LA RELATION D`AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN
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LA RELATION D`AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN
Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex LA RELATION D’AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN SOINS DES FEMMES MASTECTOMISEES ? Unités d’Enseignements concernées : UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité de traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais - Rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude Présenté par DAS NEVES Elodie, GELOT Ep. EME Séverine, MORIS-MUTTONI Camille Promotion 2012/2015 Formateur de guidance : Mme GOUNAND Bénédicte Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex LA RELATION D’AIDE : UN « PANSEMENT » DANS LA PRISE EN SOINS DES FEMMES MASTECTOMISEES ? Unités d’Enseignements concernées : UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité de traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais - Rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude Présenté par DAS NEVES Elodie, GELOT Ep. EME Séverine, MORIS-MUTTONI Camille Promotion 2012/2015 Formateur de guidance : Mme GOUNAND Bénédicte EPIGRAPHE « On ne naît pas femme : on le devient. » Simone de Beauvoir REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier Madame Gounand, notre formatrice de guidance, pour son aide précieuse, ses conseils judicieux lors de moments de doute. Nous remercions également Madame Guiot Bonjour pour son apport bibliographique. Merci à Mme C. et à Mme K., personnes ressources, d’avoir accepté de nous rencontrer et de nous avoir confié leur vécu. Merci aux professionnelles interrogées d’avoir partagé avec nous leur expérience et leur point de vue. Merci à Marjorie, Virginie, Camille, Amandine et Nathalie pour la relecture de notre travail et leurs encouragements. Enfin, un grand merci à nos proches pour leur patience et leur soutien tout au long de ce travail de recherche, mais surtout durant ces trois années de formation. SOMMAIRE Introduction .......................................................................................................................... 7 Situation d’appel ................................................................................................................. 8 Questionnement ................................................................................................................. 9 Détermination de la question de départ .............................................................................. 9 Développement .................................................................................................................. 12 1. Le cancer du sein........................................................................................................... 13 1.1. Généralités ................................................................................................................ 13 1.2. La mastectomie ......................................................................................................... 13 2. Les répercussions du cancer du sein et de ses traitements ...................................... 14 2.1. Image corporelle et féminité ...................................................................................... 14 2.2. Sexualité et vie de couple .......................................................................................... 15 3. Le rôle infirmier dans la prise en soins ........................................................................ 19 3.1. Le deuil ..................................................................................................................... 19 3.2. La reconstruction ....................................................................................................... 21 3.3. La relation d’aide ....................................................................................................... 22 Problématique .................................................................................................................... 24 Conclusion ......................................................................................................................... 25 Bibliographie ...................................................................................................................... 27 Annexes.............................................................................................................................. 30 INTRODUCTION 8 Au cours de nos trois années de formation, nous avons toutes les trois eu l’occasion de pouvoir réaliser des stages dans divers établissements et services, nous ayant confronté aux cancers féminins : oncologie, chirurgie gynécologique, radiothérapie et curiethérapie. Nous avons pu alors rencontrer de nombreuses patientes atteintes d’un cancer du sein, qui est le cancer féminin le plus répandu mais aussi le mieux traité de nos jours. De plus, lors de notre deuxième année, nous avions choisi de travailler sur le thème du dépistage du cancer du sein dans le cadre d’une unité d’enseignement de santé publique. L’annonce d’un cancer provoque de nombreux bouleversements dans la vie de ces femmes. Si l’annonce du diagnostic se révèle être un choc, comment alors entendre l’idée de la perte d’un sein ? Une double peine pour ces patientes. La perturbation de l’image corporelle entrainée par un des traitements de ce cancer, la mastectomie, nous a paru un sujet important à développer. En effet, pendant nos différents stages, nous avons relevé un élément qui nous a été commun à toutes : ces patientes vivent un véritable bouleversement de leur image corporelle et dans leur identité féminine. Le point de départ de notre travail est une situation vécue en stage par l’une d’entre nous. SITUATION D’APPEL Mme J. est une femme de 49 ans, mariée, 2 fils, qui a subi une mastectomie à gauche, suite à un cancer du sein diagnostiqué 2 mois auparavant. A J2 de l’intervention, à l’occasion de la première réfection de pansement, Mme J. allait voir pour la première fois sa cicatrice. J’avais remarqué que le mari de la patiente était dans sa chambre et j’ai alors proposé à cette dernière si elle voulait que son mari soit présent pendant le soin. Mme J. a alors demandé à son mari son avis. M. J. a acquiescé puis la patiente a alors déclaré : « de toute façon il faudra bien que tu le vois un jour ou l’autre ». Le mari de Mme J. souriait à sa femme pendant la réfection du pansement, bien qu’au départ il ait grimacé à la première vue de la cicatrice. Avant ce jour, Mme J. avait déjà verbalisé la « dysharmonie » entre ses deux seins. Lorsque j’ai retiré le pansement, cela a été un véritable choc pour la patiente qui n’a alors pu retenir ses larmes. Le soin terminé, je suis sortie de la chambre et une infirmière m’a interpellée pour me signaler que l’on ne devait pas faire rentrer les conjoints dans les chambres, car « cela n’était pas hygiénique ». A 3 semaines de son intervention, j’ai pu revoir Mme J. qui m’a alors confiée qu’elle avait l’impression d’avoir perdu une part de sa féminité et que dès lors de son retour à domicile, malgré la prothèse en mousse, elle avait changé ses habitudes de vie ; elle refusait de porter des vêtements pouvant laisser deviner son intervention. Mme J. avait énormément de mal à se regarder dévêtue devant un miroir, sa cicatrice l’affectait terriblement. 9 J’ai alors abordé le sujet de son mari et de leur vie de couple. Elle m’a confié qu’elle ne comprenait pas comment lui pouvait supporter ce physique, qu’elle n’arrivait pas elle-même à accepter. A travers cette situation, nous nous sommes interrogées sur le cancer du sein, la mastectomie et ses répercussions : QUESTIONNEMENT : Quelles sont les conséquences de la maladie et de ses traitements sur la vie de ces femmes? Comment les patientes vivent-elles leur cancer physiquement mais aussi psychologiquement et quels sont les moyens mis à leur disposition afin de leur venir en aide? La diminution de l’estime de soi peut-elle représenter un facteur limitant dans le processus de guérison de la maladie ? Comment les aider à réinvestir ce corps changé, mutilé ? Quel est l’impact psychologique de l’altération de l’image corporelle engendrée par un cancer et ses traitements? Comment ces femmes vivent-elles les changements physiques au niveau de leur féminité, de leur vie de couple ? Existe-t-il des répercussions, des perturbations au niveau sexuel ? Les infirmiers(ères) sont-ils(elles) toujours formé(es) à l’accompagnement de ces femmes ayant subi une opération mutilante ou victimes de séquelles physiques suites aux traitements ? Quel peut être le rôle de l’infirmier(ère) dans l’acceptation de l’image de soi des patientes ? Quelle est l’importance de la relation soignant/soigné dans le cadre d’un suivi d’un cancer ? Dans quelles mesures l’IDE peut-elle réaliser un accompagnement psychologique efficace tout au long de la maladie de ces femmes ? Au niveau de ses compétences, quelles sont les limites de l’IDE face à leur détresse psychologique ? DETERMINATION DE LA QUESTION DE DEPART : Un thème, de notre situation de départ et de notre questionnement, apparaît alors : Le rôle infirmier dans l’accompagnement des changements corporels dus aux cancers féminins. 10 Lors de notre première séance de guidance avec Mme GOUNAND, nous avons été amenées à préciser le type de cancer et préciser quels champs de perturbation nous souhaitions développer. Avec l’aide de notre formatrice de guidance et de sa méthodologie, une question de départ a été initialement établie : Dans quelle mesure un accompagnement infirmier adapté peut-il aider les femmes ayant subi des modifications corporelles suite à un cancer du sein, à mieux accepter leur nouvelle image ? Nous avons alors décidé d’axer nos recherches sur le cancer du sein, ses traitements, ainsi que sur les domaines pouvant être perturbés (sexualité, image corporelle, féminité, maternité, vie sociale et professionnelle, etc.) afin de mieux comprendre le vécu de ces femmes. De plus, des recherches sur le rôle infirmier et les soins de support sont nécessaires afin de comprendre l’influence de l’accompagnement sur le vécu de ces patientes Nous avons chacune résumé ces articles répartis selon différents thèmes. Une synthèse a ensuite été réalisée grâce à la mise en commun de nos travaux respectifs. Lors de notre deuxième séance de guidance, nous avons pu, avec Mme GOUNAND, faire ressortir plusieurs thématiques de nos recherches. Ainsi, nous avons dû déterminer précisément les domaines sur lesquels nous voulions travailler : « choisir, c’est renoncer ». C’est ainsi que nous avons vécu cette situation, car, passionnées par le sujet, nous avions envie de traiter l’intégralité de la thématique, ce qui nous a été fortement déconseillé car cela était trop vaste. Suite à cette séance de guidance et afin de reformuler notre question de départ, nous avons retenu des mots clefs devant apparaître dans la formulation : féminité, sexualité, rôle IDE, femme, cancer du sein, mastectomie. Notre seconde question de départ a ainsi pris forme : Dans quelle mesure l’infirmier(e) peut-il/elle aider les femmes ayant subi une mastectomie à conserver/retrouver une féminité et une sexualité épanouie ? Nous avons ensuite rencontré des personnes ressources : d’une part Mme C., présidente d’une association de sensibilisation au cancer du sein (Cf. annexe 1), et d’autre part Mme K., sexologue (Cf. annexe 2). Ces deux femmes sont également d’anciennes patientes, toutes deux ayant subi une mastectomie. Ces échanges nous ont permis de cerner les points positifs et négatifs du parcours de soins de ces patientes, leur ressenti et nous ont aidé à formuler les questions de notre trame d’entretien .De plus, cela nous a permis de déterminer précisément quel domaine de compétence infirmière nous voulions approfondir. En effet, le rôle infirmier dans sa globalité que nous voulions traiter à la base aurait été trop vaste. Cela ne nous aurait permis d’aborder que superficiellement la relation d’aide, outil indispensable 11 dans l’accompagnement de ces femmes, et aussi une composante importante de notre métier. Notre question de départ définitive devient : Dans quelle mesure la relation d’aide conduite par un(e) infirmier(e) peut-elle aider une femme ayant subi une mastectomie à conserver ou retrouver une féminité et une sexualité épanouies ? Pour tenter de répondre à cette question, nous apporterons tout d’abord un éclairage théorique basé sur nos recherches bibliographiques. Dans un même temps, nous confronterons le résultat de nos lectures à la réalité du terrain à l’aide d’entretiens auprès de professionnels de santé de trois établissements d’accompagnement en sénologie (IDE 1), une infirmière différents : une infirmière d’oncologie formée en socio- esthétique (IDE 2) et une infirmière de chirurgie gynécologique (IDE 3). Nous avons au préalable établi une trame d’entretien (Cf. annexe 3) traitant des différents concepts fréquemment retrouvés dans la littérature. Dans un premier temps, nous aborderons le cancer du sein et ses traitements, en particulier la mastectomie. Puis nous développerons les répercussions de ceux-ci sur la féminité et la sexualité des femmes ayant subi cette intervention. Enfin, après avoir défini le concept de la relation d’aide, nous verrons comment elle peut influencer et limiter les conséquences psychiques d’une telle intervention. DEVELOPPEMENT 13 1. Le cancer du sein 1.1. GENERALITES Le cancer du sein est un véritable problème de santé publique. En effet, il représente le « premier cancer féminin en termes de fréquence et de mortalité » [1, p.13]. Il touche « 53 000 femmes par an en France ». [2, p.22] Bien que le nombre de nouveaux cas augmente chaque année, son taux de mortalité reste stable. Il représente malgré tout « la première cause de mortalité chez la femme » [2, p.22]. Ceci est dû en partie aux avancées thérapeutiques mais surtout aux dépistages précoces qui contribuent à améliorer le pronostic. Les principaux facteurs de risque de ce cancer sont « l’âge, les antécédents personnels et familiaux de cancer du sein, une certaine prédisposition génétique, l’exposition aux hormones, le tabac, l’alcool, le surpoids et l’obésité ». [3, pp.7-8] Un cancer du sein peut être suspecté devant une anomalie clinique (palpation, écoulement) et/ou radiographique lors d’un examen de dépistage (mammographie, échographie, IRM). Seul l’examen anatomopathologique permet de poser avec certitude le diagnostic. Concernant les traitements (chirurgie, chimiothérapie/thérapie ciblée, radiothérapie, hormonothérapie), la décision est prise en Réunion de concertation Pluridisciplinaire. Un Projet Personnalisé de Soins est alors proposé à la patiente. « Quand elle le peut la chirurgie doit être conservatrice » [1, p.14]. La zonectomie est une chirurgie permettant d’« enlever la totalité de la tumeur avec une zone de sécurité en respectant l’esthétique du sein ». [1, p.14] Grâce aux progrès des thérapeutiques, la mastectomie est devenue moins fréquente mais dans certains cas, elle est incontournable. 1.2. LA MASTECTOMIE « La mastectomie totale consiste à enlever tout le sein (glande mammaire, une partie de la peau du sein, l’aréole et le mamelon) » [4]. Le plus souvent l’ablation de la glande mammaire est associée au prélèvement d’un ganglion sentinelle ou à un curage axillaire, dans le but de stadifier la maladie et proposer un éventuel traitement adjuvant (chimiothérapie, radiothérapie). La mastectomie est nécessaire pour « environ 20 à 30 % des femmes traitées pour un cancer du sein ». [5, p.37]. « Sa réalisation n’est pas liée à la gravité du cancer mais plutôt à sa forme. La taille de la tumeur, une double localisation ou encore son caractère diffus nécessitent une mastectomie ». [4] 14 2. Répercussions du cancer du sein et de ses traitements Le sein est une partie du corps fortement investie par les femmes. Il est symbole de « féminité », a un rôle dans la séduction et la « sexualité », mais il est aussi « lié à la relation à la mère et au regard des autres. » [6, p.25]. Pour cela, nous pouvons affirmer que la mastectomie est une intervention qui atteint la personne à la fois dans son intégrité physique mais qui a aussi un « retentissement psychique considérable » [6, p.25]. De plus, le cancer est une maladie fortement associée à l’idée qu’on ne peut pas guérir, à l’idée de mort. La mastectomie est donc une intervention source de fortes angoisses. 2 .1. IMAGE CORPORELLE ET FEMINITE L’image corporelle est « l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes » [7]. Le cancer et ses traitements en général, plus précisément la mastectomie, entraînent des transformations corporelles importantes, vécues différemment d’une personne à une autre. Elle est parfois assimilée à une véritable mutilation, voire une amputation, comme le confirme l’IDE 2 en évoquant la mastectomie : « c’est quand même une partie soi, c’est une amputation, une mutilation ». Ces transformations corporelles peuvent donc altérer la perception que la personne a d’ellemême, c’est-à-dire affecter l’image de soi, et sont susceptibles d’entraîner des répercussions importantes sur le plan social et professionnel. En effet, la perturbation de l’image corporelle se définit comme « la confusion ou l’insatisfaction dans la représentation du moi physique » [8, p.443]. L’organe du sein se situe au cœur de la triade féminité, sexualité et maternité. Selon les cultures, le sein est symboliquement investi différemment. Dans notre société occidentale, où le corps est commercialisé à outrance et s’affiche partout, le sein est perçu comme un atout de séduction indispensable à la femme, un attribut essentiel à la féminité. « La féminité se définit comme l’ensemble des caractères anatomiques et physiologiques propres à la femme » [9]. Nos recherches théoriques ont souligné le fait que la mastectomie engendre une perte de féminité. « La mastectomie entraîne chez les femmes de tout âge une perturbation du schéma corporel et de la féminité » [10, p. 40]. Lydia Taïeb, psychologue et ancienne patiente parle même de « défiguration du féminin » [11, p.16]. Cependant, les professionnelles que nous avons rencontrées nuancent ce propos en disant que « pour elles, elles ont perdu leur féminité entre guillemets mais en même temps elles se disent voilà je 15 compense par autre chose […], elles redoublent d’efforts sur certaines choses justement pour rester féminines à leur façon » (IDE 1). En effet, cette dernière nous explique qu’au début du parcours de la maladie, « les femmes s’oublient », leur principale préoccupation étant « la guérison ». Ensuite, elles vont rapidement se préoccuper du « regard des autres » et ainsi « compensent assez vite par du maquillage, le port de bijoux, de foulards » etc. L’IDE 2, en parlant de la féminité, est convaincue qu’ « on ne ressort pas pareil ». En revanche, l’IDE 3 affirme que la féminité n’est pas du tout perturbée : « Non non, du tout au contraire, il y en a même qui sortent beaucoup plus fortes de ce parcours de la maladie, donc c’est pas du tout une réalité de terrain». Par ailleurs, en général, il est constaté une différence selon l’âge des patientes, les femmes plus âgées voyant dans la mastectomie le prolongement de leur vie plutôt qu’une altération de leur féminité (IDE 1 et 2). L’IDE 3 contredit cette affirmation en évoquant le fait que parfois, les femmes plus jeunes « pour qui la mastectomie n’est absolument pas un frein, au contraire, […] vont peut-être être plus dans la projection sur l’avenir, sur les enfants […] alors que des femmes plus âgées qui ont peutêtre plus été à l’écoute de leur corps, vont avoir plus de problématiques […] après la chirurgie». En revanche, toutes les infirmières interrogées s’accordent à dire que les répercussions sur la féminité sont propres à chaque femme selon sa personnalité et son parcours de vie. 2.2. SEXUALITE ET VIE DE COUPLE Pendant de nombreuses années, le maintien en vie des patients atteints de cancer a représenté la principale préoccupation des équipes soignantes. De nos jours, grâce aux progrès médicaux, les changements relatifs à la prise en compte de la qualité de vie des patients s’amorcent. Le cancer du sein est une des pathologies malignes qui engendre le plus de troubles sexuels : «on observe […], parmi les types de cancers les plus fréquemment mentionnés dans une problématique sexuelle, les cancers du sein […] » [12, p.228]. Selon une enquête réalisée par l’Institut Curie de Paris (2005-2006), « 41% [des femmes interrogées] estiment que le cancer ou ses traitements les affectent dans leur vie sexuelle avec, pour plus de la moitié, un désir sexuel diminué ou disparu » [13, p.23]. De plus, « la plupart des études montre que plus de 50% des femmes mastectomisées ont des troubles sexuels dans l’année qui suit l’intervention » [14, p.2030]. La sexualité se définit par « l’ensemble des comportements visant à la satisfaction de l’instinct sexuel (santé, plaisir, procréation) » [15]. Le besoin sexuel est un besoin fondamental, qui, en étant satisfait, contribue à obtenir une qualité de vie optimale. En effet, selon la pyramide de Maslow, la sexualité est un besoin primaire, physiologique et de survie pour chaque individu. L’OMS définit donc la santé 16 sexuelle comme étant « l’intégration des aspects somatiques, émotionnels, intellectuels et sociaux du bien-être sexuel en ce qu’ils peuvent enrichir et développer la personnalité et l’amour. » [16, p.48]. Il est très fréquent que les femmes ayant subi une mastectomie rencontrent des problèmes dans leur vie de couple. Entre refus de se dénuder et sensation de n’être plus désirées, une perturbation de la vie sexuelle s’installe. Certaines femmes vivent même parfois une véritable perte d’identité rendant les marques de tendresse et les rapports sexuels impossibles. Parfois même, un « dégoût de la sexualité » [17, p.232] peut apparaître. En effet, les IDE 1 et 2 que nous avons rencontrées rapportent une « baisse », voire une « perte de la libido » quasiment systématique. Dans la prise en charge holistique de ces patientes, il apparaît donc incontournable de prendre en compte les perturbations concernant la sexualité suite à une mastectomie. De plus, cette dernière n’est pas l’unique source de perturbation. Les effets indésirables des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie) sont responsables de symptômes physiques et psychiques tels que l’alopécie, la baisse de la libido, la sécheresse vaginale, l’asthénie, les nausées/vomissements, qui peuvent affecter la vie sexuelle. L’IDE 2 parle de « sécheresse vaginale », de « modification de l’envie », de « la chimio qui fatigue », « de prise de poids ». Comme nous l’explique l’IDE 1, certains de ces effets indésirables peuvent se traiter facilement s’ils sont évoqués par la patiente : « on peut traiter certaines choses… la sécheresse vaginale, tout ça, on peut traiter», d’où l’importance de favoriser les échanges à ce propos. Une enquête publiée par l’INCa en juin 2014, révèle un manque évident de communication entre les patientes atteintes de cancer et les soignants sur les problématiques relatives à la sexualité : « alors que 41,7 % des femmes interrogées rapportent une baisse de rapports sexuels et que 24,4% s’en montrent insatisfaites, à peine plus d’une sur dix déclare en avoir parlé avec l’équipe soignante, soit de sa propre initiative (4%), soit de celle des soignants (6,7%) » [18]. Ce manque de communication au niveau des problématiques sexuelles peut s’expliquer de différentes manières. Pour beaucoup de personnes, le cancer renvoie à l’idée de finitude. « L’urgence est à la survie, se débarrasser au plus vite de ce mal qui ronge […] faire le sacrifice d’une part de soi pour sauver le tout » [19, p.460]. Les trois infirmières se rejoignent sur l’idée que la première préoccupation des femmes est le « combat contre la maladie », la « guérison », et que « la survie prime ». De plus, l’IDE 2 ajoute : « ça se fait par étapes […] la sexualité, c’est pas le sujet du moment » (en parlant du temps d’hospitalisation en chirurgie). Nous comprenons alors que parler de sexualité n’apparaît pas comme une priorité, tant pour les patients et leurs proches que pour les soignants. Pendant la phase des traitements, la survie prime : « A cette étape de la maladie, la sexualité fait partie des préoccupations secondaires. » [14, p.2030]. 17 De plus, ces femmes n’osent pas aborder d’elles-mêmes la sexualité car le sujet leur paraît dérisoire par rapport à la gravité de leur pathologie, et voient ces problèmes comme des « préoccupations futiles et honteuses à aborder spontanément.» [17, p.233]. Le Docteur Edith VANLERENBERG confirme cette affirmation : « […] certaines peuvent aussi éluder le sujet par honte, se disant qu’on pourrait les prendre pour des femmes futiles alors qu’on est dans un objectif de guérison » [18]. Par ailleurs, la sexualité est peu évoquée par les soignants, d’une part car ils craignent d’être indiscrets, ensuite, par « manque de temps » [20, p.18], ce que confirme l’IDE 3 : « […] ça prend du temps, on peut pas non plus faire que ça, donc c’est une réalité de terrain». D’autre part, les « lacunes [des soignants] sur le sujet » [20, p.18] apparaissent comme un frein à la communication. Enfin, « les soignants sont persuadés que leurs patientes se désintéressent de toute vie sexuelle » [18]. Par rapport au manque de communication soignant-soigné sur le sujet de la sexualité, les IDE 1 et 2 pensent que le thème est « délicat » à aborder et qu’il « est important de savoir de quoi on parle ». L’IDE 2 avoue ne pas évoquer le sujet d’elle-même par peur de ne pas avoir les compétences suffisantes pour y répondre. De plus, l’IDE 3 soulève le problème d’un manque de formations spécifiques sur la sexualité pour aborder ces sujets de manière adaptée, « avec la bonne distance ». Enfin, l’IDE 1 souligne que « cette problématique arrive plus tard, après les traitements ». Il est donc essentiel de lutter contre les préjugés selon lesquels la sexualité n’est pas une priorité pour les patientes et que rien ne peut être fait. De meilleures connaissances sur les traitements, un accompagnement adapté peuvent contribuer à améliorer le bien-être des patientes et de leur partenaire. Toutefois, il apparaît que les patientes, comme les soignants, demeurent réticents à parler des sujets relatifs à la sexualité. En effet, la sexualité reste un sujet tabou. « La sexualité est un sujet difficile à aborder, même au 21ème siècle en occident. Il demeure tout aussi complexe, sinon plus, d’en parler dans les établissements de soins, médico-sociaux ou sociaux. » [21, p.18] Les trois professionnelles interrogées sont en effet unanimes sur le fait que la sexualité représente un sujet tabou. L’IDE 1 définit même la sexualité comme « l’intimité extrême » de la personne. L’IDE 2 précise que le sujet n’est tabou que pour les patientes, car pour l’équipe soignante : « c’est un quotidien et on a vraiment envie que les choses changent, heu entre nous dans l’équipe c’est pas tabou, heu pour les médecins non plus ». Par ailleurs, l’IDE 2 nuance ce propos en parlant plutôt de « pudeur », surtout pour les personnes d’un certain âge. Elle déclare même faire une « ségrégation» entre les femmes jeunes et celles plus âgées avec qui « on parle pas de choses comme ça ». De plus, on observe un paradoxe entre les propos, d’une part, des IDE 1 et 2, qui n’abordent pas le sujet si la patiente n’en parle pas, et d’autre part, de l’IDE 3 qui explique : « on peut 18 aussi brutaliser un peu la question […] c’est fait exprès par contre quand on sent que y a besoin». L’IDE 1 met en exergue la contradiction selon laquelle la sexualité reste taboue dans une société où la nudité est surexposée. Ce que confirme Thierry Goguel d’Allondans, anthropologue et éducateur : « la sexualité se lit partout mais ne se dit nulle part » [21, p.18]. De plus, Eliane Marx, chef de l’unité de psycho-oncologie Paul-Strauss à Strasbourg, souligne l’association de deux concepts difficilement évoqués dans notre société : « d’une manière générale, tout ce qui touche à la sexualité ou à la mort n’est pas facile à aborder. Alors quand les deux se rejoignent sur le même terrain… » [18]. L’IDE 1 exprime également, sur un ton ironique, l’idée que sexualité et maladie ne sont pas compatibles dans notre société : « […] ça reste encore tabou dans la société, la patiente malade, mais quelle idée elle aurait d’avoir des relations sexuelles ? […] Mais comment on peut imaginer qu’une patiente qui est en chimiothérapie, elle ait des désirs, elle ait des envies ? C’est pas tolérable dans la société de nos jours ! » Dans ce contexte, on peut se demander quelle place tient le partenaire dans la maladie de sa compagne et comment le couple survit ou non à cette épreuve. Bien souvent, le compagnon, qui, auparavant tenait la place d’amant aimant, occupe dès lors une place d’aidant, étant à l’écoute et compatissant pour sa compagne. Il « peut ressentir une profonde détresse face à la maladie et aux modifications psychologiques et corporelles. » [16, p.49]. L’IDE 1 souligne le fait qu’on ne donne pas suffisamment la parole aux partenaires : « ils subissent tout ça donc voilà, on leur donne pas trop la parole». Cependant, les trois professionnelles déclarent les inclure en général dans les soins lorsqu’ils le souhaitent et quand les patientes le désirent, ce qui n’est pas toujours le cas. La plupart du temps, les partenaires accompagnent les patientes, cependant, les femmes plus âgées préfèrent venir avec une de leurs filles ou une amie. De plus, les partenaires, inquiets par rapport au pronostic, relativisent souvent les effets indésirables des traitements, selon les IDE 1 et 2. Même si la vie sexuelle est mise de côté pendant la maladie, les partenaires peuvent vivre leur vie intime de manière différente, se redécouvrir autrement au travers de marques de tendresse, d’affection, loin des performances physiques, ce qui va renforcer le lien amoureux. Le maintien de la « communication », « le partage et une mutuelle compréhension des problématiques » [17, p.235] apparaissent comme des notions essentielles à la survie du couple. Le cancer peut être le catalyseur de problèmes de couple sous-jacents. Par exemple, « les difficultés sexuelles ne sont que partie visible d’une problématique complexe et ancienne. Le cancer peut parfois être le prétexte à l’arrêt d’une vie sexuelle peu épanouissante » [16, p.49]. 19 Selon l’IDE 1, les couples qui se séparent suite à la maladie sont souvent les couples les plus jeunes. En revanche, pour les couples les plus anciens, cette épreuve renforce les liens. Face aux problèmes que les couples peuvent rencontrer pendant la maladie, le rôle de l’infirmier(e) est de prendre en compte leurs besoins, d’évaluer les problèmes et de s’enquérir de toujours laisser un espace de paroles propice aux échanges. Ecouter la personne en souffrance, c’est déjà aider. Il est du rôle du soignant d’aborder ces problèmes assez tôt afin de limiter au maximum les répercussions de la mastectomie. Pour cela, un climat de confiance est indispensable aux confidences des femmes sur leurs problèmes intimes. L’IDE 1 confirme qu’: « il faut vraiment avoir une relation de confiance » et l’IDE 2 parle d’un « certain feeling » propice aux échanges. 3. Rôle infirmier dans la prise en soins Chaque femme vit la maladie de manière différente selon sa personnalité, son histoire de vie, etc. Cependant, toutes doivent passer par un processus de deuil. Ces femmes sont d’abord confrontées à la perte de leur bonne santé dès l’annonce du diagnostic. Elles doivent ensuite faire face à la perte de plusieurs symboles féminins : le sein dans la mastectomie et parfois en cas de chimiothérapie, leur chevelure, leur peau, leurs ongles seront également touchés. Ces femmes doivent donc accomplir un véritable cheminement qui s’apparente au travail de deuil. Nous comprendrons donc que du temps est nécessaire à ces femmes afin d’intégrer ces modifications corporelles, ainsi qu’un accompagnement de qualité. 3.1. LE DEUIL « Le deuil a la même racine latine que la douleur exprimé par le mot dolus. Ainsi, l’expression « faire son deuil » veut dire « passer à travers sa douleur ». Le deuil est la perte d’une personne, d’un objet, d’une valeur ou d’un changement dans l’état de santé auxquels la personne est fortement attachée. Chaque rupture met en place un processus d’oubli : le travail de deuil. Celui-ci provoque des réactions physiques, psychologiques, affectives, comportementales et sociales […] .Pour Elisabeth Kübler-Ross, chaque personne passe par différentes étapes de deuil, sans forcément les éprouver dans le même ordre. La durée de chaque étape varie également selon chacun. » [22]. 20 Tout d’abord, la phase initiale, qui peut durer de quelques heures, à quelques jours voire une semaine. Elle correspond au moment de l’annonce du diagnostic et d’une éventuelle mastectomie. La patiente est à ce moment dans un état de choc et de déni. Elle refuse, par un mécanisme de défense inconscient l’impensable réalité. Vient ensuite la phase centrale, caractérisée par l’expression intense des émotions et d’un épuisement physique et psychique (tristesse, culpabilité, colère…). La patiente est en colère, elle ressent un sentiment d’injustice et de « révolte ». Survient ensuite une période de marchandage au cours de laquelle la femme est en voie d’accepter la maladie et ses traitements mais se trouve dans un processus de négociation. La patiente entre ensuite dans une période de dépression, marquée par un processus de régression, un isolement social et une tristesse intense. Puis, la phase de résolution du deuil marque l’acceptation : c’est une période durant laquelle la femme regagne sa pulsion de vie : « elle se permet de faire des projets et de regarder vers l’avenir » [22]. L’acceptation n’est effective seulement lorsque la personne est dans la capacité de remplir à nouveau son rôle familial, professionnel et social. La guérison psychique réside dans le fait d’accepter de ne plus être la même personne qu’avant, d’admettre le fait d’être « autrement la même » [22]. Parfois, le processus de deuil normal peut être perturbé. En effet on parle alors de deuil compliqué, « intensifié, absent ou retardé, ou encore inachevé » [22] ou de deuil pathologique, dans le cas où la patiente n’accepte jamais sa mastectomie. Les IDE 1, 2 et 3 s’accordent à dire que les femmes qui subissent une mastectomie doivent passer par un processus de deuil. Même si elles ne le vivent pas toutes de la même façon, selon l’âge par exemple comme nous l’a fait remarquer l’IDE 1. Ces femmes font face à la perte « d’une partie de soi », d’une « amputation » (IDE 2). Le deuil et les mécanismes de défenses apparaissent donc comme des processus logiques face à la perte de ce symbole féminin, et de leur bonne santé comme le signale l’IDE 3. Cependant, l’IDE 1 nous explique que parfois, certaines femmes ne font jamais le deuil de cette mutilation, ce qui relève du deuil pathologique. L’idée d’une reconstruction du sein peut apparaître comme aidante dans le processus de deuil de ces femmes. Néanmoins, l’IDE 1 met un bémol sur le fait qu’il est indispensable d’avoir accompli son travail de deuil avant la réalisation de la reconstruction, d’avoir accepté la perte de son sein, la perte de son corps d’avant : « quand il y a des choses qui ne sont pas spécialement bien acceptées sur la mastectomie, il y a des choses qui foirent sur la reconstruction derrière ». 21 3.2. LA RECONSTRUCTION Il faut savoir que 70% des femmes ayant subi une mastectomie n’effectuent pas de reconstruction, le plus souvent pour ne pas être à nouveau confrontées au milieu hospitalier par « peur d’une nouvelle intervention, d’avoir mal, du résultat » selon L’IDE 3. Cependant, la plupart d’entre elles utilisent une prothèse externe quotidiennement. Il existe différentes techniques pour reconstruire un sein. L’IDE 3 souligne par ailleurs, que les techniques chirurgicales évoluent et peuvent être adaptées à chaque situation. La reconstruction immédiate ou proche de la mastectomie peut limiter les conséquences sur la féminité et la sexualité, mais n’est hélas pas toujours possible. Nous avons eu l’occasion de pouvoir assister à une réunion de présentation des différentes techniques de reconstruction mammaire dans un Centre Hospitalier Universitaire (Cf. annexe 4). Une infirmière et un médecin spécialisé dans la chirurgie réparatrice ont présenté les différentes techniques. Il faut tout d’abord savoir qu’il existe une perte de matière suite à la mastectomie et qu’il existe différentes solutions pour « gagner de la peau » : l’expansion cutanée (petite prothèse gonflée progressivement), le lifting abdominal (excédant de peau, de graisse et de muscle abdominal) et le lambeau (structure vascularisée du muscle grand dorsal). Deux procédés s’opposent : avec prothèse ou sans prothèse. La prothèse peut être associée à un lambeau : - Lambeau graisseux DIEP (préserve le muscle abdominal grand droit, ne prend que la graisse et les vaisseaux sanguins (microchirurgie)) - Lambeau graisseux grand dorsal autologue - Graisse (aspiration des adipocytes, centrifugation puis graisse pure réinjectée) - Graisse BRAVA (cloche qui crée dépression, crée de l’œdème et étend tissus). La reconstruction de l’aréole et du téton finalise le travail et est considérée par les patientes et les médecins comme « la cerise sur le gâteau ». Pour ce faire, l’aréole est reconstituée à l’aide d’une greffe de peau d’un endroit plus mate du corps ou d’un tatouage. Le téton quant à lui est reconstruit grâce au téton controlatéral ou grâce à un lambeau du dos replié en trèfle. L’IDE 1 insiste sur la nécessité de bien préparer les femmes avant la reconstruction car le travail du deuil doit être accompli en amont. Mais il arrive que certaines femmes parviennent à la phase d’acceptation sans pour autant avoir besoin de passer par la reconstruction. 22 L’IDE 2 relativise la chirurgie réparatrice car elle apparaît trop souvent aux yeux des femmes comme une solution miracle. Mais, elle explique bien que cette intervention est « aidante » car, même si l’on ne retrouve jamais son corps d’avant, « on retrouve quand même ses formes ». L’IDE 3 estime également que la reconstruction peut être aidante pour ces femmes. Cependant, elle peut aussi être source d’angoisse. Il arrive que certaines femmes refusent la reconstruction au départ et qu’elles reviennent sur leur décision des années plus tard (acceptation plus tardive, changement de partenaire et/ou de vie, etc.), « il faut qu’elles puissent se l’autoriser » et qu’elles sachent que cela reste possible, « on ne leur ferme pas la porte ». 3.3. LA RELATION D’AIDE La relation d’aide représente l’ « ensemble d’interactions verbales et/ou non verbales entre deux ou plusieurs personnes basées sur la confiance, dans le but de faire évoluer positivement une situation. Elle nécessite de la présence, une écoute active, de l’empathie, la capacité de reconnaître l’autre dans toutes ses dimensions (biologique, psychologique et sociale) en considérant ses valeurs et ses ressources, tout en respectant une certaine distance thérapeutique. » [23]. La relation d’aide s’appuie sur un postulat de Carl Rogers : « tout individu est porteur du potentiel suffisant pour trouver sa propre réponse à ses difficultés » [24, p.35]. Selon lui, toute relation d’aide est basée sur des principes essentiels avant d’être débutée. En effet, il est attendu de la part de l’aidant de créer un climat de confiance (confirmé par l’IDE 1) et de répondre à un certain comportement. L’infirmier peut tout d’abord commencer par accueillir le patient chaleureusement et lui prouver que toute son attention et son écoute sont à sa disposition. Bien que parfois des situations peuvent toucher émotionnellement l’aidant, la relation d’aide doit se tenir uniquement à une relation soignant-soigné, c’est-à-dire « strictement se limiter au bien du patient. » [25, p.94], sans « sur-implication » [25, p.95], tout en se montrant empathique. Mais la base, la clé de la relation d’aide réside dans le fait de « conseiller, suggérer […] » [25, p.96], afin que le patient puisse par lui-même trouver la solution à son problème, « […] se départir de ses mécanismes de défense » [25, p.96]. L’intervention de l’équipe pluridisciplinaire prend donc tout son sens, l’accompagnement de ces femmes doit se faire dans une relation chaleureuse. La relation d’aide nécessite de la part des soignants des qualités d’écoute, de disponibilité, de patience, d’observation et de compréhension des mécanismes de défense, ce qui aidera ces patientes à progressivement retrouver confiance en elles et amorcer l’acception de leur nouveau corps. 23 La relation d’aide doit être interactive, le soignant doit aider la patiente à développer les compétences adaptées à ses possibilités et à ses motivations pour améliorer la perception que la personne a d’elle-même. Pour ce faire, plusieurs moyens sont mis en œuvre : être présent et disponible pour l’autre en ayant un comportement adapté, évaluer avec la personne ses capacités, identifier les ressources personnelles et externes et les mobiliser, valoriser la personne, l’aider à renforcer l’estime d’elle-même, mettre en valeur ses aptitudes existantes et les coordonner avec sa réalité, aider à fixer de nouveaux objectifs. Cela peut aider progressivement la personne à regarder et toucher la partie atteinte, mais aussi à verbaliser. Il paraît également essentiel de laisser un espace de parole sur la question de la sexualité. En effet, le soignant doit se montrer à l’écoute de la patiente, du désir de celle-ci et non de ses propres représentations. Il doit faire attention à ne pas être dans l’identification projective (mécanisme qui consiste à prêter à l’autre certains aspects de sa personnalité). Pour conduire une relation d’aide, il est important de bien se connaître, de comprendre et d’appréhender ses propres angoisses par rapport à son ressenti et à son propre vécu. Il apparaît indispensable pour le soignant de pouvoir partager ses difficultés avec le reste de l’équipe professionnelle. Les trois infirmières rencontrées s’accordent à dire que les techniques de relation d’aide dispensées au cours de la formation initiale IDE sont certes utiles mais insuffisantes : «c’est un minimum syndical, on apprend sur le terrain » (IDE 1), « les formations sont toujours positives […] je pense que c’est plutôt l’expérience » (IDE 2), « formation initiale très large, assez vague et insuffisante » selon l’IDE 3 qui pense qu’une formation spécifique serait nécessaire pour aborder les problématiques de ces femmes avec la « bonne distance ». Selon les infirmières interrogées, les entretiens d’aide peuvent être conduits d’une part, de manière informelle « la relation d’aide, on en fait tout le temps. » « L’accompagnement ne se fait pas que sur un bureau, sur un temps dédié. Il se fait dans le service, dans les soins, pendant les soins en esthétique […], on est tous capables d’en faire après, faut aimer prendre du temps aussi. (IDE 1) . De plus, l’IDE 2 souligne qu’on ne peut pas prévoir le moment où la patiente en aura besoin. D’autre part, la relation d’aide peut être entreprise de manière plus formelle, comme nous le précise l’IDE 3, lors de moments cruciaux de la prise en charge, tels que la consultation post annonce, l’accueil de la patiente en chirurgie, qui représente « un point d’honneur », selon IDE 3, et la consultation pansement. Cette dernière apparaît comme un moment propice à la relation d’aide, comme un « moment de mise en confiance », « on a le prétexte du soin » (IDE 1), et « un prétexte à la discussion » (IDE 3). Cependant, l’infirmier(ère) peut rencontrer certaines limites dans la relation d’aide et orienter la patiente vers différents soins de supports. Il/elle pourra alors proposer une rencontre avec des personnes ayant vécu une situation similaire, des adresses d’associations de soutien, l’intervention d’une conseillère en image et socio-esthéticienne. Par ailleurs, l’intervention 24 d’un psychologue aura pour fonction d’aider la patiente à se maintenir psychiquement en vie, de diminuer ses angoisses en les verbalisant. L’IDE 1 comme l’IDE 2 soulignent l’importance d’une étroite collaboration entre elles et les psychologues. 25 PROBLEMATIQUE A travers nos recherches, nous avons pu constater que la relation d’aide conduite par l’infirmier(ère) ne s’établissait finalement que sur une courte durée. De plus, les durées d’hospitalisations tendent à diminuer avec le développement de la chirurgie ambulatoire. Pour ces femmes, tout s’enchaîne très vite. Dès l’annonce du cancer et de la mastectomie, leurs vies sont rythmées par les rendez-vous, les examens, les hospitalisations… Pendant cette période, ces femmes bénéficient d’un accompagnement personnalisé par des professionnels de santé disponibles et à l’écoute. Vient enfin la période de rémission, qui représente pour ces patientes un soulagement marqué par la fin des traitements. Nos recherches nous ont permis de démontrer que le besoin en termes de relation d’aide sur les problématiques de la sexualité intervenait plus fortement à ce moment-là, c’est à dire pendant la rémission. L’après cancer représente en effet une période difficile pour les patientes qui peuvent alors se sentir abandonnées, emprises d’un sentiment de grand vide après de longs mois de prise en charge soignante. De plus, la peur de la récidive demeure omniprésente alors qu’elles sont censées reprendre leur vie d’avant. En tant que futures professionnelles, nous nous sommes alors demandé comment il serait possible d’améliorer la prise en charge de ces femmes. Nous sommes donc arrivées au questionnement suivant : « Dans quelle mesure la continuité de la prise en soins de ces femmes par l’infirmier(ère) à l’issue des traitements, pourrait contribuer à améliorer leur qualité de vie ? » Conclusion 27 Pour conclure, malgré nos à priori, notre travail de fin d’études nous a permis de rencontrer des personnes souriantes, positives, possédant une véritable pulsion de vie. En effet, ces femmes, qui ressortent plus fortes de cette épreuve, ont réussi à nous transmettre leur goût de vivre. Nous pouvons cependant affirmer que la mastectomie représente pour toutes les patientes un traumatisme impactant toutes les dimensions de leur vie. Grâce à nos recherches théoriques et à nos explorations sur le terrain, nous nous sommes rendu compte que ces femmes doivent accomplir un cheminement qui s’apparente à un véritable travail de deuil, deuil de leur santé mais aussi de leur corps d’avant. Du temps et un accompagnement adéquat sont donc nécessaires afin de les guider durant ce long processus. Pour cela, nous avons compris que la relation d’aide conduite par l’infirmier(ère) s’avère indispensable à chaque étape de la maladie. La relation d’aide ne doit pas être formalisée mais apparaît plutôt comme un outil de prise en soins individualisé qui s’adapte aux besoins de chaque patiente. Cependant, notre travail nous a permis de réaliser qu’il existait des limites dans la prise en soins de ces femmes. En effet, la période de l’après cancer correspond à un moment de vide au niveau de la prise en charge soignante alors qu’elle semble correspondre à une recrudescence des angoisses. Toutefois, des changements s’amorcent concernant l’amélioration de la qualité de vie des patients à l’issue des traitements grâce aux différentes mesures de santé publique, notamment aux plans cancer et à la loi récemment votée concernant le droit à l’oubli. Par ailleurs, les images du « corps parfait » véhiculées par notre société peuvent représenter un frein dans le processus d’acceptation de la nouvelle image corporelle des femmes ayant subi une mastectomie. 28 BIBLIOGRAPHIE 1. WARNET Sylvie. Cancer du sein et prise en charge infirmière. La revue de l’infirmière, avril 2008, n°139, pp.13-15. 2. COUSSY Florence, ESPIE Marc, LALLOUM Marjorie. Epidémiologie et facteurs de risques du cancer du sein. Soins, juin 2013, n°776, pp. 22-24. 3. MAISONNETTE Yolande, SAUTIERE Jean Loup. Cours MOODLE 2.9.S5, Cancer du sein, 82p. 4. La chirurgie gynécologique et mammaire de Charente. Mastectomie totale dans le cancer du sein. Disponible sur : http://www.chirurgie-gynecologie.fr/page-chir-sein/mastectomietotale.html (consulté le 10 janvier 2015) 5. WINTZ Lydie, ALRAN Séverine, REYAL Fabien, Des outils interactifs pour l’information des femmes confrontés à une mastectomie. Soins juin 2013, n°776, pp. 37-40. 6. ROMERO Sylvie. 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Annexes Annexe 1 Entretien personne ressource N° 1 : Mme C., Présidente d’une association de sensibilisation Pour la lutte contre le cancer du sein Moments forts/importants dans le parcours de soin et dans le changement de l'image corporelle Vécu du changement / des modifications corporelles → Quelle a été l’impact de la mastectomie sur votre féminité ? A-t-elle eu un impact sur votre sexualité ? Implication du partenaire dans le parcours de soin → Quel a été le vécu de votre partenaire ? Rapport à la féminité et à la sexualité dans les soins → Quel type de prise en charge par rapport à ses deux thématiques ? Axes d'amélioration à proposer au corps médical et paramédical → Qu'auriez-vous souhaité entendre / qu'il soit fait : à l'annonce / pendant votre hospitalisation / en phase de rémission / en post-cancer Gain de la photothérapie Raisons de sa reconstruction mammaire Rapport à la féminité à présent Le mardi 10 mars 2015, dans le cadre de notre travail de recherche, nous avons rencontré Mme C., présidente d’une association, mais également patiente, ayant subi une double mastectomie. 33 En août 2012, Mme C. apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein à gauche. Alors qu'elle allaitait son enfant, elle sent la présence d'un ganglion. Bien que pendant l'été 2012 la masse ait diminué, elle décide alors de consulter son gynécologue, et tout s'est enchaîné très vite. En septembre, elle commence une chimiothérapie néo-adjuvante, de l'ordre de 8 séances, pour diminuer la masse tumorale ; les médecins lui ont alors déclaré qu'une mastectomie ne serait sans doute pas nécessaire. En janvier 2013, elle apprend qu'elle doit subir finalement une mastectomie à gauche, qui sera réalisée en mars. Pour elle, c'est comme un déclic, elle ne prend pas le temps de réfléchir, et contacte une amie photographe pour débuter ce qu'elle appellera par la suite sa «photothérapie». Durant la période de mai/juin, Mme C. continue son traitement par de la radiothérapie, et là, nouveau choc, elle apprend qu'elle est porteuse du gène BRCA2 ; elle risque alors une réplication anormale des cellules, et risque surtout de développer un autre cancer au sein ou aux ovaires. Elle décide alors de subir une mastectomie de prévention sur le second sein en septembre. Bien qu'elle ne souhaitait pas de reconstruction au départ, soutenue par son mari, Mme C. se rend à diverses réunions de femmes mastectomisées, et rencontre des femmes qui, encore 10 ans après leur mastectomie et sans reconstruction, restent « bloquées » dans leur vie personnelle, et n'osent même pas se montrer dénudées devant leur partenaire. Mme C. décide alors de faire reconstruire sa poitrine grâce au lipofilling, « solution la plus naturelle » selon elle, et pour « ne pas devoir changer de prothèses mammaires tous les dix ans ». Son lipofilling a débuté en septembre 2014, et se déroulera jusqu'à juillet 2015 ; une anesthésie générale est nécessaire à chaque intervention. Pour elle, c'est une manière de « mettre fin à cette histoire, à son cancer… pour ne plus en parler dans dix ans ». Lorsque nous avons abordé la féminité avec Mme C. , elle nous a alors confié que la chimiothérapie lui a permis de mieux « digérer » l'annonce de la mastectomie car elle avait déjà perdu ses cheveux. Cette chimiothérapie n'a pas été mal vécue dans le sens où elle s'est dit ne pas avoir eu le choix. Dès lors qu’elle a commencé à perdre ses cheveux, elle est devenue beaucoup plus coquette qu'auparavant (bijoux, maquillage, etc.). Mais selon elle, la féminité en « prend un coup », car un sein manquant est moins facile à cacher qu’une alopécie, qui peut se masquer avec une perruque, même si « les gens se sont pas dupes! », nous dit-elle en souriant. 34 Lors du premier pansement après la mastectomie, elle demande alors à voir, et relativise, « ce n'était pas aussi grossier que ce que je m'étais imaginé ». Lors de son retour à domicile, elle est tout de même gênée de se montrer devant son mari, mais celui-ci a alors été très doux et compréhensif, il lui a dit qu'elle n'avait pas à se cacher. C'est aussi pour cette raison là que Mme C. décide de se faire reconstruire, « la journée on peut cacher avec une prothèse, mais pas lorsque je suis nue ». Nous avons ensuite abordé la photothérapie, qui pour elle, au départ, avait juste pour but de garder un souvenir de son corps d’avant, corps qui ne sera plus jamais le même. Mais à présent grâce à ses photos, Mme C. se dit « un jour ce ne sera plus moi, ce n'est déjà plus moi car maintenant j'ai des cheveux, et c'est une façon de se dire que la vie continue, il y a de l'espoir ! ». Elle continue encore, pendant sa reconstruction, les séances photos, « grâce à cela, on se voit belle et sexy ». De plus, lors de son parcours de soin, elle a traversé une période de remise en question, « l'ancien moi m'énerve », d'après elle la vie est courte ; elle est devenue beaucoup plus spontanée, il n'y a plus de place pour les longues réflexions dans sa vie. Pour elle, retrouver une féminité épanouie c'est avant tout accepter l'image de soi dans sa tête, « accepter de se voir avec un trou à la place du sein », accepter son schéma corporel. Le sujet de la sexualité a ensuite été abordé, et pour Mme C. « il n'y a pas que le sexe dans la vie, il y a la tendresse par exemple, il faut trouver un autre moyen pour combler le manque. Le sexe n'a pas été la priorité à l'annonce de son cancer, on pense à la survie ». En ce qui concerne la place de son mari dans son parcours de soin, il a toujours été présent (Rdv, chimiothérapie, etc.). Lors de l'entretien d'annonce, le médecin l’a vu à part en entretien : « il va falloir être fort », « être à ses côtés ». Ces mots ont énervé Mme C. car pour elle il n'avait pas à lui dire cela, il n'avait rien demandé ». Mme C. a trouvé cela plus facile d'avoir été accompagné par son mari. En ce qui concerne les axes d'amélioration dans la prise en charge, elle nous dit avoir eu l'impression de « porter le monde sur ses épaules », lors de l'entretien post-annonce infirmier, mais pour elle le contact avait été plus humain qu'avec le chirurgien. Elle ne se rappelle pas si on lui a parlé de sexualité à ce moment-là, mais la féminité a été abordée avec notamment les effets indésirables de la chimiothérapie. Son mari lui, au contraire avait été prévenu lorsqu'il avait été vu seul par le médecin, qu'une possible diminution du désir sexuel était possible, mais que cela ne serait pas de la faute de son épouse ni de lui, mais celle de la maladie. 35 Mme C. juge avoir été bien accompagnée pendant son parcours de soins, mais regrette que les effets indésirables de l’hormonothérapie qu'elle subit actuellement, soient banalisés (sécheresse vaginale, irritabilité, bouffées de chaleur, douleurs articulaires, fatigue, etc.). Si elle devait améliorer quelque chose, elle ferait en sorte qu'il y ait plus de groupes de paroles, d'ateliers, hors de l'hôpital pour échanger avec d'autres femmes. De plus, en amont, elle pense que les couples devraient être plus préparés, prévenus des possibles répercussions. Elle pense qu'un rendez-vous avec le partenaire devrait être obligatoire pour avoir leur ressenti, savoir « où cela coince », pour avoir son vécu de la situation, « il y a pas que la femme qui est en souffrance ». D'elle-même, Mme C. s'est rendue à la Journée Glamour de Paris, créée pour les femmes qui ont subi un lourd traitement ayant des répercussions sur leur féminité. Lors de cet événement, les femmes sont maquillées, coiffées et photographiées pour se sentir plus féminines. Mme C. pense qu'il faut s'y rendre quelque temps après l'opération, pour être dans un autre état d'esprit, prendre le temps de « digérer » tout cela. Elle a également participé à un groupe de paroles qui se déroule 2 fois par an dans un Centre Hospitalier Universitaire, et qui est organisé par le service de gynécologie, pour aborder à la suite de la mastectomie, le sujet de la reconstruction. 36 Annexe 2 Entretien personne ressource n°2 : Mme K., sexologue Mme K., ancienne éducatrice spécialisée, exerce son activité de sexologue en libéral depuis seulement 4 mois lorsqu’elle sent une boule à l’autopalpation de sa poitrine. Elle consulte alors sa gynécologue qui lui prescrit une mammographie suivie d’une biopsie. On lui annonce alors un cancer du sein. Elle subit plusieurs zonectomies dans le but de conserver son sein. Cependant, au bout de la 4ème intervention chirurgicale, une mastectomie totale est réalisée. A l’annonce de cette ablation, Mme K. est effondrée. Elle évoque les mots prononcés à ce moment par l’oncologue : « Oui, vous serez mutilée ». Elle a ressenti ces paroles comme un choc mais aussi comme une reconnaissance à la hauteur de sa souffrance. Pour surmonter cette épreuve et la dédramatiser auprès de son entourage, elle ressent le besoin de fêter son « EVN » : « son enterrement de vie de nichon » comme elle nous l’explique. Elle voit cette fête comme un rituel pour accepter cette annonce et nous confirme que la perte d’un sein s’apparente au processus de deuil avec ses différentes étapes. Pour Mme K. comme pour toutes les femmes, le sein est symbole de féminité, « c’est ce qu’on donne à voir », il permet la reconnaissance d’un individu sexué. Lorsque le sein d’une femme est atteint, cette dernière est touchée dans son identité de femme. Lorsque la mastectomie est envisagée, il est alors non seulement question d’identité, mais aussi d’esthétisme et d’érotisme. Par rapport à l’intégration du partenaire dans le parcours de soins, Mme K. a préféré tenir à l’écart son amie car elle n’avait pas envie de partager le soin avec elle et ne voulait pas être vue comme une malade. Pour elle, il était important de garder «l’image d’une maîtresse et non celle d’une malade ». Ceci afin de conserver une barrière entre vie érotique et soins/maladie. Elle nous explique l’importance de l’équilibre à être à la fois une femme, une mère et une maîtresse. La problématique du sein est en fait au cœur de ce triptyque puisqu’il symbolise à la fois la féminité, la maternité et la sexualité. En réponse à l’une de nos question, Mme K. nous répond que les conséquences de la mastectomie sur la féminité et sur la sexualité ne sont pas abordées pendant la consultation post-annonce, ni tout au long du parcours de soin. Elle l’explique par le fait que pour les soignants c’est encore un sujet tabou et qu’ils manquent de formations sur ces sujets, et que les patientes, à ce moment ne sont pas encore en mesure de les aborder. Mme K. pense qu’il manque des espaces pour que ces sujets soient parlés, qui demandent à être nommés, discutés. Si ces sujets étaient abordés avant l’intervention, et même si à ce moment-là les patientes ne sont en mesure d’entendre, cela pourrait amorcer la conscience des 37 conséquences de l’intervention. Et surtout, cela permettrait d’être considérée en tant que femme et pas seulement en tant que patiente. Mme K. explique qu’elle a du se faire violence, tout d’abord, pour se regarder dans un miroir après la mastectomie, afin d’intégrer son nouveau schéma corporel. Puis lors d’une cure thermale où elle a du se mettre en maillot de bain et recevoir des soins. Cette cure lui a d’ailleurs été très bénéfique car elle lui a permis de se reposer, de faire de belles rencontres et finalement d’accepter son corps ainsi. Notons que Mme K. a continué son activité libérale tout au long de son parcours de soins et que sa patientèle ne s’est rendu compte de rien. Elle reconnaît que sa profession l’a beaucoup aidée tout d’abord à titre personnel, mais elle dit que le fait d’avoir du continuer à aider ses patients lui a permis de ne pas rester centrée sur elle-même. Après la chirurgie, un suivi psychologique lui a été proposé mais elle a préféré continuer un suivi auprès d’un thérapeute qui la suivait déjà. Cependant, pour Mme K., l’intellect, c’est-à-dire le suivi psychologique est important mais ne suffit pas. En effet, il est tout aussi important de prendre en compte la souffrance dans la corporalité. Elle nous explique que « re-corporaliser » c’est donner la possibilité à son corps d’être dans l’agir, de sentir son corps bouger : ’idée du « corps-plaisir ». Cela passe déjà par reprendre du plaisir avec soi-même pour ensuite pouvoir prendre plaisir avec l’autre. Mme K. envisage aujourd’hui une reconstruction mammaire par prothèse. Elle nous invite d’ailleurs à participer à une réunion d’information sur la reconstruction qui a lieu le lendemain et nous donne les coordonnées de l’infirmière qui organise ces réunions. Karine n’aime pas le terme « reconstruction », elle le trouve inapproprié dans le sens où on ne reconstruit pas un sein mais un volume, dénué de sensibilité. Elle souhaite aujourd’hui se faire « construire un volume de confort» pour pouvoir porter un décolleté, se mettre en maillot de bain… Son intervention est prévue pour le mois de mai. 38 Annexe 3 Trame d’entretien auprès des professionnels Pouvez-vous en quelques mots nous présenter votre parcours professionnel ? (date DE, expériences professionnelles…) Pouvez-vous nous relater une situation où vous avez pris en charge une patiente ayant subi une mastectomie ? D’une manière générale, comment sont vécus les changements corporels engendrés par une telle intervention ? La mastectomie entraine une perturbation de l’image de soi, direz-vous que cela engendre obligatoirement un sentiment de diminution de la féminité chez ces femmes ? Quelles sont selon vous les principales préoccupations des femmes suite à leur mastectomie ? Est-ce que les femmes vous parlent d’elles même d’éventuels troubles de leur féminité et/ou de leur sexualité ? De difficultés au sein de leur couple ? Ces patientes viennent-elles seules ou accompagnées de leur partenaire ? Les incluez-vous dans les soins ? Quel est en général le vécu du partenaire ? D’après vous, à quel moment dans le parcours de soin, les femmes se soucient-elles de la problématique de leur sexualité ? Peut-on dire que ces femmes passent par un processus de deuil ? L’idée d’une reconstruction mammaire peut-elle être aidante ? Abordez-vous les sujets relatifs à la sexualité en tant que professionnelle? - Si non, pour quelles raisons ? - Si oui, de quelle manière (concepts de soins relationnels, documentation, etc.)? A quel moment ? Vous sentez-vous à l’aise pour en parler ? Les techniques de relation d’aide enseignées lors de la formation initiale IDE vous aident elles dans votre prise en charge ? Dans la prise en charge de ces femmes, y a-t’il selon vous des moments cruciaux où une relation d’aide se révèle indispensable ? 39 Avez-vous bénéficié d’une formation complémentaire pour l’accompagnement de ces femmes ? Si non, en avez-vous ressenti le besoin ? Pensez-vous que le sujet reste encore tabou, tant au niveau des patients que des soignants ? Comment informez-vous ces femmes et les préparez-vous à une telle chirurgie ? Une prise en charge spécifique ou un suivi sont-ils proposés à ces femmes à la fin de leur traitement ? D’après-vous, existe-t-il un manque dans la prise en charge de ces femmes afin de limiter ou de prévenir ces éventuelles perturbations ? Selon vous, que pourrait-il être mis en place afin de prévenir / limiter les conséquences de la mastectomie sur la féminité et la sexualité. 40 Annexe 4 Compte rendu de la réunion de présentation des différentes techniques de reconstruction mammaire Présence de : - Patientes venant de subir une mastectomie - Patientes ayant eu une reconstruction par le Dr Pauchot - Association Vivre Comme Avant - Psychologue d’oncologie - Mme D. IDE et organisatrice de la réunion - Pr. P., chirurgien plasticien La reconstruction mammaire : Les patientes sont souvent déçues par la complexité des techniques de reconstruction mammaire. Le sein est à la fois symbole de féminité, maternité et sexualité. Sein composé : d’un étui (peau) + d’un volume + l’aréole et le téton. 3 situations de reconstruction : reconstruction mammaire différée et immédiate (=préservation de l’étui cutané) Différentes solutions pour « gagner de la peau » : - Peau épargnée = garder la peau en trop - Expansion cutanée = petite prothèse que l’on va progressivement gonfler, nécessité d’une 2ème intervention pour la remplacer par la prothèse définitive. Contre indiquée après radiothérapie. - Lifting abdominal = excédant peau + graisse + muscle du ventre. - Lambeau = structure vascularisée du muscle grand dorsal (dos) le passant de derrière à devant. 2 procédés s’opposent : - Avec prothèse : Avantage : simple, apport de volume immédiat, sans cicatrices supplémentaires. Inconvénients : corps étranger, changement tous les 12-15 ans, durcissement possible, forme sein=forme prothèse. - Sans prothèse : Avantage : meilleur résultats statiques, dynamiques, palpation dans le temps. Inconvénients : cicatrice supplémentaire, chirurgie +complexe, volume limité par la patiente (morpho-compatible). 41 Prothèses : Enveloppe en élastomère de silicone, intérieur gel cohésif ou sérum physiologique (risque de fuite). Différentes formes : rondes/ anatomiques (utilisées pour reconstruction)/ asymétriques (PIP plus utilisées). La prothèse peut être associée à un lambeau : - Lambeau graisseux DIEP = préserve le muscle abdominal grand droit, ne prend que la graisse et vaisseaux sanguins (microchirurgie) - Lambeau graisseux grand dorsal autologue - Graisse = aspiration des adipocytes, centrifugation puis graisse pure réinjectée - Graisse BRAVA = cloche qui crée dépression, crée de l’œdème et étend tissus Aréole et téton : « Cerise sur le gâteau », finalise le travail sinon reste juste un volume, souvent sous anesthésie locale. Surface (aréole) =greffe de peau d’un endroit plus mate ou tatouage Téton : téton controlatéral ou lambeau du dos (replié en trèfle). Questions des participantes au Pr P. : Pourquoi le chirurgien décide de laisser ou non la peau ? Priorité du chirurgien oncologue = éradiquer la maladie. Parfois complications (séromes) et retards de cicatrisation. Facteur limitant : la radiothérapie (modifie la peau et son comportement). Il existe des prothèses amovibles ? Oui, adhésives à retirer et à nettoyer le soir ou non adhésives à glisser dans un soutien-gorge adapté. Combien de temps doit-on attendre pour la reconstruction ? 1 an après la radiothérapie minimum. Si pas de radiothérapie, possible dès la mastectomie. Qu’est-ce que le lymphome anaplasique à grandes cellules ? Y a t-il un risque ? Relation récemment démontrée entre un type de cancer et un type de prothèse. Inflammation des tissus à cause des prothèses macro granulées. Symptômes : épanchements récidivants. Peut-on choisir la méthode ? 42 Selon morphologie Discuter avantages/inconvénients (problème des arrêts de travail) 1ère consultation : donner plusieurs choix possibles à la patiente qui choisit ensuite avec le plasticien. Toutes les techniques ne sont pas pratiquées en cliniques car non rentables (ex : DIEP) Une longue anesthésie (10/12h) est-elle dangereuse ? Plus l’anesthésie est longue, plus les complications sont possibles (phlébite) mais possibilité de les prévenir en les prévenant (bottes massantes…). Toute intervention présente des risques de complications. Préparation de l’intervention++ (bilan sanguins, état des vaisseaux sanguins pour la DIEP par exemple). Y a-t-il des techniques plus douloureuses que d’autres ? Injection de graisse la technique la moins douloureuse. Pour intervention concernant les muscles : attention si patiente sportive ou douleurs dorsales existantes. La technique muscle grand dorsal est-elle compatible avec un curage axillaire ? Oui, toutes les techniques présentées le sont. Si on a déjà eu une DIEP est qu’on rechute sur l’autre sein, peut-on en refaire une ? Non, mais on peut faire une double DIEP dans un même temps opératoire (on sépare la graisse du ventre en 2) D’où l’importance d’attendre quand recherches génétiques. Nos questions au Pr P.: Quelle technique est la plus choisie par les patientes? Reconstructions naturelles = DIEP et graisse Pour quelles raisons éprouve-t-on le besoin d’une reconstruction ? Permet de tourner la page, boucler la boucle et passer à autre chose. Ne plus voir ce « non sein » dans le miroir. Au niveau de la sensibilité ? Seule la technique de la graisse permet de garder une certaine sensibilité. Aucune sensibilité du tout avec les autres techniques. 70% des femmes n’ont pas recours à la reconstruction, confirmez-vous ce chiffre ? 43 Oui c’est vrai, car pas envie d’une nouvelle intervention. A noter que les partenaires ne poussent jamais à la reconstruction. Temps d’échange avec la psychologue : Les questions concernant l’intimité sont abordées avec elle car elles ne sont abordées nulle part ailleurs dans le parcours de soins. Souvent liés aux effets indésirables de l’hormonothérapie : sécheresse vaginale, prise de poids (Tamoxifène)… Dans l’après cancer, seuls les suivis psycho et kinés sont proposés. Les patientes se trouvent alors face aux problèmes mais surtout face aux séquelles. Elles observent un décalage entre la réalité et ce qu’on dit du cancer du sein : « on guérit bien du cancer du sein », cependant, on ne s’attarde jamais sur les séquelles. La psychologue intervient surtout pendant l’hospitalisation pour un premier contact. Les patientes sont parfois accompagnées de leur partenaire. Les hommes auraient peut-être un besoin psycho ponctuel par rapport à des questions qu’ils n’osent pas poser, mais les hommes ne sont pas très psycho… Les femmes souffrent souvent que leurs partenaires verbalisent beaucoup moins qu’elles. Elles ont plutôt des silences au lieu des marques d’affections qu’elles attendent. Silence qu’elles interprètent souvent à tort. Elle conseille de lire « Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus ». Aussi, les patientes n’osent pas aborder ces questions avec leur gynécologue car elles « ne veulent pas leur faire perdre leur temps avec ça ». Concernant l’après cancer, tant que les patientes sont en soins, elles sont en action, ce n’est pas le moment de s’écrouler, c’est ensuite qu’a souvent lieu l’effondrement des affects. Elles éprouvent aussi parfois de la culpabilité de regretter la période où elles étaient malade car on s’occupait d’elles à ce moment-là. La relation d’aide pour préserver la sexualité des patientes après une mastectomie Le cancer du sein représente la première cause de mortalité par cancer chez les femmes en France. Malgré les avancées thérapeutiques, dans certains cas, la mastectomie demeure inévitable. Au cours de nos différents stages, nous avons eu l’occasion de rencontrer des patientes mastectomisées qui souffrent bien souvent d’une altération de leur image corporelle. Nous nous sommes alors demandé en quoi la relation d’aide pouvait contribuer à préserver une féminité et une sexualité épanouie chez ces patientes. Afin d’élaborer notre projet de recherche, nous avons effectué des recherches conceptuelles et réalisé des entretiens auprès de trois professionnelles. Après avoir confronté nos recherches théoriques avec nos résultats sur le terrain, nous avons pu mettre en évidence que les femmes mastectomisées compensent rapidement la perte de féminité engendrée par une telle chirurgie et qu’elles rencontrent souvent des difficultés au niveau de leur sexualité et de leur vie de couple. Cependant, ces problèmes ne sont pas suffisamment abordés. D’une part, la sexualité n’est pas une priorité au départ puisque la survie prime et que d’autre part le sujet demeure tabou. Il existe également des lacunes au niveau des connaissances des soignants. Il apparaît donc important que les professionnels soient mieux formés aux questions relatives à la sexualité et que des temps soient prévus pour laisser les patientes s’exprimer, à distance des traitements, justement au moment où interviennent davantage ces problématiques. Nurse counselling in sexuality issues for breast cancer patients post mastectomy Breast cancer is the most frequent cause of women death from cancer in France. Despite therapeutic advances, mastectomy remains necessary in some cases. Throughout our different placements, we have met patients post mastectomy who have often suffered from a damaged body image. So we have wondered how nurse counselling and support could help these patients feel like a woman and have a fulfilled sexual life. In order to carry out our investigation project, we have done a conceptual research and have interviewed three different professionals. After comparing our theoretical research and our results in practical life, we found that women who had a mastectomy quickly compensate the loss of feminity generated by such surgery, and often experience troubles in sexuality or in their couple’s life. However these issues are not enough discussed. On the one hand, in the beginning, sexuality is put on a second plan because survival becomes the priority, and on the other hand, it remains a taboo subject. A lack of knowledge also exists in nursing staff. Therefore, it seems important that health care professionals become more trained about sexuality issues and that dedicated times should be planned to allow those patients to express themselves, afar from treatments, exactly when those issues may arise. Mots clés : cancer du sein, mastectomie, image corporelle, féminité, sexualité, relation d’aide, deuil, reconstruction.
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