Collection " Les carnets d`expériences " pour action ! en partenariat

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Collection " Les carnets d`expériences " pour action ! en partenariat
Collection " Les carnets d’expériences " pour action !
en partenariat avec :
SOMMAIRE
Avant-propos ................................................................................................................................................................................................................................................ page 3
Introduction ...................................................................................................................................................................................................................................................... page 4
Expériences d'experts, de fournisseurs et de distributeurs
................................ page 5
Jacques DUPRE ........................................................................................................................................................................................................................................ page 5
Directeur Insight chez le panéliste SymphonyIRI France
Yves MARIN ..................................................................................................................................................................................................................................................... page 7
Senior manager, spécialiste de la distribution,
pour le cabinet de consultants Kurt Salmon
Nicolas POUCHAIN .............................................................................................................................................................................................................................. page 9
Directeur du category management produits frais de Danone France
Patrick COLLIN et Eric BOUMENDIL .....................................................................................................................................................................page 11
Respectivement Directeur Commercial et Directeur du category
management GMS du fabricant de charcuterie Aoste
Vincent PICQ ...................................................................................................................................................................................................................................................page 13
Président du Directoire du groupe de distribution Schiever
Christian DUVILLET.............................................................................................................................................................................................................................page 15
Président Directeur Général du groupe de distribution Coop d’Alsace
et Président d’Hypercoop
François DELHAYE, Tiffany COLAS et Pascale THOMAS ......................................................................................................page 17
Respectivement Directeur du Développement, Responsable Produit Trade
et Responsable Suivi Clients et Produit Merchandising pour l’éditeur
informatique Coheris
Lexique
........................................................................................................................................................................................................................................................................ page 19
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
2
AVANT-PROPOS
Pour servir au mieux un consommateur de plus en plus exigeant et informé, et faire face à de nouveaux
modes de consommation, fournisseurs et distributeurs doivent réinventer leur métier. Les nouveaux
objectifs sont aujourd'hui de donner plus de pouvoir aux équipes terrain pour mieux s'adapter aux
spécificités locales, acquérir de la réactivité et de l'autonomie en magasin, en s'appuyant par exemple
sur des données de datasharing pour décider ensemble.
Facilitateur d'excellence opérationnelle en magasin au travers de ses solutions
Trade et Merch, Coheris se devait de participer à ce carnet rassemblant les
visions et expériences d'experts et d'acteurs influents du marché. Un concentré
de tendances et de réflexions pour définir les stratégies efficaces à mettre en
place en 2013 !
Fabrice Roux
Président Directeur Général de Coheris, éditeur français de solutions de CRM,
de Sales Force Automation (SFA) , de merchandising, de business intelligence
et de data mining.
C’est Luc Vandevelde, alors président du conseil de surveillance de Carrefour, qui l’a dit en… 2005 :
« 80% du succès d’un distributeur dépend de l’exécution et 20% de la stratégie ». Si c’était déjà le postulat
il y a sept ans, parions qu’il le sera encore cette année et dans les deux ou trois ans à venir. Et ce pour
une raison simple : la crise est installée et la consommation va en être affectée. Les ventes de produits
de grande consommation (PGC) devraient stagner en volume en 2012, et faire guère mieux l’an prochain
d’après les panélistes.
Moralité, enseignes et fabricants devront aller grappiller des points de chiffre d’affaires et de marge
partout où cela est possible. Augmenter la précision de leurs opérations quotidiennes (pertinence
de l’assortiment, soin au merchandising, lutte contre les ruptures et la casse produits, efficacité des
promotions…) en particulier dans les magasins, est une des voies les plus prometteuses. Le sujet de
l’excellence opérationnelle est un objectif de travail pour certains distributeurs et industriels, même si
personne ne le crie sur les toits.
Quoi qu’il en soit, le thème méritait que nous lui consacrions le Carnet d’Expériences que vous avez
entre les mains. Il donne la parole à différents acteurs de l’univers de la grande
consommation, panéliste, fabricants, distributeurs et éditeur de solutions
informatiques pour les magasins et les forces de vente, afin qu’ils traitent la
question sous des angles spécifiques et complémentaires. Car ne l’oublions
pas, si le commerce est souvent un métier de précision, c’est toujours un métier
de détails.
Olivier Bitoun
Journaliste économique indépendant,
spécialiste du e-commerce et de la grande consommation.
3
INTRODUCTION
Relancer la guerre des prix, augmenter la pression
sur les fournisseurs ou tailler dans les coûts de
ne sont pas les seules solutions pour défendre
le chiffre d’affaires et la marge. Fabricants de
produits de grande consommation et enseignes
peuvent emprunter une autre voie plus quotidienne
sans doute mais vertueuse sur le long terme. Son
nom ? La qualité de l’exécution en magasin ou
avec plus d’ambition l’excellence opérationnelle.
Les expressions « qualité de l’exécution » et «
excellence opérationnelle » sont suffisamment
hospitalières pour héberger de très nombreux
chantiers. Qu’il s’agisse de bâtir des assortiments
différents pour coller à la demande de chaque
zone de chalandise, d’affiner le merchandising, de
prendre des mesures pour diminuer les ruptures et
la casse produits ou de définir des outils pour mieux
gérer les promotions…
Les Britanniques donnent l'exemple
Il y a énormément à gagner sur ces dossiers. A
cause d’une exécution perfectible, les acteurs
de la grande consommation laissent échapper
des ventes et de la marge. Sans oublier les effets
négatifs que ces impairs ont sur leur image auprès
des consommateurs. Un magasin mal tenu est
un redoutable tue l’achat ! Quelques chiffres pour
s’en convaincre. Le taux de ruptures est de 13% en
moyenne(1) sur les produits de grande consommation
(PGC), ce qui représente un enjeu de chiffre
d’affaires de 8%, selon les chiffres d’ECR France.
Colossal ! En Grande-Bretagne, 34 distributeurs et
industriels regroupés dans ECR UK travaillent sur
la réduction de la casse de produits. En décembre
2011, ils avaient déjà réussi à éviter de gaspiller
70 000 tonnes de produits. Enorme ! Comment ?
En améliorant la qualité de leur exécution. Leurs
efforts ont déjà abouti à une meilleure intégration
des prévisions météo dans le processus de
commandes, à l’élimination d’emballages superflus
liés à la logistique, à une forme de gestion partagée
des approvisionnements plus poussée… Ces
réalisations en appellent d’autres. En France, ECR
va lancer début 2013, ainsi que l’annonce Xavier
Hua son délégué général, une étude sur les coûts
de l’inefficacité promotionnelle en raison de défauts
d’exécution : promotion parvenue en magasin plus
tard que prévu, packaging mal pensé qui complique
et renchérit la palettisation…
Dans plusieurs des dossiers qui précèdent,
l’amélioration de la qualité de l’exécution passera
par une plus forte collaboration entre industriels
et enseignes, qui pourrait prendre, la forme
d’échanges de données. Cette coopération est
nécessaire au niveau des directions commerciales
et achats, mais elle est surtout indispensable dans
les points de vente.
L'immédiateté et la personnalisation nouvelles
clés de l'exécution
Le rôle central que les magasins ont à jouer dans
l’amélioration de l’exécution des opérations soulève
une autre question : celle du pouvoir de décision. En
effet, les progrès ne seront possibles que si les chefs de
secteurs et les chefs de rayons gagnent en autonomie
pour adapter, en temps réel, les règles édictées par
leur centrale à la situation de leur magasin. En face,
les forces de vente des industriels doivent disposer
de la même latitude pour leur répondre, sans
faire remonter la question jusqu’à leurs directions
commerciales ou leurs category managers.
La recherche de l’excellence opérationnelle lance,
enfin, le débat sur les outils. De quelles solutions
informatiques et de quelles technologies au sens
large les équipes en magasin et les forces de vente des
fabricants ont-elles besoin pour mener à bien leurs
missions ? Les nouvelles exigences opérationnelles
répondent à deux règles principales : l’immédiateté
et la personnalisation. L’immédiateté suppose des
solutions suffisamment paramétrées en amont,
pour permettre aux utilisateurs de répondre, et de
déclencher, des actions instantanément ou presque.
Le mouvement vers la personnalisation appelle,
lui, des solutions souples, capables de prendre en
compte les spécificités locales des magasins.
(1) Sources : ECR et SymphonyIRI France
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
4
EXPÉRIENCE DE PANELISTE
« On peut s’attendre dans les prochains mois à
l’émergence d’un vrai category management. »
Jacques Dupré est Directeur Insight
chez le panéliste SymphonyIRI France
Les ventes de produits de grande consommation
se sont bien tenues au premier semestre 2012
en valeur, mais ont connu une croissance quasi
nulle en volume. Quelles sont vos prévisions
pour cette fin d’année et pour 2013 ?
C’est la fin de la récréation pour les consommateurs,
les fabricants et les distributeurs ! Sur l’ensemble
de 2012, il faut s’attendre à une croissance nulle
en volume pour les ventes de PGC et faible en
valeur, hors inflation.
La situation à laquelle nous sommes confrontés
est inédite. Ces 20 dernières années, nous
avons traversé des « crisettes » en 1993, 2004 et
2008. Chaque fois cela durait 18 mois, puis tout
repartait : les consommateurs reconstituaient
leur pouvoir d’achat et se faisaient à nouveau
plaisir ; le vouloir d’achat l’emportait sur le pouvoir
d’achat. Cette fois, c’est différent, il semble que
nous entrions dans une période de stagnation
du pouvoir d’achat des ménages qui pourrait
durer de 3 à 5 ans. Les consommateurs l’ont
compris. Ils ont intégré les mauvaises nouvelles
macroéconomiques : dette des États, hausse des
impôts, raréfaction des ressources naturelles,
augmentation du prix de l’énergie... Ils adaptent
leur consommation en conséquence. Le budget
alimentaire sert, sans doute moins que par le
passé, de variable d’ajustement dans un contexte
de hausse des dépenses contraintes. Ce n’est pas
le coup de frein sur la consommation, comme lors
5
de la crise de 2008 où les ventes avaient reculé de
1,5% en volume, mais c’est de la prudence voire
une certaine résignation face à une crise dont
personne ne voit encore l’échéance.
Comment les distributeurs peuvent-ils réagir à
ce blocage de la consommation ?
Je vois plusieurs hypothèses. Elles ne sont pas
exclusives les unes des autres. Première piste,
les enseignes relancent la guerre des prix pour
reprendre des parts de marché et développer
l’attractivité de leurs points de vente. Deuxième
solution, elles remettent un coup d’accélérateur
sur les marques de distributeurs (MDD) pour
offrir aux consommateurs des alternatives plus
économiques aux grandes marques. Mais leur
marge de manœuvre est assez faible, car les MDD
sont déjà omniprésentes. Après, il y a les achats.
Les distributeurs vont évidemment chercher à
obtenir les meilleures conditions possibles de
leurs fournisseurs. Parions que les prochaines
négociations commerciales seront dures, avec
des industriels qui seront sous pression.
Toutes les enseignes vont aussi bien sûr chercher
à réduire leurs coûts de fonctionnement, et
en particulier leurs frais de siège. Carrefour a
d’ailleurs a priori commencé. A l’échelon des
points de vente aussi des réductions de coûts
sont à prévoir. C’est pourquoi le self-scanning et
le self-checkout se développent dans un nombre
de plus en plus important de magasins et le
mouvement n’en est sûrement qu’à ses débuts.
Les pistes que je viens d’énumérer sont des
réactions sans surprise dès que les affaires
deviennent plus difficiles. Mais il existe une
dernière option qui est plus positive et très
prometteuse : c’est celle de l’excellence
opérationnelle en magasin. Il s’agit d’aller gratter
des points de croissance du chiffre d’affaires
partout où c’est possible. Tout le monde y a intérêt,
distributeurs comme fabricants. La réponse tient
en partie dans le category management. On
peut s’attendre dans les prochains mois et les
prochaines années à l’émergence, enfin d’un vrai
category management.
Vous évoquez la solution de l’excellence
opérationnelle en magasin et le category
management. Pouvez-vous être plus précis ?
Bon nombre d’hypers et de supermarchés ont
des réservoirs de croissance des ventes à aller
chercher. Il peut s’agir d’un problème de format
(grands hypers, hypers péri-urbains) ou d’un
problème propre à un rayon voire à une famille
de produits. Dans tous les cas, leur travail
va consister à trouver les actions correctives
qui leur permettront de rejoindre le niveau de
ventes auquel ils devraient être. Mais attention,
si les actions sont efficaces, il ne faudra pas les
appliquer systématiquement partout. C’est là
la nouveauté. Car chaque situation est unique.
Un assortiment identique pour tous les points
de vente du même format, quels que soit leur
zone de chalandise (niveau de vie, densité), leur
implantation (urbaine, péri-urbaine, rurale) et le
niveau de la concurrence, c’est fini. On s’achemine
vers une gestion plus locale, ce qui signifie qu’il va
falloir redonner du pouvoir de décision aux chefs
de rayons en magasin.
Quelles conséquences cette nouvelle donne
aura t-elle pour les industriels des PGC ?
J’ai parlé de l’émergence d’un vrai category
management. Cela ne se produira que si les
leaders de catégorie cessent de confondre
développement de leur propre activité et
démarche visant à améliorer les performances
de la catégorie. L’objectif commun des fabricants
et des distributeurs est de trouver le meilleur
assortiment et le merchandising le plus efficace
pour développer le chiffre d’affaires de toute
la catégorie. Dans le détail, la décentralisation
prévisible du pouvoir vers les magasins va obliger
les industriels des PGC à revoir les attributions et
les compétences de leurs forces de vente. Ils vont
aussi devoir reconsidérer les outils, matériels et
logiciels, dont ils les équipent. Dans ce registre,
je crois au développement du « data sharing » –
le partage de données – entre les distributeurs et
leurs fournisseurs. Le mouvement a timidement
démarré autour de 2005. Cela se limitait souvent
à des échanges de données non structurées, et de
ce fait peu utilisées. Depuis, les choses ont changé.
Les forces de vente disposent d’informations
précieuses qui peuvent aider un magasin à se
comparer à d’autres magasins de la même région
ou à des points de vente du même format, dans des
zones de chalandise analogues. Il faut maintenant
que le dialogue et la coopération s’instaurent sur
ce sujet entre les commerciaux et les personnels
en magasin.
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
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EXPÉRIENCE DE CONSULTANT
« Les fabricants, en particulier les challengers,
ont intérêt à assister les chefs de rayon. Ils gagneront
ainsi leurs galons sur le terrain et arracheront pourquoi
pas la place de capitaine de catégorie. »
Yves Marin est Senior Manager, spécialiste de la
distribution, pour le cabinet de consultants Kurt Salmon
Localisation de l'assortiment et du merchandising,
lutte contre les ruptures, gestion plus efficace
des promotions… Les chantiers de l’excellence
opérationnelle en magasin sont nombreux.
Lesquels sont prioritaires, selon vous ?
Il y a une vraie carence sur le sujet de l’adaptation
de l’offre. Sur des produits aussi répandus que du
jambon blanc ou des yaourts natures, il existe des
différences de consommation entre les régions de
France ! Mais les distributeurs ne savent pas adapter
localement leurs assortiments en fonction de la
demande. Or, ce n’est pas l’offre qui doit orienter
la demande, mais l’inverse. Danone commence à
croiser des données de consommation locales pour
aider les hypers et les supermarchés à caler leurs
assortiments sur leur zone de chalandise (voir
pages 9-10). C’est bienvenu, car les distributeurs
ne descendent pas à ce degré de finesse, par
manque de culture, de moyens humains et d’outils
de data-mining. Leurs centrales raisonnent au
mieux par grands types de magasins. Auchan avec
ses « grappes » et Système U avec « ses bassins
d’appartenance » (1) manifestent la volonté d’aller
vers des assortiments plus localisés. Mais c’est
encore tout frais.
Le déficit est-il le même sur le merchandising ?
Oui ! Là encore, les distributeurs ne savent pas
adapter le planogramme national à chacun de
leurs magasins. Ils gagneraient à monter des
7
commandos de merchandiseurs qui feraient la
tournée de leurs hypers et supermarchés pour
accommoder les plans merchandising sur le
terrain en fonction de la configuration des surfaces
de vente (hauteur des gondoles, piliers, position
des issues…). Pour l’instant, c’est le commercial
du fabricant qui aide, comme il le peut, le magasin
à adapter le planogramme en fonction de ses
contraintes. Mais cela reste du bricolage.
Pour gérer le sujet de manière plus professionnelle,
l’idéal serait que les forces de vente prennent des
photos du linéaire afin de les comparer avec le
planogramme national. Malheureusement, c’est
rarement possible, car les commerciaux ont peu
souvent accès au plan merchandising digitalisé
depuis leur PC.
Sur le merchandising toujours, les fournisseurs
peuvent aussi aider les points de vente à caler leurs
planogrammes sur les parcours des shoppeurs
dans le rayon. Je vous donne un exemple. Un
client n’achète pas un paquet de couches comme
il choisit un shampoing ! Dans le premier cas, il
fait son choix en 15 secondes, en moyenne, alors
qu’il prend 1 minute 30 secondes dans le second.
Le merchandising doit en tenir compte.
Pour finir, les fabricants ont un rôle de conseil
à jouer en matière d’implantation des produits.
Ils sont au courant des nouvelles formes de
consommation. Or celles-ci ont des incidences sur
le positionnement des références en magasin et
à l’intérieur du rayon. C’est ainsi que le snacking
génère aujourd’hui près de 15% du chiffre d’affaires
du rayon fromage.
Vous n’avez pas parlé de la lutte contre les
ruptures. Les fabricants ont-ils un rôle à jouer
en magasin sur le sujet ?
Evidemment ! Le taux de rupture est de 13% sur les
PGC en moyenne. Ces 13% de produits manquants
représentent un enjeu de chiffre d’affaires de 8%
dont la moitié est reportée sur des produits de
substitution et l’autre moitié est différée (2). Les
distributeurs sont très mal outillés pour mesurer
les ruptures au niveau national alors localement…
Les forces de vente des industriels effectuent
des relevés en linéaire pour leur compte. C’est
l’occasion de quantifier les ruptures et d’en
discuter avec le chef de rayons. Ensuite, il reste à
en comprendre la cause. Il y a deux ans Carrefour
avait recensé une centaine de causes de ruptures.
Il faut les identifier, les prioriser, agir et mesurer
les résultats des actions correctives. Dans certains
cas, il suffit simplement de revoir le rythme de
réapprovisionnement du magasin…
Et sur la gestion des promotions, y a t-il moyen
d’être plus efficace ?
Sur le sujet, les magasins ont besoin de conseils.
Quelles sont les mécaniques promotionnelles
qui fonctionnent le mieux sur ma zone de
chalandise : le format girafe, le pourcentage de
produit gratuit, les points sur la carte de fidélité,
le remboursement en espèces ? Voilà ce que les
chefs de secteurs veulent savoir. Voilà ce que les
forces de vente des industriels doivent leur dire.
Les promos représentent quand même 20% des
ventes des hypers et des supermarchés !
On entend parler de data sharing dans le registre
de la coopération entre enseignes et fabricants.
Que faut-il en penser ?
C’est un serpent de mer ! Pour l’instant ça a
surtout servi de prétexte aux distributeurs pour
réclamer des points de coopération commerciale
supplémentaires. Sur le fond, le sujet a de l’intérêt,
surtout pour les enseignes d’indépendants. Le
directeur d’un Leclerc, d’un Intermarché ou d’un
magasin U un peu isolé, a besoin des conseils
des commerciaux des marques, car il n’a ni le
temps ni les compétences pour traiter certains
sujets (tendances de consommation, innovations
produits…). De leur côté, les fabricants, en
particulier les challengers, ont intérêt à assister
les chefs de rayon. Ils gagneront ainsi leurs galons
sur le terrain et arracheront pourquoi pas la place
de capitaine de catégorie.
Notes :
(1) Les « bassins d’appartenance » : les Hypers U et Super
U d’une même aire géographique sont regroupés afin
de proposer une offre de produits de leur région. Les
magasins gèrent la relation en direct avec les fournisseurs
locaux, des PME la plupart du temps. Il existe 22 bassins
d’appartenance, 3 ans après le lancement du dispositif.
(2) Sources : ECR et SymphonyIRI France
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
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EXPÉRIENCE DE FOURNISSEUR
« L’excellence opérationnelle va être
la clé pour la gestion du fond de rayon
dans les deux années à venir. »
Nicolas Pouchain est Directeur du Category Management
Produits Frais pour Danone Produits Frais France
Comment se portent vos ventes d’Ultra Frais
en hypers et supermarchés et comment les
voyez-vous évoluer en 2013 ?
L’année 2012 marque une rupture sur le marché de
l’Ultra Frais. Entre le 1er janvier et le 9 septembre,
les ventes sont en recul de 1,5% en volume
(total HM+SM+HD source Nielsen), alors que la
catégorie progressait de 1,1% en volume sur 2011.
L’an prochain, les ventes devraient être étales
en volume, mais l’Ultra Frais reste un marché
porteur. Le PNNS recommande de consommer
trois produits laitiers par jour. Nous avons du
potentiel, puisque les Français en consomment
2,6 par jour actuellement.
On parle d’élever le niveau de la gestion
opérationnelle en magasin pour défendre la
rentabilité. Quelles actions concrètes peut-on
décider ?
L’excellence opérationnelle va être la clé pour la
gestion du fond de rayon dans les deux années à
venir. Il va notamment falloir faire baisser les taux
de casse et de rupture. Nous savons qu’en jouant sur
ces deux leviers, il y a entre 1 et 1,5 point de chiffre
d’affaires à récupérer. Au delà de ces deux sujets,
l’excellence opérationnelle couvre aussi, selon
nous, l’assortiment, le merchandising, le concept
et le mobilier de vente… Autant de domaines où il y
a aussi des optimisations possibles.
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Plusieurs enseignes cherchent à créer des
assortiments différents pour leurs magasins
selon leur région d’implantation. Comment
pouvez-vous les aider ?
Les distributeurs disposent de certaines données
pour les aider à définir leurs assortiments, mais
avec un niveau d’information macro. Ils disposent
en général des indices de consommation régionaux
par grandes catégories de produits. La lecture au
niveau inférieur, celui des familles de produits
qui composent les catégories, leur est plus
difficilement accessible. En tant qu’industriels,
nous pouvons les accompagner dans l’accès
à ces données. Pour leur fournir les réponses
les plus précises possibles, Danone a investi au
premier semestre de cette année dans un outil
de géomerchandising. Il recoupe différentes
informations, en provenance de l’Insee et de
panélistes. Cela nous permet de faire des analyses
de consommation par régions, mais aussi par
zones de chalandise à l’échelon des villes. A partir
de là, nos category managers ont des arguments
pour proposer aux distributeurs d’optimiser leur
assortiment en agissant sur la profondeur et sur
la largeur de l’offre. Sur le terrain, nos forces de
vente, soit 260 personnes, vont être équipées de
cet outil. Elles ont été formées en septembre et
mettront leur expertise au service des clients.
un vrai bénéfice pour transformer les objectifs
nationaux de nos clients et optimiser l’excellence
opérationnelle. Ensuite, nous avons amélioré sa
fiabilité en identifiant les produits générateurs de
casse et de rupture. Enfin, nous avons renforcé
notre expertise avec une fonctionnalité qui édite
des rapports automatiques sur le respect des
règles merchandising nationales et locales. Le
facteur clé de succès reste bien la collaboration
entre les équipes magasins et notre force de vente
notamment dans le partage des données de vente,
indispensables pour établir une bonne proposition
adaptée.
Sur le merchandising, quelle assistance
pouvez-vous apporter aux chefs de secteurs et
chefs de rayons ?
En tant que leader de la catégorie, nous sommes
présents sur 100% des familles de l’Ultra Frais et
leaders sur les 3/4 d’entre elles. Cela nous donne
un niveau de connaissance fort de l’ensemble
de l’offre. Notre expertise repose aussi sur
la connaissance que nous avons des grandes
tendances de consommation et des attentes
shoppeurs.
Enfin sur le terrain, l’ambition de nos 226 commerciaux (81 chefs de marché, 81 promoteurs de
vente et 64 responsables de secteurs dédiés au
circuit proximité) est d’accompagner l’excellence
opérationnelle en point de vente, c’est à dire, sur
le chapitre du merchandising, appliquer les règles
de l’enseigne et les faire vivre dans le temps.
De quels outils disposent vos forces de vente
pour travailler avec les équipes en magasins ?
Un des points de force, c’est notre logiciel
merchandising édité par Coheris. Nous l’avons
fait évoluer cette année dans trois directions.
Premièrement, nous avons automatisé les grandes
règles merchandising des différentes enseignes ;
On assiste à la progression du drive. Est-ce une
menace pour les hypersmarchés ?
Il va falloir redonner une mission à chaque format
de distribution. Le drive, selon moi, répondra à
l’avenir davantage aux achats de fond de frigo et
aux courses des familles. L’hypers va lui devoir
trouver son positionnement et son identité sur
l’alimentaire. Il pourrait devenir, par exemple, le lieu
de grands temps forts promotionnels en insistant
davantage sur la dimension événementielle que
sur le prix. C’est ce que font bien des marques
comme Coca-Cola, Lipton ou Red Bull. L’hypers
pourrait aussi être le lieu de découverte des
innovations. Enfin, il devra accorder plus de place
et de théâtralisation aux rayons traditionnels dans
un esprit place de marché (fruits et légumes,
boucherie, poissonnerie, charcuterie-traiteur…).
Dans ce cadre, l’Ultra Frais a également des
réponses à apporter ; il s’agit de produits sains,
bons pour tous les jours et pour toute la famille…
Le Groupe Danone en chiffres
• 4 marques principales : Activia, Danette,
Taillefine, Actimel…
• 27,6% de part de marché volume en grande
distribution libre-service : (hypers + supers +
hard discount, source Nielsen à fin P10 2012)
• 4 sites de production en France
• 585 000 tonnes produits en 2011 : (circuit
GMS exclusivement)
Source : Groupe Danone
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
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EXPÉRIENCE DE FOURNISSEUR
« Nos forces de vente terrain ont énormément
d’informations que les chefs de rayon n’ont pas.
Nous les encourageons à les partager. »
Patrick Collin et Eric Boumendil
sont respectivement Directeur Commercial et Directeur du Category Management
GMS du groupe de charcuterie Aoste, propriété de Campofrio Food Group
Comment se portent les ventes de charcuterie
en hypers et supermarchés et comment les
voyez-vous évoluer ?
La charcuterie se porte bien malgré la crise,
car c’est un produit qualifié de consommation
courante. On compte, en effet, 36 à 37 achats en
libre-service par an et par foyer.
Sur un an, les ventes de charcuterie en grandes
surfaces alimentaires (GSA) ont enregistré une
hausse de 4,5% en valeur en France, contre 3%
pour l’ensemble des PGC.
Ces prochains mois, le climat risque de se tendre,
car les cours du porc ont augmenté de 20% depuis
le début de l’année et devraient encore progresser
en 2013. Il est prématuré de parler d’impact sur
les ventes puisque nous ne savons pas encore
comment ces hausses des matières premières
seront répercutées aux consommateurs.
Dans ce climat de hausse des matières premières,
quelles actions peuvent être déclenchées en
magasin pour préserver la rentabilité ?
Les enseignes doivent cesser de vouloir à tout
prix une promotion moins chère que celle de
leur voisin. C’est destructeur de valeur. Nous
continuons à proposer des actions de promotion
« classiques » en magasin mais nous réfléchissons
également à de nouveaux formats de vente. En
Espagne par exemple, les produits de charcuterie
à 1€, 2€ ou 3€ avec des grammages adaptés ont
11
bien fonctionné. C’est une des propositions que
nous souhaitons partager avec les distributeurs.
Il y a aussi des gains à réaliser sur l’exécution en
magasin, car sa qualité peut être indiscutablement
améliorée. En effet, le taux de rupture atteint
parfois un niveau élevé, en particulier sur certains
produits comme le saucisson (le Groupe Aoste
possède les marques Cochonou, Justin Bridou
et César Moroni, ndlr), car la distribution affecte
en général plus de ressources aux produits de
destination qu’aux produits d’impulsion. C’est
dommage. Cela fait partie des aspects que nous
souhaitons améliorer à travers nos discussions
avec les distributeurs.
Auchan, Système U et Intermarché mettent
sur pied des assortiments différents selon les
régions d’implantation de leurs magasins ?
Qu’en pensez-vous ?
L’idée n’est pas inintéressante, mais cela a
un impact au niveau logistique et donc sur les
coûts des distributeurs. Les gains en chiffre
d’affaires que cette offre commerciale nouvelle
est censée générer couvriront-ils les surcoûts
qu’elle engendre ? Il faut certes tenir compte de la
demande des consommateurs qui apprécient des
produits fabriqués localement ou les spécialités
régionales - pas forcément « locales » d’ailleurs
- mais cela nécessite de notre part une gestion
complexe des assortiments proposés, et une
mieux l’offre de snacking avec des mises en scène
plus gourmandes et plus modernes car c’est
clairement un marché prometteur.
Voyez-vous d’autres sujets de collaboration
prometteurs avec les équipes en magasin ?
Oui, les échanges de données. Nos 80 commerciaux
sur le terrain sont munis du census secteur,
c’est à dire de la performance de la catégorie de
produits dans la zone géographique ; une zone
couvre de 1 à 3 départements. Ils ont énormément
d’informations que les chefs de rayon n’ont pas
(parts de marché volume et valeur, performance
de chaque référence, distribution numérique (1) sur
le secteur…). Ces der- niers n’ont souvent que la
performance de leur magasin ou de leur enseigne
au global, mais rarement un niveau de détail plus
fin. Nous encourageons nos forces de vente à les
partager.
logistique et un cadrage plus complexes pour les
distributeurs.
Sur le sujet du merchandising, quelle assistance
pouvez-vous apporter aux chefs de secteurs et
chefs de rayons ?
Avant de parler de merchandising, il faut déjà
régler le problème de la logique d’implantation !
Dans un magasin sur deux, le saucisson sec n’est
pas dans le prolongement de la charcuterie. On le
trouve à côté du lait, près d’une issue de secours,
avec les œufs… Et pourtant, quand il est positionné
à la suite de la charcuterie, ses ventes sont
supérieures de 20%.
Sur le merchandising d’une manière générale,
on aimerait voir un meilleur suivi en magasin
des implantations discutées en centrales. Si le
séquençage des segments de l’offre est globalement
respecté, on remarque parfois des écarts dans les
linéaires entre les différentes marques.
Autre piste, il y a des gains à réaliser en valorisant
On parle du rôle du téléphone portable et des
technologies associées en magasin. Lesquelles
sont les plus prometteuses ?
Celle qui nous semble la plus prometteuse et
techniquement réaliste à court terme, est celle
du QR code ou flashcode. En effet avec cette
technologie le consommateur scanne pour
obtenir des informations complémentaires qui
l’intéressent. Nous sommes en train de développer
une solution de ce type.
Notes :
(1) Distribution numérique : pourcentage de magasins détenteurs de la référence.
Le Groupe Aoste en chiffres
• 4 marques principales : Aoste, Justin Bridou,
Cochonou, César Moroni.
• 14%, la part de marché volume sur le jambon
cru (entier et tranché) en grande distribution
libre-service.
• 25%, la part de marché volume sur le
saucisson sec (entier et tranché) en grande
distribution libre-service.
• 7 : le nombre de sites de production en France.
• 60 000 tonnes : la production en 2011.
Source : Groupe Aoste
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
12
EXPÉRIENCE DE DISTRIBUTEUR
« Les ruptures en linéaire sont certainement ce
qu’il y a de plus urticant pour les consommateurs. »
Vincent Picq est le Président du Directoire du groupe Schiever
Schiever est un distributeur indépendant qui exploite plus de 160 magasins,
dont 14 hypersmarchés Auchan, dans le quart Centre-Est de la France et en Pologne
Comment voyez-vous évoluer vos ventes de
produits de grande consommation dans les
prochains mois ?
Le contexte est certes plus difficile que les années
précédentes, mais je n’anticipe pas de menace
grave sur le secteur de la grande consommation,
en alimentaire au moins. Les populations française
et mondiale croissent, les gens ont toujours besoin
de se nourrir et leur niveau d’exigence augmente.
Donc, il n’y aura pas de souci majeur, tant que l’on
continuera à bien faire notre travail.
Quels sont les chantiers prioritaires de votre
enseigne ?
La question que les enseignes se posent aujourd’hui
est de savoir ce qu’elles peuvent faire de leurs
surfaces de vente, à l’heure où une partie des
ventes de produits non-alimentaires partent chez
les pure-players du Web et où le drive grignote les
achats alimentaires programmés. Pour ma part, je
reste assez optimiste quant à l’avenir du magasin.
L’Homme est un animal social et il a besoin de
lieux où se rencontrer. Avant c’était l’église, puis
ça a été le bar, aujourd’hui, c’est le magasin entre
autres endroits. A nous de faire que les gens se
rencontrent chez nous. Si l’on possède le bon
emplacement et si l’on place dans les rayons ce
que les clients ont envie d’acheter, tout se passera
bien. Après, quels seront ces produits ? Personne
ne le sait. Il faut rester humble et être en veille
13
en permanence pour capter le plus tôt possible
les nouvelles tendances de consommation. A une
certaine époque, Carrefour avait une formule
géniale. Ils parlaient d’avoir « un quart d’heure
d’avance ». C’est très juste. Il faut toujours faire la
course en tête.
Quels leviers vos magasins peuvent-ils actionner
pour augmenter leurs ventes et leur rentabilité ?
Les ruptures en linéaire sont certainement ce
qu’il y a de plus urticant pour les consommateurs.
Chacun d’entre nous a sa liste de courses en
tête avec les produits qu’il juge irremplaçables.
Si nous sommes en rupture sur ces articles,
le consommateur ira les acheter chez nos
concurrents ! Cela rend le métier de commerçant
compliqué, car il faut être bon partout.
Heureusement que le chantier des ruptures
progresse. C’est l’un des sujets de prédilection
d’ECR France (1) depuis plusieurs années. Il est
vrai que nous avons tous intérêt à les éradiquer :
distributeurs, fabricants et clients. Dans de
nombreux cas, la solution passe par l’amélioration
de nos systèmes de prévision de commandes.
Dans le registre de l’offre, il y a des ventes à faire du
côté des produits locaux et des produits régionaux.
Je distingue les deux. Les produits locaux sont des
articles venus des alentours du magasin ; c’est le
cas des salades par exemple. Les produits régionaux
sont des spécialités venues d’une aire géographique
déterminée. Le jambon d’Aoste est un produit
régional, même si on en mange aussi à Brest !
Une collaboration plus étroite avec les industriels
peut-elle vous aider à développer vos ventes ?
Les fabricants n’auront pas, selon moi, un rôle
déterminant dans nos gains de parts de marché sur
nos concurrents. Sur ce chapitre, on entend parler
de partage de données – data sharing – dans toutes
les grandes conférences. Mais ce n’est pas le sujet
qui va révolutionner le commerce. Le partage a ses
limites. Nous autres distributeurs revendiquons
notre rôle de contact avec le client final ; l’industriel
revendique, à juste titre, sont rôle de créateur de
produits. Chacun doit rester à sa place. Les données
clients nous appartiennent. Nous ne souhaitons pas
les partager en bloc et de manière systématique
avec les fabricants. Après, nous ne sommes pas
opposés à le faire au cas par cas.
Les nouvelles technologies s’imposent dans le
commerce. Y en a-t-il, qui selon vous, contribuent
plus que les autres à l’excellence opérationnelle
en magasin ?
Je crois à 100% aux étiquettes électroniques de
gondoles. Grâce à elles, on gagne en efficacité et en
véracité. C’est un travail ingrat pour le personnel
des points de vente que de changer les étiquettes.
Tous nos magasins sont équipés d’étiquettes
électroniques, même les supérettes.
D’une manière générale, les nouvelles technologies
sont bien sûr intéressantes. Mais il faut rester
pragmatique. Il ne faut surtout pas en faire pour
en faire.
Notes :
(1) ECR France est un organisme paritaire qui rassemble les
distributeurs et les industriels du monde de la grande
consommation. Ses travaux portent sur l’optimisation de
deux domaines principalement : l’offre consommateur et
la chaine d’approvisionnement.
Le groupe Schiever en chiffres
• 1,33 milliard € de chiffre d’affaires en 2011
• 6100 salariés
• plus de 160 magasins exploités
• 7 enseignes différentes exploitées (Auchan,
Atac, Maximarché,
Proximarché, Flunch, Kiabi, Weldom).
Source : site du groupe Schiever (www.schiever.com)
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
14
EXPÉRIENCE DE DISTRIBUTEUR
« Nous n'exploitons qu'une infime partie des informations
que nous avons sur nos clients, en comparaison de ce qui
se pratique dans le secteur de la banque. »
Christian Duvillet est le Président Directeur Général du groupe
de distribution Coop d’Alsace et Président d’Hypercoop
Coop d’Alsace est un distributeur indépendant qui exploite, en Alsace, plus de 160 magasins,
dont des hypersmarchés et supermarchés Leclerc et des magasins de proximité
Les panélistes évoquent une stagnation de la
consommation en volume en 2012 et sont très
prudents pour 2013. Quelle est la situation dans
vos magasins ?
Nos ventes se tiennent plutôt bien. Nous sommes
à +3,5% en valeur, un peu plus sur les hypers et un
peu moins sur les supermarchés. Particularité de
l’Alsace qui a son importance : les hypers y sont
plus petits que dans les autres régions. On est plus
près des 3500 mètres carrés que des 15 000 mètres
carrés. Seconde caractéristique encourageante, le
pouvoir d’achat est élevé dans notre région ; il est
proche de celui de l’Ile-de-France.
Cela dit, 2012 est une année difficile. L’alimentaire
sert de variable d’ajustement dans les budgets
des consommateurs. Quant à 2013, ce sera
aussi une année tendue, car la situation de
l’emploi est anxiogène. Les prélèvements fiscaux,
annoncés en hausse, vont certainement freiner la
consommation.
Dans quels domaines les magasins peuvent-ils
faire des progrès sur le plan opérationnel, selon
vous (gestion des assortiments, merchandising,
ruptures…) ?
On a du mal en logistique. Les coûts obligent à
massifier le transport, alors que c’est contraire à
la flexibilité dont on aurait besoin pour suivre les
fluctuations des ventes. Nos magasins devraient
davantage passer leurs commandes en fonction
15
de la demande des clients. Le pire c’est l’été ! Les
ventes de certains produits (liquides, viandes à
griller…) varient tellement avec la météo que ça en
devient aberrant. S’il fait beau la demande explose
et nous tombons en rupture, si le temps se gâte, on
se retrouve avec une casse parfois considérable…
Vivement des prévisions de vente plus fines,
fondées sur des historiques météorologiques. Des
offres existent dans ce domaine, mais c’est encore
insuffisant.
Sur le sujet des assortiments, je crois beaucoup à
la personnalisation en fonction des régions voire
des magasins. C’est ce qu’a fait l’automobile : les
usines fabriquent les mêmes voitures en grandes
séries pour abaisser les coûts mais ensuite,
le client peut personnaliser son véhicule en
différents points. Dans notre métier, les produits
régionaux participent à la personnalisation de
l’offre. Dans nos petits supermarchés, nous avons
350 références de produits alsaciens sur des
assortiments de près de 15 000 références, et près
de 70% de la viande dans nos supermarchés est
originaire d’Alsace. C’est un bon moyen de lutter
contre la banalisation de l’alimentaire.
Sur le merchandising, quelles marges de progrès
existe-t-il ?
Commençons par les fondamentaux : les linéaires
ne sont pas toujours impeccables. Or il me semble
que, quand c’est rangé, cadré, on vend plus. Même
les hard-discounters ont eu des difficultés quand
ils ont affadi leur concept qui reposait, à l’origine,
sur un nombre de produits limité, présentés sur
des palettes et dans des cartons parfaitement
alignés.
Connaissez-vous bien vos clients dans la
distribution ?
Non ! Le problème est culturel. Quand je compare
le niveau de sophistication des fichiers du monde
de la banque, dont je viens, avec celui de la
distribution, je mesure le travail qu’il reste à faire.
Je vous donne un exemple : si vous êtes client
de la Foire aux Vins, je n’ai pas dans nos outils
informatiques la codification « amateur de vin »
ou mieux, « amateur de vin de Bourgogne ». Or,
on devrait pouvoir utiliser ces données pour affiner
nos prévisions de vente et faire aux consommateurs
des offres pertinentes. D’autant plus que nous
avons sous la main toute l’information nécessaire,
grâce aux tickets de caisse et aux cartes de
fidélité. Les magasins font des efforts pour mieux
connaître leur zone de chalandise, mais cela reste
ponctuel et souvent artisanal.
Sur quels sujets les industriels pourraient-ils
vous aider à développer vos ventes ?
Les fabricants ne doivent pas seulement nous livrer
des produits, ils doivent nous apporter de la valeur
ajoutée. Il faut se pencher sur la décomposition du
prix des produits (matière première, packaging,
logistique, communication, marge…) et réfléchir
aux solutions d’optimisation. Je vous donne
deux exemples. Pour commencer, les fabricants
devraient nous proposer davantage de lots en
prêt-à-vendre. Tout le monde y gagnerait. Autre
exemple, les promotions. En Belgique plutôt que
de proposer trois bouteilles d’huile d’olive pour
le prix de deux, ils référencent, en fond de rayon,
un container de 3 litres qui consomme moins de
packaging et génère de ce fait plus de marge.
Le groupe Coop d’Alsace en chiffres
• 750 millions € de chiffre d’affaires, dont
600 millions € pour HyperCoop, la filiale qui
gère les hypers et supermarchés.
• plus de 160 points de vente dont 6 hypersmarchés Leclerc, 23 supermarchés Leclerc
et 144 magasins de proximité à l’enseigne
Coop.
• 3000 salariés
Source : groupe Coop d’Alsace
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
16
EXPÉRIENCE D’EXPERTS
« Le logiciel de merchandising idéal doit être
à la fois systémique et opportuniste. »
François Delhaye, Tiffany Colas et Pascale Thomas
sont respectivement, Directeur du Développement, Responsable Produit Trade et
Responsable Suivi Clients et Produit Merchandising pour l’éditeur informatique Coheris
Quelles solutions a la distribution pour répondre
au ralentissement de la consommation ?
François Delhaye : Oser des assortiments
adaptés aux zones de chalandise et redonner du
pouvoir aux magasins, aux directeurs, aux chefs
de secteurs et aux chefs de rayon. Les équipes en
hypers et supermarchés devraient être davantage
responsables de leur chiffre d’affaires. Mais
encore faut-il qu’elles aient les manettes et les
compétences pour faire changer les choses :
décision sur l’assortiment, les promotions, les
animations… Il y a bien eu des tentatives ça et là
pour encourager la proximité avec le terrain et la
réactivité, mais on a fini par les étouffer au nom de
la standardisation. Les enseignes d’indépendants
ont de meilleurs résultats actuellement que les
intégrés car leurs équipes sont souvent mieux
insérées dans la vie locale.
La recherche de l’excellence opérationnelle en
magasin est-elle la réponse ?
François Delhaye : Il faut évidemment travailler
dans cette direction car le taux de rupture ne
baisse pas. La logistique est fréquemment
incriminée, pourtant des causes sont aussi à
chercher en magasin ; l’espace linéaire accordé
aux différentes références n’est pas toujours juste,
ce qui provoque des ruptures.
Mais la recherche de l’excellence opérationnelle
ne doit pas faire perdre de vue une autre dimension
17
essentielle : celle de la théâtralisation des points
de vente. On entend partout que les courses sont
une corvée. Que les enseignes et les industriels
fassent bouger les choses ! Sur une famille comme
la conserve de poisson, la marque Petit Navire a
accompli un travail remarquable pour mettre de la
couleur et aider au repérage en linéaire. Dans le
même esprit, il faudrait rendre les magasins plus
modulables en modifiant la position des meubles
selon les saisons. En un mot, il faut renouveler !
Comment les industriels peuvent-ils aider les
distributeurs dans cette démarche ?
Tiffany Colas : Un responsable merchandising
d’enseigne a couramment face à lui 6 ou 7 responsables merchandising d’industriels dans
chaque rayon ! C’est une vraie puissance d’analyse
et de conseil qu’il peut solliciter. Cela ne veut
pas dire qu’il doit laisser les commandes aux
industriels. Il aurait juste intérêt à les écouter
davantage et à les coordonner. Les distributeurs
ont créé des services études en centrale, mais
leurs
analyses
descendent-elles
toujours
jusqu’aux chefs de rayon ? Ce n’est pas certain.
Pourquoi l’information n’arriverait-elle pas aussi
aux équipes magasins par l’intermédiaire des
forces de vente des fabricants ?
Sur l’innovation produits également, il y a des idées
de collaboration enseigne-fabricant à reprendre.
Intermarché a créé un comité de validation
des innovations. 1400 de ses magasins s’y sont
abonnés ; ils profitent d’un flux logistique poussé
qui leur garantit que les innovations validées
arriveront plus rapidement dans leurs rayons.
Quant aux industriels, un circuit de validation de
ce type les oblige à proposer de vraies innovations.
Avec quels outils ?
Pascale Thomas : Les commerciaux font un métier
de terrain ; il leur faut des solutions informatiques
où les grandes règles sont déjà paramétrées pour
aller vite, mais suffisamment souples pour prendre
en compte la configuration de chaque magasin et
permettre des simulations en temps réel. C’est
vrai en particulier en merchandising ; le logiciel
idéal doit être à la fois systémique et opportuniste.
Si l’on regarde maintenant les solutions de type
Sales Force Automation (SFA), l’outil idéal doit
remplir au moins deux fonctions : servir à faire des
relevés en rayon, et inciter à la prise de décision
immédiate au moyen d’un système d’alertes. Une
fois de plus, l’objectif est de favoriser une action
de proximité, car si les informations récoltées sur
le terrain par les forces de vente doivent remonter
jusqu’au category manager qui est au siège avant
la moindre prise de décision, c’est peine perdue.
Pour conclure sur le sujet, je conseille aux
fabricants d’équiper leurs forces de vente de
logiciels développés spécialement pour le secteur
de la distribution, et dotés de fonctionnalités métier
bien précises. Aujourd’hui, toute analyse magasin
doit tenir compte du développement des drives.
C’est notamment ce que permet notre logiciel
de SFA "Trade". Ses analyses seront encore plus
fines, dès que les panélistes fourniront les données
"Drive" sur une zone de chalandise.
Quelles technologies vous semblent les plus
prometteuses pour un usage sur le point de
vente ?
François Delhaye : Pour les forces de vente,
c’est sans conteste la tablette. Grâce à elle, le
commercial peut apporter en magasin beaucoup
plus de contenus qu’avec un ordinateur portable.
La tablette est plus légère qu’un PC, elle démarre
plus vite et possède une bonne autonomie. Autre,
avantage, elle permet de prendre des photos.
Enfin, rien n’interdit de la transformer en PC à
la maison, grâce à ses multiples ports USB, pour
faire du travail de saisie. C’est une vraie révolution.
Que pensez-vous des logiciels qui construisent
des plans merchandising à partir de relevés
photos du linéaire ?
Tiffany Colas : On constate actuellement un
engouement pour ce type d’outils. Nous regardons
le sujet, mais nous sommes réservés. Ce type de
solutions demande souvent un important travail
de traitement des images avant utilisation, ce qui
réduit à rien le gain de temps supposé.
Coheris édite pour l’univers de la grande
consommation des solutions logicielles de
CRM, de Sales Force Automation (SFA), de
merchandising, de business intelligence et de
datamining. En savoir plus : www.coheris.com
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
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LEXIQUE
Quelques définitions…
Capitaine de catégorie : le terme désigne,
dans le cadre d’une politique de category
management, le fabricant choisi par l’enseigne
comme partenaire principal en vue de la
gestion d’une famille de produits (définition de
l’assortiment, conseils merchandising…). Le
capitaine de catégorie, category captain en anglais,
est généralement la marque leader dans la famille
de produit.
Casse (taux de) : elle inclut tous les produits
cassés et mis au rebut pour différentes raisons
dont notamment le dépassement de la date limite
de consommation.
Category management :
le category
management est une procédure d’optimisation
des ventes d’une catégorie de produits qui est
généralement menée conjointement par une
enseigne et un ou plusieurs fabricants industriels.
Le category management est plus large que
le simple merchandising, car il dépasse les
problématiques d’allocation d’espace de vente
et prend en compte la satisfaction optimale des
besoins des consommateurs. Il est généralement
considéré comme une des composantes de l’ECR
(source : www.definitions-marketing.com)
Data sharing :
l’échange de données, en
français, est une pratique qui consiste pour les
distributeurs et les industriels à s’échanger des
informations et des statistiques afin d’analyser et
de s’étalonner.
Planogramme :
C’est la traduction visuelle
de l'implantation prévue des produits en linéaire.
Le planogramme indique le séquençage des
référence et le nombre de facings par références.
Il renseigne aussi sur les dimensions physiques
(hauteur, longueur, profondeur des tablettes) des
meubles de vente.
PNNS
(Programme National de Nutrition Santé) :
Le PNNS 3 (2011-2015) fait suite aux deux premiers
menés en 2001 et 2006 par le Ministère du Travail, de
l’Emploi et de la Santé ainsi que par différentes Unités
de Recherche. Il a pour but, comme les précédents,
de promouvoir l’accès généralisé à une alimentation
équilibrée et variée ainsi que de valoriser la pratique
d’une activité physique régulière. L’objectif commun
de ces programmes est de prévenir l’apparition de
certaines maladies (cardiovasculaires, obésité, diabète)
dont l’origine peut être alimentaire. Le PNNS 3 veut
également réduire les inégalités sociales en matière
d’alimentation (source : www.nutrition-expertise.fr).
Rupture (taux de) : C’est le nombre de fois sur
une période donnée où une référence produit s’est
trouvée absente du rayon, en raison d’une rupture
de stock ou d’un approvisionnement défectueux de
ce rayon. Le taux de service est l’inverse du taux de
rupture (source : www.mercator-publicitor.fr)
SFA (logiciel) : SFA pour Sales Force Automation
(automatisation de la force de vente) est dérivé du
concept de la gestion de la relation client (GRC ou
CRM en anglais). Un logiciel de SFA fournit aux forces
de ventes un ensemble de fonctionnalités pour gérer
le plus efficacement possible leurs relations avec
leurs clients distributeurs.
Shoppeur : c’est le nom donné au consommateur
quand il se trouve dans le magasin, devant le rayon,
en situation d’achat.
Zone de chalandise : la zone de chalandise d'un
point de vente est l’aire géographique d'influence de
celui-ci, d'où provient la majorité de sa clientèle.
SLA : Service Level Agreement. Contrat qui fixe la
qualité de service nécessaire entre un prestataire
et son client. Il fixe le contenu de la prestation, les
garanties ou encore la responsabilité de chacun.
Par extension, le terme est utilisé pour désigner la
performance encadrée par le contrat.
EXPÉRIENCES Enjeux Grande Consommation
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