Dépister les cancers du col de l`utérus
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Dépister les cancers du col de l`utérus
Dépister les cancers du col de l’utérus Organiser le dépistage pour éviter des conisations inutiles G L’évaluation du dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis régulier ne repose pas sur des essais comparatifs randomisés versus absence de dépistage. ©Image Source/Photononstop G Plusieurs études cas-témoins ont Résumé G L’incidence des cancers du col de l’utérus et la mortalité liée à ces cancers ont régulièrement diminué depuis 1970 dans plusieurs pays d’Europe. Le dépistage de ces cancers du col a-t-il contribué à la baisse de la mortalité observée ? Quels sont les effets indésirables de ce dépistage ? Pour répondre à ces questions, nous avons réalisé une synthèse des données selon la méthode habituelle Prescrire. G Les cancers du col de l’utérus sont principalement dus à une infection chronique par certains papillomavirus humains. L’évolution vers un cancer invasif du col est lente et rare. G Le dépistage du cancer du col de l’utérus repose sur un prélèvement de cellules de la superficie du col pour en examiner le frottis à la recherche d’anomalies cellulaires évocatrices ou annonciatrices de cancer. La présence de certaines anomalies déclenche une colposcopie, puis des procédures plus invasives (biopsies, conisation, chirurgie, etc.). G Après prélèvement de cellules épithéliales, leur étalement immédiat sur lames ou leur mise en suspension dans une solution de conservateur (dite “en phase liquide”) ont des performances similaires pour détecter les lésions de haut grade, c’est-à-dire les plus préoccupantes. G Pour détecter des lésions cellulaires intraépithéliales de haut grade, la sensibilité du frottis cervical dépend de la qualité du prélèvement, de l’entraînement de la personne qui prélève et de celle qui lit les lames. Faux-positifs et faux-négatifs sont fréquents. montré un fort lien statistique entre le dépistage et un risque réduit de cancer du col. Notamment, une étude britannique a montré que le risque de cancer invasif a été 4 fois moindre entre 40 ans et 65 ans chez les femmes qui avait participé au dépistage dans les 5 ans précédents, que chez les femmes n’ayant pas fait de dépistage. G Les études historiques, de faible niveau de preuves, ont montré que dans plusieurs régions du monde, la baisse de la mortalité par cancer du col de l'utérus a semblé proportionnelle à la participation des femmes au dépistage. En Angleterre, la baisse de l’incidence de ces cancers a été accentuée après une organisation plus rigoureuse du dépistage avec forte augmentation de la participation. G La conisation est un acte chirurgical d’excision partielle du col, parfois effectué dans un but diagnostique après un frottis. Dans l'immédiat, elle augmente le risque d'hémorragie. Elle augmente ensuite le risque d’accouchement prématuré. G Les études comparatives ont surtout évalué des dépistages organisés de manière formelle. Dans une étude cas-témoins, le dépistage organisé a été plus performant sur l'incidence du cancer du col que des frottis effectués de manière opportuniste. G Des études cas-témoins et des études épidémiologiques incitent à ne pas débuter le dépistage avant l'âge de 21 ans, ou dans un délai de 3 ans après le premier rapport sexuel. LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 193 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Dépister les cancers du col de l’utérus Certaines données de faible niveau de preuves justifient de continuer le dépistage jusqu’à 70 ans, au moins pour certaines femmes. G La grossesse augmente la fréquence des anomalies cellulaires. G Diverses causes d’immunodépression, dont l’infection par le HIV quelle que soit son stade, augmentent le risque de cancer du col. Le rythme optimal de dépistage chez ces femmes reste à déterminer. G Toutes les recommandations s’accordent pour proposer une colposcopie aux femmes ayant des lésions de haut grade, afin d’effectuer biopsies ou conisation. G Au total, on ne dispose pas d’essai comparatif randomisé démonstratif de l’efficacité du dépistage du cancer du col de l’utérus. Mais des comparaisons rétrospectives rendent très probable une réduction de la mortalité par cancer du col de l’utérus par l’organisation d’un dépistage par frottis réguliers. Beaucoup des anomalies cellulaires découvertes n’évoluent pas vers un cancer. La fréquence des diagnostics par excès n’a pas été étudiée. Les effets indésirables graves de ce dépistage semblent très rares. G En pratique, il paraît peu raisonnable de ne pas dépister, malgré le faible niveau de preuves de l’évaluation. Mieux vaut alors un dépistage organisé de manière formelle, que des frottis effectués seulement de manière opportuniste, sans contrôle de qualité ni recherche pour optimiser la stratégie. Rev Prescrire 2010 ; 30 (317) : 193-202. E n France, on estime qu'au cours des années 2000, environ 900 femmes sont décédées chaque année d’un cancer du col de l’utérus (a)(1). Environ 75 % de ces décès sont survenus après l’âge de 50 ans. L’incidence des cancers du col de l’utérus et la mortalité qui s’ensuit ont régulièrement diminué depuis 1970, en France comme dans de nombreux autres pays (1à4). En France, le dépistage des cancers du col de l’utérus est pratiqué de manière hétérogène (5). Il est recom- mandé aux femmes de 25 ans à 65 ans, sans organisation formalisée du dépistage (5). Quelles sont les preuves d’efficacité de ce dépistage ? Notamment, a-t-il contribué à la baisse de la mortalité liée aux cancers du col de l’utérus ? Quels sont ses effets indésirables ? Pour répondre à ces questions, nous avons réalisé une synthèse des données selon la méthode habituelle de Prescrire (rappelée page 202). Un dépistage en plusieurs temps La grande majorité des cancers du col de l’utérus sont des cancers épidermoïdes, secondaires à une infection chronique par certains papillomavirus humains à potentiel cancérogène élevé. Des lésions précancéreuses, détectables par prélèvement de l’épithélium du col utérin évoluent parfois vers un cancer invasif du col de l’utérus, mais cette évolution est lente et rare (lire en encadré page 195). Le col de l’utérus est facilement accessible lors de l’examen clinique gynécologique. Le dépistage des cancers du col de l’utérus comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps il s’agit d’effectuer un prélèvement de cellules à la superficie du col et d’en examiner le frottis à la recherche d’anomalies cellulaires (lire en encadré page 198). La stratégie dépend ensuite des résultats cytologiques. En cas de lésions intraépithéliales, les stratégies à envisager sont soit de surveiller l’évolution cytologique, sur plusieurs frottis successifs, soit d'effectuer une colposcopie, c’est-àdire un examen du col de l’utérus à la loupe grossissante, après application d’une solution d’acide acétique. L’examen colposcopique est une étape importante, car il vise à localiser des zones suspectes et à réaliser soit une excision diagnostique, soit des biopsies de ces zones (6,7). Ensuite, selon les résultats anatomopathologiques, diverses options sont envisagées : surveillance sans traitement, excision partielle du col de l’utérus sous contrôle colposcopique (alias conisation), traitement d’un cancer localisé voire d’un cancer invasif (hystérectomie, radiothérapie, chimiothérapie) (2,4,6). PAGE 194 • LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Ne pas confondre anomalies cellulaires et cancers Les performances diagnostiques de l’examen du frottis du col de l’utérus sont difficiles à analyser étant donné la classification en nombreuses catégories des lésions observées (lire en encadré page 196). Par comparaison aux résultats finalement obtenus en répétant le frottis, pour détecter des lésions cellulaires intraépithéliales de haut grade (c’est-à-dire évoquant une lésion précancéreuse), la sensibilité a été estimée entre 55 % et 80 % ; autrement dit, les résultats faux négatifs sont fréquents (4,8). La spécificité dépend des seuils d’anomalie retenus et de l’objectif visé. Dans un essai britannique, parmi les femmes dont les résultats d’un frottis de dépistage montraient des lésions intraépithéliales de bas grade (c’est-à-dire proches de la normale), 60 % n’ont eu aucune lésion à l’examen anatomopathologique de la partie du col excisée (9). En Alsace et en Isère, en 2006, 40 % des lésions intraépithéliales de haut grade à la cytologie n’ont pas été confirmées par les résultats anatomopathologiques (10). La technique de recueil du prélèvement cytologique (frottis immédiat sur lame ou recueil en phase liquide) n’influe pas sur la détection des lésions intraépithéliales de haut grade, mais semble augmenter la détection de lésions intraépithéliales de bas grade (lire page 198). La performance de ce dépistage dépend de manière déterminante de la qualité du prélèvement, de l’entraînement de la personne qui prélève et de l’entraînement de la personne qui lit les lames (4). Beaucoup d’études rétrospectives : moins de cancers du col et peut-être moins de décès L‘essentiel de l’évaluation du dépistage par frottis cervical repose sur de nombreuses études cas-témoins a- En France, sur la période 2003-2007, les décès pour lesquels un cancer du col de l’utérus a été déclaré comme première cause du décès ont représenté en moyenne 0,3 % de la mortalité totale des femmes de plus de 25 ans (720 décès par an), 1,3 % de la mortalité des femmes de 35 ans à 64 ans (375 décès par an), et 0,25 % de la mortalité des femmes de 65 ans à 84 ans (265 décès par an) (réf. 34). Histoire naturelle des cancers du col de l’utérus G Les cancers du col de l’utérus sont principalement dus à une infection chronique par certains papillomavirus humains à potentiel cancérogène élevé, transmis par contact sexuel. G L’infection provoque, dans certains contextes défavorables, l’apparition de lésions précancéreuses, détectables par l’analyse d’un prélèvement de cellules du col de l’utérus. G L’évolution vers un cancer invasif du col de l’utérus est lente et rare. Lorsque le cancer est encore localisé au moment du diagnostic, le pronostic après traitement est le plus souvent favorable. Le cancer invasif du col de l’utérus est un cancer épidermoïde dans 80 % des cas (1). Dans la plupart des autres cas, il s’agit d’adénocarcinomes. Certains HPV en cause. Les cancers, épidermoïdes et adénocarcinomes du col de l’utérus, sont dus à une infection chronique du col par certains papillomavirus humains (HPV) à potentiel cancérogène élevé (1,2). Les infections par ces HPV sont transmises par voie sexuelle. Elles provoquent chez certaines femmes des lésions intraépithéliales, à type de dysplasie (2). En France, au début des années 2000, une infection par un HPV à potentiel cancérogène élevé a été détectée chez 18 % à 25 % des femmes âgées de 20 ans à 30 ans (3). Une étude de génotypage des HPV dans des prélèvements effectués en France à partir de 2006 a identifié une infection par au moins un génotype de HPV dans plus de 90 % des échantillons provenant de femmes ayant soit un condylome acuminé génital, soit une lésion intraépithéliale au frottis, soit une dysplasie modérée ou sévère, soit un cancer (400 à 500 échantillons par groupe) (a) (4). Parmi les génotypes cancérogènes, le plus fréquent a été le HPV-16, retrouvé chez 73 % des patientes ayant un cancer, 62 % en cas de lésion intraépithéliale de haut grade, 21 % en cas de lésion de bas grade et 9 % en cas de condylome. Par ordre de fréquence, venaient ensuite les HPV-18 et HPV-31 (b). Persistance de l'infection et cancérisation sont rares. Cependant, l’évolution d’une infection par un HPV vers un cancer est rare : moins de 0,3 % des infections (3). L’infection est le plus souvent transitoire, durant de 8 mois à 18 mois, notamment chez les femmes jeunes (2,5,6). Rarement, l’infection provoque l’apparition d’une lésion précancéreuse, qui semble favorisée par la persistance de l’infection durant plusieurs années (5). Beaucoup de régressions, quelques aggravations lentes des lésions. Peu de lésions intraépithéliales évoluent vers un cancer. Lorsque c’est le cas, l’évolution vers un cancer invasif est le plus souvent lente, de l’ordre de plusieurs années voire de dizaines d’années (2,7). Seulement environ 10 % des lésions intraépithéliales de bas grade évoluent vers un grade plus élevé, et environ 1 % vers un cancer invasif (3,8). Une régression est observée dans environ 55 % des cas (9). Environ 20 % des lésions intraépithéliales de haut grade ou dysplasies modérées évoluent vers un grade plus élevé, et 5 % vers un cancer épidermoïde invasif ; mais 45 % régressent (8). Les dysplasies sévères (CIN 3), qui ne peuvent être distinguées d’un carcinome in situ, évoluent dans environ 12 % des cas vers un cancer invasif ; mais environ 30 % régressent (8). Évolution lente des adénocarcinomes. L’évolution d’une dysplasie glandulaire vers un adénocarcinome est mal établie (9). L’évolution semble au moins aussi lente que pour les cancers épidermoïdes. Dans une étude de 5 845 adénocarcinomes, l’âge moyen de diagnostic d’un adénocarcinome localisé (alias adénocarcinome in situ) a été d’environ 39 ans, et l’âge moyen de diagnostic d’un adénocarcinome invasif d’environ 52 ans (9). Évolution maligne favorisée par l’immunodépression, notamment par le HIV. L’immunodépression favorise la persistance des HPV et les lésions précancéreuses du col de l’utérus. Chez les femmes infectées par le HIV, on observe une forte prévalence de lésions intraépi- théliales cervicales, le plus souvent de grade élevé, même avec un nombre correct de lymphocytes CD4+ (3). D’autres facteurs de transformation maligne ont été mis en évidence : notamment le tabagisme, diverses causes d’inflammation du col (cervicites) (3). Pronostic lié au stade. Le pronostic des cancers invasifs du col de l’utérus est fortement dépendant du stade de découverte. Lorsque le cancer est localisé (stade I), la survie après traitement à 5 ans est environ de 85 %. Elle est d’environ 60 % lorsque le cancer s’étend peu au-delà de l’utérus (stade II), mais de 7 % seulement s’il est très étendu ou métastasé (stade IV) (1). ©Prescrire a- Pour les classifications des anomalies cellulaires, lire en encadré page 196. b- Les HPV-18 et HPV-31 sont les génotypes de HPV à fort potentiel cancérogène les plus fréquents après le HPV-16. Un HPV-18 a été détecté chez 19 % des patientes ayant un cancer, 4 % en cas de lésion de haut grade, 8 % des en cas de lésion de bas grade et 3 % en cas de condylome. Un HPV-31 a été retrouvé chez 7 % des patientes ayant un cancer, 15 % en cas de lésion de haut grade, 7 % en cas de lésion de bas grade et 3 % en cas de condylome. Dans les prélèvements sur condylome acuminé génital, les génotypes de HPV les plus fréquents, à faible potentiel cancérogène, ont été : HPV-6 dans 69 % des échantillons et HPV-11 dans 16 %. Ces deux génotypes ont été détectés, respectivement, dans 1 % à 7 % et 0 % à 1 % des échantillons des autres groupes (réf. 4). 1- Prescrire Rédaction “Traitement des cancers invasifs du col utérin : chirurgie, et radio- voire chimiothérapie parfois” Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 446-450. 2- National Cancer Institute “Cervical Cancer screening (PDQ°). Health professional version” National Cancer Institute, 8 décembre 2009 : 12 pages. 3- Prescrire Rédaction “Les papillomavirus humains. Beaucoup de troubles bénins, quelques cancers” Rev Prescrire 2007 ; 27 (280) : 112-117. 4- Jacquard AC et coll. “Distribution des génotypes de papillomavirus humain (HPV) dans les lésions génitales en France : études Edith” BEH 2009 ; (29) : 313-317. 5- Provencher DM et Murphy KJ “The role of HPV testing” JOGC 2007 ; 29 (8 suppl. 3) : 15-21. 6- American College of Obstetricians and Gynecologists “Cervical Cytology Screening” ACOG Practice Bulletin 2009 ; (109) : 12 pages. 7- Institut national du cancer “État des lieux du dépistage du cancer du col utérin en France” septembre 2007 : 65 pages. 8- Duport N “Données épidémiologiques sur le cancer du col de l’utérus. État des connaissances. Actualisation 2008” Institut de veille sanitaire : 30 pages. 9- Tranbaloc P “Histoire naturelle des lésions précurseurs du cancer du col utérin” Gynécol Obstét Fertil 2008 ; 36 : 650-655. LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 195 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Dépister les cancers du col de l’utérus publiées dans les années 1980 et 1990. Elles ont montré un lien statistique entre la non-participation au dépistage et un risque important de cancer invasif du col de l’utérus : ce risque a paru 3 à 10 fois plus élevé chez les femmes ne participant pas au dépistage (4). Pas d’essai comparatif fiable versus absence de dépistage. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’essai comparant dépistage versus absence de dépistage du cancer du col de l’utérus, sur des critères de morbimortalité (4). Un essai randomisé a comparé divers types de dépistage en zone rurale d'Inde, en termes de décès et de cancers invasifs. Ses résultats sont difficiles à extrapoler au dépistage tel qu'il est réalisé dans les pays riches. Un dépistage unique par frottis n'a pas eu d'efficacité ni en termes de mortalité ni en termes d'incidence des cancers, au bout de 8 ans de suivi (11). Étude cas-témoins suédoise : lien entre la survenue d’un cancer et l’absence de dépistage. Les études cas-témoins sont de niveau de preuves moindre que les essais randomisés, en raison de divers risques de biais (12). Divers biais peuvent fausser les résultats, notamment un biais de mémorisation d’éléments importants, tels que la participation à un dépistage organisé (13). Les facteurs de risque sont autant de fac- Classifications des lésions cellulaires du col de l’utérus Dans les années 1990 et 2000, diverses classifications des anomalies cellulaires observées à l’examen des frottis du col de l’utérus ont été utilisées (1). Une classification standardisée des anomalies cytologiques a été proposée en 1988 et adaptée en 2001 lors d’une conférence de consensus (classification dite “de Bethesda”). Pour l’examen anatomopathologique des prélèvements biopsiques, deux classifications sont les plus utilisées : la classification CIN (en anglais “cervical intraepithelial neoplasia”), et celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les classifications cytologiques et anatomopathologiques ont des correspondances approximatives. ©Prescrire Classifications des anomalies cytologiques et anatomopathologiques du col de l'utérus (réf. 1) Classification cytologique teurs de confusion qui risquent de biaiser le lien statistique. Certaines études des années 2000 ont tenté de minimiser ces biais. Dans une étude cas-témoin suédoise, 1 230 femmes ayant un cancer du col de l’utérus diagnostiqué entre janvier 1999 et décembre 2001 selon le registre national suédois des cancers, ont été comparées à 6 124 femmes, de même tranche d’âge, sélectionnées dans un registre national de la population générale (14). Les deux tiers des patientes avaient moins de 66 ans. En Suède, un registre national recueille depuis 1993 les résultats d’examens cytologiques et anatomopathologiques des femmes ayant participé au dépistage organisé des cancers du col de l’utérus, ce qui évite le biais de mémorisation. Les résultats ont montré un lien statistique entre une absence de dépistage organisé et le diagnostic d’un cancer du col de l’utérus : 46 % des femmes avec un cancer invasif du col avaient participé au dépistage, versus 64 % des témoins (b). Parmi ces femmes, 477 avaient un cancer du col de l’utérus étendu (stade II ou supérieur). Elles ont été comparées à 2 373 femmes du groupe témoin : 17 % des femmes avec cancer étendu avaient participé au dépistage, versus 40 % des témoins, différence statistiquement significative (c). Classifications anatomopathologiques de Bethesda CIN (a) OMS Absence d’anomalie cellulaire Normal Normal Lésion intraépithéliale de bas grade (LSIL) (b) Condylome Dysplasie légère CIN 1 Cellules glandulaires atypiques — Cellules glandulaires atypiques Cellules épidermoïdes atypiques de signification indéterminée (ASC-US) (c) — — Cellules épidermoïdes atypiques ne pouvant exclure une lésion de haut grade (ASC-H) (d) — — Lésion intraépithéliale de haut grade (HSIL) (e) CIN 2 Dysplasie modérée CIN 3 Dysplasie sévère Adénocarcinome — Adénocarcinome in situ endocervical — Adénocarcinome invasif Carcinome épidermoïde — Carcinome épidermoïde invasif Carcinome in situ a- CIN : en anglais, cervical intraepithelial neoplasia (néoplasie intraépithéliale du col de l’utérus). b- LSIL : en anglais, low-grade squamous intraepithelial lesion (lésion intraépithéliale épidermoïde de bas grade). c- ASC-US : en anglais, atypical squamous cells of undetermined significance (cellules épidermoïdes atypiques de signification incertaine). d- ASC-H : en anglais, atypical squamous cells – high-grade not excluded (cellules épidermoïdes atypiques ne pouvant exclure un HSIL). e- HSIL : en anglais, high-grade squamous intraepithelial lesion (lésion intraépithéliale épidermoïde de haut grade). 1- “Recommendations for cervical cytology terminology”. In : Arbyn M et coll. “European guidelines for quality assurance in cervical cancer screening” 2nd ed., International Agency for Research on Cancer, 2008 : 141-152. PAGE 196 • LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Étude cas-témoins britannique : lien causal plausible. Dans une autre étude cas-témoins, 4 012 femmes ayant un cancer du col de l’utérus invasif diagnostiqué entre janvier 1990 et décembre 2008 selon un registre britannique, ont été comparées à 7 889 femmes de même tranche d’âge sélectionnées dans des fichiers de médecins généralistes (15). L’analyse statistique a été effectuée par tranche d’âge, de 20 ans à 65 ans. Dans toutes les tranches d’âge, le dépistage a paru statistiquement associé à un moindre risque de cancer invasif environ 5 ans plus tard, à l’exception de la tranche des femmes les plus jeunes. Le lien statistique entre l’absence de cancer invasif et le dépistage a paru augmenter fortement avec l’âge, avec un risque de cancer 4 fois moindre entre 40 ans et 65 ans chez les femmes ayant participé au dépistage dans la période précédente (d). L’importance du lien statistique et sa variation avec l’âge rendent très plausible un lien causal entre le dépistage et l'absence de cancer invasif (15). Avantage au dépistage organisé. Dans une étude cas-témoin finlandaise, une forte diminution du risque de cancer du col de l’utérus n’a été statistiquement associée qu’avec la participation à un dépistage organisé de manière formelle, et non avec la réalisation opportuniste de frottis de dépistage, sans cadre établi (16). Dépistage et baisse de la mortalité corrélées à l’échelle des pays Les comparaisons historiques, de type avant-après organisation d’un dépistage de cancers, sont d’interprétation difficile et de faible niveau de preuves. Divers biais peuvent influencer les résultats observés, notamment en raison des améliorations de l’efficacité des traitements (2,17). Association d’une baisse de l’incidence et de l’importance de la participation. Après la mise en place d’un dépistage organisé des cancers du col, parfois dès les années 1960, l’incidence de ces cancers a fortement décru dans plusieurs pays (3,4,18,19). L’importance de la baisse a paru liée à la participation au dépistage (4). Notamment, au Canada, la mortalité par cancer du col de l’utérus a baissé plus en Colombie Britannique que dans d’autres provinces, où la participation au dépistage était moins forte (4). Dans l’Union européenne aussi, l’incidence des cancers du col de l’utérus et l’importance de la baisse de leur incidence entre 1970 et 2000 apparaissent liés au degré de participation au dépistage (3). Intervention pour augmenter la participation au dépistage : baisse de l’incidence. En Angleterre, de 1971 jusqu’au début des années 1990, l’incidence annuelle des cancers invasifs du col est restée stable, entre 14 et 16 cancers invasifs pour 100 000 femmes, avec une baisse de la mortalité régulière, mais faible (18). À partir de 1988, une politique de dépistage organisé a été instituée avec un système national d’invitation et envoi de relances aux femmes n’ayant pas participé. La participation au dépistage a progressé de 40 % en 1988 à environ 85 % à partir de 1994. Dans le même temps, l’incidence des cancers du col de l’utérus a chuté, passant à environ 10,5 pour 100 000 femmes en 1995 (18). Les résultats en termes de mortalité sont moins probants. De 1,5 % par an entre 1950 et 1987, la baisse de la mortalité par cancer du col est passée à environ 4 % par an jusqu’en 1997 (18). Ces résultats sont compatibles avec un effet du dépistage sur l’incidence des cancers invasifs, car il a été observé un temps de latence entre la modification d’organisation du dépistage et le renforcement de la baisse de l’incidence de ces cancers. Effets indésirables : surtout ceux des conisations Effectuer un frottis cervical n’a pas plus d’effets indésirables directs qu’un examen clinique gynécologique, parfois à l’origine d’une gêne, voire de douleurs. Il en est de même pour l’examen colposcopique, en l’absence d’intervention sur le col. Conisation : un geste pas si anodin. Plusieurs techniques de conisation sont utilisées, selon les cas, sous anesthésie locale ou générale : anse diathermique, laser, cryothérapie, chirurgie (e)(20,21). Une synthèse méthodique d’un groupe du Réseau Cochrane a analysé 28 études randomisées ayant comparé ces techniques. Elle n’a pas mis en évidence de supériorité manifeste d’une technique sur les autres, certains avantages étant contrebalancés par plus d’inconvénients par ailleurs (20). Les principaux effets indésirables recensés ont été : hémorragies, douleurs postopératoires sévères, pertes vaginales inhabituelles, sténoses du col de l’utérus, dysménorrhées (20). Dans un essai, une hémorragie a abouti à la réalisation d’une hystérectomie (11). L’altération du col de l’utérus par la conisation provoque une fibrose ou une béance du col (4). Une synthèse méthodique de 27 études rétrospectives a analysé les effets indésirables des conisations sur les grossesses ultérieures (21). La méta-analyse de cette synthèse a montré une association statistiquement significative entre conisation et survenue d’un accouchement prématuré avant 37 semaines d’aménorrhée (risque multiplié par 1,7 à 2,6), et faible poids de naissance (risque multiplié par 1,8 à 2,5). Le risque de césarienne a paru multiplié par 3 environ en cas de conisation chirurgicale. Gare aux interventions inutiles, en cas de lésions peu sévères. Une équipe britannique a comparé dans des essais randomisés des stratégies de prise en charge en cas de lésion intraépithéliale de bas grade au frottis cervical (9,22). Ces essais n’ont pas été conçus pour étudier un effet sur la mortalité par cancer du col de l’utérus ou sur l’incidence des cancers invasifs. Chez 4 439 femmes ayant une lésion intraépithéliale de bas grade, un essai a comparé surveillance cytologique sans colposcopie versus colposcopie immédiate et intervention selon ses résultats (22). Au bout de 5 ans de suivi, le taux de diagnostics de dysplasie modérée à sévère et le taux de dysplasie sévère (cancers inclus) ont été statistiquement plus faibles dans le groupe surveillance cytologique, probablement en raison de faux positifs et de la régression de certaines lésions vues initialement. En moyenne annuelle, il y a eu 58 dysplasies modérées à sévères pour 1 000 participantes dans le groupe surveillance cytologique, versus 79 pour 1 000 participantes dans le groupe colposcopie. Dans le groupe colposcopie, les effets indésirables ont été plus fréquents et plus prolongés que dans le groupe surveillance cytologique. b- Par rapport aux femmes issues de la population générale, chez les femmes ayant eu un cancer du col de l’utérus, le risque relatif estimé d’adhésion au programme de dépistage a été de 0,39 (intervalle de confiance à 95 % (IC95) : 0,34 à 0,45) (réf. 14). c- Par rapport aux femmes de la population générale, chez les femmes ayant eu un cancer du col étendu, le risque relatif estimé d’adhésion au programme de dépistage a été de 0,21 (IC95 : 0,16 à 0,28) (réf. 14). d- En comparaison à l’absence de dépistage entre 30 ans et 34 ans, les femmes dépistées entre 32 ans et 34 ans ont eu un risque de cancer invasif du col de l’utérus réduit d’environ 45 % (rapport de cotes : 0,55 ; IC95 : 0,44 à 0,69). En comparaison à l’absence de dépistage entre 50 ans et 54 ans, les femmes dépistées entre 52 ans et 54 ans ont eu un risque de cancer invasif du col de l’utérus réduit d’environ 74 % (rapport de cotes : 0,26 ; IC95 : 0,19 à 0,36) (réf. 15). e- Les conisations et les ablations localisées au laser ont l’inconvénient de provoquer une destruction thermique des tissus excisés, qui gêne ou empêche leur analyse anatomopathologique (réf. 20). LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 197 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Dépister les cancers du col de l’utérus Deux techniques au choix pour effectuer un frottis cervical G Le frottis cervical est la base du dépistage des cancers du col. Il est inadapté au diagnostic de lésions cancéreuses. La technique classique comporte deux prélèvements (un de l’endocol et l’autre de l’exocol) étalés sur lames. La technique dite en phase liquide est plus récente : le prélèvement est plus facile ; la détection d’anomalies est plus sensible mais seulement pour les lésions les moins préoccupantes. Le prélèvement cytologique pour un dépistage des cancers du col de l’utérus vise à obtenir des cellules épithéliales situées à la jonction entre la muqueuse malpighienne de l’exocol et la muqueuse glandulaire de l’endocol. C’est dans cette zone que les anomalies cellulaires apparaissent (1,2). Pas de sang, pas d’inflammation, pas de lubrifiant. Le prélèvement est effectué chez la femme allongée sur le dos en position gynécologique. Selon la position qui lui est la plus confortable, elle place ses pieds sur les coins de la table ou dans des étriers (3). Un spéculum vaginal est introduit, au mieux sans lubrifiant. Les prélèvements cytologiques s’effectuent par raclage de la muqueuse du col de l’utérus, en un seul mouvement, à l’aide d’un des outils destinés à cet usage, non stérile, à usage unique (spatule, brosse ou écouvillon) (4). Un prélèvement de qualité permettant une interprétation correcte ne comporte ni sang, ni cellule inflammatoire, ni lubrifiant (5). Mieux vaut effectuer le frottis au moins 8 jours à 10 jours après la fin des règles, en l’absence de saignement visible, de perte anormale et d’anomalie évoquant une infection. Mieux vaut attendre un cycle menstruel complet après guérison d’une infection gynécologique (1,6). Ce type de prélèvement n’est pas adapté au diagnostic d’une lésion évoquant un cancer du col de l’utérus (bourgeonnement, ulcère) : un prélèvement biopsique est alors le moyen approprié (1). Pour recueillir et adresser le prélèvement au laboratoire de cytologie, on utilise un étalement immédiat sur lames (frottis) ou un recueil en phase liquide. Étalement immédiat sur lames : prélever séparément l’endocol et l’exocol. L’étalement immédiat sur lames (alias frottis) est la technique la plus ancienne (technique dite de Papanicolaou) (1). Pour cette technique, il faut effectuer deux prélèvements successifs : l’un de l’exocol et l’autre de l’endocol, chacun étant étalé sur une lame distincte, sans pression excessive afin de ne pas abîmer les cellules déposées (1). Les frottis sont fixés immédiatement, avant qu’ils ne sèchent, par pulvérisation d’un fixateur, le flacon étant tenu à environ 15 cm de la lame. Ensuite, l’examen des lames au microscope peut être différé sans problème. Elles peuvent être envoyées au laboratoire de cytologie par courrier, avec certains renseignements cliniques facilitant l’interprétation (a). Les outils de prélèvement pour frottis sur lames ont été comparés entre eux dans des essais randomisés, avec comme critère d’évaluation les caractéristiques de l’examen cytologique (4). D’une manière générale, il est apparu qu’il est préférable d’utiliser un dispositif ayant une partie effilée pouvant s’introduire dans le conduit de l’endocol, plutôt qu’une simple spatule à bord large. Des frottis de qualité ont été obtenus plus souvent lorsque le prélèvement avait été effectué au moyen de deux outils, une spatule pour l’exocol et une brosse fine (dite cytobrosse) pour l’endocol (4). Phase liquide : plus facile, mais plus coûteuse. Avec la technique dite “en phase liquide”, les cellules récoltées sur le col de l’utérus sont recueillies dans un flacon de solution avec conservateur, qui est adressé ensuite au laboratoire de cytologie. Le prélèvement est réalisé à l’aide d‘une brosse épousant la forme du col, de l’endocol à l’exocol. La partie la plus avancée est introduite dans l’endocol, et l’épithélium des muqueuses est brossé par un mouvement rotatif. La brosse est ensuite placée dans la solution, et les cellules épithéliales récoltées mises en suspension (b). Le flacon doit être remis au laboratoire de cytologie, avec les renseignements cliniques (a). Le frottis est réalisé après centrifugation et filtration. La technique en phase liquide est de réalisation plus facile, mais elle est plus PAGE 198 • LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. coûteuse que l’étalement immédiat (5). Les prélèvements dont la lecture n’est pas satisfaisante sont un peu moins fréquents : 2,6 % avec la technique en phase liquide, versus 4,1 % avec l’étalement immédiat, dans une étude randomisée (6à9). Les diverses études comparatives, dont une randomisée, n’ont pas montré de différence de détection des lésions intraépithéliales de haut grade entre ces deux techniques (9,10). Mais la technique en phase liquide détecte davantage de lésions intraépithéliales de bas grade (9). Cela n’est peut-être pas un avantage, car ces lésions d’évolution habituellement favorable conduisent parfois à des conisations inutiles. Le recueil en phase liquide permet d’effectuer d’éventuels tests complémentaires, tels qu’une recherche de papillomavirus humains (lire en encadré pages 200-201). ©Prescrire a- Les éléments cliniques à transmettre pour l’examen d’un prélèvement cytologique du col de l’utérus sont : âge, date des dernières règles ; grossesse débutante ; ménopause ; anomalies gynécologiques (prolapsus, ectropion, etc.) ; traitement hormonal ; antécédent de frottis anormal (réf. 1). b- L’extrémité de la brosse servant au prélèvement est habituellement détachable et peut être plongée dans la solution de conservateur et adressée au laboratoire. 1- Prescrire Rédaction “Dépistage du cancer du col : retroussons nos manches ! 2e partie” Rev Prescrire 1987 ; 7 (69) : 414-420. 2- Tranbaloc P “Histoire naturelle des lésions précurseurs du cancer du col utérin” Gynécol Obstét Fertil 2008 ; 36 : 650-655. 3- Prescrire Rédaction “Frottis gynécologique” Rev Prescrire 2007 ; 27 (283) : 376. 4- Martin-Hirsch P et coll. “Efficacy of cervicalsmear collection devices : a systematic review and meta-analysis” Lancet 1999 ; 354 : 1763-1770. 5- American College of Obstetricians and Gynecologists “Cervical Cytology Screening” ACOG Practice Bulletin 2009 ; (109) : 12 pages. 6- McLachlin CM et coll. “Cervical screening : a clinical practice guideline” Cancer Care Ontario, 2005 : 36 pages. 7- NHS Cancer Screening Programmes “Colposcopy and programme management. Guidelines for the NHS cervical screening programme” NHSCSP publication n° 20, April 2004 : 80 pages. 8- Murphy KJ “Screening for cervical cancer” JOGC 2007 ; 29 (8 suppl. 3) : 27-36. 9- Ronco G et coll. “Accuracy of liquid based versus conventional cytology : overall results of new technologies for cervical cancer screening randomised controlled trial” BMJ 2007 ; 335 : 28-31 (version complète sur www.bmj.com : 7 pages). 10- Arbyn M et coll. “Liquid compared with conventional cervical cytology : a systematic review and meta-analysis” Obstet Gynecol 2008 ; 111 (1) : 167-177. Un autre essai randomisé a comparé conisation immédiate, versus biopsies et attente des résultats pour décider du traitement, chez 1 983 femmes ayant des lésions intraépithéliales de bas grade au frottis cervical (9). Environ 60 % des femmes du groupe conisation immédiate n’avaient à l’examen des tissus excisés aucune lésion de type dysplasique au moins modérée. Après réception des résultats des biopsies dans l’autre groupe, seulement 16 % des patientes ont été rappelées pour traiter une dysplasie. Après 6 semaines de suivi, il n’y pas eu de différence entre les groupes en termes de douleurs. Dans le groupe conisation, les saignements ont été en moyenne plus importants (21,9 % d’hémorragie modérée à sévère, versus 15,3 %). Au bout de plus de 3 ans, il n’y a pas eu de différence statistiquement significative de l’incidence des dysplasies cervicales modérées à sévères, diagnostiquées chez environ 23 % des patientes (9). Diagnostics par excès : proportion inconnue. Comme les autres dépistages de cancers, le dépistage des cancers du col de l’utérus expose au risque de diagnostics par excès, c’està-dire de diagnostics d’anomalies, en réalité dénuées de conséquence clinique, mais dont la découverte expose aux effets indésirables des interventions et traitements. La fréquence est difficile à quantifier (23,24). Dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus, la difficulté est accrue par le fait qu’il s’agit d’un dépistage à la fois de lésions précancéreuses et de cancers. Selon le seuil d’anomalies cellulaires retenu pour réaliser des biopsies ou une conisation diagnostique, un plus ou moins grand nombre de patientes subissent ces interventions, pour des lésions qui n’auraient pas provoqué de troubles. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’étude du taux de diagnostics par excès de cancers du col de l’utérus liés au dépistage. Tenir compte de la situation clinique pour déterminer la stratégie optimale Notre recherche documentaire n'a pas recensé d'essai ayant comparé diverses stratégies de dépistage par frottis en termes de cancers invasifs ou de mortalité. Tous les 3 ans à partir de l’âge de 21 ou 25 ans. Selon l’étude castémoins britannique déjà décrite, le risque de cancer du col invasif entre 25 ans et 29 ans n’a pas semblé influencé par la participation à un dépistage entre 20 et 24 ans (15). Des recommandations de spécialistes étatsuniens de novembre 2009 ont conseillé de commencer le dépistage aux États-Unis d’Amérique à partir de 21 ans, en raison d’une incidence estimée à seulement 1 à 2 cancers du col de l’utérus par million de femmes âgées de 15 ans à 19 ans (25). Des spécialistes canadiens ont précisé qu’il n’est pas utile de débuter le dépistage avant un délai de 3 ans depuis le début des rapports sexuels (26). Selon une autre étude cas-témoins britannique, un dépistage tous les 3 ans paraît être la fréquence optimale, avec un effet préventif proche de celui d’un dépistage annuel, mais plus important que celui d’un dépistage tous les 5 ans (27). Entre 50 ans et 64 ans, un dépistage tous les 5 ans semble la fréquence optimale. Aux États-Unis d’Amérique, la prise en compte des effets indésirables du dépistage a conduit en 2009 à préconiser un dépistage tous les deux ans entre 21 ans et 29 ans, puis tous les 3 ans, en l’absence de découverte d’anomalie (25). Auparavant, un dépistage annuel était préconisé. Jusqu’à 70 ans, voire plus ? On dispose de peu de données d’évaluation du dépistage du cancer du col de l’utérus au-delà de l’âge de 65 ans. Une étude canadienne n'a pas montré de diminution du taux de détection de lésions intraépithéliales de haut grade après 65 ans (28). Une étude cas-témoins a montré qu'à partir de 65 ans, un dépistage ne semble utile que chez les femmes n’en ayant pas eu depuis l’âge de 50 ans (27). En France, dans un contexte de dépistage non organisé de manière formelle au niveau national, les femmes de plus de 65 ans représentent environ 35 % des cancers du col de l’utérus (tous stades confondus) et 3 % des lésions cytologiques de haut grade détectées par frottis (29). Les incertitudes quant à l’âge pour arrêter le dépistage se traduisent par les diverses recommandations des guides de pratique clinique de spécialistes étatsuniens : 65 ans pour les uns, 70 ans si les trois derniers prélèvements étaient dénués d’anomalie pour d’autres, entre 65 ans et 70 ans après trois prélèvements dénués d’anomalie et en l’absence d’anomalie dans les 10 ans précédents pour un troisième groupe de spécialistes (25). Ces diverses propositions reflètent la difficulté d’établir une règle valable pour toutes les femmes, alors que selon les caractéristiques socioculturelles, l’âge au pic d’incidence des cancers du col varie d’environ 45 ans à plus de 70 ans. Grossesse : suspendre le dépistage ? En l’absence de données d’évaluation précise du dépistage chez les femmes enceintes, la plupart des guides de pratique clinique ne se prononcent pas sur la réalisation d’un frottis durant la grossesse. La grossesse modifie l’utérus, et le frottis cervical comporte parfois des atypies d’allure suspecte, mais sans signification pathologique, sur le prélèvement de l’endocol (6). En cas de lésions de bas grade ou indéterminées durant la grossesse, mieux vaut attendre un délai de 6 mois après l’accouchement pour un nouveau contrôle (26). Immunodépression, par le HIV ou autres : augmenter la fréquence ? L’immunodépression en général, et l’infection par le HIV en particulier, augmentent le risque de cancer du col de l’utérus. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’évaluation spécifique du dépistage chez les femmes séropositives HIV. Plusieurs guides de pratique clinique recommandent d’augmenter la fréquence du dépistage chez ces femmes ainsi qu’en cas de risque accru de cancer du col de l’utérus : antécédent de lésion intraépithéliale de haut grade sur un frottis cervical, antécédent de traitement pour un cancer du col, syndrome lymphoprolifératif, greffe d’organe, prise de corticoïde au long cours, etc. (26,30). LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 199 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Dépister les cancers du col de l’utérus Dépistage par la recherche de papillomavirus : trop de fausses alertes G La recherche de papillomavirus humains (HPV) à potentiel cancérogène élevé amène à détecter plus de dysplasies sévères que l’examen cytologique du frottis du col de l’utérus, mais au prix d’une fréquence accrue de fausses alertes et de colposcopies. En pratique, ce test n'a pas d'intérêt démontré en termes de cancers invasifs ni de mortalité. Les infections chroniques à papillomavirus humains (HPV) à potentiel cancérogène élevé sont à l’origine de l’apparition de la plupart des dysplasies sévères et des cancers du col de l’utérus (lire en encadré pages 195 et 196). Quelles sont les performances de la recherche de ces infections dans le dépistage des cancers du col de l’utérus ? Recherche de l’ADN de HPV cancérogènes. Des tests biologiques ont été développés pour rechercher l’ADN de certains HPV. La technique Hybrid capture 2° détecte de manière rapide l’ADN de 13 génotypes de HPV à potentiel cancérogène élevé, sans les différencier (1). D’autres techniques, plus longues à réaliser, consistent à rechercher un génotype de HPV particulier, par PCR (polymerase chain reaction) ou par génotypage. Le test Hybrid capture 2° est le plus évalué. Meilleure détection des dysplasies sévères mais plus de colposcopies. En comparaison à l’examen cytologique d’un frottis du col de l’utérus, pour détecter des lésions intraépithéliales cervicales de haut grade, le test Hybrid capture 2° a une meilleure sensibilité que la cytologie, mais une moins bonne spécificité (1). Autrement dit, ce test détecte plus de dysplasies sévères que la cytologie, mais au prix d’une fréquence accrue de fausses alertes, augmentant le recours aux colposcopies (2). La spécificité de la recherche de HPV par test Hybrid capture 2° est encore moins bonne chez les femmes de moins de 30 ans, que chez les femmes plus âgées (1,3,4). Un essai randomisé en faveur de la recherche de HPV en Inde rurale. Notre recherche documentaire a recensé un seul essai randomisé du dépistage par test HPV. Cet essai a été conduit en zone rurale d’Inde, chez 131 746 femmes âgées de 30 ans à 59 ans, suivies pendant 8 ans (a)(5). En comparaison à une absence de dépistage, une recherche unique de HPV a réduit la mortalité par cancer du col de l’utérus et l’incidence des cancers invasifs : au bout de 8 années, il y a eu en moyenne 12,7 décès annuels par cancer du col pour 100 000 femmes suivies dans le groupe dépistage, versus 25,8 dans le groupe témoin, soit une réduction du risque de décès par cancer du col de 48 % (intervalle de confiance à 95 % : 17 % à 66 %) (5). En comparaison à un unique frottis du col de l’utérus, les résultats ont paru en faveur de la recherche de HPV, mais sans atteindre la significativité statistique. La mortalité totale n'a pas été rapportée. Le contexte du dépistage du col de l’utérus tel qu’il est réalisé dans les pays riches est très différent de celui de cet essai, et l'extrapolation hasardeuse. Association frottis + recherche de HPV ? Un essai néerlandais a comparé un dépistage par frottis seul, versus frottis + recherche de HPV par test Hybrid capture 2° chez 17 155 femmes, suivies durant plus de 6 ans. Dans le groupe frottis + HPV, une dysplasie sévère ou une lésion cancéreuse a été découverte chez 0,8 % au prix de biopsies chez 1,6 % des femmes (6). Dans le groupe frottis seul, une dysplasie sévère ou une lésion cancéreuse a été découverte chez 0,5 % des femmes au prix de biopsies chez 1 %. Les différences entre les groupes sont statistiquement significatives. Ni la mortalité par cancer du col, ni l’incidence des cancers invasifs n’ont été rapportés. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’essai comparatif de l’association des deux techniques de dépistage en termes de mortalité, de cancers invasifs, ou de traitements agressifs. Frottis indéterminé : pas de preuve en termes de cancers. Un essai randomisé a comparé trois stratégies de dépistage chez 3 488 femmes dont les résultats d’un frottis de dépistage montraient des cellules intraépithéliales de signification indéterminée (ASC-US). Toutes les parti- PAGE 200 • LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. cipantes ont eu une recherche des HPV et un nouveau frottis, puis des frottis à 6 mois, 12 mois et 18 mois. Un groupe a eu une colposcopie quels que soient les résultats. Un second groupe a eu une colposcopie en cas de résultat HPV positif ou en cas de lésions de haut grade à la cytologie. Un troisième groupe n’a eu une colposcopie qu’en cas de lésions de haut grade (7). Cet essai n’a pas été conçu pour mesurer un effet sur la mortalité par cancer du col, ni sur l’incidence des cancers invasifs. Les trois stratégies ont conduit à diagnostiquer une dysplasie sévère chez environ 9 % des participantes, sans différence entre les groupes. Les diagnostics ont été plus précoces dans le groupe avec recherche de HPV : 75 % de diagnostics dès l’examen d’inclusion, versus 41 % dans le groupe avec colposcopie selon la cytologie seule (p < 0,001). Les colposcopies ont été plus fréquentes dans le groupe avec recherche de HPV : 56 % des patientes ont eu une colposcopie, versus 12 % dans le groupe cytologie seule (7). Lésions de bas grade : la recherche de HPV n'a pas d'intérêt établi. En cas de frottis montrant des lésions intraépithéliales de bas grade, la recherche de HPV a été positive chez 58 % à 85 % des patientes, voire encore plus souvent chez des femmes de moins de 35 ans (3). Ainsi, un vaste essai comparatif randomisé visant à évaluer la recherche de HPV en cas de lésions de bas grade a été interrompu précocement, à cause du taux élevé (83 %) de participantes ayant une recherche positive, donc non discriminante (3). Après découverte de lésions intraépithéliales de bas grade au frottis de dépistage, la recherche de HPV n’apporte rien de plus qu’une surveillance cytologique rapprochée, par exemple à 6 mois puis 18 mois. Recherche de HPV en complément d’un frottis normal : trop de colposcopies. Une autre stratégie est de réaliser une recherche de HPV seulement en cas de frottis cervical sans anomalie. Notre recherche documentaire n’a pas recensé d’essai comparatif de la recherche de HPV dans cette situation, en Une stratégie à peu près consensuelle en cas de frottis anormal termes de taux de cancers invasifs ou de mortalité. On dispose seulement d’études de suivi, qui ont montré que la recherche de HPV augmente fortement le nombre de colposcopies pour détecter une lésion de haut grade, observée chez moins de 0,7 % des patientes (3,4,8). En pratique, pas d'avantage démontré en termes cliniques. Le frottis cervical reste l’examen de référence pour le dépistage des cancers du col de l’utérus. Début 2010, la recherche de HPV à fort potentiel cancérogène n'a pas d'intérêt démontré en termes de prévention des cancers du col de l'utérus dans les pays riches. L'intérêt de la recherche de HPV reste à cerner en termes de cancers invasifs ou de mortalité. ©Prescrire a- Cet essai n'a été financé ni par une firme ni par l'Organisation mondiale de la santé, mais par la fondation Bill and Melinda Gates (réf. 5). 1- Provencher DM et Murphy KJ “The role of HPV testing” JOGC 2007 ; 29 (8 suppl. 3) : 15-21. 2- U.S. Preventive Services Task Force “Screening for cervical cancer. Recommendations and rationale” January 2003 : 9 pages. 3- Arbyn M et coll. “Clinical applications of HPV testing : a summary of meta-analyses” Vaccine 2006 ; 24 (suppl. 3) : 78-89. 4- Dillner J et coll. “Long term predictive values of cytology and human papillomavirus testing in cervical cancer screening : joint European cohort study” BMJ 2008 ; 337 : a1754, 8 pages. 5- Sankaranarayanan R et coll. “HPV screening for cervical cancer in rural India” N Engl J Med 2009 ; 360 (14) : 1385-1394 + 361 (3) : 304-306. 6- Bulkmans NWJ et coll. “Human papillomavirus DNA testing for the detection of cervical intraepithelial neoplasia grade 3 and cancer: 5-year follow-up of a randomised controlled implementation trial” Lancet 2007 ; 370 : 1764-1772. 7- ASCUS-LSIL Triage Study (ALTS) Group “Results of a randomized trial on the management of cytology interpretations of atypical squamous cells of undetermined significance” Am J Obstet Gynecol 2003 ; 188 (6) : 1383-1392. 8- Cuzick J et coll. “Long-term follow-up of cervical abnormalities among women screened by HPV testing and cytology. Results from the Hammersmith study” Int J Cancer 2008 ; 122 (10) : 2294-2300. En cas de frottis anormal, les guides de pratique sont à peu près consensuels. En cas de lésion intraépithéliale de haut grade, une colposcopie d’emblée est recommandée, sans refaire un autre frottis (6,31,32). En cas de lésion intraépithéliale de bas grade, les guides proposent deux options : soit une colposcopie d’emblée, soit refaire un frottis 4 mois à 6 mois plus tard (31,32). La recherche de papillomavirus humain (HPV) n’est pas recommandée du fait de la fréquence élevée des résultats positifs sans valeur pronostique (lire en encadré ci-contre) (30à33). En cas d’anomalies de signification indéterminée (ASC-US), 5 % à 17 % des femmes ont en fait une lésion intraépithéliale de haut grade, mais le risque de découvrir un cancer invasif est très faible, inférieur à 0,2 % (33). Dans ce cas, une recherche de HPV à potentiel cancérogène élevé est plus sensible, pour détecter des dysplasies modérées à sévères, que de répéter des frottis tous les 4 mois à 6 mois, mais sans différence sur l'incidence des cancers invasifs (lire en encadré ci-contre). En cas d’anomalies des cellules glandulaires (c'est-à-dire de l’endocol) suggérant une dysplasie, une colposcopie avec biopsies est souhaitable (31,32,33). Divers type d’organisations du dépistage dans 4 départements français Dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, en Isère et en Martinique, un dépistage des cancers du col de l’utérus est organisé de manière formelle, avec incitation au dépistage et procédures d’assurance qualité et d’évaluation (10). Dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, les invitations ne sont adressées qu’aux femmes de 25 ans à 65 ans n’ayant pas effectué de dépistage individuel au cours des 3 dernières années. En 2006, dans ces départements, environ 70 % des femmes de cette tranche d'âge ont participé au dépistage, ce qui est plus élevé que la moyenne française, à savoir environ 55 % (10). En Isère, le dépistage des cancers du col de l‘utérus est proposé aux femmes dans le cadre d’une consultation gratuite de dépistage, qui propose aussi le dépistage du cancer du sein et le dépistage du cancer colorectal. Les femmes de 50 ans à 74 ans sont invitées à cette consultation. En 2006, on estimait qu’environ 60 % des femmes de cette tranche d'âge participaient au dépistage dans ce département (10). En Martinique, les invitations sont envoyées par l’Assurance maladie aux femmes de 25 ans à 65 ans. Les frottis des femmes de 20 ans à 25 ans sont remboursables à 100 % sur demande du médecin traitant. En 2006, on estimait qu’environ 50 % des femmes de cette tranche d'âge participaient au dépistage dans ce département (10). Dans tous ces départements, une structure de gestion reçoit les résultats des frottis réalisés dans le cadre du dépistage organisé, et parfois aussi ceux du dépistage individuel. En 2006, les taux de frottis techniquement non satisfaisants étaient inférieurs à 2 % (10). Le taux de détection de cancers parmi les frottis s’élevait à environ 0,03 %, avec un taux de lésions de haut grade plus élevé en Martinique : 1,2 %, versus environ 0,2 % dans les autres départements (10). En France en 2004, chez 60 % des femmes qui ont effectué au moins deux frottis de manière opportuniste, le délai entre les frottis a été inférieur au délai préconisé de 3 ans (5). Les critères semblant favoriser la participation à ce dépistage opportuniste sont : femmes de 35 à 49 ans, en couple, professionnellement actives, socioéconomiquement favorisées et de niveau d’éducation élevé ; autrement dit, sans rapport avec les risques de cancers du col (5). En pratique : un dépistage à bien organiser Au total, on ne dispose pas d’essai comparatif randomisé démonstratif de l’efficacité du dépistage du cancer du col de l’utérus : ni en termes d’incidence des cancers invasifs du col, ni en termes de mortalité par cancer du col, ni en termes de mortalité totale, dont ces cancers ne représentent LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 201 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. Dépister les cancers du col de l’utérus qu’une très petite partie. Mais, des études cas-témoins et des comparaisons historiques rendent très probable une réduction de la mortalité par cancer du col de l’utérus par l’organisation d’un dépistage par frottis du col de l’utérus régulier chez les femmes adultes. Beaucoup des anomalies cellulaires découvertes n’évoluent pas vers un cancer, et on ne dispose pas d’une évaluation correcte du nombre de diagnostics par excès et de leurs conséquences. Mais les effets indésirables graves de ce dépistage semblent très rares. Les stratégies de dépistage proposées en termes d’âge de début et de fin, et en termes de rythme des frottis, reposent sur des bases fragiles. Le dépistage par frottis du col semble inutile avant un délai de trois ans depuis le début des rapports sexuels, et généralement peu utile avant l’âge de 21 ou 25 ans. Chez les femmes sans risque particulier, un dépistage tous les trois ans semble suffisant. En pratique, il paraît peu raisonnable de ne pas dépister. Mieux vaut alors un dépistage “organisé”, qu’un dépistage effectué seulement de manière opportuniste, sans surveillance de la qualité des prélèvements, de la lectures des frottis, ni évaluation des conséquences néfastes du dépistage. Encore faut-il une organisation du dépistage qui veille à l’optimisation, c’est-à-dire à chercher la balance optimale entre les effets indésirables et la lutte contre les cancers du col de l’utérus. Début 2010, la recherche de papillomavirus humains à fort potentiel cancérogène n’est pas suffisamment évaluée pour une utilisation en routine dans le cadre du dépistage des cancers du col. Dans l’attente d’un dépistage organisé, mieux vaut déjà respecter une stratégie prudente : intervalle de 3 ans entre les frottis, en général à partir de 25 ans ; colposcopie-biopsies si lésions de haut grade ; répétition des frottis en cas de lésion de bas grade ou de lésions de signification non déterminée, avant de recourir à une colposcopie. Synthèse élaborée collectivement par la Rédaction, sans aucun conflit d’intérêts ©Prescrire Recherche documentaire et méthode d’élaboration Pour cette synthèse des connaissances, nous avons recherché les guides de pratique clinique, les synthèses méthodiques, ainsi que les essais randomisés, les études de cohorte, les études cas-témoins et les études historiques publiées après ces synthèses. Cette recherche documentaire a reposé aussi sur le suivi des sommaires des principales revues internationales, des Current Contents-Clinical Medicine et des bulletins de l’International Society of Drug Bulletins (ISDB) mis en œuvre au sein du Centre de documentation Prescrire. Par ailleurs, pour la dernière fois le 7 décembre 2009, nous avons interrogé les bases de données BML, Infobanque AMC, Nelhgf, NGC, Medline (1950-November week 3, 2009), The Cochrane Library (CDSR, DARE, Central, HTA, Nhseed ; 2009, issue 4), et nous avons consulté les sites internet des organismes suivants : AHRQ, Cancer Care Ontario, Fnclcc, HAS, INCA, NCI, NICE, NIH, SIGN, Uspstf. Les procédures méthodiques d’élaboration de cette synthèse ont suivi les principes habituels de Prescrire : notamment, double vérification de la sélection des documents, triple vérification de leur analyse, relecture externe, contrôles de qualité multiples. 1- Institut de veille sanitaire et coll. “Projections de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en 2009” rapport technique, septembre 2009 : 76 pages. 2- Prescrire Rédaction “Traitement des cancers invasifs du col utérin” Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 446450. 3- Arbyn M et coll. “Trends of cervical cancer mortality in the member states of the European Union” Eur J Cancer 2009 ; 45 (15) : 2640-2648. 4- National Cancer Institute “Cervical Cancer screening (PDQ°). Health professional version” 8 décembre 2009 : 12 pages. 5- Institut national du cancer “État des lieux du dépistage du cancer du col utérin en France” septembre 2007 : 65 pages. 6- Prescrire Rédaction “Dépistage du cancer du col : retroussons nos manches ! 2e partie” Rev Prescrire 1987 ; 7 (69) : 414-420. 7- Wright TC et coll. “2006 consensus guidelines for the management of women with abnormal cervical cancer screening tests” Am J Obstet Gynecol 2007 ; 346-355. 8- U.S. Preventive Services Task Force “Screening for cervical cancer. Recommendations and rationale” January 2003 : 9 pages. 9- Tombola Group “Biopsy and selective recall compared with immediate large loop excision in management of women with low grade abnormal cervical cytology referred for colposcopy : multicentre randomised controlled trial” BMJ 2009 ; 339 : b2548, 12 pages. 10- Duport N et coll. “Dépistage organisé du cancer du col de l’utérus. Évaluation épidémiologique des quatre départements “pilotes”” Institut de veille sanitaire, juin 2007 : 35 pages. 11- Sankaranarayanan R et coll. “HPV screening for cervical cancer in rural India” N Engl J Med 2009 ; 360 (14) : 1385-1394 + 361 (3) : 304-306. 12- Prescrire Rédaction “Pièges et difficultés de l’évaluation des dépistages des cancers : l’exemple des cancers du sein” Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 304310. 13- Prescrire Rédaction “Facteurs de confusion : sources de biais majeur” Rev Prescrire 2008 ; 28 (298) : 623-625. 14- Andrae B et coll. “Screening-preventable cervical cancer risks : evidence from a nationwide audit in Sweden” J Natl Cancer Inst 2008 ; 100 : 622-629. 15- Sasieni P et coll. “Effectiveness of cervical screening with age : population based case-control study of prospectively recorded data” BMJ 2009 ; 339 : b2568. 16- Nieminen P et coll. “Organised vs. spontaneous pap-smear screening for cervical cancer : a casecontrol study” Int J Cancer 1999 ; 83 : 55-58. 17- Prescrire Rédaction “Mammographies et dépis- PAGE 202 • LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 Téléchargé sur prescrire.org le 27/02/10 par GELLY JULIEN Copyright© Prescrire. Usage personnel exclusivement. tage des cancers du sein. Quatrième partie. Les autres éléments de la balance bénéfices-risques : traitements agressifs, effets indésirables” Rev Prescrire 2006 ; 26 (272) : 364-368,372-374 (version complète sur le site www.prescrire.org : 9 pages). 18- Quinn M et coll. “Effect of screening on incidence of and mortality from cancer of cervix in England : evaluation based on routinely collected statistics” BMJ 1999 ; 318 : 904-908 (version complète sur le site www.bmj.com : 5 pages). 19- Raffle AE et coll. “Outcomes of screening to prevent cancer: analysis of cumulative incidence of cervical abnormality and modelling of cases and deaths prevented” BMJ 2003 ; 326 : 901-906 + 327 : 325. 20- Martin-Hirsch P et coll. “Surgery for cervical intraepithelial neoplasia” (Cochrane Reviews) (dernière révision : 2004). In : “The Cochrane Library” John Wiley and Sons, Chichester 2009, issue 4 : 60 pages. 21- Kyrgiou M et coll. “Obstetric outcomes after conservative treatment for intraepithelial or early invasive cervical lesions : systematic review and meta-analysis” Lancet 2006 ; 367 : 489-498. 22- Tombola Group “Cytological surveillance compared with immediate referral for colposcopy in management of women with low grade cervical abnormalities : multicentre randomised controlled trial” BMJ 2009 ; 339 : b2546, 11 pages. 23- Prescrire Rédaction “Les effets indésirables des mammographies de dépistage des cancers du sein” Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 269-275. 24- Prescrire Rédaction “PSA et dépistage des cancers localisés de la prostate : des bénéfices mal démontrés, des effets indésirables avérés et des questions en suspens” Rev Prescrire 2009 ; 29 (308) : 437443. 25- American College of Obstetricians and Gynecologists “Cervical Cytology Screening” ACOG Practice Bulletin 2009 ; (109) : 12 pages. 26- “Guideline for screening for cervical cancer” Toward Optimized Practice Program, 2009 : 19 pages. 27- Sasieni P et coll. “Benefit of cervical screening at different ages : evidence from the UK audit of screening histories” Br J Cancer 2003 ; 89 (1) : 8893 + 90 (5) : 1108-1110. 28- Colgan TJ et coll. “Screening for cervical disease in mature women” Cancer 2002 ; 96 (4) : 195-203. 29- Bergeron C et coll. “Lésions précancéreuses et cancers du col de l’utérus diagnostiqués par le frottis cervical, Île-de-France, enquête Crisap, 2002” BEH 2005 ; (2) : 5-6. 30- McLachlin CM et coll. “Cervical screening : a clinical practice guideline” Cancer Care Ontario, 2005 : 36 pages. 31- Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé “Conduite à tenir devant une patiente ayant un frottis cervico-utérin anormal. Actualisation 2002” Recommandations, septembre 2002 : 21 pages. 32- NHS Cancer Screening Programmes “Colposcopy and programme management. Guidelines for the NHS cervical screening programme” NHSCSP publication n° 20, April 2004 : 80 pages. 33- Cuvelier CA et coll. “Belgian consensus guidelines for follow-up of women with cervical cytological abnormalities” Acta Clin Belg 2009 ; 64 (2) : 136-143. 34- CépiDc “Interrogation des données sur les causes de décès de 1979 à 2007”. Tumeur maligne du col de l'utérus - France”. Site www.cepidc.vesinet. inserm.fr consulté le 18 janvier 2010.