme on dit la salle là, c’est ma salle en fait, dans l’autre salle, c’est
jamais des grosses tables, c’est des tables individuelles, donc on n’en a jamais trop ...
E108 Mais en même temps, vous parlez travail, après le service ?
I108 Ah non, on parle pas travail, c’est fini enfin „ça c’est bien passé ...“
E109 D’accord. Mais parfois ce serait intéressant de savoir aussi comment font les autres, si ça se trouve, ils ont des
repères complètement différents, je me dis ...
I109 Non, on décompresse
E110 Et au CFA ? sur ce point précis des apéritifs et de lancer en cuisine ?
I110 Au CFA, c’est Mr L, il préfère que ça soit lui qui nous dise de lancer en fait
E111 D’accord, ah vous n’avez pas cette autonomie … Donc c’est lui qui repère quelque chose
I111 Mais ça doit être à peu près la même chose, c’est quand les apéritifs sont presque finis avec les amuse-bouche
…
E112 Tu lui demanderas !
I112 Oui, je lui demanderai. Il nous laisse pas …
E113 Peut-être tout le monde ne serait pas capable de lancer …
I113 Oui
E114 Alors les apéritifs se terminent … Quand tu lances en cuisine, ça se passe comment exactement ?
I114 Ben là il connaît déjà le menu, donc il sait ce qu’il y a à faire
E115 Tout le monde prend la même chose
I115 Oui tout le monde prend la même chose
E116 On va dire que ça simplifie par rapport à un service ...
I116 Oui ça simplifie pour le chef aussi pour ses commandes
E117 On a déjà parlé de la communication avec les clients mais tu as aussi la communication avec la cuisine et estce … Quelles sont les règles de la communication avec la cuisine, est-ce que la aussi tu as dû apprendre certaines
choses ?
I117 Le chef, en fait, il est tout seul au chaud, il a deux autres apprentis mais lui est tout seul donc en fait déjà faut
pas faire trop de bruit, pendant le service faut pas faire trop de bruit …
E118 C’est à dire ?
I118 Ah faut pas parler pour rien dire
E119 Quand tu viens le voir, c’est juste pour …
I119 juste pour les clients parce que sinon, il perd tous ses bons, parce qu’il s’occupe de tout, est tout seul…
E120 Il faut pas le déconcentrer
I120 Je lui dit “c’est bon pour les apéritif, vous pouvez lancer les homards », enfin les entrées et puis là ça enchaîne
E121 D’accord
I121 Sinon quand y’a vraiment trop de monde, enfin, là ça se passait comme ça pour les entrées, et entre l’entrée et
le plat, je lui demande si je peux débarrasser les entrées pour que lui il puisse préparer pour le …
94
E122 D’accord, donc il y a une coordination, on pourrait dire quand même, tu réajustes au fur et à mesure
I122Une fois qu’ils ont fini les entrées, j’attends un peu
E123 Qu’ils digèrent un peu ...
I123 Oui, voilà puis après je dis au chef, „c’est bon pour les entrées, je peux débarrasser“, lui il me dit : „attends
deux minutes, le temps que j’envoie le chaud à côté »
E124 D’accord
I124 et puis il me dit, „c’est bon, tu peux“
E125 Donc là encore, comme tout à l’heure c’est des repères assez fins, des petits indices que tu prends d’un côté et
de l’autre
I126 Oui, et puis avant le service, je sais combien de temps il faut que le plat cuise
E127 Comment tu le sais ?
I127 Je demande ou …
E128 Oui parce que tu savais ce qu’ils prenaient avant, mais sur une autre table, tu demandes aussi ?
I128 Ah sur une autre table, c’est bon, sur une autre table à force de voir les menus
E129 Là comme ça tu as en tête, les temps …
I129 Ah les temps de cuisson, oui, oui ! Je sais qu’il y a des temps qui sont plus longs, donc là on peut se permettre
de débarrasser assez rapidement … Quand c’est des plats qui vont vite à cuire, vaut mieux attendre un peu … En
fait, maintenant, je lui demande plus, on voit avec les casseroles qui sont sur le feu
E130 D’accord, donc tu fais attention à ça aussi !
I130 Ah oui, oui !
E131 Donc tu as une bonne visibilité sur …
I131 Oui, on arrive à l’office, à la plonge pour poser l’assiette et on voit ce qu’il y a sur le …et là selon ce qu’il y a
dans les poëles
E132 Dis donc, là tu es en train de me dire qu’il faut être attentif …
I132 Mais en fait c’est être serveur…
E133 Donc le sens le plus important, c’est ..
I133 C’est la vue et la mémoire, beaucoup de mémoire
E134 Ca se travaille, ça, la mémorisation ?
I134 Ben à force, oui enfin ça se travaille ...
E135 Est-ce que tu as l’impression d’avoir évolué au niveau de la mémoire ?
I135 J’ai une bonne mémoire, donc je l’utilise
E136 OK, donc on va reprendre spécifiquement avec cette table là, donc une fois que tu as lancé pour les entrées, tu
t’occupes ...
I136 Ben, on sert le vin … si il y a encore des apéritifs, j’attend pour servir le vin mais je fais goûter le vin à …
E137 A celui qui l’a choisi
I137 A celui qui l’a choisi, ça dépend parce que là c’était une femme et généralement on fait goûter plus aux
hommes. Donc j’ai demandé à la dame à qui je faisais goûter. Celui d’à côté ne voulait pas goûter alors du coup, je
suis allé voir le petit papy, le plus ancien en fait, et je lui ai fait goûter et après j’ai fait le tour
E138 D’accord et alors là quand il goûte, qu’est ce que tu regardes toi ?
I138 J’essaie d’amener la bouteille au niveau de mon nez pour voir s’il est pas bouchonné, discrètement, faut le faire
discrètement, puis j’attends sa réponse
E139 Et toi tu as d’autres critères pour savoir si le vin il a un problème, à part l’odeur du bouchon ?
I139 bah non, on a rien d’autre en fait, donc si le monsieur il me dit qu’il est bouchonné alors qu’on l’a senti ça va,
s’il me dit alors qu’on l’a pas senti, faut qu’on aille à l’office le regoûter
E140 Oui, en même temps ça sert à ça de faire goûter à quelqu’un, tu peux pas te permettre
I140 Donc, on va à l’office, on prend une goutte, on goûte, si il est vraiment bouchonné on change la bouteille, s’il
est pas bouchonné, on le dit
E141 Ca arrive souvent ou pas ?
I141Non,
non,
pas
trop
E142 Tu as le doute quand même, la petite inquiétude …
I142 Le doute du bouchon, oui, en plus pendant les grands services il suffit qu’une bouteille soit bouchonnée, il faut
retourner chercher une bouteille, il faut l’ouvrir et pendant ce temps là …
E143 et il est pas forcément prêt à être bu …
I143 Oui, voilà
E 144 Donc les apéritifs sont débarrassés... tu débarrasses tout d’un coup ou au fur et à mesure ?
I144 Non, au fur et à mesure pour débarrasser la table. Pour eux c’est plus agréable et pour nous ça nous permets de
ne pas avoir rien à faire
E145 Oui, tu continues d’être actif. Alors ensuite ?
I145 Soit je fais goûter le vin avant d’envoyer les entrées si ils ont tous fini l’apéritif ou alors on envoie les entrées,
je fais goûter le vin
E146 Quand tu dis on envoie les entrées …
I146 Parce que quand c’est des grosses tables comme ça, on envoient toujours à deux. Par contre on attend la
deuxième personne en salle
95
E147 Alors « on envoie », ça veut dire « on sert » ?
I147 Ah oui, oui, on sert, pardon !
E148 D’accord, vas-y … tu prends, tu as combien d’assiette, ça c’est toujours intéressant à voir, comment font les
serveurs ...
I148 Trois assiettes et il y a quelqu’un qui m’aide pour qu’ils soient tous servis rapidement
E149 Quand tu sers, tu as des consignes à respecter ? des consignes que tu t’es d’ailleurs peut-être toi-même fixées
I149 Quand c’est des grosses tables, on commence toujours par le fond et une fois qu’on a commencé une rangée,
on fait la même rangée en fait.
E150 Tu as d’autres règles ?
I150 Sinon comme c’est un anniversaire de mariage… Les papy mamy, on les sert en premier pour plat et entrée et
pour le dessert, comme on met la bougie dessus, on les sert en dernier. Pour les grosses tables on sert pas les dames
en premier puis les hommes en deuxième sinon il faut croiser …
E151 Mais sinon c’est ce que tu fais sur une table plus petite. Tu dis une grosse table, c’est à partir de combien de
personnes ?
I151 Ah bah, c’est ça, une grosse table, à peu près 20 personnes
E152 Et là, tu te souviens, le plat comment il était présenté, l’assiette comment elle était présentée ?
I152 Oui, oui, y’avais trois asperges ici, y’avait une petite salade verte, un assortiment de salades, une pince de
homard, la patte de homard, là y’a une autre salade, un dôme, dessus il avait posé en décoration la moitié de la tête
de homard et puis il avait mis sa petite vinaigrette dessus avec une petite louche …
E153 C’était joli
I153 Oui, oui, c’était joli
E154 Et donc là aussi les gens montrent leur opinion ?
I154 Oui, ils disent “c’est joli, ça a l’air d’être bon »
E155 OK, donc même étape que tout à l’heure, tu les laisses déguster, manger ... et toi pendant ce temps là qu’est-ce
que tu fais ?
I155 Une fois qu’ils ont tout, le pain, tout ce qu’il faut, ils ont l’eau, je sais qu’ils ont tout pour un moment, je vais à
côté : si y’a rien à faire en salle, ben je commence dans la plonge, dans les verres
E156 D’accord, les verres ça fait partie de ton travail
I156 oui, c’est ça, donc je m’avance dans les verres parce que entre temps y’a tous les apéro qui sont revenus dans
tous les sens, donc on nettoie les verres ou alors j’envoie le chaud, si y’a du chaud, je l’envoie dans la salle d’à côté,
souvent je reviens dans la salle pour voir si’il manque pas du pain … de l’eau …pour voir où ils en sont dans leur
plat
E157 Tu dis“ si y’a du chaud, j’envoie dans la salle d’à côté » donc là t’es obligé d’être en relation avec tes autres
collègues
I157 Ben en fait avec les autres serveuses mais plus avec la cuisine parce que si elles elles sont en salle et qu’on
appelle pour dire qu’il y a du chaud à envoyer alors en fait faut que je regarde le bon de commande, à quelle table ça
va …
E158 Mais jamais vous vous bousculez entre guillemets ? Tu vas faire quelque chose que quelqu’un est déjà sur le
point de faire …
I158 Non, non parce qu’une fois qu’on commence quelque chose, on le termine tout de suite donc on peut pas faire
deux fois la même chose
E159 Et puis j’imagine que les autre elles regardent aussi … Vous échangez des regards avec les collègues quand
vous vous retrouvez dans la même salle ?
I159 Oui, par exemple si il manquait du pain là et que l’autre elle est occupée, elle va faire un petit signe comme
quoi la table là y’a quelque chose qui va pas … et en passant on voit qui va manquer du pain ou …
E160 C’est quoi le petit signe ?
I160 C’est un regard en fait … On va voir qu’il va manquer du pain, du vin …ou de l’eau …
E161 Un regard et un geste de la main aussi ? tu as fait le geste …
I161 Ah non, non, c’est parce que moi je le fais ...
E162 Ah oui, le geste d’être encombré !
I162 Voilà, comme on est encombré, c’est un petit regard
E163 OK, et pendant qu’ils sont entrain de manger l’entrée, est-ce qu’ils sont amenés à t’appeler ?
I163 Normalement non parce que je reviens souvent pour voir si ils ont tout ce qu’il faut en fait , je resserre du vin si
y’a des verres de vide … Normalement ils ont rien à me demander.
E164Et le vin, il reste sur la table ?
I164 Non, non, il est … A part vraiment quand c’est des tables individuelles, il est sur table
E165 Alors pour la suite, comment ça se passe ?
I165 Ben donc, je vois qu’ils terminent, j’attends un peu quand même, je leur sers s’il leur reste encore du vin blanc
par exemple, je termine le vin blanc … parce qu’après on passe au rouge, donc je termine le vin blanc, j’attends un
peu …j’attends trois quatre minutes … Le temps de refaire le tour avec l’eau …le pain…Là je vais voir le chef, je
lui dis « c’est bon pour les plats » donc puis là, je débarrasse
E166 D’accord, donc là tu as dit que c’était bon pour le plat, le veau aux morilles, tu savais que ça allait prendre
combien de temps ?
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I166 Bah, le veau aux morilles, parce que lui il le fait en ... Il le fait cuire en croûte donc en fait y’a plus qu’à mettre
au four et y faut compter à peu près ¼ h, 20mn
E167 Pour le réchauffer en fait, il est déjà prêt
I167 Voilà en fait, il est déjà cuit, il faut le réchauffer ¼ d’h donc ça me laisse largement le temps de débarrasser, de
refaire encore un coup …
E168 Et là en fait tous les couverts sont déjà mis sur la table
I168 Oui, pour les grosses tables, on met déjà entrée et plat
E169 Oui, donc là t’as pas à t’en occuper. Mais comment tu sais pour la mise en place, tu demandes ?
I169 Non, non, c’est marqué sur le bon, sur le calendrier de réservation
E170 Tu te réfères à ce document là… Donc … Tu laisses les personnes discuter tranquillement en attendant que le
plat arrive …
I170 Si le vin blanc est fini, je sers le vin rouge, je refais un tour de pain, un tour d’eau
E171 Y’a de plus en plus de bruit, à ce stade là dans la salle ou …
I171 Non au contraire, ils racontent moins leur vie qu’au début, ça parle mais beaucoup moins
E172 Est-ce que certains dans ce groupe là essaient de te parler, de te poser des questions ?
I172 Non, là ça a pas trop été le cas encore
E173 Mais ça peut arriver ?
I173 Oui, ça arrive que y’a des gens qui parlent « c’est bien ici » ou « vous vous plaisez » …
E174 C’est agréable ça ? Ou tu te dis, bon, j’ai du boulot quand même
I174 Non, non, c’est agréable enfin bon après même si on sait qu’il y a du boulot, faut … c’est un aspect du métier
E175 Alors tu vas “envoyer” les plats, c’est ça ?
I175 Oui, envoyer …Pareil, y’a la serveuse qui vient m’aider … donc on envoie les plats … On leur dit que c’est
chaud, parce que c’est très chaud !
E176 Vous répétez à chaque fois ?
I176 Généralement comme on a trois assiettes, les trois ils entendent donc les trois qu’on va servir vont entendre, les
trois autres …
E177 D’accord, et là aussi, c’est bien présenté, c’est joli ...
I177 Ben en fait les gens sont étonnés parce qu’en fait il met ça dans une tête de lion, c’est des bols « tête de lion »
E178 Oui !
I178 Et en fait, y’a une grosse pâte feuilletée dessus et en la cuisant ça gonfle
E179 Oui, comment ça s’appelle ...
I179 Lui, il appelle ça en croûte … ça cuit comme ça, et les gens sont étonnés parce que …
E180 Ils s’attendaient pas à cette présentation là
I180 Oui, ils se demandent comment on mange, comment on fait pour manger … On leur dit qu’il faut couper le
milieu … Ils sont contents
E181 Mais alors c’est difficile à servir … j’imagine ce petit plat sur une assiette
I181 Sur une assiette, oui puis du coup … Voilà faut … Parce que ça glisse
E182 Oui, ça a tendance à glisser, tu en prends quand même trois ?
I182 Oui, j’en prends trois mais faut faire attention ... Faut vraiment dire aux gens de se pousser parce que … Le
moindre truc, tout, tout tombe par terre, puis comme c’est chaud …
E183 Et puis j’imagine qu’il y a juste le nombre de ...
I183 Oui, y’a juste le nombre !
E184 Tu as déjà fait tomber quelque chose ?
I184 Oui, une fois, un plateau d’apéritifs
E185 Au début ?
I185 Oh, même pas, ça faisait …ça faisait presque un an que j’étais dedans mais … c’est un coup, le plateau il est
parti !
E186 Et tu sais pas pourquoi … Et j’imagine qu’après tu te concentres d’autant plus
I186 Oui, ça a été embêtant sur le coup parce qu’il a fallu renettoyer … Il faut s’excuser près de la dame …
E187 Tu avais pas renversé sur elle ... si !
I187 Si, Si, la dame en avait sur son chemisier donc faut s’excuser auprès de la dame et puis le chef dit faut … lui
offrir l’apéritif et lui, dire qu’on prend en charge tout ce qui est pressing, tout …
E188 Ah, ça veut dire qu’ils ont l’habitude, ça peut se produire
I188 Oui, voilà ... La dame elle a été gentille, elle a rien fait de spécial …
E189 Et ça tu y pense souvent ?
I189 Oh ben non, du coup, j’y pense plus ... Fallait le faire au moins une fois, je pense !
E190 Tu dis « c’était au bout d’un an », c’est peut-être le stade où t’as une certaine pratique, tues assez à l’aise et
donc il y a des choses auxquelles tu fais un petit peu moins attention
I190 oui, à mon avis
E191 ça oblige à se ressaisir, à rester toujours, toujours ...concentré … On apprend à porter un plateau, à porter, une
assiette ?
I191 Ben ça s’apprend sur le tas en fait
E192 Sur le tas ...
97
I192 Oui ça s’apprend pas ...
E193Et quand tu dis « sur le tas », ça veut dire que tu as quand même tes collègues ou ta patronne qui t’ont montré
comment on faisait ? Le premières fois, c’est pas évident …
I193 Ah ben non pareil, j’ai du … ils m’ont tout laissé … vraiment autonome, autonome dès le début, c’était …
E194 Autonome ou tout seul ?
I194 Ils m’ont pas dit de prendre des plateaux avec dix verres dessus mais …
E195 Et pour les assiettes, t’en as pris trois directement ?
I195 Non non, non, par contre j’ai pris deux, après, j’ai attaqué les assiettes froides parce que les assiettes froides,
c’est heu …
E196 Donc trois assiettes froides ?
I196 Oui, et au bout d’un moment j’ai pu prendre les assiettes avec le liteau
E197 Oui
I197 Au début c’est chiant parce que ça glisse mais bon ça évite …
E198 Est-ce qu’il y a une technique particulière pour que ça se fasse mieux ?
I198 Non, c’est pareil que les assiettes froides mais faut prendre le coup de main, faut …
E199 Oui mais au niveau de la position des mains … On ne t’a pas montré ?
I199 Ah, si, si !
E200 Oui, ça te semble tellement évident !
I200 Oui, c’est évident ! On met une assiette là et l’autre assiette par-dessus, puis voilà
E201 Et ça, c’est exactement pareil au CFA et ?
I201 oui, généralement ici tout le monde a cette façon là. Y’a un autre façon mais en France on l’utilise pas : en fait
ils prennent l’assiette là, ils passent une assiette là et c’est avec le doigt là qu’ils viennent chercher …
E202 Ah oui, l’appui …
I202 Voilà, on la voit beaucoup en Allemagne, en Allemagne, ils font comme ça
E203 Oui, vous avez vu ça en Allemagne . C’est étonnant en fait, c’est des habitudes …
Donc … Le veau aux morilles est dégusté …
I203 Oui, je débarrasse, je resserre le vin rouge parce qu’après y’a le fromage donc je peux continuer sur le vin
rouge
E204 Question un peu bête mais il y a des gens qui en laissent beaucoup dans leur assiette et tu te demandes si ils
ont terminé ou ?..
I204 ben en fait c’est ceux qui nous disent parce que bon quand c’est terminé bon ben c’est bon, ça a été et puis
après quand on passe à côté des gens, qu’on veut leur prendre leur assiette, là ils nous disent « excusez-nous mais
c’était trop copieux ou » …
E205 et tu leur poses la question : est-ce que ça vous a plus ?
I205 Oui, “est-ce que tout se passe bien, est-ce que ça vous plaît ? »
E206 Et tu demandes plusieurs fois, à chaque plat ?
I206 plus au moment de débarrasser, enfin, je propose une fois au milieu pour voir s’il y a pas de problèmes … si
c’est pas trop cuit … donc je demande si tout va bien et à la fin du repas, je demande si ça a été.
E207 Oui, oui ... Et tu observes les gens à ce niveau là, parce que leur demander c’est une chose mais tu peux peutêtre aussi voir à leur …
I207 Ah oui, oui, on voit si ils ont aimé, si ils ont pas aimé ...
E208 Et là, ces gens là ?
I208 Oui, oui, à part les petits papys qui ont plus un grand appétit à leur âge
E209 D’accord. Et ceux-là n’avaient plus un gros appétit ou c’est en général
I209 Non, non, en général, parce qu’il fait des grosses assiettes, c’est quand même très copieux, donc quand il y a
une entrée et un plat, on sait que le plat il sera pas mangé
E210 Y’en a beaucoup des personnes agées qui viennent ?
I210 Oui, oui, y’en a beaucoup
E211 Donc, comment ça se passe ensuite ?
I211 Bah ensuite, là j’ai tout débarrassé, bon je fais pas les miettes parce qu’avant on met des ardoises donc … Ca
empêche de … c’est pour la décoration
E212 D’accord
I212 Ca empêche de faire les miettes donc on peut pas
E213 Pourquoi ça empêche ?
I213 Parce que sur les tables individuelles on fait toujours les miettes de pain
E214 Avec une brosse , avec ?..
I214 Avec un rasoir ... Mais là avec toute la décoration qu’il y a on peut pas
E215 Et là, c’est tes employeurs qui te disent „non, là c’est pas la peine“ ?
I215 Oui, c’est eux qui me le disent, sur ce type de table, on peut pas
E216 Donc ça fait une étape en moins
I216 Oui, ça fait une étape en moins et puis je mets les couverts à fromage, je refais un tour de pain, un tour de vin
et là le fromage, c’était le chef qui le préparait car c’est du fromage fondu, qu’il faisait cuire …c’est une préparation
à lui
98
E217 Là, ça m’intrigue !
I217 En fait, c’est du fromage de Langres sur un toast mais dans une feuille de brick qu’il fait réchauffer au four,
donc là c’est lui qui s’en occupe donc j’ai pas besoin de m’occuper du fromage, je sers seulement quoi.
E218 En temps ordinaire tu as un plateau de fromage, un charriot ?
I218 Ah non, pour les grosses tables comme ça on fait pas le plateau …
E219 A l’assiette ?
I219 oui, on fait pour tout le monde le même fromage
E220 D’accord, sinon ça prendrait trop de temps
I220 Voilà, donc j’ai envoyé les fromages, fait un tour de table, le vin, le pain …
E221 Et il est quelle heure là à peu près ?
I221 Hum … On a fini à cinq heures … , il devait être sur le coup de trois heures et quart …
E222 Et ils sont arrivés vers midi …
I222 Midi et demi
E223 D’accord
I223 Oui, donc là le fromage, on l’envoie, ils mangent leur fromage, ils sont contents … Bon, y’en a qui aiment pas
le Langres donc ça ils le laissent ou ils le donnent à leur voisin …
E224 Tu proposes autre chose ?
I224 oui, on propose autre chose mais là, apparemment, il n’aimait pas le fromage donc ...
E225 OK
I225 Alors là, on range, on attend, on passe dans la salle d’à côté, on fait ce qu’on a à faire et puis comme ça se
mange vite, en cinq minutes c’est mangé, après ben, je débarrasse et puis au moment où j’amène les premières
assiettes à l’office, je regarde si c’est bon pour les desserts
E226 C’était un dessert particulier ?
I226 C’était une feuillantine de fruits, c’était une crème chiboutz avec des fruits frais : fraises, framboises, ananas …
E227 Et avec, tu dis feuillantine, y’avait quelque chose de feuilleté ?
I227 Oui, c’est parce qu’il y a une feuille avec de la cannelle … je sais plus le nom …
E228 Une feuille de brick ou de filo ?
I228 Oui ! Filo, c’est ça , c’est tout fin, c’est une feuille blanche … Il met du sucre et de la cannelle et il fait cuire
ça, ça devient croquant et il met ça par dessus
E229 Donc, tous le même dessert
I229 Oui, un dessert léger
E230 Alors au niveau des étapes, les couverts …
I230 Oui, par contre là, je retire toutes les corbeilles de pain, tous les morceaux de pain qui traînent, tout ce qui va à
la poubelle. Je débarrasse les verres à vin blanc qui sont finis, j’avais débarrassé au fur et à mesure
E231 Oui, il n’y en avait plus beaucoup à ce stade
I231 Puis après les gens mangent leur dessert
E232 Et là, je repose la question de l’ambiance ...
I232 On commence à sentir que c’est la fin car ça commence à s’exciter, quand même
E233 D’accord, ça s’anime un petit peu ... et ça c’est habituel ou …
I233 Ah oui, oui, c’est toujours comme ça ... Quand ils mangent y’a pas un bruit et vers la fin du plat ça repart un
peu, y’a des phases …
E234 Et là tu restes plus près d’eux pendant qu’ils mangent le dessert ?
I234 Ah non, je suis dans l’autre salle
E235 Au niveau des cafés, comment ça se passe, à quel moment ?..
I235 C’est après le débarrassage des desserts … A moins qu’ils me le demandent mais …
E236 OK
I236 Ils ont mange leur dessert, je débarrasse les desserts, je fais le café, donc au départ, je demande pas qui veut de
café, j’en fait … je les envoie quatre par quatre au moins je suis sûr que ça passe et vers la fin, je demande qui en
veut
E237 Et tu as toujours fait comme ça ?
I237 Oui, oui, j’ai toujours fait comme ça !
E238 Et les autres ?
I238 Ah, si, elles font comme ça aussi
E239 Et qu’est-ce qui te fait faire comme ça ?
I239 Ben, c’est pour éviter de faire trop de cafés !
E240 Oui, mais tu pourrais aussi demander ...
I240 Ah oui, mais ce serait trop long ! Y’a des gens qui vont lever la main, faut compter …Y’a des gens qui vont
oublier de lever la main …
E241 Donc là, le but c’est que ce soit efficace
I241 Comme ça je fais le tour et si ils me disent qu’ils en veulent pas, ils en veulent pas
E242 Ici au CFA, ça se passe comme ça aussi ?
I242 Non, on demande
99
E243 Oui, les gens sont pas très nombreux … Et au moment du café, est-ce que c’est un moment où tu vas discuter
plus avec les gens ou ?…
I243 Oui, parce que quand les grosses tables comme ça en sont au café, les autres tables ont pratiquement aussi fini
donc …
E244 Il y a plus grand chose à faire pour toi
I244Oui, voilà, donc là on va plus passer de temps … Ils m’ont demandé ce que j’étais, ce que j’avais fait … On va
plus parler de moi et puis on va parler du restaurant, du cadre, du village …
E245 Oui, V., c’est un joli village … C’était des gens du coin ?
I245 Y’en a qui venaient du sud, d’autres d’à côté de D. … Donc là ça parle plus, la serveuse vient … Elle c’est une
grande bavarde !
E246 D’accord !
I246 Donc là ça reparle et moi je peux m’occuper un peu de ...
E247 Et toi, tu leur poses des questions des fois aux gens aussi ?
I247 Non, je rentre pas trop dans ...J’aime pas trop ... si je leur demande pour les plats, si ils ont aimé mais …je
réponds à leurs questions … je rentre pas trop dans les détails …
E248 il arrive que ce soit difficile pour toi d’être en contact avec les clients ou c’est quelque chose de naturel ?
I248 Non, ça va mais bon, après, y’a des gens qui veulent pas parler, des gens qui veulent manger, qui veulent qu’on
les laisse tranquilles. Ces gens là on les ressent.
E249 tu les ressens ?
I249 oui, oui, donc on les embête pas plus. On les sert, on demande si ça va et on s’en va
E250 D’accord. Donc, on disait tout à l’heure, y’a les gens, on voit, qui vont être « chiants », y’a ceux dont on
repère qu’ils ont pas envie qu’on les dérange, y’a ceux qui ont envie …
I250 De parler. Y’a ceux qui parlent affaires, faut pas non plus trop les embêter … Oui dès qu’ils arrivent, on sait à
peu près à quoi s’en tenir
E251 Oui, vraiment … et tu te le dis ?
I251 oui, en fait on se le dit et tout de suite on va dire „tiens lui, il a une tête qui me … » Comme quand c’est des
gens qu’on connaît pas …
E252 Ah oui, vous échangez à ce niveau là avec les collègues ...
I252 Oui, oui, on dit „lui, ça à l’air d’être un chiant »
E253 Et en général, vous êtes d’accord ?
I253 Oui, en général, on est d’accord, on est d’accord sur tous les clients, même après le service …
E254 OK. Alors, ce déjeuner va se terminer, donc, comment ça se passe ?
I254 Bah là ils reprennent du Champagne
E255 Ah, ils REprennent ?
I255 Non, c’est après le café, ils ont fini le café, et c’est au moment où on pensait qu’ils allaient nous demander
l’addition … et ben, ils nous demandent du Champagne.
E256 Et là qu’est-ce que tu te dis, c’est embêtant ?
I256 Ce qui est embêtant, c’est que de l’autre côté, c’est fini donc en fait on attend plus que nous, mais après …Ils
prennent du Champagne, ça fait toujours gagner de l’argent pour le patron ! Tant qu’il gagne de l’argent, on a notre
salaire !
E257 Oui, oui … Donc c’est un repas qui a duré longtemps
I257Donc ils ont bu leur coupe chacun après ils ont pas trop traîné
E258 C’est toi qui leur a servi le champagne ?
I258 Oui, enfin là on était à deux comme du coup ils avaient fini à côté, donc on a servi tous les deux le Champagne,
ils ont bu et ils ont pas trop traîné … il faisait beau
E259 D’accord, donc si on va jusqu’à la fin, tu les salues … Comment ça se passe… A quel endroit tu te mets ?
I259 Ah, on se met à côté de la porte, enfin quand on entend la porte s’ouvrir, on y va, bon y’a toujours deux trois
personnes qui sont déjà sorties mais … On leur dit au revoir, on reste à côté de la porte, on salue les gens … Là y’a
pas de veste parce qu’il faisait chaud
E260 Oui, sinon, y’a le vestiaire à …
I261 Sinon on redonne les vestes, les gens nous disent « à bientôt » ( ?)
E262 En général, tu sais quand les gens sont susceptibles de revenir, ça se voit ?
I262 Ah oui, oui, ça se voit, ils demandent des cartes du restaurant ou …
E263 Là tu as donné des cartes ?
I263 Oui, on a donné des cartes
E264 Donc c’était …Un bon service, on va dire.
Je vais poser une dernière question peut-être sur … enfin, je voudrais savoir si tu as l’occasion de discuter de ta
pratique en entreprise, au CFA ?
I264 Ce que je fais en entreprise ?
E265 Oui, ce que tu fais en entreprise, est-ce que tu en parles au CFA ?
I265 Non, j’en parle pas au CFA
E266 Alors, c’est vrai que pour toi, c’est deux pratiques qui se ressemblent un peu apparemment
I266 oui, ça ressemble un peu, ça me change pas …
100
E267 et ça t’apporte quoi, alors, la pratique au CFA ?
I267 Pouh …
E268 Rien ?
I268 Ben sans plus, bah si au début, ça m’a permis de rester … Quand même d’apprendre plus vite
E269 Oui, ça, tu en as conscience ? Je sais pas si tu te souviens de quelque chose, au début, qui t’a été utile ?
I269 En fait, moi j’ai fait une semaine en entreprise et j’ai enchaîné deux semaines de CFA dans la foulée donc …
les deux semaines de CFA, ça m’a permis de … en fait je suis revenu après en entreprise, j’avais …
E270 Plus sûr de toi ?
I270 Oui, plus sûr de moi, et je savais comment c’était
E271 Et en même temps, je trouve que c’est bien d’avoir fait une semaine en entreprise parce que ça te donnait
quand même une idée …
I271 Oui, voilà
E272 … De ton rôle … c’est un métier que tu connaissais un peu avant ?
I272 Non, je connaissais pas, j’ai voulu me lancer la dedans … Donc les deux semaines au CFA, elles m’ont bien
été utiles … Enfin si au CFA, y’a tout ce qui est flambage qu’on apprend, tout ce qui est découpes
E273 Parce que tu ne le pratique pas ?
I273 Non, les restaurants maintenant ils le font plus
E274 Mais c’est intéressant d’apprendre ça
I274 Oui, oui, c’est intéressant ! tout ce qui est flambage, découpe comme on le fait pas non plus trop souvent
E275 Et puis vous n’êtes plus testé sur ça à l’examen, je crois
I275 Sur le flambage, si
E 276 OK.
Bon, écoute, je te remercie ! je vois comment tu t’y prends pour travailler.
Transcription Entretien d’explicitation
SR2
(Entretien n°2
Service en restauration)
E1
I1 C’était le jeudi juste avant l’Ascension. On était toute seules, ma collègue était pas là, elle était en vacances. Donc
on a eu du monde : C’était PLEIN, on a fait 190 le midi
E2 Oui, 190, le midi
I2 Oui, enfin, environ ...peut-être 193, un truc comme ça, y’avait du monde partout !
E3 Alors pour te suivre avec 2 personnes ? Vous étiez combien pour le service ?
I3 C’était au restau …donc on était quatre, une collègue était pas là, le patron était pas là.
E4 D’accord
I4 D’habitude le patron il est là et il reste derrière le bar, donc il fait les verres, il prend les commandes, il fait les
encaissements et tout, puis là il était pas là, il faisait des préparatifs pour la foire de C., donc il est parti et l’autre
collègue elle était en vacances, c’était mon maître d’apprentissage et il y avait du monde PARTOUT, ça rentrait, ça
ressortait, ça rouspétait !
E5 Ah ça rouspétait aussi …
I5 J’en pouvais plus !
E6 Alors, si tu reprends les choses au début, comment ça s’est passé ? Est-ce que tu peux me décrire tout ce que tu
as fait au fur et à mesure ?
I6 Bah déjà, au début ça arrivait doucement, donc j’ai pris les commandes une par une, j’ai servi, j’ai débarrassé, j’ai
redressé d’autres tables … Après bah ça rentrait de plus en plus vite, en fait donc au bout d’un moment ben moi je
continuais à prendre des commandes, je finissais les clients que j’étais en train de faire, enfin en train de servir,
ensuite heu j’ai installé la grande salle pour les autres clients : y’avait plusieurs groupes donc heu …j’installais la
salle là-bas pour eux, en fait. Donc après on a pris les apéritifs, on a pris la commande de ce qu’ils voulaient. Heu,
pour pas s’embêter, en fait, on a fait un menu pour tout le monde : ils avaient le choix entre poisson et puis, heu, de
la bavette et en légumes, ils avaient le choix entre des frites et des haricots verts.
E7 D’accord
I7 Donc on a pris la commande, enfin, j’ai pris la commande. Avec une collègue, on a servi les apéritifs, quand ils
sont partis se servir, et ben nous on débarrassait les autres, on débarrassait les tables pour redresser les autres
101
couverts et au bout d’un moment on a eu un groupe heu, ils attendaient trop longtemps, ils arrivent … ils sont
arrivés vers 12h15, ils devaient repartir vers 12h45, donc heu … ça fait même pas une demie heure pour manger…
E8 Et c’est des groupes qui avaient réservé, ça alors ? Ou, ils arrivaient comme ça ?
I8 Ben y’a eu un groupe, ils étaient douze, ils avaient réservé, ils ont appelé le matin pour le midi, ils ont appelé vers
9 h, je venais juste d’arriver … Ils ont appelé, ils avaient réservé, les autres ils avaient pas réservé. Donc ils sont
arrivés, ils étaient 27 … enfin entre 25 et 30.
E9 Alors, c’est énorme, ça … Alors finalement, est-ce que tu pourrais me décrire, juste une partie de ce service là ?
Ou un groupe que tu as servi, ou une table dont tu te souviendrais …Car tu ne vas pas pouvoir tout me détailler, moi
je voudrais vraiment entrer dans des choses précises. Je peux te laisser une seconde pour te recentrer, c’est déjà bien
d’avoir la situation générale et puis…
I9 Ben, le groupe, j’ai juste la commande que j’ai pas prise mais sinon tout le reste, c’est moi qui l’ai fait
E10 Alors si tu peux essayer, si tu peux te souvenir, chaque étape : Comment ça a commencé ?
Tu les revois arriver …
I10 Ils sont arrivés en même temps que tout le monde, donc le groupe, tout le monde est arrivé en même temps,
ensuite ils se sont installés sur la table préparée pour eux … Donc ben ma collègue elle a pris la commande, j’ai
servi les apéritifs
E11 d’accord, donc c’est là que tu es intervenue, à partir des apéritifs
I11 Oui, c’est à partir des apéritifs que je les ai servis, du début jusqu’à la fin. Donc, au niveau des apéritifs, quand
ils ont vu qu’il y avait du monde, ils se sont mis à parler en disant « ouais, on est pressé, donc on veut être servi le
plus rapidement possible »
E12 D’accord, ils te parlaient pas spécialement à toi mais toi tu les entends dire …
I12 oui, ils parlaient entre eux et tout et dès qu’ils avaient fini l’apéritif, nous heu, on les a laissés se servir les
entrées
E13 Parce que c’est une formule de buffet ?
I13 Un self
E14 D’accord
I14 Oui, c’est un buffet froid en fait et donc ils se sont servis les entrées, dès qu’ils avaient fini les entrées, ils se sont
quand même dépêchés à part un ou deux, une ou deux personnes qui ont pris un peu de temps mais tous les autres ils
avaient terminé, ils se sont vraiment dépêchés
E15 D’accord ... Alors, si ça ne te dérange pas, on va revenir sur chaque étape finalement : il faut imaginer que moi,
je n’y connais rien et que je veux vraiment tout détailler. Donc toi tu es intervenue à partir des apéritifs, est-ce que tu
peux me dire, voilà, comment ça se passe pour toi quand tu prends les apéritifs ? Comme si j’étais … une martienne
qui n’avait jamais vu ça !
I15 Ah d’accord !
Donc au niveau des apéritifs, souvent ce qu’on fait [problème d’interruption de l’enregistrement pendant quelques
minutes à partir de la 6è mn]
Donc en fait, on a un double, un duplicata du bon qu’on accroche sur un tableau en cuisine, c’est un tableau aimanté
en fait … Si c’est des bavettes où on demande la cuisson, donc on annonce, on fait : « on annonce une bavette
saignante », vu que tout est abrégé, ça va vite après, si on oublie d’annoncer, eux ils le regardent
E 16 Oui
I16 Ils regardent tous les bons ; en fait, c’est dans l’ordre : la première c’est le passage ensuite c’est mon autre
collègue et après c’est moi. Donc après, je descends le bon du (pot ?), j’attends un peu en cuisine, dès qu’une
assiette est prête, je mets du persil, de la tomate …Si la personne a pris du poisson, je mets une rondelles de citron,
donc ensuite, je prends les assiettes trois par trois donc deux puis un
E17 Comment tu fais quand tu prends les assiettes ?
I17 Comme ça, j’en glisse une entre mon auriculaire et mon pouce, j’en remets une au dessus des deux doigts, le
pouce et l’auriculaire, et j’en prends une dans l’autre main
E18 D’accord, ça se fait vite, ça, t’as l’habitude ?
I 19 bah après, c’est une question d’habitude, au début , j’y arrivais pas et puis … et puis ça dépend des assiettes,
y’en a elles sont chaudes, elles sont bouillantes parce qu’elles sont fines, c’est des nouvelles assiettes qu’il a acheté,
donc elles sont super fines, donc c’est bouillant et quand c’est trop bouillant, j’en prends que deux parce que je me
suis retrouvée … les deux premières personnes, enfin les six premières personnes que j’ai servies, la main ça a été,
mais au bout des neuvièmes personnes …
E20 Oui, c’est de plus en plus sensible …
I20 C’était de plus en plus chaud, en fait. Donc, c’est suivant les assiettes, si elles sont trop chaudes, j’en prends
deux par deux, si ça va on peut les prendre, j’en prends trois par trois, ça va plus vite ensuite heu … On fait pas
comme ici au CFA, on sert toute une rangée et après l’autre rangée, en fait
E21 D’accord ...
I21 Au CFA, c’est toutes les femmes d’abord, en fait, déjà toutes les personnes âgées femmes, toutes les personnes
âgées hommes et de plus en plus jeunes en fait que nous, au restaurant, en fait, si on est à deux, on fait face à face
donc une collègue qui fait en face, l’autre qui fait de l’autre côté.
102
Mais dès que je suis toute seule, je commence, ben admettons, ben j’ai sur la table, je la divise en deux, je fais tout
un côté, ensuite, je reprends en face- les personnes qui sont en face- et je reprends de l’autre côté en fait, sur l’autre
moitié de la table et ça va beaucoup plus vite et les gens ils attendent pas
E22 Donc, c’est ce que tu as fait, là
I22 Oui, c’est ce que j’ai fait là, oui
E23 Et il y avait que deux plats, donc c’était plus facile pour savoir …
I23 Mais y’a quand même eu deux ou trois exceptions, des personnes qui mangent pas de viande, qui sont
végétariennes donc ce qu’on a fait, c’est qu’on leur a proposé plusieurs légumes, ils ont dit, ben ils ont pris…
E24 C’est toi qui leur a proposé …
I24 Ben c’est eux qui m’ont demandé
Alors moi, ce que j’ai fait, je suis allée en cuisine, j’ai demandé, ils m’ont dit “oui, y’a pas de soucis”donc moi je
leur ai servi ce qu’ils voulaient sans viande, en fait
E25 Et ils avaient l’air satisfaits ?
I25 Ah bah, tout à fait, ils étaient contents, ils nous ont même remerciés, j’ai même transmis les compliments en
cuisine
E26 D’accord
I26 parce que elle était bien garnie. D’habitude on met un beau morceau de viande en fait et très peu de légumes et
là vu que c’était que des légumes, on a partagé en fait : on a toujours deux légumes du jour donc soit des féculents,
des légumes et des frites ou des pommes vapeur, tout ce qui est à base de patate et du riz, du riz y’en a toujours.
La dame, elle voulait du riz, y’avait des haricots au beurre puis elle voulait de la salade donc on lui a préparé de la
salade, des tomates, y’avait des endives …donc ça a été, on lui a donné ça, ça a été et puis elle a été contente, ils ont
été contents, ils étaient plusieurs.
E27 Voilà, donc pour toi, ça s’est bien passé
I27 et il y en avait un qui mangeait pas de porc … je sais pas comment on dit, c’est un musulman ?
E28 Oui
I28 Il mange pas de porc et dans les haricots beurre, y’a des lardons, donc, il me l’a dit parce qu’il a vu ses collègues
à côté avoir …Donc on a fait le changement dernière minute, il a pris des frites à la place des haricots beurre donc ça
a été
E29 oui, pas de problème … et comment ça se passe, enfin tu m’en a déjà un peu parlé, quand y’a des demandes
spécifiques, comme ça en salle ? En cuisine, est-ce que c’est facile de demander …
I29 Oh oui, parce que, comment, il suffit juste d’être correct, doux, pas hurler en fait directement parce que là c’est
sûr, ça passe pas, faut être gentil, poli … enfin, même si on tutoie la personne, faut pas directement l’agresser en
disant « ouais, il veut ça ! », c’est plus « ouais, J. -parce que moi je l’appelle par son prénom, comme tout le mondebah y’a le monsieur, il voudrait changer, est-ce que tu peux heu… »
E30 Donc tu es obligée de faire attention et en salle et en cuisine
I30 Et il faut vraiment, en cuisine, quand on apporte les plats, faut vraiment faire attention aux bons parce que en
fait, y’a par rapport aux collègues des fois, on a le bon côte à côte et on se trompe d’assiette, ça, ça arrive souvent !
Donc, c’est pour ça, on fait vraiment attention aux bons, on regarde bien nos assiettes et quand il y a un changement
de dernière minute, si l’assiette elle a été préparée, soit, on la jette, suivant ce que c’est, si c’est de la bavette, on
peut la récupérer, c’est pas grave, on la remet sur le grill et on la redonne à un autre client parce qu’elle a pas été
touchée. Mais dès que c’est un truc de dernière minute, si c’était prêt et qu’il y a pas d’autre bons …
E31 Identiques …
I31 …de demandé, ben ça part à la poubelle, sauf la viande … Donc là, vu qu’ils avaient pas encore fait l’assiette, ça
tombait bien donc, ça a été. Donc après voilà … Ah, il manquait du pain
E32 D’accord, donc là ils en étaient au plat, c’est ça ?
I32 Oui, au plat. Donc, quand il manque du pain, on va en rechercher, on le coupe, c’est la machine, en fait : on met
le pain dans la machine, hop, ça coupe, c’est pratique, y’a juste à mettre la corbeille
E33Ils ont dû demandé ou tu avais vu ?
I33 Non, j’avais vu
E34 Vraiment, dans tout ce que tu me dis, c’est la vue qui est la plus importante
I34 Oui, tout se joue là dessus … de l’eau, y’en avait encore, ah ils ont demandé du vin aussi, du vin rouge, ça arrive
assez souvent donc, comment, quand c’est comme ça, qu’on sait qu’ils veulent du pain et du vin, avant d’entrer en
cuisine pour chercher le pain, on demande le vin au bar et on le prend en revenant, c’est faire moins de pas en fait,
ça évite les pas, c’est plus rapide, ça coûte moins de temps
E35 Donc, là tu te souviens avoir essayé de faire le moins de pas possible ?
I35 Oui, ça c’est grâce aux collègues parce que …
E36 Oui, là aussi, donc si je reprends, les collègues t’ont appris à être très attentive à tout ce que tu vois, à faire
moins de pas … y’aurait d’autres choses ?
I36 A voir, par rapport aux clients, si ils sont contents ou si ils sont pas contents parce que ça c’est un réflexe aussi
que j’ai pris
E37 Alors, sur cette table là, comment ça s’est passé ? Tu m’as parlé du monsieur d’un certain âge mais –essaie de
te remettre un peu en tête ces gens là – à quoi tu as vu qu’ils étaient contents ou pas contents ?
I37 Bah, ils avaient le sourire
103
E38 Oui
I38 Ils avaient le sourire ... Quand ils parlent entres eux et qu’ils mangent en même temps, on voit que directement
le plat, si il est bon mais il est pas, il est pas … comment vous dire ? Il est pas désagréable en fait, ils aiment bien,
donc ils vont rien dire.
E39 Oui
I39 Si on voit qu’ils commencent à fixer le plat, leur assiette, qu’ils l’a fixent, c’est que ça leur plaît pas
E40 Et là, ces gens là ?
I40 Ben y’a juste un monsieur, parce que ça lui a peut-être pas plu, il a dit que sa viande elle était pas cuite, il avait
pris de la bavette et il a dit que sa bavette n’était pas à la cuisson qu’il avait demandée donc il m’a redit sa cuisson,
j’ai vérifié sur le bon et en fin de compte, il m’a dit qu’il l’a voulait à point et en fin de compte sur le bon, c’est
marqué bleu donc ça fait un changement mais quand c’est comme ça, on la ramène en cuisine et après ils le font
suivant le goût du client, ils disent rien, ils sont d’accord, ils le font.
E 41 Et là, alors, c’était une erreur sur le bon ou c’est le client qui se souvenait plus de ce qu’il avait pris ?
I41 Soit c’est le client qui se souvenait plus, soit c’est la personne qui a pris la commande qui a mal pris en fait mais
bon, on s’arrange toujours en fait
E42 Et là ?
I42 C’était la collègue qui avait pris la commande ...
E43 Alors c’est d’autant plus compliqué
I43 Oui, faut vraiment faire attention, faut passer auprès de chaque personne, entre deux personnes en fait comme ça
on demande aux deux en même temps, enfin aux quatre
E44 Alors, si on reprend, ce monsieur, juste tout ce qui s’est passé avec lui, comment tu t’es aperçue ... il t’a appelée
d’abord ou tu as déjà repéré quelque chose ?
I44 Non j’avais déjà repéré
E45Alors, qu’est ce qu’il faisait ?
I45 Il regardait et puis avec sa fourchette, il piquait dans la viande, tout en regardant comment que le jus sortait en
fait … Au niveau de la couleur de, de … si il était liquide, épais … Et c’est là que j’ai dit, ce monsieur, ça va pas lui
plaire
E46 Alors, tu as attendu la suite, qu’il t’appelle ou …
I46 J’ai attendu qu’il m’appelle parce que j’aime pas aller près des clients dire “ça vous va ?” … J’aime pas. Moi, je
préfère qu’ils m’appellent et comme ça au moins, je suis sûre. Donc, ben le monsieur, il m’a appelée discrètement, il
fait « hé, mademoiselle » mais tout discrètement
E47 Et tu te dis quoi ?
I47 Je me dis, il veut que je change sa viande ou il a quelque chose qui lui va pas sur son assiette et donc il m’a dit :
« vous pouvez faire cuire un peu plus la viande ? » donc je fais « oui, y’a pas de souci » tout en ayant le sourire donc
ça passe bien et donc ben après je l’a ramène en cuisine, je lui rapporte, je reste à côté du client, je lui demande si ça
va. Je lui demande si la cuisson ça lui va comme ça ou pas. Si il me dit non, il veut encore un peu plus cuit, je la
ramène
E48 D’accord, il peut y avoir comme ça plusieurs ...
I48 Oui, il peut y avoir plusieurs navettes. Mais au bout, je crois de la troisième fois, on arrête et on remet une autre
viande. Admettons, si c’est une bavette, on remet une autre bavette.
E49 Vous êtes patients quand même !
I49 Oui
E50 C’est des consignes que vous avez heu ... c’est pas comme ça dans tous les restaurants
I50 Oui, c’est des consignes, c’est entre collègues, quand, quand une personne arrive en fait –moi, quand je suis
arrivée, toutes mes collègues elles étaient là, elles m’ont expliqué …elles m’ont montré …y’a plein de trucs, même
encore maintenant, j’apprends encore des choses.
E51 D’accord, qu’est-ce que tu as appris justement récemment ?
I 51 Ben récemment, parce qu’en fait, je faisais heu pour marquer de l’eau, moi je marquais « 1 », le chiffre 1 et un
rond barré et en fait le soir ils font le récapitulatif en fait, vu qu’y a les entreprises, ils marquent tout dans un cahier
et elle m’a dit « faut pas que tu mettes le 1 », j’ai dit d’accord, faut juste que je mette le O et pis barré.
Pareil pour « Carola verte », c’est de l’eau gazeuse … moi je marquais « ½ Carola » ou des fois « ½ Caro » mais il
fallait mettre le V et un point
E52 Pourquoi ?
I52 Pour dire verte, pour Carola verte, c’est la marque mais en fait
E53 Alors, ça c’est des habitudes dans ce restaurant là mais c’est peut-être pas … ?
I53 Non, c’est peut-être pas partout pareil mais c’est comme ça que j’ai appris moi. Et … au niveau des corbeilles de
fruits aussi, j’en ai appris y’a pas longtemps. En général, je les fait pas souvent moi, les corbeilles de fruits donc au
niveau des raisins, bon , comme tous les fruits faut les laver avant, les essuyer, prendre les essuie-mains et bien
éponger l’eau, nettoyer la corbeille, c’est une habitude, ça je savais mais mettre le raisin sur le côté en fait, moi, je le
mettais au milieu et puis je mettais les autres fruits à côté, en fait
E54 Alors, comment ça se fait qu’il faut le mettre sur le côté ?
I54 Comme ça les clients, ils voient plusieurs fruits en même temps. En fait, moi je le mettais au milieu, tout au
début et puis ils m’ont fait la remarque après en fait, là, y’a pas longtemps.
104
Parce qu’en fait, les clients ils vont voir le raisin et les bananes
E55 Oui
I55 Parce que moi, je faisais comme ça, je mettais le pommes en dessous, les oranges, les kiwis, le raisin et deux
bananes qui recouvraient par-dessus. Elles m’ont dit : « les raisins, t’essaie de les mettre sur le côté, si on peut pas
on les met au milieu, c’est pas grave » qu’elles m’ont dit mais « quand tu peux, t’essaie de les mettre sur le côté,
comme ça ils voient qu’il y a du raisin, des pommes, des oranges et des bananes ». Ils voient en fait tout ce qu’il y a
dans la corbeille et si y’a des nouveaux fruits, qu’ils prennent des nouveaux fruits comme le kiwi ou des trucs
comme ça en fait
E56 Oui, donc c’est important pour toi les conseils de tes collègues
I56 Oui, des fois je peux les respecter quand j’ai le temps mais quand j’ai pas le temps, c’est comme ça, pis elles
disent rien parce qu’elles savent …
E57 Et est-ce que toi, tu as tes propres manières de faire, aussi ? Parce que elles, elles te montrent des choses mais
est-ce que toi tu, tu peux leur montrer des choses aussi ?
I57 Ben, c’est au niveau des clients, moi j’ai une habitude, c’est de laisser le couteau pour leur fromage
E58 Oui
I58 Et heu, comment ...Bah, heu, mes collègues –ça les dérange pas hein- mais, elles, elles les enlèvent pis en
remettent des autre parce que elles passent devant le frigo et pis y’a le bac à couteaux en fait et moi, je laisse le
couteau, ça m’évite des pas et je perds moins de temps en fait parce que quand je prends les fromages, je prends
quatre assiettes
E59 D’accord
I59 Donc, j’en ai là, là, là et pis ben une là ... Comment détailler, je sais pas !
Donc ensuite, pareil, j’ai mon habitude, c’est vraiment de bien regarder par rapport aux autres collègues : Des fois
elles débarrassent … Sur le groupe, y’en avait qui avaient terminé et une ou deux personnes qu’avaient pas terminé
E60
Donc,
le
groupe
dont
on
parle
depuis
le
début ?
I60 Oui, donc moi, quand je vois que tout le reste a terminé, je vais attendre que les deux autres personnes
terminent, ce que les autres collègues ne font pas : elles débarrassent ceux qui ont fini, et elles attendent après les
autres
E61 Au fur et à mesure
I61 Oui, elles débarrassent au fur et à mesure, en fait et moi non, je débarrasse tout en même temps, comme ça, ça
évite déjà des pas même si vu que c’est un groupe, on fait une rangée puis après l’autre rangée. Donc ben moi, c’est
mon habitude c’est comme ça, même si les autres ils attendent, c’est le respect du groupe, en fait
E62 Oui, aussi. Et, ça te vient d’où, cette idée du respect du groupe ?
I62 J’ai appris ça quand j’étais, ben quand on est tout petit, en fait, c’est une marque de politesse, je vois, nous, ma
mère, elle m’apprenait, à table, tant que papa, tant que mon père n’avait pas fini de manger, on restait à table, même
si mon frère ou quelqu’un n’avait pas fini, on restait à table et après on pouvait sortir dès que tout le monde avait
fini
E63 Tu utilise des choses que tu as apprises …
I63 Oui des choses que j’ai apprises toute petite, même pour le débarrassage, ça c’est venu comme ça instinctif,
grâce à cet exemple, en fait
E64 D’accord
I64 Moi, j’ai toujours attendu que les autres terminent pour débarrasser en fait et ça vient comme ça quoi, c’est des
petites habitudes qui ont toujours été en fait. Donc dès le début, je savais … enfin, je savais pas vraiment exactement
comment faire mais j’avais ma petite idée
E65 Donc ta technique, elle s’est affinée …au fur et à mesure ?
I65 Oui, oui, elle s’est affinée … C’est pareil, au niveau des assiettes, je n’arrivais pas à les mettre et heu, quand
elles m’ont montré, j’arrivais pas, donc je mettais déjà tous les couverts, je les prenais dans une main …
E66 Pour débarrasser ?
I66 Oui. Donc pour les couverts, je les prenais dans une autre main pis toutes les assiettes sur une mais c’était dur
quoi, et quand j’ai vu que les gens n’avaient pas terminé, je fais « je suis désolée » donc après je suis repartie, j’ai,
ben sur le groupe, j’étais …J’ai attendu quand même, vu que j’en avais que deux, j’avais enlevé que deux
fourchettes et deux assiettes et en fait, c’est après qu’on voit heu …C’est après qu’on voit qu’ils ont terminé, c’est
quand on se met dans les bouts en fait, sur les bouts …
E67 Oui, voilà, la position dans la salle, elle est importante aussi, toujours pour avoir une vue heu …
I67 Faut avoir une vue générale en fait, faut se mettre à chaque extrémité de la table pour voir si tout le monde a
terminé parce qu’en fait ben moi quand j’ai pris les deux fourchettes et les deux assiettes, c’était les deux papy et
mamy qu’étaient au bout, qu’étaient de l’autre côté et ils avaient plus rien dans leur assiette, mais c’était du pain
qu’ils mangeaient …Donc on voit pas forcément si c’est leurs assiettes parce qu’ils mettent leurs mains … donc on
voit pas forcément, donc c’est au niveau du visage qu’on regarde et au niveau de leurs gestes
E68 D’accord
I68 Donc, après, comment heu …
105
E69 Donc, là, ces grands parents dont tu parles, ils t’ont donné l’impression qu’ils avaient fini, à quoi tu pensais
qu’ils avaient fini ?
I69 Ils discutaient et puis ils avaient les mains croisées en fait, comme ça, en train de discuter
E70 Donc avoir le mains croisée et être en train de discuter, ça veut dire pour toi …
I70 Ben comme on dit, la mal politesse, c’est les coudes sur les tables et quand je vois les clients qui ont les coudes
sur les tables, les mains sous le menton, c’est que ils ont terminé, c’est à ça que je vois
E71 C’est un repère
I71 Ouais, et quand je les vois comme ça la majorité ou comme ça (geste) sans un geste, qui bougent plus, qui
mâchent plus ou qu’ils discutent, c’est qu’ils ont terminé. Et là, le papy et la mamy et ben, ils avaient terminé leur
assiette mais c’était du pain qu’ils mangeaient. J’ai refais le tour, j’ai regardé, j’ai demandé pour être vraiment sûre,
ils m’ont dit « oui, oui, on a terminé » donc j’ai débarrassé, j’ai apporté le fromage. En débarrassant, juste après, j’ai
demandé « fromage ou fromage blanc ? », vu que c’est un groupe, j’ai pris un papier, un bloc notes, j’ai abrégé
fromage blanc et fromage, j’ai marqué FB pour fromage blanc, « fr » pour fromage, j’ai fait de traits, enfin des
« égale » et j’ai fait des petits bâtons pour savoir exactement, pour le fromage blanc, je leur ai demandé…
E72 Oui, et c’est pas trop la cacophonie quand y’a, enfin y’a pas trop de brouhaha quand y’a plein de personnes ?
I72 Non, ça va …
E73 Alors, tu leur fais dire …
I73 Je fais un par un en fait parce que mes collègues moi elles se mettent à l’extrémité et elles hurlent, c’est : « vous
voulez des fromages, fromages blancs ? », c’est vraiment hurler, quoi ! Et moi, je peux pas.
E74 D’accord
I74 Déjà j’ai une petite voix douce donc heu, pis en ce moment, j’ai mal à la gorge alors c’est pas possible !
E75 Oui !
I75 Je passe un par un
E76 Donc là, tu te revois ? Tu te déplaces ?
I76 Oui, c’est moi qui me déplace, je me mets toujours entre deux personnes en fait, comme ça les quatre ils
entendent et ils peuvent réfléchir. Je commence par un côté, ben, par un bout, et je fais tout le tour en fait. Et heu,
mettons, si c’était le monsieur : le papy et la mamy. C’était le monsieur, par le premier papy que j’ai commencé,
c’était un monsieur : Il a pris un fromage blanc aux herbes, il a changé en dernière minute
E77 D’ accord
I77 C’est pas grave ! Donc ensuite, la personne à côté a eu le temps de réfléchir, le temps que je fasse le tour, donc
je me retourne près de la dame à côté, je lui demande, elle me répond, je regarde la dame –ou le monsieur qui était à
côté- je sais plus, donc il sait pas donc, je refais le tour pour me mettre à chaque fois entre les deux que les deux
personnes entendent …
E78 Oui …
I78 Et donc ensuite, je fais comme ça tout le long de la table, ça va assez vite quand même … Au bout d’un
moment, on reprend le rythme donc ça va.
Et si tout le monde a pris des fromages blancs, parce que je demande que les fromages –pas leurs herbes ou leur
sucre ou ce qu’ils désirent- et c’est après en fait
E79 Tu as une deuxième étape pour …
I79 Une deuxième étape … Si tout le monde prend du fromage, je fais pas la deuxième étape.
Au niveau du fromage blanc, je me mets au bout – j’avais une dizaine de fromages blancs …- je me mets au bout et
en fait je vais transmettre le message, je dis déjà au début, je fais : « qui veut du sucre ? », donc, s’ils entendent tant
mieux et s’ils entendent pas, ben en fait, c’est les papy mamy, ben le papy qu’a hurlé et qu’a fait transmettre le
message en fait, c’est comme le téléphone arabe !
E80 Oui ! ça se passe souvent comme ça ?
I80 Oui, et donc ben après, au bout d’un moment, le papy ben, il s’est pas vraiment énervé mais il voulait m’aider
pour que ça aille plus rapidement donc il s’est levé, il a fait « ouais, taisez-vous ! » tout en restant poli et tout le
monde a pas dit un mot et je leur ai demandé « sucre ou herbes ? » et je fais : « ceux qui prennent du sucre, levez la
main » comme ça moi je compte et puis, je mets pas un sucrier par personne en fait, je compte environ si, si ils sont
dix, je mets trois sucriers et ils se le font passer
Si ils sont plusieurs à vouloir des herbes, suivant quels ramequins on a fait les herbes, si c’est les gros, j’en mets que
deux, si c’est les petits, j’en mets plusieurs
E81 D’accord
I81 Donc après ça dépend du nombre de fromages blancs et du nombre de personnes qui veulent …
E82 Mine de rien, y’a beaucoup d’étapes tout au long du repas, comme ça
I82 Oui, et heu pour les servir, en fait, au niveau des fromages blanc, on met heu, c’est parce que c’est dans les
ramequins et puis c’est déjà prêt sur un plateau, en fait. Le plateau, il est dans le frigo, on a juste à le sortir, à prendre
ce qu’on veut et donc là c’est plus simple, on sort le plateau – moi, j’ai sorti le plateau de fromages blancs- je mets
une pile d’assiettes du nombre de fromages blancs dont j’ai besoin, les cuillères dans les assiettes, enfin, au dessus,
sur la première, le nombre de sucriers, le nombre d’herbes … Si je vois que j’ai plus de place sur le plateau, et que
j’ai des fromages qui attendent, je mets ça sur un autre plateau, si j’ai que ça, je m’arrange pour tout mettre sur le
même puis ben je vais déposer sur le meuble qui y’a à côté.
106
Après, je prends le fromage blanc, je le mets dans l’assiette avec la petite cuillère et je sers. Et quand je me souviens
plus de qui, qui …
E83 En général, tu te souviens ?
I83 Ca dépend, c’est au niveau de la personne, si je parle pas beaucoup avec elle ou si je parle assez avec elle, je sais
qu’elle a pris ça
E84 Hum
I84Si je parle pas …
E85 Oui, c’est un repère …
I85 C’est au niveau du physique déjà et au niveau si je parle beaucoup, si y’a un échange de paroles …
E86 et là, sur ce groupe, y’a des gens dont tu te souviens bien ?
I86 Ben oui, le monsieur et puis le papy et la mamy
E87 Donc eux, tu pourrais me dire comment ils étaient
I87 Oui, oui, j’ai leur tête …
E88 Donc, si ils reviennent pour déjeuner, tu les reconnais ?
I88 Oui, ça dépend, si ils reviennent longtemps après, je les reconnaîtrai pas mais si ils reviennent quinze jours, trois
semaines, un mois après, ça va, j’y arrive mais plus d’un mois, je les reconnais pas
E89 ça peut se comprendre
I89 Mais après, si ils me racontent des blagues, ça va revenir
E90 Hum, hum
I90 Si ça fait longtemps qu’on l’a pas vu, qu’il est pas revenu et qu’il fait les mêmes blagues …du même style, ça
revient direct !
E91 D’accord, ça déclenche
I91 Ca vient automatique, ouais bah le monsieur, il est déjà venu, même si je me souviens pas quand, mais je sais où
E92 Oui, tu les resitues dans la salle ?
I92 Ouais si les tables elles sont installées comme ça, si elle sont pas comme eux elles étaient, et bah je sais à peu
près…
Donc bah là dès qu’on a fini les fromages, on les laisse un peu digérer, sauf si vraiment ils sont trop pressés
E93 Donc là tu sais que le rythme se ralentit
I93 Oui, c’est au niveau des fromages, ça ralentit parce qu’il veulent garder un peu de place pour le dessert. Ca a
toujours été, c’est le dessert … Parce qu’en entrant, en fait, dans le restaurant, ils voient dans le frigo ce qu’il y a en
dessert … Y’a un frigo vitrine
E94 Ca leur donne envie
I94 Oui, quand ils voient les babas au rhum, les bons desserts … ça donne envie quoi.
Donc le groupe, ils attendaient, même si ils étaient pressés, ils attendaient … Quoi, même pas dix mn, le temps que
les fumeurs ils allaient fumer, entre le fromage et le dessert
E95 Donc il y a des gens dans ce groupe là qui sont partis
I95 Oui, y’a pas mal, y’a eu deux trois femmes et les autres c’était pratiquement les hommes, dont le monsieur qui
discutait beaucoup avec moi par rapport à la restauration
E96 A son petit fils ...
I96 Oui, son fils ou son petit fils, je me souviens plus. … Lui, il partait fumer et c’était un cigare, ça je le sais parce
que ça se sentait et pis il avait laissé la boîte sur la table.
E97 Oui
I98 Donc, après, le temps qu’ils allaient fumer ou pareil, le temps qu’ils mangeaient –parce que ceux qui partaient
fumer, c’est ceux qu’avaient terminé avant les autres, donc ils partaient et les autres ils mangeaient encore- moi, je
retournais de l’autre côté pour resservir les autres
E99 Ah oui, c’est vrai, moi, j’avais tendance à oublier que tu en servais d’autres en même temps !
I99 Donc, en même temps, dès qu’ils sont en train de manger, moi je vais de l’autre côté et je vais aider les autres
parce que quand elles voient qu’il y a un groupe, les collègues elles s’occupent des clients en général.
Quand c’est des groupes qu’ils ont pas envie de faire ou qu’ils ont pas le temps de faire , c’est moi qui le fait et heu
comment … vu qu’ils connaissent les entreprises autant que moi… Enfin ils en connaissent plus mais bon
E100 A force tu ...
I100 Oui, à force, j’ai retenu donc, je vois, ben là quand on a eu le groupe, on a eu l’entreprise X, c’est de la toiture
ou je sais pas quoi, comme les Y, les Z ... toutes les entreprises heu connues, enfin connues entre guillemets, mais
qui voient qui sont encore à table, ils regardent l’heure, si il est trop tard, ils vont se dépêcher de les servir même si
moi je suis à côté, c’est eux qui vont les faire en fait pour qu’ils soient vite fait partis. C’est pas pour les virer mais
c’est pour leurs heures de travail en fait
E101 Bien sûr … Vous connaissez les rythmes …
I101 Oui, moi, je connais leur rythme et quand ils voient qu’ils sont en retard, ils boivent pas le café à table, ils vont
directement au bar parce que ils ont une fiche à signer, eux, pour dire qu’ils étaient là et heu quand ils sont soit en
retard, soit … Quand ils sont en retard, ils vont au bar, boire leur café, des fois ils le boivent pas puis ils disent « on
en boira deux demain ». Donc si ils en boivent deux, ben ils viennent en avance !
E102 D’accord, oui !
I102 Parce que c’est marqué sur le bon pis nous, rayer, ça nous embête donc … Pis eux, ça les arrange.
107
E103 Oui, donc, y’a vraiment plein de petites habitudes à connaître
I103 Et donc ben après si ils sont pas pressés, ils restent à table et soit ils appellent une collègue pour les servir, soit
ils attendent que je revienne …ça dépend.
Donc, dès que le groupe … Parce que, tout en servant les autres, je regarde, je surveille, en fait
E104 Oui, tu as un oeil … Alors, moi je connais pas la salle, c’est des gens qui sont dans la même salle dont tu
t’occupes ?
I104 Non, en fait, c’est une grande salle et ensuite, y’a la salle commune en fait, là où qui y’a les entreprises et y’a
un rideau qui sépare mais il est jamais fermé, à part le jeudi … Le jeudi parce qu’il y a les weight watchers … c’est
heu, le truc de maigrir ou je sais pas quoi ?
E105 Oui, oui … Ils font ça dans votre restaurant ?
I105 Oui mais heu, quand ils arrivent, il faut que tous les clients soient partis, ben tous ceux qui sont dans la grande
salle. C’est une salle pour les banquets, pour tout ça en fait mais quand on a du monde, on s’occupe de la salle là
aussi. On les installe … En général, on les met plus par devant mais quand c’est des groupes, c’est au fond parce que
au moins , ils auront pas le brouhaha des entreprises, ils auront pas les … on va pas dire les … je voudrais pas être
mal polie, mais les clients … dégoûtants.
E106 Donc vous faites attention à ça aussi
I106 On fait attention que eux y soient pas mélangés avec les autres
E107 D’accord, parce que ça a déjà posé des problèmes ou ...?
I107 Bah oui ! Y’a un client qui sent vraiment mauvais, il vient tous les jours, tous les jours il sent mauvais, il est
toujours habillé pareil, mal lave, mal rasé, enfin…
E108 Alors, c’est délicat ça
I108En tant que serveuse, moi ou que ce soit mes collègues, c’est : dépêche toi de manger, hop, on le sert, hop, puis
on se dépêche. On fait en sorte qu’il mange le plus vite possible
E109 Qu’il s’éternise pas là ...
I109 Après, c’est…, c’est un rythme, en fait, on dit rien, on débarrasse quand on passe, hop
E110 Ca l’incite à ...
I110 Oui, à manger plus vite et à partir, hop ... Parce que y’a pas mal de clients qui se sont mis à côté de lui, en face
en fait, à côté … Tout le petit carré qui l’entoure, ils se sont plaints qu’il sentait mauvais, ils se sont plaints
carrément au patron. Le patron, il a dit « oui, oui, je vais faire en sorte de … » voilà ? Donc il va voir le client en
disant « bon, bah, excusez moi mais vous sentez … enfin les clients acceptent pas votre odeur »
E111 Oui, c’est délicat
I111 Donc il a tourné ça de sa manière et vu qu’il est assez franc …
E112 Et il a réussi quand même à rester poli et …
I112 Il a réussi et le client il a dit, « oui, y’a pas de souci » donc en fin de compte ce qu’il a fait c’est que le patron, il
a toujours du parfum sous le bar parce que c’est les clients, vu qu’on a les douches, ils oublient leur gel douche, leur
machin donc on a toujours un flacon de parfum en dessous du bar, d’un client qui l’a oublié et qui l’a jamais
réclamé, ça fait longtemps qu’on l’a, enfin, qu’ils l’ont parce que je suis arrivée, il y était déjà ! Et donc on lui a
passé au client, il en a mis pis les autre ils se sont dépêchés de partir parce qu’ils avaient bientôt fini, mais bon ils
voulaient prendre le temps de boire leur café et une personne comme ça, ben ça dérange …Donc, ils partent,
mécontents
E113 Donc il vaut mieux prévoir …des endroits plus tranquilles
I113 Et heu, en fait, c’est pas … On les reconnaît, puis on les connaît, les gens comme ça …
E114 Alors comment tu reconnais les gens comme ça
I114 A sa coiffure, à ses cheveux comment qu’ils sont, s’ils sont gras, s’ils sont sales … Voilà, s’il est bien rasé …
Enfin aussi, ça dépend, parce que nous on a des entreprises donc ils sont pas forcément tous rasés mais ça dépend de
la grandeur, ça dépend de son haleine, parce que quand ils sont au bar pour prendre la commande, si nous on passe,
on le sent, parce que c’est très petit, donc, on sent …Y’a quoi, aussi ? A sa façon d’habiller, enfin de s’habiller sauf
si c’est des entreprises, c’est toujours pareil quoi
E115 Oui, ils sont en tenue de travail
I115 ensuite, y’a, y’a comment …La façon de manger, c’est … si ils mangent salement, enfin comme un cochon, on
va dire, on sait direct que c’est un monsieur qui prend pas soin de lui, qui prend pas soin de ses habits
E116 En général, vous voyez qu’il y a un lien entre les deux ?
I116 oui, à part les entreprises, y’en a pas mal, ils ont pas le temps de manger donc ils mangent en vitesse, c’est sûr
mais pis c’est pareil, le monsieur en question, on passe derrière lui, ça sent, même si on est à 1 m, 1m50 de lui, on le
sent
E 117 Oui, c’est pas très agréable pour toi ça
I117 Pis on le suit partout où il va !
E 118Mais il y en a beaucoup des gens comme ça ?
I118 Ben moi j’en connais deux, qui viennent régulièrement mais j’essaie de … des fois je les envoie à mon autre
collègue, je dis « je viens de terminer, j’ai commencé le ménage, allez là-bas », j’essaie de m’arranger … Si ils se
mettent vraiment là où ils veulent s’installer, je les laisse mais je les sers en vitesse
E119 Voilà, tu as ta technique pour gérer ça.
Alors si on en revient au …
108
I119 … au groupe
E120 Ils ont fumé leur cigarette, tu attends que tout le monde ait fini
I120 Oui, j’attends que tout le monde ait fini, après, ben, je vérifie qu’en même une deuxième fois même si je suis
passée, que j’ai vu qu’ils ont terminé, je regarde, je passe derrière un par un, je regarde, je demande … si je vois
qu’ils sont en train de mâcher, soit un chewing gum ou soit ils sont en train de manger, j’attends un petit peu, je leur
demande. Si ils me disent « ouais on a terminé », je débarrasse, toujours en commençant d’un côté puis après
reprendre de l’autre. Ensuite je leur propose tous les différents desserts mais avant de leur proposer, je prends
toujours mon carnet et je vais noter ce qui reste parce qu’en général, vu que c’est des groupes, il faut qu’on prévoit,
donc je note ce qu’il y a, mettons que si il reste que six éclairs au café, je vais marquer « 6 café », donc je vais noter
et après au fur et à mesure, si il y en a qui prennent des éclairs café, je barre le 6 et je fais un bâton et donc, je
marque toutes sortes, je marque combien qu’il y’a de fruits …
E 121 alors, vous avez combien de desserts comme ça ?
I121 Ben, ça varie ..., là je crois qu’on en avait, on en avait pas mal parce que … au milieu du du service on n’en
avait plus donc la cuisinière en a refait, elle a refait de la salade de fruits puis de l’île flottante donc ça varie, des fois
on en a deux, des fois on en a trois … Pis là y’en a eu, je peux pas vous dire exactement mais je crois qu’il y’en a eu
quatre, ou cinq ou même six desserts … bah avec les fruits, c’est soit cinq, soit six desserts.
E122 Donc là, tu annonces les desserts
I122 J’annonce les desserts, toujours un par un, entre chaque personne, donc je passe et pis heu si y’en a il faut que
je répète, ben, je répète parce que pour les desserts, j’hurle pas
E123 Tu hurles jamais, je crois !
I123 Ben je, c’est pas que j’hurle mais quand je vois pour les fromages blancs, je me mets en bout de table, pour les
desserts, je demande pas « levez la main », je sais pas, y’a que pour les cafés.
E124 Oui,
I124 Je passe et je leur redis, si ils ont pas entendu ou si ils sont en train de discuter, j’attends pis je repasse
E125 Alors, quand ils sont en train de discuter et que manifestement ils ne te vois pas, qu’est-ce que tu te dis toi ?
I125 Bah, je fais “excusez moi”, j’attends, pis quand je vois qui sont toujours en train de discuter, et ben, je passe à
la personne d’à côté, je fais bah « vous désirez quoi ? » pis obligatoirement il demande à l’autre « ouais bah t’as pris
quoi ? », obligatoirement c’est comme ça, c’est dans tous les groupes « t’as pris quoi ? »
E126 et donc, dans ce groupe là, ils étaient attentifs ? Ils …
I126 Ca a été, y’en a toujours deux ou trois qui discutent entre eux, c’est normal mais en général, ils me voyaient
passer et pis ils déconnaient beaucoup, enfin, ils rigolaient … Comme ben le monsieur, il me voyait passer, à chaque
fois il disait : « grand silence » et même si c’est tout bas, même si il le disait à ses voisins … Si y me voit arriver,
hop « chut ! », des fois, c’est « la voilà ! », mais là, comment, ils étaient attentifs, à part deux trois, comme
d’habitude, enfin, comme la majorité des clients, enfin, ils sont toujours en train de discuter … Voilà donc après, je
prends les desserts et je demande les cafés en même temps parce que ils ont dit qu’ils étaient pressés donc
E127 Sinon, tu demandes pas en même temps ?
I127 Si je demande et on prépare les sous-tasses. Si c’est un groupe, si c’est un groupe, même si il est pressé ou il
est pas pressé, on demande combien qu’y a de cafés et on note et on prépare les sous-tasses en fait
E128 Voilà
I128 Comme ça c’est déjà fait et on aura juste à faire couler le café. Et là, vu qu’ils voulaient le café en même
temps, bah j’ai apporté les desserts … Y’avait deux plateaux parce que ils étaient quand même assez nombreux …
Les deux plateaux de desserts, j’en ai apporté un, j’apporte le deuxième, ben après
129 Donc tu poses sur la desserte ou sur le meuble là … ?
I129 Je pose toujours sur le meuble parce que vu que c’est sur plateau ça va plus vite et en fait, ça empile les
plateaux et ça évite des aller retours, on peut débarrasser la table après
E130 Oui, oui
I130 Et donc toujours sur le meuble, je dépose les desserts, je sers un par un, je fais tout le tour …
E131 Donc, en redemandant ?
I131 En redemandant, sauf ceux que j’ai mémorisés parce que y’a très peu de gens qui prennent des fruits donc en
général, c’est les fruits je les retiens plus que les autres
E132 D’accord, et tu sais que tu les retiens plus
I132 oui, je sais parce que, en général, c’est des femmes, qui prennent des fruits. Les hommes, c’est plus, mousse au
chocolat, éclair, tout ce qui est bien …
E133 Et ça tu t’en es rendue compte assez rapidement ou c’est maintenant, au bout de deux ans ...?
I133 Non, c’est venu assez rapidement en fait
E134 Et ça t’aide quand tu prends les commandes ou quand tu dois servir, tu te souviens, comme ça … ?
I134 Non, c’est ben … Ouais ça m’aide mais comment … je mémorise vite, en fait, au niveau des desserts. Enfin, je
sais qui c’est qu’a pris des fruits, c’est rien qu’en prenant, en écrivant et en regardant, même si ils sont mélangés …
Je fixe la personne et je mémorise tous les détails …
E135 Et le fait d’écrire, tu dis aussi ?
I135 Oui, parce que j’entends leur voix en fait, si je vois que c’est une voix de femme, j’écoute et pis je dis “ha,
celle là, c’est celle qu’est là”, même si je vois pas forcément, j’écoute parce que quand on sert les, les clients, ils
discutent entre eux, on entend juste le son de leur voix…
109
E136 Distinctement ou ? Quand ils discutent tous …
I136 Quand ils discutent tous, on entend comme des murmures en fait mais quand ils discutent pas fort, on entend
assez bien en fait.
Mais moi si j’ai pris une habitude, c’est de pas écouter leur conversation, à part quand ça parle de moi, c’est quand
j’entends « la jeune » ou heu …
E137 Tout de suite ça ...
I137Ca se déclenche en fait, et tout le reste ça entre, ça sort, c’est du va et vient et pis, comment, en faisant ça en
fait, j’ai mémorisé les voix
E138 Oui
I138 Rien qu’en faisant les apéritifs
E139 D’accord
I139Quand ils disent « oui » parce que je demande, vu que c’est pas moi qu’a pris la commande, j’ai demandé qui
c’est qu’a pris quoi et d onc j’ai toujours un soupçon, un soupçon, c’est que les femmes prennent des kirs
E140 Oui !
I140 En général !
E141 Quand tu dis „un soupçon“, tu te dis qu’elles vont en prendre, c’est ce qu’elles prennent en général
I141 En général, je pense qu’elles ont pris ça en fait
E142 D’accord
I142 Mais bon... des fois je me trompe, des fois, je me trompe pas. Là j’ai quand même demandé pour être sûre …
E143 Parce que tu n’avais pas pris la commande
I143 là, je demande pour être sûre mais « là, je le savais ! ». C’est …les femmes, enfin, moi, je suis une femme donc
je sais à peu près
E144 Oui, et puis c’est toutes les clientes que tu as vues depuis que tu travailles …
I144Oui, c’est avec tout, je mémorise, je fais, ben les femmes elles préfèrent plus ça que ça. Les hommes ils
préfèrent plus tout ce qui est matière grasse comme les éclairs, les choux, les machins, et les femmes c’est plutôt des
fruits ou des tartes aux pommes, c’est des trucs sans trop de calories
E145 Ouais
I145 Donc, bah là, pour les fruits, j’ai mémorisé en écrivant, si elles répondent « moi », j’entends la voix et je sais
qui c’est
E146 D’accord, dis donc c’est !
I146 Parce que j’ai entendu tout le long du repas en fait … faut vraiment être attentif au bruit, aux gestes … à leur
façon de manger … : Tout, tout regarder quoi !, c’est de la vision, c’est plus de la vision que, que …
E147 Et tu t’es améliorée là … à ce niveau là ?
I147 Là, ouais, ça va nickel, je vois, au restau, je m’en sors pas mal quoi …y’a juste, là, quand je sers le groupe, les
autres clients râlent parce qu’ils sont pas servis !
E148 Ha ! Donc : tu regardes ton groupe et tu entends
I148 Ouais, les autres
E149 Et là, qu’est ce que tu te dis ?
I149 Je me dis, bon ben tant pis, ils attendrons et pis si ils sont vraiment pressés, ils appellent les autres, ils appellent
les autres collègues ou si ils sont vraiment pas contents, ils partent
E150 Et heu, est-ce que tu te sens énervée, dans ces cas là ?
I150 ben quand c’est comme ça, c’est très très très embêtant. Parce que, on passe, ils vont t’appeler …
E151Là, c’était le cas, là ?
I151 Là c’était le cas pour les desserts : « ouais, on pourrait être servis ! », « on a faim ! », « on a soif !». Pis y’a
même, ben ce jour là, y’ un client y m’a dit : « je suis en train de mourir de soif, j’ai soif, je veux à boire, je veux
mon verre ! »
E152 A une autre table ?
I152 A autre table qu’était pas loin parce que en fait, y’a le rideau qui sépare, nous on dit « la grande salle » parce
qu elle est derrière le rideau, la « salle normale » c’est parce qu’elle est avant le rideau en fait
E153 D’accord
I153 Et le monsieur, il était juste devant le rideau, en fait. Donc heu, c’est pour ça, je l’ai entendu. Je passe : « j’ai
soif ! je suis en train de mourir de soif, j’ai faim ! »
E154 Alors là, qu’est-ce que tu fais ?
I154 Je fais « bah, attendez, si vous êtes pas content, vous appelez ma collègue ». Si je vois qu’il l’appelle pas, qui
veut que ce soit moi qui serve, je fais : « vous savez quoi, j’ai vraiment pas le temps de vous servir », tout en restant
polie. Des fois, ça monte, la voix elle monte …
E155 Et là, c’est monté ?
I155 Là, oui, c’est monté parce que il arrêtait pas et si c’était pas …
E156 Il était tout seul ce monsieur ?
I156 Non, il était en groupe mais bon y’avait que lui qu’était là à taquiner, quoi … et c’est à chaque fois au moment
du dessert
E157 D’accord … Oui, ça aussi, c’est une habitude ?
110
I157 C’est pas une habitude forcée, en fait mais en général quand ils voient que je suis en train d’apporter les
desserts à des groupes, ils me regardent parce que j’ai les plateaux, c’est impressionnant, machin et c’est là qu’ils se
disent, « ouais, elle passe devant, je vais luis demander » quoi.
E158 D’accord
I158 C’est heu … ou pareil pour les fromages, quand ils voient que j’ai les plateaux, parce que ça les impressionne,
en fait, ils regardent ce que t’es en train de faire
E159 Ils prennent conscience que tu es là et donc ils se disent « j’ai besoin d’elle »
I159 Ouais, ouais, j’ai besoin de ça donc je vais l’appeler, quoi. Et là comme j’ai fait les desserts, le monsieur il
voulait son vin, c’était un demi de rouge … Donc, voilà, je lui ai dit, s’il est pas content, il appelle la collègue, sinon,
bah, il attend, si il veut pas attendre, et ben tant pis ! Et donc la voix elle est montée, je suis allée carrément chercher
le quart de vin, enfin, le demi de rouge. Avant d’aller le chercher, j’ai posé le plateau, j’ai pas encore servi les clients
avec leurs desserts, j’ai cherché le quart de vin
E160 oui, tu as dû interrompre ton …
I160 Oui, j’ai tout arrêté, j’ai tout posé, j’ai pris le vin, je l’ai posé sur la table (geste)
E161 Fort, comme ça ?
I161 Bah, pas aussi fort pour pas que ça gicle mais vraiment heu ...
E162 Tu as montré ton mécontentement
I162 J’ai montré que ça m’avait énervée, quoi ! et donc il a dit : « c’est bon, je l’ai énervée », quoi, pis au bout d’un
moment, ben une fois que je suis énervée, ça va plus, c’est même pas la peine, il me demande encore un truc qui va
pas, je dis : « vous savez quoi, partez ! »
E163 Et là, ça s’est pas passé comme ça ?
I163 Non, non parce que il a vu que je commençais à m’énerver et pis que je pouvais pas tout faire, quoi
E164D’accord
I164 Je fais : « vous savez quoi ? », parce que bon, après, une fois que ça se calme un peu, qu’ils ont eu leur dessert,
je retourne voir le client, c’est … la politesse.
E165 D’accord
I165 Donc, je suis retournée le voir, je dis : « excusez-moi mais c’est pas pour être mal polie, mais c’est que vous
m’avez gonflée », tout en restant correcte parce que, des fois, j’ai des mots qui sortent comme ça, là c’était pas le cas
… Donc j’ai dit « ça m’avait gonflée donc je suis désolée de vous avoir donné le vin rouge comme ça mais je
pouvais pas, j’ai du monde, vous voyez très bien que je suis dans le jus, que j’ai vraiment trop de choses à faire en
même temps et que je peux pas, je suis pas Speedy Gonzales …
E166 Alors, c’est important pour toi de retourner voir la personne ?
I166 Ouais, c’est le respect
E167Et ça, ça te vient d’où, comment t’as appris ?
I167 Bah, toute petite, envers mon père parce que moi, j’étais „la fille à papa“ donc, chaque bêtise, je lui disais pas
mais au bout d’un moment, j’étais tellement malade d’avoir fait cette bêtise …
E168 Ah oui !
I168 Qu’il s’en rendait compte ou pas, j’étais malade donc j’allais le voir, je fais : « Papa, j’ai fait une bêtise ». Si il
savait ce que c’était, bah tant pis, je me faisais disputer, si il savait pas, bah, je me faisais disputer quand même ou
… des fois il disait : « c’est bien, merci de me l’avoir dit mais recommence plus, la prochaine fois t’as la fessée ». Et
ça toujours été depuis toute petite donc pareil, c’est une habitude qu’est restée … Pis heu, je vais voir les clients
E169 D’accord … mais on te demande pas de le faire ?
I169 Non, et c’est pas le cas de tout le monde, c’est pas avec tout le monde … Parce que avec madame A (prof), je
me suis pris la tête, je suis pas allée la voir ! Je l’ai vue, mais le lendemain … Parce que là avec le client, c’est
directement, dès que je peux, avant qu’il parte, quoi. C’est soit avant qu’il parte, soit quand j’ai un tout petit temps
…
E170 Et si tu as pas le temps, ça t’embête de pas avoir heu … ?
I170 Si j’ai pas le temps, je trouverais toujours
E171 Hum
I171 Soit, je dirai à la collègue de me remplacer le temps que j’aille voir ce client, soit je le croise, au lieu de faire,
de finir ce que je suis en train de faire, je vais le voir, je fais : « excusez-moi mais désolée pour ma réaction tout à
l’heure, j’avais pas le temps ... », je trouve toujours …
E172 Et qu’est-ce que tu apprends au CFA à ce niveau là ?
I172 Au CFA, c’est heu …par rapport à ça ?
E173 Oui, pour gérer …les tensions … avec les clients … c’est de choses que vous faites ?
I173 Bah, au CFA par rapport à monsieur L (formateur), comme je l’ai dit tout à l’heure, y’a …, c’est un peu
stressant et … quand une fois qu’on s’énerve, on va à l’office : soit on se détend en faisant la vaisselle, soit on parle
un peu avec le chef …
E174 C’est lui qui vous incite …?
I174 Non, ça vient comme ça. Quand ça va vraiment pas, monsieur L, il dit : « va à l’office » ou … Il va commencer
à parler un peu plus doux. Quand y’a un moment de tension, il va, comme tout à l’heure …
E175 Hum
111
I175 C’est ben : « dépêche toi, il est déjà onze heures, t’as pas fini, t’es en retard ! », y’a un moment de tension, ça,
ça énerve, en fait
E176 Mais à quel moment il commence à parler plus doucement ?
I176 Quand il voit que ça va pas. Et vu qu’aujourd’hui, j’ai mal à la tête, j’étais pas bien …
E177 Oui …
I177 La totale ! Et que j’étais toute seule ! ça m’a déçue, j’étais toute seule de la classe, quoi. Il le voit, ça se voit
parce que je deviens pas bien, j’écoute mais je réponds pas, quand ça va pas … Pis des fois, je reste à côté parce
qu’il me parle mais je fixe mes chaussures, je fixe le mur, je le regarde pas … C’est un manque de respect,
normalement, on me parle, je regarde en face …
E178 c’est peut-être un moyen de pas exploser non plus
I178 Ouais, c’est … Pis donc quand il le voit, il baisse d’un ton, il dit : « ouais ben tiens heu faudra que tu fasses
ça » mais gentiment
E179 Mais, mais comment on vous apprend à gérer la relation avec le client au CFA, est-ce qu’il y a des cours làdessus ou … ?
I179 Ben, moi personnellement, je l’ai appris comme ça sur, sur …
E180 Sur le tas ?
I180 Oui
E181 En entreprise ?
I181 Oui, en entreprise . Au CFA, ça arrive pas souvent
E182 Oui !
I182 Au CFA, c’est plus cool, on a plus de temps, les gens qui viennent manger ils sont pas pressés. Et vu que ça
doit être fait dans, dans … la délicatesse, il faut prendre vraiment le temps, ça arrive pas souvent.
E183 Est-ce que parfois, y’a des personnes qui sont heu „casse-pieds“ dans ceux qui viennent manger au CFA ?
I183Oui !
E184 Et alors ? Donc là aussi, il faut apprendre à …
I184 Quand ils sont casse-pieds, bah, je les fais, je les fais, j’écoute ce qu’ils disent, j’écoute leurs remarques, je vais
voir monsieur L. et au bout d’un moment si ça va pas, je fais comme si …, enfin, si c’est que des petites critiques
comme ça ou des moqueries ou des … ou leurs blagues qui me font pas rire, je laisse passer pis je vais à l’office …
Si je suis toute seule, je reste en salle et heu si c’est les clients qui vraiment heu, ils m’ont gonflée et que je peux
plus, ben je vais voir monsieur L mon prof et je fais : « écoutez, ils sont tout le temps là à me taquiner, à me poser
des questions sur tout … ». Il me dit : « c’est les risques du métier, hein ! »
E185 Hum, hum, mais y’a pas des conseils ou …?
I185 Si, il me dit : « ben , t’inquiète pas, ça va aller, ce qu’il faut que tu fasses, c’est que t’écoutes sans vraiment
faire attention, quoi ». Mais c’est très rare au CFA.
E186 Oui ! C’est pas du tout pareil, pour toi, c’est deux choses, c’est deux mondes différents ?
I186 Ouais, au CFA c’est plus cool, au boulot c’est la rapidité
E187 Et alors, le CFA, il t’apporte quoi au niveau pratique ?
I187 Ben il m’apporte plus ... parce que on fait pas dans tous les restaurants, ici, on fait des flambages, des
découpes, des … enfin, un peu de tout, de la gastronomie
E188 Oui
I188 Que là où que je suis, c’est un routier, c’est la rapidité, y’a pas de découpes, y’a rien de tout ça quoi, nous c’est
hop, l’assiette sur la table, ils mangent, on débarrasse ... C’est, c’est plus ça, c’est de la vitesse. Que là, c’est on
apprend de la découpe, on apprend la propreté, le carré, enfin le …
E189 La rigueur ?
I189 Il faut que ça soit tout correct, droit, brillant …
E190 Ca te plaît ça aussi ?
I190 Ouais, ça me plaît mais bon, je finirai pas dans le service, j’arrêterai un jour ou l’autre, si c’est pas maintenant,
ce sera plus tard, je verrai bien, je sais pas encore, je suis pas basée, j’ai pas mon but précis, je voulais faire de la
cuisine, j’hésite, en fait parce que, si je continue dans le restauration, j’arriverais jamais à faire une vie de famille
E191 Ouais … Et en même temps t’as l’air d’avoir heu quand même une bonne, un bon contact avec les gens,
d’avoir des qualités pour ça, donc heu …
I191 Oui, j’aime bien, oui, de toutes façons, j’ai fait le service, c’est parce que j’aime bien être en relation avec les
clients, ça c’est clair, net et précis quoi ! J’ai toujours heu … Pis …
E192 A quoi tu avais vu, avant de venir au CFA, que tu aimais bien la relation avec les gens ?
I192 Ben, toute petite, j’ étais avec mon père, on était au bar, j’ai vu les femmes avec leur plateau, mais vraiment
des gros plateaux … J’étais toute petite !
E193 Oui !
I193 Assise sur les hauts tabourets de bar, je les voyais servir d’une vitesse ! La pression, enfin les bières, j’adorais
ça ! Voir comment qui faisaient, ça moussait ! J’étais, je rigolais quand ils faisaient ça, j’étais devant eux, je rigolais
… parce qu’il y avait plein de mousse … Des fois ça débordait !
E194 Tu te souviens bien !
I194 Et, j’avais quoi, j’avais huit ans, un truc comme ça et depuis l’âge de huit ans, j’ai dit à mon père : « je veux
faire ça », je savais pas comment que ça s’appelait,, je savais pas qu’est-ce qui fallait faire pour réussir …
112
E195 Oui, à huit ans
I195 Donc, ben moi j’ai fait comme tous les jeunes, collège, enfin, primaire, collège et ainsi de suite …
E196 Et après la troisième tu es venue
I196Et après la troisième, je suis venue mais, j’ai eu mon rêve à huit ans, à peu près, environ vers huit ans et de …
en quelle classe que j’étais ? je sais même plus … on va dire en primaire, jusqu’à la rentrée de collège … De huit
ans jusqu’à la rentrée de collège, j’avais un peu zappé parce que ils te demandent, en CM2 qu’est-ce tu veux faire
plus tard …
E197 Oui
I197 J’ai un peu zappé, j’ai hésité … coiffure …serveuse, enfin, je savais pas encore serveuse, j’ai dit coiffure,
banque …
E198 Y’avait plein d’idées, mais toujours dans les métiers de … en contact
I198 Ouais : Coiffure, contact client, banque contact client … Toujours avec les clients quoi ! Et sans le faire
exprès !
E199 Oui, après si tu continues pas en cuisine, tu peux trouver un autre métier comme ça
I199 Ouais, ouais, j’ai trouvé … mais je suis pas, je suis pas sûre, j’hésite donc j’en parle pas pour l’instant, je sais
pas, je verrai bien comme ça viendra.
E200 Et puis, tu peux peut-être continuer en service un petit peu aussi quand même
I200 Ouais, bah là il me faut des sous, donc, je vais continuer
E201 Ils, ils te gardent là où tu es ?
I201 Non, mais j’ai fait un dossier en marquant que je finis mon apprentissage, que je cherche un employeur, que …
E202 D’accord
I202 Enfin comme dans Pôle Emploi, c’est pas ça, c’est un autre truc, à C.
E203 A la mission locale peut-être ?
I203 Ouais, à la mission locale ! J’ai déjà fait mon dossier, j’attends une réponse. Je leur ai expliqué par téléphone,
ils m’ont dit oui et ils m’ont dit, ils vont m’envoyer un document pour tout inscrire dessus, j’attends le document
E204 Oui
I204 Par contre, ils savent qu’est-ce que je veux faire, qu’est-ce que j’ai fait, donc j’attends
E205 Oui
I205 Si ils ont trouvé dans la restauration, ils me placent dedans, si ils ont pas trouvé, bon bah tant pis, je fais une
autre formation pis … je verrais bien !
E206 C’est intéressant ce que tu me dis mais il faut qu’on finisse ce service !
I206 Et donc bah après, ils ont fini les desserts … Je me suis excusée auprès du client, j’apporte les cafés parce que
pendant que je débarrasse, la collègue elle vient, elle me demande si elle fait couler les cafés, quoi. Parce qu’elle me
regarde en même temps …
E207 Toujours les regards ...
I207 Tout le monde se regarde, tout le monde regarde tout heu, c’est la vue, en fait … Et, comment, elle vient me
voir quand elle voit que je débarrasse, elle vient me voir, elle me demande si elle fait couler le café. Soit je lui dit
oui, soit je lui dis non, ça dépend mais là, je lui dit oui pour le groupe. Donc elle a fait couler le café et pis dès qu’ils
étaient prêts … Parce que elle fait couler par plateau, en fait
E208 Oui
I208 Alors si un plateau il était prêt, je le prenais, j’allais servir les clients
E209 Tu a combien de cafés sur un plateau, là ?
I209 Trois ... Six, six, neuf ... Douze. Parce que on peut en metttre plus, on peut en mettre trois de plus mais c’est
risqué !
E210 Oui !
I210 Donc moi, j’en prends que douze ou des fois … dix, enfin, suivant heu, comment j’ai de force. Si j’ai encore
assez de force, j’en prends douze
E211 Oui, parce que en fin de service, tu te sens un peu … T’as plus de bras ?
I211 Oui, j’ai plus de bras ! Plus de pieds ! Plus de tête ! Crevée !
E212 Oui, là c’est la période, là, c’est pour ça que c’est la partie critique. Quand tu disais, souvent y’a des
problèmes, c’est peut-être parce que toi tu es plus …
I212 Ouais, je suis plus fatiguée, je suis pas très très bien … Et donc, j’apporte un plateau, toujours sur le meuble,
par contre, je le ramène au bar, après
E213 D’accord, il va pas sur la pile, celui là
I213 Donc celui là, je le ramène au bar pour que, eux, ils s’en servent pour les autres cafés, en fait
E214 Oui
I214 Pour faire les autres sous tasses parce qu’en général ...
E215 C’est pas les mêmes plateaux ou … ?
I215 Si, si, c’est les mêmes mais après, ceux que nous on prend, c’est des qui tiennent la route, que les verres ils
glissent pas sur le plateau. Que là, c’est des sous tasses, c’est assez gros, ça tient.
E216 Oui,oui
I216 Ca bouge pas. Donc c’est pour ça, c’est une question de plateau …
E217 Vous faites attention à ça ?
113
I217 Oui, même si on en prend un, tant pis, il glisse, il glisse, on fait plus attention quoi. Celui-là, il retourne au bar,
ils remettent des sous tasses
E218 D’accord
I218 En général, c’est déjà prêt, les sous tasses
E219 Bah oui, c’est ce que tu m’avais dit, quand tu prends la commande des …
I219 On les fait à onze heures
E220 Ah ?
I220 Bah, les plateaux, en fait, dessous de tasse avec le sucre et le chocolat, on les fait vers dix heures, un truc
comme ça
E221 D ’accord
I221 mais, là, vu que y’avait du monde, y’avait plus de plateaux
E222 D’ accord
I222 Si y’en a plus, on les fait quand on prend la commande des cafés et des desserts … Donc, là, ils en ont refait,
donc j’ai servi heu … y’avait deux plateaux de cafés, parce qu’il y en a toujours qui veulent des décas, des thés …
E223 Donc, là, toujours pareil, tu repères qui …
I223 Oui, je repère … Ben le papy et la mamy, le papy il avait pris un déca, il a dit : « je vais faire la sieste après »
donc …il pouvait, c’était un retraité ! Mais les autres ils repartaient travailler, je sais pas quoi, donc … Le monsieur,
il a pris un déca et la mamy, elle à pris un thé varié, enfin c’est comme ça qu’on le tape, c’est citron …citron avec du
tilleul ou un truc comme ça …
E224 D’accord
I224 On n’en a que deux sortes en fait : soit tisane, soit thé
E225 Oui
I225 j’ai juste demandé “noir ?” ou “fruit ?”. Et là, c’était citron-tilleul… Et donc, voilà, sur le deuxième plateau,
c’est obligé, bah, là, y’avait le thé, la tasse avec la theïère, y’avait, bah, le déca. Pour différencier le déca, en fait,
c’est au niveau du sucre, le sucre, on le met sur la petite cuillère
E226 Oui
I226 Et quand on le met pas sur la petite cuillère, c’est que c’est le déca. Ou on retourne la petite cuillère
E227 Oui, il faut un petit repère …
I227 Nous, c’est le sucre, quand on a le temps, c’est le sucre. Donc bah là, on envoie les cafés et heu, c’est pas eux
qui vont se déplacer pour payer, c’est nous qu’allons nous déplacer
E228 D’accord
I228 Parce que en général, c’est eux qui vont à la caisse et là non … En fait, on prend le bon qu’on a laissé sur la
table avec le repas, parce que les desserts et les fromages, c’est pas marqué comme on fait au CFA. Au CFA on lui
note, que là on lui note pas parce que c’est d’office. Et heu, donc on passe près des personnes et heu ma collègue en
général c’est elle qui s’en occupe, parce que c’est elle qu’était au bar, qui faisait les encaissements parce qu’il était
pas là le patron. Donc, je fais « tu fais comment pour demander , ». Parce que ça dépend des groupes en fait
E229 Oui
I229 Y’a des groupes, on hurle, on demande …
E230 On passe …
I230 On passe, puis on divise tout en fait. Et là, bah, c’est elle qu’est venue, j’ai hurlé en même temps qu’elle …
enfin hurlé, parlé fort on va dire parce qu’elle demandait : « pour le règlement, comment qu’on fait ? », c’est la
phrase …
E231 Oui, la phrase habituelle …
I231 Oui, c’est la phrase habituelle, ça a toujours été et donc là personne écoutait au début et moi je faisais le tour
pendant que elle, elle demandait. Je fais « excusez-moi, pour le règlement, on fait comment ? », je passais et puis, de
plus en plus fort et au bout d’un moment quand j’ai fait le tour de la table, je revenais vers elle et pis bah, soit ils ont
répondu et … si ils ont pas répondu, tant pis, on calcule tout et pis on divise par le nombre de personnes
E232 Donc, là, ils avaient répondu ?
I232 Oui, ils avaient répondu ... Par contre, c’était vachement compliqué parce que y’a le papy, la mamy y
prenaient trois repas et ils sont que deux, ils prenaient le repas du voisin … et pareil en consommations, y’en a ils
ont pas pris d’apéritifs, ils ont pris du vin, y’en a ils ont pris du vin et de l’apéritif, y’en a ils ont rien pris du tout, à
part le menu et un café.
E233 Comment tu fais alors ?
I233 On demande, à moins, sauf, si on a mémorisé la personne . Mettons, comme une femme qui va prendre un kir,
qu’a pris des fruits, on sait très bien quelle va payer son kir et ses fruits
E234 Hum
I234 C’est heu … A moins que quelqu’un d’autre paie à sa place, mais on saura que elle …
E235 Et après, vous récapitulez ?
I235 Oui, on note. On note soit au dos, soit sur une autre feuille et pis après, ceux qui veulent payer tout de suite, on
leur apporte à table, ceux qui veulent attendre, ils viennent au bar
E236 Donc là, ils peuvent venir
114
I236 Oui, là, ils peuvent venir mais avant, on demande, quand ils sont installés, au lieu qu’ils viennent tous un par
un ... Après on s’en sort plus. Là on demande, on est sûr, on prépare, pis on demande si ils veulent une fiche avec la
TVA marquée dessus ou pas … Donc c’est pour ça qu’on passe sur la table.
E237 D’accord
I237 Et bah là, ils sont tous passés, y’a juste le papy et la mamy, parce que eux ils sont passés par la petite porte,
parce que y’a deux entrée en fait : la grande salle y’a une porte, les autres salles y’a une autre porte. Et le papy, la
mamy, je leur ai fait la fiche avec le montant à payer, je leur ai posée sur une coupelle devant eux, en fait. Pis ils ont
payé, ils ont laissé l’argent dedans, moi je l’ai pris, je l’ai emmené en caisse pis bah après, ils sont partis. J’ai
débarrassé … Donc, avec mes fameux plateaux que j’ai mis sur le côté
E238 D’accord, pratique !
I238 Donc, ben moi, j’ai une organisation, c’est de mettre tous les verres ensemble
E239 Oui
I239 Admettons, tous les petits verres, si ils ont pris l’apéritif, tous les verres apéritifs, sur le même plateau, sauf si
j’ai plus de place, ce qui est pas arrivé, à part pour les cafés et heu … tous les verres apéritif, je les mets sur le même
plateau, j’ai emmené au bar ou on peut prendre le chariot, aussi, mettre dessus mais moi, je m’en sers pas, c’est un
grand chariot, y’a trois rayons, moi je m’en sers pas, j’aime pas …
E240 Oui, ça te …
I240 J’ai peur que ça tombe et puis j’ai toujours peur qui y’ait un client qui passe devant
E241Qu’est-ce que ça fait si un client passe devant ?
I241 ben, si il passe devant et que moi j’ai pas le temps d’arrêter parce que, si je m’arrête, ça fait comme ça (geste)
et pis ça tombe …
E242 Tu gères mieux avec le plateau
I242 Je gère mieux avec le plateau parce que je peux, je peux au moins contourner le client, je peux soit repasser
dans les rayons, soit … enfin entre les tables que là, avec le chariot, on peut pas. Donc, oui, c’est le plateau, direct !
Et donc, bah là, j’allais débarrasser tous les apéritifs, les verres apéritifs, ensuite j’ai débarrassé tous les verres
normaux, les verres à vin : parce que quand c’est comme ça, ils ont qu’un verre sur la table … Donc si vraiment ils
veulent changer de verre, ils nous demandent mais là ils ont pas demandé, donc … tous les verres sur le même
plateau, les tasses à café sur un plateau et vu qu’y en avait pas beaucoup, enfin, y’en a mais on les empile, en fait
E243 Oui, ça prend moins de place
I243 Ca prend moins de place et les sous tasses, pareil, donc on met toutes les tasses, toutes les sous tasses sur le
même plateau. Quand il y a de la place, on met les carafes d’eau ou les bouteilles selon ce qu’ils ont pris. Là ils
avaient les deux, donc … Le premier, c’est les bouteilles d’eau, parce que c’est plus léger, on peut les compacter et
mettre d’autres bouteilles
E244 D’accord
I244 Donc, c’est plus simple, c’est une organisation
E245 Donc, c’est une habitude, aussi
I245 Donc ouais, c’est une habitude et heu … enfin, et heu, comment, on a quoi, aussi ? On a les sets de table et les
serviettes, c’est ce qu’on met comme d’habitude. Hop, on les prend, en fait, on les prend comme des feuilles, pis on
les entasse
E246 Ouais
I246 Pis on les roule
E247 D’accord
I247 Pis hop, ça va poubelle. Ensuite heu, bah si il reste heu, on a des petits pics, comment, comment dire ? Avec la
cuisson pour les viandes …
E248 Ouais …
I248 Comme bleu, saignant, à point. Pour « bleu », c’est une vache bleue et pis c’est marqué, pour « saignant »,
c’est un pic …comme un cure-dents, mais en forme de vache, de la couleur rouge, « à point », il est marron, c’est la
même forme que pour saignant…
E249 C’est des choses que vous gardez, ça ?
I249 Ben, y’a que saignant et à point qu’on garde, bien cuit et bleu, on jette. C’est un truc, vu que ça coûte cher,
enfin, ça coûte cher, d’après le patron
E250 Oui, il a donné des consignes …
I250 Il dit : « si on peut les garder, on les garde », si ils sont cassés, on les garde pas. Parce que après, nous on les
passe en plonge, on les nettoie et pis on les redonne en cuisine. En général, il en reste toujours donc bah nous on
repasse derrière, si ils sont emballés dans les sets de table, on le dit à la plongeuse et pis elle regardera, ça la dérange
pas, donc
E251 Et c’est plus pratique pour vous de faire comme ça
I251 Oui. On enroule tout, on le met sur le plateau, donc, sur un autre plateau et on lui emmène en plonge et elle
après, elle peut en ouvrir, un par un et ça évite qu’elle en mette partout, que ça fasse trop le chantier et qu’elle soit
débordée, tout ça ... On s’arrange, si on voit qu’elle a pas le temps, on le fait, pis si on en jette, ben, tant pis.
E252 Oui, c’est du travail d’équipe, aussi
115
I252 Ouais, et pis, comment, après bah heu, y’en a une, bah, là, moi, c’est ma collègue qu’est venue, elle a passé un
coup de lavette sur mes tables, moi, j’ai monté toutes les chaises et après ben on a éteint la lumière, on a fini de
servir les autres clients
E253 Oui, il y avait encore du monde à finir de servir
I253 Oui, bah, y’en avait plus très …Ils étaient, quoi, une vingtaine, on les sert quand même, et pis dès qu’ils
commencent à partir, que le fond est vide, donc, toute la grande salle plus la limite des toilettes, on va dire : y’a le
rideau, y’a les autres tables et y’a la porte des toilettes. Dès que c’est possible, ben nous on passe, enfin, on regarde,
dès qu’on voit qu’ils ont bientôt fini ou qu’ils ont fini, on leur demande de partir ou de se dépêcher parce qu’on va
fermer
E254 Oui, ça va être le fin du service
I254 Oui, en général, quand on leur demande ça, il est trois heures moins le quart et le service il fini à trois heures
…Même si ils finissent à trois heures, c’est pas grave mais qu’on les ai au moins prévenus …
E255 Bien sûr
I255 Pas les virer comme ça ! leur dire, admettons si ils sont au plat, leur dire : « on s’excuse, on va balayer, on va
vous laisser la table là ». Vu que c’est des tables de quatre, on leur laisse, si ils sont au milieu, on leur laisse un
carré, donc admettons, là, eux ils sont au bout (geste), donc, ils sont face à face, on va leur laisser les deux là (geste)
et pis les quatre autres chaises qui sont à côté, on les remonte
E256 D’accord
I256 Comme ça, eux, ils ont la table à eux tout seuls et pis, si par exemple, ils sont au milieu, ils sont de ce côté-là,
pis y’a encore l’autre table, on les monte, que ceux de l’extrémité, en fait
E257 Pour pas les gêner non plus …
I257 pour pas les déranger, pour pas qu’il aient la saleté dans leurs assiettes, enfin tout ça ...
E258 Oui
I258 C’est tout réglementé, en fait
E259 Alors comment tu le connais ce règlement ?
I259 C’est grâce aux collègues parce que, c’est pas écrit mais c’est transmis
E260 D’accord !
I260 C’est, les nouveaux arrivants, ils savent, on les met au courant, directement en fait, et pis c’est en voyant faire
aussi, quand on … moi, je vois, j’ai appris en, bah, déjà, ils m’ont dit, et, en les voyant faire chaque jour
E261 Hum
I261 Et pis, comment, après, j’ai commencé à balayer et c’est tout le temps embêtant de balayer parce que en fait,
j’ai une collègue, elle se faufile pour pas faire le ménage
E262 Ah oui
I262 Elle a quand même trente ans de métier ou quarante, je sais plus, enfin elle a une paire d’années dans le métier.
Elle a 45, 46 ans, cette année et heu, depuis l’âge de 19 ans … elle a quand même une paire d’années !
E263 Oui, oui, oui
I263 A chaque fois qu’elle voit qu’on fait le ménage, elle se faufile : soit elle va derrière le bar pour essuyer les
verres,
E264 D’accord
I264 Ca a toujours été depuis que je suis là, c’est moi et puis mon maître d’apprentissage, donc L., qui font le
ménage. Et quand elle est pas là, c’est moi qui me tape le ménage, toute seule ! Dans toutes les salles !
E265 Ah oui, ça fait beaucoup !
I265 C’est ... Ouais !
E266 Et, je reviens juste sur une étape … Quand les gens ils sont en train de payer …le départ, comment tu …
comment tu fais ?
I266 Bah en fait, dès qu’ils ont, vu qu’ils passent en caisse, bah, sauf ceux qui paient à table, je reste à côté d’eux, je
discute, je leur demande si ça allait, si j’ai pas été trop longue ou trop vite… Si au niveau du brouhaha qui y’a de
l’autre côté, ça les a pas trop gêné
E267 Donc là, tu leur a posé ces questions, à ce groupe là ?
I267 Oui, c’est après – parce que monsieur L (formateur), il le fait pendant et à chaque assiette, il demande si ça va
…
E268 Oui
I268 Que moi, c’est à la fin, dès qu’ils ont terminé : si ça a été, si c’était pas trop long, c’est pour les occuper un peu,
le temps que les autre arrivent
E269 Oui, oui …
I269 Tant que les autres payent. Ben, au bout d’un moment, qu’en ils partent, bah, là ils sont partis deux par deux,
enfin en groupe, en fait. Le papy et la mamy, ils ont déposé les sous, ils sont partis … les autres ils sont partis, trois
dans une voiture, ils ont payé les premiers. Donc, vu qu’ils passent au bar après, donc, moi je les rejoins au bar, je
leur dis : « ben merci, bonne route, bonne journée » enfin, ça dépend … là, je disais « bon après-midi et à la
prochaine ». Et puis, hop, dès que j’avais dit mes trois mots, hop, j’allais …
E270 Voilà, t’avais d’autres occupations
I270 Oui, le temps qu’ils partaient, moi, je débarrassais. Fallait que j’attende qu’ils soient partis pour débarrasser …
Pis ben, c’est tout, après on lave, enfin, on balaie, on lave … Pis après, c’est la pause.
116
Entretien d’explicitation
SR 3
(Entretien n°3
Service en restauration)
E1 Alors, de quelle situation professionnelle tu veux bien me parler ?
I1 Faut que ça soit bien, pas bien ou peu importe ?
E2 Comme tu veux si ...
I2 Y’en a UNE que je me rappellerai toujours … ça m’a choquée
E3 Oui...
I3 C’est, j’avais un client, donc, on avait beaucoup de couverts, avec un, avec des effectifs réduits
E4 Alors, à l’époque tu étais où ?
I4 Ah, en salle
E5 Oui mais au grand …
I5 J’étais en apprentissage non à SD, à l’hôtel L, et je faisais mon apprentissage en salle
E6 Oui ... C’était un BP ? (Brevet Professionnel)
I6 Oui, voilà, c’était pendant mon BP… Du coup, on avait beaucoup de monde au restaurant, c’était une journée heu
… Et ensuite, on sert un client, donc on lui rapporte tout, tout ce qu’il nous demande, on prend la commande
E7 Tu, tu te souviens de ce client ? Tu te souviens comment il était ?
I7 Ouais, quand même : Assez âgé, assez costaud puis pas de bonne humeur ! Oh, lala quand il est arrivé …
E8 Il était tout seul ?
I8 Oui, tout seul. Alors on l’installe, on le fait patienter un peu avec l’apéritif, parce que on avait beaucoup de
monde, donc on prenait les commandes
E9 Tu dis « on », Parce que vous êtes plusieurs ?
I9 On est plusieurs à, à le tourner, on n’a pas de rang défini, on n’a pas de table
E10 D’accord
I10 On tourne tout dépend du travail qu’on a. Donc, je m’en occupe, je prends sa commande, je l’emmène en cuisine
… Et il se plaignait à chaque truc qu’on lui apportait, il se plaignait !
E11 D’accord, alors si tu veux, on va reprendre vraiment au fur et à mesure et essayer de détailler, donc, la
description. Tu peux essayer de revoir la, la scène ? Il arrive, tu te revois : où tu étais dans cette salle ?
I11 Oui, dans le hall, donc on accueille, à ce moment là c’était encore les coins fumeurs /non fumeurs
E12 Oui, d’accord
I12 Donc on lui demande si il préfère être en fumeur ou non fumeur, comme ça on lui donne des salles différentes
… Donc il nous dit non fumeur, on le met en salle non fumeur, je l’installe. Déjà, il avait du mal à dire bonjour, déjà
E13 Lui avait du mal à dire bonjour …
I13 Ouais, du coup, on l’installe, je lui propose l’apéritif
E14 Qu’est-ce que tu te dis, comme ça quand t’as quelqu’un qu’à du mal à dire bonjour ?
I14 Ah, ben mal, hein ! C’est pas méchant de dire bonjour ! C’est la politesse ! Nous on lui dit, il nous répond même
pas, alors on se dit : « ça commence déjà bien ! »
E15 Ouais
I15 Du coup, après on l’installe, on lui propose l’apéritif, il prend l’apéritif … Donc on le fait patienter un peu parce
qu’on avait d’autres clients, donc, avant de prendre la commande, on prend déjà les premiers arrivés … premiers
servis, comme on dit
E16 D’accord
I16 Du coup, donc y patiente, donc y commence à m’appeler, donc j’dis « bon je vais y aller prendre sa commande »
Parce qu’il nous dit qu’il est assez pressé, donc je lui prend sa commande et je vais dire en cuisine « il est assez
pressé le monsieur »
E17 D’accord, ça c’est habituel ?
I17 Oui, qu’ils soient pressés, oui parce qu’il y a des gens qui travaillent en même temps, ils ont une heure pour
manger, ils viennent
E18 C’est habituel de dire en cuisine ?
I18 Voilà ! C’est assez rapide, comme ça eux ils passent avant les autres par exemple si ils sont vraiment pressés
E19 Et alors, il avait pris un menu, il avait pris quoi ?
I19 Non, juste un plat
E20 D’accord, il était …
I20 Vraiment pressé mais vraiment pressé jusqu’à temps qu’il était chiant parce que on lui apporte le plat, il se
plaignait comme quoi que c’est pas ce qu’il voulait !
E21 Alors tu te souviens de ce qu’il avait commandé ?
117
I21 Il avait pris une pièce de bœuf, mais la cuisson ça lui plaisait pas donc je retourne, je lui dis faudra le faire un
peu moins ou un peu plus, si je sais plus ce que c’était. Donc, on lui recommence une assiette
E22 Oui
I22 Il est toujours en train de se plaindre et tout … il dit « oh la sauce elle est pas bonne ! ». On a jamais eu de
problème avec cette sauce, on la fait tous les jours !
E23 D’accord
I23 Et, en fait, il était toujours en train de se plaindre
E24 Alors, il commence à se plaindre, si on reprend : donc, tu lui apportes son, son …
I24 Son assiette
E25 Toi, qu’est-ce que tu fais, une fois que tu as déposée son assiette, tu repars …?
I25 Oui, je lui apporte le pain et je repars vers d’autres clients pour servir d’autres clients
E26 Voilà, j’imagine et, tu gardes, comment tu fais quand tu as commencé à servir un client et que tu vas en servir
d’autres, qu’est-ce que tu regardes, comment tu fais pour savoir où t’en es ?
I26 Déjà, je regarde, bah pour le pain, je regarde si ils en ont, pis pour les boissons pareil. On regarde et pis si y’en a
plus, on repropose, on en remet
E27 Et donc là, c’est lui qui t’appelle
I27 Ben là, pour la commande oui, il fait un signe, il lève le bras et du coup donc j’y vais parce que, je savais pas
qu’au départ quand il est rentré qu’il était pressé, il nous l’avait pas dit
E28 Ah, oui, donc déjà, il a dû t’appeler pour la commande
I28 Voilà, pour la commande, il dit : “Oh, c’est pas normal qu’on vous appelle pour prendre la commande », alors
j’dis : « ben, désolée, msieur, désolée, on a les deux salles qui sont complets, on peut, on est trois en salle, on peut
pas … »
E29 C’était un midi, un soir ?
I29 Un midi, ouais. On peut pas être un peu heu …
E30 Y’a combien de couverts à peu près ?
I30 On peut accueillir, dans la grande heu, une quarantaine de couverts et dans l’autre une vingtaine
E31 Et vous êtes combien pour ...
I31 On est trois, on était trois ce jour là
E32 Oui, y’avait de quoi faire
I32 Oui, ce jour là, on courait, je m’en rappellerai ! et du coup, j’y dis : « désolée, on a un petit peu de monde, donc,
ben je m’occupe de vous ». Donc je m’occupe de lui et …
E33 Et toi qu’est-ce que tu te dis quand t’as des gens qui commencent comme ça
I33 Ah, tu te dis heu, si ils commencent déjà à râler ! On est mal partie pour toute la journée
E34 Et alors, tu fais particulièrement attention ou ?
I34 Ben tu te dis, il a l’air d’être quand même heu, c’est, faut prendre vraiment attention parce qu’il y en a qui sont
… Donc tu te dis heu, on va faire attention quand même mais …
E35 Alors, quand tu fais attention, tu fais, tu fais quoi ?
I35 Ben on guette plus sa table que les autres !
E36 Ouais
I36 Par exemple, ouais
E37 Donc, quand tu le guettes, tu le regardes ...
I37 Je regarde vraiment la table, voir si y manque rien parce que sinon y va ...
E38 Tu le regardes lui
I38 Ben ouais, lui ouais. Après il nous a dit : »oui, vous regardez les gens », ben, on peut pas faire autrement !
E39 Il n’était pas content parce que ça n’allait pas assez vite, pas content parce que tu le regardes
I39 Nous, on dit : “désolée, on peut pas faire autrement, monsieur hein »
E40 Hum
I40 « Si y faut qu’on regarde sur la table si ils vous manque du pain, on est obligé de vous regarder hein »
E41Hum, hum
I41 et là, alors on rigolait avec mes collègues parce qu’on se disait « ça y est encore un qui … »
E42 D’accord, ça arrive souvent et ...
I42 C’est les gens, ils croient qu’ils sont chez eux en fait donc ils veulent leur intimité mais ! Ou qu’il y a trop de
bruit aussi dans la salle, ben, on est 50 dedans hein, on n’est pas tout seul !
E43 Oui, oui
I43 Si y veut tranquille, il vient le soir, oui, là le soir, c’est plus tranquille
E44 Et ,est-ce que ça tu peux le dire, par exemple ?
I44 Ah, non, non, je le disais pas, je le pensais. Je le pensais. Mais après quand il commençait à dire « la sauce , elle
m’ plaît pas », j’dis « bah monsieur heu, on peut pas heu, on peut rien faire d’autre, on vous a tout ramené, on a
refait une assiette, on a tout refait, on peut pas encore … C’est de la nourriture qu’on gâche quoi !
E45 Bah oui, oui, oui
I45 Parce qu’en plus lui, on l’avait facturé qu’un plat, on l’a pas facturé la deuxième, parce que c’est vrai que des
fois ça peut ne pas convenir, on le ramène …
E46 Bien sûr
118
I46 Mais là, au bout de trois, on se dit, on peut pas ... « soit vous en revoulez un autre chose et on vous le facture,
soit … »
E47 Hum
I47 Ah il était pas content !
E48 Il était pas content
I48 « je reviendrais pas » qu’il nous dit. Je dis « désolée, monsieur, mais on peut pas faire mieux hein »
E49 Hum … Et est-ce que il a tout mangé ?
I49 Non
E50 Donc, oui, c’est intéressant ça, de parler d’une situation avec un client désagréable, c’est, c’est plus difficile !
I50 Ouais ! A gérer, oui.
E51 Alors …
I51 Parce qu’en plus, il n’hésite pas a te le dire franchement devant les autres clients donc ils sont pas loin …
E52 Ah, oui, donc, alors, qu’est ce que tu penses toi par rapport aux autres clients ?
I52 Bah tu te dis, ça y est, les clients y vont croire que tu sais pas faire ton boulot, en fait
E53 Oui, et alors après heu ... ça ?
I53 Bah après les clients y me disent « Ah la vache, il est pas très gentil avec vous »
E54 Donc finalement ...
I54 Ouais, ça va …ils étaient pas … Oui, je dis : « y’a des gens qui sont pas très aimables »
E55 Et, heu, comment tu sais agir avec les gens pas agréables ?
I55 Ben, au début, ça va mais il faut pas que ça s’amplifie, parce que quand ça s’amplifie, moi je passe le relais
parce que y’a un coup, ça m’est arrivé
E56 Oui, c’est ta technique, tu passes le relais si tu sens que tu peux plus …
I56 Si je peux plus et que je vais lui dire en face ce que je pense, je préfère passer le relai, je dis « attendez, ma
collègue va s’occuper de vous »
E57 Et, heu, est-ce que tu as déjà observé des collègues qui, qui au contraire, savent très très bien gérer les situations
...?
I57 Oui, une collègue elle sait super bien elle, elle réagit super bien
E58 Comment elle fait alors ?
I58 Je sais pas !
E59 Ah, tu sais pas
I59 Je sais pas du tout, elle a un truc
E60 Mais quand tu la regardes ou quand tu l’entends, aussi ... enfin même si tu fais ton travail, tu dois …
I60 Je me dis qu’elle, ah bah, elle ça fait quand même plus de dix ans qu’elle travaille dedans donc elle a déjà
l’expérience et puis elle en déjà vu pas mal qui défilent pareil et je pense qu’elle a moins de, qu’elle se dit « bon,
c’est le boulot quoi »
E61 Ah oui, et ça toi tu peux pas te le dire toi ?
I61 Moi, je pourrais pas ! Ah, je crois pas ! Quand ça, au début, ça va, tu te dis « c’est le boulot » mais quand ça
amplifie, ça amplifie, tu te dis et pis après il repart vraiment sur nous quoi, parce qu’après, il dit « ouais, vous êtes,
vous faites pas ci, vous faites pas ça ! », bah on lui dit, « monsieur, on fait ce qu’on peut »
E62 Alors là, c’est le point sensible ?
I62 Là, ça nous attaque nous alors que c’est pas notre ...
E63 Mais sinon, à un moment donné, t’arrive à dire « c’est le boulot, c’est le boulot »
I63 Voilà
E64 Ca veut dire quoi, c’est le boulot ?
I64 Que on s’en fout, que quand on quitte l’établissement … Moi, j’oublie, après. Dès que j’ai quitté
l’établissement, ça y est, je suis plus au boulot, on peut pas être tout le temps au boulot
E65 D’accord, mais t’as quand même envie que ça se passe bien
I65 Je préfère quand ça se passe super bien même ! Parce que sinon, c’est chiant !
E66 Donc, la t’es en train de me dire qu’il faut de l’expérience pour ça
I66 Voilà, plus on a de l’expérience, plus on arrive à gérer ces choses là, parce que
E67 Ca aurait été intéressant de demander à cette collègue justement qu’est-ce qu’ elle pensait vraiment parce que
peut-être qu’elle est aussi très très énervée mais que …
I67 Mais qu’elle arrive ... Je sais pas comment elle fait ?
E68 Il faudrait regarder plus précisément, enfin t’es plus auprès de cette collègue là mais ...
I68 Mais je les vois de temps en temps, quand même parce que je vais dépanner les week-ends, quand il faut, dans
l’établissement donc …
E69 Donc tu es polyvalente, tu fais, tu fais les deux
I69 Ouais, en ce moment, je fais la semaine au G à C et le week-end à S
E70 Et ben dis donc !
I70 Oui, parce qu’en plus y’a un groupe, le groupe de F, donc, on peut bouger dans les établissements quand il faut
quoi
119
E70 D’accord …Alors, si on revient à ce monsieur, il te fait changer le plat une première fois, après la sauce, ça ne
va pas … Comment tu fais peut-être à ce moment là pour gérer les relations avec la cuisine parce que peut-être qu’à
un moment donné, ils en ont marre aussi ?
I70 Ouais, je lui dit, “il s’est encore plaint” alors lui, j’avais un chef, il, il montait au quart de tour, je pense que
c’était son origine, il était … brésilien ! Alors il commence à dire « oh, il me fait chier ! j’en ai marre ! Il est pas
content, j’ai jamais eu de problème avec ma sauce ! ». Moi je dis, « je te fais juste la commission hein ! ». Non, mais
après, c’est vrai que les gens ils commencent à se plaindre, quand ils se plaignent de trop, il va même voir des fois
les clients.
E71 D’accord
I71 Qu’il aille vraiment lui expliquer ce que c’est, parce que des fois ils pensent que c’est une sauce comme ça pis
en fait ils fond pas …
E72 Oui, c’est peut-être un problème de compréhension. Et toi, t’as été amenée avec ce monsieur là à expliquer que
la sauce elle était faite comme ci ou comme ça ?
I72 Non, on a laissé tomber, je lui ai ramené la facture et pis voilà
E73 C’était pas la peine d’accord. Donc finalement, il a vraiment mangé vite qu’en même ?
I73 Bah, ouais, heu vite, à force de changer, non, mais sinon …
E74 Donc après, il a pris, il a pris quand même un dessert, il a pris … ?
I74 heu, non, il avait pas pris de dessert, il avait juste pris le plat … donc avec du vin
E75 Donc là après, tu termines ton service avec lui, ça se passe comment ,
I75 Bah, après, c’est heu, tout juste « au revoir » qu’il dit hein
E76 Hum
I76 C’est comme le « bonjour » hein, il a eu du mal. Et là, le « au revoir » hein, avec le service qu’on a eu ! il nous a
dit « ah, vous étiez pas aimable, le service était pas très rapide »
E77 Il a continué jusqu’au bout à ...
I77 A critiquer, oui
E78 Donc toi, tu lui a quand même dit « au revoir » aimablement
I78 Ah bah oui !
E79 Et puis c’est après tu en parles avec les collègues ?
I79 Ben après, on a rigolé, on dit « oh la la, si on en a encore un d’autre comme ça demain, on va rigoler !“
E80 Et, quelque part, tu les vois arriver les gens comme ça, tu ...?
I80 Ben certains oui
E81 A quoi tu les repères ?
I81 Ben déjà à comment ils arrivent en fait. Quand ils arrivent soit à plusieurs et là tu te dis „ça y est ils vont chacun
avoir leur exigence“; Mais sinon, c’est leur façon d’être.
E82 Oui, alors, qu’est-ce que tu vois ?
I82 Ben déjà quand tu leur dis bonjour qu’ils ont à peine répondu, ça, tu le sais déjà ...
E83 Oui, premier indice
I83 Ensuite, c’est, quand tu les installes, ils sont déjà là, hésitants : „on peut pas se mettre ailleurs ?“ ... Nous on dit
oui, c’est pas grave, une table ou une autre ... Mais du coup tu te dis, ça va être déjà chaud
E84 Oui
I84 Oui, quand ils ont des exigences un peu plus sérieux que les autres clients
E85 Et ils sont plus difficiles à servir alors ?
I85 Oui, plus difficiles
E86 Ca te demande plus d’attention ?
I86 D’attention voilà
E87 OK ... Alors, je sais pas avec un client avec qui ça se passe bien au contraire, qu’est-ce que ... Qu’est-ce qui fait
que ça se passe bien ? Pour toi ?
I87 ...
E88 Qu’est-ce qui fait que tu es contente du service que tu as fait ?
I88 Ben, quand les clients remercient du service, qu’ils sont contents de ... Ca, c’est super sympa, ça ... Quand ils
nous félicitent aussi parce que y’en a des habitués, ils viennent tous les jours, ils discutent avec toi, y’a pas de
problème à ... Tu parles de tout, de rien
E89 Oui, tu aimes bien communiquer avec les gens
I89 Oui, c’est ça la base, le service hein. Parce qu’en plus, quand ils sont aimables, tu parles de tout, de rien, de la
journée, ils vont pas ...
E90 Oui, finalement, toi, puisque tu as le choix maintenant entre la salle et la cuisine, tu commences à avoir des
préférences ou ...
I90 Je commence à préférer la cuisine, oui ! Maintenant que j’y suis !
E91 Ah oui, quand même
I91 Ouais ! Mais bon, j’aime bien aussi la salle, y’a pas de ... J’arrêterai pas la salle, parce que j’adore mais heu, je
commence à ...
E92 Et heu ... Qu’est ce que t’as appris en formation, on va dire, qui t’aide dans ta pratique en salle et dans ta
manière d’être avec les gens ?
120
I92 ...
E93 Est-ce qu’il y a quelque chose que tu as appris ?
I93 Etre respectueuse, ne pas être impulsive, ça c’est ...
E94 Oui, vraiment ?
I94 Oui, ça c’est ...ça, ça a une valeur
E95 Et comment on t’as appris ça ?
I95 Bah déjà, je l’ai fait en apprentissage, donc c’était plus simple parce que vu qu’en pratique, on a des clients de
l’extérieur. Donc, ne pas, essayer de se retenir, de pas parler, de pas être vite fait heu sur le client quoi !
E96 Ouais, ça a mis du temps ça ?
I96 Ouais, quand même. Mais je pense que ça met moins de temps en apprentissage qu’en lycée profesionnel quand
même
E97 Oui
I97 Parce que on a beaucoup plus de pratique devant les clients, qu’on se dit „faut se retenir, faut pas ...“
E98 Et t’as des gens qui te disaient, et en entreprise et au CFA, qui te donnaient leur avis sur ce que tu faisais, enfin
qui, qui t’observaient finalement ?
I98 J’ai pas compris là !
E99 Pardon ! Tu dis „il faut se retenir, et ça je l’ai appris au CFA“
I99 Oui, au CFA
E100 Et en entreprise aussi ?
I100 Et en entreprise aussi avec mes collègues qui me disent „lève le pied parce que sinon tu ...“
E101 Voilà ! et ça c’est important d’avoir ça ?
I101 Oui, d’avoir quelqu’un qui soit derrière pour dire „attention, bah là tu vas partir quoi“. Parce que maintenant
quand je vois là, on a les stagiaires, y partent au quart de tour, on se dit „doucement !“. et eux, vu qui sont là à
l’école professionnelle, les profs y sont moins, moins derrière eux pour dire heu
E102 Ah, oui ?
I102 Ben en pratique, ils en n’ont qu’une par semaine par exemple. Donc c’est moins ... Devant le client ils sont une
fois par semaine. Les autres jours, c’est l’école, c’est l’école pratique, que nous c’est différent
E103 Oui
I103 Nous d’être devant tous les jours, devant le client, c’est, c’est un peu plus dur
E104 Au début, c’était difficile ?
I104 Oui ! A ben oui, de dire, c’est le client, faut qu’on soit respectueux, même quand ils sont chiants, faut pas ...
Faut dire „oui monsieur“ ...
E105 Hein, hein, et ça s’apprend ça ?
I105 Ca s’apprend, ça c’est sûr et certain, ça s’apprend
E106 OK, OK. Il t’a fallu combien de temps, toi, finalement ?
I106 Bah, au bout de deux mois c’est bon hein. Deux mois hein mais tous les jours.
E107 Au bout de deux mois. Au début, tu t’es posé des questions, tu t’es dit : „je vais jamais y arriver“ ...?
I107 Ah oui ! Je vais jamis y arriver à rester calme, à ... Surtout quand ils sont là derrière, ils sont toujours en train
de critiquer, ils sont toujours en train de se plaindre ... C’est chiant, mais bon, faut le faire ...
E108 Et heu ensuite, au niveau technique, alors ... Je vais essayer de poser ma question clairement : est-ce que le fait
de t’améliorer au point de vue technique, heu, ça te permet d’être plus à l’aise avec les clients ?
I108 ...
E109 Le fait de savoir bien porter les assiettes, le fait d’avoir tes habitudes etc ... est-ce que ça te permet d’être plus
cool avec les clients ?
I109 ben oui, parce que quand on a nos habitudes, quand t’as pris l’habitude de travailler comme ça, ben t’as plus de
temps comme ça en fait avec les clients
E110 Ouais
I110 Parce que t’as un rituel, tu vois là, moi je vois, ça, maintenant les apprentis y font quinze mille pas, ils
marchent pour rien ! Je leur dis, des fois
E111 Oui
I111 „Vous faites des pas pour rien, vous allez voir à la fin de la journée, vous allez avoir les pieds !
E112 oui
I112 Parce qu’ils ont pas de technique, moi je passe à côté, j’vois faut débarrasser, bah tu débarrasses, tu vois que
faut faire ci ... Comme on dit, faut pas partir à vide.
E113 Oui
I113 Donc du coup, plus tu fais ça, et donc plus tu fais ça, tu marches pas dans le vide, plus t’as heu...
E114 Et comment tu as appris ça ?
I114 Donc ben ma collègue ! C’est elle qui m’a dit : „ne pars jamais à vide !“ Alors à chaque fois, elle me disait
„hop, reste pas là, vas voir là ailleurs“. Elle faisait : „tu fais des pas dans le vide !“ Maintenant c’est bon !
E115 Faut s’économiser ...
I115 Elle me dit : „là tu fais un aller-retour, tu vas revenir t’auras rien dans la main alors que si tu fais ça, t’as des
assiettes pour débarrasser, tu reviens avec des assiettes donc heu, les verres, et au moins tu fais moins de km après
parce que là, c’est dix fois dans la journée ! Des fois t’as un service de 70 couverts, faut courir“ elle me dit.
121
E115 Et heu, Est-ce que t’es ... Enfin, tu regardes beaucoup les gens donc quand tu fais ton service ?
I115 ...
E116 Tu m’as dit tout à l’heure, pour ce monsieur casse-pieds que tu l’observais du coin de l’oeil parce que tu te
disais, celui là il va pas être sympa. Et en général, les gens tu les regardes ?
I116 Bah pas plus que ça en fait. On regarde beaucoup plus les gens qu’on l’air casse-pieds parce que tu te dis, faut
vraiment les satisfaire pour qu’y reviennent après
E117 Oui
I117 Donc tu fais tout pour ...
E118 Oui, ça tu l’as en tête ?
I118 Oui, qui faut faire tout pour qu’y reviennent ... parce que ceux qui sont contents, ils reviendront ... Mais ceux
qui sont difficiles à convaincre ... Faut être près d’eux en fait
E119 Hum, hum; Et est-ce qu’il y a aussi une dimension de conseil dans ton métier ? Quand les gens hésitent, savent
pas quoi choisir ?
I119 Bah, faut leur proposer [voix basse, peu sûre]
E120 Et ça donc tu connais bien ? Alors toi d’autant plus, maintenant que tu fais ...
I120 Maintenant que je suis en cuisine, maintenant c’est encore plus facile !
E121 Oui, ça tu as senti que c’était plus ...?
I121 Bah, quand t’as un peu de bases de cuisine, c’est plus facile à expliquer ce que c’est que quand t’as ...
E122 Oui, alors ça c’est intéressant de voir que les deux s’entrecroisent et que ...
I122 Bah oui, parce que les cuisiniers ont besoin des serveurs pour expliquer aux clients mais nous on a besoin des
cuisiniers pour savoir ce qu’on doit expliquer, c’est ça qui fait que ...
E123 Oui, tu as senti que ... T’explique mieux maintenant
I123 Oui
E124 OK, et bien écoute, je te remercie !
Entretien d’explicitation
V2
(Entretien n°2 Vente)
E1 Il s’agit donc d’évoquer une activité professionnelle précise que tu as vécue donc pas de me parler en général de
ton savoir-faire, de ton métier. Est-ce que tu as eu le temps de repenser à quelque chose, est-ce que tu as pensé à une
situation de vente particulière dont tu as envie de me parler, dont tu te souviennes suffisamment pour me parler ?
I 1 si, y’a un homme un coup y vient chercher de la décoration pour refaire sa chambre, sa femme lui avait donné
des indications précises sur les couleurs.
E 2 tu me rappelles peut-être, ou tu travailles, chez Insolite, c’est ça ?
I2 Il avait tout pris, il arrive en caisse, il me dit, « vous croyez que c’est bien ? » , y’avait au moins trois couleurs
différentes, je lui dis bon bah ça va pas trop bien ensemble et du coup on est reparti dans les rayons et on a mis au
moins 4h avant de tout trouver, avant qu’il se décide pour les couleurs …
E3 D’accord, alors on va essayer de reprendre étape par étape et puis à chaque fois, je vais te demander comment tu
fais, c’est ça le but, que tu me décrives toutes tes actions. Tu le revois ce monsieur, quand tu y penses ? Comment tu
as fait pour le conseiller.
Je te laisse reprendre au début, quand il est arrivé en caisse la première fois.
I 3 Il m’a demandé entre guillemets conseil, il m’a demandé « est-ce que ça ira ? ». J’dis bah là les couleurs, rien ne
va ensemble …
E 4 Alors, qu’est-ce qu’il avait pris ?
I 4 Y’avait du marron … du vert … du Bleu … du rose, donc je dis « ça va pas trop ensemble »
E 5 Qu’est-ce qu’il avait acheté comme articles ?
I 5 Y’avait des coussins des rideaux, des lampes … et puis une tringle à rideaux … et une parure de draps, donc rien
n’allait ensemble, du coup je lui ai dit que ce qu’il avait choisi en coussins, c’était des coussins avec des bouddhas
dessus, on l’avait également en rideaux, donc on est parti en rayon choisir les rideaux qu’allaient avec, du coup il a
pas pris les rideaux là, on a trouvé d’autres coussins, enfin on s’est arrangé pour que tout aille ensemble en fait et sur
les rideaux il bloquait, c’était pas exactement ce qu’il voulait
E 6 Alors comment t’as fait pour savoir ce qu’il voulait ?
I 6 Je lui ai demandé ce qu’il recherchait, la dimension, ce qu’il recherchait … plus les couleurs qu’elle lui avait
demandées et puis après par rapport aux questions que je lui ai posées, j’ai recherché heu, ce qu’on avait, quoi. Bon
après on n’est pas tombé dans la couleur exacte mais …
122
E 7 Alors lui, il a essayé de définir la couleur …
I 7 Sa chambre il l’a refaisait, y’avait du marron et du … vert, il me semble. Ou du bleu peut-être ?
E 8 si on se concentre sur la vente des rideaux, ça s’est passé comment ? Tu commences …
I 8 J’ai déjà pris tout ce qu’on avait trouvé d’autre, qui lui plaisait vraiment pour mettre vraiment dans sa chambre,
que c’était sûr qu’il allait prendre et puis avec les rideaux j’ai mis les mêmes à côté qu’il voit ce que ça pourrait
donner
E 9 Alors qu’est-ce qu’il avait choisi et dont il ne voulait pas se séparer ?
I 9 Les coussins
E10 Les coussins, c’était ça …
I 10 On a dit on garde les coussins et on fait par rapport aux coussins
E 11 C’était nouveau pour toi de faire toute une vente comme ça pour toute une pièce ou ça arrive souvent ?
I 11 Non, c’était nouveau, ça arrive pas souvent
E 12 Donc, tu t’es posé des questions, qu’est-ce que tu te disais ?
I 12 Je me demandais est-ce que je vais y arriver parce que en plus au niveau prix il avait pas de …
E 13 De limites ou …
I 13 Oui , y regardait pas les prix
E 14 Ca c’est une question que tu lui a posé ou …
I 15 Non, je m’en suis rendue compte, il m’a vraiment pas parlé de prix, il m’a rien dit, j’osais pas trop lui demander
E 16 Qu’est ce qui t’a servi pour le conseiller, comment t’as fait pour le conseiller si t’étais pas habituée à faire ce
genre de choses ?
I 16 En fait je sais pas ça s’est fait tout seul
E 17 Tout seul, ça fait comment, qu’est-ce qui vient en premier ?
I 17 Le réflexe , c’est de lui poser des questions pour savoir où se situer dans … par rapport à ce qu’il veut, savoir
comment est sa pièce si elle est grande, si il veut de la lumière, si il veut … comment il l’a voit lui, quoi. Et puis
après par rapport à ça, on sait ce qu’on a dans nos rayons donc.
E 18 Donc sa pièce elle était comment ?
I 18 Elle était, elle était grande et il voulait, il voulait assez lumineux et il voulait que quand les rideaux sont fermés
on voit rien
E 19 Donc ça t’avait aussi orientée vers un type de rideaux
I 19 Voilà vers un type de rideaux, je savais quel type il voulait alors je lui en ai proposé
E 20 Combien de sortes ?
I 20 2 ou 3, il me semble
E 21 Donc ça, ça s’est fait en combien de temps ?
I 21 Ca , une bonne demie heure
E 22 Donc, on a les rideaux
I 22 Les coussins il a eu de l’ hésitation après il voulait changer parce qu’il avait revu des rideaux mais il quand
même gardé ses coussins, je lui ai dit « vous êtes sûr ? parce que vous étiez décidé … »
Après y’avait une moustiquaire, alors la moustiquaire il l’avait prise rose, il me semble, mais il en voulait une
blanche
E 23 Alors j’essaie de suivre …
I 23 Alors les coussins étaient marrons et bleu et les rideaux étaient bleus et il voulait la moustiquaire bleue ou
blanche sauf que les moustiquaires bleues y’avait des papillons dessus, il voulait pas de papillons … Du coup il a
pris la moustiquaire blanche après on est passé aux lampes et c’est ce qui a pris le plus de temps
E 24 Tu connais ce rayon là, tu connais tous les rayons ?
I 24 Les lampes c’est mon rayon, enfin, c’est mon côté. Et les lampes c’est ce qui a pris le plus de temps parce que
… on en a pas mal et …et il arrivait pas à se décider !
E 25 Alors comment tu as fait pour l’orienter ?
I 25 Déjà il me disait qu’il voulait des lampes de chevets mais pas des petites lampes de chevet, il voulait des
grosses lampes, j’étais un peu perdue … Je lui dis « vous voulez quoi exactement, vous voulez une petite lampe ?,
c’est pour mettre sur les tables d e nuit, c’est pour mettre sur un meuble, sur une commode ? Vous les voulez plutôt
moyennes ? » en fait c’était une taille moyenne
E 26 Alors tu lui en montres …
I 26 Voilà, dans les couleurs, je choisis mais le problème c’est qu’il en voulait deux, soit on en avait qu’une , soit
c’était pas comme il voulait
E 27 Vous avez beaucoup de choix ?
I 26 Ben oui dans les lampes c’est assez varié
Mais bon j’ai appelé les autres magasins, savoir si ils en avaient et en fait on est pas arrivé à en trouver … Il en a
pris des moyennes mais simples, avec des galets
E 27 Il y en avait deux …
I 27 Mais il a eu du mal quand même parce que il savait pas si sa femme allait aimer ou …
E 28 Et toi, tu avais l’impression de bien de te débrouiller ?
I 28 Oui !
123
E 29 A quoi tu voyais que tu te débrouillais bien ?
I 29 Oui parce que il avait l’air content, il suivait ce que je lui disais, il avait pas abandonné en se disant « c’est tout,
je vais prendre ça parce que ça me fatigue »
E 30 Donc il suivait tes conseils …
I 30 Oui, vraiment oui
E 31 Et tu faisais attention à ça, tu le regardais …
I 31 Oui, savoir comment il réagissait à ce que je lui disais, si je ne l’ennuyais pas ou si il se lassait pas de ce que je
lui disais
E 32 Et comment tu savais quand ça le lassait, ou ..?
I 32 Au visage en fait … aux mimiques, la gestuelle et tout , si il commence à regarder autre chose quand je lui
parle, c’est qu’il s’intéresse pas du coup
E 33 Lui en particulier ou les clients en général ?
I 33 Les clients en général
E 34 Et ça, c’est quelque chose que tu fais naturellement, de regarder … ?
I 34 Oui ! sourire même dans une conversation normale
E 35 C’est un point fort, ça …
I 35 Oui, mais je pense qu’on le fait tous, on se regarde tous
E 36 Plus ou moins, y’a des gens plus ou moins attentifs…
I 36 On fait attention …
E 37 Comment tu sais que c’est important de faire attention ?
I 37 Je sais pas, du moment qu’on veut intéresser quelqu’un, il faut qu’on … Il faut savoir ce qu’il en pense même
sans lui demander
E 38 Et comment t’es venue à prendre conscience de ça ?
I 38 J’sais pas , moi je le fais tout le temps en fait si je parle à quelqu’un de quelque chose qui me tient à cœur en
fait je vais regarder si ça l’intéresse ou …
E 39 Et est-ce que ce sont des choses ça dont vous parlez en cours, en cours de vente avec Mme B. ?
I 39 On parle oui de la gestuelle du client tout ça mais j’veux dire, on se dit pas si il baisse la tête c’est ceci ou si …
E 40 Oui, tu veux dire, en cours tout est détaillé …
I 40 Oui, en cours, faut s’intéresser aux gestes, y’a certaines choses … ou on nous dit, si il se gratte la tête qu’il fait
si, ça veut dire cette chose là mais ça dépend du contexte en fait. A près on se rend compte nous même, c’est pas du
tout pareil en fait que … que ce qu’on nous explique. Ce qu’on nous explique, nous on l’imagine d’une façon et en
fait, non, quand on se retrouve en face des gens, ça se passe d’une autre façon et on se dit bah voilà lui y pense ça
parce que je le vois mais … dans son visage, c’est très …
E 41 La théorie suffit pas … Y’a plein de cas de figures qui sont pas dans la théorie …
I 41 Ouais, voilà
E 42 Et en formation justement, vous parlez de vos expériences au travail, c’est l’occasion, si vous faîtes un cours
sur la gestuelle de dire « bah moi justement … »
I 42 Oui … Ce qu’est intéressant parce qu’on profite des expériences des autres, si y’a quelqu’un qu’a eu une cliente
qui avait des signes particuliers, si ça nous arrive à nous, on va se dire à ben … et puis après par rapport à ça la prof
elle lui dit bah t’aurais dû réagir comme ça, faire ceci … et donc nous quand ça nous arrive après on sait comment
réagir et pas envenimer les choses ou …
E 43 Disons, oui, la bonne attitude, elle vient plus facilement
I 43 Voilà
E 44 On va revenir à ta vente, alors : les rideaux , les coussins, les lampes de chevet …
I 44 C’était à peu près tout parce que la tringle elle était bonne quand même
E 45 ça a été long, tu te souviens des questions ? …
I 45 Oui, les couleurs qu’il souhaitait, quel type de chambre, si c’était pour lui ou sa fille, y’avait sa fille avec lui, si
la pièce était grande, lumineuse, ce qu’il voulait apporter à la chambre … les tailles, les dimensions et puis après
savoir si ça lui plaît
E 46 Pour toi, t’as bien réussi cette vente là
I 46 Oui et puis ma gérante elle est arrivée après, elle était satisfaite
E 47 Et toi qu’est-ce qui t’as le plus satisfaite ?
I 47 De la vente ?
E 48 Oui
I 48 C’était pas évident, je veux dire, on ne reçoit pas un ensemble qui fait coussin, rideau, lampe et tout et tout quoi
E 49 Oui, il a fallu coordonner au fur et à mesure … Et tu as le temps de passer comme ça 4 h avec un client, ça
pose pas de problème ?
I49 Oui, oui mais là on avait vraiment mis longtemps à aboutir mais prendre bien une demie heure, trois quarts
d’heure, ça arrive souvent parce que les gens demandent des conseils quoi
E50 Et ça t’intéresse ?
I50 Oui, je trouve c’est le plus intéressant
124
E51 Et là aussi, au niveau du conseil, c’est des choses que vous apprenez à faire au CFA ? Oui, je t’ai déjà posées
ces questions là … C’est quand tu poses les questions sur les besoins, sur la pièce … Tu vois autre chose à me dire
sur cette vente ?
I51 Non, non … Il est reparti content.
E52 Et sur d’autres situations, plus critiques, avec des clients « casse-pieds », il doit y en avoir … comment ça se
passe ? si on peut reprendre juste quelques minutes pour en parler.
I52 En général, c’est un peu tous les mêmes, c’est ceux qui demandent conseil mais qui veulent rien … en fait ils
viennent pour rien acheter, ils demandent conseil mais en fait ils veulent rien, on aura beau tout leur montrer, ça leur
plaira pas …
E53 Et ça tu t’en rends compte rapidement ?
I53 Ben de plus en plus parce que ça arrive souvent ! Mais on fait quand même l’effort de leur montrer et puis c’est
tout. Y’a ceux qui viennent souvent, alors on le sait
E 54 Ils ont surtout envie de parler …
I54 Oui, ils ont plus envie de parler qu’autre chose. Sinon y’a ceux qui voudraient des choses impossibles et donc ils
s’énervent après nous mais ils veulent les choses impossibles donc … Le moins cher possible, des choses qu’on peut
pas faire … Ou alors ils nous ramènent des choses abîmées qu’on leur a pas vendues abîmées et il faudrait qu’on
leur reprenne
E 55 Oui, qu’il y ait un service après vente ... Alors comment tu fais, quand y’a quelqu’un qui arrive, qu’est pas
content ? tu te souviens d’un exemple ?
I55 Moi personnellement, je m’énerve pas trop, Je vais essayer de le calmer, de lui expliquer calmement que ça va
pas être possible
E56 Alors comment tu fais pour calmer quelqu’un ?
I56 Je lui dis « calmez vous, on peut pas reprendre, il faut que vous compreniez que nous on a vendu ce produit en
bon état et vous vous nous le ramenez abîmé, c’est pas possible … Des fois ça marche et des fois ça marche pas …
E57 Et quand ça marche pas ?
I57 Quand ça marche pas, j’appelle ma gérante
E58 C’est elle qui s’occupe des cas un peu difficile ?
I58 Oui parce que, je me sens pas … prête … à calmer quelqu’un !
E59 Et elle, elle sait faire ça ? …
I59 Ca dépend parce que des fois y’a vraiment des gens qui insistent, tout le monde crie
E60 Et est-ce qu’on peut dire que tu apprends ton métier, tu apprends les bonnes attitudes en observant tes
collègues ?
I60 Oui, oui, on apprend en regardant, en observant les autres, elles savent des choses, elles ont déjà vu des cas que
nous on n’a pas vu, donc elles savent gérer …
E61 Par exemple …
I61 La première fois où quelqu’un est revenu en criant dans le magasin, je savais pas quoi faire, je regardais un peu
partout …
E62 Et dans ces cas là, qu’est-ce que tu penses quand tu sais pas quoi faire ?
I62 Je suis restée sur place, je me demandais si c’était à moi qu’il parlait parce que j’avais jamais vu ça, je l’ai
appelée directement : au secours.
E63 OK tu m’as bien expliqué comment tu faisais, c’est bon, à moins que tu aies autre chose qui te revienne … Une
dernière question : tu as l’impression qu’il y a des situations qui se répètent, des types de clients …
I63 Ah oui oui, c’est sûr !
E64 Et est-ce que ça t’aide ça, à avoir la bonne attitude, le fait d’avoir déjà vécu une situation qui ressemblait ?
I64 Bah oui, en fait ça entraîne entre guillemets, à force on sait comment s’adapter … Mais les clients sont tous
différents, y’a ceux avec qui on peut rigoler, y’a ceux avec qui on n’ose pas trop la blague … On apprend à
reconnaître le client rapidement en fait
E65 Tu penses avoir progressé à ce niveau là en deux ans ?
I65 Oui parce qu’à force de voir des gens tous les jours, on s’habitue à … décrire les gens, à trouver ce qui fait que
lui il est comme ça …
E66 Alors à quoi tu fais attention ? ça se fait très vite …
I66 Oui, le fait qu’il regarde tout, s’il est attentif à tous, ou si il arrive, le grand sourire, la petite blague … Y’ a la
personne qui va passer près de vous sans dire bonjour ou un bonjour, mais bref et puis celle qui est souriante,
agréable…
E67 Donc tu vas pas forcément les prendre de la même manière
I67 Voilà … pas la même façon de les aborder
E68 Tu as mis combien de temps à ton avis pour avoir ces repères là, pouvoir voir les types de clients ?
I68 Ben presque deux ans rire
E69 Presque deux ans, oui, tu sens que tu continues de progresser ?
I69 Oui, oui, et puis on les connaît pas tous, enfin y’en a aussi quand on les voit, on ressent rien, on sait pas
comment ils sont, on peut pas …
E70 Tu parles de ça avec tes collègues ?
125
I70 Non, pas plus que ça …
E71 Ce serait intéressant de savoir si celles qui ont plus d’expérience, elles arrivent à avoir une idée de chaque
client. C’était difficile au début, la relation avec les clients ?
I 71 Oui parce qu’il faut oser y aller
E72 Oui, tu es assez réservée …
I72 Il faut oser, se dire « bon bah c’est tout, j’y vais, courage ! » et puis on oublie et on y va.
E73 Et ça se fait de mieux en mieux … Une petite chose au début, ça te permet d’en faire une plus difficile ensuite
I73 Voilà. Au début on est renfermé, un peu froid, les clients ils apprécient peut-être pas trop, on se dit « j’ose pas »,
du coup ça se ressent en fait vis-à-vis du client, puis après on est plus à l’aise, plus agréable.
E74 Comment t’as fait pour oser finalement ?
I 74 Ben je me dis, « je suis là pour ça, faut oser » et puis on a envie mais on n’ose pas, en fait.
E75 Tu as mis combien de temps pou y aller justement ?
I75 Ben au début, c’était pas trop … tout doucement … je sais pas, trois mois on va dire
E76 C’est raisonnable
I76 Mais petit à petit
E77 Et ton employeur te poussait un peu ?
I77 Oui ! Oui, quand même, la gérante était là pour me rassurer et me dire qu’il faut y aller.
E78 Donc c’est positif, ces deux années, tu as bien évolué.
I78 Oui !
Entretien d’explicitation
V2
(Entretien n°1 Vente)
E1 Quand je dis, me parler d’un client, c’est me dire comment ça se passe avec ce client tel jour. Comment ça s’est
passé avec ce client là, ce jour là.
I1 Ca peut être un client habituel ou ...
E2 Ben, un client habituel, ça peut être plus simple parce que tu l’as bien en tête. Après, moi, je sais pas, comment
heu …Si tu as une grande attention visuelle, que tu … que tu mémorises bien les gens ou pas, je ne sais pas.
Si tu veux, tu commences à me parler, et puis moi, je t’orienterai au fur et à mesure si c’est pas ce qui me convient.
Parce que j’imagine, toi, tu, donc tu vends du pain et de la pâtisserie
I2 Ouais, de la viennoiserie et un peu de traiteur
E3 D’accord, donc c’est des gens qui sont pas là très longtemps dans le, dans la boutique, dans le magasin, donc
c’est vrai ... Si je te demande de me parler d’une seule personne, dans deux minutes, tu retournes en cours !
Alors, tu peux essayer de te remettre en tête un moment particulier qui t’a marqué pour x raisons… soit parce que ça
s’est très bien passé alors qu’il y avait du monde, soit parce que au contraire, ça a été le stress… Là, dans les
derniers jours
I3 Y’en a un qui vient, parce que pour venir chercher des tuiles aux amandes …
E4 Oui
I4 Et à chaque fois il remmène une boîte pleine de crottes de mouche et tout, c’est …bah !
E5 Alors ! C’est un monsieur … Il est comment ce monsieur ?
I5 Oui, il est crade, il a plein de traces de terre sur la tête …
E6 De la terre sur la tête !
I6 Oh oui, c’est un bonhomme qui se lave pas, il empeste à ...vous êtes à cinq mètres de lui, vous le sentez déjà !
C’est, c’est l’horreur hein !
E7 D’accord. Vous … vous êtes plusieurs à faire le service là, enfin à servir les clients ?
I7 Oui, on est deux
E8 Vous êtes deux. Alors, tu vois arriver cet agréable monsieur …
I8 Ma collègue à chaque fois, elle me fait : « M., j’ai besoin de toi ! »
E9 Ah !
I9 A chaque fois elle me fait ça donc … Non, mais il est sympa …
E10Et alors ? Vas-y, tu le vois, il rentre dans le magasin …
I10 Je lui dis : « bonjour, vous désirez ? », après il me demande ses tuiles aux amandes …
E11 Il en prends beaucoup ?
I11Ah, bah, il remplit sa boîte
126
E12 Mais, c’est une boîte à lui ?
I12 Oui, c’est une boîte à lui, il la remmène et puis on lui remplit la boîte
E13 D’accord, plutôt que de lui faire un emballage ...
I13 Oui, c’est une boîte, elle est grande comme ça et large comme ça (gestes)
E14 Oui, d’accord
I14 Alors, à chaque fois on lui remplit mais on prend des gants, quoi (rire)
E15 Parce que la boîte est sale ?
I15 Ah, bah, oui ! On prend déjà des gants parce que, c’est vraiment une boîte …
E16 Et comment tu sais qu’il faut faire ça ?
I16 Comment je sais qu’il faut faire quoi, mettre des gants ?
E17 Oui
I17 Ah, bah, j’sais pas, c’est, j’sais pas, c’est pas hygiénique de prendre la boîte … Je laisse la boîte sur le comptoir,
je vais prendre des gants derrière, je reviens la chercher … Parce que en général, il vient, il nous demande ses tuiles
et puis après il va faire ses courses dans le centre commercial et il revient les rechercher après
E18 D’accord, donc ça vous laisse le temps de préparer ... Lui ne voit pas que vous mettez des gants
I18 Non, lui ne voit pas !
E19 D’accord, tu vois, il faut tout me dire en détails parce que sinon je risque de mal interpréter. Donc, il pose sa
boîte …
I19 Il pose sa boîte, il nous demande de remplir sa boîte et puis … Quoi que le dernier coup, il a pris un chausson
aux pommes ! Il a pas fait remplir sa boîte
E20 Ah
I20 J’étais soulagé ! Mais bon quand j’ai vu la pièce !
E21 Tu étais surpris, et qu’est-ce que tu lui a dit ?
I21 A ce moment là, j’ai dit : « tiens, vous prenez pas vos tuiles ! ». Il me fait : « non, j’ai oublié ma boîte »
…Soulagement (rire)
E22 (rire) donc, ensuite ?
I22 Je lui pose le chausson sur le comptoir et pis il me donne sa pièce, j’encaisse et … à chaque fois, je prends la
pièce du bout des doigts
E23 Oui, et alors, qu’est-ce que tu te dis quand tu prends la pièce du bout des doigts ?
I23 « ah, putain, faut que j’aille me laver les mains ! »
E24 Et ça t’embête ?
I24 De me laver les mains ? Non, ce qui m’embête, c’est de prendre la pièce … C’est sale, quoi. Parce que ses
pièces, elles sont sales aussi
E25 Elles sont plus sales que d’autres pièces ?
I25 Ah oui ! Oui, oui, c’est pareil que lui, en fait
E26 Mais il vit dans un terrier ?
I26 Je sais pas, il doit pas avoir de …
E27 Ou c’est toi qui t’imagine que …que la pièce elle est sale ?
I27 Non, vous voyez des traces de sale dessus hein ! la pièce, elle est toujours un peu noire
E28 D’accord
I28 C’est comme ça, je sais pas pourquoi, il doit garder ces pièces et les donner à nous ! Parce que au supermarché,
il leur donne jamais des pièces sales !
E29 Ah, tu as demandé aux gens du supermarché ?
I29 Oui, je m’entends super bien avec pratiquement toutes les caissières
E30 Et elles l’ont repéré aussi ?
I30 Ah bah oui ! elles ont aussi une paire de clients qu’elles repèrent bien
E31 Donc, celui là tu l’as repéré parce que effectivement j’ai bien compris qu’il sentait pas très bon … Il est
comment physiquement, tu peux me le décrire ?
I31 Oui, c’est un petit vieux. C’est un petit vieux, il a la tête dégarnie, des lunettes …
E32 Petit vieux, petit en taille aussi ?
I32 Ouais, un peu en taille. Puis, il est toujours tout rouge, avec des habits … la braguette est toujours ouverte, le
bouton aussi … Puis heu, il est toujours habillé sale, il doit pas avoir de machine à laver
E33 Et il est sympa avec vous ?
I33 Ouais … il est sympa, il est pas désagréable … c’est embêtant
E34 C’est embêtant ... et heu, y’a d’autres clients que tu, que tu reconnais comme ça ?
I34 Du même style ?
E35 Ben pas forcément du même style mais des gens qui fond que tu te souviens d’eux, quoi
I35 Qui fond que je me souviens d’eux … oui, mais en général ceux que je me souviens, c’est les clients habituels
donc …
E36 Voilà …
I36 Y’en a un, il vient chercher son pain complet, il nous demande de le trancher, il veut pas qu’on ferme le sac. On
ferme pas le sac
E37 D’accord
127
I37 A chaque fois, il a toujours sa petite pince
E38 Et il a pas besoin de le dire ?
I38Ah, il a pas besoin de la dire, c’est toujours la même chose
E39 Voilà.
Tu as mis du temps avant de te repérer dans les habitudes des clients ?
I39 Ben au début, un peu, parce que ... je passais beaucoup de temps derrière à faire les sandwichs
E40 Oui, t’étais pas en contact avec la clientèle
I40 Mais maintenant ça va mieux parce que, j’ai pris de la rapidité sur les sandwichs et puis je passe plus tôt devant
E41 Oui, comment tu as fait pour prendre de la rapidité ?
I41 C’est l’habitude, en fait
E42 Oui
I42 Avec l’habitude, on apprend vite le geste et pis voilà
E43 Tu as mis combien de temps ?
I43 J’ai dû mettre à peu près … ouais, cinq ou six mois
E44 Oui, quand même
I44 C’était long
E45 Et aujourd’hui, tu as le bon rythme ? Tes collègues ou ton patron …
I45 Oui, ma collègue elle finit à la même heure quand c’est elle qui fait les sandwichs
E46 D’accord, et quand tu fais les sandwichs, tu fais que les sandwichs, tu vas pas t’occuper des clients ?
I46 Ca dépend, si ma collègue est au téléphone ou pas, heu … Si elle est en caisse centrale demander de la monnaie
ou quelque chose comme ça, je passe devant
E47 OK. Alors, on va reprendre avec ce monsieur, finalement tu m’as parlé du chausson aux pommes mais on en
était sur les tuiles : il a laissé sa boîte, donc toi, tu vas chercher tes gants …
I47 Je remplis la boîte, mais bon quand j’ai rempli la boîte, j’avais enlevé les gants parce que j’avais touché la boîte
avec des … des gants. J’ai enlevé un gant, j’ai pris l’autre dans l’autre main, j’ai mis les tuiles dans la boîte, j’ai
remis mon gant, j’ai refermé la boîte et j’ai pesé, puis après heu …
E48 Alors il en prend combien, quel poids ?
I48 En général, il en prend à peu près 300/400 g
E49 D’accord. Et donc ensuite ?
I49 Ben en fait, on croirait qu’il a pas de sous mais le dernier coût, il a sorti une liasse de billets, pouh !
E50 On croirait qu’il a pas de sous parce que, comme tu l’as décrit heu
I50 Oui, pis comme il se tient, comme il parle quoi. Je sais pas, on voit pas que c’est …
E51 Comment il parle ?
I51 C’est un vrai campagnard ! « bah, ça tu m’mets ça, tu m’mets pas aut’chose », que des trucs comme ça, quoi.
Mais …Il nous a sorti une liasse de billets … oh, la vache ! Il avait plein de billets de 100 et pis des, des 50 quoi
E52 D’accord
I52 A chaque fois qu’il vient, il nous donne un billet de 50.
E53 Oui, c’est dans ses habitudes aussi
I53 Et puis, en général, il vient tôt le matin, quand y’a pas de monnaie à la caisse, qu’on est entrain de mettre en
rayons, donc … C’est pareil, le jour de l’examen, je vais avoir du mal …
E54 Pourquoi ?
I54 Bah, parce que ils viennent à 9h, c’est pendant qu’on met en rayons, quoi … Le patron, il arrive vers moins
vingt
E55 9h moins 20 ?
I55 Ouais, pis le temps que je décharge le camion
E56 D’accord, en fait tu es dans un lieu de vente mais c’est pas un lieu de production, tu es dans la zone
commerciale ?
I56 Ouais
E57 Y a un autre magasin en centre ville, c’est ça ?
I57 Y’en a un en centre ville et un à l’entrée de la place D.
E58 D’accord. Donc ça t’inquiète d’être en train de mettre en rayons … Y’a pas moyen de s’organiser autrement ?
I58 Ben je, je vais demander, parce que sinon …
E59 Parce que lorsque vous mettez en rayon … Alors justement peut-être que, je sais pas heu ; est-ce que tu te
souviens d’une mise en rayons assez récente, de la semaine dernière, par exemple ?
I59 Heu … Oui … Que y’a un client qu’arrive ?
E60 Oui, et est-ce que tu peux te souvenir un peu des gens qui sont arrivés, un jour précis ?
I60 Ah, me souvenir des gens, non… je sais ce qu’ils ont pris …
E61 Comment ça se fait ? Ah, tu sais ce qu’ils ont pris …
I61 Oui, je sais ce qu’ils ont pris mais je me souviens plus de leur tête, je sais qu’ils ont payé par chèque … Mais je
vois plus (effort), je vois plus la tête des clients.
E62 Et qu’est-ce qu’ils ont pris, alors ? On est d’accord, t’es en train de mettre en rayons …
I62 Oui, je suis en train de mettre en rayons, ils arrivent
E63 Alors, décris moi ce que tu es en train de faire précisément, comme si ...
128
I63 J’étais en train de mettre la viennoiserie, en train de mettre les croissants … Ils arrivent et heu, ils me demandent
un gâteau
E64 Oui
I64 Ils ont pris un XXX, alors je regarde dans toutes les cagettes, voir les gâteaux qu’on avait reçus
E65 Oui, effectivement ...
I65 Oui, oui, je suis en plein dedans
E66 Vous en recevez combien ? Que moi je visualise aussi ? parce que là pour toi, c’est évident mais moi, je suis
pas dans le magasin … Le camion, quand tu le décharges, ça fait combien de caisses ?
I66 Alors, c’est simple, je décharge le pain en premier, donc à peu près trois à quatre cagettes, à chaque fois et la
pâtisserie, la viennoiserie et le traiteur, c’est tout dans la même cagette, on en a à peu près, je sais pas, une trentaine,
une quarantaine … Ca fait pas mal
E67 Donc, là t’as déjà déchargé tout, j’imagine que tu décharges …
I67 Là, je décharge le camion, ouais
E68 Et puis ensuite, tu vas mettre en rayons …
I68 Ouais
E69 Alors les caisses, elles sont où …?
I69 Dans le magasin, elles sont derrière, en général
E70 D’accord
I70 Parce qu’on a une palette en plastique exprès pour les poser dessus, on les pose là-dessus et on prends au fur et à
mesure pour mettre en rayons
E71Donc, t’étais en train de mettre en rayons la viennoiserie
I71 Oui, les clients arrivent
E72 Les clients : ils sont combien ?
I72 Ils étaient ...deux, avec un enfant
E73 Hum ... Ah, tu vois, ça te revient !
I73 Ah, ouais mais je vois, je vois ... Le nombre de personnes, mais je vois pas exactement les, les têtes des gens,
donc …
E74 Et l’enfant, tu le revois ?
I74 C’était une petite fille, ouais, elle avait les cheveux …bouclés, elle avait un tout petit visage, ça je m’en
souviens, parce qu’après, elle m’a demandé des bonbons … et heu, quand elle demande de bonbons, en fait, on les
fait passer derrière, derrière le comptoir, en fait, pour choisir les bonbons
E75 D’accord
I75 Sinon, les parents, je m’en souviens pas … c’est … Oh, je me souviendrais peut-être après mais…
E76 Et donc toi, à ce moment là, tu es derrière le, le comptoir ?
I76 Ouais, parce que, si vous voulez, on a un comptoir, on a le passage pour servir les clients et derrière, on a encore
un autre truc
E77 Oui
I77 Là où on fait les sandwichs, les trucs comme ça
E78 Oui, oui. Donc, tu as d’abord servi les bonbons ?
I78 Non, les bonbons, je les ai servis après
E79 Donc, par quoi tu commences ? Ils arrivent ...
I79 Ils arrivent, je leur dit « bonjour, vous désirez ? »
E80 Tu les regardes ?
I80 … heu, je sais pas si je les ai regardés ? Oui ! De toutes façons je m’arrête de travailler quand ils arrivent
E81 C’est une habitude, ça ?
I81 Ouais, parce qu’on m’a toujours dit que ...Fallait avoir une « écoute active » !
E82 Ah !
I82 J’ai appris ça aussi
E83 C’est quoi, une écoute active ?
I83 En fait, l’écoute active, heu, c’est, faut toujours regarder le client, faut pas faire quelque chose en même temps
heu …
E84 Et tu le fais ? Et heu, comment tu sais qu’il faut le faire ?
I84 Bah, on me l’a dit et, je sais pas, c’est une question de politesse déjà et puis, ben j’ai appris ça aussi en cours
avec madame B.
E85 Et c’est efficace ?
I85 A, bah oui, parce que les gens ils apprécient
E86 Oui, et toi, ça t’apporte quoi ?
I86 Bah, je sais pas, je suis moins gêné ... Parce que quand je suis en train de faire quelque chose et puis que je parle
au client, je suis gêné parce que, je sais pas heu …Je suis pas en face en train de leur parler, donc …
E87 Donc, en général, tu regardes beaucoup les clients. Donc ceux-là, tu les regardes, tu vois la petite fille, avec son
petit visage, ses boucles …blondes ?
I87 Ouais, je vois la petite, elle était châtain, avec des petites lunettes rouges, rondes
E88 C’est précis, ça !
129
I88 Ah oui, non mais …
E89 Et elle est où, entre ses parents ? Devant, à côté ?
I89 Non, elle était assise sur le comptoir. Oui, parce que si vous voulez, on a un comptoir, pis juste devant, ça fait un
… Un gros rebord, en fait, large comme ça le rebord
E90 Oui
I90Alors en général, les enfants ils s’assoient là, de côté, et puis ils voient
E91 Oui, quand ils sont petits.
Donc, elle est assise sur le comptoir … Ses parents certainement pas très loin …
I91 Non, ils étaient juste à côté. Mais heu, je me souviens de leurs habits mais je vois pas les têtes, c’est ça qui me
…
E92 Alors, vas-y, décris-moi leurs habits
I92 Alors, la dame, elle était assez large, elle avait une espèce de tunique verte, verte, vert foncé
E93 Ouais
I93 Et heu, un pantalon blanc. Les chaussures, je peux pas dire, on les voit pas ! (rire) Et le monsieur, il avait une
veste en cuir avec un , un pull rouge, qu’il avait ouvert comme moi, là, à peu près jusque là (geste), on voyait le pull
rouge et il avait un jean normal et sinon, la tête, je m’en souviens pas
E94 Donc, quand tu te souviens pas des têtes, là … Je te vois faire des efforts, ben tu revois quand même tous les
vêtements
I94 Oui, je vois les vêtement, je vois la petite fille …
E95 Tu te revois toi ?
I95 Moi, non, moi, je me vois pas
E96 Toi, où tu étais, la place où tu étais
I96 Oui, là, je sais où j’étais mais
E97 Donc t’es dans …Donc, tu les a salués et puis qu’est-ce que tu dis après ?
I97 Je dis : « bonjour messieurs dames, vous désirez ? » et après, ils m’ont dit, on voudrait un gâteau pour huit
personnes. Alors je leur propose toutes les gammes de gâteaux, donc moi avant, je suis allé voir, voir …
E98 Ce qu’il y avait. Vous n’avez pas tous les jours la même, la même, chose … ?
I98 Non, ça varie
E99
Ils
savent
ce
qu’il
veulent
dès
l’instant
que
…
?
I99 Je leur dis tous les gâteaux qu’on a reçus et ils me demandent des renseignements sur tel gâteau, sur tel gâteau
…
E100 Tu te souviens sur quel gâteau ils t’ont … ?
I100 Le Saint Honoré crème diplomate
E101 Alors, c’est celui qu’ils ont choisi ?
I101 Oui
E102 Mais, avant, ils t’ont posé des questions sur quels gâteaux ?
I102 Sur … un « Fruits d’été », et sur un « Manjari »
E103 Alors, comment tu sais, tout ce qui y’a dans ces ... Tu les connais, ces gâteaux là ?
I103 Le Manjari, j’ai du mal, c’est toujours celui-là, et pourtant, je l’ai appris pareil que les autres … Celui-là, j’ai
du mal
E104 Comment ça se fait ?
I104 Ah, je sais pas, c’est …
E105 Et comment tu fais pour te souvenir, finalement de ce qu’il y a dans ce gâteau là ?
I105 On a un bouquin, exprès
E106 D’accord. Donc, à ce moment là, tu es allé voir… Enfin, ils t’ont interrogé sur celui-là ?
I106 Ouais …J’ai dit qu’y avait un biscuit, un biscuit meringue souple aux amandes, du crémeux de vanille, du
glaçage chocolat mais après, je savais plus ce qu’il y avait d’autre
E107 D’accord
I107 Et en fait, c’était de la mousse chocolat
E108 Ah, ben donc, tu t’en souviens
I108 Ah oui, ça y est, il est en tête !
E109 Oui !
I109 Sinon, ils m’ont posé la question du Fruits d’été. Alors Fruits d’été, c’est tout simple, c’est du raisin, de la
fraise, des trucs comme ça et heu y’a une génoise nature au fond et de la crème diplomate, tout ça c’est tout simple
…
E110 Plus simple que le Manjari !
I110 Ah, oui, largement ! parce que le Manjari, en plus, il est servi avec une crème anglaise, alors la plupart des
gens, il nous demandent si c’est payant, c’est pas payant, c’est offert avec le gâteau
E111
Ca
fait
partie
du
gâteau
I111 Ouais, ça fait partie du gâteau
E112 Donc tu regardes les gens quand tu leur dis tout ça …
I112 Ouais
E113 Et qu’est-ce que ... Quel est leur air ?
130
I113 Heu, bah, plutôt heu … Quand on voit pas le visage, c’est pas évident !
E114 Donc tu as dû parler de plusieurs gâteaux, deux, trois … ?
I114 Bah, trois
E115 Trois. Et après, ils se sont décidés rapidement, ils hésitaient ?
I115 Ils se sont parlés entre eux, ça je m’en souviens, ils parlent entre eux et …après ben ils ont décidé mais bon
pendant ce temps là, nous en fait, on est en face puis bon, si jamais y’a un truc qu’ils disent qu’est pas vraiment vrai
par exemple sur un gâteau, ou …
E116 Dans leurs propos, quand ils hésitent, tu, tu interviens ...
I116 Ouais, par exemple : « celui là ça doit être écœurant le chocolat », là on dit « oui, mais avec la crème anglaise,
ça … »
E117 D’accord, et comment tu sais quoi dire toi dans ces cas là ?
I117 Bah parce que la plupart des gâteaux, j’en ai mangé
E118 D’accord, donc c’est vraiment heu, ton expérience personnelle ! C’est pas quelque chose que tu as appris ?
I118 Non
E119 Est-ce que tu observes tes collègues qui font la même chose, aussi ?
I119 Ouais, avant de , avant de servir vraiment les clients, j’étais à côté, puis je regardais, quoi
E120 Hum, t’as passé combien de temps à regarder, comme ça ?
I120 Oh, à peu près, même pas un mois, quoi
E121 D’accord, et donc, quand t’étais en observation, tu enregistrais un peu les … ?
I121 Oui
E122 … Les manières de faire. Ca t’aide, ça ?
I122 Oh, bah oui, parce qu’après vous savez déjà dire à peu près ce qui faut et …
E123 OK, donc finalement, ils se décident pour le Saint Honoré. Ca prend combien de temps, ça, à peu près ?
I123 Ca, bah, ça dépend du client, en fait
E124 Sur ces clients là
I124 Sur ces clients là, j’ai dû mettre à peu près ¼ d’h …
E125 D’accord, donc tu étais en train de faire ta mise en rayons, y’a ces gens là qui arrivent, alors ça dure ¼ d’h,
est-ce qu’il y a d’autres clients qui rentrent pendant ce temps là ?
I125 Ah bah oui !
E126 Et c’est quelqu’un d’autre qui les sert ?
I126 Oui, c’est ma collègue qui les sert
E127 D’accord. Et la mise en rayon, pendant ce temps là, elle se fait pas
I127 Elle est suspendue
E128 T’y pense à ça ?
I128 Ah, bah oui hein !
E129 Oui, parce que c’est un peu speed, le matin ?
I129 Oui, le matin, quand on met en rayons, on est obligé de speeder pour pouvoir servir les clients plus vite, que les
clients voient tout ce qu’il y a en rayons. Si ils voient pas, ils demandent pas.
E130 Oui, donc là, ils choisissent le Saint Honoré, comment ça se passe après ?
I130 Bah, après, on leur demande si c’est pour un anniversaire … Parce que on met une plaque « joyeux
anniversaire » puis on offre les bougies avec
E131 Oui, d’accord
I131 Là, ils avaient pas pris …
E132 C’était pas pour un anniversaire
I132 Ils ont juste demandé les bougies parce que c’était un, un anniversaire mais pas un anniversaire ... c’était un
anniversaire
de
mariage
E133 D’accord, pas la plaque mais
I133 Ils demandé le bougies, ça faisait ... Vingt et un ! Donc, on va chercher les bougies, on les met dans la boîte
avec le gâteau et après on met un bolduc autour
E134 D’accord; A ce moment là ?
I134 Bah, a ce moment là, je suis gêné parce que je suis tellement concentré sur, dans le bolduc que je suis en train
de faire que, que vous dites rien au client …
E135 Oui, et tu es gêné en général ou tu es gêné à ce moment là seulement ,
I135 C’est en général. Oui, parce que, en fait, comme j’aime bien regarder les gens quand je leur parle, alors je les
regarde pas parce que je suis en train de regarder ce que je fais
E136 Est-ce que ça dure longtemps ?
I136 Non, ça dure même pas trente secondes
E137 Et heu, t’aimerais bien améliorer ça, t’aimerais bien être capable de …
I137 Pde pouvoir parler aux gens en les regardant et faire mon truc en même temps
E138 Et, je sais pas, est-ce que tu leur jettes un coup d’œil quand même ?
I138 Ouais, de temps en temps oui
E139 Et ils te regardent eux ? ce jour là, ils te regardent ?
I139 En général, ils regardent ce que je suis en train de faire, oui, ils voient
131
E140 Oui, c’est encore plus gênant
I140 Oui ! C’est stressant, en fait, parce que vous vous dites, si jamais heu, je fais une connerie, ils le voient tout de
suite
E141 oui, et ce serait vraiment embêtant à ce moment là, toi, tu y mets beaucoup de soin ?
I141 Ah, bah, oui, j’aime bien que ça soit bien fait
E142 Oui, on t’a appris ça aussi à le faire, y’a une technique ?
I142 Oui, ça on m’a appris. En fait, on m’a appris deux techniques mais la deuxième technique, j’y arrive pas, alors
… en fait, si vous voulez, au début que j’ai appris, on m’a montré une technique, j’y arrivais pas, du coup, on m’a
montré une autre façon de faire
E143 D’accord, qu’ils utilisent aussi ?
I143 Ouais, mais ma collègue, elle fait pas la même
E144 D’accord. Et ... ta collègue, elle arrive à parler aux clients en même temps qu’elle fait ses paquets ou pas ?
I144 Ben, ma collègue, elle est en train de faire, elle jette un coup d’œil, elle parle, puis hop, elle rebaisse tout de
suite, donc
E145 D’accord, donc tu te rends compte que c’est quand même quelque chose de difficile même pour ta collègue.
Enfin, ta collègue, ça fait combien de temps qu’elle fait ce métier là, elle ?
I145 Bah, ça fait cinq ans, voire six ans
E146 Donc, c’est un point sur lequel …
I146 Oui, parce qu’en fait, on a deux sortes d’emballage : Quand le client il prend des pâtisseries individuelles, on
met ça dans une petite boîte sans couvercle et en fait, c’est du papier qu’on met autour et ça, c’est rapide
E147 Oui. Et c’est facile à faire ?
I147 Ah, oui ! Vous pliez le dessus du papier en fait, après vous repliez carrément sur la boîte, vous appuyez des
deux côtés de la boîte, vous repliez et puis hop, vous remettez en dessous (gestes). Ca c’est facile.
E148 Hum
I148 Parce que là, on peut pas faire d’erreur. Parce que le bolduc en fait, si vous voulez, vous passez en dessous la
boîte,
vous
faites
tourner
la
boîte,
vous
remettez
en
dessous
et
après
heu…
E149 Alors, attends, tu passes en dessous, vas-y, depuis le début !
I149 Comment vous dire ? Ah, je vais sortir ma trousse, ce sera plus facile ! Ah, ça tombe bien, j’ai mon chargeur
(fil), en plus !
E150
Je
croyais
que
tu
avais
un
gâteau !
I150 Je vais vous montrer en même temps, avec le chargeur, ce que ça va donner
E151 Allez, c’est moi qui apprend
I151 Oui, parce qu’en fait, c’est pas facile à expliquer, c’est plus facile à montrer, quand on a appris
E152 Et toi, on t’a appris, on t’a montré, justement ?
I152 Oui, on m’a montré. Oui, parce que c’est pas évident à dire « après faut que tu repasses là … ». On va y arriver
(gestes avec la trousse/boîte et le chargeur/bolduc).
E153 Alors, est-ce que tu vas réussir à me parler en même temps ?
I153 Alors, on fait comme ça, on fait, voilà, il faut remonter le truc, faut tourner le gâteau, faut repasser comme ça,
hop, vous repassez encore une fois sous le gâteau, voilà, et après faut que vous repassiez le fil là, en dessous
carrément là, alors c’est pas évident quand c’est du bolduc …
E154 Que ce soit bien serré
I154 Oui, que ça reste serré, c’est ça le pire. Voilà, après vous faites … Toujours que ce soit serré, bon, c’est pas
évident. Et après vous refaites un nœud là et vous refaites un nœud avec les boucles.
E155 D’accord, oui
I155 Faut vraiment bien être dans le truc, sinon à chaque fois vous vous trompez, quoi
E156 Puis y’a des boîtes sur lesquelles c’est plus difficile ou …?
I156 Les boîtes plates ! Parce qu’on a pas trop l’habitude, en général, les clients ils prennent plutôt des gâteaux assez
hauts. Donc c’est moins évident, sur les boîtes plates, en plus l’habitude …
E157 Pour les tartes …
I157 Ou les petites pâtisseries individuelles mais qui sont plates, les tartelettes, les trucs comme ça.
E158 OK, donc effectivement, c’est difficile de regarder les gens en faisant ça
I158 Ah oui, oui, c’est …
E159 Mais donc ça te gêne ?
I159 Ah, oui!
E160 Et tu as cherché à améliorer ?
I160 Oui, je cherche, mais bon, je regarde pas le client quand je lui parle alors heu , c’est gênant
E161 Mais quelque part, de toute façon, il est en train de regarder ce que tu fais. Donc ça peut être un moment de
communication où les gens se regardent pas dans les yeux, donc c’est peut-être pas si gênant que ça !
I161 Ben, pour moi, si mais sinon pour eux ça doit pas être, ça doit pas être … très gênant pour eux, quoi.
E162 Alors, le Saint Honoré est emballé
I162 Alors le Saint Honoré est emballé, après je tape sur la caisse
E163 Je croyais que la petite fille voulait des bonbons ?
132
I163 Oui, mais je tape déjà sur la caisse pour heu …Parce que sinon, après je me perds et heu, par exemple quand
y’a des clients qui nous demandent cinquante trucs, je tape au fur et à mesure
E164 C’est ce que font tes collègues aussi ou ... ?
I164 Bah, ça dépend des fois parce que des fois elles arrivent à retenir, pis quand le client il prend encore plus de
trucs et ben là elles tapent.
E165 D’accord
I165 Alors, je tape sur la caisse, puis là, la petite fille elle me dit heu, elle dit à sa mère : « maman, je peux avoir des
bonbons ? » et puis elle fait alors : « mettez-lui des bonbons avec ». Alors, je l’invite à aller sur le côté pour me dire
ce qu’elle veut et en quelle quantité quoi. Là, je l’ai servie et puis …
E166 Elle en voulait beaucoup ?
I166 Non, elle en a pris pour même pas un euro, elle a pris 70 centimes, je crois
E167 C’est raisonnable
I167 Oui, les bonbons ils font 5 centimes alors ça va vite
E168 Et ensuite ?
I168 Et je tape les 70 centimes sur la caisse, par contre, je me souviens plus du total. Après les clients ils me
proposent la carte bleue mais on prenait pas la carte bleue. Je fais : « je suis désolée mais on ne prend pas, on
n’accepte pas les cartes bleues », je propose de payer par chèque ou espèces sinon on leur dit d’aller au distributeur
qu’il y a un peu plus loin
E169 C’est fréquent ça j’imagine que les gens veuillent payer par carte
I169
Oui,
alors
en
général,
ils
payent
par
chèque
E170 Quand il te sortent la carte, tu penses quoi, toi ?
I170 Quand ils sortent la carte, bah c’est automatique, on leur dit direct, comme ça si jamais heu … Par exemple,
quand on est en train de les servir et pis que ils ont la carte dans la main, on leur dit : “par contre on prend pas la
carte”
E171 D’accord
I171 Comme ça, en fait on anticipe le, la chose, quoi. Comme ça quand on est en train d’emballer, ils peuvent aller
retirer l’argent ou …
E172 OK
I172 Là, ils sortent le chéquier, ils m’ont demandé un stylo, puis ben après on leur conseille de le laisser bien au
frais, de le sortir au dernier moment.
E173 Donc, ça c’est ce que tu fais en dernier, avant de leur dire au revoir
I173
Oui,
avant
de
leur
dire
au
revoir
E174 Comment tu sais qu’il faut faire ça, finalement ?
I174 C’est, ah y’a l’expérience, du moins personnelle et puis ...
E175 Mais, pardon, elle te vient d’où cette expérience personnelle ?
I175 Ben du magasin justement, parce qu’à chaque fois, j’ai pris à chaque fois des … j’ai pris toutes les sortes de
gâteau pratiquement, à part le succès …
E176 Ah, tu me dis que toi tu as goûté tous les gâteaux et que c’est pour ça que tu sais ! Ca, c’est vraiment de la
conscience professionnelle !
I176 Ah, oui, oui !
E177 Et donc tu sais qu’il faut les mettre au frais, c’est pas tes collègues ou ton patron qui t’ont dit de… ?
I177 Non, à part heu, heu, deux gâteaux que j’ai jamais goûté : C’est le Succès et le Moka
E178 Ca te dit rien ?
I178 Non, c’est pas, c’est crème au beurre … et pis meringue et crème au beurre : aah ! Ca doit être bien lourd !
E179 C’est quoi ce que tu préfères ?
I179 Mon gâteau préféré, c’est le Fruits d’été et le Manjari
E180 Ah, justement !
I180 Justement !
E181 Et tu n’arrives pas à te souvenir !
I181 Non !
E182 Ah, c’est fou, ça !
I182 Le Mogador est pas mal non plus, c’est d’ailleurs ce que j’ai pris pour l’examen
E183 Oui, tu as déjà choisi ?
I183 Oui, on a choisi ça en milieu d’année avec madame B. (formatrice) ; on a fait les fiches produits …
E184 Alors le Mogador, justement ?
I184 Génoise nature, ganache chocolat et des framboises
E185 D’accord
I185 En fait, c’est fort en chocolat mais avec les, les framboises, ça coupe le sucre du chocolat
E186 Oui, l’intensité du chocolat
I186 oui, et ça faut le sortir ¼ h à l’avance pour que la ganache elle soit un peu plus, un peu plus molle.
E187 D’accord. Mais je suis surprise que ça on te l’ai pas appris heu, heu chez ton employeur.
I187 Ah, on me l’a dit, si mais heu, mais après quand on a goûté à tous les gâteaux, on sait encore mieux conseiller
E188 D’accord, c’est important ça. T’aimes bien conseiller ?
133
I188 Oui, je préfère conseiller que, qu’encaisser ou des trucs comme ça. C’est le principe de la vente, c’est ça
E189 Bien sûr, oui. Oui, c’est vrai que c’est intéressant de conseiller sur des gâteaux …puisque le choix à l’air assez
large
I189 Après on demande si y’a plus d’enfants que …que d’adultes
E190 Pour conseiller sur le nombre de parts etc
I190 Oui, sur le nombre de parts et puis suivant les enfants, en général les enfants aiment le chocolat, donc, en
général on propose plus du chocolat que …
E191 Donc, tu as des règles d’action, comme ça on pourrait dire ? Quand les gens hésitent tu sais plutôt vers quoi les
orienter …
I191 Ouais, par exemple si c’est pour, heu, juste un anniversaire ou si c’est à la fin du repas, on propose plutôt un
gâteau léger …
E192 Hum . Alors, on en était à cette petite famille qui vient de payer par chèque, tu as donné ton conseil et puis ça
se termine …
I192 On souhaite une bonne journée et puis on leur dit au revoir.
E193 OK, et ensuite tu repars faire ...
I193 Ensuite on repart mettre en rayons
E194 Et donc tu as pu la finir tranquille la mise en rayons ou tu t’es encore … ?
I194 Non, parce que en général, quand je suis bien en retard dans le truc, c’est ma collègue qui reprend après.
E195 D’accord, OK.
Alors, peut-être des questions plus générales maintenant. Donc, tu m’as montré que tu avais appris heu, en fait sur le
tas si on veut : en observant les collègues, avec ton expérience personnelle, quand tu goûtes les gâteaux … Que tu
fais beaucoup d’efforts pour goûter tous les gâteaux
I195 Dès qu’on a un nouveau gâteau, on le goûte, de toutes façons
E196 D’accord, donc ça permet ça de pouvoir conseiller. Et puis le CFA dans tout ça, est-ce que, est-ce que ça
t’apporte quelque chose dans ta pratique ?
I196 Oui, parce que j’apprends des trucs que je fais pas, pas spécialement au boulot, donc ...
E197 Comme quoi ?
I197 Bah, je sais pas ... Si la reformulation je la fais toute de suite …
E198 Mais c’est le CFA qui t’apprends que ça s’appelle la reformulation
I198 Oui
E199 C’est utile, ça ? De savoir comment ça s’appelle ?
I199 Heu, utile pas vraiment, de savoir comment ça s’appelle. Mais c’est vraiment utile parce que des fois on
comprend pas vraiment alors on redit, on redit en fait ce que l’on a compris et c’est là que le client nous dit : « non,
j’ai demandé ça »
E200 Et donc ça, tu l’as vu plus spécifiquement au CFA … Est-ce que tu l’avais observe chez tes collègues ? Est-ce
que tu avais essayé de la faire, toi, naturellement ?
I200 Alors ça, je l’ai fait bien avant pendant que je faisais des stages… Donc ça, j’ai observé des, des maîtres de
stage le faire
E201 Oui, tu te souviens ?
I201 Oui, j’ai appris ça au … parce qu’en fait, j’avais fait un stage au café de V. et c’est là-bas que j’ai appris à faire
ça, parce que je voyais les autres faire
E202 D’accord, et donc quant tu es arrivé au CFA et que tu as eu un cours sur ça, tu t’es dit : « ah, oui »
I202
Bah
la
reformulation,
ça
m’a
tout
de
suite
dit
ce
que
c’était
quoi
E203 Et tu as vu que l’intérêt il était général, que c’était pas juste toi … OK, y’a d’autres choses encore au CFA
comme ça ?
I203 Heu, la réponse aux objections du client
E204 Oui
I204 C’est ce que je vous disais tout à l’heure : « c’est trop chocolaté » ou des trucs comme ça …
E205 Et donc pour répondre aux objections, tu t’appuies sur ta propre expérience, le fait que tu connaisses les
gâteaux
I205 Oui
E206 Tu penses que tu as évolué dans la réponse aux objections depuis que tu travailles ?
I206 Oui, parce qu’avant, je demandais conseil à ma collègue, je lui disais, ça qu’est-ce qui fait que, qu’on peut
couper, par exemple, le sucre du gâteau … En fait, je disais pas ça en face des clients, je demandais après
E207 Voilà, tu étais pas complètement autonome, tu prenais le renseignement pour t’améliorer, OK. Je te remercie !
134
Entretien d’explicitation
V3
(Entretien n°3, Vente)
E1 Pour essayer de trouver une situation, on va peut être partir du plus large pour arriver au plus précis : est-ce qu’il
y a des moments dans la semaine qui sont plus difficiles à gérer ou plus compliqués pour toi ?
I1 Ben toutes les périodes de fête, mais sinon après, le reste du temps c’est calme
E2 Le reste du temps c’est calme, donc, j’sais pas si toi tu, tu peux, tu pourrais me parler d’une période comme ça,
un peu agitée où il y a eu du monde, ou ça t’a demandé plus de …
I2 Ouais …
E3 Mais il faut que tu l’aies encore en tête un peu ou …
I3 Ah, bah, la période dernière … Bah c’était à Noël
E4 Oui, à Noël, ça remonte !
I4 Oui, ça remonte un petit peu ; oui, à Noël, les gens ils s’agglutinent devant le rayon quoi, pis ben … faut, faut
enchaîner pour pas que ils attendent trop longtemps parce que sinon … Y’a le patron qu’est là
E5 Ah oui, donc y’a le regard extérieur
I5 Oui, ah bah oui, il est quand même là hein
E6 Oui. Alors … Voilà : on est a Noël, tu te souviens les produits que tu as, là, dans ton rayon ? Les gens
commencent à arriver, comment tu, comment tu t’y prends ?
I6 Comment je les reçois ?
E7 Oui, voilà ! Tu te repasses le film et puis tu me montres
I7 Je dis « bonjour », je dis « qu’est-ce qu’il vous fallait ? », ils disent ce qu’ils veulent, tout ça … Et ben moi je les
sers et pis je leur dis « ben merci et au revoir ». Pis après j’enchaîne, bah les autres clients pareil, en fait
E8 D’accord, alors là, ça
I8 C’est répétitif, en fait
E9 C’est répétitif. Tu dois te dépêcher ?
I9 Oui
E10 Effectivement. Alors à quoi tu fais attention ?
I10 A quoi je fais attention (rire) ?
E11 C’est sûr que tu fais attention à des choses
I11 Bah, c'est-à-dire que je fais attention à quoi … Bah, heu …
E12 La personne arrive, qu’est-ce que, est-ce que tu fais attention à la personne qui …qui arrive, comment elle
est … ?
I12 Ah bah oui, je la regarde quand même ! Après je lui dis bonjour, tout ça, je regarde sur quel ton elle me parle
aussi parce que ça heu
E13 Ouais
I13 Y’a des gens des fois ils sont pas très agréables
E14 Hum
I14 Y’en a qui disent pas bonjour, aussi
E15 Hum, quand ils disent pas bonjour, tu penses quoi toi ?
I15 Ah bah moi et mes collègues, on a toujours dit : « quant ils disent pas bonjour, tu leur dis BONjour, comme ça,
pour qu’ils comprennent bien que y’a quand même heu …
E16 La politesse
I16 Oui, la politesse
E17 Bien sûr
I17 Sinon, ben, ça doit être tout
E18 Donc, ça veut dire qu’il y a deux, deux types de … Y’a ceux qui disent bonjour et ceux qui disent pas bonjour
…
I18 Wah y’en a plein hein. Y’a ceux qui sont agréables, y’a ceux qui sont désagréables, y’en a qui vont causer avec
vous pendant, pendant deux heures !
E19 Hum, hum
I19 Y’en a c’est je veux ça, je veux ci après au revoir-merci mais après y’a plein de types de clients quoi, c’est, c’est
varié
E20 Alors ouais, qu’est ce qu’il y a comme …
I20 Les jeunes et les moins jeunes …
E21 ça, tu fais attention à ça ?
I21 Les jeunes va y’en avoir très peu, les jeunes-jeunes. Après y’en a plus qui viennent, ceux qui sont dans la
quarante, cinquantaine pis tous ceux qui sont après
E22 Et ils réagissent pas de la même manière, ils ont pas les mêmes habitudes …
I22 Non, pas du tout
E23 Alors c’est quoi les habitudes ?
135
I23 Bah, y’en a qu’ont leurs habitudes, qui prennent toujours les mêmes choses pis y’en a y vont venir, ils prendront
jamais les mêmes choses … ça dépend, en fait
E24 Alors est-ce que justement, puisqu’il y a des gens qui ont des habitudes, donc des gens qui viennent souvent,
est-ce que tu peux avoir en tête, là comme ça, est-ce que tu peux imaginer le visage de gens qui viennent assez
souvent ? Des gens que tu vois souvent, des clients réguliers ?
I24 Oui, ben oui
E25 Et est-ce que justement on pourrait parler, prendre ça justement comme situation ? Des gens … Tu identifies
bien la personne, à la limite tu peux être capable de me la décrire, que moi aussi je la vois.
I25 Oui
E26 Et puis, tu me décris tout ce que tu fais avec heu cette personne : de la phase d’accueil jusqu’à la conclusion et
le au revoir
I26 En fait, je dois vous dire tout ce que …
E27 Ouais, ouais, ça peut sembler heu, un peu bizarre, mais voilà ! c’est pour que je vois vraiment tout le
déroulement.
I27 La personne elle arrive …
E28 Alors cette personne, c’est qui ? Pas une personne en général, une personne PRECISE
I28 Ben c’est un homme … entre … quel âge y peut ? Cinquante et soixante ans …
E29 A quoi tu vois qu’il a cinquante ou soixante ans ?
I29 Bah, ça se voit physiquement, c’est les traits de son visage, tout ça … La manière de s’habiller, tout ça ça se voit
E30 Hum
I30 Donc il arrive, il dit « bonjour » puis je lui demande ce qu’il veut, comme d’habitude. Il me dit … C’est quoi
qu’il prend, lui d’habitude ? Généralement il prend pas grand-chose parce que, parce que ça coûte cher donc il prend
pas grand chose
E31 D’accord
I31 Alors lui il me demande à chaque fois ses deux tranches de jambon, comme d’habitude …
E32 Hum
I32 Et pis, je le sers, je vais taper à la machine son produit
E33 Alors quand tu le sers, comment ça se passe, comment tu … ?
I33 Ben, je prends le jambon, je le mets dans la machine, je le coupe, je remets le jambon, je …prends les deux
tranches de jambon, je les enveloppe, après je les mets sur la balance, je tape le prix au kg, pour avoir le prix, je les
emballe dans un sac plastique et pis après je lui donne, je le remercie, pis je lui dis au revoir pis il me dit au revoir
aussi
E34 D’accord ! Là c’est quelqu’un qui vient souvent ?
I34 Ouais
E35 Et donc, tu bavardes pas plus avec lui ?
I54 Non, non, je bavarde pas trop avec les clients en général, ça reste toujours heu
E36 Parce que t’as pas le temps ou parce que c’est pas ton, c’est pas ton style ?
I36 Discuter avec des gens que je connais pas de trop, c’est pas trop … non, je vois pas trop l’intérêt, en fait !
E37 Hum. Tes collègues, elles le fond, de discuter ?
I37 Oui, oui, bah oui ! Des fois c’est une demie heure même !
E38 Ah oui. Parce que c’est des gens qu’elles connaissent ?
I38 Oui, alors généralement ça dure longtemps et nous en attendant, on est obligées de servir à leur place
E39 D’accord. Vous êtes combien à servir ?
I39 Heu … Tous les jours, on est deux.
E40 Deux en permanence ?
I40 Deux pour trois rayons
E41 Ah oui. Quand tu dis trois rayons ?
I41 Ben c’est poisson, fromage et charcuterie
E42 D’accord, et donc toi tu peux être sur ces trois rayons là finalement ?
I42 Oui
E43 Et c’est différent pour toi de servir … ?
I43 Le poisson, généralement, le soir quand on rentre …
E44 Ouais, c’est pas, ça te plaît pas trop ?
I44 Non !
E45 Donc, tu es mieux dans lequel, dans quel rayon ?
I45 Ben, je préfère le fromage et la charcuterie parce que au moins, on sent rien …
E46 Et, est-ce que tu es amenée heu à conseiller les clients un petit peu justement sur les fromages, la charcuterie ?
I46 Oui des fois ils nous demandent « qu’est-ce que je pourrais mettre pour faire un buffet ? », alors nous on leur
propose des, des, des feuilles qu’on a fait nous même …
E47 D’accord, tu as un support …
I47 Oui, avec le prix des buffets, ce qu’il y a dedans
E48 Hum, donc pour leur vendre le buffet complet
I48 Voilà
136
E49 Et donc tu dis, c’est toi, enfin c’est vous qui avez fait le papier et les propositions
I49 Ouais
E50 Et alors comment vous avez fait ça ?
I50 Ah ça après, je sais pas du tout parce que moi quand je suis arrivée, c’était déjà fait
E51 Oui, alors « nous », c’est le magasin
I51 Ouais, voilà, quand je suis arrivée, c’était déjà comme ça donc …
E52 Et vous êtes incités justement à vendre ce genre de prestations, parce que j’imagine que c’est intéressant ?
I52 Non, c’est après si les clients en veulent, c’est pas une obligation
E53 D’accord
I53 Toi tu aimes bien quand y’a des choses justement qui sortent un peu de l’ordinaire ?
E54 Ah bah ouais, quand les gens demandent des buffets, des choses comme ça, ça change un peu …Parce que bon
tout le temps faire la même chose … Bah de toutes façons, tous les jours c’est la même chose hein !
I54 Oui
E55 Mais sinon, y’a des conseils qu’on vous demande aussi sur … sur heu, peut-être pas la cuisson sur la
charcuterie mais sur …
I55 Des fois ils nous demandent « ben, vos fromages, qu’est-ce que je pourrais mettre comme fromage … pour mon
plateau ? ».Sinon en ce moment …
E56 Et ça, tu sais y répondre, à la personne qui te demande … ?
I56 En général, généralement c’est toujours les mêmes assortiments donc après heu …
E57 Et les assortiments tu les connais comment ?
I57 …
E58 Toi, au départ ?
I58 Bah … Je les connais heu , on va dire heu, comment dire ça ?
E59 Comment t’as appris ça ?
I59 … Heu, parce que, comment ? Généralement chez soi ou chez les autres, on voit toujours …C’est toujours les
mêmes fromages on va dire
E60 D’accord, donc en fait tu te bases sur ton habitude, c’est pas, t’as pas appris … ?
I60 Non, j’ai pas appris vraiment …
E61 Ni ici au CFA, ni en arrivant ?
I61 Non. Non, généralement les gens y prennent un peu tout le temps les mêmes trucs donc … On sait à peu près
quoi
E62 d’accord, et des fois, t’aimerais pas avoir … Est-ce que tu as l’impression d’avoir assez de connaissances,
finalement, pour servir les gens ?
I62 Pas tout à fait, pas encore assez. Y’a des ( ?) des fois, je saurais pas les renseigner. Parce que des fois quand ils
me demandent heu, par exemple pour les buffets : « si on remplace ça par ça, combien ça va me coûter ? » en fait
E63 D’accord
I63 Si ils disent ça en fait, après faudra voir avec la responsable mais moi je pourrai pas savoir
E64 Oui, y’a des questions financières
I64 Tout ce qui est comme ça, moi je pourrais pas savoir
E65 Et tu aimerais bien pouvoir répondre à toutes les questions toi ?
I65 Bah oui, ce serait plus pratique
E66 Oui, et au fil des deux ans, y’a pas eu une évolution quand même ?
I66 Ben non parce que ils nous fond faire tout le temps les même trucs et pis bah du coup
E67 D’accord
I67 C’est comme j’ai jamais d’après-midi parce que elle a jamais voulu me faire monter le rayon poisson le matin
parce que le matin faut monter le rayon poisson … Ca elle a peur que j’y arrive pas ou quoi que ce soit mais j’ai
jamais fait donc …je sais pas quoi
E68 Oui, faudrait au moins le faire
I68 Alors que je pourrais savoir le faire
E69 Et tu n’as pas les arguments pour, pour justement lui dire, lui prouver que tu peux le, que tu peux le faire ?
I69 Bah, j’ai déjà essayé mais … ça a jamais marché. Pourtant y’a rien, y’a rien de compliqué à mettre de la glace, à
faire des trous, à mettre les poissons dedans …
E70 Tu as eu le temps d’observer en plus
I70 Ah oui, je sais comment qu’on fait mais non, ils, ils veulent pas
E71 Oui, c’est les règles là-bas, c’est les règles
I71 C’est comme ça
E72 Et heu au niveau du, du CFA, est-ce que t’as l’impression qu’il y a des choses qui te servent vraiment dans ta
pratique heu en entreprise, dans ce que t’apprends au CFA ?
I72 …
E73 Par exemple, je fais pas du contrôle là, je veux voir un peu la part …
I73 Oui, oui … Ah c’est pas du tout la même chose hein. Parce que c’est pareil, en vente, on nous fait apprendre ça,
ça, ça mais tout ça c’est pas appliqué en entreprise quoi
E74 Alors par exemple, qu’est-ce qui n’est pas appliqué ?
137
I74 Bah, toutes les méthodes de vente …tout ce qui est comme ça, enfin tout ce qu’on apprend en vente quasiment
c’est pas appliqué dans la vie réelle quoi
E75 C’est pas appliqué dans ton entreprise ou en général
I75 Bah après en général, je sais pas
E76 Tu peux essayer de me donner un élément plus précis de quelque chose que t’as vu en cours et qu’est
absolument pas appliqué. Moi je connais pas le domaine plus précisément.
I76 Bah, comme je vous disais, les méthodes de vente, par exemple
E77 Alors qu’est-ce que t’appelles une méthode de vente ? je joue les idiotes hein mais !
I77 Les méthodes de vente … Qu’est-ce qui y’a déjà ? Je me rappelle plus, j’sais pas, j’l’ai appris ! (rire) Je sais plus
ce qui y’a comme méthode de vente …
E78 Imagine, tu as Mme B en face de toi, elle est en train de te parler des méthodes de vente …
I78 C’est compliqué … Parce que les profs de vente, on les écoute mais …le problème c’est que après … ça part !
E79 A aucun moment dans les cours de vente, tu te dis « ah oui, j’ai fait ça comme ça » …
I79 Ben pendant les deux ans ça a été rare quand même
E80 Et heu … Est-ce que dans les cours de vente, tu, vous avez l’occasion de parler de votre pratique en entreprise ?
I80 Bah des fois oui, c’est pour ça que des fois, je lui ai dit à la prof, à la prof de vente, je lui ai dit « nous on fait pas
du tout comme ça » quoi
E81 Et alors, qu’est-ce qu’elle pense de vos méthodes, elle ? Est-ce que ça te conforte dans ton, dans ce que tu fais
ou au contraire ça te fait réfléchir ?
I81 Bah après elle nous dit « voilà, si vous faites pas comme ça ben après chacun a ses méthodes »
E82 Oui, mais peut-être que ta méthode, elle est justifiée aussi, tu peux la justifier
I82 Oui, après je sais pas si c’est vraiment aux normes tout ça donc … Après je dis rien quoi, parce que …
E83 Y’a des connaissances à avoir j’imagine pour tout ce qui est alimentaire…sur l’hygiène, etc …
I83 Bah oui, faut avoir, faut savoir les règles d’hygiène, comment il faut nettoyer, avec quel produit …
E84 Et ça c’est en entreprise finalement que tu l’apprends ou est-ce que là pour le coup ce que tu peux faire … Tu
fais de l’hygiène ici, je pense
I84 Ouais, mais c’est plus en entreprise qu’on apprend
E85 C’est quoi la différence entre les cours d’hygiène ici et puis l’hygiène, l’application en entreprise ?
I85 … Alors l’hygiène ici, ils nous disent, on va dire, les règles de base, en général puis après, chaque entreprise a
son, ses règles d’hygiène en particulier quoi
E86 Hum
I86 Parce que bon, nous … c’était quoi déjà, le dernier cours d’hygiène ? Oui, il parlait de l’hygiène des tables et
des surfaces à trancher, tout ça : d’enlever le plus gros, de laver à l’eau froide surtout donc nous ça c’est un truc
qu’on fait JAMAIS de laver à l’eau froide
E87 Ah bon ?
I87 Oui, c’est tout le temps à l’eau bouillante !
E88 Mais pourquoi vous le faites à l’eau bouillante vous ?
I88 Bah nous parce que ça part mieux, c’est parce que ça part mieux, c’est tout hein. Bon, c’est plus en boucherie
mais vu que des fois je vais les aider le soir, je me base dessus quoi
E89 Oui, alors c’est une situation un peu bizarre finalement d’être heu … Au CFA on dit des choses, en entreprise
t’en fait d’autres, comment, comment toi tu fais la jonction entre les deux ?
I89 Généralement je le fais pas du tout !
E90 Ouais ? Alors ça doit être heu …
I90 Mais j’apprends mes cours mais … Je me dis les cours c’est les cours et pis l’entreprise c’est l’entreprise quoi
parce que ça n’a rien à voir
E91 Et heu tu te vois faire quoi alors après le CAP ?
I91 Ben, là après, je vais rien faire du tout parce que … Je vais être maman, donc je vais rien faire du tout pendant
un an, le temps de l’élever
E92 Félicitations !
Entretien d’explicitation
C1
(Entretien n°1 Coiffure)
E1 : Donc, heu, y s’agit, pour moi d’apprendre comment tu travailles. Et donc pour ça heu, je j’aimerai bien que tu
décrives une situation professionnelle particulière. Puisque ce qui m’intéresse moi, c’est les métiers de la relation de
service, donc la coiffure c’est bien un métier…
I1 : ben oui
138
E 2 : … ou on est en relation de service avec un client, une cliente. Donc est-ce que tu peux évoquer, là dans ta tête,
une… heu… une situation précise avec un client ou une cliente précise ? Retrouver une situation
I 2 : Par rapport à quoi aussi ?
E 3 : bah une heu on va dire… alors… comment ça ce passe pour toi, là en fin de deuxième année ? Tu fais des
coupes toute seule, ou ?
I 3 : ah oui, ça y est, là ouais
E4 : sans problème t’es autonome,
I 4 : ouais
E 5 : donc peut être essaye de retrouver une cliente particulière qui t'a marqué… heu… et pour laquelle tu vas
pouvoir me dire comment ça c’est passé, étape pas étape, moi je vais te poser des questions.
I 5 : oui heu… ça y est c’est bon
E 6 : oui t’en as une ?
I 6 : oui
E 7 : OK, bon, impeccable, donc je vais te demander d’évoquer cette situation, de te remettre dans la situation pour
pouvoir m’en parler et me la décrire. Alors comment ça se passe heu au début ? Si on reprend vraiment le le tout
début ?
I 7 : Bon ben elle arrive, donc heu je prends son nom pour regarder dans le carnet de rendez- vous, donc je vois que
c’est avec moi, donc c’est une couleur, je l’installe, je lui mets le peignoir et tout…
E 8 : Alors je te fais ralentir tout de suite, si ça te dérange pas, alors quand elle arrive, comment ça se passe ? Qu’est
ce que tu vois, qu’est-ce que tu dis ? heu on va rentrer vraiment dans le…
I 8 : Ben « Bonjour Madame », heu « Vous avez rendez vous ?», donc elle me dit oui. J’dis… ben je vais prendre
votre nom, donc elle va prendre heu donc j’vais prendre son nom, hop j’regarde sur le carnet, j’la barre …après je
l’installe devant …puis ben communique avec elle, je lui demande ce qu’elle veut ce qu’elle recherche dans la
couleur, si c’est la brillance si c’est …
E 9 : Alors quand tu dis tu l’installes « devant » c'est-à-dire…
I 9 : ah c’est heu, au coiffage
E 10 : Au coiffage, d’accord …OK
I 11 : Donc heu je lui demande ce qu’elle veux et tout, si elle recherche de la brillance, heu…si c’est une autre
couleur, si elle veux vraiment changer, après je vais lui chercher le nuancier, le nuancier de couleurs
E 12 : d’accord donc là cette personne là c’était pour une couleur, donc !
I 12 : Oui c’était pour une couleur et après coupe brushing
E 13 : D’accord
I 13 : Et heu, donc j’ai pris donc heu… on regarde la couleur ensemble, elle me dit ce qu’elle veut donc je vais
préparer la couleur
E 14 : Alors heu, moi il faut que je me représente bien la situation, alors est-ce que c’était le matin ? Est ce que
c’était l’après midi ? Elle était comment cette dame ?
I 14 : C’était l’après midi, donc elle était, ben, c’est une maîtresse… justement…haha, elle avait les cheveux milong
E 15 : D’accord
I 15 : Heu elle avait une couleur heu ... ce devait être du châtain, et puis voilà
E 16 : Oui, c’est quelqu’un que tu connaissais déjà ?
I 16 : Non, c'est à dire, non pas du tout
E 17 : Non
I 17 : Non, elle avait pris rendez vous par téléphone
E 18 : Tu travailles où déjà, toi?
E 19 : A S, d’accord
I 19 : Heu ben après j’ai préparé la couleur, je l’ai habillé, donc j’ai mis une heu...
E 20 : Alors comment elle a… elle a eu du mal a la choisir sa couleur, elle c’est décidée tout de suite ?
I 20 : Non elle savait à peu près ce qu’elle voulait,
E 21 : Elle savait tout de suite?
I 21 : Elle savait, elle savait à peu près ce qu’elle voulait, parce que en fait elle l’avait déjà fait, elle avait déjà fait
une couleur chez nous il y a quelques années, et nous on enregistre toutes les fiches des clients sur l’ordinateur. Et
donc je lui ai ressortie, je lui ai montré et elle a réfléchi, elle a regardé les autres couleurs et en fait du coup elle a
pris la couleur heu…
E 22 … Qu’elle avait déjà faite
I 22 : Oui
E 23 : Et alors c’était qu’elle couleur ?
I 23 : C’était du 5 - 12
E 24 : Ah du 5 - 12
I 24 : Oui
E 25 : Alors ... je ne sais pas ce que c’est le 5 -12
I 25 : Alors heu, châtain heu, cendré heu, irisé
139
E 26 : Châtain cendré…Alors comment tu fais là pour… avec ces codes ? 5 - 12 ça veut dire quoi ?
I 26 : En fait parce que on a des… on a des…alors le premier numéro donc le 5 c’est tout ce qui est blond heu
châtain heu, en fait c’est rangé dans l’ordre. … et tout ce qui est après le 15, 25 en fait, on a le numéro, après on a
une virgule et après on a … on peut avoir des autres chiffres et en fait après la virgule c’est les reflets
E 27 : D'accord, tu les connais tous ces reflets, par cœur ?
I 27 : Oui, mais par contre comme ça j’ai un petit peu du mal en fait de dire…
E : 28 : Ah comment ça se fait ?
I 28 : Ben j’sais pas, parce que en fait il faut que j’écrive à chaque fois, quand j’écris après…
E 29 : Alors et là, c’est ce que tu as fait avec cette cliente là ?
I 29 : Non, ben non parce que sur le nuancier en fait c’est marqué, quand on soulève la petite mèche, c’est marqué ce
que c’est.
E 30 : D’accord. Mais alors donc ce qui est marqué c’est juste la couleur principale et après ton reflet c’est sur une
autre ?
I 30 : Non c’est tout l’un derrière l’autre en fait, c’est en dessous de la mèche c’est marqué par exemple « cuivré »…
E 31 : T’as mis du temps à apprendre tous ces codes là ? tous ces numéros ?
I 31 : Ben quand même oui, mais à force d’être dedans vu que je fais tout le temps des couleurs, c’est vrai que ça
rentre plus facilement quand même
E 32 : D’accord, là ça fait combien de temps que tu les sais bien ces …?
I 32 : ça va faire un an, normalement
E 33 : Donc tu as mis une année
I 33 : Ouais
E 34 : D’accord. Donc la cliente est installée, elle a d’abord choisi sa couleur heu…est-ce que toi t’as été amenée à
la conseiller ? Alors comment, qu’est-ce que tu as dis ?
I 34 : Oui, ben donc comme je vous ai dit, je lui ai demandé ce qu’elle voulait et tout, après suivant ce qu’elle m’a
dit moi je lui ai montré ce que je pensai et ce qui lui irait bien aussi
E 35 : D’accord, alors qu’est ce qu’elle t’a dit ?
I 35 : Ben qu’elle voulait un peu près le même genre de couleur qu’elle avait, mais avec un petit peu plus de reflets
en fait. Donc moi je lui ai montré ce qui me semblait bien pour la cliente et après elle m’a dit :
« ben je vais repartir sur ma couleur d’ il y a quelques années » en fait .
E 36 : D’accord, donc toi ça te semblait bien donc
I 36 : Oui
E 37 : Donc c’est parti comme ça. OK. Alors heu ... étape suivante : une fois que la couleur est choisie
I 37 : Ben je vais la préparer, on a un laboratoire. Donc j’ai été lui préparer.
E 38 : Alors il est où ce… laboratoire ? Qu’est…
I 38 : C’est en fait, c’est pour pas que les clientes voient qu’on…ce qu’on prépare en fait parce que c’est pas trop …
y voient après ce qu’on prépare, quoi…l'ammoniac et tout, y s’aiment pas de trop de trop. Donc on prépare et y nous
voient pas. Donc après j’ai été cherché une tablette, je l’ai habillée, donc j’lui ai mis la serviette et tout, j’lui ai mis
du cello pour pas qu’elle soit tâchée et heu après j’ai commencé à lui appliquer la couleur.
E 39 : OK, alors, je reviens, je suis un petit peu lente, heu sur le laboratoire, heu comment tu sais que la cliente elle
aime pas heu voir les produits etc ?
I 39 : Ben, y en a beaucoup qui nous disent ben « c’est avec ammoniaque ? », « c’est sans ammoniac ? »
E 40 : D’accord, donc c’est les clients, tu te fies à ce que les clients heu ... disent ?
I 40 : Puis même, c’est mieux quand même de pas ...
E 41 : Alors, mais, qu’est ce qui te permet de dire que c’est mieux de pas ?
I 41 : Ben, j’sais pas, parce qu’y voient comment qu’on fait, après c’est vrai que des fois après on se dit ben, j’ai
peur que, on a peur que après les clientes disent « bon ben je vais pas en faire parce que si … »
E 42 : Parce que alors, c’est comment ce que tu prépares…qu’est qui…qu’est qui peut faire peur à la cliente ?
I 42 : Ben en fait là ça va, parce que on a des produits, une nouvelle couleur qui vient de sortir, donc qui est sans
ammoniac, donc la couleur là ça fait… mais quand on prépare la, comment…le produit à contraste, à mèches, ça a
une odeur vraiment forte, ou des fois on se dit ça peut beaucoup abîmer le cheveu…
E 43 : La cliente peut ce dire ça, et en réalité ça abîme le cheveu ?
I 43 : Oui quand même, y faut pas en faire trop souvent quand même
E 44 : D’accord heu donc toi …(I : là)…vas-y...
140
I 44 : Là on a une nouvelle couleur qu’est sans ammoniac donc elle abîme pas du tout le cheveu en fait, c’est avec
du gel et heu donc elle est très très bien quoi. Donc même les clientes y préfèrent la couleur là qui est sans
ammoniac, y voient la différence.
E 45 : D'accord, et cette cliente là elle s’inquiétait un peu, elle a posé des questions sur... justement ? Y'avait pas de
…?
I 45 : Non, mais moi je lui ai proposé la couleur sans ammoniac, je lui ai dit que c’était une nouvelle couleur, heu
comment, elle piquait pas le cuir chevelu. Alors que les couleurs d’avant des fois ça pouvait, on pouvait avoir des
démangeaisons, qu’elle avait un petit peu plus de brillance heu et elle tenait mieux quand même.
E 46 : Et elle tient bien la …
I 46 : Oui elle tient bien
E 47 : Et alors, elle a quand même choisi celle avec ammoniaque, et pour qu’elles raisons ?
I 47 : Non sans ammoniac
E 48 : Ah sans ammoniac, elle a bien pris celle que tu lui proposais, donc ça a bien, ça a bien fonctionné
I 48 : Pis on lui a dit aussi qu’elle était un petit peu plus cher à l’achat, donc elle a dit « j’ m’en fiche qu’elle soit un
peu plus chère tant qu’il y a un bon résultat ».
E 49 : d’accord. Donc tu as fait t’a petite mixture sans ammoniaque Donc même pour toi ça sent moins ?
I 49 : Ah oui ben même nous on le voit, c’est… on a moins d’odeur et tout. Même parce que moi souvent j’ai mal la
tête à la fin de la journée, là je vois j’ai moins mal la tête quand même.
E 50 : Donc c’est quand même important pour tout le monde.
I 50 : Oui. Et donc ben après le l’ai habillée, j’ai commencé à lui appliquer la couleur. Donc heu, on discutait donc
heu, parce qu’elle était maîtresse. Donc on discutait beaucoup de ça en fait heu c’est…
E 51 : Oui, tu te souviens plus précisément.
I 51 : Ouais, ben comme quoi que les enfants…heu ils étaient très gentils, heu je sais plus à quelle école elle était par
contre
E 52 : Elle avait heu ... elle enseignait à des enfants de quel âge ?
I 52 : C’était heu les …les moyennes sections
E 53 : D’accord, oui, donc en maternelle, des petits
I 53 : Oui c’était vraiment ouais et puis heu
…/…
E 54 : Alors à ce moment là tu discutes un peu avec elle pendant que tu étales...
I 54 : Pendant que j’applique la couleur
E 55 : …Que tu appliques heu la couleur, et qu’est ce que tu, qu’est ce que tu regardes en même temps, qu’est ce
que…?
I 55 : Ben quand j’applique je regarde ce que je fais en fait, et en même temps on discute
E 56 : Ca te demande beaucoup d’attention d’appliquer la couleur, à quoi tu fais attention quand t’appliques la
couleur ?
I 56 : Ben, que j’en oublie pas, que j’oublie pas de mettre de la couleur quoi qu' y en ait bien partout. Parce que
sinon ça se voit, ça fait pas joli si on en oublie.
141
E 57 : Et la cliente elle regarde ou pendant ce temps là ?
I 57 : Ben comme on a le miroir souvent elle nous regarde nous, elle regarde comment qu’on fait. Quand on discute
y regarde souvent nous quoi, dans le miroir
E 58 : Et là à ce moment là, la cliente elle est plutôt… détendue, oui ? A quoi tu vois ça ?
I 58 : Oui. Ben, ça se voyait elle était à l’aise, elle parlait bien, heu, ça se voit quand les clients y sont heu … pis
souvent y nous disent « ah ben dis donc ça fait du bien de se reposer d’être assis, d’être au calme », au calme ben
c’est un petit peu plus calme que où elle est à l’école quoi.
E 60 : Bien sûr oui; donc ça tu l’entends souvent.
I 60 : Oui, oui
E 61 : Et il arrive que t’aies des clientes quand même un peu stressées… ou… ?
I 61 : Oui .
E 62 : Et à quoi tu le vois qu’elles sont stressées ?
I 62 : Ben elles sont …j’sais pas, j’trouve qu’elles parlent vite… heu soit elles parlent vite ou soit elles parlent pas
du tout.
E 63 : D’accord oui.
I 63 : Pis souvent, ben beaucoup les clientes quand même heu ceux ... les clientes qu’on connaît beaucoup, qu’on a
souvent, souvent ben elles commencent à nous dire un petit peu quand ça va, quand ça va pas… on a beaucoup de
clientes quand même qui nous disent beaucoup de trucs quand même, les clientes habituelles.
E 64 : D’accord. Alors, donc, on en revient, heu à la couleur, tu mets combien de temps à l’appliquer à peu près
cette…cette couleur ?
I 64 : j’mets ben, tout dépend, quand je fais que les racines, ben je mets 10 minutes, et quand j’fais longueurs et
pointes, tout dépend la masse qu’elle a en fait.
E 65 : Et là ?
I 65 : Là j’avais du mettre un quart d’heure à peu près.
E 66 : Oui, c’était assez ...
I 66 : Oui, ben elle avait quand même une bonne longueur hein. Mais bon j’me suis quand même…
E 67 : Donc c’est d’autant plus difficile pour ne pas oublier de mèches
I 67 : Oui , faut beaucoup ... bien... il faut bien malaxer et tout quoi
E 68 : OK. Heu est- ce que tu expliques ce que tu fais à la cliente ou pas spécialement ...?
I 68 : Non
E 69 : Non ce n’est pas la peine ?
I 69 : Nan elle nous demande pas
E 70 : D’accord
I 70 : Donc et puis comme elle a déjà appliqué, oui quand c’est des personnes qui n’ont jamais appliqué de couleur
elle nous demande, comment si peut avoir des réactions, ou ...
E 71 : D’accord donc toi tu sais quoi répondre
142
I 71 : Oui
E 72 : Et comment tu sais quoi répondre ?
I 72 : Ben tout dépend heu après si on fait la couleur sans ammoniac, j’leur dis « ben normalement avec la couleur là
y, … j’pense pas qu’y ait une réaction ». Mais sinon avec les colorations heu avec ammoniaque, si ils ont peur
comment, et ben en fait , c’qu’on peut faire, on fait une touche d’essai. Et heu y laissent 48 h et après y voient s’ils
ont des rougeurs
E 73 : D’accord. Et ça il t’arrive de le faire. Y en a certaines qui choisissent de faire ça, oui tu en as de temps en
temps ?
I 73 : Oui, c’est rare que ça nous arrive quand même.
E 74 : Hum hum d’accord, et d’un point de vue, on va dire « technique », comment tu, comment tu sais qu’un
produit peut être agressif, tu m’a parlé de l’ammoniac, en quoi l’ammoniaque c’est dangereux finalement?
I 74 : Ben apparemment heu ça… c’est quand même dangereux, je sais pas trop, c’est quand même agressif heu
l’ammoniac
E 75 : D’accord. T’as pas des connaissances en en chimie un petit peu … ou …? Vous avez pas ce genre de matière
au CFA …? Oui, et est-ce que vous parlez de ça ?
I 75 : Oui un petit peu, mais c’est parce que en fait c’est agressif, c’est heu là je vois quand je fais des mèches, et
ben des fois si je m’en met sur les doigts, je vais avoir le doigt tout blanc et ça va me démanger en fait. Pis j’ai eu le
doigt tout blanc au moins pendant une heure en fait. Ca rentre à l’intérieur et ça vous démange.
E : 76 : Alors qu’est ce qu'il y a dans le produit heu qui…?
I 76 : Ben en fait ça doit être l’ammoniac qui…
E 77 : Ca doit être l’ammoniaque… et du point de vu de la réaction chimique tu sais pas d’où ça …d’où ça vient ?
Non ? Qu’est que vous faites, vous faites de la chimie au CFA ?
I 77 : On fait de la science physique oui, oui bio, un petit peu de tout
E 78 : Et qu’est-ce que vous… vous apprenez des choses dans ces matières là qui ont un petit peu un lien avec les
produit que vous utilisez
I 78 : Oui ben beaucoup en biologie, ben on nous parle beaucoup de tout ça.
E . 79 : Alors par exemple ?
I 79 : Ben tout ce qui est la couleur, la permanente, on nous dit ce que ça, ben ce qui y a dedans en fait. Parce que
des fois en fait, ben au début, quand on vient d’arriver on utilise des produits mais on sait pas c’qui ya dedans en
fait. Que là ben après comme on va à l’école, et ben c’est là qu’on voit c’qui y a dedans.
E 80 : Donc il y a l’ammoniac qui est dangereux, il y a d’autres produits qui peuvent être dangereux ?
I 80 : Ben l’oxydant, pas d’trop ça va, après oui y en a …mais je pense que y a beaucoup l’ammoniac quand même.
E 81 : Et l’ammoniaque ça sert à quoi finalement ? Pourquoi y a ça dans les produits ?
I 81 : Ben, c’est pour heu, pour les mèches, c’est pour éclaircir.
E 82 : C’est un éclaircissant donc l’ammoniaque.
I 82 : Ben tout dépend, pour les mèches oui, quand on fait un mélange ça éclaircit, pis pour la couleur, ça aide à
prendre heu ...
E 83 : d’accord et, et donc qu’est ce qui se passe au niveau du cheveu pour que la couleur elle prenne mieux ? j’me
renseigne ….
143
I 83 : …/… je sais plus.
E 84 : Tu sais plus, est-ce que ça le rend pas plus poreux ? ça ouvre (I : les écailles) les écailles peut être ?
I 84 : Oui mais c’est pas dans la couleur, dans la couleur y a de l’oxydant… voilà a y est… dans la couleur y a de
l’oxydant et dans les mèches c’est de l’ammoniac en fait.
E 85 : D’accord, donc c’est deux principes différents.
I 85 : Oui. Ben l’ammoniac, oui c’est pour éclaircir, et l’oxydant c’est pas pareil, c’est pour prendre la couleur en
fait, c’est pour que la couleur prenne.
E 86 : D’accord OK. Peut être qu’en entreprise on te donne des conseils aussi par rapport à ça ?
I 86 : Ouais, mais bon c’est beaucoup quand heu j’demande quoi
E 87 : Et tu demandes, t’es amenée à demander souvent ?
I 87 : Ben quand heu j’sais pas oui. Je préfère demander plutôt que faire une bêtise. Donc c’est pour ça
j’demande…
E 88 : C’est vrai que faire une bêtise sur une cliente …
I 88 : Ben oui c’est pour ça.
E 89 : Et ça t’es déjà arrivé ou ?
I 89 : Non, ben pas pour l’instant, comme heu j’demande non, mais bon maintenant j’ai pu trop besoin de demander
parce que vu que je suis souvent sur clientèle ben maintenant je sais ce qui faut, ce qui faut pas faire.
E 90 : Et donc tu es spécialisée dans la couleur toi ? tu fais beaucoup de couleurs ou ?
I 90 : Ben j’fais un petit peu de tout, couleur, brushing, coupe, je fais un petit peu de tout.
E 91 : Donc heu, notre cliente, institutrice a la couleur sur la tête, alors une fois que c’est, alors tu m’as dit que tu
avais malaxé, alors qu’est-ce qui se passe après ?
I 91 : Ben après y a un temps de pause, c’est 35 minutes, donc ben je lui propose un café, un capuccino, un chocolat,
n’importe, ce qu’elle veut, je lui donne de la lecture si…
E 92 : Alors ? elle a pris quelque chose ?
I 92 : Oui elle a pris un capuccino, y m’semble, ben beaucoup de clientes prennent des capuccino. Donc elle a pris
un capuccino, donc je lui ai amené, je lui ai demandé si elle le voulait sucré ou pas, donc je lui ai amené, et
comment, après je lui ai donné aussi la lecture, et après ben moi si j’ai des autres clients, je vais m’occuper des
autres clients heu.
E 93 : Alors là tu avais d’autres clients ?
I 93 : Non, donc je range, j’ai rangé un petit peu le salon, avant j’ai regardé sur heu sur la minuterie qu’elle heure il
était, et après j’ai rincé le bol, le bol de couleur, je l’ai essuyé, je l’ai remis dans le laboratoire, puis après j’ai mis un
petit coup de balai partout, après on s’occupe quoi…
E 94 : Et est-ce que tu , est-ce que tu vois la cliente pendant ce temps là ?
I 94 : Ben des fois oui je passe.
E 95 : Oui mais heu a quoi tu penses ?
I 95 : Ben à rien.
E 96 : A ce que tu as à faire ?
144
I 96 : Voilà, c’est beaucoup ça, dès que j’ai fini d’appliquer ma couleur, je pense à autre chose, je veux dire, je pense
a ce qui y a à faire dans le salon, parce que c’est vrai comme on a beaucoup de monde, faut être beaucoup un petit
peu partout, je veux dire, nettoyer,
E 97 : Et alors comment tu sais qu’il faut aller à tel endroit, tu as fini quelque chose, comment ça ce passe ?
I 97 : je sais pas c’est une question d’habitude, je regarde toujours un petit peu partout ce qui y a à faire quoi.
E 98 : Le regard c’est important ?
I 98 : Oui.
E 99 : Et … Est ce que tu as un ordre pour regarder ? Alors remets toi dans la situation, t’étais derrière la cliente, tu
lui as appliqué sa couleur etc, tu lui proposes tout ça de la lecture, et puis après tu pars où ?
I 99 : Après je suis partie au bac avec ma tablette, et puis ben j’ai rincé les bols, j’ai regardé si y en avais d’autres,
parce que des fois par exemple y a mes collègues elles ont quelque chose, elles ont fait des mèches, et aussi tôt après
fallait qu’elles fassent leurs clientes, donc elles ont pas nettoyé le bol, bon moi je leur nettoie…
E 100 : ça, spontanément tu fais ce genre de chose.
I 100 : Oui.
E 101 : Et les autres le font aussi ?
I 101 : Oui, si des fois moi aussi j’ai une cliente que j’ai un petit peu de retard des fois ça arrive, et ben elles font
pareil.
E 102 : Et ça tu as appris à le faire… ou ça c’est fait comment ? on te l’a transmis ou ?.
I 102 : Non. Ben non j’sais pas c’est…, j’ai toujours été comme ça en fait. Même quand j’avais des stages avant que
je sois dans la coiffure, j’avais des stages, bon je savais pas trop, mais je regardais toujours si je voyais quelque
chose à faire, je le faisais quoi, je sais pas c’est instinctif
E 103 : C’est instinctif…
I 103 : oui je trouve
E 104 : Et … et c’est basé sur … qu’est ce qui te permet d’avoir cet instinct ?
I 104 : je sais pas, c’est peut être… ben … toujours ma mère elle me faisait ben toujours pas faire des trucs mais heu
ma mère elle est beaucoup comme ça aussi. Donc de la voir comme ça j’ai pris des habitudes.
E 105 : On pourrait dire qu’elle est comment ?
I 105 : Ben, j’sais pas chez nous, chaque fois qu’elle voit quelque chose à faire elle le fait et, puis c’est vrai que nous
après on prend l’habitude et que et ben du coup en gros ça fait pareil.
E 106 : Donc on peut dire : active, organisée
I 106 : oui, voilà, pis des fois ben quand j’oublie de faire quelque chose ma patronne elle me dit « ben Marion est ce
que tu peux faire ça ou ?… »
E 107 : D’accord, ça arrive souvent à l’heure actuelle heu au bout de deux ans là de…
I 107 : Ben si des fois elle me dit « est-ce que vous pouvez me sécher ma cliente ? » des trucs comme ça, mais ça
c’est pas des trucs heu que je fais toute seule je veux dire
E 108 : Oui bien sûr, tu vas pas d’emblée…
I 108 : Ben non, mais c’est souvent ça qu’elle me dit, ben tu peux me sécher ma cliente ou tout dépend ce qu’il y a à
faire.
E 109 : Et qu’est ce que tu te dis quand elle te propose ça toi .. ça te… ?
145
I 109 : Justement, ça me fait du boulot ben j’aime bien. Plutôt que rien faire, c’est vrai que..
E 110 : Donc là, donc pendant les 35 minutes de pause heu de la couleur, donc tu as tout rangé et puis heu ...
I 110 : J’ai commencé à sécher la cliente à ma patronne. Et après ben j’ai été voir quelle heure il était, ben j’ai vu qui
restait encore 10 minutes à peu près, donc je continue à sécher, puis après ben j’ai re été voir et c’était l’heure donc
j’ai dis à Géraldine, faut que je m’occupe de ma cliente, donc elle a dit « ben vas y »
E 111 : Donc Géraldine c’est la patronne ?
I 111 : Voilà pardon, donc je lui ai dit qu’on allait, donc j’ai dit à la cliente : « bon on va pouvoir passer au bac s’il
vous plait madame », donc elle va au bac à shampoing, j’lui comment, je commence à lui malaxer la couleur, bon
avant j’ai mis des gants,
E 112 : Oui c’est important, je pense qu’il faut pas les oublier, j’imagine
I 112 : Donc j’ai commencé à lui malaxer, donc il faut toujours malaxer une couleur 5 minutes, donc je lui ai bien
malaxé.
E 113 : Alors pourquoi il faut la malaxer ?
I 113 : ben déjà il faut bien décoller les bordures, parce que sinon quand c’est d’la couleur foncée, sinon les clientes
après elle repartent avec une grosse trace de bordure, c’est pas beau quoi, c’est pas…
E 114 : D’accord, donc tu insistes un petit peu sur la bordure comme tu dis.
I 114 : C’est pas bien pour nous quoi, après si la cliente, même pour la cliente elle aime pas.
E 115 : Bien sûr.
I 115 :Et après faut bien malaxer pour avoir ben beaucoup de brillance dans la couleur
E 116 : Alors quel est le lien entre le fait de malaxer et puis heu…
I 116 : je sais pas.
E 117 : C’est magique.
I 117 : Oui ben non c’est vrai que
E 118 : Et tu as déjà constaté qu’effectivement si on malaxait pas, c’était pas si brillant
I 118 : Oui. On avait plus du mal à la rincer et tout
E 118’ : Oui
I 118‘ : Oui
E 119 : Et heu ta patronne, je sais pas si c’est, c’est elle ton maitre d’apprentissage ta patronne, elle insiste sur ce
genre de choses ?
I 119 : Ben heu pas de trop
E 120 : C’est elle qui t’a dit qu'il fallait malaxer, ou tu as appris ça… ?
I 120 : Non ben au début, oui elle m’avait dit, ben au début que je suis arrivée, elle m’a tout expliqué ce qu’il fallait
faire, j’ai tout enregistré
E 121 : D’accord
I 121 : Donc j’ai malaxé, j’ai remis un petit peu d’eau, j’ai re malaxé, après j’ai rincé, j’ai fait le shampoing,
E 122 : ça dure donc, 5 minutes de malaxage, et puis le rinçage, c’est assez long, elle avait les cheveux longs ?
146
I 122 : Oui, un petit peu, ben après tout dépend, dès qu’on voit qu’y a plus de produit qui coule dans le bac, c’est
bon, on peut faire le shampoing, mais il faut toujours faire deux shampoings en fait. C’est pour stopper l’oxydation.
E 123 : Ah oui d’accord.
I 123 : oui sinon la couleur elle peut toujours travailler.
E 124 : Heu oui donc c’est intéressant tu me dis il faut stopper l’oxydation, donc là on en revient encore à la biologie
ou à la chimie, c’est assez présent.
I 124 : C’est heu ben parce que le produit y peu toujours faire effet en fait, donc faut toujours faire deux shampoing
après la couleur, après les mèches, après n’importe, il faut toujours faire deux shampoings en fait.
E 125 : d’accord et là le temps de pause c’était 30 – 35 minutes, ( I : oui), Qu’est qui se passe si t’oublies la cliente,
si tu laisses trop ?
I 125 : Ben ça, après 35 minutes normalement ça fait plus effet, ben la couleur ça fait plus rien.
E 126 : donc il n’y a pas de risque ?
I 126 : Non, normalement non, mais c’est mieux quand même de la rincer dans les temps.
Pis même pour la cliente, elle a pas toute sa matinée non plus.
E 127 : oui bien sûr.
I 127 : Donc après je lui ai fait son shampoing, j’ai rincé le shampoing, je lui ai refait un shampoing. Je lui ai
demandé si on faisait un soin. Donc elle m’a dis oui, donc je lui ai fait poser un soin pour les cheveux secs, j’ai
laissé pauser 5 minutes, parce que ça aussi faut laisser pauser, parce que sinon ça sert à rien. Après j’ai rincé le soin,
je lui… j’ai mis une serviette, je lui ai séché les cheveux, on a repassé devant, donc heu ou j’installe les clientes.
E 128 : Tu lui as…tu lui parles pendant ce temps là ? ou t’es … ? (I oui ) t’es concentrée sur …
I 128 : Non, non, on parle un petit peu de tout, quoi du temps de…
E 129 : D’accord, est ce qui faut te forcer pour discuter avec les clientes ?
I 129 : Non. C’est instinctif.
E 130 : C’est instinctif aussi, donc instinctivement t’es bien organisée, tu es active et tu as les sens heu…
I 130 : Ben je préfère parler aux clientes, même les clientes souvent… moi… c’est rare que… tout le temps, elle
veulent tout le temps parler quand même. Pis même moi j’trouve que c’est mieux, j’aime bien parler. ( E : oui) et
heu donc heu on est passé devant, je lui ai demandé ce quelle recherchait dans la coupe, donc je lui ai montré des
modèles, elle m’a dit « on coupe juste les pointes, on refait un dégradé ». ( E : D’accord) Donc je lui ai coupé les
pointes, par contre là je parle un petit peu moins, je suis plus concentrée quand je fais la coupe.
E 131 : Alors tu te concentres heu sur quoi ?
I 131 : Ben, sur la coupe…
E 132 : Est-ce que tu peux reprendre les étapes, évoquer vraiment les étapes de la coupe, comment ça se…comment
ça se passe ?
I 132 : Ben je l’ai peignée, j’ai mis ben tout les cheveux, ben à la même…j’ai bien peigné pour que se soit bien lisse.
Donc j’ai demandé combien qu’on retirait a peu près dans les pointes, ce quelle voulait. Donc elle m’a dit 1
centimètre, et là je sais pas il faut que je sois bien concentrée parce que on sait jamais, des fois que je sais pas, je
suis obligé d’être bien concentrée.
E 133 : oui, et tu t’aperçois, qu’est ce que tu te dis alors ? Quand t’es à ce stade là.
I 133 : Ben je sais pas, je suis tellement concentrée, je pense à rien, je suis concentrée dans ma coupe, je regarde
comment…
147
E 134 : Alors quand tu es concentrée, t’entends quoi, tu vois quoi ?
I 134 : Ben je vois ma coupe, mais j’entends presque plus rien. Bon si ma cliente elle me parle, je vais entendre,
mais je vais être obligée de m’arrêter et de lui parler. ( E : D’accord)
Si elle me parle, je peux pas parler en même temps. Je peux mais j’aime pas de trop. Je préfère être bien concentrée
dans ma coupe.
E 135 : Et tes collègues qui travaillent depuis plusieurs années, heu elles sont comme toi ou ?
I 135 : Ah non.
E 136 : Ou elle arrivent à …
I 136 : Non non elles arrivent à parler.
E 137 : Oui à parler pendant qu’elles coupent.
I 137 : Mais bon ça fait plus… ça fait des années donc c’est pour ça aussi que…
E 138 : Bien sûr
I 138 : Pis elles vont plus vite, ce qui est normal quoi.
E 139 : Alors heu donc heu continue d’évoquer heu cette coupe
I 139 : Donc, j’ai fait déjà toute sa base, après j’ai pris une pince
E 140 : Alors faire la base ? Moi je n’y connais rien.
I 140 : La base heu ben que se soit partout pareil en fait, droit partout, alors 1 centimètre partout en fait.
E 141 : Alors comment tu fais pour être sûr que c’est bien droit ?
I 141 : Ben par rapport à mes doigts, je prend mes doigts, je les mets comme ça (gestes), et je coupe, après je
reprends ma mèche témoin, et en fait c’est par rapport à ma mèche témoin que je pourrai…
E 142 : D’accord heu cette mèche témoin tu sais que c’est celle là et pas une autre
I 142 : Voilà
E 143 : C’est laquelle par exemple ?
I 143 : Ben je sais pas, je commence souvent derrière, et après donc c’est ma mèche témoin, mais après, les mèches
témoin c’est en suivant
E 144 : D’accord il y en a pas une seule
I 144 : Oui, donc après que j’ai coupé bien 1 centimètre partout dans ma longueur, je fais une séparation et je
commence à dégrader.
E 145 : Alors ça, comment on fait pour dégrader ?
I 145 : Ben alors heu.. comment expliquer…
E 146 : Alors la séparation déjà tu la…tu la fais comment ?
I 146 : Ben je la prends comme ça(gestes), après en fait je prends mes ciseaux, je prends mes doigts et mon peigne et
en fait je prends, ben je vais vous montrer par ce que je sais pas trop comment expliquer. En fait je prends comme ça
(geste) et je coupe et après tout dépend le dégradé qu’elle veut, si elle veut un gros dégradé, si elle veut ...
E 147 : Alors tu coupes heu verticalement ou en biais ?
148
I 147 : Après tout dépend, tout dépend si elle veut heu ouais, là j’avais coupé verticalement.
Mais après verticalement c’est moins dégradé que en biais en fait. En biais on aura plus un dégradé vraiment…
E 148 : …des différences entre les mèches.
I 148 : Ouais, y se verra beaucoup plus en fait. Donc heu après donc heu je fais ma mèche témoin et ben après je
continue toute la partie que j’avais détachée. Après je détache une autre partie, donc là par exemple, jusque là. En
fait après je prends par rapport à ma mèche témoin du en dessous et heu je sais pas je fais comme ça (geste)…
E 149 : Tu remets une 2ème mèche sur la mèche témoin
I 149 : Voilà pour regarder en fait ben se sera ma mèche témoin pour regarder ce qu’il y a à couper, après ainsi de
suite jusqu’ici. Et après je fais les cotés, en fait je prends partout, je prends, je fais pas du tout de séparation, je
remonte toutes les mèches comme ça. Et je fais comme ça en fait jusqu'à la mèche là (gestes). Jusqu'à la mèche
normalement qui devrait retomber là, et je coupe heu ce qui dépasse en fait.
E 150 : D’accord, alors qu’est-ce qui fait que tu fais une séparation et des fois t’en fais pas ?
I 150 : Tout dépend si elle a les cheveux beaucoup épais ou pas.
E 151 : Et là elle avait les cheveux ?
I 151 : Elle avait les cheveux quand même assez épais, donc c’est pour ça j’ai préféré faire des séparations.
E 152 : D’accord, ça c’est quelque chose que t’apprends aussi au CFA, t’as appris ça…?
I 152 : Ben j’ai appris au CFA, mais beaucoup plus en regardant mes collègues
E 153 : Ah oui en regardant…
I 153 : Oui parce que au début je faisait des trucs mais je regardais, j’étais beaucoup attentive à regarder, pour
regarder comment qu’y faisait, et c’est là qu’on voit, puis elle m’expliquait. En fait je l’ai regardé et elle me disait
ben là si tu veux ça tu fais comme ça, si tu veux un dégradé comme ça tu prends ta mèche comme ça.
E 154 : Elle explique pourquoi elle fait comme ci, comme ça
I 154 : Pourquoi qu’elle prend les méthodes là en fait.
E 155 : D’accord, oui ce que tu as fait là avec moi, pour me dire là si c’est droit ça fait comme ci, si c’est oblique ça
fait comme ça.
I 155 : Oui
E 156 : Et alors ça met combien de temps ça ?
I 156 : Comme elle avait les cheveux épais j’ai du mettre un petit peu plus, j’ai dû mettre 30 minutes, un petit peu
plus que quand y a des cheveux fins en fait. Donc, oui là j’ai dû mettre à peu près 30 minutes ( E : d’accord). Après,
donc dès que j’ai fini la coupe en fait je lui ai désépaissis avec un ciseau sculpteur, en fait c’est pour pas qu’on voit
les démarcations du dégradé, pour pas que ça fasse des barres.
E 157 : D’accord, si on on, ça peut faire des barres, si on s’arrête là.
I 157 : Pis comme elle avait les cheveux épais, c’est mieux de désépaissir un petit peu, mais sinon c’est pas obligé
que ça fasse des barres, mais moi je préfère.
E 158 : Et tu demandes à la clientes si elle veut désépaissir, ou c’est toi qui juge heu ?
I 158 : Non, je juge que c’est mieux quand même, pis même les clientes elles me disent souvent quand heu « j’en ai
marre de cette masse, je veux en retirer ».
E 159 : D’accord, donc il y a des indices aussi dans ce qu’elle heu dans ce qu’elles disent
I 159 : Oui voilà
149
E 160 : Elle, tu te souviens de ce qu’elle a pu dire, comment elle heu, quel regard elle portait sur ses cheveux ?
I 160 : Ben déjà elle était pas contente de sa coupe qu’elle avait été faire avant. Je sais plus ou elle avait été, elle
avait dit ben « vous pouvez me rattraper » parce que en fait ça faisait tout court là et là ça faisait des grosses
baguettes (gestes) en fait, c’était tout plein ...
Donc je lui ai repris toute sa coupe.
E 161 : Et c’est plus difficile quand il faut reprendre une coupe un peu … et là ça te…?
I 161 : Tout dépend après comment qu’elle est, la coupe, là ça allait, ça allait encore, c’était beaucoup, en fait, y
fallait redégrader un petit peu là. Mais après tout dépend, c’est sûr que si c’est vraiment une coupe heu qui est
vraiment mal faite heu on a un petit peu plus de mal.
E 162 : D’accord, OK
I 162 : Donc après j’ai fini ma coupe, donc j’ai désépaissis un petit peu partout, j’ai passé le sèche cheveux sur…
E 163 : Comment tu sais que tu as assez désépaissi ? Qu’est ce qui te permet de dire « bon là je m’arrête ? »
I 163 : Ben en fait, c’est… je refais pareil, je prends une pince, je refais comme le dégradé, j’attache, je fais comme
si je fais mon dégradé sauf que je désépaissis en fait.
E 167 : Donc une 2ème fois tu refais toute là…
I 167 : Oui je refais pareil une 2ème fois en fait , mais là c’est pour désépaissir.
E 168 : Et à chaque fois tu donnes…, c’est ces petits ciseaux crantés là non c’est ça ?
I 168 : Oui voilà.
E 169 : Et donc tu donnes combien de…
I 168 : 2, à chaque fois 2
E 170 : voilà
I 170 : 2
E 171 : Comment tu sais qui faut en donner 2 ?
I 171 : Ben je sais pas, par rapport aux cheveux épais j’en mets toujours 2, et après je revois ma coupe à sec donc
c’est là après que je vois si faut que je réduise.
E 172 : Mais toi tu en mets toujours deux parce que tu as vu tes collègues faire comme ça, parce que Mme P.
(formatrice) t’a dit de faire comme ça ?
I 172 : Non c’est parce que, je sais pas c’est par rapport aux cheveux, c’est par rapport aux cheveux épais je mets
toujours deux coups, parce que on peut même en mettre plus mais je mets toujours deux coups quand même, deux
coups de ciseaux. Quand c’est des cheveux fins je mets que un coup, parce que les cheveux fins on voit beaucoup
E 173 : Alors, a quoi, je pose des questions de base, à quoi tu vois qu’un cheveux il est épais ou fin ?
I 173 : Ben quand on le touche, on le sent.
E 174 : C’est le toucher beaucoup
I 174 : Et pis même quand on regarde.
E 175 : D’accord, alors tu commence par regarder et après tu touches ?
I 175 : Ben déjà quand heu je vois la cliente arriver souvent je regarde tout de suite comment…
150
E 176 : Oui dès qu’elle arrive
I 176 : Oui je regarde tout de suite, et après quand heu je l’installe devant ben je touche.
E 177 : Et alors qu’est ce que tu peux déterminer avec, avec tes doigts heu avec le toucher, comme type de
cheveux ?
I 177 : Ben… je sais pas je le sens, je sais pas c’est ... ça fait beaucoup plus de masse quand c’est épais.
E 178 : Cette cliente là tu te souviens ?
I 178 : Oui, qu’elle avait le cheveu quand même assez épais.
E 179 :: D’accord, donc des cheveux épais des cheveux fins, tu m’as dit, il y a encore d’autres cheveux que tu peux
reconnaître comme ça au toucher ?
I 179 : Ben après les cheveux frisés, les cheveux ben qui sont beaucoup, crépus, les cheveux sec heu…
E 180 : Les cheveux frisés ont un touché particulier, bien sûr visuellement on voit que la personne elle est frisés,
mais heu au toucher…?
I 180 : Ben après, tout dépend, oui parce que les personnes qui ont les cheveux frisés ils ont beaucoup les cheveux
secs, pis y sont beaucoup abimés et tout…souvent.
E 181 : Comment ça se fait ça, t’as une … tu sais pourquoi les cheveux frisés sont…
I 181 : C’est leur nature de cheveux, c’est toujours…
E 182 : Et ça se vérifie, c’est presque toujours…
I 182 : Ben pratiquement, pratiquement toutes les personnes quoi ont les cheveux frisés y ont des cheveux souvent
quand même assez abimés. Ben beaucoup les personnes je sais pas comment dire.
E 183 : Là on parle de, tu me parles des cheveux naturellement frisés ou des cheveux permanentés ?
I 183 : Non, naturellement frisés, parce que quand ils sont permanentés, c’est normal qu’ils soient abimés parce que
y a du produit quand même assez fort, donc c’est normal, mais là les cheveux…
E 184 : Et donc là tu, donc là on n’est plus sur la cliente précisément dont tu me parlais depuis le début, heu le fait
de regarder les cheveux, de les toucher est ce que quelque part ça te permet de savoir quel produit utiliser ?
I 184 : Oui, par rapport au shampoing, par rapport …
E 185 : Tu as beaucoup de sortes de shampoings différents ?
I 185 : Oui, ben on a pour tout cheveux en fait, cheveux secs, cheveux gras, cheveux avec des pellicules, heu
cheveux méchés, cheveux colorés, on a vraiment tout tout tout les …
E 186 : D’accord, donc je sais pas, ça fait une dizaine de shampoings peut être ?
I 186 : Ouais, on en a plein, alors, y en a plus, parce que après pour cheveux sec on va avoir le numéro 1, le numéro
2, le numéro 3 en fait.
E 187 : Et ça correspond à quoi ?
I 187 : Le numéro 1 c’est pour les cheveux pas tellement secs, qui commencent à être heu asséchés, le numéro 2 bon
ben c’est quand même assez sec, le numéro 3 là c’est abimé en fait.
E 188 : D’accord.
I 188 : Après, pareil pour les…y a aussi anti démangeaisons, y a pour cheveux secs et pour cheveux normaux.
151
E 189 : Et toi tu observes aussi le cuir, donc tu touches les cheveux et tu regardes systématiquement le cuir
chevelu ou pas forcément?
I 189 : Ben je demande, je dis est ce que vous voulez un shampoing particulier et c’est eux qui me disent ben par
exemple, c’est là que je vois, « ben oui ça me démange », et après si y me disent « ben j’ai les cheveux secs », je le
sens de toutes façons donc je sais ce qui, quel numéro faut faire. Et souvent je demande… ou plutôt je demande heu
« ça vous démange » et après y me disent « ben oui quand même »
E 190 : D’accord, parce que là tu le vois, il y a un indice qui te dit que peut être ça les démange ?
I 190 : Non c’est heu , je le dis souvent, mais souvent les clientes si des fois ça m’arrive d’oublier, elles me le disent
« à ben ça me démange ».
E 191 : D’accord, ça arrive souvent ça que les gens les…
I 191 : Non pas d’trop. Mais c’est souvent les clientes, c’est les mêmes clientes, qui ont des cheveux qui… donc ça
fait des années qu’on leur fait le même shampoing.
E 192 : Et toi, tu suis tes clientes aussi ou…? Maintenant disons que quelqu’un que tu as coiffé une fois va
redemander heu…
I 192 : Oui, oui des fois, ça arrive souvent.
E 193 : OK, oui parce que tu me disais que tu étais chez D., mais qu’il y avait des rendez-vous de pris, parce que à
Chaumont c’est sans rendez-vous.
I 193 : Ah, je sais pas, chez nous c’est…
E 194 : Donc apparemment…
I 194 : Chez nous c’est avec ou sans, on peut venir avec, on peu prendre rendez-vous. Des fois si y a des sans
rendez-vous qui viennent on les prend aussi.
E 195 : D’accord. Alors, on en revient à l’institutrice, t’as désépaissi…
I 195 : Oui, donc après ben j’y ai mis un coup de sèche cheveux, un petit peu partout sur elle, histoire de retirer les
cheveux, qu’elle soit présentable, qu’elle ait pas plein de cheveux de partout. J’ai passé un coup de balais, j’ai remis
le balais au ou y s’met. Après j’lui ai demandé ben « vous voulez un brushing plutôt lisse, gonflé, heu séché
naturellement? ». Donc elle m’a dit lisse donc…
E 196 : Tu proposes toujours toutes ces sortes là ?
I 196 : Ouais, parce quand c’est, comme c’était la première fois qu’elle venait, ben parce que c’était moi qui la
coiffait ben je savais pas quel genre de brushing elle voulait … Donc elle m’a dit « un brushing lisse ». Donc je lui
ai pré-séché les cheveux. Après je lui ai fait une séparation, j’ai pris la brosse heu une brosse moyenne, et j’ai
commencé à lui lisser. Et après ben dès que j’ai tout lissé…
E 197 : Alors comment tu t’y prends pour tout lisser, t’as fait ta séparation et tu fais partie par heu…
I 197 : Ben j’fais une petite séparation et après je … dès que j’ai fini de sécher la nuque je je refais une séparation…
E 198 : C’est toujours très progressif.
I 198 : Je commence toujours l’arrière et après je fais les cotés à la fin. Dès que j’ai tout fini derrière, je fais les côté
en fait.
E 199 : D’accord et ça a quel avantage ça de commencer par l’arrière et de faire les côtés ensuite ?
I 199 : Ben c’est toujours la nuque qui faut faire, parce que si on commence par le haut je sais pas, c’est pas bien.
E 200 : Je sais pas moi ?
I 200 : Ben si parce que je sais pas c’est …
152
E 201 : Tu as déjà essayé autrement ou…?
I 201 : Non, c’est toujours par la nuque que je commence.
E 202 : Et tes collègues elles font comme ça ?
I 202 : Ben oui ben tout le monde.
E 203 : Et au ?
I 203 : Au CFA aussi.
E 204 : Alors qu’est ce qui se passerait si tu si tu commençais par le dessus du crâne ?
I 204 : Je sais pas parce que par exemple si on lisse dès qu’on commence par là, après va falloir qu’on lisse ça
(geste), donc après en même temps on peut prendre des autres mèches qui y a encore en dessous. Alors que là on a
vraiment notre séparation et voilà quoi.
Et après donc on refait une séparation donc y a où c’est mouillé et on reprend par rapport ou c’est mouillé quoi.
Après ça nous arrive de prendre des cheveux un petit peu secs quoi. Mais bon ça après c’est rien.
E 205 : Peut être que c’est plus épais aussi heu dans la nuque ?
I 205 : Oui aussi, c’est un petit peu plus épais aussi dans la nuque, pis même par exemple si on fait un brushing
gonflé on va falloir qu’on fasse gonflé et après qu’on attache. Donc après ça va être tout…
E 206 : Tu vas abîmer ce que tu as fais
I 206 : Oui voilà en fait ça va servir à rien.
E 207 : C’est les étapes logiques finalement pour, pour sécher, de ce qui est peut-être le plus éloigné jusque ce qui
est plus sur le dessus
I 207 : Oui
E 208 OK, donc, un beau brushing, bien lisse
I 208 Voilà !
E 209 Elle est comment là la cliente si tu la revois à ce moment là, elle a quel, quel, comment elles se sent ?
I 209 Ben moi, elle était super, ben après, dès que j’ai fini de lisser en fait heu, je dis ben « ça va la coupe ? » , que
je demande toujours après que j’aie séché « ça va la coupe ? ». Elle dit « ah oui, je suis contente, comparé à la
dernière fois, vous avez bien réussi à le attraper » Donc je dis « vous voulez qu’on re désépaississe un petit peu ? »
donc elle touche, elle dit « oui, je veux encore un petit peu ». Donc j’ai refais les séparations comme tout à l’heure
E 210 D’accord
I 210 Et j’ai refais juste un coup. Après je lui ai refait toucher, elle m’a dit que c’était bon. Donc je lui ai demandé si
elle voulait que je lui passe le styler, donc c’est un lisseur qui fait des boucles en même temps. Donc elle m’a dit
« oh bah oui, pourquoi pas », donc je lui ai passé le styler
E 211 Donc pour la boucler ou pour la lisser ?
I 211 Pour la lisser, pour bien lui re lisser, pour bien que ça tienne pour que ça lui dure longtemps quand même.
Donc je lui ai repassé un coup de styler et puis voilà, je lui ai demandé si elle voulait qu’on mette un coiffant et elle
m’a dit « bah comme vous voulez », je lui ai dit « je vais vous mettre quelque chose pour le maintien » … Et puis
ben, voilà !
E 212 Hum, hum … Et donc ça au fur et à mesure tu regardes toujours, tu l’as regardée beaucoup, toi, tu m’as dit,
y’a le miroir, donc tu regardes, tu te concentres beaucoup et est-ce que tu regardes beaucoup son visage aussi ?
I 212 Bah par rapport à la coupe oui mais là vu que c’était que les pointes, j’ai pas trop … Comme c’est que les
pointes, non, c’est pas une coupe transformatrice
153
E 213 Mais sinon, tu vas être plus attentive à la forme du visage ?
I 213 Ouais, quand c’est une coupe transformatrice, oui
E 214 Ca te demandes plus de concentration ?
I 214 Ben quand même oui parce que elle nous demande « qu’est-ce qui m’irait bien par rapport à mon visage ? »,
donc après moi je, je lui dis
E 215 Et ça, comment, comment t’as appris à conseiller heu à ce niveau là ? A adapter la bonne coupe au, au
visage ?
I 215 Ben heu, je sais pas. Je sais pas c’est …
E 216 ça doit pas être évident
I 216 Ben non parce que bon ben c’est vrai que après ça peut plaire comme ça ne peut pas plaire. C’est vrai que
quand on a le visage assez rond après tout dépend de comment qu’il est, c’est vrai que ça c’est …
E 217 Donc pour des clients en général est-ce que explique bien ce que tu proposes ou …
I 217 heu oui souvent mais après souvent aussi je suis, si je vois pas ce qui pourrait vraiment bien lui aller, si je suis
pas sûre, j’appelle ma patronne ou mes collègues
E 218 D’accord
I 218 Et je dis « ça irait bien, ça, si je fais ça à la cliente ? » et puis elles me disent « peut-être plus comme ça » ou
heu …
E 219 D’accord. Mais, ce savoir là, d’où il vient ? Comment elles font, elle pour savoir ?
I 219 je sais pas, de toute façon les filles … je pense aussi c’est par rapport au dessin,
par rapport au dessin, on fait les formes du visage, on fait les coupes qui pourront aller avec
E 220 Ca vous faites ça en dessin avec monsieur S (prof)
I 220 oui
E221 D’accord, oui ça t’aide ?
I 221 Oui moi je trouve que oui
E 222 D’accord, donc comment ça se passe, y’a des grands types de visages ?
I 222 Après y’en a qui ont le visage arrondi, y’en a qui ont le visage beaucoup plus tiré, tout fin, creusé …
E 223 Et avec monsieur S, vous parlez des résultats « ça, ça va pour telles raisons ou ça ça va pas … »
I 223 Non, pas de trop mais c’est … comme il nous montre beaucoup de modèles avec … C’est beaucoup des
formes de visages donc c’est là que je regarde beaucoup en fait.
E 224 Tu te fais l’œil comme ça
I 224 Oui et puis beaucoup dans la rue, oui, je regarde beaucoup dans la rue
E 225 Ah oui
I 225 oui, je regarde beaucoup dans la rue
E 226 oui, c’est intéressant ça aussi
I 226 Oui, je regarde aussi beaucoup dans la rue, c’est vrai que …
154
E 227 Tu te souviens avoir vu quelqu’un récemment … ?
I 227 Oui ! Avec un visage assez rond et une coupe, une belle coupe au carré
E 228 Oui
I 228 Pourtant elle avait le visage rond mais ça lui allait, ça lui faisait pas plus le visage rond je trouve
E 229 Alors tu dis oui « pourtant elle avait le visage rond » parce que pour toi une coupe au carré ça va pas
forcément
I 229 Non, ça va pas à tout le monde
E 230 Alors celui là, si tuas eu le temps de détailler, qu’est-ce qui faisait que ce carré là, il allait sur une, sur une
personne au visage heu …
I 230 Je sais pas parce que des fois quand on a le visage rond, quand on fait une coupe courte, ça nous fait encore
plus, un visage encore plus …
E 231 Ca souligne …
I 231 Oui ; que là, je trouve que ça lui allait super bien
E 232 Et la coupe là, elle était comment, enfin les cheveux ils étaient comment puisque toi tu as l’œil pour ça ?
I 232 Ouais, ben je sais pas, elle avait un carré plongeant et heu en fait c’était quand même, c’était assez court dans
la nuque mais je pense aussi que c’est par rapport aux longueurs qu’elle avait devant que ça faisait pas quand même
le visage rond
E 233 D’accord. Donc ça c’est quelque chose que toi tu pourras réutiliser un jour si …
I 233 Voilà, quand heu et pis même mes collègues quand ils font des coupes et tout, je regarde souvent les clientes
repartir parce que …
E 234 Oui, pendant que tu es entrain de malaxer par exemple, tu regardes …
I 234 Ouais des trucs comme ça
E 235 oui, tu as conscience de ça. Et alors qu’est-ce que tu te dis, tiens tu vois une personne repartir …
I 235 Ben ouis parce que des fois après je me dis ah bah la cliente là la dernière fois elle voulait une coupe mais en
fait elle était pas sûre, souvent c’est ça « ben je verrai, je vais réfléchir pour la prochaine fois » donc je dis « ben la
prochaine fois quand elles me redemanderont et que je leur ferai la coupe et ben par rapport au visage, et ben je leur
dirai ça quoi »
E 236 D’accord. Et ça, tu as conscience de te dire ça ?
I 236 Oui
E 237 Alors tu le notes mentalement mais est-ce que tu utilises aussi un carnet, quelque chose ?
I 237 Non
E 238 Non, et ça revient au bon moment, l’information revient …
I 238 Ben oui parce que je vois le visage et …
E 239 D’accord, c’est intéressant ça, c’est très personnel d’apprendre comme ça en regardant
I 239 Ben oui, après on a chacun notre heu …
E 240 OK. Donc, je pense qu’on a bientôt fini avec la cliente institutrice, elle est contente de sa coupe, elle a eu le
lissage aussi donc avec l’appareil,
155
I 241 Le styler. Donc, je lui donne le miroir et en fait, je lui fait faire un tour sur elle-même et donc elle regarde,
c’est elle qui tient le miroir et elle regarde. Je dis « ça va la longueur, j’ai pas trop coupé ? », « non, non, ça va,
impeccable, c’est bien comme je vous avais demandé et tout ». donc après, elle me redonne le miroir, je lui retire le
poncho ou le peignoir, la serviette …
E 242 Quand elle te dit « c’est bien », elle a quel air ?
I 242 Bah, elle avait le sourire. Bah là je me dis « oui, c’est bon ». Si elle m’aurait dit « oui c’est bien » et qu’elle
aurait fait comme ça (grimace) …
E 243 Ca arrive ça ?
I 243 Oui, ben moi ça m’est jamais trop arrivé parce que si je suis pas sûre, je demande toujours à mes collègues, je
préfère toujours demander à mes collègues parce que c’est ça que j’ai peur en fait, ça m’est jamais arrivé de faire
une bêtise mais c’est ça que j’ai peur de faire, une bêtise à une cliente
E244 Et tu y penses, ça, quand tu travailles ?
I244 Oui, au début quand elle me demande, au début de la coupe, là, j’y pense, je me dis, faut que je fasse attention,
que je coupe pas trop court …
E245 Voilà, donc, quand tu fais attention, c’est « ne pas couper trop court ». Et ça peut être quoi d’autre encore
quand tu fais attention ?
I245 Pareil, dans le dégradé, quand elles me disent pas trop dégradé, on sait jamais parce que les clientes des fois,
elles me disent … Des fois on se comprend mal aussi, elles vont me dire « bah je veux ça », alors c’est pour ça,
maintenant ça m’est arrivé au CFA, oui ça m’est arrivé une fois au CFA, elle m’avait dit « je veux une frange de
côté », bah je dis « d’accord » donc je dis « à peu près comme moi ? », elle me dit « oui », donc bah moi je lui fais la
frange et après elle me dit « ben en fait c’est pas ça que je voulais ». Donc là je me suis sentie toute bête quoi, je me
dis ben … Elle me dit « on s’est mal compris », donc ça va, elle a rien dit … On s’est mal compris nous deux.
E246 D’accord … Alors, comment faire pour bien se comprendre ? C’est un point important en fait.
I246 Ben là je ré explique tout le temps, du coup, je …
E247 Depuis cet épisode là …
I247 Oui, a chaque fois donc après dès elle me dit « je veux ça, je veux ça », donc je lui ré explique et je dis « c’est
bien ça ? », elle me dit « oui, oui », alors je lui ré explique encore une fois
E248 Et tu la regardes ?
I248 Oui, je la regarde, dans le miroir, je dis « donc on fait ça, comme ça » et après je dis « je vais couper et si des
fois c’est pas assez court, je préfère recouper plutôt que trop couper » ; ça je le dis tout le temps aussi
E249 Oui, tu expliques au fur et à mesure
I249 Oui
E250 tu vois, j’ai l’impression que t’as des théories, comme ça, que tu suis, des démarches que tu suis pour faire les
choses
I250 Oui
E251 Et effectivement tu n’as pas eu de problème depuis ?
I251 Non, à part au CFA, c’est tout
E252 Et au CFA, finalement qu’est-ce qui c’était passé pour qu’il y ait ce problème. Tu m’as expliqué « ben je veux
une mèche, vous voulez la même que moi … oui » Et puis ça c’était arrêté là ?
I253 Ben oui, c’est pour ça, je m’étais pas assez … C’est vrai qu’au CFA, je me sens pas, pas à l’aise
E254 Moins qu’en entreprise ?
I254 Oui parce que vu que y’a des filles que on s’entend pas trop bien et ben quand je fais la coupe, elles sont en
train de me regarder et après elles vont parler entre elles donc c’est vrai que ça, je déteste ça
E255 donc c’est un regard qui te gêne
I255 Oui … Je me sens regardée en fait, ça se sent quand on nous regarde
E256 D’accord. Et en entreprise, tes collègues elles doivent te regarder aussi ?
I256 Oui mais discrètement, comme je disais à ma patronnes, la dernière fois, on a eu une réunion, je dis « c’est
bien, j’aime bien, parce que chez vous, vous me regardez mais je le vois pas en fait ». Elle me regarde tout le temps
en fait mais vu que déjà on n’est pas du même côté, elle me regarde de son poste de travail et je le vois pas en fait,
elle me regarde quand elle coiffe en fait, elle va pas se mettre à côté de moi, me regarder comme ça … Parce que je
lui ai déjà dit que si elle se mettait à côté de moi, je …
E257 Tu perdrais tes moyens
I257 Oui, j’y arriverai plus
E258 D’accord
I258 Donc elle le sait aussi, elle
E 259 Et le regard de la cliente, pendant que tu travailles … ça te dérange pas ?
I259 Non … Après y’a des clientes qui mettent un petit peu le stress parce que elles disent « par contre vous faites
super attention, je veux pas comme ça … ». Donc là ça commence à me mettre la pression
156
E260 Oui.
Est-ce que … quand la cliente elle arrive, que tu l’observes, même si tu l’as jamais vue, est-ce que tu es capable de
dire « ah » … ?
I260 Oui, des fois oui !
E261 Alors, qu’est-ce que … ?
I261 Je sais pas, ça se voit par rapport à elle … Bah après des fois, je me dis « oh là ça va être une cliente chiante,
qui va être assez … et en fait, non, je me trompe quoi. Des fois y’en a qui …, je le vois par rapport à si elles sont
froides ou pas, c’est souvent comme ça que je vois. Mais après, des fois, je me trompe, des fois …
E262 D’accord, tu ne portes pas le bon jugement
I262 Bah des fois non ! Des fois je me dis, je vais dire bah « bonjour », pis elles vont me dire bonjour très
froidement, pis souvent j’essaie de dire bon « ça va , avec le beau temps … » pendant que je prends leur vestiaire pis
elles vont me répondre vraiment froidement …
E263 Oui, tu essaie comme ça de communiquer dès le début
I263 Oui
E264 Et ça aussi, tu vois tes collègues le faire, ou c’est toi pour être à l’aise ?
I264 Bah en fait, j’ai commencé par avoir des clientes habituelles qui viennent toutes les semaines. En fait à chaque
fois que, qu’elles arrivaient, elles me disaient « ça va, M. ? » et tout, pis bah depuis j’ai pris l’habitude que quand
une cliente arrive, maintenant c’est moi qui dit, j’essaye toujours de, de demander quelque chose quoi. Parce que les
clientes habituelles c’est vrai que … je m’entends vraiment, toutes les clientes habituelles, c’est vrai qu’elles sont
vraiment …
E265 Et il y en a beaucoup, qui viennent régulièrement ?
I265 Oui, toutes les semaines, mais pas avec moi, c’est beaucoup avec mes collègues ou avec ma patronne
E266 OK, oui, mais c’est toi qui les accueille
I266 Oui, voilà, pis je leur fais leur shampoing, des trucs comme ça …
C’est vrai que les clientes habituelles, c’est celle que je préfère quand même, parce que je les vois toutes les
semaines …
E267 Tu les préfères parce que c’est plus facile aussi ?
I267 Bah, c’est pas que je préfère mais je veux dire, oui bah voilà … elles savent, ben pas ma vie mais, je raconte
pas ma vie, mais je veux dire, elles savent beaucoup de trucs … je sais pas … elles m’appellent par mon prénom …
On se rends des services, y’a des avantages …
E268 D’échanger avec les gens, ça apporte pour le métier et pour, pour l’extérieur
I268 Oui
E269 Donc apparemment, ça te plaît, y’a pas de problème
I269 Oui !
E270 Tu ne fais pas partie de celles qui, qui ont des doutes
I270 Ah non, pas du tout, j’ai toujours voulu faire ça depuis toute petite toute façon. Enfin à partir de onze ans, je
commençais déjà pas à couper le cheveux, mais je veux dire, ma petite sœur, je lui faisais toujours des petites nattes,
j’étais toujours après ses cheveux …
E271 Et tu regardais déjà les gens … comment ils étaient coiffés ?
I 271 Non, mais ma famille, je les conseillais beaucoup
E 272 D’accord, c’était intéressant d’entendre toutes ces précisions !
Entretien d’explicitation
C2
(Entretien n°2 Coiffure)
E1 Est-ce que tu as en tête une cliente particulière dont tu pourrais me parler ?
I1 Oui, ma tata
E2 C’est ton modèle ? (pour l’examen pratique)
I2 Non, c’est ma sœur mon modèle
E3 D’accord
I3 Et donc, c’est une coupe assez courte avec deux mèches là (geste) qu’on laisse … on laisse la nuque un petit peu
plus longue , elle a aussi une mèche courte là et à côté long (gestes)
E4 Hum
I4 Au début, la coupe là, j’avais un peu du mal à la faire parce que en fait c’est, elle les met tout le temps en pétard
et tout, donc, c’est pas … on fait d’abord aux ciseaux et puis après faut vachement effiler, c’est un travail vachement
au rasoir
E5 D’accord
I5 Et du coup, c’est vrai qu’ au début, j’y allais beaucoup avec le rasoir
157
E6 Et c’est ce qu’elle voulait absolument comme coupe, elle avait déjà cette coupe là et toi, le but, c’est que tu lui
fasses la même, que tu continues ?
I6 Voilà
E7 Tu lui a coupé les cheveux récemment ?
I7 Heu, oui, y’a un mois et demi
E8 Est-ce que tu as encore en tête la manière dont ça s’est passé ?
I8 Oui
E9 Donc, tu veux me raconter, vraiment … Tu te revois dans la situation ?
I9 Oui ! Et en même temps, je m’étais coupée !
E10 Ah oui, bah alors …ça , c’est important ça, ça …marque aussi !
I10 Oui !
E11 Je t’écoute !
I11 Donc, j’ai fait une couleur avec des mèches avant. C’était une couleur noire avec des mèches, on l’a décolorée
parce que elle veut de mèches violettes mais on a du mal à lui faire donc du coup …
E12 Comment ça se fait ?
I12 Ben, son cheveu, il a du mal à prendre
E13 Ca arrive ça ?
I13 Oui, sur des clientes, ça prend super bien mais elle on n’arrive jamais à avoir le violet comme sur les autres
clientes
E14 D’accord
I14 Donc du coup, là on a essayé, on a décoloré et elle, y’a un produit qu’elle met qui marche bien, donc on la refait
sur la mèche
E15 D’accord
I15 Et ça a été, ça a bien été. Du coup, j’ai rincé, j’ai fait le shampoing et après on est passé au fauteuil pour lui faire
la coupe, donc j’ai fait mes séparations…
E16 Alors, la discussion sur ce qu’elle voulait, elle avait eu lieu à quel moment ? Tu savais … ?
I16 Au début, et puis elle m’en avait déjà parlé quand je l’avais vue, ce qu’elle voulait faire …
E17 Donc, quelles questions tu lui avais posées heu ?
I17 Bah le mèches si elle en voulait partout, des grosses, des petites, si elle voulait un bandeau parce qu’elle aime
beaucoup les choses qui pètent
E18 D’accord … Ce que tu appelles un bandeau, c’est ?
I18 C’est … Vu que là (geste), elle a une grande mèche, on a pris une grosse mèche, une grosse bande de cheveux
pour que ça fasse vraiment un bandeau
E19 De couleur différente ?
I19 Voilà.
Donc les mèches, si elles étaient grosses, petites, si elle en voulait beaucoup …, la couleur, ce qu’on refaisait …Et
pis voilà.
E20 Et la coupe ?
I20 La coupe, ben elle m’avait dit : « la même chose que d’habitude »
E21 Et d’habitude, qui la coiffait, c’était une de tes collègues ?
I21 Ben ça fait trois quatre fois que je la coiffe mais avant c’était ma patronne qui le faisait
E22 OK, donc, voilà, c’est ce que tu me disais, c’était peut-être difficile pour toi au début de faire exactement ce
quelle attendait surtout que ça a l’air assez compliqué, c’est pas un petit « carré » tout simple.
Et, qu’est-ce que tu t’es dit la première fois que tu a dû la coiffer ?
I22 j’avais regardé avant comment ma patronne elle avait fait et du coup, après, heu donc, j’ai regardé comment elle
faisait, pis le jour ou je lui ai coupé les cheveux ben j’ai fait pis y’avait ma patronne à côté et je lui demandais dès
qu’il y avait quelque chose
E23 D’accord, et donc quand tu dis que t’as regardé ta patronne, c’est que tu as observé tout ce qu’elle faisait
pendant toute la coupe, comment ... Qu’est-ce que tu regardes précisément ?
I23 Je regardais comment elle a fait pour laisser les longues mèches dans le cou
E24 Oui
I24 Pour laisser la grande mèche devant parce qu’il faut quand même ( ?) alors j’ai regardé comment elle fait,
comment elle a effilé, c’est un travail avec le rasoir
E25 D’accord, donc tu t’es bien concentrée sur tout ça et le fait d’avoir regardé, ça t’a permis ...?
I25 Ca aide : après pour refaire les gestes tout ça ...
E26 D’accord. Et la première fois que tu l’as coiffée donc, ça n’a pas été trop difficile ?
I26 Non, ça a été, c’est juste donc l’effilage au rasoir qu’était pas assez prononcé comme elle aime que ce soit. Donc
ma patronne m’a remontré et maintenant, au fur et à mesure, ça va mieux, au fur et à mesure, ça …
E27 D’accord. Elle a quel type de cheveux, tu te souviens justement ?
I27 Elle a un cheveu … Il est pas raide, il est heu … Comment dire ? Un cheveu souple, qu’elle a quand même
E28 Hum
I28 Donc, qui se place très facilement, facile à manier
E29 OK. Alors donc, on va reprendre les étapes de cette coupe là. Donc, tu as commencé par faire les mèches … ?
158
I29 Oui
E30 Et puis on va s’es tenir à la coupe parce que comme tu n’as pas beaucoup de temps …Donc voilà, tu te remets,
tu es dans ton salon, par quoi tu commences ?
I30 Alors vu que devant, la bordure, elle aime beaucoup que ce soit effilé, que ça lui revienne avec, y’a une patte
qu’est plus grande que l’autre aussi, donc j’ai laissé toute la bordure …
E31 Oui … Comment tu fais pour laisser la bordure ?
I31 Je sépare, j’attache avec des pinces. Donc, j’ai fait le tour d’oreille, j’ai commencé à faire mon dégradé, derrière,
j’avais attaché les deux trois mèches qu’elle laisse
E32 D’accord. Comment on fait un dégradé alors ?
I32 Et bah là, j’ai pris comme ça (geste) vu que c’est des cheveux courts, donc on coupe comme ça et comme ça
(gestes)
E33 D’accord
I33 et du coup donc, j’ai fait mon dégradé court partout, après j’ai pris mon plateau, donc j’avais laissé …
E34 Excuse-moi, elle avait beaucoup de cheveux à couper, sa coupe avait vraiment rallongé ou c’était juste un
rafraîchissement ?
I34 Non, c’était couper de juste deux cm
E35 D’accord, donc ensuite, pardon, je t’ai coupée, parce que j’essaie d’imaginer, en même temps !
I35 Donc, après, j’ai relaissé ma bordure, j’ai fait mon plateau avec les jonctions pour pas que ça fasse de barres ni
de grands cheveux qui restent
E36 d’accord. Comment tu sais comment faire la jonction ?
I36 Bah c’est au fur et à mesure qu’on apprend en faisant des coupes, des choses comme ça, et pis suivant les
cheveux longs, les cheveux courts, on a différentes jonctions à faire, différentes choses …
E37 Y’a des grands types de jonction, c’est ce que tu me dis ?
I37 Aussi sur les cheveux courts, donc là, on prend comme ça (geste)-donc c’est court là- ensuite on fait le plateau
là, c’est le dessus, et après, on a fait notre plateau donc généralement, on prend un rectangle là
E38 Hum
I38 Après y’a les cheveux des côtés là qui faut relever pour qu’ils fassent la même longueur que le plateau et après
donc, on fait la jonction avec le dégradé qu’on a déjà coupé
E39 D’accord, faut être drôlement attentif, non ?
I39 Oui, faut se rappeler où que c’est qu’on a coupé déjà
E40 Alors comment tu fais pour te rappeler ou tu as coupé ?
I40 Alors moi, je sais que je commence toujours du côté gauche, donc après si je pars faire quelque chose … et pis
je fais des séparations donc si je pars faire quelque chose, par exemple répondre au téléphone, y’a mes séparations
qui restent donc du coup, je sais …
E41 Une séparation avec une pince, c’est ça ?
I41 non, je sépare avec le peigne et puis ...et puis le côté que j’ai déjà fait, j’aplatis …
E42 OK, et ça c’est quelque chose que t’as appris à faire comment finalement ?
I42 C’est au fur et à mesure des coupes, des habitudes que moi j’ai pris pour, pour que ça aille mieux
E43 D’accord, c’est pas forcément quelque chose qu’on t’a montré ?
I43 Non, pas forcément, c’est plus pour moi, pour mieux gérer la coupe, que ça se passe mieux.
E44 Et tu dirais que tu as été capable d’avoir ta technique, tes repères, à partir de quel moment dans la formation,
dans les deux ans ?
I44 Ah, bah je sais que déjà, au début, quand j’ai commence, ma patronne elle m’a conseillée pour, quand je fais des
coupes courtes, de laisser tout le bas et donc de séparer là (geste) pour pas couper les angles. Et là aussi (geste), on
fait toujours une pointe aussi pour pas couper la ( ?) derrière
E45 Qu’est-ce que tu appelles l’angle ?
I45 C’est parce que là (geste), y’a des angles de coupe sur les cheveux. Généralement on laisse et ça fait un peu
carré. Donc du coup, j’ai déjà séparé et du coup, je vais toujours vers les même séparations et après, selon si on fait
le tour d’oreille ou demie oreille, je refais une séparation là (geste) et (inaudible). J’ai appris comme ça et du coup,
c’est vrai que j’ai toujours gardé cette habitude
E46 Donc, au départ, c’est ta patronne qui t’a montré, tu as utilisé comme base ce qu’elle te disait mais tu te l’es
approprié …
I46 Oui
E47 Tes collègues, elles font pas forcément exactement comme toi ?
I47 Non, bah y’a une collègue qu’est arrivée ben qu’a un BP(Brevet Professionnel) et heu, comment dire ? Elle est
arrivée, ça va faire un an au mois d’août qu’elle est là, et elle, c’est vrai que vu qu’elle a pas appris dans notre salon,
elle fait pas comme nous. Alors que l’autre employé qu’il y a et ben elle, elle a toujours été … la patronne l’a prise
comme apprentie et du coup maintenant, c’est l’employée et c’est vrai que c’est la patronne qui lui a appris donc …
toutes les trois, on a presque la même technique.
E48 Donc, tes histoires de repères quand même, les autres fond un petit peu comme toi aussi
I48 Oui, c’est comme ça qu’on a appris, on a cette technique.
E49 Et quand tu vois la dernière arrivée qui a une autre technique, qu’est-ce que tu te dis ?
159
I49 Au début, ça fait bizarre … Enfin maintenant, elle prend un peu plus nos habitudes parce qu’elle voit que ça va
mieux.
E50 Ah oui !
I50 Oui, sur certaines choses, oui. Mais c’est vrai qu’au début, oui, ça a fait bizarre de la voir couper … Nous, sur
les coupes hommes, on commence toujours, on fait le tour d’oreille, elle, elle commençait directement au dessus …
Dans son salon, elle l’avait appris comme ça.
E51 Et elle pouvait le justifier, dire « je fais comme ça pour telles raisons » ou … ?
I51 Bah, non, c’est parce que on lui avait appris comme ça.
E52 Et dans ces manières de faire, y’en a pas pour lesquelles au contraire toi tu te dis : « ah, c’est vrai, c’est pas mal
comme ça, je pourrais essayer comme elle fait » ?
I52 Oui, dans certaines techniques, oui
E53 Oui, c’est enrichissant. Donc on revient à la coupe
I53 Oui, donc, j’avais fait ma séparation, j’ai fait les jonctions des côtés avec le plateau du dessus et après donc, j’ai
enlevé les pinces que j’avais mis pour les deux mèches qu’il y a dans la nuque, j’ai coupé un petit peu la pointe.
Mais par contre, il faut prendre en élévation pour pas que ça fasse la coupure nette
E54 Alors, en élévation, c’est à dire ? Je ne connais pas le vocabulaire …
I54 Au lieu de laisser la mèche droite comme ça (geste) et de couper, on la surélève un peu, on coupe et çà fait faire
un petit côté effilé
E55 D’accord
I55 Ca fait moins la coupe droite. Et du coup après donc on coupe y’a la mèche longue devant. On a … donc on
coupe pas trop généralement, enfin, là, je raccourcis le côté mais la mèche longue généralement on coupe juste la
pointe … parce que elle pousse plus trop.
E56 Ah, oui ? Elle pousse plus ?
I56 Oui, elle s’est arrêtée à une longueur et c’est vrai que … De temps en temps la pointe et heu …
E57 C’est habituel, ça arrive souvent que des cheveux poussent plus ?
I57 Non ! Alors du coup, je fais la jonction. Je fais la jonction, donc je prends la mèche là que j’ai coupée. Donc la
mèche là (geste) avec le côté long et on laisse nos doigts comme ça penchés (gestes) pour que ceux-là, c’est la partie
courte, ceux-là, la partie longues (gestes) et on coupe ce qui y’a en plus.
E58 D’accord
I58 Sans couper la longueur, heu la même longueur
E59 OK, donc il faut quand même maîtriser toutes sortes de techniques différentes hein, pour réaliser une coupe
comme ça … et après, faut effiler encore?
I59 Voilà ! Tout le côté heu, aux ciseaux, et après donc, je prends le rasoir, je fais les séparations avec les pinces
E60 Et alors, excuse-moi, pendant que tu fais tout ça heu, est-ce que tu vois ta cliente ?
I60 Oui, je regarde dans la glace assez fréquemment pour voir au niveau des côtés, la longueur si j’ai pas un côté
plus long que l’autre …si heu …
E61 D’accord, c’est vraiment le regard sur l’aspect technique. Et tu as l’impression de regarder beaucoup ou … ?
I61 Il faut quand même assez parce que si on a un côté plus long que l’autre et qu’on s’en aperçoit à la fin au
séchage, c’est embêtant, faut tout recommencer.
E62 Oui. Et la dernière fois que tu l’as coiffée, ta tante, elle était ... elle avait quel air, elle était comment, elle se
sentait comment ?
I62 Bah bien ! Pis elle trouve que maintenant je gère vachement mieux la coupe …enfin la patronne avant, vu que
au niveau de l’effilage je savais pas trop, elle reprenait alors que maintenant, elle regarde simplement, elle me dit :
« bon, bah, c’est bon » ; Pis même ma tante, elle sent que je suis plus à l’aise, que ça va beaucoup mieux …
E63 Et toi, tu te sens plus à l’aise ? Tu te le dis, enfin comment … ?
I63 Oui, ça va beaucoup mieux, enfin pis même , je vois la coupe, je la fais en beaucoup moins de temps, ça va vite
E64 Alors, c’est quoi, quand tu dis, tu as gagné du temps, tu la faisais en combien de temps au début ?
I64 Au début, j’ai dû la faire la première fois en …1h1/4 pis maintenant, je mets 1/2h seulement
E65 Oui, c’est vraiment une évolution, c’est satisfaisant. J’imagine que plus on y arrive bien, plus on est à l’aise …
I65 On est à l’aise, le mieux, c’est pour nous, on se dit qu’on a eu des bonnes bases, qu’on a bien appris
E66 Là, travailler « sur » ta tante, c’est, c’est plus confortable pour toi ? Le fait que ce soit quelqu’un que tu
connaisses ?
I66 Bah après, c’est vrai qu’on parle mieux, enfin on a plus de choses à se raconter mais avec les clients c’est pareil,
y’a toujours un sujet de discussion
E67 Tu parles, pendant que tu coupes les cheveux, en général, avec la cliente ?
I67 Oui, j’essaie d’être … de parler un petit coup avec …
E68 Non, parce qu’on m’a déjà dit : « ah bah moi je peux pas parler, je suis obligée de me concentrer sur la coupe »
I68 Au début, c’est vrai que quand j’ai commencé à couper, je parlais pas trop et j’étais plus concentrée sur la coupe
mais maintenant que ça va mieux dans les coupes, on peut parler plus
E69 C’est un bon indice, si tu arrives à parler, c’est que l’aspect technique te pose moins de problème.
I69 Maintenant j’ai moins besoin de réfléchir à ce qu’il faut que je fasse là ou là …
E70 Moins besoin de réfléchir, tu t’en rends compte de ça
160
I70 Oui, parce que c’est vrai qu’au début, c’était « bon, j’ai fait ça, maintenant faut que je fasse ça, faut pas que
j’oublie de faire ça » alors que maintenant, c’est instinctif, ça vient tout seul …
E71 Oui. C’est aussi pour ça que tu gagnes du temps
I71 Oui
E72 C’est étonnant même de se dire, tiens, à un moment donné, y’a plus besoin de réfléchir ! Et ça s’est produit à
quel moment ça pour toi dans la formation ?
I72 Heu … vers le mois d’octobre … quelque chose comme ça
E73 Oui, donc en cours de deuxième année
I73 Oui
E74 Tu as senti le cap
I74 Oui, j’ai eu un petit coup de blues, ma patronne m’a reboostée et du coup, c’est vrai que maintenant ... ça va
beaucoup mieux
E75 D’accord!
Alors je vais te laisser finir de dégrader, d’effiler, pardon !
I75 D’effiler : donc du coup, le mèches du bas, j’y touche pas, vu que elles sont toutes naturellement et vu que on
coupe en élévation, ça les effile. Donc, je mets des pinces, je fais des lignes droites et pis …j’y vais
E76 Donc ... au rasoir ?
I76 Au rasoir. Donc, par contre, pour effiler, j’effile pas simplement la pointe pour pas que ça fasse de … de …
comment on dit ? : de barres. C’est vraiment un travail plus, qu’il y est des mèches courtes, longues pour que elle, au
coiffage, ça lui tienne mieux.
E77 D’accord. Donc, ça aussi, t’as regardé quand ta patronne le faisait ?
I77 Oui, après, selon les clients, le désir qu’ils veulent, on fait pas forcément …
E78 Alors, justement, si on quitte juste un petit peu ton modèle spécifique là, heu, t’as l’impression de pouvoir
satisfaire toutes les demandes des clients là, à l’heure actuelle ?
I78 Heu, pas toutes puisque les carrés plongeants, j’en ai jamais trop faits, alors du coup ça c’est vrai que …c’est
quelque chose que je sais pas faire
E79 D’accord. Et tu as regardé par contre ?
I79 Oui, je regarde comment on fait mais à proprement dit, j’en ai jamais fait un comme ça.
E80 Et ça te semble compliqué ?
I80 Bah, plus compliqué quand même que les autres
E81 Pourtant la coupe de ta tante, elle a l’air super compliquée !
I81 Parce que le carré plongeant, j’vois, il faut faire attention qu’y est pas un côté plus long que l’autre, bah, au
niveau du devant, ça va mais après dans les longueurs qui y’a entre court derrière et là (geste), ça me semble plus
compliqué …
E82 D’accord? Et ça c’est une technique que vous avez vue au CFA, le carré plongeant ?
I82 Non, on l’a jamais fait encore au CFA
E83 Donc j’ai l’impression qu’il te reste aussi des choses à apprendre pour la suite, tu fais quoi, après ?
I83 Une mention complémentaire
E84 D’accord. Et tu restes chez ta patronne actuelle ?
I84 Non, parce que vu que elle a repris un BP encore au mois d’août, du coup, y’a plus assez de travail pour quatre
E85 D’accord, et tu as trouvé ?
I85 Oui, à S. J’avais deux possibilités.
E86Très bien. Dernière question sur, comment dire ? Est-ce que pour toi, tu vois une grande différence entre ce que
tu apprends au CFA et ce que tu apprends en entreprise ?
I86 Oui ! Parce que, je vois, en entreprise quand on fait des coupes hommes, généralement ils veulent des crêtes, des
choses comme ça … c’est plus moderne que ce qu’on fait au CFA. Donc du coup au CFA, ils nous disent toujours,
madame P (formatrice de coiffure) elle vérifie si on a pas coupé les angles, que ça fasse vraiment bien … carré, si on
peut dire
E87 D’accord
I87 Alors que maintenant la mode, enfin, des crêtes, c’est tout ramené au milieu, donc là faut vraiment tout couper
quoi
E88 Oui, oui. Et alors, comment ça se fait qu’on continue de vous apprendre ça ?
I88 je sais pas du tout ! Enfin, je pense que…
E89 Vous n’avez jamais posé la question ?
I89 Non, on a jamais posé la question
E90 Est-ce que ça peut-être utile, quand même, de savoir faire comme ça ?
I90 Je sais qu’après on le voit en salon donc après au CFA, on voit plus ce qui nous sert pour le CAP.
E91 Oui, tout a fait. Mais y’a bien certains hommes qui viennent dans votre salon pour faire autre chose que des
crêtes, non ?
I91 Oui, oui ! Y’en a des qui fond des coupes comme on apprend au CFA.
E92 Y’a d’autres choses encore qui sont importantes au CFA ? Ou qui sont différentes de … ?
I92 Ben, au niveau de la permanente, on en fait beaucoup au CFA
E93 Et peu en entreprise ?
161
I93 Ben, moi je sais que j’en faisais une par jour mais après ça dépend de la clientèle
E94 Et la technique ?
I94 C’est pas pareil parce que nous en entreprise quand on roule sur les clients, on commence par le devant alors que
au CFA vu que pour l’examen faut faire indirect, on commence par la nuque …
E95 Indirect ? Pourquoi ça s’appelle comme ça ?
I95 Heu, non ! En direct, pardon ! C’est quand on met directement le produit. Donc, vu que les cheveux de la nuque
ont beaucoup plus de mal à prendre, on commence par la nuque.
E96 pour que ça pose plus longtemps ?
I96 Voilà. Que au salon, on fait en indirect, on met pas le produit directement, on commence par le front et
seulement après on met le produit
E97 D’accord
I97 Alors qu’à l’examen faut commencer par heu …
E98 Alors comment ça se fait ça ?
I98 C’est la technique qui faut faire pour l’examen !
E99 OK ! Y’a pas de justification ?
I99 Non, c’est comme ça … Mais au CFA on roule avec les gants alors qu’en entreprise on le fait pas
E100 Oui, là c’est pour que la difficulté soit un peu plus grande
I100 Et puis, y’a un temps à respecter …
E101 Bien, bien, je te remercie.
162
Annexe 6 :
Tableau I
Catégorisation des verbalisations
SR1 : Entretien n°1, service en restauration
Numéros de ligne (transcription entretien)
7, 9, 10, 10, 14, 15, 19, 22, 24, 31, 35, 37, 41, 44, 45, 48, 56, 57, 58,
Contexte
77, 82, 85, 90, 92, 93, 97, 98,115, 117, 152, 154, 177, 216, 223, 224,
226, 227, 232, 245, 255, 258, 259
Procédural
16, 23, 53, 137, 211, 220, 258
12, 15, 17, 18, 19, 21, 25, 28, 29, 30, 31, 32, 41, 42, 48, 50, 51, 52, 61,
65, 67, 69, 76, 80, 81, 84, 86, 88, 89, 91, 94, 95, 98, 99, 102, 114, 117,
118, 120, 121, 122, 123, 124, 126, 129, 131, 137, 138, 144, 145, 146,
Déclaratif
149, 150, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 162, 163, 165, 166, 167, 168,
169, 170, 175, 176, 179, 182, 186,187, 200, 201, 202, 203, 204, 206,
207, 208, 209, 211, 212, 213,214, 216, 217, 218, 219, 224, 225, 227,
230, 235, 236, 240 , 244, 245, 248, 249, 250, 251, 259, 262
Intentionnel
12, 17, 50, 61, 89, 95, 121, 138,139, 140, 144, 156, 239
Jugement
20, 21, 32, 35, 36, 44, 60, 63, 68, 71, 73, 74, 78, 79, 83, 100, 153, 177,
186, 197, 247, 256
Manière d’apprendre, 26, 40, 55, 60, 74, 100, 104, 108, 127, 128, 191, 192, 193, 196, 199,
Manière de travailler
265, 268, 272
Code couleur :
N°x : recul opéré antérieurement à l’EdE
N°y : recul opéré en cours d’EdE
En italique : lien avec le client
x : lien avec le CFA
163
SR2 : Entretien n°2, service en restauration
Numéros de lignes (transcription EdE)
1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 11, 14, 16, 19, 23, 26, 27, 28,31, 34, 37, 38, 40,
Contexte
45,69, 94, 95, 96, 104, 107, 121, 126, 147,151, 152, 153, 181, 182
209, 221, 223, 231,232, 237, 269
Procédural
7, 10, 12, 44, 71, 126, 159, 160, 231, 237
15, 16, 17, 19, 20, 21, 24, 29, 30, 32, 34, 38, 39, 40, 43, 47, 48, 51, 52,
53, 54, 57, 60, 61, 66, 67, 71, 73, 76, 77, 79, 80, 82, 92, 93, 99, 100,
101, 105, 107, 108, 109, 114, 118, 120, 122, 125, 127, 128, 129, 130,
Déclaratif
132, 139, 144, 146, 154,156, 157, 158, 164, 169, 171,186, 206, 207,
208, 210, 212, 213, 215, 216, 218, 220, 222, 225, 226, 233, 235, 236,
238, 239, 242, 243, 244, 255, 258, 266, 267, 268, 269
Intentionnel
6, 7, 21, 30, 34, 55, 58, 61, 67, 76, 128, 129, 142, 214, 257, 268
Jugement
5, 7, 25, 46, 65, 66, 73, 112, 142, 147, 149, 162, 182, 187, 189, 190,
191, 209, 211, 239, 240
33, 34, 35, 36, 50, 56, 62, 63, 64, 70, 83, 85, 103, 120, 131, 134, 135,
Manière d’apprendre, 137, 138, 146, 166, 168, 179, 188, 192, 193, 194, 197, 198, 207, 259,
Manière de travailler
260
SR3 : Entretien n°3, service en restauration
Numéros de lignes (transcription entretien)
Contexte
3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 16, 19, 20, 21, 22, 27, 28, 30, 31, 32, 38, 48,
70, 74, 76
Procédural
8, 13, 15, 16, 21, 25, 26, 27, 39, 40, 44, 46, 48, 70, 72,
Déclaratif
10, 11, 12, 17, 34, 35, 37, 54, 56, 71, 82, 83, 84, 93, 104, 110, 112,
116
Intentionnel
116, 118
Jugement
2, 7, 10, 12, 14, 20, 22, 33, 41, 42, 43, 44, 47, 51, 52, 57, 61, 62, 64,
65, 76, 88, 89, 90, 91, 94, 103, 107, 110, 112, 118
Manière d’apprendre, 55, 59, 60, 66, 67, 89, 95, 96, 97, 100, 102, 103, 106, 109, 114, 115,
Manière de travailler
120,122
164
V1 : Entretien n°2, vente (produits courants)
Numéros de lignes (transcription entretien)
Contexte
1, 2, 3, 4, 5, 7, 12, 13, 15, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 29, 44, 45
Procédural
5, 8, 26
Déclaratif
6, 17, 19, 25, 32, 34, 36, 37, 38, 45, 49, 52, 53, 54, 55, 56, 63, 64, 66,
Intentionnel
5, 8, 10, 17, 31,
Jugement
3, 4, 12, 29, 35, 50, 73,
Manière d’apprendre, 11,16, 25, 39, 40, 42, 43, 46, 48, 53, 57, 58, 60, 61, 64, 68, 69, 70, 71,
Manière de travailler
72, 73, 74, 75, 76, 77
V2 : Entretien n°1, vente produits alimentaires
Numéros de lignes (transcription entretien)
3, 4, 5, 7, 11, 12, 27, 31, 32, 36, 37, 53, 54, 57, 62, 63, 66, 67, 69, 70,
Contexte
71, 72, 73, 76, 77, 87, 89, 91, 92, 93, 94, 96, 100, 102, 109, 115, 124,
126, 132, 165, 166,172,
Procédural
80, 106, 168,
8, 9, 10, 13, 14, 17, 17, 19, 21, 22, 38, 46, 47, 48, 52, 53, 60, 61, 64,
66, 74, 79, 80, 81, 83, 86, 90, 97, 98, 99, 107, 109, 110, 111, 115, 116,
Déclaratif
123, 129, 130, 133, 139, 146, 147, 153, 154, 156, 157, 162, 165, 168,
169, 170, 172, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195,
Intentionnel
129, 130, 163,
Jugement
5, 6, 9, 20, 23, 24, 25, 28, 32, 49, 50, 51, 85, 140, 141, 179, 182, 184,
185, 186, 188
Manière d’apprendre, 30, 35, 39, 40, 41, 42, 43, 45, 53, 82, 84, 103, 105, 117, 119, 122, 128,
Manière de travailler
134, 135, 142, 143, 144, 151, 152, 155, 156, 160, 163, 171, 175, 187,
196, 197, 199, 201, 202, 203, 204, 206
165
V3 : Entretien n°3, vente
Numéros de lignes (transcription entretien)
Contexte
1,4, 21, 28, 29, 31, 39, 40, 41, 46, 55, 62
Procédural
30, 32
Déclaratif
4, 7, 12, 1, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 33, 35, 46, 47, 56, 61, 69, 70, 83, 85
Intentionnel
4,15
Jugement
8, 13, 14, 18, 30, 36, 43, 44, 45, 54, 65, 66, 67, 68, 69, 73, 80, 84, 90
Manière d’apprendre, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 74, 76, 77, 78, 79, 86, 89, 90
Manière de travailler
C1 : Entretien n°1, coiffure
Numéros de lignes (transcription entretien)
Contexte
7, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 35, 47, 48, 51, 58, 62, 66, 90, 151,
156, 160, 161, 192, 194, 196, 209, 214, 242, 259
Procédural
34, 38, 50, 110, 111, 121, 127, 132, 139, 160, 162, 163, 195, 196, 209,
210, 241,
Déclaratif
7, 9, 11, 13, 19, 21, 23, 25, 26, 29, 30, 37, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 49,
55, 56, 58, 63, 64, 67, 70, 72, 73, 74, 75, 76, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 91,
92, 93, 96, 97, 99, 101, 111, 112, 113, 115, 116, 118, 122, 123, 124,
125, 126,130, 140, 141, 143, 144, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 156,
161, 163, 167, 168, 171, 172, 173, 174, 177, 179, 180, 182, 183, 185,
186, 187, 189, 190, 191, 197, 198, 199, 204, 205, 206, 212, 215, 216,
222, 227, 230, 232, 235, 242, 244, 245, 246, 247, 248, 253, 264
Intentionnel
38, 56, 113, 114, 115, 122, 149, 156, 195, 211
Jugement
109, 130, 138, 157, 228, 231, 254, 266
Manière d’apprendre, 27, 28, 31, 32, 78, 79, 86, 87, 89, 102, 104, 105, 106, 107, 108, 109,
Manière de travailler
120, 130, 132, 133, 134, 136, 137, 152, 153, 158, 175, 176, 184, 217,
219, 223, 224, 233, 238, 243,
166
C2 : Entretien n°2, Coiffure
Numéros de lignes (transcription entretien)
Contexte
3, 9, 11, 17, 18, 20,21, 27, 30, 34, 56
Procédural
14, 15, 17, 19, 30, 31, 33, 35, 53
Déclaratif
4, 11, 13, 28, 31, 32, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 44, 45, 50, 53, 57, 58, 59,
60, 61, 67, 75, 76, 77, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100
Intentionnel
18, 35, 38, 42, 43, 44, 53, 54, 55, 76
Jugement
4, 15, 26, 47, 49, 61, 65, 66, 80, 81, 86
Manière d’apprendre, 22, 23, 24, 25, 36, 42, 43, 44, 45, 50, 62, 63, 64, 68, 69, 70, 72, 74, 78,
Manière de travailler
79, 86, 90
167
Annexe 7 : Tableau II
(pages suivantes)
168
Annexe 7
Tableau II
Les savoirs d’action
Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
-on fait le tour quand c’est des
grandes tables comme ça, on
fait le tour parce que s’ils
commencent tous à lever la
main (47)
-je me déplace, comme ça ils
peuvent continuer de parler
entre eux … je me déplace, je
prends leur commande
apéritif, une fois terminé, je
prépare (50)
-on débarrasse les apéritifs au
fur et à mesure : pour eux
c’est plus agréable et pour
nous, ça nous permet de pas
- enfin, je fais tout ce qu’il y a
à faire au fur et à mesure, (95)
- avoir rien à faire(144)
-Quand c’est des grosses
tables, on commence toujours
par le fond et une fois qu’on a
commencé une rangée, on fait
la même(148)
-je vois qu’ils terminent,
j’attends un peu quand même,
je leurs sers s’il leur reste du
vin blanc. Je termine le vin
blanc parce qu’après on passe
au rouge ; j’attends trois
Gestes
-on met une
assiette là et
l’autre pardessus geste
puis voilà(200)
Repères pour
l’action
Règles d’action et
valeurs
-[savoir qui a
commandé quoi]si par
exemple une personne
elle m’a marqué parce
qu’elle avait les
cheveux rouges, et puis
à côté il va y avoir
…(55)
-je regarde dans la salle
assez souvent pour
savoir si y’a besoin de
quelque chose(95)
-[je vois que je peux]
envoyer en cuisine,
c’est qu’il y a plus
d’amuse-bouche et que
la moitié des verres
sont vides(98)
-avant le service, je
sais combien de temps
il faut que le plat
cuise(126) et je lui
demande plus, je vois
avec les casseroles qui
sont sur le feu(166)
-[savoir comment
dresser la table]c’est
marqué sur le bon, sur
le calendrier de
-[pour les vins]il faut rester
dans les prix, en fonction du
menu(21)
-après avoir conseillé, je vais
toujours quand même
demander à la patronne(31)
-j’attaque le fond de la salle
puis je vais dans le sens des
aiguilles d’une montre(52)
-il faut tout de suite repérer
les personnes [dont c’est la
fête]parce qu’on leur met
une bougie à la fin(61)
-là on se dit va falloir éviter
les remarques, on se dit faut
vraiment que tout soit
nickel(69)
-il faut que j’aille vite car il
faut encore que j’aille
chercher les …(88)
-Je les sers un par un pour
éviter la casse(89)
-Le chef il est tout seul au
chaud, donc en fait déjà faut
pas faire trop de bruit,
pendant le service faut pas
faire trop de bruit … faut
pas parler pour rien dire …il
s’occupe de tout, il est tout
Modèle du client
-c’est des gens qui veulent
qu’on fasse attention qu’à
eux, fallait qu’on serve que
eux(80)
-Ils viennent de se
retrouver, faut qu’ils
racontent leur vie(86)
-c’est à leur tête ou alors à
leur façon d’arriver, un peu
… qui veulent se montrer,
qui veulent …(68)
-les petits papis n’ont plus
un grand appétit à leur
âge(208)
-Y’a des gens qui veulent
pas parler, qui veulent
manger, qui veulent qu’on
les laisse tranquilles. Ces
gens là on les ressent, on
les embête pas plus(248)
-y’a ceux qui parlent
affaire, faut pas non plus
trop les embêter … dès
qu’ils arrivent, on sait à
peu près à quoi s’en tenir
Connaissance
Lexique
des produits, du
professionnel
matériel
-envoyer les
plats
- les lancer
-le chaud (pour
les plats
chauds)
-attaquer un
service
-On leur demande
leur vin pour qu’on
puisse sortir le vin
qu’il se
réchauffe(12)
-c’est un vin blanc
fruité qui passe bien
avec le homard, on
le dit pas aux clients
mais c’est un bon
rapport qualité prix
quand même(26)
-là ce qui était
important c’était le
morilles, avec un
sauté de
veau…Fallait plus se
baser sur les
morilles en fait(42)
-Le veau aux
morilles, il le fait
cuire en croûte donc
en fait y’a plus qu’à
le mettre au four et y
faut compter à peu
près ¼ d’h(166)
-il y une grosse pâte
feuilletée dessus et
en cuisant ça
169
quatre mn, le temps de refaire
le tour avec l’eau, le pain. Là
je vais voir le chef, je lui dis
« c’est bon pour les plats »,
donc puis là je
débarrasse(165)
-donc je demande si tout va
bien, [au milieu]et à la fin du
repas, je demande si ça a
été(206)
-ils ont mangé les desserts, je
débarrasse les desserts, je fais
le café, donc au départ je
demande pas qui veut du café,
j’en fais, je les envoie, 4 par
4, au moins je suis sûre que ça
passe et vers la fin je demande
qui en veut(236)
réservation(169)
-Pour les tables
individuelles, on fait
toujours les miettes de
pain mais là [grande
table] avec la déco on
peut pas(213)
seul(117)
-généralement on fait plus
goûter aux hommes(137)
-quand c’est des grosses
tables comme ça, on envoie
toujours à deux, par contre
on attend la deuxième
personne en salle(146)
-quand c’est des grosses
tables, on commence
toujours par le fond et une
fois qu’on a commencé une
rangée, on fait la même
rangée en fait(149)
-pour les grandes tables, on
sert pas les dames en 1er et
les hommes en 2e parce que
sinon il faut croiser(150)
-une fois qu’on commence
quelque chose, on le termine
tout de suite(158)
gonfle(178)
-c’était une
feuillantine de fruits,
c’était une crème
chiboutz avec des
fruits frais (226)
170
SR2 - Tableau II - Les savoirs d’action - Extraits significatifs du discours
Repères pour
l’action
Savoirs procéduraux
Gestes
-J’attends un peu en cuisine, dès
qu’une assiette est prête, je mets
du persil, de la tomate …si la
personne a pris du poisson, je
mets une rondelle de citron, donc
ensuite je prends les assiettes trois
par trois, donc deux puis un(16)
-si on est à deux[avec une
collègue], on fait face à face. Mais
quand je suis toute seule, la table
je la divise en deux, je fais tout un
côté, ensuite je reprends de l’autre
côté, ça va beaucoup plus vite et
les gens ils attendent pas(21)
-quand on sait qu’ils veulent du
pain Et du vin, on demande le vin
au bar et on le prends en revenant,
c’est faire moins de pas, ça coûte
moins de temps(34)
-j’ai une habitude, c’est de laisser
leur couteau pour leur
fromage[…]ça m’évite des pas et
je perds moins de temps en fait
parce que quand je prends les
fromages, je prends 4 assiettes(57)
-elles débarrassent au fur et à
mesure et moi non, je débarrasse
tout en même temps, ça évite les
pas(61)
-Les étapes pour proposer
fromage et fromage blanc(71-79)
- pour les servir(82)
-[avec un client sale]En tant que
serveuse, c’est dépêche toi de
- C’est selon les
assiettes, si elles sont
trop chaudes, je prends
deux par deux, si ça va
je prends trois par trois,
ça va plus vite(20)
-[porter les
-Si on voit que ils
assiettes]j’en commencent à fixer le
glisse une
plat, leur assiette, qu’ils
entre mon
la fixent, c’est que ça
auriculaire et leur plaît pas(39)
mon pouce,
-J’avais déjà repéré, il
j’en remets
regardait et puis avec sa
une au fourchette, il piquait
dessus des
dans la viande tout en
deux doigts
regardant comment que
et j’en prends le jus sortait en fait
une dans
[…]et c’est là que j’ai
l’autre
dit, ce monsieur, ça va
main(17)
pas lui plaire(44)
-[voir si les clients ont
-recours aux terminé]On voit pas
gestes pour
forcément leurs assiettes
montrer la
parce qu’ils mettent
manière de
leurs mains. C’est au
disposer les
niveau des visages qu’on
fruits dans les regarde et c’est au
corbeilles(55) niveau de leurs
gestes(67)
- c’est au niveau du
physique déjà et si il y a
un échange de
paroles(85)
-tout en servant les
Connaissance
Lexique
des produits,
professionnel
du matériel
Règles d’action et
valeurs
Modèle du client
-il faut, en cuisine,
vraiment faire attention
aux bons parce que en fait,
y’a par rapport aux
collègues des fois, on a le
bon côte à côte et on se
trompe d’assiette(30)
-Avant de proposer les
desserts, je prends toujours
mon carnet et je vais noter
ce qui reste(30)
-[manière de faire les
corbeilles] Comme ça les
clients ils voient qu’il y a
plusieurs fruits(54)
- je débarrasse tout en
même temps, même si les
autres ils attendent, c’est le
respect du groupe, en fait
(61)
- c’est une marque de
politesse [attendre que tout
le monde ait fini](62)
-faut avoir une vue
générale en fait, faut se
mettre à chaque extrémité
de la table pour voir si tout
le monde a terminé(67)
-c’est moi qui me déplace,
je me mets toujours entre
deux personnes, comme ça
les quatre ils entendent et
ils peuvent réfléchir(76)
-[après « altercation »avec
-Ils avaient le sourire…
quand ils parlent entre eux
et qu’ils mangent en même
temps on voit directement
si le plat il est bon(38)
-au niveau des fromages,
ça ralentit parce qu’ils
veulent garder de la place
pour le dessert, ça a
toujours été … parce
qu’en entrant, ils voient
dans le frigo ce qu’il y a en
dessert(92)
-ceux qui partaient fumer,
c’est ceux qu’avaient
terminé avant les
Pas de
autres(98)
« jargon »
-moi, je connais leur
rythme[ouvriers
habitués](101)
- les clients
dégoûtants(105) et on les
reconnaît puis on les
connaît les gens comme
ça(111)
- il y a très peu de gens qui
prennent les fruits donc en
général c’est les fruits que
je retiens [qui a
commandé](131)
- C’est les femmes qui
prennent des fruits, les
hommes c’est plus mousse
au chocolat, éclair, tout ce
-Donc, on a un
duplicata du bon,
qu’on accroche
sur un tableau en
cuisine, c’est un
tableau aimanté en
fait(15)
-Le meuble(la
desserte), les
plateaux : ceux
qui tiennent la
route, que les
verres ils glissent
pas dessus(215)
-On peut prendre
le chariot, y’a trois
rayons … mais
moi j’aime
pas(239)cf recul
-les pics qui
indiquent la
cuisson des
viandes(248)
-On a toujours
deux légumes du
jour donc soit des
féculents : des
frites ou des
pommes vapeur et
du riz, y’en a
toujours, et un
légume(26)
171
manger, hop, on le sert, hop puis
on se dépêche. On fait en sorte
qu’il mange le plus vite
possible(108)
-j’annonce les desserts, toujours
un par un, entre chaque personne,
donc je passe et pis heu si y’en a il
faut que je répète, ben, je répète
parce que pour les desserts j’hurle
pas(122) Je passe et je leur redis,
si ils ont pas entendu ou si ils sont
en train de discuter, j’attends pis je
repasse(124)
-je prends les desserts et je
demande les cafés en même temps
parce qu’ils on dit qu’ils étaient
pressés(126)
-j’apporte les plateaux de desserts,
je pose toujours sur le meuble
parce que vu que c’est sur plateau
ça va plus vite en fait, ça empile
les plateaux et ça évite les allerretours(128, 129)
-Je dépose les desserts, je sers un
par un, je fais tout le tour(131)
-Ma collègue, elle vient me voir
quand je débarrasse, elle me
demande si elle fait couler les
cafés, soit je dis oui, soit je lui dis
non, ça dépend[…]je lui dis oui
pour le groupe […]si un plateau
était prêt, je le prenais, j’allais
servir les clients(207, 208)
-j’ai débarrassé donc avec mes
fameux plateaux que j’ai mis de
côté[sur la desserte, au fil du
service](237)
autres, je regarde, je
surveille(103)
lient]je retourne voir le
client c’est la
politesse(164), c’est le
respect(166)
-Moi c’est à la fin que je
leur demande si ça a été, si
c’était pas trop long (268)
qui est bien …(132) et
aussi(144)
- les femmes prennent des
kirs(139)
-en général quand ils
voient que je suis en train
d’apporter les desserts à
des groupes, il me
remarquent et il se disent
« j’ai besoin d’elle »(157)
- le plateau il est
dans le frigo, on a
juste à le sortir, à
prendre ce qu’on
veut(82)
-On en a pas mal,
la salade de fruits,
l’île flottante, les
fruits …ça fait
cinq ou six
desserts(121)
172
SR3 - Tableau II - Les savoirs d’action - Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
-On l’installe, on lui
propose l’apéritif, il
prend l’apéritif, on le fait
patienter un peu(15)
-je lui prends sa
commande et je vais dire
en cuisine « il est assez
pressé le monsieur »(16)
-je regarde, bah pour le
pain, je regarde si ils en
ont, pis pour les boissons
pareil. On regarde et pis
si y’en a plus, on
repropose, on en
remet(26)
-je dis « désolée, on a un
petit peu de monde, donc
ben, on s’occupe de
vous »(32)
Gestes
Repères pour l’action Règles d’action et valeurs Modèle du client
-il se plaignait à chaque
truc qu’on lui
apportait(10)
-déjà, il avait du mal à
dire bonjour(12)
-alors on se dit « ça
commence déjà
bien »(14)
-il nous dit qu’il est assez
pressé(16)
-eux [clients pressés]
comme ça ils passent
avant les autres [en
cuisine] par exemple si
Pas de description ils sont vraiment
par geste
pressés(18)
-On a jamais eu de
problème, on la fait tous
les jours[une sauce qui ne
convient pas](22)
-parce que c’est vrai que
des fois, ça peut ne pas
convenir, on le ramène[le
plat](45)
-Quand ils se plaignent
trop, il[le chef]va même
voir des fois les
clients(70) qu’il aille
vraiment lui expliquer ce
que c’est parce que des
fois, ils pensent que c’est
une sauce comme ça pis
en fait …(71)
-« Premiers arrivés, premiers
servis » comme on dit (15)
-Bah on guette plus sa table
que les autres [client
difficile](35)
-[avec les clients difficiles]il
faut pas que ça s’amplifie
parce que quand ça s’amplifie,
moi je passe le relais(55)
-Etre respectueuse, ne pas être
impulsive(93)
-essayer de se retenir, de pas
parler de pas être vite fait sur
le client(95)
-On se dit faut se retenir, faut
pas …(97)
-Dire « c’est le client », faut
qu’on soit respectueux, même
quand ils sont chiants, faut pas
…(104)
-Moi je passe à côté, j’vois
faut débarrasser, bah tu
débarrasses, tu vois que faut
faire ci … comme on dit « faut
pas partir à vide »(112)
-y faut faire tout pour que y
reviennent … Mais ceux qui
sont difficiles à convaincre, y
faut être près d’eux en
fait(118)
Lexique
professionnel
-des gens pressés, parce
qu’ils travaillent en même
temps, ils ont une heure
pour manger, ils
viennent(17)
-C’est les gens ils croient
qu’ils sont chez eux en fait
donc ils veulent leur
intimité mais on est
cinquante, on est pas tout
seul(42)
N’apparaît pas
-déjà quand tu leur dis
spécifiquement
bonjour, qu’ils ont à peine dans l’entretien
répondu, ça, tu le sais
déjà(82)ensuite c’est quand
tu les installes, ils sont déjà
hésitants : « on peut pas se
mettre ailleurs ? » Du coup
tu te dis, ça va être déjà
chaud(83)
Connaissance
des produits,
du matériel
L’entretien ne
permet pas de
repérer des
connaissances à
ce niveau
173
V1 -Tableau II- Les savoirs d’action-Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
Gestes
-je lui ai demandé ce
qu’il
recherchait,
la
dimension,
ce
qu’il
recherchait, plus les
couleurs qu’elle lui avait
demandées, puis par
rapport aux questions que
je lui ai posées, j’ai
recherché
ce
qu’on
avait(6)
-J’ai déjà pris tout ce
qu’il avait trouvé d’autre, Pas de description
des gestes
qui lui plaisait vraiment
et puis avec les rideaux,
j’ai mis les mêmes à côté,
qu’il voit ce que ça
pourrait donner(8)
-je lui dis, « vous voulez
quoi exactement ? , vous
voulez une petite lampe,
c’est pour mettre sur les
tables de nuit, c’est pour
mettre sur un
meuble ? »(25)
-je lui dis « calmez-vous,
on peut pas reprendre, il
faut que vous compreniez
que nous, on a vendu ce
produit en bon état »(56)
Repères pour l’action
-y’ avait des coussins,
des rideaux, des lampes
…et puis une trigle à
rideau … et une parure
de drap, donc rien n’allait
ensemble … sur les
rideaux il bloquait, c’était
pas exactement ce qu’il
voulait(5)
-y regardait pas les prix,
je m’en suis rendue
compte, il m’a vraiment
pas parlé de prix(15)
- la pièce était assez
grande et il voulait, il
voulait assez lumineux, il
voulait que quand les
rideaux sont fermés on
voit rien(18)
-je savais quel type il
voulait, alors je lui en ai
proposé (19)
-et puis on sait ce qu’on a
dans nos rayons (17)
-j’ai appelé les autres
magasins pour savoir si
ils en avait(26)
-il me disait qu’il voulait
des lampes de chevet
mais pas des petites(25)
-il avait l’air content, il
suivait ce que je lui
disais(29)
Règles d’action et
valeurs
-[regarder le client]du
moment qu’on veut
intéresser quelqu’un, il
faut savoir ce qu’il en
pense même sans lui
demander(37)
-je le fais tout le temps
en fait [regarder la
personne]si je parle à
quelqu’un de quelque
chose qui me tient à
cœur(38)
Modèle du client
-je vois au visage, en fait,
aux mimiques, la gestuelle
et tout, si il commence à
regarder autre chose quand
je parle, c’est qu’il
s’intéresse pas du coup
(32)
-les clients en général c’est
un peu tous les mêmes,
c’est ceux qui demandent
conseil mais qui veulent
rien … en fait ils viennent
pour rien acheter(52)
-y’a ceux qui voudraient
des choses impossibles …
le moins cher possible, des
choses qu’on peut pas
faire(54)
- les clients sont tous
différents, y’a ceux avec
qui on peut rigoler, ceux
avec qui on n’ose pas trop
la blague …on apprend à
reconnaître le client
rapidement en fait (64)
Lexique
professionnel
Connaissance
des produits
-je lui ai dit que ce
qu’il avait choisi en
coussin, c’était des
coussins avec des
boudahs dessus, on
l’avait également en
rideau(5)
-Les lampes, c’est
mon rayon, enfin,
c’est mon côté… on
en a pas mal(24)
-dans les lampes,
c’est assez varié
174
V2 Tableau II
Les savoirs d’action
Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
Gestes
-Je laisse la boîte sur le
comptoir, je vais prendre
des gants derrière, je
reviens la chercher (17)
-je décharge le pain en
1er,, 3 ou 4 cagettes à
chaque fois et la
pâtisserie et la
viennoiserie et le
traiteur(66)
-Par exemple, « celui-là
doit être écœurant » là on
dit « oui, mais avec la
crème anglaise » … (116)
-après on leur conseille
de le laisser bien au frais
et de le sortir au dernier
moment(172)
-on demande s’il y a plus
d’enfant que
d’adultes(189)
-Si c’est pour la fin d’un
repas, on propose plutôt
un gâteau léger(191)
-[montre comment
on fait un
emballage] Vous
pliez le dessus du
papier, en fait, après
vous repliez
carrément sur la
boîte, vous appuyez
les deux côtés de la
boîte …
-Description des
gestes pour mettre
le ruban (149)
Repères pour
l’action
Règles d’action et
valeurs
-les enfants on les fait
passer derrière le
comptoir pour choisir
les bonbons (74)
-je m’arrête de travailler
-on a un bouquin
exprès [description des quand ils [les clients]
gâteaux](105)
arrivent(80)
-Quand il y a des clients
qui demandent 50trucs,
je tape au fur et à
mesure(163)
-Il faut avoir une
« écoute active », faut
toujours regarder le
client, faut pas faire
-C’est pas facile à
autre chose en même
expliquer, c’est plus
facile à monter(151)
temps(83)
-le matin quand on met
en rayons, on est obligé
de speeder pour pouvoir
servir le clients plus vite
et qu’ils voient tout ce
qu’il y a en rayons(129)
-me souvenir des gens,
non…Mais je sais ce
qu’il ont pris(60)
Modèle du client
Evoque plutôt des cas
particuliers
-Y’en a un il vient
chercher son pain complet,
il nous demande de le
trancher, il veut pas qu’on
ferme le sac(36)
- la plupart des gens nous
demandent si c’est
payant[la crème
anglaise](110)
-Si ils voient pas[les
produits en rayons]ils
demandent pas(129)
-en général les enfants
aiment le chocolat[pour
conseiller](189)
Lexique
professionnel
Connaissance
des produits, du
matériel
-On une palette en
plastique exprès
pour les [cagettes]
poser dessus, on les
pose la dessus et on
les prends au fur et à
mesure pour mettre
en rayons(70)
-J’ai dit qu’il y avait
un biscuit meringué
souple aux amandes,
du crémeux de
vanille, du glaçage
chocolat(106)
-Le « fruits d’été »
c’est […](109)
-On a deux sortes
d’emballages
175
V3 Tableau II
Les savoirs d’action
Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
-Je dis « bonjour », je dis
« qu’est ce qu’il vous
fallait ? », ils disent …(7)
-ben je prends le jambon,
je le mets dans la
machine, je le coupe, je
remets le jambon, je
perends les tranches, je
les enveloppe, après je les
mets sur la balance, je
tape le prix au kg pour
avoir le prix, je les
emballe , dans un sac
plastique pis après je lui
donne, je le remercie, pis
je lui dis au revoir (33)
Gestes
Repères pour
l’action
Règles d’action et
valeurs
-Je lui dis bonjour, je
regarde sur quel ton
elle me parle (12)
(plutôt règlement ici)
-il faut enchaîner pour
pas qu’ils attendent trop
longtemps parce que
sinon y’a le patron
qu’est là (4)
-Nous on leur propose
des feuilles, avec le
prix, la
composition(46)
-il faudra voir avec la
responsable mais moi
je pourrai pas savoir
[certains prix](63)
Modèle du client
- y’en a plein hein, y’a
ceux qui sont agréables,
y’a ceux qui sont
désagréables, y’a ceux qui
vont causer avec vous
pendant deux heures(18)
-Y’en a c’est « j’veux ça,
-quand ils disent pas
j’veux ci après « au revoirbonjour, tu leur dis
merci », mais y’a plein de
BONjour, comme ça
types de clients, quoi, c’est
pour qu’ils comprennent varié(19)
bien que y’ a quand
-les jeunes et les moins
même heu…(15)
jeunes … après y’en a plus
qui viennent qui sont dans
-je ne bavarde pas trop la quarante cinquantaine,
avec les clients en
pis tous ceux qui sont
général(35)
après(20)
-y’en a qu’ont leurs
habitudes, qui prennent
toujours la même chose
-en général les gens y
prennent un peu tout le
temps les mêmes trucs,
donc on sait à peu près
quoi(61)
Lexique
professionnel
Connaissance
des produits
-en général c’est
toujours le mêmes
assortiments [de
fromage,
proposés](56)
176
C1 - Tableau II - Les savoirs d’action - Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
- « Bonjour madame, vous
avez RDV ? » Elle me dit
oui, « je vais prendre votre
nom », je regarde sur le
carnet, je la barre, après je
l’installe devant puis ben je
communique avec elle, je
lui demande ce qu’elle veut,
ce qu’elle recherche dans la
couleur, si c’est la brillance
… (8)
- Donc j’ai été cherché une
tablette, je l’ai habillée,
donc, je lui ai mis la
serviette et tout, j’lui ai mis
du cello pour pas qu’elle
soit tachée et heu après j’ai
commencé à appliquer la
couleur (38)
-après je suis partie au bac
avec ma tablette, et puis ben
j’ai rincé les bols, j’ai
regardé si y’en avait
d’autres parce que des fois
y’a mes collègues elles ont
fait des mèches et aussitôt
après fallait qu’elles fassent
leur cliente donc elles ont
pas nettoyé le bol, bon moi
je leur nettoie(99)
-j’ai commencé à sécher la
cliente de ma patronne et
après ben j’ai été voir
quelle heure il était, j’ai vu
Gestes
-ben par rapport
à mes doigts, je
prends mes
doigts, je les
mets comme ça
et après …(141)
-Je sais pas, je
fais comme
ça(148)
Repères pour l’action
Règles d’action et
valeurs
-Elle avait les cheveux
mi-longs(14)
-Nous, on enregistre
toutes les fiches clients
sur l’ordi, donc je lui ai
ressortie(21)
-sur le nuancier, c’est
marqué, en fait, ce que
c’est(23)
-Elle voulait à peu près le
même genre de couleur
qu’elle avait, mais avec
plus de reflets(35)
-J’mets ben tout dépend,
quand je fais que les
racines, ben je mets10
mn et quand j’fais
longueur et pointes, tout
dépend de la masse
qu’elle a en fait(64)
-dès qu’on voit qu’y a
plus de produit qui coule
dans le bac, c’est bon on
peut faire le
shampoing(122)
-Verticalement, c’est
moins dégradé que en
biais(147)
-ce sera ma mèche
témoin pour regarder ce
qu’y a à couper(149)
-elle avait des cheveux
assez épais donc c’est
pour ça que j’ai préféré
- Il faut toujours malaxer
une couleur 5 mn(112) pour
avoir beaucoup de
brillance(115)
-il faut bien décoller les
bordures sinon les clientes
quand c’est de la couleur
foncée, elles repartent avec
une grosse trace, c’est pas
beau(113)
-il faut toujours faire deux
shampoings, c’est pour
stopper l’oxydation(122)
-Moi je trouve que c’est
mieux [parler au client],
j’aime bien parler(130)
-Et là il faut que je sois bien
concentrée parce qu’on sait
jamais [pour couper](130)
-Par rapport aux cheveux
épais, je mets toujours deux
coups[de ciseaux], quand
c’est des cheveux fins, je
mets que un coup parce que
on voit beaucoup(172)
-[sécher]je commence
toujours l’arrière et après je
fais les côtés à la fin(198)
-c’est toujours la nuque qu’il
faut faire, si on commence
par le haut, je sais pas, c’est
pas bien(199)
-je demande toujours après
que j’aie séché « ça va, la
Modèle du client
-L’ammoniac et tout, ils
aiment pas de trop(38)
-y’en a beaucoup qui
nous disent, c’est avec,
c’est sans
ammoniac ?(39)
-Ben ça se voyait, elle
était à l’aise, elle parlait
bien, heu, ça se voit
quand les clients y sont
heu …(58)
-A quoi tu vois qu’elles
sont stressées ? /ben,
elles sont, j’sais pas, je
trouve qu’elles parlent
vite ou soit elles parlent
pas du tout(62)
- c’est mieux de rincer
dans les temps et pis la
cliente elle a pas toute sa
matinée non plus(126)
-elle avait le sourire, si
elle m’aurait dit « c’est
bien » mais qu’elle
aurait fait comme ça
[grimace]…(242)
-Des fois on se
comprend mal
aussi(245)
(= déjà recul)
Lexique
professionnel
Connaissance
des produits, du
matériel
-- c’était du
5,12[…]châtain
cendré irisé, le 5
c’est tout ce qui est
blond-châtain, après
-Pendant que tu
étales la couleur(I la virgule, c’est le
54)/pendant que
reflet(23)
-Y’a un temps de
j’applique la
pause, c’est 35
couleur(E 54)
mn(91)
-après 35 mn
-Les termes
normalement ça fait
techniques
plus effet, ben la
couleur, ça fait plus
rien(125)
-Là on a une
nouvelle couleur
qu’est sans
ammoniac donc elle
abîme pas du tout le
cheveu en fait(44)
-même nous on le
voit, on a moins
d’odeur et tout ;
même parce que moi
j’ai souvent mal à la
tête à la fin de la
journée, là, je vois,
j’ai moins mal à la
tête(49)
-C’est quand même
dangereux, je sais
pas trop, c’est quand
même agressif
177
qui restait encore à peu près
10 mn, donc je continue à
sécher, puis j’ai re été voir
et c’était l’heure donc j’ai
dit à Géraldine « faut que je
m’occupe de ma
cliente »(110)
- donc, j’ai dit à la cliente,
« on va pouvoir passer au
bac, s’il vous plait,
madame » donc elle va au
bac à shampoing, je
commence à lui malaxer la
couleur, bon, avant, j’avais
mis les gants(111)
-après que j’ai coupé bien
1cm partout, je fais une
séparation et je commence à
dégrader(144)
faire des séparations(151)
-[déterminer nature du
cheveux]ben quand on le
touche, on le sent (173)
et pis même quand on
regarde(174)
-y’en a qui ont le visage
arrondi, y’en a qui ont le
visage beaucoup plus
tiré, tout fin …(222)
coupe ? »(209)
-Si je suis pas sûre, je
préfère toujours demander à
mes collègues parce que
c’est ça que j’ai peur, de
faire une bêtise à une
cliente(243)
-Oui, a chaque fois, après
dès qu’elle me dit « je veux
ça », donc je lui ré-explique
et je dis « c’est bien ça ? »,
elle me dit « oui, oui », alors
je lui ré-explique encore une
fois(247)
l’ammoniac(74)
-je vois quand je fais
des mèches, si j’en
mets sur les doigts,
je vais avoir les
doigts tout blancs et
ça va me
démanger[…]ça
rentre à l’intérieur et
ça vous
démange(75)
-Le n°1 c’est pour
cheveux pas
tellement secs, le
n°2 c’est assez sec,
le n]3 c’est
abîmé(187)
178
C2 - Tableau II
Les savoirs d’action
Extraits significatifs du discours
Savoirs procéduraux
Gestes
Repères pour
l’action
Règles d’action et
valeurs
Modèle du client
Lexique
professionnel
Connaissance
des produits
-J’ai rincé, j’ai fait le -J’ai pris comme ça -Elle a un cheveu, il est -j’ai fait mon plateau
avec les jonctions pour
pas que ça fasse des
cheveu souple donc il barres (35)
donc on coupe
on est passé au comme ça et comme se place très
-y’a les cheveux des
côtés qu’il faut relever
ça gestes (32)
facilement(27)
fauteuil pour lui faire -Donc la mèche là -La bordure devant elle pour qu’ils fassent la
aime beaucoup que ce même longueur que le
la coupe, j’ai fait mes geste avec le côté
plateau(38)
long et on laisse nos soit effilé(30)
-Il faut se rappeler où
-suivant
les
cheveux
doigts
penchés
séparations (15)
c’est qu’on a coupé
comme ça geste(57) longs, les cheveux
-J’ai demandé si les
courts, on a différentes déjà(39)
mèches elles étaient
-On fait toujours une
jonctions à faire(36)
grosses ou petites, si elle
- Je sais que je
pointe pour pas couper
en voulait beaucoup, la
commence toujours du les angles(44)
couleur, ce qu’on refaisait
-Il faut prendre en
côté gauche(40)
(19)
- je regarde assez
élévation pour pas que
-Je sépare, j’attache avec
fréquemment dans la
ça fasse la coupure
les pinces, donc j’ai fait
nette(53)
glace pour voir au
le tour d’oreille, j’ai
niveau des côtés, la
commencé à faire mon
longueur, si j’ai pas un
dégradé, derrière j’avais
côté plus long que
attaché les deux trois
l’autre (60)
mèches qu’elle laisse
geste, vu que c’est
pas raide, il est
shampoing et après des cheveux courts, comment dire, un
Ici en lien avec
technique : les
angles de coupe, le
plateau, les
séparations
Et des habitudes de
langage : mes
séparations, elle a
un cheveu …
179
Université de Rouen
Département des Sciences de l’Education
Mémoire de MASTER 2 PROFESSIONNEL
Métiers de la formation, parcours ingénierie et conseil en formation
Maxime BORDIER
Titre du mémoire : La construction des compétences à la relation de service
Sous la direction de : Stéphane SIMONIAN
Mots clés : compétence, professionnalisation, activité productive et activité constructive,
situations, alternance, réflexion par rapport à l’action, savoirs (d’action), connaissances.
Résumé : En lien avec un projet de création de parc de loisirs et une mission de conseil, le
questionnement porte sur la construction des compétences à la relation de service. En effet
cette dimension relationnelle est identifiée comme le point commun à l’ensemble des métiers
qui seront présents dans le parc.
Le champ théorique principal est celui de la didactique professionnelle avec, notamment, la
théorie de la conceptualisation dans l’action. On s’intéresse aussi plus spécifiquement aux
savoirs d’action.
La méthodologie choisie est qualitative, elle vise à mieux comprendre le processus de
développement des compétences en situation professionnelle. Le terrain est un centre de
formation d’apprentis. L’outil s’inspire de l’entretien d’explicitation mis au point par
Vermersch, il permet d’interroger au CFA sur la pratique professionnelle en entreprise.
Les
résultats montrent que les savoirs d’action et la pratique réflexive participent à la
construction des compétences. Au-delà des préconisations qu’il est possible de faire dans le
cadre de la mission, ils interrogent aussi le fonctionnement des formations en alternance.