un grand jeune homme tout simple
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un grand jeune homme tout simple
H i s t o i r e P o r t r a i t & S o c i é t é Primo Orlandini, un grand jeune homme tout simple Par Anne-Marie Class L a rencontre avec Primo Orlandini n’est pas de celles qui s’oublient. On s’attend à trouver un monsieur âgé et on se trouve face à une silhouette et des manières de jeune homme, un être calme et paisible, d’une extrême simplicité et d’un abord facile. Il a vu le jour en 1921, dans une famille dans laquelle on avait toujours eu des chiens, mais 2 de race indéterminée. Enfant, il était très attiré par les cirques de village dans lesquels les artistes étaient souvent des chiens. C’est de là, ditil, que vient sa passion pour « cet animal fabuleux à qui on peut faire faire tant de choses extraordinaires ». Plus tard, il lui arrivera de faire des démonstrations dans des cirques. C’est la rencontre fortuite avec Bernard Aujolas qui lui mettra le pied à l’étrier. Un autre clin d’œil du destin avait mis un Malinois sur son chemin. Pendant la guerre, dans une gare, un passant lui avait demandé de garder son chien pendant qu’il allait prendre un ticket ; le passant n’était jamais revenu. Primo avait gardé le chien, l’avait baptisé Dick et lui apprenait, pour le plaisir, à faire tout un tas d’exercices dont des sauts. Le beau-frère de Primo fréquentait le bar de Bernard Aujolas, déjà très versé dans le sport canin, et qui se trouva « chatouillé » dans sa curiosité et son amour-propre lorsque son client lui dit que le chien de son beau-frère réalisait des sauts beaucoup plus spectaculaires que tous les chiens représentés sur les affiches ornant les murs de son établissement. La rencontre se fit entre deux amoureux du travail du chien, le « déjà initié » et celui qui allait devenir un maître incontesté en la matière. Stupéfié par les prouesses de Dick capable de sauter une écluse pour s’amuser, Bernard Aujolas donna l’adresse d’un Club d’utilisation nancéen à celui qui allait devenir son ami et qu’il appellerait « le magicien » par la suite ; le surnom lui est resté. Les prouesses de Dick émerveillèrent aussi les sociétaires du Club nancéen et son président François Wasels qui deviendra lui aussi son ami et l’aidera à devenir professionnel. La carrière de dresseur de Primo commença en 1952 et Dick l’abandonné, devint champion de Lorraine en 1953. Primo fit aussi un vice-champion de France d’un chien trouvé dans une poubelle, Murphy. Depuis, il n’a jamais arrêté cette activité qui a rempli toute sa vie. Ring, RCI, Campagne, Mondioring, Troupeau, tout l’intéressait et l’intéresse toujours et même l’Agility qu’il a pratiqué bien avant la mode. Insatiable, il faisait parfois deux concours le même jour. Son épouse a tenu une grande place dans sa vie et il avait eu la chance qu’elle adhère totalement à sa passion et le suive sur les terrains ; elle aimait particulièrement les Pinschers. Cynophilie Française - 4e trim. 2010 Primo a aussi eu la joie de se faire battre en concours par son fils Jean-Luc lorsque ce dernier avait 14 ans. « Le Magicien » avait monté un petit élevage, sous l’affixe du Bois La Dame pour sélectionner des chiens de travail, puis une pension bien aménagée dont les installations existent toujours bien qu’elle ne soit plus en activité. Sa réputation avait même gagné le monde du showbiz et celui des « people ». Il avait dressé des Bergers allemands pour Michel Legrand. Johnny Halliday était venu pour lui acheter un chien. Le palmarès de ses résultats est impressionnant : 31 fois finaliste de la Coupe et du Championnat de France, 2 fois finaliste en campagne, 4 fois champion de France en ring avec son Berger Allemand King (entre 1957 et 1960), Il aime les chiens, tous les chiens et les jauge d’un coup d’œil, je lui amène les miens et après trois minutes d’observation presque distraite, il me décrit leur caractère. Il distille ses principes, ceux qui ont guidé ses activités : « Méchant ou pas méchant, le chien est fidèle, il aime le jeu et la « bouffe » et pour l’éduquer c’est de cela dont il faut se servir. Inutile de corriger un chien dans le vide s’il n’a pas compris ce qu’on lui demande ! J’ai toujours des croquettes dans mes poches pour récompenser ou attirer, c’est une recette infaillible. » « Il faut éduquer le propriétaire autant que le chien. » « Pour le chien de travail, ce n’est qu’à 6, 8 mois qu’on commence à voir et il faut choisir ses lignées si on veut se donner toutes les chances. » « King a été mon plus grand champion, je l’avais acheté à un Canadien à 4 ans et demi ; c’est moi qui avais dressé le chien pour lui. Je lui ai dit que j’en ferai un champion de France et il l’a été 4 fois. » « Mais mon meilleur chien a vraiment été Dick, une véritable « bonne à tout faire ». Il y avait un casse et il retrouvait la trace des malfaiteurs. Je me souviens particulièrement d’un cambriolage dans une boulangerie où Dick avait retrouvé des bottes mais les empreintes ne correspondaient pas… Oui, mais c’étaient les chaussettes à l’intérieur des bottes qui appartenaient au cambrioleur ! Ce chien là était capable de retrouver une allumette dans un champ de betteraves. Un de mes voisins avait un chien de chasse qui lui avait chapardé et enterré ses lunettes et Dick les a retrouvées, comme il a aussi retrouvé une montre dans les feuilles de choux d’un agriculteur qui ne croyait pas beaucoup à ma « passion chien ». Après, il y croyait un peu plus ! » Les souvenirs s’égrènent et on ne voit pas passer le temps, Primo a mille anecdotes à raconter, je ne pense même pas à tout noter, j’écoute et c’est passionnant. Il y a l’histoire de Sultan, le chien du prisonnier fidèle qui n’oublia jamais de payer la pension de son chien tout le temps de sa peine et d’écrire chaque semaine. Vasco, l’Epagneul breton laissé sur une route et qui s’était amputé lui-même d’une patte pour échapper à un piège ; récupéré et soigné par Primo, il courrait sur 3 pattes aussi alertement qu’un autre. Arnaud de Sang Bleu, chien de son ami François Wasels, qui avait réduit l’intérieur de la Ferrari de son maître à l’état de « toile d’araignée ». Dans la Canine “ de Lorraine, on lui voue une véritable vénération. La région lui rend hommage tous les ans avec le Grand Prix Orlandini. Primo et Vicco du Calvaire 4 fois vice-champion de France en Ring entre 1966 et 1981, 3e du Championnat de France en Ring et 28 fois Champion de Lorraine. Et pour ne pas se tromper en appelant son chien, il les appellera presque tous Johnny et ses chiennes Jacquie, comme sa dernière chienne, une Tervuren qui vient de mettre bas. Il lui reste de tous ces succès quelque chose comme deux tonnes de coupes. ” Le président du club dijonnais de chien de défense remet à Jean-Luc Orlandini les deux coupes qu’il a gagnées, en présence de son père Primo et de la chienne Ina Vom Brumwald. L’Est Républicain, Date ???????????? Modeste, il ne cherche pas à donner de leçons, non, il parle en artisan amoureux du travail bien fait. Dans la Canine de Lorraine, on lui voue une véritable vénération. La région lui rend hommage tous les ans avec le Grand Prix Orlandini, un concours 3 disciplines : Ring, Obéissance et Mondioring et des démonstrations de Travail sur Troupeaux et Attelage. Pour ce concours, les hommesassistants et les juges renoncent à leurs frais de déplacement. Il n’est pas trop difficile de faire parler les Lorrains sur « leur magicien ». Jonny du Comté de Ribaupierre 3 H i s t o i r e P o r t r a i t & S o c i é t é De gauche à droite : Dr Wasel, MM. Veissière, Orlandini + King von Dol, Coletti et Brunet faisait de la prose. Primo me disait : « n’hésite pas à récompenser ton chien quand il se trompe, la notion de faute est une notion de morale humaine qui échappe complètement au chien ». Claude Dopp, juge travail et qui officie au Grand Prix : « Tout ce que je sais, c’est lui qui me l’a appris, c’est chez lui que j’ai commencé. J’avais un chien qui « mâchonnait » ; après le passage et les conseils de Primo, je n’avais plus ce problème ». Guy d’Almeida, organisateur du concours : « Primo Orlandini est un homme d’une grande gentillesse, à l’écoute des autres, un excellent observateur des hommes et des chiens ; il ne voit le mal nulle part. Il a aidé de nombreux cynophiles. Souvent, après un concours, il appelait les concurrents qui avaient eu une difficulté et les aidait à résoudre leur problème. Je lui ai acheté mon premier chien et il m’a tout appris. S’il dit qu’il faut euthanasier un chien, il ne se trompe pas car il les aime suffisamment pour Primo avec BA King toujours leur laisser une chance, sauf s’il avait déjà un sens pour lui, il y a quarante estime qu’il n’y a rien à faire et que le chien ans. On développe actuellement des métho- présente un danger. » des d’éducation naturelles qu’il appliquait Emile Kazinski, un utilisateur : « Primo est depuis longtemps comme Monsieur Jourdain un être désintéressé qui a fait profiter les copains de son savoir, il ne se faisait jamais payer pour donner une leçon aux autres compétiteurs. Sa femme a eu une grande influence sur lui. Il était très ami avec Bernard Aujolas et André Noël. « Il avait un doigté formidable, il prenait les gens à avec Bernard Aujolas et André Noel part après un concours et Jean-Pierre Brigeot, vétérinaire et spécialiste du comportement : « Si je ne l’avais pas connu, je n’aurais pas été le même vétérinaire. Le bien-être animal 4 leur disait : « Aujourd’hui, tu étais à côté de la plaque, on va regarder ce qui n’a pas marché ». Et s’il voyait progresser son élève improvisé, c’était un vrai bonheur pour lui. C’est comme cela que je l’ai connu, je suis venu le voir pour apprendre à monter une garde d’objet. Il nous donnait des surnoms gentils, moi c’était « l’abbé », un autre « le sanglier ». Il a un sens inné de la psychologie des hommes et des chiens. C’est aussi un monsieur très humble. » Tel est Primo Orlandini, une grande figure du Travail avec le Chien, et un grand jeune homme tout simple de 89 printemps. J Avec son ami Guy d’Almeida