L`économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
Transcription
L`économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma Avril 2008 Cette étude à été réalisée par : U+me Eric Marti 71 boulevard Gouvion-Saint-Cyr - 75017 Paris Centre national de la cinématographie Direction des études, des statistiques et de la prospective Benoît Danard 12 rue de Lübeck 75784 Paris Cedex 16 Tél. : 01.44.34.38.26 - Fax : 01.44.34.34.55 www.cnc.fr L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 2 Sommaire OBJECTIFS ET METHODOLOGIE .........................................................................................4 SYNTHESE ..............................................................................................................................5 I. ENJEUX ET PARADOXES DES ABONNEMENTS ILLIMITES .......................................8 1) UNE FORMULE MODERNE, INNOVANTE ET ATTRACTIVE .......................................................8 a) La logique du flux positif..............................................................................................8 b) La conséquence sur la part de marché ......................................................................9 2) LE SUCCES COMMERCIAL GENERE UN REVENU DECROISSANT ..........................................10 3) L’ENJEU DE LA 4EME ENTREE ET DE LA DIVERSITE DE L’OFFRE ............................................17 4) LES « BIORYTHMES » DES ABONNEMENTS ILLIMITES ........................................................18 II. LA PLACE DES CARTES CHEZ LES EMETTEURS.....................................................20 1) L’EVOLUTION DU MODELE ECONOMIQUE...........................................................................20 a) Rappel historique ......................................................................................................20 b) Les chiffres clés des abonnements illimités en 2006 ................................................23 2) LES FRAIS DE GESTION ET L’IMPACT DE LA GARANTIE .......................................................26 a) Les frais de gestion ...................................................................................................27 b) Les charges liées aux cinémas adhérents ................................................................28 3) LE COMPORTEMENT DES ABONNES ILLIMITES .....................................................................32 4) DES OPTIONS POUR AUGMENTER LA RENTABILITE ..............................................................33 a) Par la hausse du revenu par entrée ..........................................................................33 b) Par la baisse des coûts .............................................................................................34 c) Par l’élargissement de la base d’abonnés.................................................................35 III. EMETTEURS ET EXPLOITANTS ADHERENTS ........................................................38 1) RAPPORT CONTRACTUEL ET COMPTABLE ........................................................................40 2) LES EXPLOITANTS GARANTIS : PEU DE RISQUE, PEU D’ENTREES MAIS UN IMPACT REEL ......41 a) Le montant facturé.......................................................................................................42 b) La double adhésion .....................................................................................................43 3) EXPLOITANTS NON GARANTIS : LES MOTIVATIONS D’UNE EXPOSITION A UN RISQUE FORT ...44 IV. L’IMPORTANCE DES ABONNEMENTS POUR LES ACTEURS DU MARCHE ........46 1) DES CONVICTIONS DISTINCTES CHEZ LES EMETTEURS .....................................................46 a) UGC en promoteur de la formule ..............................................................................46 b) Europalaces entre contrainte et développement de l’offre ........................................47 2) INTERET OU NECESSITE POUR LES EXPLOITANTS ADHERENTS ..........................................47 a) Proximité et nécessité : les indépendants parisiens..................................................47 b) Complémentarité et intérêt partagé : MK2 ................................................................47 3) L’ENJEU POUR LES DISTRIBUTEURS .................................................................................48 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 3 Objectifs et méthodologie Huit ans après leur lancement en France, les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma font désormais partie du panorama des tarifs auxquels les spectateurs sont habitués. Toutefois, l’année 2007 aura été marquée par de nombreux changements les concernant : modification importante des alliances à Paris avec la décision de MK2 d’abandonner la formule LE PASS, gérée avec Europalaces pour adhérer à la formule proposée par UGC, réorganisation du GIE Le Pass et « intégration » nationale des formules des cinémas Europalaces (« Le Pass » et « Ciné à Volonté »), lancement d’une formule pour deux spectateurs par UGC (« UGC Illimité 2 ») et augmentation du prix de l’abonnement mensuel « UGC Illimité 1 » (de 18 € à 19,80 €). L’année 2007 avait aussi débuté par une vive polémique sur le « prix de référence », suite à la proposition faite par UGC aux distributeurs de baisser ce critère essentiel pour l’économie de ces formules. Face à ces évolutions, le Centre national de la cinématographie a engagé un large programme d’études sur ces formules. Dans ce cadre, il a confié à l’institut U+me, la réalisation d’une étude sur les équilibres économiques et les rapports de force en présence sur ce marché. Cette étude analyse l’économie de ces formules et les relations financières entre, d’une part, exploitants-émetteurs d’offres de type illimité et exploitants-adhérents, qu’ils bénéficient ou non du dispositif de garantie mis en place par la loi, et d’autre part entre exploitants et distributeurs. Cette étude, réalisée entre novembre 2007 et mars 2008, s’inscrit dans la continuité de l’analyse du modèle économique de ces abonnements, initialement réalisée en 2002 par l’institut U+me pour le CNC. Elle tient compte de l’ensemble des travaux menés par le CNC depuis cette date, notamment les études entreprises au quatrième trimestre 2007. Elle s’appuie en grande partie sur des entretiens avec les responsables en charge de ces formules d’abonnement chez les deux émetteurs, sur les données partielles communiquées par ces derniers, ainsi que sur des entretiens avec des exploitants adhérents à l’une ou l’autre des formules. Certaines analyses présentées dans cette étude s’appuient également sur des données rendues publiques par les émetteurs. A partir de ces données, des simulations ont été établies afin d’évaluer les équilibres du marché. Certains écarts peuvent toutefois exister avec d’autres publications ou études compte tenu de cette diversité de sources et des différences de périmètres pouvant exister entre elles. L’étude met en perspective le développement économique des formules d’abonnement. Elle en évalue le niveau de maturité, en analyse les enjeux, les avantages ainsi que les éventuels dangers pour le marché. Enfin, elle examine l’importance relative qu’ont ces formules pour les différents acteurs du marché du cinéma. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 4 Synthèse Le Centre national de la cinématographie a engagé à l’automne 2007, un programme d’études sur les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma. Dans ce cadre, il a confié à l’institut U+me, la réalisation d’une étude sur les équilibres économiques et les rapports de force en présence sur ce marché. Cette étude analyse l’économie de ces formules et les relations financières entre, d’une part exploitants-émetteurs d’offres illimitées et exploitants-adhérents, et d’autre part entre exploitants et distributeurs. Les abonnements : des enjeux multiples Lancées avec succès en 2000, les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma apparaissent comme une véritable innovation commerciale du secteur du cinéma. Elles ont un impact sur le taux de fréquentation des établissements qui les acceptent, plus particulièrement sur le taux d’occupation par fauteuil. De plus, elles fidélisent le public et modifient les parts de marché des exploitants dans leur zone d’attraction. Ces formules permettent de satisfaire l’appétit de cinéma des abonnés. Puisque le film est un « bien d’expérience », et que ce n’est qu’une fois « consommé » qu’il acquiert sa véritable valeur pour le consommateur, c’est en multipliant les expériences que le consommateur peut atteindre un niveau élevé de satisfaction, « d’utilité » au sens économique. Plus le spectateur ira au cinéma, plus il pourra atteindre un niveau d’utilité élevé à budget constant. Il s’agit également de créer un effet d’entraînement sur les spectateurs non abonnés. La satisfaction des abonnés doit inciter d’autres spectateurs à aller au cinéma. C’est le phénomène du bouche à oreille positif, premier facteur de succès pour un film, comme pour tous les biens d’expérience pour lesquels la décision du consommateur repose sur la « caution » d’un pair. Par ailleurs, le cinéma étant une activité de groupe, l’abonné fidélisé attirera les autres spectateurs qui l’accompagnent vers le cinéma qui accepte la formule d’abonnement. Ainsi, l’abonné génère des entrées additionnelles pour l’exploitant émetteur, au tarif habituel - plein ou réduit - de la séance. Enfin, selon l’un des émetteurs, l’offre d’abonnement lui permet d’augmenter ses autres tarifs, notamment le tarif plein, et donc d’accroître sa marge commerciale sur les autres spectateurs, notamment sur ceux qui accompagnent un abonné. Cette logique n’est pas partagée : l’autre émetteur considère que l’existence de cet abonnement « fixe » un repère pour le tarif réduit qui freine ou limite la dynamique possible de sa grille tarifaire. Le succès des abonnements génère un revenu décroissant Le paradoxe du modèle économique de ces formules réside dans le fait que les plus économiquement intéressés par l’abonnement illimité sont les spectateurs « assidus », qui vont au moins une fois par semaine au cinéma. Ils sont quasi certains de pouvoir amortir leur abonnement s’ils concentrent leur fréquentation sur des établissements adhérents à cette formule d’abonnement. Les estimations établies à partir des données recueillies auprès des émetteurs font apparaître une consommation moyenne des abonnés de 3,55 entrées par mois en 2006, soit nettement supérieure à la moyenne de fréquentation des « assidus ». Compte tenu de leur rythme de fréquentation très élevé, les « assidus » constituent une composante essentielle du chiffre d’affaires et de la marge des exploitants. S’il s’abonne à une formule « illimitée », le spectateur « assidu» ne contribue plus qu’au chiffre d’affaires de l’exploitant par le montant fixe de l’abonnement mensuel, alors que la marge commerciale diminue avec l’accroissement de son rythme de fréquentation. Il est alors possible que l’équation économique traditionnelle de la répartition de la recette guichet s’inverse. Si le spectateur optimise son abonnement, concrètement s’il va quatre fois au cinéma par mois, le revenu par entrée de l’exploitant peut être inférieur à celui du distributeur. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 5 La réalité économique des formules Les revenus générés par les abonnements à entrées illimitées peuvent être évalués en tenant compte des seules charges associées directement aux entrées réalisées, mais aussi en tenant compte des frais de gestion spécifiques associés à ces formules, ou bien encore en intégrant l’impact de la garantie mise en place en faveur des cinémas-adhérents. Selon l’approche adoptée, la réalité économique de ces formules est sensiblement différente pour les émetteurs. A partir des données recueillies et si l’on ne tient compte que des entrées, hors frais de gestion et hors garantie, la fréquentation moyenne est très légèrement inférieure au seuil qui détermine le point d’équilibre pour les deux opérateurs. Sur l’ensemble du marché, la fréquentation moyenne de 3,55 entrées par mois se situe légèrement en deçà du point d’équilibre de 3,59 entrées par mois. Les formules d’abonnement à entrées illimitées génèrent donc un revenu brut, avant frais de gestion et paiement de la garantie, suffisant pour que la part exploitant soit supérieure à la part distributeur. Sur l’année 2006, le revenu par entrée réalisé avec un abonnement « illimité » est de l’ordre de 5,09 € TTC soit un prix très proche mais légèrement supérieur au prix de référence de 5,03 €. Il semble alors que, hors frais de gestion et hors garantie, les abonnements illimités soient rentables, se situant très légèrement au dessus du « point d’équilibre » qui assure une rémunération égale entre l’exploitant et le distributeur. En revanche, la prise en compte, dans le calcul de la rentabilité de ces formules, des frais de gestion et/ou du coût de la garantie versée aux adhérents implique que le revenu par entrée des émetteurs se situe en dessous du prix de référence, donc sous le point d’équilibre. Les pistes d’amélioration de la rentabilité Compte tenu de la fréquence d’utilisation élevée des abonnements, du prix de référence, des frais de gestion et du coût de la garantie, les émetteurs se trouvent dans une situation tout à fait inhabituelle où leur rémunération par entrée est inférieure à celle des ayants droit. Afin de rétablir leur marge commerciale et de retrouver une rémunération égale ou supérieure à celle du distributeur, les émetteurs peuvent tenter de modifier l’équilibre économique, en jouant sur les recettes ou en modifiant le périmètre des charges. Toutefois, la hausse du prix de l’abonnement se heurte à un redoutable « effet de cisaille » lié à un effet d’élasticité-prix très défavorable. En effet, elle se traduit par l’éviction rapide des abonnés ayant une faible fréquence d’utilisation. Seuls restent les abonnés à forte fréquence d’utilisation, c’est-à-dire ceux pour lesquels l’émetteur se trouve sous le point d’équilibre. Une solution possible consiste à augmenter la marge réalisée sur le reste du public. Il s’agit d’une part, d’inciter les assidus à s’abonner pour les fidéliser et bénéficier de l’effet de flux positif. L’émetteur compte alors sur l’effet d’entraînement de ces abonnés sur le reste du public, et augmente les tarifs pour celui-ci. L’avantage tarifaire offert par l’abonnement est tel qu’il justifie un tarif plus élevé pour les autres spectateurs. Ces derniers représentant toujours la majorité du public et des entrées, la marge commerciale peut donc être reconstituée voire augmentée. Une autre solution consiste à réduire les coûts de gestion mais compte tenu du nombre limité d’abonnés (moins de 300 000 toutes formules confondues), il semble difficile de jouer sur ce paramètre. Une autre piste consiste à baisser le prix de référence de l’émetteur, mais une telle solution se heurte à l’opposition des distributeurs et des ayants droit, ou encore à baisser le prix de référence des cinémas adhérents, mais cela n’a qu’une conséquence à la marge dans le fonctionnement des formules au regard du poids des entrées « garanties » au sein de l’ensemble des entréescartes. Une dernière solution consiste à miser sur une baisse du niveau moyen de consommation des abonnés. Cette solution suppose d’élargir la base des abonnés à des spectateurs à plus faible rythme de fréquentation. Les émetteurs mettent en œuvre cette stratégie soit en ayant une politique de recrutement agressive et d’envergure, soit en étendant géographiquement ces formules, soit en lançant de nouvelles formules comme l’offre « à deux ». L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 6 Des formules qui profitent aux films à combinaison réduite Les informations fournies par les émetteurs montrent que pour un film à combinaison réduite ou à faible nombre d’entrées, la proportion des entrées « abonnement illimité » dans un circuit est en moyenne 3 à 4 fois supérieure à celle des entrées pour un film ayant une large combinaison et/ou un grand succès de fréquentation. Par ailleurs, les deux formules peuvent, au total, représenter plus de la moitié des entrées annuelles d’un distributeur sur Paris, soit plus du double du poids moyen de ces formules sur l’ensemble de la fréquentation de cette zone. Le revenu de nombreux distributeurs modestes dépend en grande partie des entrées réalisées avec ces abonnements, qui favorisent tout autant la curiosité du spectateur que la diversité de la programmation. Une économie dépendante du rythme de fréquentation L’économie des formules repose principalement sur le comportement des spectateurs « assidus », à savoir ceux qui orientent le marché, qui sont incités par ces formules à maintenir leur rythme de fréquentation élevé, voire à l’accroître encore. Cette incitation se traduit par une prime à la fréquentation que l’émetteur paye seul, directement sur sa marge commerciale. Il semble toutefois que le modèle économique initial ait été calibré pour un public moins soucieux de l’amortissement de son abonnement et par conséquent moins assidu. Pour favoriser une promesse attractive et sécuriser les ayants droit, le modèle est fixé sur des paramètres qui s’avèrent finalement favorables aux distributeurs. L’introduction de la possibilité pour d’autres exploitants d’adopter une ou les deux formules tout en bénéficiant d’une garantie de revenu qui les protège a contribué, par ailleurs, à modifier le modèle économique de ces formules. Exploitants garantis : peu de risque, peu d’entrées mais un impact réel La situation des exploitants « Garantis » offre relativement peu de surprises. Le risque économique lié à la mise en place de l’abonnement illimité est quasi nul. Le revenu est en effet garanti par l’émetteur et la seule charge portée par l’exploitant adhérent est celle des frais de gestion. Ces derniers sont égaux à 5 % de sa recette hors taxe « abonnement illimité » pour UGC Illimité et limités à 10 % de la valeur des entrées réalisées par les abonnements dans l’établissement adhérent pour Le Pass, ce qui semble dans les deux cas inférieur aux frais réels. Si le total des entrées réalisées chez les adhérents garantis ne représente qu’environ 4 % du total des entrées de ces abonnements, le mécanisme de la garantie a cependant un impact réel sur le résultat économique pour les émetteurs, dont le revenu net par entrée après paiement de cette garantie est sensiblement inférieur au point d’équilibre. Exploitants non garantis D’une manière générale, les exploitants non garantis portent un risque important et ont peu de recours contre les émetteurs. L’adhérent partage en effet pleinement le risque économique lié à la commercialisation et à l’utilisation des abonnements à entrées illimitées. Son revenu est égal à la part des recettes d’abonnements rapportée aux entrées réalisées dans son ou ses établissements par rapport au nombre total d’entrées réalisées par les abonnements. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 7 I. Enjeux et paradoxes des abonnements illimités Les formules d’abonnements à entrées illimitées permettent au spectateur de voir autant de films qu’il le souhaite, d’assister à autant de séances qu’il le veut, dans certains établissements cinématographiques, en payant une somme forfaitaire mensuelle, dans le cadre d’un abonnement d’une durée minimale d’un an. 1) Une formule moderne, innovante et attractive Lancées avec succès en 2000, les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma apparaissent alors comme une véritable innovation commerciale du secteur, témoignage d’un dynamisme et d’une volonté d’adapter la tarification et la consommation à un nouveau siècle et aux nouveaux équipements que sont les multiplexes apparus en France sept ans plus tôt. Elles présentent tous les traits de la modernité pour le consommateur : - Un support physique symbolique de son époque ; l’équivalent de la carte de crédit, de téléphone, etc. - Un élément identitaire : le spectateur est identifié, son statut de consommateur individuel est mis en valeur ; - Un mode de paiement pratique et distant : le prélèvement bancaire mensuel ; - Une consommation illimitée pour un prix forfaitaire ; - Une promesse immédiatement explicite : « autant que vous le voulez ! » - Des services concrets et pratiques : réservation et retrait des places aux bornes automatiques installées dans les halls des cinémas. Pour l’émetteur de l’offre, cette formule constitue en premier lieu un puissant outil de fidélisation de son public. Deux critères de gestion sont alors déterminants pour l’exploitant qui propose une telle offre commerciale. D’une part, le taux de fréquentation de son établissement cinématographique ou encore le taux d’occupation par fauteuil et d’autre part, la fidélisation du public et la part de marché qui en découle. a) La logique du flux positif En proposant une formule « illimitée », l’émetteur cherche clairement à créer un flux positif. En créant une « obligation » pour le spectateur, qui souhaitera naturellement optimiser sa dépense (assimilable à une épargne mensuelle ne pouvant être consommée qu’en allant au cinéma), l’objectif est de dynamiser la fréquentation. Il s’agit de créer un moteur ayant plusieurs ressorts. D’une part, il convient de satisfaire l’appétit de cinéma du spectateur-abonné. Puisque le film est un « bien d’expérience », et que ce n’est qu’une fois « consommé » qu’il acquiert sa véritable valeur pour le consommateur (« ça c’est un bon film ! », « une comédie franchement hilarante », ou « un suspense haletant »). C’est en multipliant les expériences que le consommateur peut atteindre un niveau élevé de satisfaction, « d’utilité » au sens économique. Plus il ira au cinéma, plus il pourra atteindre un niveau d’utilité élevé. La formule illimitée propose donc au spectateur d’augmenter son niveau d’utilité à budget constant. Le résultat attendu est ainsi l’augmentation de la consommation individuelle de l’abonné. D’autre part, il s’agit de créer un effet d’entraînement sur les spectateurs non-abonnés. Ce second ressort fonctionne à deux niveaux : d’une part, la satisfaction du spectateur abonné doit inciter les autres spectateurs potentiels à aller au cinéma. C’est le phénomène du bouche à oreille positif, premier facteur de succès pour un film, comme pour tous les biens L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 8 d’expérience pour lesquels la décision du consommateur repose sur la « caution » d’un pair. D’autre part, le cinéma étant une activité de groupe, l’abonné fidélisé attirera les autres spectateurs qui l’accompagnent vers le cinéma (le circuit) qui accepte la formule d’abonnement. L’abonné crée donc des entrées additionnelles pour l’exploitant émetteur, au tarif habituel - plein ou réduit - de la séance. Enfin, l’offre d’une formule très agressive en termes tarifaires permet à l’émetteur d’augmenter ses autres tarifs, notamment le tarif plein, et donc d’accroître sa marge commerciale sur les autres spectateurs, notamment sur ceux qui accompagnent un abonné. Cette logique est défendue par UGC alors que Europalaces diffère nettement sur ce point, et considère que cette offre commerciale limite les possibilités de dynamisation de sa grille tarifaire et notamment de son tarif plein. Cette formule d’abonnement a donc pour premier objectif une augmentation de la fréquentation, de la consommation de cinéma dans les établissements de l’enseigne émettrice. Il s’agit bien d’occuper les fauteuils, de maximiser les entrées quelle que soit l’offre de films. Le total des entrées réalisées par les abonnements à entrées illimitées est croissant depuis 2001 pour s’établir à 11,7 millions d’entrées en 2006 avec environ 280 000 abonnés. Il est cependant impossible, sans disposer de données plus exhaustives et plus détaillées, de déterminer la part qui relève d’une fréquentation additionnelle liée à ces abonnements par rapport à celle d’un transfert de fréquentation vers ces formules. b) La conséquence sur la part de marché L’augmentation de la fréquentation dans les établissements de l’émetteur doit logiquement avoir pour conséquence un gain de part de marché : - En captant et en fidélisant une partie des consommateurs ; - En les incitant à venir plus souvent ; - En orientant le choix d’un groupe (couple, amis) à aller vers le cinéma qui accepte la carte de l’abonné. Si les émetteurs ne reconnaissent pas et ne revendiquent pas cette démarche, cette logique devrait néanmoins se traduire par le maintien ou le gain de part de marché sur un périmètre de chalandise donné. De fait, les exploitants indépendants qui ont connu l’installation à proximité de leur cinéma d’une enseigne proposant ce type d’abonnement ont constaté, lorsque eux-mêmes ne la proposaient pas, une perte de part de marché sensible, jusqu’à 15 à 17 %, le public s’orientant pour une part sur l’offre illimitée. L’impact sur la part de marché sera cependant différent en fonction de l’évolution globale de la fréquentation. Dans un marché en croissance, l’émetteur peut voir sa part de marché stagner voire diminuer tout en enregistrant un plus grand nombre d’entrées, alors que dans un marché en recul, une part de marché en hausse peut néanmoins s’accompagner d’une baisse du nombre des entrées. L’objectif d’une hausse de fréquentation est donc à considérer en valeur absolue avant de s’intéresser à l’évolution des parts de marché. Dans tous les cas, la formule d’abonnement à entrées illimitées assure à l’émetteur une base de revenu (par les recettes des abonnements) et d’entrées (par la volonté de l’abonné « d’amortir » sa dépense) en partie indépendante de l’offre de films. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 9 2) Le succès commercial génère un revenu décroissant Il importe de souligner que cette logique de dynamique de la fréquentation est menée en sacrifiant une part importante de la marge commerciale réalisée sur chaque entrée. Cette démarche met en lumière l’opposition entre une approche centrée sur le nombre d’entrées et celle qui repose sur le chiffre d’affaires et donc la recette guichet. Les abonnements à entrées illimitées se traduisent par une réduction de la marge commerciale réalisée sur les consommateurs les plus assidus. En effet, plus un abonné fréquente un établissement cinématographique, plus le revenu de l’abonnement rapporté au nombre d’entrées diminue, alors que le revenu du distributeur est garanti sur la base du prix de référence (ou du prix de la séance si celui-ci est inférieur au prix de référence). La seule variable d’ajustement est donc le revenu de l’exploitant émetteur de l’offre. Pour apprécier les seuils de rentabilité du modèle économique de ces formules, il convient de détailler la répartition du revenu à partir du prix de référence de 5,03 € en fonction des taux de TVA, TSA et du taux de location. La redevance Sacem a été volontairement écartée des calculs, car elle s’applique aux revenus du distributeur et de l’exploitant avec des taux distincts et introduit donc une légère inégalité alors même que la répartition de la recette est égale (taux de location de 50 %) D’autre part, c’est par essence une remontée aux ayants droit qui ne peut être assimilée à une taxe fiscale ou parafiscale1. Calcul des revenus nets (hors rémunération de la Sacem) Prix de référence en € 5,03 TVA 5,50 % 0,26 TSA 10,72 % 0,54 Prix de référence hors TVA et TSA taux de location 4,23 50 % 2,11 Revenu distributeur Total charges par entrée TVA + TSA + revenu distributeur Revenu Exploitant 2,92 2,11 A partir de cette répartition, il est possible de distinguer deux seuils de rentabilité en fonction du taux de fréquentation ou d’utilisation de l’abonnement mensuel. - Le Point d’Equilibre, où le revenu net de l’exploitant est égal à celui du distributeur. A ce point, la recette de l’abonnement mensuel rapportée au nombre d’entrées est précisément égale au prix de référence de 5,03 €. 1 L’impact de la redevance Sacem est détaillé dans le chapitre III.2 consacré aux exploitants adhérents garantis L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 10 - Le Point Mort, où le revenu de l’exploitant est nul. La recette de l’abonnement rapportée par entrée couvre exactement le total des charges par entrée, sans marge additionnelle pour l’exploitant. Le tableau ci-dessous présente les deux seuils de rentabilité du modèle de ces formules d’abonnement (Point d’équilibre et Point Mort – en entrées par mois/semaine/année) pour un taux de location de 50 % et un prix mensuel de l’abonnement de 18 €, soit le prix de l’abonnement pratiqué par UGC depuis 2004 jusqu’en septembre 2007, et pour un abonnement de 19,80 €, soit le prix pratiqué par le GIE LE PASS depuis 2004 et par UGC depuis septembre 2007 (pour UGC Illimité 1). Les seuils de rentabilité des abonnements à entrées illimitées Point d'Equilibre en entrées Point Mort en entrées prix TTC de l'abonnement mensuel (€) Par mois semaine Par an Par mois semaine Par an 18,00 3,58 0,89 42,94 6,17 1,54 74,08 19,80 3,94 0,98 47,24 6,79 1,70 81,49 Sur la base d’un abonnement mensuel de 19,80 €, soit le prix des deux cartes Le Pass et UGC Illimité 1 depuis septembre 2007, le modèle économique de ces formules est soumis aux paramètres suivants : Si la fréquentation de l’abonné est inférieure à 3,94 entrées par mois (47,24 par an), l’exploitant émetteur bénéficie alors d’un revenu par entrée supérieur au prix de référence de 5,03 €. Son revenu est alors supérieur à celui du distributeur. Si la fréquentation de l’abonné est égale à 3,94 entrées par mois, le revenu de l’abonnement rapporté à une entrée est de 5,03 € ; son revenu est alors égal à celui du distributeur. C’est le Point d’Equilibre. Si la fréquentation de l’abonné est supérieure à 3,94 entrées par mois, son revenu est alors inférieur à celui du distributeur. Ce revenu décroît avec chaque entrée supplémentaire, mais il reste cependant positif jusqu’à un niveau beaucoup plus élevé de fréquentation. Lorsque la fréquentation moyenne est égale à 6,79 entrées par mois (soit 81,49 entrées dans l’année) le revenu de l’émetteur est nul. Le revenu net de l’abonnement par entrée est en effet égal au montant garanti au distributeur. C’est le Point Mort. Au-delà de 6,79 entrées par mois, le revenu est négatif et l’émetteur enregistre une perte nette mensuelle sur l’abonnement. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 11 Pour l’émetteur, la variation de son revenu est inversement proportionnelle à la fréquentation de l’abonné, ce qui peut ainsi conduire à une perte. Revenu de l’émetteur en fonction de la fréquentation après déduction de la TVA, de la TSA, de la part distributeur mais hors frais de gestion et garantie 20 Revenu de l'émetteur (€) 15 10 5 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -5 -10 -15 Fréquentation mensuelle de l'abonné abonnement à 19,80 € abonnement à 18 € Cette formule d’abonnement se traduit également pour l’émetteur par un revenu net par entrée (part exploitant) décroissant en fonction de la fréquentation. Revenu de l'émetteur (€) Revenu de l'émetteur par entrée en fonction de la fréquentation après déduction de la TVA, de la TSA et de la part distributeur mais hors frais de gestion et garantie 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Fréquentation mensuelle de l'abonné abonnement à 19,80 € L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma abonnement à 18 € 12 Le modèle économique de ces abonnements à entres illimitées repose donc sur deux seuils de rentabilité, un seuil d’équilibre et un point mort, qui déterminent les trois résultats possibles pour l’émetteur : un revenu par entrée (part exploitant) supérieur à celui des ayants droit (part distributeur), une part exploitant inférieure à la part distributeur mais néanmoins positive, ou bien une perte. Les seuils de rentabilité des abonnements illimités (pour un abonnement mensuel de 19,80 €) - AYANT-DROIT Le revenu du distributeur est garanti sur la base du prix de référence EXPLOITANT Le revenu de l’exploitant est supérieur à celui du distributeur 2,11€ Point d’équilibre : revenu exploitant = revenu distributeur 3,94 entrées par mois 0€ « Point mort » où revenu exploitant = 0 6,79 entrées par mois + Le revenu de l’exploitant est positif mais inférieur à celui du distributeur Le revenu de l’exploitant est négatif : chaque entrée supplémentaire crée une perte Fréquence d’utilisation de l’abonnement Les montants ci-dessus sont calculés hors toutes taxes (TVA, TSA), mais ne tiennent pas compte de la redevance Sacem détaillée dans le chapitre III, ni des frais de gestion des systèmes d’abonnement et de la garantie de revenu pour les exploitants adhérents qui sont précisés dans le chapitre II. Ces deux derniers paramètres impactent directement le revenu de l’abonnement mensuel et ont pour effet d’abaisser les seuils de rentabilité. Sans en faire ici une analyse précise mais au vu des éléments recueillis et détaillés plus loin, les frais de gestion pouvaient être évalués à 1,35 € par abonné et par mois en 2006, et le coût de la garantie être estimé à 65 centimes par abonné et par mois la même année. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 13 Si l’on retient les estimations établies pour 2006, l’impact pour les seuils de rentabilité est le suivant : Seuils de rentabilité des abonnements à entrées illimitées après déduction des frais de gestion et de la garantie versée aux exploitants adhérents (en 2006) Formule d'abonnement Marché prix TTC de l'abonnement mensuel (€) Frais de Gestion par abonné Coût de la garantie par abonné Revenu net par abonnement 18,07* 1,35 0,65 16,07 Point d'Equilibre Point Mort en entrées par mois 3,19 5,51 Estmation : U+Me * Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés actifs sur la période Cette estimation montre l’impact sensible de ces paramètres sur les seuils de rentabilité, le point d’équilibre restant toutefois compris entre 3 et 4 entrées par mois. Dans ces conditions, le revenu par entrée de l’émetteur évolue en fonction de la fréquentation. Revenu de l’émetteur par entrée après déduction de la TVA, de la TSA et de la part distributeur avec un prix moyen de l’abonnement mensuel de 18,07 € 16 14 12 revenu en € 10 8 6 4 2 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -2 fréquentation mensuelle de l'abonné hors frais de gestion et garantie après déduction des frais de gestion et garantie Pour l’abonné, le calcul est distinct et peut être rapporté directement au prix moyen d’une entrée. L’abonné a intérêt à accroître sa fréquentation afin d’optimiser son investissement mensuel. Plus de trois entrées mensuelles sont nécessaires pour que l’abonnement soit amorti. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 14 Cet « amortissement » de l’abonnement par le consommateur peut être apprécié sous divers points de vue qui engendrent certains « effets d’optique ». Le calcul de la rentabilité de l’abonnement pour les possesseurs de cartes est généralement réalisé par rapport au plein tarif, donc sur la base d’un prix variant entre 7 € et 10 €. Ce tarif est nettement supérieur au prix moyen du marché, particulièrement à Paris et en région parisienne où se situe la grande majorité des abonnés. Ainsi, le nombre d’entrées mensuelles nécessaires pour « amortir » l’abonnement est plus faible dans l’esprit des consommateurs. Toutefois certains abonnés aux formules illimitées étaient auparavant déjà des utilisateurs des formules d’abonnements « classiques », à nombre d’entrées déterminé. De fait, leur « prix moyen par entrée » était déjà inférieur au prix moyen global de l’exploitant. Une démarche similaire s’appuyant sur le prix moyen du billet chez l’opérateur tend à abaisser ce « seuil d’amortissement » pour l’abonné, rendant ainsi l’abonnement attractif à un public plus large, moins consommateur de cinéma. Cette approche ramène « l’amortissement » de l’abonnement à environ 2,9 entrées par mois pour le spectateur, mais il est important de souligner que cette donnée (le prix moyen du ticket chez le circuit) est apriori ignorée des spectateurs. D’une manière simple, un seuil supérieur à 3 entrées se traduit pour l’abonné par l’enjeu de la 4ème entrée. Le paradoxe du modèle économique de ces formules réside dans le fait que les plus économiquement intéressés par l’abonnement illimité sont les spectateurs « assidus », qui « vont au moins une fois par semaine au cinéma ». Ils sont quasi certains de pouvoir amortir leur abonnement s’ils concentrent leur fréquentation sur des établissements adhérents à cette formule d’abonnement. Ces spectateurs « assidus » sont une composante essentielle du public. D’après les données publiées par le CNC2, ils représentaient 3,6 % du public en 2006 et contribuaient pour 24 % des entrées. Il convient de souligner ici un effet de surestimation du rythme de la fréquentation lié au caractère déclaratif de cette enquête. Rapportés au nombre de spectateurs et aux entrées totales en 2006, soit 34,82 millions de spectateur et 188,67 millions d’entrées, il s’avère que la fréquentation moyenne du spectateur « assidu » est de 36,12 entrées par an, soit exactement 3,01 entrées par semaine. Ce spectateur va donc plus de 3 fois au cinéma par mois mais moins d’une fois par semaine. Sa consommation réelle est très proche du point d’équilibre. L’abonnement à entrées illimitées incite le spectateur à consommer plus de films, ce que confirment les estimations établies à partir des données recueillies auprès des émetteurs, qui font apparaître une consommation moyenne des abonnés de 3,55 entrées par mois en 2006, soit sensiblement supérieure à la moyenne des « assidus ». Il faut alors souligner le paradoxe de l’économie de ces abonnements. Compte tenu de leur rythme de fréquentation très élevé, les « assidus » constituent une composante essentielle du chiffre d’affaires et de la marge des exploitants, même si leur « prix moyen » est inférieur à celui du marché en raison des abonnements classiques. S’il s’abonne à une formule « illimitée », le spectateur « assidu » ne contribue plus qu’au chiffre d’affaires de l’exploitant par le montant fixe de l’abonnement mensuel, tandis que la marge commerciale diminue avec l’accroissement de sa fréquentation. 2 Enquête « 75.000 » cinéma – CNC - Médiamétrie L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 15 La conséquence la plus spectaculaire de ce paradoxe est l’inversion de l’équation économique traditionnelle de la répartition des recettes guichet. Si le spectateur optimise son abonnement et va au-delà du simple amortissement, concrètement s’il va 4 fois au cinéma par mois, définition du spectateur « assidu », le revenu par entrée de l’exploitant (émetteur de l’offre) est inférieur à celui du distributeur. Un des promoteurs de la formule souligne toutefois que l’effet d’entraînement, le flux positif, de cette population se traduit par une reconstitution des marges sur les entrées additionnelles de spectateurs non-abonnés, conjuguée à l’augmentation des tarifs moyens pour ces derniers. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 16 3) L’enjeu de la 4ème entrée et de la diversité de l’offre Dès lors que l’enjeu économique (et donc sa demande implicite) pour le cinéphile qui souhaite amortir son abonnement est le 4ème film du mois, l’offre de films est un des facteurs déterminants de l’attractivité de la formule d’abonnement. L’émetteur, s’il veut satisfaire la demande de ses abonnés, doit assurer une programmation de films la plus diversifiée possible. En ce sens, le travail de programmation alternative assuré par des cinémas indépendants adhérents à la formule d’abonnement peut constituer une solution. Les adhérents, garantis ou non, représentent ainsi des écrans supplémentaires et autant d’occasions d’accroitre le nombre de spectacles proposés aux abonnés. Cette fonction de complément de programmation est importante aussi bien à Paris qu’en Province, pour des films à très petite combinaison de copies ou en continuation. C’est sur ce point notamment que portent de nombreux commentaires et analyses à propos du récent rapprochement entre les deux opérateurs UGC et MK2. Ce dernier tend en effet à constituer, à Paris, un ensemble très complémentaire, donc très attractif en termes de programmation. Il est utile de souligner qu’en dehors du circuit MK2, les deux émetteurs d’abonnements illimités (UGC et Europalaces), en concurrence frontale dans la capitale, ont élargi leurs offres respectives : fin 2007, les 24 adhérents à l’offre Le Pass le sont également à l’offre UGC Illimité, cette dernière étant en outre adoptée par quatre autres cinémas. Dans cette même logique d’élargissement de l’offre, les deux circuits émetteurs ont progressivement augmenté le nombre de distributeurs dont ils programment les films. La combinaison de cette programmation dans des lieux à forte fréquentation et de l’incitation économique pour le spectateur à aller voir un film de plus, donc à prendre « un risque » (la découverte d’un film peu exposé, une reprise ou une cinématographie alternative) à un coût marginal nul, augmente sensiblement la contribution des abonnements illimités aux résultats de ces films. L’analyse des chiffres fournis par les émetteurs concernant la contribution des abonnés dans les résultats des films à combinaison réduite ou à faible nombre d’entrées confirme cet effet. Une seule formule d’abonnement représente de 15 à 40 % des entrées totales annuelles sur Paris-périphérie pour une quinzaine de distributeurs. Les deux formules peuvent représenter plus de la moitié des entrées annuelles d’un distributeur sur Paris, soit plus du double du poids moyen de ces formules sur l’ensemble de la fréquentation de cette zone (23,6 % sur les dix premiers mois de 20073). Pour un film ayant une petite combinaison de sortie, ou un faible total d’entrées, la proportion des entrées « abonnement illimité » dans un circuit est en moyenne 3 à 4 fois supérieure à celle de ces entrées pour un film ayant une large combinaison et/ou un grand succès de fréquentation. En conséquence, cinémas-adhérents et « petits distributeurs » contribuent à enrichir l’offre des émetteurs de formules d’abonnements illimités, et leur permettent de satisfaire l’appétit et la curiosité du public des abonnés. 3 « Observatoire de la fréquentation cinématographique à Paris / janvier-décembre 2007», étude publiée par le CNC en avril 2008 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 17 4) Les « biorythmes » des abonnements illimités Les abonnements à entrées illimitées ont introduit deux mécanismes totalement inhabituels dans l’économie traditionnelle du film. a) L’abandon de la remontée proportionnelle de la recette aux ayants droit Ces formules impliquent la séparation entre le prix payé par le spectateur (abonnement) et la base du calcul servant à la rémunération des ayants droit. En ce sens, elles vont à l’encontre du principe d’une rémunération des ayants droit proportionnelle au prix unitaire payé par le spectateur. Depuis le lancement de ces formules en 2000, afin de préserver cette obligation de rémunération proportionnelle, la rémunération des ayants droit repose sur la notion abstraite d’un « Prix de référence » qui sert de base de calcul. Comme il est exposé dans le chapitre I.2, le « Prix de référence » est, avec le prix de l’abonnement mensuel, le paramètre le plus important de l’équation économique. Ces prix déterminent le Point d’Equilibre et le Point Mort. Il convient de rappeler sur quelle base le prix de référence a été établi et quelles modalités sont prévues pour son éventuelle révision. Le prix de référence a été défini et arrêté unilatéralement par l’émetteur (UGC) au lancement de la première offre illimitée, lorsqu’il en a informé les distributeurs. Il a été fixé en rapport avec une formule classique de l’émetteur initial (UGC et sa carte UGC 5). Il s’agit en effet de la base de rémunération des ayants droit pour les entrées réalisées avec cet abonnement classique. Il s’agissait alors du « plus bas prix accessible à tous les spectateurs et à toutes les séances dans le circuit UGC ». Les distributeurs ayant déjà une pratique de cette base tarifaire, ne s’y opposèrent pas. Ce prix de référence n’a à l’époque fait l’objet d’aucun accord négocié et formalisé entre les émetteurs et les distributeurs. N’étaient prévus ni un mode de fixation précis, ni des modalités de révision. Aujourd’hui, ce prix de référence fait toutefois partie des informations essentielles dans le cadre de la procédure d’agrément pour l’émetteur. Il constitue un élément essentiel dans le contrat d’adhésion entre les émetteurs et les exploitants indépendants, lui aussi soumis à l’agrément. Ce prix est resté inchangé à 5,03 € depuis le lancement de ces formules en 2000. Il est également important de souligner que ce « prix de référence » est un prix maximum et non un minimum. Il sert en effet de base à la rémunération des ayants droit et des établissements garantis sauf si le tarif normal (plein) de la séance est inférieur. Dans ce cas c’est ce dernier tarif qui est retenu. C’est par exemple le cas sur certaines séances du matin, ou pendant certaines périodes promotionnelles (fête du cinéma, printemps du cinéma, 3 jours 3 €, etc.). Il faut enfin souligner qu’en 2006, près de 55 millions d’entrées, soit 29 % de la fréquentation totale de l’année, ont été réalisées à un prix inférieur à 5,03 €4. Le prix de référence est le même (5,03 €) pour tous les établissements d’un circuit-émetteur, mais il peut être fixé pour chaque établissement adhérent en fonction des tarifs de celui-ci. Dans la pratique, la grande majorité des adhérents à une formule a le même prix de référence. Celui-ci se situe entre 4,04 € et 4,90 €, la majorité se situant à 4,50 € ou 4,65 € suivant l’émetteur. 4 source CNC : observatoire de la fréquentation – juillet 2007 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 18 Ces deux éléments combinés (tarif de la séance inférieur au prix de référence, et prix de référence inférieur chez les adhérents) se traduisent par une baisse du prix de référence moyen qui sert à la valorisation des entrées de ces abonnements et de base au calcul à la rémunération des ayants droit. Ainsi à Paris en 2007, la valorisation moyenne d’une « entrée illimitée » est de 4,97 €5. Cette valorisation moyenne inférieure au prix de référence de 5,03 € se traduit par une évolution du point d’équilibre favorable à l’émetteur. Il faut en effet 3,99 entrées par mois pour se situer à ce point, contre 3,94 entrées avec le prix de référence (hors frais de gestion et de garantie). b) Abonnement mensuel et exploitation hebdomadaire des films Autre particularité de ces formules d’abonnement, la modalité de perception des recettes ne correspond pas au rythme de gestion de l’exploitation cinématographique. Celle-ci repose en effet sur un contrat de location d’une copie de l’exploitant au distributeur pour une période d’une semaine. Toute l’économie du film en salles est donc calibrée sur un rythme hebdomadaire : contrats de location, bordereaux de remontées de recettes, statistiques du marché, … Or un abonnement mensuel ne correspond pas à un nombre exact de semaines cinématographiques. Ceci se traduit par la nécessité de croiser deux comptabilités : celle des abonnements sur une base mensuelle, qui détermine le chiffre d’affaires de l’émetteur et des cinémas adhérents non-garantis, et celle des entrées sur une base hebdomadaire, déterminant les recettes des cinémas adhérents garantis et des distributeurs. Concrètement, cela implique des calculs de prorata temporis pour créer une base journée et des ajustements périodiques entre les deux calendriers (mois cinéma contre mois calendaire). Comme le résume un émetteur « on jongle entre les deux, entre deux fichiers et deux calendriers ». Cette particularité, purement comptable, accroît encore la césure entre la rémunération de l’exploitant émetteur et celle des ayants droit. En termes moins directement comptables, cette spécificité incite à adopter, dans le cas d’une proportion importante d’entrées réalisées via ces abonnements, une gestion de l’exploitation sur un rythme mensuel plutôt qu’hebdomadaire et donc à « lisser » les fluctuations liées à la programmation. Cette caractéristique se retrouve dans l’observation d’un émetteur d’abonnements illimités qui souligne que ceux-ci sont des indicateurs de tendance très fiables : « nous scrutons le taux d’utilisation des abonnements car une baisse est souvent le tout premier signe d’un fléchissement global de la fréquentation ». Enfin, ce double calendrier crée un léger décalage de trésorerie en faveur de l’émetteur. Il perçoit l’abonnement en début de mois alors que les entrées qui y sont liées sont réparties sur les quatre semaines suivantes. Le traitement de ces entrées est parfaitement identique à celui de toutes les autres, et le règlement des parts distributeurs est donc inchangé au fil des semaines suivantes. Il y a donc un léger avantage de trésorerie pour les émetteurs mais aucune conséquence pour les remontées aux ayants droit. 5 « Observatoire de la fréquentation cinématographique à Paris / janvier-décembre 2007 », étude publiée par le CNC L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 19 II. La place des cartes chez les émetteurs 1) l’évolution du modèle économique a) Rappel historique Les formules d’abonnement à entrées illimitées ont été lancées en mars 2000 par UGC. Il convient de rappeler les principales évolutions des différentes formules d’abonnement et la mise en place d’une régulation avant de détailler les offres en présence en janvier 2008. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 20 Les principales évolutions entre 2000 et 2006 ont été les suivantes. Année 2000 2001 2002 2003 2004 2005/2006 UGC Illimité Le Pass Régulation En mars, lancement de la carte « UGC Illimité » En août, en réponse à UGC, lancement à Nantes de la carte pour un abonnement mensuel de 14,94 € « Ciné à volonté » par Pathé-Saint Herblain et de la carte « Le (98 F), valable dans tous les cinémas du circuit. Pass » par Gaumont au même prix de 14,94 € par mois. Lancement en septembre de la carte LE PASS à Paris par Premiers cinémas partenaires entre juillet et Gaumont, MK2 et Ciné Classic octobre. Lancement de « Ciné à volonté » par Pathé à Nice et Strasbourg. En juillet, l’abonnement mensuel est porté à En juin, fusion des circuits d’exploitation Gaumont et Pathé au 16,46 € (108 F) et les frais de dossiers sont de sein d’ Europalaces. 30,50 € (200 F). L’abonnement mensuel des formules « Ciné à Volonté » et « Le Pass » s’élève à 18 € (118F) et les frais de dossier à 27,50 € Huit cinémas partenaires (5 à Paris, 2 en Les cinémas de R. Letzgus à Strasbourg abandonnent la carte périphérie et 1 en province) acceptent la « Ciné à Volonté » formule 25 juillet : avis du Conseil de la Concurrence qui rejette une interdiction de la formule UGC Illimité. 20 novembre : recours de l’ARP et de l’AFCAE auprès du Conseil de la concurrence. La loi du 15 mai 2001 stipule le principe du « prix de référence » pour la rémunération des ayants droit et le principe d’une « garantie » pour les cinémas adhérents sous condition de zone de chalandise et de part de marché Le décret du 24 octobre fixe les modalités d’application de l’article 27 du code de l’industrie cinématographique relatif aux formules d’accès au cinéma à entrées multiples et aux modalités d’agrément Premier contrat signé avec un adhérent garanti, le Cinéma des Mise en place de la Commission d’agrément des Cinéastes à Paris formules d’accès au cinéma En mai, premier contrat signé avec un adhérent En novembre, l’abonnement Le Pass Ile de France est porté à garanti, le Mac Mahon à Paris 19,80 €/mois pour les nouveaux abonnés. En juillet, l’abonnement UGC Illimité passe à Les anciens abonnements restent à 18 € par mois 18 € par mois pour les nouveaux abonnés ; les abonnements de plus de douze mois passent également à ce tarif. Création des formules locales Le Pass à Toulouse, Montpellier, Avignon, Toulon, Valence, Saint-Etienne, Liévin, Coquelles, Valenciennes, Reims, Montvilliers, Angers, Rennes, Belfort, Amiens et Lyon L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 21 L’année 2007 a été caractérisée par une suite d’évènements qui ont changé en profondeur la situation du marché. En juin 2007, le circuit MK2 décide de se retirer du GIE LE PASS Les abonnés de plus de douze mois, donc qui ne sont plus dans la période d’engagement initiale, n’auront plus accès aux salles MK2 à compter du premier novembre 2007. Pour les abonnés encore en période initiale, l’accès aux cinémas MK2 sera possible jusqu’à la fin de cette période, soit au plus tard jusqu’à fin juin 2008, date à laquelle le retrait sera effectif pour tous. Formule nationale pour Le Pass Simultanément, le circuit Europalaces unifie toutes ses formules locales dans une formule LE PASS nationale, valable dans tous les cinémas Europalaces et les cinémas adhérents. Le prix de l’abonnement reste inchangé à 19,80 € par mois. En septembre, le circuit MK2 rejoint l’offre UGC Illimité La carte UGC Illimité est désormais acceptée dans tous les cinémas MK2 (11 cinémas et 64 salles à Paris, jusqu’en décembre 2007 et la fermeture des 6 salles du MK2 Beaugrenelle). Nouvelles formules d’abonnement UGC Illimité L’abonnement à la formule UGC Illimité 1 est porté à 19,80 € par mois, et une nouvelle formule est proposée, UGC Illimité 2, qui permet pour un abonnement mensuel de 35 € la possibilité d’inviter une seconde personne de son choix, pour le même film et à la même séance. Offres d’abonnement en Janvier 2008 Formule Abonnement mensuel Durée initiale d’engagement Frais de dossiers Nombre de places par séance UGC Illimité 1 19,80 € 12 mois 30 € 1 UGC Illimité 2 35 € 12 mois 30 € 2 Le Pass 19,80 €* 12 mois 30 € 1 Couverture géographique France : 522 salles dans 85 cinémas, dont 51 cinémas et 230 salles à Paris et 16 cinémas pour 118 salles en Périphérie (hors MK2) France : 738 salles dans 90 cinémas Dont 33 cinémas et 147 salles à Paris et 8 cinémas pour 88 salles en périphérie * Les spectateurs qui se sont abonnés à partir de novembre 2004 payent un montant mensuel de 19,80 € ; les abonnés qui avaient souscrit avant cette date continuent de payer 18 € par mois. Le tarif moyen de l’abonnement à cette formule est donc inférieur à 19,80 €. La durée initiale d’engagement correspond à la période pendant laquelle un nouvel abonné ne peut pas résilier son abonnement hors cas de force majeure. Les frais de dossier, de 30 € quelle que soit la formule d’abonnement, sont perçus une seule fois, à la signature de l’abonnement. Ils couvrent les dépenses de recrutement des abonnés (communication, stands dans les cinémas, PLV) ainsi que celles de création de l’abonnement (fabrication et personnalisation de la carte, création du compte informatique et bancaire). Les émetteurs peuvent offrir les frais de dossier gratuits sur une période donnée pour inciter de nouveaux abonnements. Les deux émetteurs ont offert les frais de dossier au dernier trimestre 2007. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 22 b) Les chiffres clés des abonnements illimités en 2006 L’année 2007 ayant été marquée par des évolutions importantes, il n’a pas été possible d’obtenir des informations chiffrées précises sur cet exercice, mais des indications de tendances seront présentées. L’analyse s’appuiera principalement sur les données 2006 et sur les évolutions significatives depuis le lancement en 2000. Ces données ont été obtenues à partir des déclarations des émetteurs. Nombre d’abonnements actifs Année Total 2000 238 000 2002 231 000 2004 nc 2006 (au 31/12) 282 000 Comme l’avait souligné l’étude réalisée en 20026, le marché est arrivé très rapidement à maturité : le nombre total de cartes actives a progressé de 18 % entre 2000, année du lancement, et 2006. Données 2006 Total Cartes actives au 31/12/06 282 000 prix moyen de l’abonnement (€) 18,07* CA total mensuel (€) 4 957 555 CA total annuel (€) 59 490 689 Entrées totales 11 677 878 Fréquence moyenne annuelle 42,56 Fréquence moyenne mensuelle 3,55 CA moyen par entrée (€) (hors frais de gestion) 5,09 * Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés actifs sur la période Rappel : ces chiffres sont le résultat d’une estimation établie à partir des données non homogènes transmises par les émetteurs et de données publiées par ailleurs. 6 « Les cartes à entrées illimitées au cinéma : évaluation de l’impact financier des dispositions de mise en œuvre du décret cartes », étude publiée par CNC- U+Me en décembre 2002 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 23 Le chiffre d’affaires des abonnements illimités est passé de 40,7 M€ en 2001 à 59,5 M€ en 2006 (+46 %), conséquence des augmentations successives des prix des abonnements. Le total des entrées réalisées grâce à ces abonnements est passé de 11 millions en 2001, soit 5,9 % du total des entrées France, à 11,7 millions en 2006, soit 6,2 % du total des entrées, et une croissance de 6 % en 5 ans. Cette évolution modeste en termes d’entrées est à mettre en regard de la stabilité du marché total de 187,45 millions en 2001 contre 188,67 millions en 2006 (+0,7 %). La fréquence moyenne d’utilisation des abonnements était de 45,6 entrées par an, soit 3,8 entrées par mois en 2001. Elle a diminué à 42,56entrées par an, soit 3,55 entrées par mois en 2006. Conséquence logique de la hausse du chiffre d’affaires et de l’augmentation plus modeste des entrées sur la même période, le revenu moyen par entrée des abonnements est passé de 3,68 € par entrée en 2001 à 5,09 € par entrée en 2006. L’année 2007 a été caractérisée par des évolutions simultanées qui peuvent avoir des effets contradictoires : - La diminution des abonnés Le Pass, notamment à Paris où ceux-ci étaient en partie fidélisés sur le circuit MK2. - La création de nouveaux abonnements Le Pass du fait de l’extension de cette formule à l’ensemble du circuit EuroPalaces mais aussi de la promotion sur les frais de dossier ; sa dimension désormais nationale constitue un atout important pour la population étudiante qui peut ainsi bénéficier des avantages procurés, aussi bien sur la zone des études que sur celle du domicile familial, en cas d’éloignement . - Une diminution des abonnés UGC Illimité 1 du fait de la hausse du prix de l’abonnement mensuel (effet d’éviction, voir infra), et éventuellement d’un glissement vers la formule UGC Illimité 2 ; - La création de nouveaux abonnés avec l’offre UGC Illimité 2 ; - Une hausse des abonnés UGC Illimité 1 et 2 avec l’arrivée d’anciens abonnés à la formule Le Pass et fidélisés au circuit MK2, mais aussi avec la promotion sur les frais de dossier en fin d’année. Les premières informations (qui doivent être considérées avec prudence) font apparaître une hausse globale des abonnements à la fin décembre 2007, avec un total de 287 000 cartes actives. Avant de disposer d’éléments plus précis sur 2007, les données recueillies dans le cadre de cette étude permettent d’analyser l’équilibre précédent, existant à la fin 2006. Avec un montant moyen de 18,07 € pour l’abonnement mensuel, le revenu dégagé par l’émetteur, après déduction des taxes et de la part distributeur (sur la base du prix de référence de 5,03 €), est inversement proportionnel à la fréquentation de l’abonné. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 24 Revenu de l'émetteur avec un prix moyen de l'abonnement de 18,07 € après déduction des taxes et de la part distributeur hors frais de gestion et garantie 16 14 12 revenu de l'émetteur (€) 10 8 6 4 2 0 -2 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -4 -6 -8 -10 -12 -14 fréquentation mensuelle de l'abonné Rapportée par entrée, la part exploitant évolue et se situe à un niveau inférieur à la part distributeur lorsque l’abonné va 3,6 fois au cinéma par mois. Revenu par entrée pour l'émetteur avec un prix moyen de l'abonnement à 18,07 € après déduction des taxes et de la part distributeur hors frais de gestion et garantie 16 14 12 revenu en € 10 8 6 4 2 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -2 fréquentation mensuelle de l'abonné L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 25 Calcul du Point d’équilibre en fonction de l’abonnement mensuel en 2006 prix TTC moyen de l'abonnement mensuel (€) Ensemble Point d'Equilibre (hors frais de gestion) en entrées par 18,07* mois An 3,59 43,11 * Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés actifs sur la période Ces données font apparaître une fréquentation moyenne très légèrement inférieure au seuil déterminant le point d’équilibre (hors frais de gestion), pour les deux opérateurs comme pour l’ensemble du marché. Au niveau de l’ensemble du marché, la fréquentation moyenne de 3,55 entrées par mois (42,56 par an) se situe légèrement en deçà du point d’équilibre de 3,59 entrées par mois (43,11 par an). Les formules d’abonnement à entrées illimitées génèrent donc un revenu brut (avant frais de gestion et paiement de la garantie) suffisant pour que la part exploitant soit au moins égale à la part distributeur. En 2006, le revenu par entrée réalisée avec un abonnement « illimité » est de l’ordre de 5,09 € TTC soit un prix supérieur au prix de référence de 5,03 €. Il semble donc que, hors frais de gestion et hors garantie, l’économie de ces formules se situe légèrement au dessus du « point d’équilibre » qui correspond à une rémunération égale entre l’exploitant et le distributeur. 2) Les frais de gestion et l’impact de la garantie Cette première approche doit être précisée en tenant compte de deux autres paramètres : les frais de gestion des abonnements et le surcoût impliqué par la garantie en faveur des établissements adhérents qui peuvent en bénéficier. Le revenu net pour l’émetteur de l’abonnement à entrées illimitées est le suivant : Revenu net = CA – D– F – G – NG Avec : CA = chiffre d’affaires réalisé avec les abonnements mensuels D = coût des entrées réalisées dans le circuit (taxes -TSA & TSA - et part distributeurs) en fonction du nombre d’entrées réalisées dans les salles du circuit sur la base du prix de référence (ou au tarif plein de la séance s’il est inférieur au prix de référence) F = frais de gestion des abonnements, en fonction du nombre d’abonnés G = coût des entrées chez les adhérents garantis, égal à deux fois la part distributeur (au prix de référence de l’adhérent) par le nombre d’entrées. NG = coût des adhérents « non garantis », soit la part du chiffre d’affaires qui leur est reversée, égale au chiffre d’affaires total des abonnements rapporté au prorata des entrées réalisées dans leur salles. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 26 a) Les frais de gestion Plusieurs facteurs contribuent à des frais de gestion relativement élevés. La gestion d’un parc d’abonnés est une activité où les économies d’échelle sont importantes et fonction directe de la taille du parc des abonnés. Un parc de 100 000 à 200 000 abonnements actifs est en réalité assez restreint et donc coûteux. Les frais de gestion d’un parc peuvent être évalués en pourcentage du chiffre d’affaires généré par les abonnements, mais ils correspondent plus fréquemment à un coût par abonné et par mois qui intègre des coûts fixes (affranchissement) et des coûts variables de traitement. La gestion de parc d’abonnés est intégralement externalisée pour Le Pass, alors qu’elle est désormais totalement internalisée chez UGC. Des référents extérieurs (télécommunications) conduisent à évaluer les frais de gestion entre 1 et 5 € par mois et par abonné, en fonction des services associés et de la complexité du traitement. Compte tenu du faible niveau de service associé aux formules d’abonnements à entrées illimitées au cinéma, mais aussi des frais fixes (relevés et affranchissements), il est possible d’estimer les frais de gestion entre 1 et 2 € par abonné et par mois, en année « normale ». Les informations fournies par les émetteurs d’abonnements à entrées illimitées confortent cette estimation. D’après ces informations, les simulations seront réalisées sur la base d’un coût de gestion de l’abonné compris entre 1 € et 1,50 € par mois. Le revenu des émetteurs en est directement impacté et doit être évalué en intégrant ce paramètre. Impact des frais de gestion sur le chiffre d’affaires par entrée Frais de gestion en € par mois et par abonné CA moyen par entrée après déduction des frais de gestion 1,00 1,10 1,30 1,50 4,81 4,78 4,73 4,67 Ces frais n’intègrent pas les frais de communication/recrutement et de fabrication qui doivent être couverts par les frais de dossier perçus à l’ouverture de l’abonnement. Si ces derniers sont intégrés, le total dépasse les 1,50 € et peut approcher 1,70 € par abonné. La décision d’offrir les frais de dossier, comme cela a été le cas au dernier trimestre 2007 pour les deux émetteurs, impacte donc fortement l’économie de ces formules. En retenant une valeur plancher de 1 € par abonné et par mois, le revenu mensuel moyen des abonnements passe en dessous du prix de référence, donc du point d’équilibre, à 4,97 € par entrée pour l’ensemble du marché en 2006. En retenant une estimation de 1,35 € par abonné et par mois, le revenu net par entrée pour l’émetteur (exploitant) est impacté négativement par ces frais de gestion. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 27 Part exploitant par entrée pour un abonnement mensuel de 18,07 € et des frais de gestion de 1,35 € 16 14 12 revenu en € 10 8 6 4 2 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -2 fréquentation de l'abonné hors frais de gestion net des frais de gestion b) Les charges liées aux cinémas adhérents Cette situation est accentuée par le coût des garanties. Le dispositif de garantie mis en place en faveur des exploitants adhérents (voir détail des conditions et dispositions dans le chapitre III ci-dessous) pèse en effet directement et uniquement sur le revenu de l’émetteur. Les charges associées aux établissements adhérents ne sont pas identiques selon que l’adhérent soit « garanti » ou non. Pour les cinémas adhérents « garantis », le principe est simple. L’émetteur supporte l’intégralité du paiement de la recette aux distributeurs et à l’exploitant adhérent. La garantie se traduit concrètement par un doublement de la redevance distributeur, puisque l’exploitant adhérent est assuré par l’émetteur que son revenu sera égal à celui du distributeur. Ce revenu est calculé sur la base du prix de référence de l’exploitant adhérent. Ce prix de référence varie entre 4,04 € et 4,90 €, la grande majorité se situant à 4,50 € (UGC Illimité) et 4,65 € (Le Pass). Compte tenu de la diversité des situations et des contrats, pour l’évaluation du coût associé, il sera retenu une valeur moyenne de 4,55 € en pondérant les pratiques de UGC Illimité et Le Pass. La charge de la garantie est toutefois diminuée d’une partie des frais de gestion qui sont répercutés sur l’exploitant adhérent. Une redevance de 5 % calculée à partir du total des entrées « abonnement illimité » réalisées chez l’adhérent au prix de référence de l’adhérent est appliquée par UGC. Une redevance fixe de 1,5 % (redevance de « marque ») est appliquée sur cette même base par Le Pass, qui applique en outre une redevance pour les frais de gestion avec une répartition au prorata des entrées réalisées avec les abonnements. Cette redevance étant limitée à 10 % de la valeur des entrées « abonnements » de L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 28 l’adhérent valorisé à son prix de référence (cette redevance variable n’a jamais atteint les 10 % mais était de l’ordre de 8 à 9 % en 2006) Le montant total versé par les émetteurs au titre de la garantie en 2006 est de l’ordre de 2,1 millions d’euros, soit environ 65 centimes par mois et par abonné, ou encore 18 centimes par entrée. Dans ces conditions, la garantie impacte plus légèrement le revenu net par entrée (part exploitant) de l’émetteur. Revenu par entrées (part exploitant) de l’émetteur avec un abonnement de 18,07 € et une garantie de 0,65 € par mois et par abonné 16,00 14,00 12,00 revenu en € 10,00 8,00 6,00 4,00 2,00 0,00 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -2,00 fréquentation de l'abonné hors garantie net de la garantie Impact de la garantie versée aux adhérents Coût de la garantie Coût de la garantie en 2006 Total 2 124 550 Coût de la garantie par abonné/an (€) 7,74 Coût de la garantie par abonné/mois (€) 0,65 Coût de la garantie par entrée (€) 0,18 Rappel : frais de gestion en € Par mois et par abonné CA moyen par entrée après déduction des frais et de la garantie 1,00 4,63 1,10 4,60 1,30 4,55 1,50 4,49 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 29 Cette estimation montre que lorsque l’on tient compte des frais de gestion et du coût de la garantie versée aux adhérents, le revenu par entrée des émetteurs pour l’ensemble des abonnements à entrées illimitées se situe nettement en dessous du prix de référence. Elle montre également qu’avec un total des entrées inférieur à 5 % du total des entrées réalisées avec les abonnements illimités, le poids des cinémas adhérents (garantis et donc hors MK2) fait basculer l’ensemble du modèle sous le point d’équilibre. L’impact conjugué des frais de gestion et de la garantie impacte négativement et sensiblement la part exploitant perçue par l’émetteur. Revenu par entrées de l’émetteur abonnement mensuel 18,07 €, frais de gestion de 65 centimes par mois et par abonné et garantie de 35 centimes par mois et par abonné 16,00 14,00 12,00 Revenu en € 10,00 8,00 6,00 4,00 2,00 0,00 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 -2,00 Fréquentation de l'abonné hors frais de gestion et garantie net des frais de gestion et de la garantie Il est utile de rappeler que ces estimations ont été établies sur la base du prix de référence de 5,03 € pour l’intégralité des entrées réalisées dans les établissements des émetteurs. Compte tenu du fait que le prix de référence est un « maximum garanti » et que la base de rémunération des ayants droit est le tarif plein de la séance lorsque celui-ci est inférieur au prix de référence, le point d’équilibre réel ou « effectif » de l’émetteur (sur l’ensemble des entrées des abonnements) est donc supérieur en termes de fréquentation au point d’équilibre théorique. Dans le cas d’un adhérent non garanti, l’impact pourrait sembler nul pour l’émetteur, le principe étant une rémunération proportionnelle aux entrées réalisées avec l’abonnement et un partage des charges selon la même clé de répartition. Le revenu de l’adhérent est égal au montant total des abonnements à entrées illimitées auquel est appliqué le prorata des entrées réalisées avec ces abonnements dans son établissement par rapport aux entrées totales de l’abonnement (clé de répartition = entrées de la formule illimitée réalisées chez l’adhérent / entrées totales de la formule illimitée). Si le même calcul est appliqué aux L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 30 charges de gestion et de fonctionnement, l’incidence est donc nulle pour l’émetteur. Une partie de l’exploitation de la formule et du risque associé est transférée sur l’adhérent. Une autre approche souligne toutefois que chaque entrée réalisée chez l’adhérent non garantis a pour effet direct de diminuer le revenu par entrée, pour l’émetteur et pour l’adhérent. Dans cette perspective, si les entrées réalisées chez un adhérent non garanti ne représentent pas un « coût » (au sens d’une charge) pour l’émetteur, elles ont néanmoins un impact négatif sur son revenu net par entrée, donc sur son résultat. Compte tenu de la très faible proportion que ces entrées représentent sur l’ensemble de la fréquentation des abonnés, si l’on ne tient pas compte du circuit MK2, cet impact est toutefois très faible. L’importance du circuit MK2 et des entrées qu’il représente pour une formule d’abonnement à entrées illimitées rend cet impact beaucoup plus sensible. Il n’est toutefois pas possible compte tenu des informations disponible d’évaluer cet impact. Après examen des contrats entre émetteurs et adhérents non garantis, et après vérification auprès des acteurs eux-mêmes, il s’avère que les adhérents ne supportent pas nécessairement les mêmes charges que l’émetteur. Une partie des charges associées à la formule d’abonnement peut être supportée uniquement par l’émetteur. Il s’agit notamment et principalement du montant versé aux adhérents garantis. Ceci alourdit très sensiblement le poids de la garantie puisque celle-ci s’exerce sur la part des recettes qui revient à l’émetteur après déduction de la part versée aux adhérents non garantis. Cette différence est sensible lorsqu’un adhérent non-garanti représente une proportion importante des entrées réalisées avec les abonnements, ce qui est le cas pour le circuit MK2. Ceci était vrai jusqu’en 2006 mais a été modifié en 2007. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 31 3) Le comportement des abonnés illimités Les analyses qui suivent s’appuient sur les témoignages des responsables des formules d’abonnement chez les émetteurs, largement confirmés par ceux des exploitants adhérents. Il convient de rappeler que le CNC a conduit en janvier 2008 une enquête par sondage auprès 1 738 possesseurs de cartes à entrées illimitées au cinéma. Cette enquête analyse dans le détail leur profil sociodémographique, la satisfaction apportée par leur abonnement ainsi que les particularités de leur comportement cinématographique. D’après les deux émetteurs, le consommateur fait preuve d’une très grande maturité, d’une conscience fine de son niveau « d’utilité économique» vis-à-vis de ces offres. Rappel des modalités d’adhésion et de résiliation des abonnements à entrées illimitées : A la signature de l’abonnement, le spectateur s’engage sur une durée minimum de 12 mois. La résiliation pendant cette période d’engagement initiale est possible uniquement pour un « motif légitime » précisé dans le contrat d’abonnement (déménagement à l’étranger, hospitalisation de longue durée, décès, mais aussi fermeture définitive ou temporaire d’un cinéma isolé sans autre cinéma acceptant l’abonnement dans la zone d’attraction). Après cette période initiale, le consommateur peut résilier son abonnement à tout moment avec un préavis de deux mois. L’émetteur peut également résilier l’abonnement en cas de manquement grave de la part de l’abonné, en cas de fraude dans la constitution du dossier d’abonnement (fausse déclaration, falsification de pièces), de fraude dans l’utilisation (notamment revente de billets), de défaut de paiement, de manquement à la « Charte des spectateurs ». Les émetteurs soulignent que le désabonnement est très rapide, qu’il s’agisse aussi bien d’un des motifs prévus dans les contrats, que pour convenance personnelle après la période initiale. Dans ce dernier cas de figure, la résiliation est le plus souvent imputable à une baisse du rythme de fréquentation de l’abonné mais peut aussi être consécutive à une augmentation du prix de l’abonnement. Si le nombre de cartes actives et leur taux d’utilisation sont des indicateurs très suivis par les opérateurs d’abonnements, ceux-ci exploitent en revanche assez peu les statistiques qui pourraient être liées au parc d’abonnés. Désabonnement / réabonnement Le réabonnement étant automatique, mensuel et tacite jusqu’à la résiliation, il n’est donc pas « tracé » par les opérateurs. L’opérateur UGC suit le taux de désabonnement de façon globale, en insistant principalement sur le nombre total de cartes actives et le nombre des entrées réalisées avec ces cartes. Europalaces suit avec précision le nombre de cartes actives mais ne trace pas non plus le taux de désabonnement. Durée moyenne d’abonnement Les auteurs de l’étude n’ont pas obtenu d’information complète à ce sujet. UGC ne trace pas cette donnée, alors qu’elle est connue pour Le Pass : 61 mois, soit environ 5 ans. Taux d’utilisation (nombre d’entrées par semaine/par mois avec les abonnements) C’est l’indicateur qui est le plus régulièrement « scruté » par les opérateurs. Cependant UGC déclare ne pas avoir une approche cherchant à tracer le profil d’utilisation dans la durée d’un abonnement individuel, mais insiste sur la logique globale visant à maximiser les entrées dans le circuit. Europalaces a constaté une sur-fréquentation sur une période de six mois, le comportement changeant ensuite, avec un fléchissement de la fréquentation, généralement après une première période de vacances (l’été le plus souvent). Il ressort des informations recueillies auprès des émetteurs et vérifiées auprès des abonnés que ces derniers sont en grande majorité des « assidus », et même des « hypers assidus » avec une fréquentation L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 32 supérieure à 3 films par mois, soit plus que la moyenne des « assidus ». Selon, l’étude du CNC sur les possesseurs de cartes, 92,4 % sont des assidus du cinéma et 62,6 % sont des « hyper assidus » déclarant aller au cinéma plus d’une fois par semaine. Une autre caractéristique du comportement des abonnés conforte l’hypothèse que ce sont majoritairement des spectateurs « assidus ». Les émetteurs d’abonnement sont unanimes pour affirmer que les abonnés sont des gros consommateurs de films, mais en revanche de très faibles consommateurs de produits annexes (confiserie). D’après UGC, « plus il y a d’entrées des abonnés UGC illimité, moins on consomme de confiserie » ou encore « les entrées UGC Illimité sont des entrées 0 pour la confiserie ». EuroPalaces confirme : « les abonnés cherchent le prix le plus bas, ils ont en tête la gratuité une fois l’abonnement payé ; la séance ne doit donc rien coûter ; ils viennent voir le film, c’est tout ! » D’autre part, les offres annexes proposées aux abonnés sont limitées et ne semblent pas être une priorité pour les émetteurs. Certaines offres ont été développées pour les abonnés mais elles restent très peu nombreuses et consistent uniquement en des opérations qualitatives qui valorisent l’abonnement comme un instrument de pratique culturelle : partenariats mis en place avec des musées parisiens pour UGC Illimité par exemple. Une dernière caractéristique de la population des abonnés est son caractère fortement parisien. La commission d’agrément précise dans son avis du 6 mars 2007 que « près de 80 % des entrées des abonnements sont réalisées en Ile de France et 55 % à Paris ». Si l’abonnement UGC Illimité a une dimension nationale, UGC reconnaît une surreprésentation de Paris et de la Région Parisienne, qui doit être notamment mise en relation avec la répartition géographique de son parc. 4) Des options pour augmenter la rentabilité Compte tenu de la fréquence d’utilisation élevée des abonnements, du prix de référence, des frais de gestion et du coût de la garantie, les émetteurs se trouvent dans une situation tout à fait inhabituelle où leur rémunération par entrée est inférieure à celle des ayants droit. Afin de rétablir leur marge commerciale et de retrouver une rémunération égale ou supérieure à celle du distributeur, les émetteurs peuvent tenter de modifier l’équilibre économique, en jouant sur les recettes ou en modifiant la base des charges. a) Par la hausse du revenu par entrée Hausse du prix de l’abonnement Une première option consiste en une hausse du prix payé par le spectateur, soit une augmentation de l’abonnement mensuel. Cette démarche se heurte toutefois à un redoutable « effet de cisaille » lié à un effet d’élasticité-prix très défavorable. En effet, l’augmentation du prix de l’abonnement se traduit par l’éviction rapide des abonnés ayant une faible fréquence d’utilisation, qui ne peuvent plus amortir leur investissement mensuel. Le corpus des abonnés se réduit alors à ceux dont la fréquence d’utilisation est la plus élevée, donc ceux pour lesquels l’émetteur se trouve sous le point d’équilibre. L’étude réalisée en 2002 mettait déjà en évidence cet effet d’élasticité-prix, et posait l’hypothèse d’une marge de manœuvre faible, et d’une sensibilité forte à une variation du prix de l’abonnement de 1,50 €. Les émetteurs le confirment. Cet effet a été nettement ressenti en 2004 avec l’augmentation du prix de l’abonnement mensuel de 16,46 € à 18 € pour UGC Illimité et de 18 € à 19,80 € pour Le Pass. Ce phénomène est confirmé par l’étude sur les possesseurs de cartes réalisée par le CNC. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 33 Il sera intéressant d’évaluer l’impact de l’élasticité-prix sur le second semestre 2007 et sur l’année 2008. Les conditions sont tout à fait particulières avec la hausse d’une seule formule d’abonnement (UGC Illimité 1 passant de 18 € à 19,80 € en septembre 2007) qui coïncide d’une part avec un élargissement de l’offre de programmation et de salles (adhésion des salles MK2 à cette formule) et d’autre part avec le lancement d’une autre formule par le même émetteur, « UGC Illimité 2 ». Hausse du tarif plein et des autres tarifs Une autre option, indirecte mais ayant également pour objectif d’accroître le revenu moyen par entrée, consiste à augmenter la marge réalisée sur le reste du public. Il s’agit d’une part, d’inciter les assidus à s’abonner pour les fidéliser et bénéficier de l’effet de flux positif. L’émetteur compte alors sur l’effet d’entraînement de ces abonnés sur le reste du public, et augmente les tarifs pour celui-ci. L’avantage tarifaire offert par l’abonnement est tel qu’il justifie un tarif plus élevé pour les autres spectateurs. Ceux-ci représentant toujours la majorité du public et des entrées, la marge commerciale est donc reconstituée voire augmentée. Cette logique peut d’ailleurs justifier la première option d’une hausse du prix de l’abonnement. En réduisant la base d’abonnés aux seuls « grands utilisateurs », l’émetteur garde ainsi intact un important réservoir de spectateurs payant plus cher. L’indicateur est ici le prix moyen payé par entrée ;les deux émetteurs ont un prix moyen supérieur à celui du marché. b) Par la baisse des coûts L’autre option pour modifier l’équilibre économique est de réduire les charges associées à la formule d’abonnement. Réduire les frais de gestion Compte tenu du faible nombre d’abonnés et du faible niveau de services associés aux formules d’abonnement, il semble assez difficile de pouvoir jouer sur ce paramètre. Baisse du prix de référence Les émetteurs envisagent cette solution compte tenu de la situation actuelle de l’utilisation des abonnements. Le « prix de référence » n’étant qu’une borne théorique, un paramètre fictif établi pour donner une base à la rémunération des ayants droit, il pourrait être envisagé de le faire évoluer pour atteindre un autre point d’équilibre sur cette économie particulière. Cette évolution peut se traduire de deux manières : - Soit par la baisse du prix de référence de l’émetteur, ce qui a une incidence forte et directe sur l’équilibre économique mais se heurte, comme cela s’est produit en 2007, à l’opposition des distributeurs. - Soit par la baisse du prix de référence des cinémas adhérents, ce qui n’a qu’un impact sur la marge du modèle économique de ces formules, mais peut permettre cependant d’améliorer le résultat net pour les émetteurs compte tenu du poids de la garantie décrit plus haut. S’il semble donc difficile de réduire les charges associées aux abonnements à entrées illimitées, la recherche de la baisse du prix de référence de la part des émetteurs semble répondre à l’équilibre économique actuel de ces formules. Dans l’économie de l’abonnement, une variation du prix de référence impacte directement le point d’équilibre (nombre d’entrées par mois), qui est également affecté par les variations du montant de l’abonnement mensuel. En conservant les données actuelles relatives aux frais de gestion et au coût de la garantie, il est possible d’observer l’impact de ces deux variables sur l’économie des formules d’abonnement à entrées illimitées. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 34 Evolution du point d’équilibre (en entrées par mois) en fonction du prix de référence et du montant de l’abonnement prix TTC de l'abonnement mensuel (€) 18,80 19,00 19,20 19,40 19,60 19,80 20,00 20,20 Revenu par abonnement net des frais de gestion et de la garantie (2 €) 4,50 4,60 4,70 4,80 4,90 5,00 5,03 5,10 5,20 5,30 5,40 5,50 16,80 17,00 17,20 17,40 17,60 17,80 18,00 18,20 3,73 3,78 3,82 3,87 3,91 3,96 4,00 4,04 3,65 3,70 3,74 3,78 3,83 3,87 3,91 3,96 3,57 3,62 3,66 3,70 3,74 3,79 3,83 3,87 3,50 3,54 3,58 3,63 3,67 3,71 3,75 3,79 3,43 3,47 3,51 3,55 3,59 3,63 3,67 3,71 3,36 3,40 3,44 3,48 3,52 3,56 3,60 3,64 3,34 3,38 3,42 3,46 3,50 3,54 3,58 3,62 3,29 3,33 3,37 3,41 3,45 3,49 3,53 3,57 3,23 3,27 3,31 3,35 3,38 3,42 3,46 3,50 3,17 3,21 3,25 3,28 3,32 3,36 3,40 3,43 3,11 3,15 3,19 3,22 3,26 3,30 3,33 3,37 3,05 3,09 3,13 3,16 3,20 3,24 3,27 3,31 Prix de référence en euros Lecture : Le point d’équilibre est atteint si l’abonné réalise 3,73 entrées par mois pour un prix de référence à 4,50 € et un prix mensuel TTC de l’abonnement de 18,80 € Cette approche montre que le point d’équilibre peut varier de 3,05 entrées par mois à 4,04 entrées par mois. Compte tenu de la fréquentation moyenne des abonnés actuellement (3,55 entrées en 2006), l’émetteur serait fortement exposé dans le premier cas et son revenu serait inférieur à celui du distributeur, alors que dans le second il reconstituerait fortement sa marge et aurait un revenu supérieur à celui du distributeur. Avec un prix de référence de 5,03 € et un abonnement de 19,80 €, le point d’équilibre se situe à 3,54 entrées par mois, soit à peu près la fréquentation moyenne estimée des abonnés en 2006 (le montant moyen de l’abonnement étant de 18,07 € la même année). c) Par l’élargissement de la base d’abonnés Une dernière option consiste pour l’émetteur à miser sur une baisse du niveau moyen de fréquence d’utilisation de l’abonnement. Cela peut être obtenu en élargissant la base d’abonnés à des spectateurs ayant un rythme de fréquentation plus faible. Les émetteurs mettent en œuvre cette stratégie sous diverses formes. UGC a adopté une politique agressive de recrutement de nouveaux abonnés à travers l’installation de stands dans ses établissements et une communication très soutenue, une incitation de son personnel à proposer et créer des abonnements, et une offre promotionnelle avec la gratuité des frais de dossier. Une telle politique est coûteuse (hausse des coûts de promotion et de recrutement, et baisse du revenu des « frais de dossier »). De plus les nouveaux abonnés ont en général tendance lors des premiers mois à augmenter très fortement leur fréquentation. Europalaces et Le Pass ont accru la dimension nationale de l’offre, en unifiant toutes les formules locales en une seule formule nationale, pour s’adresser en priorité à un public provincial ayant un ryhtme de fréquentation moyen inférieur à celui des publics de Paris et de la Région Ile de France7. Autre moyen pour élargir la base d’abonnés, le lancement d’une formule destinée à un public plus large et moins consommateur. C’est l’enjeu de l’offre « à deux » de UGC (UGC Illimité 2) ou de l’offre d’un deuxième billet à tarif réduit pour le spectateur accompagnant un abonné (Le Pass). 7 « la géographie du cinéma » dossier n° 304 du CNC – page 21 – octobre 2007 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 35 La formule UGC Illimité 2 a les mêmes caractéristiques que UGC Illimité 1 mais avec les spécificités suivantes : - un abonnement mensuel de 35 € ; - la possibilité pour l’abonné d’être accompagné de la personne de son choix à toutes les séances auxquelles il assiste et donc d’avoir deux entrées pour le même film et la même séance ; - le prix de référence est inchangé et reste à 5,03 €. Il apparaît que la formule est très attractive en termes d’amortissement pour le spectateur, à la condition que celui-ci aille systématiquement « à deux » au cinéma, et que le risque est plus grand pour l’émetteur avec un point d’équilibre et un point mort plus bas. L’émetteur compte évidemment sur un effet d’entraînement (flux positif) accru du fait d’une consommation en couple (deux entrées plutôt qu’une). L’émetteur s’adresse à un public plus large et peut miser sur une utilisation partielle de la possibilité d’obtenir deux entrées, donc sur un avantage qui ne serait pas intégralement consommé par le spectateur. Le risque encouru par l’émetteur est une cannibalisation partielle du parc d’abonnés à la formule UGC Illimité 1. Deux abonnés en couple trouveront en effet dans cette nouvelle formule un moyen de baisser leur prix moyen d’abonnement, et l’impact sur le revenu de l’émetteur sera direct et négatif. 5) Les stratégies divergentes des émetteurs Au terme de cette analyse du modèle économique du point de vue des émetteurs, il est nécessaire de distinguer les deux logiques en présence et de souligner leurs divergences. Le principal objectif pour UGC est de dynamiser la fréquentation du circuit. De ce fait, l’émetteur fait de l’abonnement à entrées illimitées une pièce essentielle de son dispositif tarifaire et plus généralement de sa stratégie commerciale. Pour cet opérateur, la mécanique des abonnements illimités doit entraîner les effets suivants : La constitution d’un « marché captif » Les abonnés, qui sont de gros consommateurs de films sont des moteurs pour la fréquentation, Ils contribuent efficacement à la part de marché du circuit. De surcroît, ils font office d’indicateurs très sensibles d’un éventuel fléchissement de cette fréquentation. L’attraction des non abonnés En tenant compte du caractère collectif (« à plusieurs ») de la sortie au cinéma, les abonnés pouvant orienter le choix d’un groupe, la fréquentation globale augmente avec la création de nouvelles entrées pour le circuit.. La « déconnection » des tarifs et l’augmentation du Tarif Plein L’émetteur accepte une diminution de sa marge sur son « cœur de cible » afin d’assurer un flux vers ses établissements cinématographiques. Les spectateurs bénéficiant de cette offre à bas prix, le tarif plein peut être très régulièrement et sensiblement réévalué. La marge sur les spectateurs non abonnés peut ainsi augmenter. UGC mène une stratégie commerciale agressive, axée sur une politique affirmée de ventes de nouveaux abonnements (recrutement) dans les cinémas. Le groupe conduit sa politique de communication et de promotion autour de l’abonnement, ainsi que la diversification de l’offre de films afin d’attirer un public plus large. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 36 La politique commerciale d’Europalaces est diamétralement opposée. Les formules d’abonnement à entrées illimitées sont vécues comme une offre « subie » pour répondre au concurrent UGC. La stratégie tarifaire de ce circuit repose avant tout sur un objectif de résultat et de marge commerciale par spectateur payant. Elle s’appuie sur une segmentation très fine du public en cibles particulières avec une offre de tarifs adaptés par cible et par période de l’année, en fonction du niveau de fréquentation. Le principe d’un montant forfaitaire fixé pour toute l’année et accessible à tous apparaît donc en totale contradiction avec cette stratégie. Le principe de l’abonnement à entrées illimitées est contraire à la démarche de flexibilité et d’adaptation à des cibles particulières adopté par le circuit, et est considérée comme un frein à la hausse éventuelle de certains tarifs. En conséquence, la volonté de l’opérateur est de limiter l’impact et le poids de cette formule dans son exploitation, de la maintenir à un niveau « non essentiel ». Toutefois Europalaces tente d’anticiper au plus vite une éventuelle perte d’abonnés fidèles au circuit MK2. A cette fin, le circuit utilise les mêmes armes promotionnelles qu’UGC, à savoir la gratuité des frais de dossier et l’unification des différentes formules locales d’abonnement en une formule unique et plus attrayante, valable sur l’ensemble du circuit. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 37 III. Emetteurs et exploitants adhérents Dès le lancement des abonnements à entrées illimités en 2000, certains exploitants indépendants ont souhaité s’associer à ces formules. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, complétée ensuite par celle du 17 juillet 2001 ont introduit un nouvel article 27 dans le code de l’industrie cinématographique. Le décret d’application du 24 octobre 2002 impose à tout émetteur d’une formule d’abonnement à entrées illimitées dépassant un certain seuil d’entrées ou de recettes, d’offrir aux exploitants de la même zone d’attraction ne dépassant pas certains seuils d’entrées ou de recettes de s’associer à la formule d’abonnement, tout en leur garantissant un montant de lapart exploitant égal à la part distributeur. Ces dispositions autorisent et encadrent l’adhésion des exploitants indépendants aux formules d’abonnements à entrées illimitées proposées dans leur zone d’attraction. Les textes définissent cette zone d’attraction et les seuils qui permettent aux exploitants de pouvoir bénéficier du dispositif de recette garantie par l’émetteur. Rappel des seuils pour les garants et les garantis Part de marché nationale Part de marché locale sur sa zone d’attraction Entrées Entrées Recettes Garant si pdm - >3% ou si > 25 % Garanti si pdm < 0,5 % - et si < 25 % sur 75 + 92 + 93 + 94 Recettes Entrées Recettes ou > 25 % > 15 % ou > 15 % ou < 25 % <8% ou <8% Le sondage effectué dans le cadre de l’étude réalisée en 20028 montrait que les exploitants concernés étaient très partagés quant à leur intention d’adopter une formule d’abonnement à entrées illimitées s’ils en avaient la possibilité. Une légère majorité déclarait même ne pas souhaiter adhérer à une telle formule. L’observation de la situation à la fin 2007 montre que cette prudence s’est confirmée. Seuls les exploitants indépendants parisiens ont adhéré en nombre à l’une et/ou l’autre des formules. En périphérie de Paris et en province, les adhésions sont beaucoup plus limitées, principalement en fonction de la proximité avec un établissement du circuit émetteur. Au total, en janvier 2008, 56 cinémas ne faisant pas partie d’un des deux circuits émetteurs d’abonnements sont adhérents à l’une et/ou l’autre des formules : - 38 cinémas parisiens (dont 10 établissements MK2), sur lesquels 24 sont adhérents aux deux formules - 8 cinémas en région parisienne en dehors de Paris, - 10 cinémas en province. Ceci confirme l’ancrage très parisien des formules d’abonnements à entrées illimitées, mais marque également le faible intérêt de la majorité des exploitants pour ces formules, en 8 « les cartes à entrées illimitées au cinéma : évaluation de l’impact financier des dispositions de mise en œuvre du décret cartes », étude publiée par CNC – U+me en décembre 2002 - chapitre B.3 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 38 dehors de la zone d’attraction très particulière qu’est Paris où un grand nombre d’indépendants ont adhéré à ces formules. Au total en 2006, les entrées réalisées par les adhérents (garantis ou non) représentaient environ 1 400 000 entrées soit près de 12 % des entrées totales réalisées par les abonnements illimités. Mais en dehors du circuit MK2, les adhérents ne représentent plus que 500 000 entrées environ soit seulement 4,3 % du total des entrées des abonnements à entrées illimitées. NB : Les projections réalisées en 20029 sur le potentiel impact des dispositions de mise en œuvre de la loi évaluaient les entrées réalisées chez les adhérents à 1 400 000 et 13 % des entrées totales des abonnements à entrées illimitées. Cette surprenante justesse n’est qu’apparente : en effet, il s’agissait alors d’une estimation des entrées réalisées chez les adhérents garantis, dont ne fait pas partie MK2. Elles étaient donc largement surestimées, ce qui démontre encore une fois la réticence des exploitants indépendants à développer cet outil et l’effet très limité de dispersion de la fréquentation du public abonné. En 2001, les adhérents (au nombre très limité et sans dispositif de garantie) représentaient déjà 2,7 % des entrées de ces abonnements. La très grande majorité des exploitants indépendants ayant adhéré à une formule d’abonnement à entrées illimitées a choisi de bénéficier des dispositions légales de la garantie de revenu. Les exploitants qui n’en bénéficient pas ont des raisons bien particulières : - le circuit MK2 ne peut pas en bénéficier du fait de sa part de marché locale, - les autres sont soit associés avec l’un des deux émetteurs dans la gestion d’un ou plusieurs établissements, et ils ne sont adhérents qu’à la seule formule de leur associé, soit ils ont des relations contractuelles historiques avec le circuit dont ils ont adopté l’abonnement (accord de programmation notamment). En dehors de MK2 qui ne peut pas en bénéficier, seuls deux exploitants (pour 6 cinémas) sont adhérents non garantis pour UGC Illimité. Seuls deux exploitants pour quatre cinémas sont adhérents non garantis pour Le Pass. Les exploitants qui ont une expérience des abonnements illimités ont généralement souligné un effet sensible. La mise en place des abonnements illimités sur une zone d’attraction donnée s’accompagne de transferts de fréquentation. Ces transferts ont été constatés dans les deux sens : soit une perte de fréquentation en présence d’une offre « illimitée » dans un cinéma proche alors que l’exploitant concerné ne l’a pas encore adoptée, soit un gain de fréquentation à la suite de la mise en place de cette offre. Il semble toutefois assez difficile de modéliser ces transferts et de les quantifier précisément, même si certains mentionnent des transferts de 10 à 17 %, compte tenu des autres facteurs qui peuvent être intervenus dans le même temps sur la même zone (ouverture/fermeture/rénovation d’établissement, modification de la programmation, évolution démographique de la zone urbaine concernée, politique culturelle locale). Les exploitants adhérents, notamment ceux qui ne bénéficient pas de la garantie, confirment la « maturité économique » constatée des spectateurs, et le niveau quasi nul de consommations annexes chez les spectateurs abonnés. 9 ibid - chapitre C.5 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 39 1) Rapport contractuel et comptable Une analyse comparée des modalités contractuelles des exploitants « garantis » et des « non garantis » fait ressortir la similitude des conditions générales relatives à l’outil technique, aux procédures de relevé des entrées, à l’affichage et la communication autour de l’abonnement. Sans surprise, une grande différence apparaît pour ce qui est de la relation économique, y compris sur la définition du prix de référence. Les dispositions techniques imposent à l’exploitant adhérent de s’équiper du matériel de lecture des cartes, et d’un outil informatique de traitement conforme aux spécifications techniques de l’émetteur, et de suivre les évolutions du système entreprises par l’émetteur. Elles imposent également une formation du personnel à la charge de l’adhérent. Les obligations portant sur la communication hebdomadaire des entrées de l’adhérent sont limitées aux seules entrées réalisées avec l’abonnement illimité et n’introduisent donc pas un moyen pour l’émetteur de connaître le détail de l’exploitation de l’adhérent. En revanche et accessoirement, elles imposent à l’adhérent d’être équipé du dispositif de billetterie électronique Cinedi proposé par le CNC. Enfin, les contrats introduisent des procédures de contrôle de conformité préalables à la mise en opération commerciale des lecteurs, ainsi que des dispositions de contrôle et d’audit que l’émetteur peut exercer en cours d’exécution du contrat d’adhésion. Il semble que si les premières sont effectivement diligentées par les émetteurs, les secondes n’ont jamais été mises en œuvre. A ce titre, la commission d’agrément a émis dans ses avis des réserves sur certaines dispositions contractuelles, portant notamment sur : l’obligation de mise en conformité du système d’exploitation de l’adhérent avec les éventuelles modifications apportées par l’émetteur sans une concertation préalable qui permettrait à l’adhérent d’évaluer les éventuelles retombées sur son système informatique ; les limitations dans le droit d’usage de la marque de l’émetteur et/ou de l’abonnement par l’exploitant adhérent ; l’assiette de la partie variable de la redevance acquittée par les adhérents « garantis » à la formule Le Pass qui est assise sur l’ensemble des charges alors qu’elle pourrait être limitée aux seuls coûts marginaux, c'est-à-dire le surcoût résultant de l’adhésion de l’exploitant garanti. Les émetteurs font remarquer qu’ils ont apporté des modifications sur le second point afin d’élargir et d’encadrer l’usage de la marque par les exploitants adhérents. Sur le premier point, ils rappellent que la mise en oeuvre de la formule d’abonnement et ses évolutions est une décision qui concerne en premier lieu leur exploitation, et que la possibilité pour d’autres exploitants d’y adhérer est une disposition intervenant dans un second temps. Il n’est donc pas anormal qu’ils aient la liberté de faire évoluer leur mode d’exploitation sans concertation préalable avec d’autres exploitants, ceux-ci ayant la possibilité de poursuivre ou d’abandonner leur adhésion. Quant au dernier point qui ne concerne que Le Pass, l’émetteur rappelle que cette redevance variable est limitée par un plafond de 10 % de la valeur des entrées réalisées par les abonnements dans l’établissement adhérent, et souligne que ce plafond n’a à ce jour jamais été atteint. Il semble en outre relativement difficile de déterminer le coût marginal d’une adhésion, si ce n’est de prendre en compte le montant de la garantie, ce qui est incidemment le cas pour ce plafond de 10 %. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 40 Du point de vue comptable, le « double calendrier » relevé au chapitre I.4 se retrouve dans les procédures de remontée des informations et d’échanges comptables. Les entrées réalisées par l’adhérent avec les abonnements sont déclarées à un rythme hebdomadaire. La facturation suit quant à elle un rythme mensuel. Les étapes de vérification, de traitement et de règlement par l’émetteur à l’adhérent s’effectuent sur un délai d’environ un mois. La facturation étant faite par certains exploitants adhérents sur des « mois cinéma » (de 4 semaines) et par d’autres sur des mois calendaires, les contrats prévoient un ajustement trimestriel afin de faire correspondre les deux calendriers. Outre les procédures comptables, la disposition économique la plus importante porte bien entendu sur le prix de référence. Celui-ci devrait faire l’objet d’une approche établissement par établissement. Dans les faits, on peut constater que les émetteurs ont tendance à uniformiser les prix de référence des adhérents « garantis » comme il a été signalé plus haut (chap. II.2), à 4,50 € et 4,65 €. Il semble toutefois que les émetteurs aient tendance récemment (2007) à vouloir fixer un prix de référence plus bas, proche de 4 €, notamment pour un nouvel adhérent lorsque sa grille tarifaire le permet. Ceci permet de jouer sur la marge du modèle économique de ces formules en baissant le coût de la garantie. Les adhérents non garantis sont tenus pour leur part d’adopter le prix de référence de l’émetteur de 5,03 €. 2) Les exploitants garantis : peu de risque, peu d’entrées mais un impact réel La situation des exploitants « Garantis » offre relativement peu de surprise. Le risque économique lié à la mise en place de l’abonnement illimité est quasi-nul. Le revenu est en effet garanti et la seule charge portée par l’exploitant adhérent est celle des frais de gestion. Ces derniers sont égaux à 5 % de sa recette hors taxe « abonnement illimité » pour UGC Illimité et limités à 10 % de la valeur des entrées réalisées par les abonnements dans l’établissement adhérent pour Le Pass, ce qui semble dans les deux cas inférieur aux frais réels. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 41 Le modèle de gestion comptable des abonnements illimités du point de vue de l’exploitant garanti est le suivant : Schéma des relations entre émetteur et exploitant adhérent « garanti » Emetteur de l’abonnement illimité recueil et vérification des données Exploitant adhérent garanti Gestion automatisée et bordereaux total des entrées-cartes de la semaine Prélèvement des abonnements abonnés vérification des données et suivi comptable total des entrées du mois et facturation Montant facturé * Envoi du chèque Encaissement et paiement aux ayants droit ** Distributeurs Délai de Règlement Environ un mois * Montant facturé par l’exploitant adhérent : Entrées abonnés du mois x partdistributeur x 2 ** Montant facturé par les distributeurs Entrées abonnés du mois x part distributeur a) Le montant facturé Le montant facturé par l’exploitant garanti à l’émetteur est déterminé par le dispositif de la garantie prévue par la loi et mise en place par le contrat d’adhésion. Selon cette disposition, l’exploitant adhérent est assuré d’un revenu par entrée égal à celui du distributeur. Le calcul est donc assez simple. Sur la base du relevé des entrées réalisées chez l’adhérent par les abonnements, du prix de référence de l’adhérent et/ou du prix de la séance lorsque celui-ci est inférieur au prix de référence, l’émetteur calcule la part distributeur, hors TVA et hors TSA. Le montant facturé par l’exploitant adhérent est le double de cette part distributeur. L’émetteur retient ensuite sur son règlement la redevance pour frais de gestion qui est convenue par contrat. Compte tenu de la surface financière des émetteurs par rapport aux adhérents et du faible nombre d’entrées réalisées chez ces derniers par rapport au total des entrées des abonnements concernés, l’exploitant adhérent garanti ne porte donc aucun risque économique, aussi bien pour la remontée de recettes aux ayants droit que pour sa propre recette, ce risque étant intégralement supporté par l’émetteur. Il convient de revenir ici sur le différentiel induit par la répartition inégale de la rémunération de la Sacem entre les parts exploitant et distributeur, et qui est prise en compte par les émetteurs pour la définition de la recette nette distributeur. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 42 Rappel La rémunération de la Sacem est calculée sur le montant de la recette hors toutes taxes (TVA et TSA) avec un taux de 1,515 % réparti distinctement entre les deux parties : 1,21 % prélevé sur la part distributeur et 0,305 % prélevé sur la part exploitant. Cette inégalité implique automatiquement que la part nette exploitant après redevance Sacem est légèrement supérieure à celle du distributeur, même avec un taux de location de 50 %. A titre d’exemple pour un tarif TTC de 4,50 € et de 4,65 € (prix de référence les plus courants chez les adhérents garantis) Impact de la redevance Sacem sur les parts distributeur et exploitant Prix TTC du ticket (€) 4,50 4,65 TVA 5,50 % 0,23 0,24 TSA 10,72 % 0,48 0,50 3,78 3,91 Base film hors TVA et TSA Avec un taux de location de 50 % 1,89 1,95 Sacem Distributeur 1,21 % 0,05 0,05 1,85 1,91 0,01 0,01 1,88 1,94 Revenu distributeur Sacem exploitant 0,305 % Revenu Exploitant En prenant pour base de calcul la part distributeur après déduction de la redevance Sacem, l’émetteur bénéficie d’un léger différentiel à son avantage, de quelques centimes par entrée. En doublant la part distributeur nette de la redevance Sacem, il paiera respectivement 3,70 € ou 3,82 € par entrée. En prenant en compte les parts nettes de redevance Sacem du distributeur et de l’exploitant (en considérant que l’égalité est réelle sur la base film avant cette redevance), il paierait alors 3,73 € ou 3,85 € par entrée (soit +3 centimes/entrée). Enfin, si la base nette retenue ne tenait pas compte de la redevance Sacem, en ne retenant que l’égalité réelle sur la base film avant cette redevance, il paierait alors respectivement 3,78 € par entrée (+8 centimes) ou 3,90 € par entrée (+8 centimes). b) La double adhésion Le dispositif d’adhésion avec garantie de revenu exploitant est non exclusif. Un exploitant peut adhérer aux deux formules si les deux émetteurs les proposent dans sa zone d’attraction. Cela est naturellement le cas sur Paris et dans les départements limitrophes (75 + 92 + 93 + 94) qui constituent une même zone d’attraction. Le dispositif étant particulièrement sécurisé pour l’exploitant adhérent, il n’est pas surprenant de constater que la majorité de ceux qui ont choisi d’adhérer à une formule ont également adhéré à l’autre. Cela souligne qu’il n’y a pas du point de vue des exploitants adhérents une distinction forte entre les deux formules proposées, ni des attitudes très divergentes de la part des émetteurs. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 43 3) Exploitants non garantis : les motivations d’une exposition à un risque fort Le modèle de gestion diffère pour le calcul du revenu et sur la facturation : Schéma des relations entre émetteur et exploitant adhérent « non garanti » Emetteur de l’abonnement illimité Exploitant adhérent non - garanti recueil et vérification des données Gestion automatisée et bordereaux Prélèvement des abonnements abonnés Calcul du prorata des entrées de l’adhérent total des entrées-cartes de la semaine total des entrées du mois Communication du montant à facturer* Facturation Traitement comptable et envoi du chèque Délai de Règlement Environ un mois * Montant facturé par l’adhérent à l’émetteur : Abonnements x (entrées abonnement de l’adhérent/entrées totales abonnement) Encaissement / paiement aux ayants droit ** Distributeurs ** Montant facturé par le distributeur à l’exploitant : Entrées abonnés du mois x partdistributeur D’une manière générale, les exploitants non garantis portent un risque important et ont peu de recours contre les émetteurs. L’adhérent partage en effet pleinement le risque économique lié à la commercialisation et à l’utilisation des abonnements à entrées illimitées. Son revenu est égal à la part des recettes d’abonnements rapportée aux entrées réalisées dans son ou ses établissements par rapport au nombre total d’entrées réalisées par les abonnements. Revenu = recette abonnements x (entrées abonnements chez l’adhérent / entrées totales des abonnements) L’adhérent supporte en outre une proportion identique des frais de gestion dans leur ensemble, y compris la garantie versée aux adhérents garantis. Ce dernier point mérite d’être précisé puisqu’il a été profondément modifié en 2007, suite notamment à la décision de MK2 de changer de partenaire. Jusqu’en septembre 2007, les adhérents non garantis à la formule UGC illimité ne payaient en effet aucune part des frais de gestion et/ou de garantie. Ils percevaient donc l’intégralité de leur part de recettes d’abonnements, sans contrepartie sur les coûts, qui étaient entièrement supportés par l’émetteur. Depuis septembre 2007, les adhérents non garantis L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 44 aux formules UGC Illimité contribuent aux frais de gestion et de garantie suivant la même proportion que celle qui détermine leur part des recettes. Vis-à-vis des ayants droit, les adhérents non garantis sont engagés par un prix de référence égal à celui des émetteurs de 5,03 € par entrée. Outre ce risque économique important, la relation entre l’adhérent non garanti et l’émetteur est déséquilibrée par l’absence de clause d’audit en faveur du premier vis-à-vis du second. Les revenus et charges de l’adhérent étant directement fonction des résultats totaux de la formule d’abonnement, et l’émetteur étant le seul à disposer de ces informations complètes, une procédure éventuelle de contrôle et/ou d’audit en faveur de l’adhérent pourrait être introduite. Dans ces conditions, il est possible de s’interroger sur les motivations et raisons objectives qui ont conduit certains exploitants vers cette situation d’adhérent non garanti. Le circuit MK2 ne peut aucunement prétendre à la garantie compte tenu des seuils légaux, mais a un poids économique suffisant sur sa zone d’attraction pour obtenir des conditions équilibrées en termes de transmission des informations et de relations contractuelles. Certains adhérents ne peuvent bénéficier de la garantie compte tenu de leur association avec l’un des émetteurs dans l’exploitation d’un ou plusieurs établissements. D’autres adhérents pourraient éventuellement bénéficier de la disposition de garantie et ne l’ont pas choisie principalement en raison d’une grande proximité historique avec l’émetteur (ancienne association, accord historique de programmation par exemple). Ces adhérents non garantis n’acceptent généralement qu’une seule formule d’abonnement, celle du circuit auquel ils sont « associés ». A ces raisons initiales s’ajoutent, souvent dans la durée, la volonté de l’exploitant d’afficher sa « modernité » mais aussi et surtout un raisonnement en termes de dynamisation de la fréquentation et de hausse du Tarif Plein. Cette dernière réflexion rejoint très directement la politique de UGC et a été mentionnée par des exploitants adhérents aussi bien à l’une qu’à l’autre des offres illimitées. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 45 IV. L’importance des abonnements pour les acteurs du marché Huit ans après leur lancement, il convient d’examiner la situation et le positionnement des différents acteurs vis-à-vis des formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma. Il ne s’agit pas uniquement de comparer des nombres d’entrées, mais plutôt de confronter les comportements et les réalités économiques des uns et des autres au regard de ces formules qui font maintenant partie intégrante du paysage de l’exploitation cinématographique en France. 1) Des convictions distinctes chez les émetteurs Les deux émetteurs affichent des attitudes et des convictions radicalement distinctes vis-àvis des abonnements à entrées illimitées et leur accordent une importance très différente dans leurs stratégies commerciales. UGC en a fait un outil essentiel de son exploitation tandis qu’ Europalaces considère Le Pass comme « une offre subie plutôt que souhaitée ». Les deux émetteurs se rejoignent en revanche sur l’enjeu économique d’une révision à la baisse du prix de référence, qui permettrait de reconstituer une marge commerciale par entrée leur assurant d’être au dessus du point d’équilibre. L’année 2007 aura été l’occasion d’un changement majeur d’alliance à Paris, première zone géographique concernée par ces abonnements. Alors qu’il est encore trop tôt pour mesurer précisément les conséquences de cette modification, il est néanmoins possible d’observer les premières actions des émetteurs et de formaliser certaines hypothèses sur leur degré respectif de « dépendance » aux abonnements à entrées illimitées (au sens de l’importance relative de la formule dans l’activité de l’exploitant). a) UGC en promoteur de la formule Initiateur de la formule en 2000, UGC mise ouvertement sur le développement des abonnements à entrées illimitées. Le circuit, réalise une part importante de ses recettes à Paris et en Ile de France. Ainsi, compte tenu du caractère très francilien de ces abonnements, le poids de ces derniers dans l’activité du circuit est très significatif. UGC a annoncé que les abonnements représentaient un quart des entrées du circuit10. Ce poids significatif met évidemment le circuit UGC dans une situation de dépendance vis-à-vis de ces formules d’abonnement. En effet, les abonnements tendent à constituer le socle de l’activité, de la fréquentation et de la part de marché, et in fine de la valeur du circuit. UGC est donc engagé dans une stratégie qui repose sur l’abandon partiel de la marge sur le « cœur de cible » du public du cinéma pour la reporter sur les autres composantes de son public. Dans cette perspective, l’adhésion de MK2 présente un avantage immédiat. Elle permet de récupérer l’atout concurrentiel que représente cette offre de programmation alternative qui bénéficiait jusqu’alors au concurrent Europalaces, et qui est importante dans l’optique de la promesse faite au consommateur. Les premières indications recueillies sur le marché parisien au dernier trimestre 2007 tendent à montrer que les abonnés aux formules UGC Illimités ont rapidement tiré profit de cette extension du domaine de validité de leur abonnement. D’autre part, l’ouverture du circuit MK2 à la formule UGC Illimité se traduira par une augmentation sensible des entrées totales de l’abonnement, et pourrait avoir pour 10 Guy Verrechia dans « Le Film Français » n°3234 du 16 novembre 2007 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 46 conséquence une hausse de la fréquentation moyenne par abonné et donc une baisse du revenu par entrée pour l’émetteur. b) Europalaces entre contrainte et développement de l’offre Europalaces, principal acteur de l’offre Le Pass, et seul membre du GIE à compter de juin 2008, date à laquelle le retrait de MK2 sera définitif, a insisté sur le fait que les abonnements à entrées illimitées n’étaient pas une formule tarifaire particulièrement appréciée et qu’il s’agissait plutôt d’une offre subie. Ces abonnements ne représenteraient ainsi que moins de 10 % des entrées totales du circuit. Dans ces conditions, le retrait de MK2 pourrait donner l’occasion au circuit d’abandonner rapidement ou progressivement cette formule dont il semble relativement peu dépendant et dont le principe est contraire à sa politique tarifaire. Néanmoins, il semble qu’Europalaces adopte depuis quelques mois une politique de développement de cette offre, avec notamment l’unification des formules locales dans une formule nationale et l’extension de la validité à l’ensemble du circuit. Une promotion commerciale efficace (gratuité des frais de dossier) a été mise en œuvre pour un recrutement de nouveaux abonnés. Une offre tarifaire complémentaire attractive avec un tarif réduit pour le spectateur qui accompagne un abonné a été développée. Cela traduit certainement la volonté de compenser rapidement les désabonnements liés au départ de MK2. 2) Intérêt ou nécessité pour les exploitants adhérents a) Proximité et nécessité : les indépendants parisiens La situation des cinémas adhérents doit être analysée sous deux angles. Le poids des entrées des abonnements à entrées illimitées dans leur exploitation d’une part, et l’éventuelle dépendance qu’elle pourrait induire envers les émetteurs d’autre part. Au vu des éléments recueillis, les exploitants adhérents peuvent dans certains cas se retrouver dans une situation d’assez forte dépendance vis-à-vis des abonnements à entrées illimitées, puisque ceux-ci peuvent représenter jusqu’à 20 % de leur fréquentation. Cette proportion est d’autant plus forte qu’il y a une proximité avec un ou plusieurs établissements d’un ou des deux émetteurs (et la proximité est ici une réalité beaucoup plus étroite que la zone d’attraction définie dans les textes) et que l’exploitant adhérent offre une programmation alternative. Pour la zone spécifique de Paris où ces deux conditions sont réunies, il est parfaitement logique qu’un grand nombre d’exploitants indépendants aient choisi d’adhérer aux deux formules. Cette « dépendance économique » réelle vis-à-vis de l’abonnement (au sens où celui-ci représente une part importante des entrées et du chiffre d’affaires de l’exploitant) ne s’accompagne cependant pas d’une « dépendance » (au sens d’un rapport de force déséquilibré) accrue vis-à-vis du ou des émetteurs. En effet, le dispositif de la garantie de revenu et l’encadrement des relations contractuelles protègent l’adhérent. Cette situation conduit même certains à assimiler ces « cartes illimitées » à un moyen de paiement sécurisé pour l’exploitant qui les accepte, signe qu’elles sont désormais parfaitement assimilées par le marché et relativement inoffensives pour l’exploitant. b) Complémentarité et intérêt partagé : MK2 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 47 La situation est naturellement distincte pour les quelques adhérents non garantis, qui sont, pour leur part, plus fortement exposés. Entre considérations concurrentielles et intérêt commun avec une enseigne, il est assez difficile d’évaluer leur niveau de « dépendance économique » vis-à-vis de ces formules, en dehors du simple poids que représentent les abonnements dans leur fréquentation. Le principal acteur concerné par ce statut « non garanti » est bien entendu le circuit parisien MK2. Celui-ci se distingue par l’importance de son poids sur le total des entrées réalisées par les abonnements illimités, et par son positionnement particulier sur le premier marché concerné Paris. Les abonnements représentaient près du quart des entrées du circuit lorsqu’il était associé à la formule Le Pass11. La décision de quitter cette formule pour adopter celle proposée par UGC, circuit leader sur la même zone d’attraction et ayant une base d’abonnés deux fois plus importante, a pour conséquence immédiate d’augmenter l’attractivité des établissements MK2 pour ce public plus large et donc potentiellement d’accroître rapidement sa fréquentation et sa part de marché. Les premières indications semblent conforter cette hypothèse. Les abonnés parisiens à l’une ou l’autre des formules et habitués des cinémas MK2 sont aujourd’hui confrontés aux choix suivants : « Je conserve mon abonnement Le Pass et je ne fréquente plus (ou moins) les cinémas MK2 » « je résilie mon abonnement Le Pass, et je souscris un abonnement UGC Illimité pour toujours avoir un accès « illimité » aux salles MK2 » « je résilie mon abonnement Le Pass et je ne souscris pas de nouvel abonnement, me contentant des autres offres tarifaires du circuit » « je suis un abonné UGC Illimité et je répartis autrement ma fréquentation entre les cinémas UGC et MK2 » « je suis un nouvel adhérent UGC Illimité motivé par la possibilité de fréquenter les deux circuits avec un seul abonnement ». Au-delà de l’arbitrage qui sera fait par les spectateurs, la volonté de MK2 d’être associé à la formule la plus puissante du marché traduit son choix de favoriser cette formule dans son exploitation et pourrait à terme accroître sa « dépendance économique » vis-à-vis de ces abonnements. 3) L’enjeu pour les distributeurs Le dernier aspect de la place désormais occupée par les formules d’abonnements à entrées illimitées au cinéma concerne les distributeurs et à travers eux les ayants droit. La satisfaction de l’abonné et l’amortissement de son abonnement repose notamment sur l’enjeu d’une entrée supplémentaire : la 3ème, la 4ème ou plus. Finalement, c’est pour le spectateur la perception d’un film « gratuit » et ce coût marginal peut favoriser la curiosité et la prise de risque. L’abonné étant quasi-systématiquement un « assidu », il est par définition plus curieux qu’un non abonné. La diversité de l’offre est donc une des clés pour le consommateur. Dans cette perspective, les émetteurs ont eu tendance à élargir leur offre de programmation et ils soulignent qu’ils travaillent aujourd’hui avec un plus grand nombre de distributeurs qu’il y a sept ans. 11 Ecran Total n°675 – supplément congrès des exploitants 2007 et Le Film Français n°3224 du 7 septembre 2007 L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 48 Les émetteurs d’abonnements ont fourni certaines données relatives aux films et aux distributeurs, mais les périmètres et les critères n’étant pas homogènes, il est impossible d’en réaliser un traitement global. Il ressort toutefois des données communiquées que les « petits » films (en termes d’entrées ou de combinaison de sortie) sont très nettement les plus fortement concernés par les abonnements à entrées illimitées en termes de contribution à leur performance dans les salles. Par extension, ce sont également les « petits distributeurs » qui se trouvent dans une situation de « dépendance économique ». UGC souligne que les abonnements illimités représentent seulement 13 % des entrées pour des films en ayant réalisé plus de 500 000 dans le circuit, alors qu’elles pèsent pour 51 % des entrées des films en ayant réalisé moins de 5 000 en 200612. Selon une estimation, Le Pass représenterait seulement 4 % des entrées pour les films sortis sur plus de 50 copies sur Paris-Périphérie alors que l’abonnement représenterait 13 % des entrées pour des films sortis sur moins de 14 copies sur la même zone. Le Pass indique en outre que le poids de l’abonnement dans le total des entrées sur ParisPériphérie est le plus faible pour les quinze premières sociétés de distribution et qu’il augmente sensiblement ensuite pour les distributeurs plus modestes. Cette part peut ainsi passer de 4 % des entrées annuelles sur cette zone pour une société de distribution majeure à plus de 20 % pour d’autres distributeurs, plus alternatifs. Ces données hétérogènes convergent pour révéler la plus grande sensibilité des films les plus modestes vis-à-vis de ces abonnements, qui peuvent représenter une part majoritaire de leurs recettes. Elles conduisent également à considérer que les plus importants distributeurs, pour lesquels ces abonnements représentent un part moindre du total de leurs entrées, sont donc moins « dépendants » vis-à-vis de ces formules. Il est important de rappeler ici que ces entrées sont rémunérées sur la base du prix de référence de 5,03 €, qui est supérieur à un grand nombre de tarifs et de prix moyens des cinémas qui programment par ailleurs nombre de ces films les plus modestes. Les distributeurs concernés sont donc des bénéficiaires de ces formules d’abonnement dans le sens où elles leur assurent un nombre important d’entrées à un tarif garanti. Ils ont donc un intérêt direct au maintien voire à la revalorisation du « prix de référence ». 12 Les informations sur la proportion inversée à savoir le poids de chaque catégorie de films dans le total des entrées des abonnements ne sont pas disponible. Cette analyse reste à conduire pour apprécier pleinement la dispersion des entrées sur les films. L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma 49