La Première Guerre mondiale vue par le cinéma (1914
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La Première Guerre mondiale vue par le cinéma (1914
Académie de Toulouse 2008 Séquence d'Histoire La Première Guerre mondiale vue par le cinéma (1914-2004) Exemples et pistes d’applications Séquence réalisée par Salem Tlemsani (Lycée professionnel François Camel, Saint-Girons) Cette séquence a été présentée par Salem Tlemsani dans le cadre d’une action de formation continue (menée en partenariat avec la Cinémathèque de Toulouse) intitulée « Histoire et cinéma » qu’il animait en février-mars 2008. 2007-2008 Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 1 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Séance n°1 : Pendant la guerre Problème : Que disaient les films diffusés en plein conflit ? Objectif de connaissances : les films du cinéma des armées. Objectif de méthode : décoder un film de propagande. Activité : Montrer que deux idées dominent : l’acceptation des souffrances dues à la guerre et le sens du sacrifice (héroïsme patriotisme). Ressources : Document 1 – La femme française pendant la guerre, 1918 (document vidéo ECPAD) Août 1914 : épouse et mère, la femme offre son "premier sacrifice" et pleure le départ de l'aimé pour le front (séquence de fiction). 1918 : quatre années de guerre l'ont poussée à se mobiliser dans tous les secteurs. A la ville, elle est manutentionnaire dans les gares, conductrice dans les transports, serveuse ou "ramoneur" ; ouvrière à l'usine, affectée à différents postes, elle ne s'interrompt que pour allaiter son nourrisson à la crèche. A la campagne, elle conduit la charrue au temps des labours ou cueille les olives. Mais femme avant tout, elle apporte au soldat "fraternité et tendresse", colis, message d'amour anonyme glissé dans un casque qu'elle vient de fabriquer, soins aux blessés et aux enfants. Les morts, dont elle fleurit les tombes, restent présents dans son coeur et son image apaise le sommeil du poilu. La France reconnaît son héroïsme et récompense d'une médaille la veuve, l'infirmière ou l'ouvrière blessée lors des bombardements. Document 2 – Lettre de Poilu : Joseph Dézarnaud à sa femme, 7 juillet 1914 Narbonne, 7 juillet 1914 8h30 matin Ma chère Thérèse bien aimée, Il me reste quelques minutes de liberté avant le départ et j’en profite pour te dire encore une fois: bon courage et au revoir. Ma compagnie est prête: matériellement et moralement. Nous avons eu hier, sur le terrain de manœuvres, la revue de départ et le serment au drapeau. J’aurais voulu que Louis fût là (et toi aussi ma chérie) pour voir 3000 hommes jurant, la main tendue, de défendre le drapeau jusqu’au bout et criant, à pleins poumons: «Vive la France!». Certes oui, elle vivra, elle triomphera et elle sortira de cette lessive terrible, plus belle et plus forte que jamais. J’ai vu hier soir la mère et la sœur de Lamouroux qui m’ont donné de vos chères nouvelles et m’ont dit que vous n’avez reçu aucune de mes lettres. J’ai écrit tous les jours et vous les recevrez tôt ou tard: quand vous parviendra, à son tour, celle-ci? Nous embarquons ce matin à 10h45. Le tuyau de l’embarquement à minuit était faux. Nous passerons devant Agde en plein jour et je pourrai, sinon vous voir, du moins notre chère demeure. Que Dieu vous protège et vous bénisse: qu’il vous donne le bonheur pour lequel je vais travailler dur et qu’il daigne nous réunir encore ici bas. Tous nous partons avec une confiance sans bornes. Il faut que nous ayons le succès, pour vous surtout. Priez pour la France, pour la 3è et pour moi. Toute mon âme et tout mon cœur dans un baiser. Ton Jo. Source : École des Lettres, n°1; 2001-2002, p.88-89. Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 2 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Document 3 – Lettre de Poilu : René Pigeard à son père, 27 août 1916 René Pigeard avait vingt ans en 1914. Il était né dans l’Yonne. Imprimeur dans la vie civile, René fut blessé à Verdun puis nommé caporal. Fait prisonnier en 1917, il mourut électrocuté en essayant de s’évader de son camp de prisonniers le 17 octobre 1917. Le 27 août 1916 Cher papa, Dans la lettre que j’ai écrite à maman, je lui disais tout notre bonheur à nous retrouver « nous-mêmes » après s’être vus si peu de chose… à la merci d’un morceau de métal !... Pense donc que se retrouver ainsi à la vie c’est presque de la folie : être des heures sans entendre un sifflement d’obus au-dessus de sa tête… Pouvoir s’étendre tout son long, sur de la paille même… Avoir de l’eau propre à boire après s’être vus, comme des fauves, une dizaine autour d’un trou d’obus à nous disputer un quart d’eau croupie, vaseuse et sale ; pouvoir manger quelque chose où il n’y ait pas de terre dedans, quand encore nous avions quelque chose à manger… Pouvoir se débarbouiller, pouvoir se déchausser, pouvoir dire bonjour à ceux qui restent… Comprends-tu, tout ce bonheur, d’un coup, c’est trop. J’ai été une journée complètement abruti. Naturellement toute relève se fait de nuit, alors comprends aussi cette impression d’avoir quitté un ancien petit bois où il ne reste pas un arbre vivant, pas un arbre qui ait encore tris branches, et le matin suivant après deux ou trois heures de repos tout enfiévré voir soudain une rangée de marronniers tout verts, pleins de vie, pleins de sève, voir enfin quelque chose qui crée au lieu de voir quelque chose qui détruit ! Pense que de chaque côté des lignes, sur une largeur de un kilomètre, il ne reste pas un brin de verdure, mais une terre grise de poudre, sans cesse retournée par les obus : des blocs de pierre cassés, émiettés, des troncs déchiquetés, des débris de maçonnerie qui laissent supposer qu’il y a eu là une construction, qu’il y a eu des « hommes »… Je croyais avoir tout vu à Neuville. Eh bien non, c’était une illusion. Là-bas, c’était encore de la guerre : on entendait des coups de fusil, des mitrailleuses, mais ici rien que des obus, rien que cela ; puis des tranchées que l’on se bouleverse mutuellement, des lambeaux de chair qui volent en l’air, du sang qui éclabousse… Tu vas croire que j’exagère, non. C’est encore en dessous de la vérité. On se demande comment il se peut que l’on laisse se produire de pareilles choses. Je ne devrais peut-être pas décrire ces atrocités, mais il faut qu’on sache, on ignore la vérité trop brutale. Et dire qu’il y a vingt siècles que Jésus-Christ prêchait sur la bonté des hommes ! Qu’il y a des gens qui implorent la bonté divine ! Mais qu’ils se rendent compte de sa puissance, et qu’ils la comparent à la puissance d’un 380 boche ou d’un 270 français !... Pauvres que nous sommes ! P.P.N. Nous tenons cependant, c’est admirable. Mais ce qui dépasse l’imagination, c’est que les Boches attaquent encore. Il faut avouer que jamais on aura vu une pareille obstination dans le sacrifice inutile : quand par hasard ils gagnent un bout de terrain ils savent ce que ça leur coûte et encore ne le conservent-ils pas souvent. J’espère aller bientôt vous revoir et on boira encore un beau coup de pinard à la santé de ton poilu qui t’embrasse bien fort. René Pigeard. Source : Paroles de Poilus, Librio, 1998, p.54-55. Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 3 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Séance n°2 : Après la guerre : commémorer Problème : Quel message le cinéma véhicule-t-il après 1918 ? Objectif de connaissances : Verdun, visions d’histoire, un film exemplaire. Objectif de méthode : expliquer des images allégoriques. Activité : Travail sur les figures allégoriques, une clef de lecture en l’histoire de l’art. Montrer l’apparition du pacifisme. Ressources : Document 1 – Fragments de Verdun, visions d’histoire de Léon Poirier, 1928 Ce film, projeté et commenté pendant la formation, a été édité par la Cinémathèque de Toulouse et Carlotta en DVD en 2006. Verdun, visions d’histoire 1928, France, 130 min, Noir & Blanc Réalisation Léon Poirier Scénario Léon Poirier Musique André Petiot Production Compagnie Universelle Cinématographique Interpretation Jeanne-Marie Laurent, Albert Préjean, Hans Brausewetter, Tomy Bourdelle, Maurice Schutz, Antonin Artaud La bataille de Verdun. Fresque monumentale de l’enfer de la grande guerre. Horreurs de la guerre. Faites la guerre à la guerre. Mais aussi, vision du vainqueur, tentation pour l’épopée glorieuse. Verdun est un symbole. Autant de l’horreur que du patriotisme. On n’est pas dans les sentiers de la gloire mais la gloire est dans les tranchées. Une vision de 1928, dix ans après la première guerre mondiale, dix ans avant la seconde. En 1945 les apparitions de Pétain sont coupées. Quel regard porter aujourd’hui sur cette vision de l’histoire ? Document 2 – Iconographie des monuments aux morts [Cf. pages suivantes] Remarques : • Les notices explicatives sont disponibles sur la base Mérimée du Ministère de la Culture qui catalogue les objets et édifices classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire. http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ (Choisissez « Accès géographique » puis il suffit de retrouver le département, puis la commune et le monument dans la liste en passant par le menu « Liste des communes de France par département ».) • Les sources de l'iconographie* : ◦ pour les monuments de la Somme : http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/1418/peronne.html ◦ pour le monument de Fouesnant : http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Quillivic ◦ pour le monument de Langogne : http://picasaweb.google.com/auric48/LesMonumentsCommMoratifsDeLaGuerreDe1418 ◦ pour le monument d'Equeurdreville : http://pagesperso-orange.fr/philippe.coepel/monument.html * Pendant la formation, les images avaient été projetées dans un diaporama. Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 4 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Comble (dpt de la Somme) Langogne (dpt de la Lozère) Peronne (dpt de la Somme) Adresse place de la Mairie Technique sculpture Technique sculpture Edifice monument aux morts ; de la guerre de 1914, 1918, de la guerre de 1939, 1945 et de la guerre de 1950 Désignation monument aux morts de la guerre de 1914-1918 Désignation groupe sculpté : la picarde maudissant la guerre Matériaux marbre : taillé, poli Dimensions h = 300 ; la = 90 ; pr = 17 ; la profondeur de la dalle de marbre est de 25 centimètres Adresse place de la Halle Matériaux granite : taillé ; bronze : fonte ; fer : fonte ; fer : forgé Structure revers sculpté Adresse rue Béranger Matériaux calcaire : taillé Structure groupe relié Description socle en granite sur emmarchement de plan octogonal supportant un Dimensions groupe en bronze ; applique en fonte de fer sur la face principale du socle ; h = 150 ; la = 230 ; pr = 195 Iconographie grille d' entourage en fer forgé sur l' emmarchement scène (soldat, fusil, femme, Iconographie drapeau, couronne : laurier, Dimensions scène (femme, agenouillé, canon) h = 320 ; la = 500 ; pr = 400 malédiction, soldat, couché, dimensions comprenant l' emmarchement ; dimensions du groupe seul : h = mort) Précision représentation 150, la = 220, pr = 100 ; dimension du socle seul : h = 145 dimensions de l' Un soldat debout, tenant son Précision représentation emmarchement seul : h = 25, la = 500, pr = 400. fusil et un rameau de laurier, une paysanne assise devant le avec un canon derrière lui, est Iconographie corps d'un soldat mort tend le couronné par une allégorie de la soldat expirant sur une gerbe de laurier et enveloppé dans un drapeau ; poing devant elle dans un geste victoire tenant la hampe d' un Jeanne d' Arc coiffée d' un casque médiéval avec croix en auréole, vêtue d' de malédiction drapeau. une robe à fleurs de lys avec épée au côté, accroupie pour assister les Précision état derniers instants du soldat en lui montrant le ciel de la main gauche ; croix Précision état Le bras droit de la femme s' est de guerre sur palmes croisées en applique Ont récemment disparu : le récemment fendu et a dû être canon du fusil tenu par le soldat Inscription consolidé et une moitié de la couronne de inscription (gravée) ; inscription (fondue) Inscription laurier tenue par la république Précision inscription signature (gravée, sur l'oeuvre) Inscription dédicace gravée sur la face principale du socle, transcription : la ville de Auteur(s) devise (en relief, sur l'oeuvre) Langogne à ses enfants morts pour la France 1914 1918 1939 1945 ; noms Auban Paul (sculpteur) des morts gravés sur les faces latérales et sur la face arrière du socle ; Précision inscription initiales de la république française fondues sur l' applique ; signature du Lieu d'exécution devise : PRO PATRIA fondeur fondue sur la base du groupe, face arrière Paris Auteur(s) Auteur(s) Date(s) Inconnu Real del Sarte Maxime (sculpteur) ; Montagutelli (fondeur) 1926 Siècle Lieu d'exécution Historique 1er quart 20e siècle Paris Le monument fit l' objet d' un Historique concours organisé par la ville en Date(s) Le monument aurait été élevé 1925, et remporté par l' 1922 entre 1920 et 1923 ; le relief en architecte Louis _Faille en marbre est proche d' un modèle Historique collaboration avec les sculpteurs du catalogue Gourdon, visible vote de six mille francs du conseil municipal le 13 juillet 1919 ouvrant la Paul Auban et Paul Theunissen ; notamment à Challans en collecte communale ; vote de cinq cents francs par l' administration de l' le groupe sculpté central, la Vendée. hôpital de Langogne le 16 juin 1921 vote de dix mille francs de subvention Picarde maudissant la guerre, fut municipale en 1921 plans et devis approuvés par la préfecture le 29 juillet exécuté par Auban ; le 20 mai Statut juridique 1922 prix forfaitaire du groupe fondu en cire perdue fixé par Réal Del Sarte 1926, celui-ci indiqua que l' on propriété de la commune le 16 juin 1922, s' élevant à dix sept mille francs livre en gare de Langogne ; travaillait sans arrêt à la Type d'étude selon les propres termes du sculpteur, ce groupe représente Jeanne d' Arc sculpture dans ses ateliers de enquête thématique régionale ; héroïne nationale assistant dans ses derniers moments celui qui vient par Paris, et qu' elle serait terminée monuments aux morts de la son sacrifice sublime de rendre à la France, avec la victoire, l' Alsace et la avant une quinzaine de jours ; le Somme Lorraine monument fut inauguré le 20 juin 1926, et le groupe sculpté d' Nom rédacteur(s) Statut juridique Auban devint vite célèbre. Guerrini Dominique ; Guerrini propriété publique Jean-Etienne ; Forstel Judith Statut juridique Copyright propriété de la commune Copyright © Inventaire général © Inventaire général Copyright © Inventaire général Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 5 sur 12 Académie de Toulouse 2008 La victoire de Samothrace, musée du Louvre, IIe s. av. J.-C. La liberté guidant le peuple, E. Delacroix, 1830 Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 6 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Monument au mort de Combes (Somme) Monument aux morts de Langogne (Lozère) Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 7 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Monument aux morts de Peronne (Somme) Monument aux morts de Gentioux (Somme) Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 8 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Monument aux morts d'Equeurdreville (Manche) Monument aux morts de Fouesnant (Finistère) Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 9 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Document 3 – « À ton tour, Germania ! » Une du supplément illustré du Petit Journal, 13 juillet 1919 Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 10 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Document complémentaire – Explication de « À ton tour, Germania ! » Supplément illustré du Petit Journal, 13 juillet 1919 Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 11 sur 12 Académie de Toulouse 2008 Séance n°3 : Depuis 1947 : rechercher et dire la vérité Problème : Quels thèmes les films réalisés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale abordent-ils ? Objectif de connaissances : Capitaine Conan, un film exemplaire. Objectif de méthode : expliquer le “discours” d’un film. Activité : Mettre en évidence les notions de brutalisation, de traumatisme et de deuil. Ressources : Les ressources correspondent à des films ou des extraits qui ont été projetés pendant la formation. Document 1 – Capitaine Conan de Bertrand Tavernier, 1996 (œuvre intégrale). Document 2 – Entretien Tavernier Noiret (bonus du DVD de La vie et rien d’autre). Document 3 – Début et fin du film La vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier, 1989. Document complémentaire – Deux citations de Tavernier pour nous éclairer “Les cinéastes [sont] des sismographes de leur époque, qui témoignent, même s’il y a une part d’inconscient, de tout ce qui les entoure”. “Je voudrais parvenir à ce que les gens ne voient pas ces films comme des cours d’histoire ; je voudrais qu’ils oublient que ce sont des films historiques je suis toujours gêné dans les films de voir des gens expliquer à d’autres personnes des choses que ces autres personnes doivent savoir.” Revue du cinéma, juillet-août 1980. Salem Tlemsani, LP François Camel, Saint-Girons 12 sur 12