Cahier 2010-10 - Expertise Hec Ca Hec MontréAl
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Cahier 2010-10 - Expertise Hec Ca Hec MontréAl
Ce texte a été publié dans la revue L'Expansion Entrepreneuriat, no.6, juin 2010, pp.15 - 23. Une version antérieure de ce texte avait au préalable été publiée dans : Filion, L.J. et C. Ananou (sous la dir) (2010) De l'intuition au projet d'entreprise, Montréal, Transcontinental, chapitre 25, pp. 487- 500, sous le titre: « Quelques conseils pour réussir la création de son entreprise ». Dix conseils aux créateurs d’entreprises Auteurs : Louis JacquesFilion et Cândido Borges Cahier de recherche n° : 2010-10 Date : août 2010 ISSN : 0840-853X _____________________ Copyright 2010 – HEC Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Dix conseils aux créateurs d´entreprises1 Auteurs Louis Jacques Filion Professeur titulaire Directeur, Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier HEC Montréal. 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 Canada [email protected] Téléphone : (514) 340-6339 Cândido Borges Professeur adjoint Universidade Federal de Goiás Campus II, FACE-Faculdade de Administração Ciências Contábeis e Ciências Econômicas Caixa Postal 131 74001-970 - Goiânia-GO Brésil [email protected] Téléphone: (62) 3521-1390 Biographies Louis Jacques Filion est professeur à HEC Montréal. Il a créé, redressé et dirigé des entreprises. Ses recherches portent sur les systèmes d'activités des entrepreneurs, la création d’entreprise et l’intrapreneuriat. Cândido Borges est professeur à la Faculdade de Administração de l’Universidade Federal de Goiás (UFG), au Brésil. Ses domaines de recherche portent sur la création d´entreprise, l´entrepreneuriat technologique, l´essaimage et le capital social. 1 Cet article est tiré du chapitre d’un livre à paraître en novembre 2009 intitulé : De l’intuition au projet d’entreprise. Copyright 2010 – HEC Montréal Dix conseils aux créateurs d’entreprises La création d’entreprises : une aventure exigeante Comment passer au travers du processus de création d’une nouvelle entreprise avec succès et survivre à cette traversée? Suite à nos expériences pratiques, suite à l’étude des recherches et à l’enseignement sur la création d’entreprises, nous avons dégagé un certain nombre de préceptes et de conseils que nous mentionnons aux personnes qui se préparent à créer une entreprise. Nous en avons retenu dix que nous partageons ici. Ils sont d’abord introduits au tableau 1 ci-dessous, puis chacun est commenté brièvement par la suite. Compte tenu de la grande variété de contextes et de situations de créations de nouvelles entreprises, ces conseils sont présentés sans prétention car ils ne s’appliquent pas nécessairement à tous les créateurs d’entreprises ni à tous les contextes. Ces conseils doivent être considérés avec discernement. Ils devraient néanmoins susciter une réflexion et des apprentissages pour permettre d’améliorer les probabilités de réussite de la majorité des créateurs. Tableau 1 – Dix conseils aux créateurs d’entreprises 1. Structurer son modèle mental entrepreneurial 2. Établir ses critères de succès, se fixer quelques objectifs et savoir s’organiser en vue de l’action 3. Connaître et comprendre son secteur, écouter et être axé sur le client 4. Bien mettre en valeur l’opportunité d’affaires identifiée et savoir choisir les moments propices (timing) 5. Contribuer une innovation et se différencier : modèle d’affaires, choix du nom, prix 6. Se donner des outils réflexifs 7. Mobiliser tôt son réseau, des relations de soutien et des contacts d´affaires 8. Bien définir son espace de soi, les espaces d’autrui et déléguer 9. Savoir s’entourer d’entrepreneurs : partenaires, mentor, coach et comité consultatif 10. Se préparer à la polyvalence et savoir persévérer 1. Structurer son modèle mental entrepreneurial La préparation à l’activité entrepreneuriale nécessite une initiation à un savoir être qui conduit à une façon de penser et de faire innovante. Certains auront acquis ce savoir être au contact d’entrepreneurs dans leur famille ou leur environnement, au cours de leurs études ou à travers leurs lectures. L’entrepreneuriat suit l’expression d’une façon de penser particulière axée sur la nouveauté, l’innovation, le changement. La culture qui est à la base de toute façon de penser et d’agir se nourrit au contact de personnes qui incarnent cette culture et qui l’ont bien intégrée. Cela s’applique à toute personne qui envisage devenir entrepreneur. On s’y prépare en se plaçant en contact avec des entrepreneurs. Il n’existe pas de génération spontanée. On ne s’improvise pas entrepreneur. Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 1 Dix conseils aux créateurs d’entreprises Il est utile de faire le point et d’identifier les rôles qu’on a soi-même joués lors d’initiatives ou d’activités innovantes et d’évaluer ses forces et ses faiblesses dans ce processus. Dans le passé, est-ce que j’ai eu une propension à définir des contextes d’activités futures? Ai-je déjà montré des capacités à exprimer une pensée projective? Les entrepreneurs essaient d’anticiper l’avenir et d’imaginer ce qui pourrait être. Ils définissent des ensembles d’activités qu’ils veulent réaliser et des façons de s’organiser pour y parvenir. Ils sont à la fois des initiateurs et des rassembleurs autour de leurs projets. 2. Établir ses critères de succès, se fixer des objectifs et savoir s’organiser en vue de l’action La création d’une entreprise est un exercice de liberté par excellence. Au cours de cet exercice, l’entrepreneur définit ce qui sera possible pour lui. Chaque personne entretient des critères, le plus souvent implicites, de ce qu’elle désire accomplir. Pourquoi ne pas les rendre explicites et s’en servir pour définir le système d’activités que nous désirons réaliser. Qu’est-ce que je veux réaliser? Quels sont mes objectifs? Comment m’organiser pour y parvenir? L’entrepreneur a avantage à se fixer des buts généraux, mais les objectifs devraient être précis et mesurables dans le temps. Par exemple: atteindre tel niveau de ventes après trois mois; atteindre le seuil de rentabilité après six mois; atteindre tel niveau de profit au cours de la deuxième année d’opération, etc. Le fait d’établir et de rendre explicites ses propres critères de succès, lesquels pourront varier dans le temps, offre des repères pour fixer ses objectifs, délimiter ses frontières, mieux circonscrire ses cibles et faire des choix d’activités, ce qui permettra de prendre des décisions plus rapidement et avec plus de justesse. L’entrepreneur est orienté vers l’action. Il réfléchit sans cesse en vue de l’action. Il sait choisir le moment propice pour passer à l’action. Il aime passer à l’action. En somme, l’entrepreneur est un « artiste de l’action ». C’est le passage à l’action et la façon bien articulée suivant laquelle il s’y engage puis la gère qui font le succès de l’entrepreneur. Comme entrepreneurs, il importe que nous réfléchissions à chacune de nos actions et que nous soyons en mesure de répondre aux questions suivantes pour chacune d’entre elles : Pourquoi? Comment? Avec qui? Effets sur les personnes à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise? Contributions et conséquences pour la réalisation de mes objectifs? 3. Connaître et comprendre son secteur, écouter et être axé sur le client Il existe quelques éléments prédicteurs de succès en affaires. L’expérience des affaires et/ou de la gestion en est un. La connaissance du secteur dans lequel on va se lancer en est un autre. Progresser sur un terrain familier est moins risqué qu‘explorer l´inconnu. Créer une nouvelle entreprise n´est pas différent. Avoir travaillé dans le secteur d’activités où l’entreprise sera lancée représente un facteur positif souligné par les créateurs d’entreprises pour réussir leur démarche. Ces expériences préalables facilitent les apprentissages nécessaires au développement des produits/services, dans certains cas des technologies en cause. La connaissance du fonctionnement du secteur et de quelques-uns de Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 1 Dix conseils aux créateurs d’entreprises ses acteurs, dont quelques fournisseurs et clients potentiels, permettra d’avoir accès à des informations stratégiques fort utiles pour mieux adapter et ajuster ce qu’on compte faire. Qui sont mes clients? Qui sont mes clients potentiels? Quels sont leurs besoins? Quelles sont les meilleures stratégies pour vendre à ces clients ? Qui sont les clients de mes clients? Qui sont mes concurrents? Voilà la sorte de questions qu’un entrepreneur aura avantage à se poser avant de lancer son entreprise. Les entrepreneurs qui évoluent dans le B2B (Business to Business) nous disent qu’ils ont mieux réussi à partir du moment où ils se sont « placés dans les souliers de leurs clients afin de mieux comprendre les besoins des clients de leurs clients ». Les recherches montrent que les dirigeants de PME qui ont les stratégies les plus efficaces consacrent du temps à rencontrer les fournisseurs, ce qui leur permet d’être très bien informés sur les changements en cours et à venir dans leur secteur. Le créateur d’une entreprise qui n’a pas travaillé au préalable dans le secteur dans lequel il veut se lancer devra trouver des façons de remédier à cette faiblesse. Il existe plusieurs façons de le faire, par exemple, par l’observation du fonctionnement d’une des entreprises les plus innovantes dans ce secteur ou dans un secteur connexe, s’il s’agit d’un secteur en émergence. Des contacts avec des fournisseurs du secteur ou des utilisateurs actuels des produits ou de produits connexes pourront aussi permettre d’enrichir notre référent sur ce qui est vraiment pertinent et qui peut engendrer des effets sur les ventes des produits/services à être mis en marché. 4. Bien mettre en valeur l’opportunité d’affaires identifiée et savoir choisir les moments propices (timing) L’opportunité d’affaires, c’est la pierre angulaire sur laquelle on bâtit son projet d’entreprise. Il doit exister une adéquation étroite entre le créateur et son opportunité d’affaires. Si le créateur entretient une passion pour le sujet, il sera fortement motivé, continuera d’apprendre et finira par réussir. Les entrepreneurs réfléchissent intensément à des façons originales de mettre en valeur cette opportunité. Il faut être conscient que plus nous avançons dans le temps, plus la durée des fenêtres d’opportunités se rétrécit. Autrefois, une opportunité pouvait être possible et disponible pendant des décennies. De nos jours, il s’agit le plus souvent d’une question de mois ou tout au plus de quelques années. Une opportunité n’en est plus une lorsqu’un grand nombre de personnes peuvent la voir. Il importe de choisir le moment propice, ne pas trop s’éterniser, bien se préparer et savoir passer à l’action. Trop de tergiversations feront que ce sera trop tard, trop de précipitations feront que ce sera trop tôt. Les entrepreneurs multiplient les angles à partir desquels ils analysent leur secteur et ils finissent par développer un sixième sens quant au moment propice (timing) pour passer à l’action. Il importe que l’opportunité identifiée vienne répondre à un besoin. Trop de gens se lancent rapidement à partir d’une idée qu’ils croient bonne mais qui ne vient pas combler un véritable besoin. Ce n’est pas que l’identification d’une bonne opportunité d’affaires qui importe, c’est aussi la façon de la façonner. La majorité des opportunités nécessitent des transformations et des combinaisons parfois complexes. C’est pourquoi plusieurs auteurs préfèrent utiliser le terme « création d’opportunités » plutôt que simplement « identification d’opportunités ». Une fois mise au point, il faut la tester sur le marché et sa mise en valeur de façon judicieuse et astucieuse au Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 2 Dix conseils aux créateurs d’entreprises bon moment importe beaucoup. Là, l’« artiste de l’action » qu’est l’entrepreneur doit savoir à la fois se servir de son intuition, de son flair et « garder le nez en l’air », savoir bricoler, façonner et esquisser des canevas d’œuvres d’art potentielles. 5. Contribuer à une innovation et se différencier : modèle d’affaire, choix du nom, prix L’entrepreneur est une personne qui apporte une innovation, soit quelque chose de nouveau et de différent qui contribue une valeur ajoutée par rapport à ce qui existe déjà. Il faut travailler et retravailler la façon de bien mettre en valeur l’opportunité d’affaires et se présenter sur le marché avec des éléments de nouveauté et de différenciation. Les créateurs auront avantage à travailler et retravailler leur modèle d’affaires 2, la cohérence entre les 4P ou 5P, le choix du nom, la logique entre le type de produits/services et la distribution et la justesse du prix. Un nom d’entreprise devrait généralement référer à ce que fait cette entreprise, être facile à retenir et de plus en plus être « global », c’est-à-dire pouvoir être compris dans plusieurs langues, en particulier si on envisage d’aller sur le marché international. Pour les entreprises dans certains secteurs de services, il peut être avantageux que la raison sociale commence soit avec un mot qui réfère au service concerné, par exemple : « Voyages 4D » pour une agence de voyages, soit avec une lettre au début de l’alphabet. « Apple » ressort en premier sur les listes d’entreprises, par contre « Microsoft » est plus explicite. Il n’existe pas de règle absolue quant au choix du nom, mais il existe de nombreuses dimensions dont il faut tenir compte selon le secteur et le type d’entreprise. Il est préférable de choisir un nom qui se retient bien. Quant au prix, sujet qui demeure une des faiblesses d’un grand nombre d’entreprises naissantes, en particulier dans les secteurs de services, il importe de faire plusieurs tests de marché avant d’établir le prix de vente des produits/services de façon définitive. Une fois les produits/services lancés, il sera difficile d’apporter des modifications de prix qui pourraient comporter de grands écarts. 6. Se donner des outils réflexifs Pour se donner des outils réflexifs, il est conseillé de procéder à la rédaction de canevas qui permettront de préciser son système d’activités entrepreneurial. Premièrement, concevoir et décrire en quelques pages l’entreprise idéale qu’on aimerait mettre sur pied (deux à cinq pages). Cela va permettre de préciser plusieurs points d’ancrage concernant des éléments fondamentaux qui sont importants pour le créateur et auxquels il pourra se référer par la suite. Deuxièmement, esquisser un guide d’activités pour mettre en œuvre le projet (deux à trois pages). Troisièmement, après avoir effectué une étude de marché, esquisser une première ébauche du projet entrepreneurial, soit un sommaire de cinq à dix pages. Il importe de voir ces notes comme des canevas pour soutenir la réflexion et la progression de la conception du projet, mais non comme des plans à mettre en œuvre tels quels à tout prix. Les créateurs qui ont fait des efforts de 2 Voir en particulier : Verstraete (Thierry) et Jouisson-Laffitte (Estèle), Business Model pour entreprendre, Paris,De Boeck, 2009. Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 3 Dix conseils aux créateurs d’entreprises conception de projet sont mieux équipés pour faire face aux imprévus et à des situations difficiles par la suite. Cet exercice stimulera la pensée projective. Il permettra aussi à l’entrepreneur de préciser l’information et les ressources dont il aura besoin, de mieux cibler ses objectifs, de mieux préparer son plan d’action, de s’habituer à travailler avec divers scénarios. Le fait de réfléchir à ce qu’on veut faire et aux façons de le faire permet généralement de simplifier les processus et de diminuer les ressources éventuelles requises pour mener les activités à terme. Cela permet aussi de mieux gérer la principale ressource dont sont très rapidement à court la majorité des créateurs d’entreprises : le temps. Un minimum de planification devrait amener la majorité des créateurs d’entreprises à approfondir leurs analyses du marché, à mieux comprendre le marché du secteur ainsi que les besoins des utilisateurs éventuels des produits/services, à mieux mettre en valeur leurs avantages compétitifs et à concevoir avec plus de cohérence le système de ressources, en particulier humaines dont ils auront besoin pour bien démarrer puis gérer plus efficacement leur entreprise. Après le démarrage, il est normal que des imprévus surgissent et que les situations changent. Le projet d’entreprise est un guide qui n’a pas à être suivi à la lettre et qui devra être modifié et adapté aux conditions toujours nouvelles auxquelles sera confrontée l’entreprise. Cette esquisse de plan ne doit pas venir limiter les actions de l´entrepreneur, ni son intuition. Toute cette préparation devrait être utilisée avec jugement et discernement. Il s’agit d’un outil de repérage et d´accompagnement qui permet de se donner des fils conducteurs auxquels on pourra se référer pour prendre plus rapidement des décisions. Cela sert aussi d’outil de communication pour informer les parties prenantes de ce qu’on veut réaliser. 7. Mobiliser tôt son réseau, des relations de soutien et des contacts d´affaires Quelles sont les informations dont j’aurai besoin? Quels sont les appuis qui pourraient m’être utiles? Avec qui vais-je démarrer mon entreprise? De quels types de personnes aurai-je besoin de m’entourer? Quelles sont les ressources dont j´aurai besoin ? Où vais-je trouver ces ressources? Quels sont les services ainsi que les programmes d’aide à la création d’entreprises dont je pourrais bénéficier? Les créateurs d’entreprises ont avantage à commencer à tresser et à mobiliser tôt leur réseau d’affaires. D´abord, il importe de parler de leur idée d´affaires avec des clients potentiels. Dans certains cas, on ira jusqu’à les impliquer dans le développement des produits. Les clients potentiels peuvent fournir des informations qui permettront de mieux ajuster le produit aux conditions du marché et répondant mieux aux besoins des utilisateurs potentiels. Cela peut faciliter la première vente, moment souvent critique pour une entreprise en démarrage. Un client potentiel qui a participé au projet pourra non seulement devenir le premier acheteur, mais aussi référer d’autres clients potentiels. Pendant longtemps, l´imaginaire populaire a entretenu le mythe de l´entrepreneur héros, soit celui qui crée une entreprise tout seul et se débat avec un courage exceptionnel pour survivre. Toutefois, la recherche nous a appris que l´entrepreneuriat est un phénomène collectif, l´entrepreneur réalisant son rêve avec la participation, l´aide et le support de nombreuses autres Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 4 Dix conseils aux créateurs d’entreprises personnes dont ses proches, des associés, des collaborateurs, les contacts de son réseau de même que les membres d’organismes de soutien. Il faut un minimum de personnes dans le réseau de l’entrepreneur, ce qui permet en tout premier lieu d’être mieux informé de ce qui se passe dans le secteur, de stimuler la réflexion et l’apprentissage. 8. Bien définir son espace de soi, les espaces d’autrui et déléguer Si la création d´entreprises revêt une dimension collective qui fait en sorte que l´entrepreneur a avantage à recourir à de l´aide externe et à interagir avec les personnes de son réseau, elle relève avant tout d’une démarche très personnelle. Pour mener à bien son projet, l´entrepreneur doit avoir confiance en lui-même, en ses capacités et être en mesure de vivre en harmonie avec luimême s’il veut pouvoir le faire avec d’autres. Cela peut exiger qu’il redéfinisse son espace de soi, ce qui lui permettra d’être en mesure de mieux définir les espaces des autres dont il aura besoin autour de lui par la suite 3. Les entrepreneurs asiatiques consacrent beaucoup de temps à réfléchir aux façons d’organiser le système social que présente leur entreprise autour de valeurs qui reflètent l’harmonie entre les personnes. Il importe de concevoir et de mettre en place un système social qui reflète un équilibre entre les énergies requises et les capacités des personnes. Cet équilibre aura aussi avantage à se refléter entre l’entrepreneur lui-même, l´entreprise, la famille et ses autres sphères de vie. Lors des embauches, il est conseillé de définir un contrat psychologique clair entre le créateur et les personnes embauchées pour faire partie de son équipe : qu’est-ce que chaque collaborateur est en droit d’attendre de l’entrepreneur dirigeant l’entreprise, et qu’est–ce que l’entrepreneur est en droit d’attendre de chacun ? On aura avantage à tenir compte du critère de la délégation potentielle et éventuelle de tâches lors du recrutement et de l’embauche et non seulement embaucher des personnes en fonction de leur savoir-faire pour mener à terme une tâche donnée. La croissance d’une entreprise passe par la délégation de tâches et celle-ci commence par la conception d’un processus au cours duquel on définit les tâches à accomplir puis on détermine ensuite les tâches qui pourront être déléguées. 9. Savoir s’entourer d’entrepreneurs : partenaires, mentor, coach et comité consultatif La culture entrepreneuriale s’acquiert, se développe et se nourrit par osmose au contact d’entrepreneurs. La création d’entreprises se fait de plus en plus par des équipes entrepreneuriales composées de partenaires aux compétences complémentaires. Les recherches montrent que la majorité des nouvelles entreprises sont créées par des équipes4. Ce pourcentage est confirmé par 3 Filion (Louis Jacques) et Bourion (Christian) (Eds.), Les représentations entrepreneuriales, Paris, ESKA, 2008. 4 Mentionnons ici une recherche type réalisée aux USA sur la création d’entreprises au cours des dernières années. Cette recherche indique que 52 % des entreprises créées dans l’échantillon étudié l’ont été par des équipes : Aldrich (Howard), Carter (Nancy) et Ruef (Martin), « Teams », dans Gartner (William), Shaver (Kelly), Carter (Nancy) et Reynolds (Paul) (Eds.), Handbook of entrepreneurial dynamics :The process of business creation, Thousand Oaks, Sage, 2004, p. 299-310. Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 5 Dix conseils aux créateurs d’entreprises nos propres recherches. Dans le cas des entreprises technologiques, ce chiffre atteint plus de 95 % 5. Il importe que le ou les futurs créateurs identifient un mentor, un coach et un comité consultatif. Dans les domaines de pratiques, comme c’est le cas de l’entrepreneuriat, il n’y a pas de substitut à l’expérience. Le créateur aura avantage à s’entourer de gens d’expérience, c’est là un facteur majeur de succès. Le créateur a d’abord besoin d’un mentor. Le rôle de ce dernier consiste à poser des questions de fond sur le modèle et le cheminement entrepreneurial du créateur. Les relations avec le mentor auront avantage à débuter dès que le créateur aura décidé qu’il veut se lancer en affaires. Les rencontres ont lieu habituellement une fois par mois. Elles s’étaleront généralement sur quelques années 6. Le mentor est très souvent un entrepreneur à la retraite. Il n’est pas rémunéré. Il n’est ni un coach, ni un partenaire et n’investit pas dans l’entreprise. Il encadre le créateur dans l’apprentissage de son métier d’entrepreneur et de dirigeant. Les entrepreneurs technologiques ont souvent recours à deux mentors : un chercheur venant du domaine concerné de la technologie et un autre qui est un entrepreneur technologique d’expérience. Le mentor encadre une démarche réflexive pour mieux articuler la cohérence du savoir être entrepreneurial. Lors du démarrage, le créateur aura besoin d’un coach. Au hockey, le coach est derrière le banc des joueurs et donne des conseils sur ce qui doit être fait au cours de l’action. Le coach est soit un entrepreneur d’expérience, à la retraite ou non, ou un cadre d’une grande entreprise, à la retraite ou non, qui a l’expertise du secteur (au sens large), souvent un spécialiste en marketing. Il donne des conseils sur des actions à prendre, aide à concevoir des scénarios, aide à évaluer les effets des décisions, conseille sur des actions à entreprendre ainsi que sur des savoir faire. Les rencontres avec le coach auront lieu une ou deux fois par mois et s’étaleront sur deux à quatre ans, suivant des mandats de deux ans renouvelables. Certains coaches sont rémunérés, tout dépend de la quantité de travail qui leur est demandé ainsi que de la fréquence des rencontres. Le créateur aura avantage à mettre en place un comité consultatif composé de trois ou quatre personnes d’expérience qu’il réunira trois ou quatre fois l’an pour discuter de sa stratégie et de décisions à portée stratégique à prendre. Le créateur pourra transformer soit son plan d’affaires, soit son dossier d’opportunité ou autre forme de présentation de son projet d’entreprise en plan stratégique et s’en servir comme référence de base pour organiser le travail des membres du comité consultatif qui peuvent être tant des dirigeants de PME que des cadres de grandes entreprises, soit experts en marketing, en finance, en gestion des opérations, en ressources humaines ou autres. Ils sont rémunérés pour leur travail. Leur mandat est généralement de deux ans et est renouvelable. Les associations qui regroupent des dirigeants de PME offrent généralement des formations et un service d’aide à la mise en place de comités consultatifs dans la plupart des 5 Filion (Louis Jacques), Borges (Candido) et Simard (Germain) «Étude du processus de création d’entreprises structuré en quatre étapes», Communication présentée au 8ème Congrès International Francophone sur la PME, Fribourg, publiée dans les Actes, CIFEPME 2006. 6 Voir programme de mentorat de la Fondation de l’entrepreneurship (www.entrepreneurship.qc.ca). Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 6 Dix conseils aux créateurs d’entreprises 7 pays . Le comité consultatif a l’avantage d’être plus léger qu’un conseil d’administration en bonne et due forme et ne requiert aucune paperasse légale. Le créateur qui aura mis en place ces mécanismes d’encadrement se sera doté d’une structure qui favorisera ses apprentissages et lui permettra de grandement réduire ses risques. Toutes ces personnes d’expérience disposent aussi de réseaux relationnels qui pourront être utiles au créateur, surtout au cours des premières années suivant le lancement de la nouvelle entreprise. Cette dynamique aidera la croissance et la profitabilité de l’entreprise naissante. 10. Se préparer à la polyvalence et savoir persévérer Tout au long du processus de création et de démarrage de son entreprise, l’entrepreneur devra s’occuper de différents types d’activités et toucher à de nombreux domaines de la gestion : gestion financière et administration, recherche et développement, gestion des opérations, promotion, relations avec les partenaires. Quelques activités devraient cependant retenir son attention de façon particulière : le choix de collaborateurs et la gestion des ressources humaines, la vente et la négociation. Les créateurs d’entreprises qui réussissent mieux accordent généralement une attention particulière à ces activités et leur consacrent plus de temps que les autres entrepreneurs. Le parcours qui mène à la création d´une entreprise est plus souvent qu’autrement jalonné d’une multitude de petits pas et non de grands pas. Très peu d’entreprises atteignent rapidement le seuil de rentabilité. Il faut compter en moyenne un an. Il faut investir du temps pour arriver à développer un produit/service, pour rejoindre la clientèle et atteindre un volume de ventes satisfaisant. Par conséquent, les créateurs d’entreprises doivent se préparer à cette traversée du désert. Ils ont besoin, entre autres, de mobiliser les ressources nécessaires pour supporter le projet jusqu’à l’atteinte de la rentabilité ainsi que pour assumer leurs dépenses de survie personnelle. Il importe de se préparer à persévérer. Ce sera plus facile pour les passionnés du domaine. Tout au long du processus de création d’une nouvelle entreprise, les créateurs seront confrontés à de multiples obstacles : manque de financement, difficultés à vendre les produits, rotation de personnel, apparition de nouveaux concurrents, etc. Seule la persévérance aidera à traverser des flots plus agités avant d’atteindre un rythme de croisière plus serein. La pratique d’un sport permettra d’évacuer du stress, de se ressourcer, de conserver son hygiène mentale et de maintenir une bonne forme physique. Un des problèmes auquel sont confrontés très rapidement la majorité des créateurs d’entreprises est celui de l’isolement. Une des façons de le contrer consiste à savoir s’entourer, mais aussi à s’impliquer quelques heures par semaine dans une activité bénévole dans le milieu dans lequel évolue l’entreprise. Cela permet de maintenir des états d’équilibre de soi et contribue à la vie de la communauté. Dans certains cas, des clients émergeront des contacts réalisés au cours de ces rencontres. 7 Voir www.groupement.ca (Groupement des chefs d’entreprises). Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 7 Dix conseils aux créateurs d’entreprises Conclusion et implications La création d’une nouvelle entreprise constitue un tournant majeur dans la vie de la majorité des personnes qui se lancent dans cette aventure. Il s’agit d’une période intense durant laquelle on apprend de façon accélérée les rudiments du métier d’entrepreneur et de dirigeant. Cet apprentissage sera d’autant plus facile à traverser qu’on s’y sera bien préparé. Le métier d’entrepreneur est souvent un métier additionnel qu’on vient superposer à un métier de base. L’exercice de tout métier requiert un apprentissage et l’entrepreneuriat ne fait pas exception. Les nombreuses activités reliées à la création d’une entreprise viendront transformer la façon d’être, de penser et d’agir de l’entrepreneur. Toutes ces activités nécessitent l’apprentissage de plusieurs nouveaux rôles. Il importe d’apprendre à apprendre tant par l’écoute que par l’observation, apprendre à définir les fils conducteurs et les visions de ce qu’on veut réaliser mais aussi savoir les communiquer. Il faut savoir s’entourer, aimer progresser et savoir passer à l’action. L’entrepreneuriat appelle à un continuel apprentissage et au dépassement de soi. L’exercice avec succès d’un des plus beaux métiers du monde donne accès à une liberté toujours plus grande. Cela devrait fournir de meilleurs moyens de réalisation de soi et de réalisation des autres auxquels l’entrepreneur est associé. Cela devrait permettre une meilleure contribution au développement des sociétés. Les sociétés sans entrepreneur finissent par mourir, mais celles où les entrepreneurs réussissent doivent bénéficier des retombées et du partage des richesses qui en découle. Copyright 2010 – HEC Montréal. Page 8
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