dans la Liturgie Dominicale - Pères Blancs, White Fathers

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dans la Liturgie Dominicale - Pères Blancs, White Fathers
Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
DIALOGUE INTERRELIGIEUX
ET
LITURGIE DOMINICALE
Année C // 2012-2013
Première partie :
Du 1er Dimanche de l’Avent
au
5ème Dimanche de Carême
Province Pères Blancs MAGHREB [email protected]
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Nous travaillons à l’Interculturalité comme avènement de l’humain plénier.
Et parce que la plénitude de l’humain suppose ouverture spirituelle,
le dialogue interreligieux est central.
Il permet à chacun d’énoncer et de vivre qui est Dieu pour lui,
tout en promouvant l’homme juste.
Mgr. Barthélemy Adoukonou
Conseil Pontifical pour la Culture1
La communauté catholique du monde entier va vivre cette année sous le
double signe de la célébration du 50ème anniversaire du deuxième Concile de
Vatican et de l’année de la foi, proposée par le Pape Benoît XVI.
Il est heureux qu’il s’agisse d’une année de la foi et non pas d’une année
« du dogme», « du culte »… ou « du droit canon » !! Car toutes ces réalités nous
séparent des autres, alors que la foi elle nous relie à des expériences fortes
découvertes dans la vie, semblables, chez les autres croyants. Jésus lui-même a
fait l’éloge de la foi du centurion (Lc 7,9), avec qui il ne partageait ni le dogme,
ni le culte… ni la culture. Savoir découvrir l’action de Dieu dans le monde qui
nous entoure, en le regardant avec bienveillance est la plus grande leçon que le
Concile Vatican II nous a léguée.
Nous continuons ainsi à vous proposer, pour la troisième année
consécutive, quelques pistes pour l’animation pastorale des communautés qui
vous sont confiées. Nous le faisons fidèles à notre vocation missionnaire, à notre
foi en Jésus et à ce regard amoureux pour le monde dans le quel nous ne sommes
pas les seuls à chercher comment faire la volonté de Dieu.
N’hésitez pas à adapter ces pages et, pourquoi pas, à nous partager vos
expériences.
P. Anselme Tarpaga
P. Eric Bladt
P. Raphaël Deillon
P. José Maria Cantal Rivas
1
Cité dans LA VIE nº 3475, p. 27.
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
1er Dimanche
Avent
1ère lecture : Annonce de la venue du Messie (Jr 33, 14-16)
Psaume : Ps 24, 4-5ab, 8-9, 10.14
2ème lecture : Comment se préparer pour le jour du
Seigneur (1Th 3, 12 -- 4, 2)
Evangile : L'attente de la venue du Fils de l'homme (Lc 21, 25-28.34-36)
Face aux tragédies économiques, sociales et climatiques qui hantent notre monde
aujourd’hui, les dangers pour le chrétien seraient l’essoufflement et la passivité : Que
pouvons-nous faire ? De toute façon c’est comme ça ! On ne peut rien changer : les
pauvres seront toujours pauvres, et ils n’auront jamais la justice car les riches ne vont
jamais accepter de perdre leurs intérêts. Cet essoufflement et cette passivité nous
hantent encore plus, surtout en ce moment même où le fossé économique entre les
riches et les pauvres s’approfondit ; et cela aussi bien dans les pays du Sud que dans les
pays du Nord. Le risque de la passivité est encore grand quand on voit maintenant ce
qui se passent au Proche-Orient où vainqueurs et vaincus sont tous pris dans la même
tourmente de la violence. Le risque de la passivité est toujours grand quand on regarde
ce qui se passe au Congo, au nord Mali ou en Syrie. Oui, en effet, on peut s’essouffler et
baisser les bras. On est tenté, si on ne l’a pas déjà fait, de baisser les rideaux de nos
fenêtres sur ce monde de l’injustice et de la guerre qui nous entoure.
Mais au cœur de ce monde sombre, l’Eglise nous invite à entrer dans le temps de
l’Avent en allumant le cierge de l’Espérance. L’Eglise nous invite à ouvrir nos cœurs à
la voix du Christ qui nous appelle dans l’Evangile à veiller et à ne jamais baisser les
bras. L’Eglise nous invite à faire nôtre le cri du psalmiste : « Vers toi, Seigneur, je lève
mon âme, vers toi mon Dieu » !
En effet le temps de l’Avent est un temps d’espérance. C’est un temps où nos
désirs les plus profonds de paix, de justice et de bonheur rencontrent ceux de Dieu.
Notre monde tel qu’il est aujourd’hui n’est pas loin, en matière d’injustice et de
corruption, de celui de Jérémie. Le peuple avait besoin d’un leader animé de justice et
de droiture pour diriger le pays. Dans son désespoir il ne pouvait plus chercher cette
justice et cette droiture ici-bas parmi les hommes. Et quand il ferme les yeux sur son
humanité corrompue, Dieu lui tape les épaules pour lui dire : réveille-toi ! Je ferai naître
chez toi un germe de Justice. Pas ailleurs ; mais chez toi, ici dans la lignée de David.
Oui, la grande espérance de ce temps de l’Avent, c’est la confiance de Dieu en notre
humanité lorsque nous avons-nous-même perdu tout espoir. Dieu nous fait confiance !
Avec Lui, ayons le courage de regarder notre monde sans nous décourager.
La force qui nous permet de nous tenir debout dans ce monde où tout chancelle
se trouve dans la prière et la pratique de la charité, c’est-à-dire l’Amour. La prière nous
permet de rencontrer le Christ qui est vivant et qui agit pour ce monde. La prière nous
aide à porter notre monde avec le Christ, de l’orienter sans cesse vers Dieu en
communion avec tous les croyants qui prie et crie vers Dieu du plus profond de leur
cœur.
L’Amour est la force qui nous sauvera et qui sauvera le monde. Cet amour qui se
vit à l’intérieur de nos communautés, nous dit saint Paul, ne sera parfait que s’il déborde
vers les autres en traversant nos frontières religieuses, ethniques, raciales et régionales
pour englober tous les hommes, nos frères et sœurs.
P. Anselme Tarpaga pb
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ème
Dimanche
Avent
1ère lecture : En marche vers la Jérusalem nouvelle (Ba 5, 1-9)
Psaume : Ps 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6
2ème lecture : Marchons sans trébucher vers le jour du Christ
(Ph 1,
4-6.8-11)
Evangile : Jean Baptiste prépare le chemin du Seigneur
(Lc 3, 1-6)
En ce deuxième dimanche de l’Avent, nous allumons la deuxième bougie qui
apporte un plus de lumière sur notre chemin vers Noël, la venue de notre Sauveur.
Prenons un peu de liberté, et donnons à cette bougie le nom qu’on voudrait. Comment
voudrais-tu que ce deuxième cierge allumé soit appelé ? Quelle signification voudrais-tu
donner à ce « plus de lumière » sur notre cheminement liturgique, chrétien et humain ?
Moi, je voudrais l’appeler la lumière de Jérusalem en raison de la première
lecture qui commence par une belle invitation lancée à Jérusalem : « Jérusalem, quitte ta
robe de tristesse et de misère et revêt la parure de la gloire de Dieu pour toujours » ! Et
pour moi, Jérusalem ici est un symbole porteur de trois sens : la Jérusalem ville des
croyants ; la Jérusalem mères des migrants et des gens de la route ; la Jérusalem, citée
de Dieu intérieure au fond de tout homme.
Oui, la lumière qui s’allume aujourd’hui est la lumière de la Jérusalem qui
embrasse tous ses enfants du levant au couchant par la Parole de Dieu très Saint. La
Jérusalem d’aujourd’hui par la force de l’histoire se trouve au cœur de toutes les trois
grandes religions monothéistes. J’ai dit par la « force de l’histoire », mais notre Dieu
n’est-il pas un Dieu de l’histoire ? N’est-il pas un Dieu qui se révèle dans l’histoire ?
Depuis toujours le Dieu biblique a fait chemin avec l’humanité, à travers le peuple
d’Israël, mais pas d’une façon exclusive. Et je suis persuadé que dans l’histoire, qui a
abouti à faire de Jérusalem La Ville des trois grandes religions est aussi une histoire
sacrée malgré son « hommerie » ! Mais hélas, comme le prophète Baruch, nous
voudrions tant crier à l’oreille de la Jérusalem d’aujourd’hui cette prophétie :
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère et revêt la parure de la gloire de Dieu
pour toujours » ! Oui, la Jérusalem d’aujourd’hui est triste et a besoin de cette « paixde-la-justice ». Certes, nous dirons qu’il nous est impossible de nous faire entendre par
cette grande Jérusalem, mais il y a des « jérusalem » partout où des croyants vivent
ensemble et se réclament héritiers de la même terre. La paix dans la grande Jérusalem
commencerait par la paix dans nos petits « jérusalem » où nous labourons une culture de
l’amour, de la justice, de la paix et du respect de l’autre croyant dans ses convictions et
valeurs. Nos « jérusalem » devraient être des lieux où nous laissons Dieu être Dieu dans
sa gloire, sans que nous cherchions à « Le faire », Dieu n’a pas besoin de nous pour se
faire exister.
La lumière qui s’allume aujourd’hui c’est aussi pour moi, la Jérusalem qui
symbolise la mère de tous ces migrants dispersés partout dans le monde. Comme la
Jérusalem qui a vu partir ses enfants, leurs mères aussi les ont vus partir, s’éloigner de
la maison familiale. Elles ont vu partir leurs enfants, emmenés par la pauvreté et la
guerre… Elles les ont laissés partir avec l’espoir qu’ils vivront mieux ailleurs et qu’ils
réussiront dans la vie pour pouvoir les aider à leur tour. Ces fils et filles qui partent, par
exemple, risquant l’immensité du Sahara avec sa soif et son insécurité n’ont que Dieu
seul pour appui. Ces à leurs mères que nous voulons porter le cri prophétique de Baruch
« tu les a vus partir à pied emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en
triomphe, comme sur un trône royal ».
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Enfin, tous, au plus profond de nous-même nous faisons souvent l’expérience de
l’exil. Nous errons loin de la demeure profonde de Dieu dans notre cœur. Ainsi, cette
Jérusalem intérieure que nous portons tous en nos cœurs, se réveille à la voix du
prophète Baruch et espère notre retour. Ouvrons nos cœurs à l’appel de Jean Baptiste.
Abattons les montagnes de préjugés, remplissons les vallées de haines et de vengeances,
et créons des chemins de solidarités. Voilà là des propositions concrètes qui nous
aideront à retrouver notre Jérusalem intérieure, vêtue de sa robe de gloire.
P. Anselme Tarpaga pb
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ème
Dimanche
Avent.
Gaudete !
> 1ère lecture : « Fille de Sion, réjouis-toi, car le
Seigneur est en toi » (So 3, 14-18)
> Psaume : Is 12, 2, 4bcde, 5-6
2ème lecture : Soyez dans la joie : le Seigneur est
proche (Ph 4, 4-7)
> Evangile : Jean Baptiste prépare les foules à la venue
du Messie (Lc 3, 10-18)
S’il y’a une question centrale et fondamentale commune à toutes les religions,
c’est bien celle posée aujourd’hui par les auditeurs de Jean-Baptiste : « Que devonsnous faire ? » Nous retrouvons cette question d’une façon explicite dans un autre
passage qu’on retrouve dans les trois évangiles synoptiques où le jeune homme riche
demanda à Jésus : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie
éternelle ? » Même si le jeune homme riche et les auditeurs de Jean-Baptiste ne sont pas
au même niveau de cheminement intérieur, on peut néanmoins dire que la finalité visée
est la même : être parfait, avancer un peu plus sur ce chemin à la quête de Dieu
En nous centrant sur l’évangile d’aujourd’hui, je trouve les réponses de JeanBaptiste un peu étranges à ces juifs pieux désirant la conversion : il ne leur dit pas
comment accomplir la prière pour être sauvés ! Il ne leur dit pas non plus combien de
fois par jour ou par semaine il faut monter au temple. Il les appelle à une conversion
pratique. Et ce qu’il dit peut se résumer comme suit :
- Tu veux être sauvé ? Alors pratique la solidarité et le partage !
- Tu veux être sauvé ? Alors, pratique la justice !
- Tu veux être sauvé ? Sème la paix autour de toi dans ton travail, dans ton lieu de
vie !
J’ai qualifié d’étranges les réponses de Jean-Baptiste, mais je pense que je pourrais
aller même un plus loin et dire que la personnalité de Jean-Baptiste elle-même est
étrange ! Quel est cet homme de Dieu qui vit loin du temple et de ses actes de culte ?
Quel est ce fils de prêtre qui va prendre refuge au désert loin des systèmes religieux de
son temps ? Oui Jean-Baptiste lui-même est étrange, et c’est justement cela que nous
sommes appelés à imiter en ce temps de l’Avent. Si nous voulons créer un monde de
fraternité, de solidarité, de justice et de paix avec tout le monde, il nous faut souvent
accepter de nous éloigner un peu de nos systèmes de croyances fermés. Il nous faut
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
accepter d’aller au désert, nous déposséder de nos sécurités et systèmes religieux pour
enfin retrouver notre humanité commune avec tous les hommes.
En marchant vers Noel, le changement de vie est très important. Mais il est un
impératif si nous voulons que Noël soit vraiment un avènement pour tous.
P. Anselme Tarpaga pb
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ème
Dimanche Avent
Marie se mit en route
rapidement…
Heureuse celle qui a cru !
Noël est dans deux jours !
Même parmi nos paroissiens habituels, beaucoup seront pris par un double sentiment :
- une certitude vague, mais forte, comme quoi « c’est bien d’être bon » ;
- un vertige consumériste, qui s’est emparé de toutes les fêtes… de toutes les
religions !
Comme animateurs des communautés et responsables spirituels sachons profiter de ces
éléments pour construire des ponts. La deuxième lecture nous a parlé qu’il y a mieux
que d’offrir des cadeaux, des offrandes : il y a le corps, la personne, la présence,
identité… puisque cela ne surprend personne dans ce temps de noël, comme Marie,
osons le geste fraternel en direction de ceux qui ne croient pas comme nous. Mettons
nous en route vers eux. Et, même si on porte quelques friandises ou quelques cartes de
vœux avec un texte biblique entre nos mains, sachons y aller vers eux en prenant du
temps, sans donner l’impression que nous voulons repartir vite.
« Me voici, je suis venu… » dit la lettre aux Hébreux. « Marie se mit en route
rapidement… elle entra chez Elisabeth… elle salua… Comment ai-je ce bonheur que tu
viennes jusqu’à moi ? » nous raconte l’évangile de Luc.
Savoir faire le premier pas peut signifier aussi nous préparer à accueillir ceux qui
viendront vers nous : à Noël les églises accueillent des nombreux non-pratiquants et des
nombreux non-chrétiens. Soyons attentifs à leur présence par un mot d’accueil, par la
décoration, par le choix des chants, par le contenu de l’homélie, par l’emplacement de la
crèche… Les accueillir pourrait les aider à nous inviter lors de leurs fêtes : si l’occasion
arrive, ce jour-là sachons répondre à leur invitation.
Ne soyons pas trop modestes ! Un tout petit geste d’amour peut être semence de Vie.
Comme le oui d’Elisabeth ou celui de Marie. Comme Bethléem qui n’a pas été, malgré
les apparences, une petite ville de rien du tout… Comme notre communauté, car elle est
présence du Christ, son Corps : « Tu m’as donné un corps. Voici, je viens ! Et je suis
dans la joie… »
P. Anselme Tarpaga pb
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Messe du jour
Noël
Tel est notre Dieu
Is 52 : 7-10
Hbr 1 : 1-6
Jn 1 : 1-18
Regardons bien la crèche :
Tel est notre Dieu. Scandale pour les uns ; salut, guérison, libération pour les autres.
Devant un enfant nouveau-né, l’homme se tait, il reste silencieux. On ne crie pas devant
un bébé ! Je m’émerveille. Je n’ai qu’à accueillir la vie nouvelle comme un don.
L’enfant vient pour vivre et pour être avec tous. Impuissant, livré entre les mains des
hommes. Image parfaite de Dieu invisible.
Tel est l’homme. Fragile, vulnérable, faible, lié à la terre, périssable. Il a tout à
recevoir ; il a tout à découvrir. A la fois grandeur et petitesse. L’enfant reçoit sa dignité
humaine d’un AUTRE ; il va grandir humainement, physiquement, spirituellement. Il
attend des grandes personnes patience, compréhension, miséricorde et pardon. Devant
l’enfant de la crèche, je me dis : l’Humanité peut me révéler Dieu, peut me dire Dieu,
peut me montrer un autre monde et en parler. Il est « Image de Dieu ».
Telle est ma foi. Je ne peux pas concevoir Dieu sans l’homme, ni l’homme sans Dieu.
L’humanité et la Divinité ne font qu’un. Dieu seul peut donner sens à ma vie humaine, à
mon être, à mon agir. Je le propose à celui qui veut bien m’écouter. « Dieu a fait de
Marie un coquillage, dans lequel Jésus, cette perle divine, devient chair. » (Saint
Clément d’Alexandrie).
Je relis le prologue de Saint Jean. Je me sens contraint de dire : ce mystère d’un Dieu
fait homme n’existe pas uniquement pour moi, chrétien, ni seulement pour l’Eglise
catholique et romaine, mais pour tout homme, ‘en tant qu’homme’ (Saint Augustin). «
En Lui était la vie et la vie était la lumière des hommes et la lumière brille dans les
ténèbres et les ténèbres ne l’ont point comprise. » (Jn 1 : 4-5). « Le Verbe était la vraie
lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme. » (Jn 1 : 9) Moi, chrétien, je
crois que cette lumière se trouve désormais dans le Christ. Mais je m’efforce que ma vie
soit Bonne Nouvelle dans l’orientation vers son accomplissement de toute vie humaine.
Je crois aussi que la Bonne Nouvelle peut me venir des ‘autres’ dans l’accomplissement
de ma propre vie. J’ai à donner mais aussi à recevoir.
Grand est le mystère de la Foi. Tout homme qui ouvre son cœur à la lumière, à la vie, au
Royaume de Dieu est « né de Dieu » (Jn 1 : 13) Il devient ce coquillage rempli de chair
et d’eau, et qui porte une perle. L’Esprit doit devenir chair, sinon notre humanité n’a
aucun but. Dieu a besoin de chair pour devenir homme et recevoir un visage dans le
monde.
P. Eric Bladt pb
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
La sainte
Famille
Pas comme les autres
1 Sam 1 : 20-22/24-28
1 Jn 3 : 1-2/21-24
Lc 2 : 41-52
Nous voilà devant un sujet bien délicat et sensible : ‘Famille’. Devant ce sujet, je prends
conscience qu’être chrétien est aller à l’encontre de la mentalité régnante. Est-ce que ma
conception de la ‘famille’ est encore valable ? J’oserais même dire : la ‘Sainte Famille’
est-elle encore aujourd’hui une référence ? Et j’ajouterais que la conception de la
famille me semble différente, en Afrique ou dans la culture arabo-musulmane, de la
conception occidentale.
Pourtant, nous croyons tous aux valeurs de la famille : une volonté de vivre
ensemble… être une cellule de relations. La famille n’est-elle pas une école de vie,
d’amour créateur ?
Nous osons parler « d’Eglise-Famille ». Nous voudrions que toute communauté vive
dans un esprit de famille. Nous sommes sans cesse renvoyés à une question
fondamentale de notre Foi : Que voulons-nous vivre ? Que voulons-nous être ?
Noël ne changera sans doute rien à notre réalité quotidienne où nous sommes affrontés
à une terminologie qui nous pose bien des questions : cohabitation… concubinat…
famille mono-parentale… mère célibataire… couples séparés… séparés remariés…
couples homosexuels… Et pourtant Dieu n’a-t-Il pas mis au fond du cœur humain un
radar ou une boussole, qui révèle la vraie nature de l’être humain, qui, à chaque dérive,
recherche irrésistiblement sa destination véritable ? J’entends des termes comme
« Remariage », « Famille recomposée », « Famille monoparentale »,« Vie commune ».
Noël me renvoie à ma Foi chrétienne. Je considère cette Foi comme une véritable
thérapie, qui peut me guérir, qui a toujours guidé le peuple de Dieu :
« Venez à moi, vous tous qui peinez… » (Mt 11)
« Rejette ton fardeau sur le Seigneur… » (Ps 56)
« Revenez à moi. Je viendrai vers vous. « (Zach 1)
Ce qui a sauvé la petite famille de Nazareth est probablement le regard commun, le
dialogue, car chaque personne a son propre secret. Marie cachait son secret dans son
cœur. Marie et Joseph ont du réfléchir ensemble sur la volonté de Dieu. Jésus aussi avait
son secret. Nous ne pouvons pas être famille si nous nous enfermons dans notre petit
cercle intérieur. Il y a certes entre personnes distance, mais cela peut être dépassé en
portant dans nos cœurs le secret de l’autre. Nous serons « famille » si nous autorisons
« le secret » d’habiter dans notre maison.
P. Eric Bladt pb
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Epiphanie
La visibilité de Dieu
Is 60 : 1-6
Eph 3 : 2-6
Mt 2 : 1-12
Dans l’Eglise orthodoxe orientale, l’Epiphanie, fêtée le 6 janvier, signifie ‘apparition’,
donnant suite ainsi à la fête païenne de la naissance du dieu du soleil Aion, né d’une
vierge Koré. Alexandrie est le centre de cette célébration.
Pour l’Eglise primitive, la fête de l’Epiphanie n’était pas seulement le souvenir des rois
mages, venus adorer l’enfant, mais également du baptême de Jésus et des noces de
Cana. A trois reprises, la gloire de Dieu devenait visible : pour le monde (adoration des
mages), dans les éléments de la création (dans le baptême de Jésus dans l’eau du
Jourdain) et dans l’amour humain (les noces de Cana).
« Dieu s’est fait homme ». Les écrits du Nouveau Testament décrivent ce mystère
comme une épiphanie : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut
pour tous les hommes. » (Tite 2 : 11) L’amour de Dieu s’est rendu visible en Jésus
Christ. Posons-nous ici une question. Qu’est-ce qui nous touche le plus : une
dissertation hautement intellectuelle ou théologique ou bien ce que nous avons pu
observer par nos sens ? Quand Dieu se fait homme, notre vie prend un autre goût.
Continuons la lecture de l’Epître à Tite (3 : 4) : « Mais lorsque se sont manifestés la
bonté de Dieu notre Sauveur et son amour (Humanitas) pour les hommes, Il nous a
sauvés. » Cette humanité de Dieu peut mettre fin à toute violence extérieure et
intérieure. Etty Hillesum dans son témoignage « Une vie bouleversée », n’en est-elle
pas une illustration? Nos contemporains courent vers des centres de spiritualité, à la
recherche des chemins de bonheur, d’équilibre humain, du sens du corps, de la
connaissance de soi. Un père du désert écrivait : « Si tu veux connaître Dieu, commence
par te connaître toi-même. » « Connais-toi toi-même ! » disait le vieux grec. Mon
humanité, mon corps, ma chair peuvent donc être le lieu d’une Epiphanie ? ! Je lis dans
une des préfaces de la liturgie : « Dieu aime en nous ce qu’Il a aimé en Lui. »
P. Eric Bladt pb
Baptême
du Seigneur
Tu peux
t’aimer
Is 42 : 1 – 7
Act 10 : 34 -38
Lc 3 : 15 – 22
Dans la version de Mathieu (3 : 16) je lis : « Dès qu’Il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau.
Voici que… » A partir de ce moment, les évangélistes expriment leur foi en donnant
libre cours à leur imagination ; en utilisant des images et des mots pour dire ‘les
mystères de la Foi’.
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
« Lui, de condition divine … a pris la condition de serviteur, devenant semblable aux
hommes… il était reconnu comme un homme… » (Phil 2)
Si je comprends bien la version de Saint Luc, Jésus n’était pas seul. « Or, comme tout le
peuple était baptisé, Jésus, baptisé lui aussi, priait ; alors… » (Lc 3 : 21) Jésus de
Nazareth était la révélation de Dieu dans son humanité. C’est donc Dieu qui descendait
dans l’eau, solidaire de tout le peuple. Saint Paul écrit : « Il était compté parmi les
pécheurs. » Dans l’eau du Jourdain, le peuple recevait de Jean un baptême de
purification, de conversion. Mais « Lui, il vous baptisera dans l’Esprit et le feu. » (Lc
3 : 16). Cela change beaucoup. L’homme reçoit une nouvelle vocation humaine. Il peut
vivre sa vie en Dieu et Dieu en lui. « Tu es mon enfant bien-aimé. Tu es source de joie
pour Moi. » Cela me concerne. « Je t’aime comme tu es. Tu as droit à la vie, parce que
je t’aime. » En regardant ‘les choses d’en haut’, les cieux s’ouvrent aussi pour moi. Je
n’ai plus à mériter le droit à l’existence. Je suis aimé et accepté inconditionnellement.
Alors, je peux donc m’aimer, m’accepter inconditionnellement comme je suis, avec ma
force et mes faiblesses, avec mon amour et mes fautes.
Fêtons de tout cœur le Baptême de Jésus.
P. Eric Bladt pb
2ème Temps Ordinaire
(= T.O.)
« Le troisième jour il y eut une noce à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était…
Et voilà que le vin de la noce arrive à sa fin…
La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Jean, 2, 21
Le miracle de Cana tel que le rapporte St Jean dans son évangile comporte de succulents
détails qu’il est bon de méditer. D’abord il semble bien que Marie soit la première à
s’être aperçue que le vin allait manquer. Même le majordome n’avait rien vu et encore
moins les mariés.
Que Marie ait pris cela tant à cœur peut nous faire penser que les mariés étaient des
gens sans grands moyens et qu’elle voulait leur éviter le déshonneur de voir le jour de
leur mariage entaché à jamais d’un mauvais souvenir. Marie a pensé à leur réputation :
il fallait absolument éviter que le voisinage puisse dire : « Rappelez-vous c’était chez
les Bou Jadi, ce fameux mariage où le vin a manqué… »
On sait assez ce que représente dans nos pays du Maghreb le sens de l’honneur. On n’a
pas, mais on ira emprunter chez des voisins la vaisselle qui manque. On s’endettera s’il
le faut, mais il faut que la mariée soit belle et que la fête réussie.
Marie savait ce qui était en jeu pour cette famille. Elle savait qu’un seul pouvait les
sortir de ce mauvais pas et c’était son Fils Jésus.
Mais Jésus n’avait jamais fait de miracle et Dieu sait s’il y avait des familles à Nazareth
qui auraient mérité un miracle. Mais Marie ne se démonte pas. C’est elle qui fait le
premier miracle en provoquant son fils avec la même confiance qu’elle a dit « oui » à
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
l’ange de Dieu. ‘Ils n’ont plus de vin’, dit-elle simplement. Pas de contours, pas de
cinéma.
Ce qui suivra explique peut-être la raison pour laquelle les catholiques ont une telle
dévotion à Marie. Car Marie sait comme beaucoup de mères savent que le fils ne lui
refusera pas. Et c’est pourquoi, sans même attendre sa réponse, elle dit aux serviteurs:
‘Faites tout ce qu’il vous dira !’
Si l’histoire s’est sue c’est qu’elle s’est forcément répandue sinon on ne la lirait pas
aujourd’hui. Mais ce n’est pas Marie qui l’a éventée. Ce sont probablement les
serviteurs comme le dit l’évangile. ‘Le responsable de la fête goûta cette eau changée
en vin, mais il ne savait pas d’où il venait, seuls les servants qui avaient pris l’eau le
savaient.’
Personne n’en sut rien, ni le majordome, et bien heureusement pas les mariés. Et Dieu
sait si cela comptait pour que le miracle soit entier.
Cet épisode haut en couleur doit nous faire réfléchir sur les multiples occasions qui nous
sont données dans nos visites pour aider à sauver la face de ceux qui ont un honneur à
garder. Je me rappelle de la bourde que j‘ai faite un jour dans une famille dans mes
premiers temps en Algérie. Invité à manger dans une famille très simple, je tends une
cigarette à la fin du repas à mon ami Ahmed. Il me dit, non merci je ne fume pas. Et
moi, sans penser combien il est grave pour un fils de fumer devant son père, je rajoute :
« mais tu fumais bien tout à l’heure dans la rue… » Son père, pour éviter la honte à son
fils, a fait mine de ne pas entendre et est sorti… Il m’a ensuite donné une leçon de
choses qui m’a bien servi par la suite.
Marie, comme Jésus, était si bien inculturée dans la société de leur temps qu’elle avait
eu le bon réflexe. Sans faire de miracles, nous avons-nous aussi mille occasions de
mettre nos amis à l’aise en respectant leurs habitudes et en étant plein d’attention pour
ne pas froisser leur sensibilité. Et, sans faire de miracle, c’est Jésus, qui par nous sortira
d’embarras le pauvre qui veut garder son honneur. Personne n’en saura rien mais
l’honneur sera sauf et un peu de la bonté de Dieu aura passé.
P. Raphaël Deillon pb
3ème dimanche
du T.O.
Je voulais tellement que des jeunes puissent voir
ce que j’avais vu, sentir ce que j’avais ressenti
« Plusieurs de ceux qui ont été des témoins oculaires ont entrepris de composer un récit
des événements qui se sont accomplis parmi nous…C’est pourquoi j’ai décidé d’en
écrire un, pour que tu te rendes compte de la solidité des enseignements que tu as
reçus… » (Luc, 1,1-4).
Voici comment s’exprime St Luc pour dire combien ça le démange de dire aux autres ce
qu’il a vu, de l’écrire sur le papier… L’expérience qu’il a vécue avec Jésus était
tellement forte qu’il aurait voulu l’éterniser à jamais…
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Rappelez-vous les paroles percutantes de Job qui déclare dur comme fer que son
Rédempteur est vivant. Sa foi est tellement forte qu’il veut la graver avec un burin dans
le bronze afin que les générations suivantes sachent qu’il existe un Dieu et qu’un jour il
ressuscitera et verra Dieu de ses propres yeux.
On a tous vécu des choses tellement extraordinaires qu’on voudrait pouvoir les crier aux
autres… ou les écrire pour que d'autres puissent en profiter.
Je me rappelle ma première marche dans le désert avec des jeunes dans le cadre d'une
animation vocationnelle. J'étais tellement enthousiaste que je me suis mis en campagne
pour une autre marche. Je me vois encore collant des dizaines d’affiches dans les halls
d’université à Fribourg, dans les tambours des églises et des temples protestants de toute
la Suisse romande. Je voulais tellement que des jeunes puissent voir ce que j’avais vu,
sentir ce que j’avais ressenti dans le désert et entendre l’appel de Dieu quand il nous
dit : « Laisse tout et suis-moi. »
C’est ce que St Luc a voulu transmettre à ses successeurs en écrivant son Evangile. Il
avait fait une telle expérience de Dieu qu’il ne pouvait la garder pour lui.
Pour moi, c’était la même chose. Cette expérience du désert était si forte que je ne
pouvais la garder pour moi. Un soir, j'ai écrit ce que nous avait dit notre guide, car
c'était des paroles de sagesse: « Au désert, disait-il, tu sens toutes les choses avec le
cœur, les dunes, les hommes … et tu vois Dieu derrière. Tu vois une petite fleur toute
seule dans le sable que tu n’aurais pas vue au milieu de ton jardin, car elle aurait été
cachée par les plus grandes. Tu ressens la beauté de cette petite fleur et tu comprends
la valeur de chaque être humain, tous ces petits qu’on ignore parce que la présence des
grands les cache. Alors, ajoute notre guide, quand tu vois cette petite fleur, surtout ne
marche pas dessus, c’est une créature de Dieu…»
C'est ce genre de sagesse que St Luc a voulu écrire dans son évangile, les paroles de
sagesse qu’il a retenues de Jésus. Mais il a aussi rapporté ses gestes qu’il n’est pas prêt
d’oublier, les regards, les attentions aux petits, aux pauvres… Rappelez-vous ce qu’il dit
de Jésus qui rencontre le jeune homme riche : « il le regarda et l’aima… » Mais le jeune
homme riche était trop près de sa richesse pour lui préférer le Christ et il repartit tout
triste.
Ces gestes de Jésus ne sont pas terminés avec son départ. Le Christ continue à parler
dans le livre de la Vie.
Voici un geste de Jésus que j’ai vu dans le désert à travers celui d'un bédouin très
simple. C'est le geste d'Ali, un chamelier tout petit, tout maigre, l’air de rien.
Nous marchions depuis 7 h. du matin et, à 10 h, il faisait déjà plus de 40°… La caravane
s’étirait en longueur laissant en arrière les plus éprouvés. Je marchais en queue du
groupe pour faire la voiture balai et soutenir le moral des derniers quand soudain je vois
Ali courir vers moi. Il s’approche et me dit à l’oreille : « Courage, les premiers du
groupe sont arrivés au puits. Les autres chameliers vont venir à votre rencontre vous
apporter de l’eau…. ». Il avait fait tout ce chemin en courant dans le sable pour nous
redonner courage. J’ai vu dans ses yeux le regard du Christ qu'a voulu rapporter St Luc.
Le regard de tendresse de Dieu pour son peuple dont parlent les prophètes.
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
En effet, quelques minutes plus tard, à l’horizon, deux autres chameliers couraient vers
nous avec deux grosses gourdes d’eau fraîche tirée du puits. Solidarité, fraternité,
tendresse des gestes, c’est le Christ qui continue à vivre parmi nous.
Je comprends Job qui voulait graver dans le bronze avec un burin : « Je sais moi que
mon Sauveur est vivant et qu’il est avec nous jusqu’à la fin des temps. »
Il y a des choses si belles dans la vie qu’il ne faut pas les laisser passer. Il faut les graver
dans un cahier, dans un diaire, dans un journal personnel, dans un livre… Il faut faire
profiter les autres de ce que Dieu nous fait vivre chaque jour. Il y a le livre de la Parole,
mais aussi le livre de la vie ! L’Evangile, c’est l’aujourd’hui de Dieu qui se fait voir et
entendre à travers toute personne de bonne volonté.
P. Raphaël Deillon pb
4ème dimanche
du T.O.
Ils voulaient le garder pour eux.
Jésus leur dit : « Ces temps sont révolus »
« Jésus se mit à leur dire : "Cette Écriture est en train de s’accomplir… !"
Tous l’approuvaient et s’étonnaient…: "Et dire que c’est le fils de Joseph !"
Mais il leur dit : "En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa
patrie !".
En entendant cela, tous dans la synagogue sentaient monter leur colère… »
Luc 4, 21-30
Quand il parlait à la synagogue de Nazareth, les gens du village étaient tout étonnés de
sa science. « Qu’est ce qu’il parle bien!...Quelle chance nous avons qu’il soit de chez
nous! »
Ça, c’est ce qu’ils disaient mais dans leur coeur et dans les bars du coin ou sur les pas
de portes, la critique allait bon train. Les langues s’agitaient: « il ferait bien de faire des
miracles chez nous. Pourquoi il a donné du vin aux gens de Cana, le jour de ce
mariage ? Et nous ? Est-ce qu’on n'a pas bu un verre ensemble quand il était à
Nazareth ? Pourquoi est-il allé faire des guérisons là-bas dans ce vieux port de
Capharnaüm ? Et les malades de chez nous, tous ceux qui mendient dans nos rues,
pourquoi il les laisse de côté ? Pourquoi il a quitté son pays ? Honte sur lui qui a quitté
sa famille. Ne pouvait-il pas s’occuper des siens ?... et patati et patata …»
Mais lui les connaissait bien. Il devinait leurs pensées. Il leur dit: « Sûrement vous vous
dîtes: “guéris-toi toi-même, viens faire d’abord chez nous ce que tu fais chez les autres.
Charité bien ordonnée commence par soi-même.”
Ils voulaient le garder pour eux, dans leur pays, auprès des leurs. Ils voulaient qu’il soit
acquis à leur cause, à la cause de tous ceux qui prêchent pour le nationalisme, l’esprit de
tribu, la mentalité de clocher, l’appel du sang, la pureté de la race…
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Mais Jésus leur dit : « Ces temps sont révolus. Les prophètes ont tous essayé de vous le
dire. Rappelez-vous Elie: En ces jours-là il y avait beaucoup de veuves mourant de faim
en Israël. Ce n’est pas une israélienne qu’il a aidée, mais une veuve de Sarepta.
Rappelez-vous Elisée : il y avait beaucoup de lépreux en Israël. Ce n’est pas un Israélien
qu’il a guéri, mais Naaman, un Syrien. » Alors, furieux, ils voulaient le tuer.
On rencontre tant de gens qui sont de bons pères de familles, de bonnes mamans. Mais
quand vient le moment de rendre service à des gens qui ne sont pas comme eux ou de
leur cercle, ils perdent tous leurs moyens et seraient vite agressifs.
Il y a quelques années, je rencontrais en Suisse un curé de paroisse qui me tint à peu
près ce discours: "Qu'est ce qu'on va devenir avec tous ces musulmans qui arrivent chez
nous ? Ils vont nous envahir et nous aurons bientôt l'appel à la prière à la place des
cloches…" Je lui ai dit : "Mais c'est notre chance. On va se faire sonner les cloches…! "
Le curé de paroisse m'a regardé comme si j'arrivais de la Mecque… Alors voyant sa
surprise, j'ai continué: "Oui, c'est une chance que l'Esprit envoie dans un monde chrétien
qui se paganise. Avoir en face de soi des personnes qui croient différemment peut nous
pousser à retourner vers nos racines chrétiennes et affermir notre foi. "Loin d'affaiblir
notre foi chrétienne, un vrai dialogue peut l'approfondir."
Le danger de sectarisme guette aussi nos sociétés. Il suffit de quelques individus pour
sortir les oriflammes: Nord contre Sud, blancs contre noirs, chrétiens stigmatisant les
musulmans, musulmans pointant les chrétiens, sédentaires contre nomades, gens des
villes et gens des champs, partisans de droite et partisans de gauche, intégristes et
progressistes …
La liste est infinie quand le diable s’y met. Aucune paix n’est possible tant qu’un
groupe veut l’emporter sur l’autre. Tant que les clans se referment sur eux-mêmes pour
défendre leurs seuls intérêts et proclamer être seuls à détenir la vérité.
Jésus en allant à Cana, à Capharnaüm et chez ceux qu’on appelait les païens a voulu
dépasser les collines pour montrer le bon que Dieu a mis chez l'autre.
Du haut de la colline les Juifs ont voulu le jeter en bas. Mais montrant sa liberté, Jésus a
poursuivi sa marche imperturbable, ouvrant ainsi la voie du salut offert à tous les
peuples.
Et c'est le Christ qui nous permet de dire ensemble la prière eucharistique de la
réconciliation : "Ton Esprit travaille au cœur des hommes, des ennemis enfin se
parlent, des adversaires se tendent la main, des peuples qui s'opposaient acceptent de
faire ensemble une partie du chemin… Oui, Seigneur, c'est à toi que nous le
devons… Daigne rassembler un jour les hommes de tout pays et de toute langue, de
toute race et de toute culture, au banquet de ton royaume; alors nous pourrons
célébrer l’unité enfin accomplie et la paix définitivement acquise, par Jésus, le Christ,
notre Seigneur."
P. Raphaël Deillon
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
5ème dimanche
du T.O.
Saint, le Seigneur,
le Dieu de l’univers
Le temple de Jérusalem est trop petit pour contenir toute la gloire de Dieu ! Dans
la première lecture il est, on dirait, sur le point d’exploser ! Ce n’est pas étonnant, car le
Dieu de tout l’univers ne peut pas être enfermé. Les prophètes l’ont compris depuis
toujours : « Ainsi parle le Seigneur : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes
pieds. Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi ? Quel serait
l’emplacement de mon lieu de repos ? De plus tous ces êtres, c’est ma main qui les a
faits et ils sont à moi, tous ces êtres–oracle du Seigneur ; c’est vers celui–ci que je
regarde : vers l’humilié, celui qui a l’esprit abattu, et qui tremble à ma parole. » (Is 66,
1-2). Tout au long de l’histoire d’Israël nous trouvons une tension entre élection et
mission, entre un choix exclusif et un appel total. Dans la première lecture Isaïe est
conscient de son infidélité personnelle et aussi de celle de son peuple (v. 5). L’histoire
personnelle et collective de nos religions aussi sont marquées par le péché : Ma vie n’a
pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas
l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui
semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait
aveuglément… Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop
facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les
intégrismes de ses extrémistes (Testament de Christian de Chergé, extraits).
Nous sommes invités à une rupture. Invités à risquer d’ouvrir largement notre
pensée sur Dieu, notre manière d’imaginer ce qu’Il aime et qui Il aime. Dire chaque jour
à l’eucharistie que Dieu est trois fois Saint et un acte de foi dans une sainteté qu’aucun
dogme ne peut enfermer.
Travail stérile que celui de ces hommes de la mer qui n’ont pas pu gagner leur
salaire. Une nuit vide, nulle, remplie de peur et d’échec. Et voici qu’une personne
redonne espoir, avenir et ouvre des nouvelles voies. C’est trop peu de gagner sa vie
uniquement sur cette petite mer intérieure. Va au large prendre des hommes de toute
race, langue et tribu! C’est des hommes que tu prendras, tels qu’ils sont et là où ils
sont ! Le Seigneur de l’univers et également le Seigneur de l’humanité.
Lors d’une vision (Ac 10, 9-16) le même Pierre, par trois fois, a été confronté à son
idée de pureté. Il cherchait à comprendre quand des étrangers païens sont arrivés pour le
chercher : « Il leur dit : Vous savez qu’il est interdit à un Juif de se lier avec un étranger
ou d’entrer chez lui ; mais Dieu m’a montré qu’il ne fallait dire d’aucun homme qu’il
est souillé ou impur. Alors Pierre prit la parole : En vérité, dit–il, je comprends que
Dieu n’est pas partial, mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice
est agréé de lui » (Ac 10, 28.34-35). Tout Homme est sacré. Dieu est, infiniment, en lui.
P. José Maria Cantal Rivas pb
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Mercredi de
Cendres
Le jeûne
que je préfère
Le jeûne que je préfère, n’est–ce pas ceci : dénouer les liens provenant
de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux
qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! N’est–ce
pas partager ton pain avec l’affamé ? Et encore : les pauvres sans
abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras : devant
celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas (Is 58, 6-7).
C’est une tradition fort rependue que d’organiser durant le carême une collecte en
faveur d’un projet de développement ou d’une action humanitaire. Que ce soit sous la
forme « d’un bol de riz », soupe de carême, quête spéciale, etc. des nombreuses
communautés chrétiennes cherchent a redonner u sens social à leur jeûne, qui est
essentiellement an acte de foi.
Cette année cherchez à soutenir dans votre milieu une activité ou un projet à caractère
nettement interreligieux :
- Colonie d’été pour jeunes de confessions différentes.
- Reconstruction d’une maison de retraite où vivent des personnes âgées de
diverses religions.
- Formation à la paix de leaders communautaires.
- Centre d’hébergement pour familles des prisonniers étrangers.
- Publication d’ouvrages pour la paix.
- Avec les membres d’autres confessions aller ensemble pour donner du sang.
- Aide à l’organisation de pèlerinages interreligieux, etc.2
L’essentiel est de bien informer votre communauté à l’avance et de préparer toute la
documentation nécessaire. Faire venir des témoins de ces projets lors d’un temps de
prière est une excellente idée. Il est important que tous ressentent que cette « campagne
de carême » est un acte de foi et pas uniquement une collecte de fonds. La prière doit
être au cœur de cette action pour aplanir les raisons qui ont fait que nous ayons ignoré
cet aspect de notre foi pendant longtemps.
P. José Maria Cantal Rivas pb
1er Dimanche
de carême
Mon père était un vagabond…
il vécut en étranger…
Migrations, foi, justice, communautés, histoire, lieux de culte, charité, fraternité,
liberté… tout est imbriqué et entremêlé ! Si la première lecture nous parle d’Abraham
qui a émigré dans le proche orient et la deuxième lecture de fidélité à la foi, l’évangile
nous parlera des tentations, dont celle de fuir la réalité. Utilisons le texte ci-dessous du
Pape pour faire le lien entre notre prière et le monde où tous ces éléments sont
présents… avec une surprenante actualité :
2
Si vous manquez d’idées n’hésitez pas à nous contacter. Au Maghreb où ailleurs, les réseaux des Pères
Blancs pourront vous orienter : [email protected]
Province Pères Blancs MAGHREB [email protected]
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
31. La réalité moyen-orientale est riche par sa diversité, mais elle est trop souvent
contraignante et même violente. Elle concerne l’ensemble des habitants de la région et
tous les aspects de leur vie. Placés dans une position souvent délicate, les chrétiens
ressentent de manière particulière, et parfois avec lassitude et peu d’espérance, les
conséquences négatives de ces conflits et de ces incertitudes. Ils se sentent souvent
humiliés. Par expérience, ils savent aussi qu’ils sont des victimes désignées lorsqu’il y
a des troubles. Après avoir participé activement pendant des siècles à la construction
des nations respectives et contribué à la formation de leur identité et à leur prospérité,
les chrétiens sont nombreux à choisir des cieux plus propices, des lieux de paix où eux
et leurs familles pourront vivre dignement et en sécurité, et des espaces de liberté où
leur foi pourra s’exprimer sans être soumis à des contraintes diverses.
Ce choix est déchirant. Il affecte gravement les individus, les familles et les Églises. Il
ampute les nations et contribue à l’appauvrissement humain, culturel et religieux
moyen-oriental. Un Moyen-Orient sans ou avec peu de chrétiens n’est plus le MoyenOrient, car les chrétiens participent avec les autres croyants à l’identité si particulière
de la région. Les uns sont responsables des autres devant Dieu. Il importe donc que
les dirigeants politiques et les responsables religieux comprennent cette réalité et
évitent une politique ou une stratégie communautariste qui tendrait vers un MoyenOrient monochrome qui ne reflètera en rien sa riche réalité humaine et historique.
33. L’Église latine présente au Moyen-Orient tout en souffrant de l’hémorragie de
nombreux de ses fidèles, expérimente une autre situation et se trouve confrontée à
relever de nombreux et nouveaux défis pastoraux. Ses pasteurs doivent gérer l’arrivée
massive et la présence dans les pays à économie forte de la région, de travailleurs de
toute sorte venant d’Afrique, d’Extrême-Orient et du sous-continent indien. Ces
populations constituées d’hommes et de femmes souvent seuls ou de familles entières,
sont confrontées à une double précarité. Ils sont étrangers dans le pays où ils
travaillent, et ils expérimentent trop souvent des situations de discrimination et
d’injustice. L’étranger est l’objet de l’attention de Dieu et il mérite donc le respect. Son
accueil sera pris en compte au Jugement dernier (cf. Mt 25, 35 et 43).
34. Corvéables à merci sans pouvoir se défendre, ayant des contrats de travail plus ou
moins limités ou légaux, ces personnes sont parfois victimes d’infractions des lois
locales et des conventions internationales. Par ailleurs, elles subissent de fortes
pressions et de graves limitations religieuses. La tâche de leurs pasteurs est
nécessaire et délicate...
J’invite aussi les gouvernants des pays qui reçoivent ces populations nouvelles à
respecter et à défendre leurs droits, à leur permettre la libre expression de leur foi en
favorisant la liberté religieuse et l’édification de lieux de culte. La liberté religieuse
«pourrait faire l’objet d’un dialogue dont l’urgence et l’utilité ont été réaffirmées par les
Pères synodaux ».
Benoît XVI, Ecclesia in medio oriente
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
2ème Dimanche
de carême
Ecoutez-le !
Des idées à mettre en forme :
 Dans la première lecture Abraham reçoit une promesse : la terre sur la quelle il
est en étranger. Aujourd’hui la politique vient usurper une promesse spirituelle
pour faire le fondement d’une polémique…
 Juifs, chrétiens et musulmans, tous se reconnaissent « fils d’Abraham », mais ils
ne veulent pas avoir des « frères ». La religion peut servir à l’exclure !
 Promesse d’un pays… mais que faire avec ceux qui perdent leur patrie pour des
rasions de persécutions religieuse ?
 Le psaume fait l’éloge de ceux qui cherchent la face de Dieu : dans ce domaine,
ai-je quelque chose à apprendre des autres religions ?
 Dans le christianisme aucun territoire n’est plus sacré qu’un autre. Notre prière
est libérée des contraintes géographiques. Nous pouvons vivre « comme des
citoyens des cieux ».
 Parmi tous ceux qui suivent Jésus, seulement un petit groupe est invité à vivre
une expérience unique : seraient-ils cette « minorité abrahamique » dont parlait
Dom Herder Camara et qui fait changer le monde ?
 Avec son double commandement de l’amour Jésus a comblé les attentes de la
Loi et des Prophètes, de Moïse et d’Elie. C’est à nous de le mettre en pratique…
 Dans la nuée une voix se fait entendre : dans ma prière, quels appels à suivre
Jésus est-ce que je ressens dans un monde pluri religieux ?
P. José Maria Cantal Rivas
3ème Dimanche
de carême
Peut-être portera-t-il des fruits
à l’avenir.
 La première lecture parle de la libération d’un peuple d’esclaves au nom de la
foi. La vraie spiritualité conduit à la justice.
 La deuxième lecture invite à une réflexion de l’histoire sous l’angle de la foi. La
vraie spiritualité nous laisse toujours assoiffés.
 L’Evangile s’insurge contre des interprétations manipulatrices des événements
au nom de la foi. La vraie spiritualité lit correctement les signes des temps.
Relisons les paroles du Pape Benoît XVI (Ecclesia in medio oriente) dans ce contexte :
8. C’est avec émotion que je me souviens de mes voyages au Moyen-Orient. Terre
choisie de manière particulière par Dieu, elle fut arpentée par les Patriarches et les
Prophètes. Elle servit d’écrin de l’Incarnation du Messie, elle vit se dresser la croix du
Sauveur, et elle fut témoin de la Résurrection du Rédempteur et de l’effusion de
l’Esprit-Saint. Parcourue par les Apôtres, des saints et plusieurs Pères de l’Église, elle
fut le creuset des premières formulations dogmatiques. Pourtant, cette terre bénie et
les peuples qui y habitent, expérimentent de manière dramatique les convulsions
humaines.
Que de morts, que de vies saccagées par l’aveuglement humain, que de peurs
et d’humiliations ! Il semblerait qu’il n’y ait pas de frein au crime de Caïn (cf. Gn 4, 6-
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
10; 1 Jn 3, 8-15) parmi les fils d’Adam et d’Ève créés à l’image de Dieu (cf. Gn 1, 27).
Le péché adamique consolidé par la faute de Caïn ne cesse de produire épines et
chardons (cf. 3, 18) aujourd’hui encore. Qu’il est triste de voir cette terre bénie souffrir
dans ses enfants qui s’entredéchirent avec acharnement, et meurent !
Les chrétiens savent que seul Jésus, étant passé par les tribulations et la mort
pour ressusciter, peut apporter le salut et la paix à tous les habitants de cette région du
monde (cf. Ac 2, 23-24. 32-33).
C’est lui seul, le Christ, le Fils de Dieu, que nous proclamons ! Repentons-nous
donc et convertissons-nous « afin que les péchés soient effacés et qu’ainsi le Seigneur
fasse venir le temps du répit » (Ac 3, 19-20a).
9. Selon les Saintes Écritures, la paix n’est pas seulement un pacte ou un traité qui
favorise une vie tranquille, et sa définition ne peut être réduite à une simple absence
de guerre. La paix signifie selon son étymologie hébraïque : être complet, être intact,
achever une chose pour rétablir l’intégrité. Elle est l’état de l’homme qui vit en
harmonie avec Dieu, avec lui-même, avec son prochain et avec la nature. Avant d’être
extérieure, la paix est intérieure. Elle est bénédiction. Elle est le souhait d’une réalité.
La paix est tellement désirable qu’elle est devenue une salutation au Moyen-Orient (cf.
Jn 20, 19 ; 1 P 5, 14). La paix est justice (cf. Is 32, 17) et saint Jacques dans sa Lettre
ajoute : « Un fruit de justice est semé dans la paix pour ceux qui produisent la paix »
(3, 18 ; cf. Is 32, 17).
Le combat prophétique et la réflexion sapientielle étaient une lutte et une
exigence en vue de la paix eschatologique. C’est vers cette paix authentique en Dieu
que le Christ nous conduit. Il en est la seule porte (Jn 10, 9). C’est cette porte unique
que les chrétiens désirent franchir.
10. C’est en commençant par se convertir soi même à Dieu, par vivre le pardon dans
son entourage proche et communautaire, que l’homme de bien pourra répondre à
l’invitation du Christ à devenir « fils de Dieu » (cf. Mt 5, 9). Seul l’humble goûtera les
délices d’une paix insondable (cf. Ps 37, 11; Pr 3, 2). En inaugurant pour nous l’être en
communion avec Dieu, Jésus crée la véritable fraternité, non la fraternité défigurée par
le péché. « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux … il a fait un seul peuple
… il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine … » (Ep 2, 14). Le chrétien sait
que la politique terrestre de la paix ne sera efficace que si la justice en Dieu et entre
les hommes en est la base authentique, et si cette même justice lutte contre le péché
qui est à l’origine de la division. C’est pourquoi l’Église désire surmonter toute
distinction de race, de sexe et de niveau social (cf. Ga 3, 28 ; Col 3, 11) sachant que
tous ne font qu’un dans le Christ qui est tout en tous. C’est pourquoi aussi l’Église
soutient et encourage tout effort en vue de la paix dans le monde et au Moyen-Orient
en particulier. De diverses manières, elle ne ménage pas ses efforts pour aider les
hommes à vivre en paix et elle favorise aussi l’arsenal juridique international qui la
consolide. Les positions du Saint-Siège sur les différents conflits qui meurtrissent
dramatiquement la région, et celle sur le Statut de Jérusalem et des Lieux saints sont
largement connues. Cependant, l’Église n’oublie pas qu’avant tout, la paix est un fruit
de l’Esprit (cf. Ga 5, 22) qu’il ne faut cesser de demander à Dieu (cf. Mt 7, 7-8).
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
4ème Dimanche
de carême
« Ton frère que voilà était mort
et il est revenu à la vie »
Monition aux lectures
Dans la première lecture le peuple fait une révolution dans son histoire : de nomades il
deviennent sédentaires, des bergers qu’ils étaient ils vont se changer en agriculteurs, des
esclaves en fuite ils vont devenir conquérants… Des profondes mutations interviennent
dans notre histoire et affectent aussi notre manière d’entrer en relation avec Dieu.
L’Eglise, peuple de Dieu, tenter de lire les signes des temps pour lui rester fidèle au
milieu d’un monde de plus en plus pluriel.
La nouveauté que le Christ apporte réside dans la possibilité que l’Evangile offre
d’accéder à Dieu, Père de tous, directement et sans crainte. Notre foi est source de paix
et de réconciliation si nous acceptons d’entrer en relation avec les autres croyants non
pas comme des rivaux, mais comme des témoins de Celui qui est près à devenir le frère
de tout ceux qui l’accepter.
Monition à l’Evangile
L’exclusion des publicains et autres pécheurs avait un fondement religieux. Comme
celle des païens et des samaritains ! Nous reconnaissons tous les « rigoristes » dans les
mots indignés du fils aîné : Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir
jamais désobéi à tes ordres. Dans un monde de plus en plus divisé par l’idée que l’on se
fait de Dieu, le dialogue interreligieux correspond aux efforts du père de la parabole
pour se faire connaître des ses deux fils et pour rapprocher ses enfants entre eux. Sans
l’accueil les uns des autres nous restons dans le giron de la mort… et nous ignorons la
joie de Dieu qui redonne vie.
Envoi (avant la prière finale)
Durant cette semaine nous allons nous préparer à la confession pascale en y incluant un
examen de conscience sur notre manière de nourrir notre foi chrétienne au contact, plus
ou moins pacifique, des autres religions. Nous le ferons en prenant conscience que le
mystère pascal a une dimension universaliste. Déjà aujourd’hui nous allons nous séparer
en disant amen à une prière où nous reconnaissons que « Dieu éclaire tout homme
venant dans ce monde » ; puissions nous rester dans la joie de Dieu qui aime tous ses
enfants.
P. José Maria Cantal Rivas pb
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
5ème Dimanche
de carême
La Loi dit que…
Et toi, tu dis quoi ?
Ils sont surpris, ces touristes de passage en Algérie, en voyant des nombreuses églises
devenues mosquées, centres culturels, salles de sports, bibliothèques … Et c’est la
même surprise lorsqu’il s’agit des écoles, dispensaires, hôpitaux et centres de formation
nationalisés ! Parfois, ils nous disent sur un ton un peu revanchard : pour quoi vous les
avez cédez ? Il faut les reprendre ! Mais aucun de ceux qui vous parlent ainsi n’est prêt
à rester dans ce pays pour « remplir » ces édifices ou pour y rendre service !
Des fois aussi nous voyons surgir des commentaires, des homélies, des textes qui, sans
doute avec la meilleure des intentions, veulent nous faire revenir en arrière en nous
laissant comprendre que le Concile Vatican II a été trop généreux, trop ouvert, trop
tolérant, trop… naïf ! Et qu’il faut en conséquence « revenir en arrière », aux positions
solides d’autrefois.
En ce dernier dimanche avant le triduum pascal nous sommes invités à laisser de côté
l’ancienne levure qui fermentait des pains rassis aujourd’hui. Nous sommes invités à
nous ouvrir à une nouvelle Loi qui n’est pas écrite sur des pierres, mais sur le sable qui
permet d’effacer les fautes du passé. Chaque religion, chaque croyant peut être conduit
au tribunal de l’histoire « en flagrant délit d’infidélité à ce qu’il y a de plus noble dans
sa foi ». Et d’ailleurs, nous ne nous privons pas de dresser des longues listes
accusatoires pour « condamner » les autres croyants. Dans l’Ancien Testament infidélité
religieuse et infidélité conjugale sont souvent des synonymes. Et l’Ancienne Loi,
comme d’autres chari’a de par le monde, concluait qu’il fallait exterminer…
Jésus apporte une autre option. Il se tourne vers l’avenir. Il ne dit pas que l’adultère
(l’infidélité aux prescriptions religieuses) soit une bonne chose. Il souhaite même que
cela ne se reproduise plus ! Mais Jésus laisse la porte ouverte au changement, à une
deuxième chance, à un revirement dans l’histoire personnelle et collective. Toutes les
Lois religieuses poussent plus ou moins à l’exclusion. Jésus propose l’inclusion de
l’ancien pécheur, de l’infidèle, du mécréant, dans l’histoire du salut... d’une manière que
Lui seul connaît.
Aux touristes enragés et aux nostalgiques du passé il faut faire comprendre que l’on a
pu nous prendre des pierres, des murs, des rituels, des apparences… mais que tout cela
ne vaut rien à côté du trésor que l’on ne peut pas nous prendre : Jésus. A côté du Christ,
à jamais Vivant, rien n’a de la valeur sauf son Evangile de réconciliation, de foi, de
vérité et de liberté. Plus je m’ouvre aux autres, plus je me redécouvre in-fidèle et
pardonné. Rien ne vaut autant que se tourner vers l’avenir si, avec Jésus, je ne
condamne pas les autres croyants. Et tant pis pour les Lois, je fais davantage confiance à
Jésus.
P. José Maria Cantal Rivas pb
Province Pères Blancs MAGHREB [email protected]
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Rencontre & Dialogue dans la liturgie - Année C
Pour la suite de ce guide
vous pouvez nous faire parvenir vos collaborations,
vos remarques et témoignages :
P. Anselme Tarpaga ([email protected]): Burkinabè, ayant travaillé
en Algérie, à étudié l’arabe en Egypte il poursuit des études d’islamologie à
Rome.
P. Eric Bladt ([email protected]) a travaillé des longues années dans la
Kabylie algérienne et en Tunisie avant de rejoindre sa Belgique natale où il
est toujours au service de la Rencontre et du Dialogue.
P. Raphaël Deillon ([email protected]): Suisse, après 20 ans en
Algérie et 13 ans au service de sa congrégation, est actuellement à
Marseille.
P. José Maria Cantal Rivas ([email protected]): Espagnol, après 5
ans au Burkina Faso et des études d’arabe et islamologie, il travaille en
Algérie.
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