LES ActEurS DE bonnE foi - L`Atelier Canopé 78
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LES ActEurS DE bonnE foi - L`Atelier Canopé 78
Maison de l'Éducation des Yvelines Mise en scène Jean-Pierre Vincent Décor Jean-Paul Chambas Dramaturgie Bernard Chartreux Costumes Patrice Cauchetier Lumières Alain Poisson LES Acteurs de bonne foi de Marivaux MAISON DE L’ÉDUCATION Dossier pédagogique CRDP Académie de Versailles LES Acteurs de bonne foi Mise en scène Jean-Pierre Vincent Dramaturgie Bernard Chartreux Assistante mise en scène et dramaturgie Frédérique Plain Décor Jean-Paul Chambas Assisté de Carole Metzner Costumes Patrice Cauchetier Lumières Alain Poisson Générique des Acteurs de bonne foi Les premiers échos Les caractéristiques de la pièce Le contexte historique et littéraire Composition de la pièce de Marivaux Synopsis Analyse des personnages Analyse des principaux thèmes La digression de Jean-Pierre Vincent Analyse de la mise en scène Scénographie Madame Argante Annie Mercier Madame Hamelin Laurence Roy Araminte Anne Guégan Lisette Claire Théodoly Costumes Lumières Son Jeu des acteurs Ressources Les citations de l’œuvre sont extraites de l’édition Classiques et cie, Hatier poche, n°75 Production – Studio Libre, Théâtre NanterreAmandiers, Théâtre national de Strasbourg. Avec la participation du Jeune Théâtre National et du FIJAD. Ce dossier pédagogique destiné aux professeurs a été réalisé par Caroline Jouffre, professeur de lettres relais de l’Inspection académique des Yvelines auprès de la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines. Mars 2011. 2 CRDP Académie de Versailles Générique des Acteurs de bonne foi Les premiers échos On trouve la première trace des Acteurs de bonne foi le salon de Mlle Quinault, dite Quinault Cadette, en 1748. Françoise Quinault du Frêne, dite Quinault cadette (1701-1783), était une femme de théâtre et excellente comédienne, très consultée par les auteurs. Elle était la fille de Jean Quinault, de la Comédie-Française, donc enfant de la balle. Ses soupers étaient célèbres pour leur gaieté et leur esprit. Elle traitait sur un même pied la noblesse et les poètes crottés. Elle possédait à 21 ans une grande réputation de savoir et d’esprit et recevait deux fois par semaine à dîner chez elle les personnages les plus cultivés de Paris. On peut citer parmi eux madame d’Épinay, Marivaux, d’Alembert, Rousseau, Diderot ou encore Claude Crébillon. On sait qu’en 1731-1732, elle prit l’habitude de réunir sept amis pour des soupers fins agrémentés de représentations théâtrales sous toutes ses formes (lanterne magique, marionnettes, chiens savants, satire personnelle …). Il est donc possible que Les acteurs de bonne foi ait été lu ou joué dans ce cercle intimiste de lettrés. On sait que Marivaux serait parvenu à faire jouer sa pièce en 1755 au Théâtre Français. Or les registres de l’établissement indiquent que le Français faisait relâche ce jour-là. Si Marivaux a pu donner sa pièce, elle n’a obtenu que peu de succès car cette éventuelle représentation n’a pas connu de suite. Enfin, Marivaux fait publier son texte en novembre 1757 dans Le Conservateur. Nous évoquerons plus loin le contexte littéraire de 1757. Pistes de travail Comprendre le rôle des salons au XVIIIe siècle. On demandera aux élèves de chercher qui était Mademoiselle Quinault, puis quels étaient les autres salons en vogue à la même époque, tenus par des « dames » (Madame Geoffrin, madame du Deffand,mademoiselle de Lespinasse, madame de Tencin par exemple). On leur demandera qui était reçu dans ces salons, ce qu’on y faisait et leur rôle social et littéraire. Les caractéristiques de la pièce Il s’agit d’une pièce en prose et en un acte. C’est une œuvre tardive si on la situe dans la vie et l’œuvre de Marivaux (16881763). Marivaux est assez familier des pièces courtes en un acte. On peut citer Le père prudent et équitable (1706), Arlequin poli par l’amour (1720), Le Dénouement imprévu (1724), L’île des esclaves (1725), L’Héritier du village (1725), La Nouvelle Colonie (1729), perdue puis réécrite sous le titre de la Colonie (1750), La réunion des Amours (1730), L’École des mères (1732), La méprise (1734), Le legs (1736), La joie imprévue (1738), Les Sincères (1739), L’épreuve (1740), La commère (1741), La Dispute (1744), Le préjugé vaincu (1746), La femme fidèle (1755), Félicie (1757) et La Provinciale (1761). Ces pièces sont toutes écrites en prose à l’exception de la première. Pistes de travail Découvrir d’autres pièces courtes de Marivaux. On demandera aux élèves de choisir, parmi les titres indiqués en rouge (choisis car ce sont les plus joués et les plus connus), une autre pièce de Marivaux. Après une lecture personnelle de l’œuvre, ils en proposeront une analyse qui résumera l’intrigue, présentera les personnages et les thèmes principaux et enfin établira les points communs avec Les acteurs de bonne foi. 3 CRDP Académie de Versailles Le contexte historique et littéraire Contexte historique Louis XV, au pouvoir depuis 1723, n’est plus Louis le Bien-aimé. En 1757, il vient d’échapper à un attentat fomenté par le domestique Robert François Damiens qui lui reproche d’oublier ses devoirs et de mener une politique trop réformiste. Ces reproches révèlent le climat de tension en France dû aux difficultés financières et aux incessants conflits (guerres de succession et guerre de Sept ans). Le parlement s’oppose à la fiscalité royale et veut plus de libertés, influencé par les idées des philosophes des Lumières. À cela, s’ajoute des conflits religieux (les jésuites sont sur la sellette et l’on se querelle encore à propos du jansénisme). Contexte littéraire Marivaux fait publier son texte en 1757, en plein cœur de la querelle à propos du théâtre, entre Rousseau et d’Alembert. Dans son article « Genève » de l’Encyclopédie, d’Alembert proposait aux austères protestants genevois d’introduire dans leur cité un peu de fantaisie en y implantant un théâtre.Il faisait tout son possible pour donner ses lettres de noblesse (ou plutôt de morale) à ce divertissement. Rousseau, dans sa longue Lettre à d’Alembert sur les spectacles, souligne les dangers des spectacles dans les villes qui ont encore des mœurs. D’Alembert répondra à son tour à Rousseau dans une « Lettre à Rousseau ». Pistes de travail Comprendre l’esprit des Lumières. On peut donner ce tableau aux élèves comme point de départ. Outre les noms des principaux philosophes, il leur fournira quelques œuvres clés. Les élèves pourront par groupe réaliser des exposés sur chacune de ces œuvres : leur contenu et leur portée. Le siècle des Lumières, des philosophes Montesquieu, Lettres Persanes, 1721 Voltaire, Zadig, 1747 Voltaire, Candide, 1759 1750 à 1765 publication de l’Encyclopédie Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1755 Rousseau, Le Contrat Social, 1762 Comprendre la querelle sur le théâtre. On peut placer en parallèle les différentes querelles littéraires (querelle des modernes et des anciens au XVIIe siècle et querelle au sujet du drame romantique par exemple au XIXe siècle) et constater à quel point elles ont marqué des ruptures dans la création littéraire. On demandera aux élèves de compléter les informations sur la querelle autour du théâtre en lisant des extraits des lettres de Rousseau et d’Alembert. L’objectif est de leur faire prendre conscience des idées philosophiques et politiques qui sont derrière cet échange épistolaire. Réaliser un travail d’écriture. Un journaliste observe la querelle entre Rousseau et d’Alembert et rédige après coup un pamphlet sur leurs relations épistolaires. Composition de la pièce écrite par Marivaux Synopsis La pièce se décompose en 13 scènes. La didascalie initiale évoque « une maison de campagne de madame Argante ». Merlin donnera sa comédie dans « une salle » qu’il faudra mettre en état et qui sera le lieu unique de toute l’intrigue. Le divertissement est prévu pour « trois heures après midi », la pièce commence donc dans la matinée. 4 CRDP Académie de Versailles Scène 1 : lors de la scène d’exposition, assez traditionnelle, Merlin s’entretient avec Éraste. Deux informations essentielles sont données : Éraste va épouser Angélique, fille de madame Argante. C’est un mariage d’amour ; Éraste bénéficie des grâces de sa tante madame Hamelin, il s’unit à une jeune fille riche. Ils mettent au point le divertissement donné à l’occasion du mariage pour plaire à madame Hamelin ; madame Argante ignore tout de ce projet. Les acteurs seront Merlin lui-même et des gens de madame Argante. Par ailleurs, il s’agit d’un impromptu, seul le canevas sera fourni aux comédiens qui inventeront. Scène 2 : Merlin accueille ses comédiens, donne des conseils à chacun sur son rôle. Le canevas proposé consiste à ce que Colette, une coquette promise à Blaise, se laisse conter fleurette par Merlin, luimême promis à Lisette. On devine déjà des réticences chez les uns et les autres à jouer les dupés. Scène 3 : la répétition commence avec Lisette et Merlin tandis que Blaise et Colette y assistent en tant que spectateurs. Le ton monte : Lisette frotterait bien la joue de l’impertinente qui fait de l’œil à son promis. Scène 4 : dans la scène suivante, Merlin se trouve face à Colette qui se montre trop vite entreprenante au grand désespoir de Blaise et sous le regard courroucé de Lisette. Scène 5 : Blaise ne comprend plus rien et confond théâtre et réalité. Il prend pour argent comptant ce qui se joue sur scène. Colette, complice de Merlin, assure qu’elle est prête à rompre ses fiançailles pour partir avec Merlin. S’en suit force dispute. Scène 6 : madame Argante, alarmée par le bruit, vient aux nouvelles. Merlin et Éraste sont bien obligés de lui avouer leur « petit dessein …. Une bagatelle … Une petite pièce … Une comédie ». Mais madame Argante s’oppose vivement à ce projet « chez une femme de son âge ». Elle est persuadée que madame Hamelin se rangera à son avis. Scène 7 : madame Hamelin revendique la paternité de cette idée mais plie cependant devant madame Argante, contrariée. Scène 8 : madame Hamelin expose son nouveau dessein à son amie Araminte : « c’est qu’au lieu de la lui donner, il faudra qu’elle me la donne ». Elle feindra de refuser Éraste à Angélique et de lui préférer Araminte, riche et encore jeune. Nul, en dehors d’Araminte, ne saura le rôle qu’il joue. Le metteur en scène a changé, le canevas aussi mais nous assistons toujours à un impromptu joué par des acteurs de « bonne foi ». Scène 9 : Éraste rejoint sa tante et Araminte. On lui apprend qu’il épousera Araminte et ses trente mille livres de rentes. Il est désespéré. Scène 10 : madame Argante est à son tour informée des nouveaux projets de madame Hamelin. La situation lui échappe : elle est prête à faire donner cette comédie, à jouer dedans …. Mais que ce mariage ait lieu ! Scène 11 : dans la confusion la plus totale, madame Argante tente de faire jouer l’impromptu de Merlin. Elle dispute même Araminte de son peu de raison et de sa courtoisie : elle vole le fiancé d’une autre en affichant le double de son âge. Scène 12 : madame Argante attend la comédie de Merlin. Les comédiens reviennent sur scène mais Blaise ne veut plus jouer, sa mère le lui ayant défendu. Il n’apprécie 5 CRDP Académie de Versailles pas non plus le rôle qu’on lui fait tenir. Tous se rebellent et madame Argante a bien du mal à faire avancer l’intrigue. Scène 13 : un notaire arrive apportant le contrat de mariage. Madame Argante, pensant qu’il s’agit du contrat d’Éraste et d’Araminte, refuse de le signer. L’homme de loi révèle les noms des promis : Éraste et Angélique. Tout le monde signe dans un soupir de soulagement et dans un rire parfois jaune. C’est donc une intrigue simple rendue plus complexe par le jeu de mise en abyme que nous étudierons plus loin dans la partie consacrée aux thèmes. Analyse des personnages Madame Argante Mère d’Angélique, elle est une riche propriétaire terrienne. Elle représente le monde rural par opposition à madame Hamelin qui renvoie à la ville et à ses plaisirs. On voit en elle une maîtresse femme qui a l’habitude de commander et d’être obéie (scène 6). Elle se considère comme la mère de tous ces gens : « je lui défends de vous défendre : je vous sers de mère ici, ici c’est moi qui suis la vôtre ». Elle est jugée « trop sérieuse » par madame Hamelin. Elle semble désemparée face à la rupture du contrat de mariage : elle lui semble disproportionnée par rapport à la cause, l’interruption du divertissement. Elle sera alors dans une démesure totale qui l’entraîne loin de la raison et de la réserve d’une « femme de son âge » : « qu’on y joigne l’opéra, la foire, les marionnettes, et tout ce qu’il vous plaira, jusqu’aux parades » (scène 10). Araminte Amie des deux femmes, sans doute plus proche de madame Hamelin que de madame Argante, de part ses goûts, elle est veuve, trois fois plus riche qu’Angélique. Elle joue parfaitement son rôle et sait se montrer autoritaire et cruelle : « Oh ! Puisque vous le prenez sur ce ton-là, vous m’aimerez, s’il vous plait. » (scène 9). Elle se montre assez coquette quand on parle de son âge et qu’on lui parle de ses quarante ans ; elle n’en a que trente-neuf ! Madame Hamelin Tante d’Éraste, elle vient de Paris et représente la ville comme on l’a dit plus haut. Elle dirige la pièce dans laquelle madame Argante joue malgré elle. Elle se montre plutôt espiègle et vive, très grande dame, sûre d’elle. Angélique Elle est la fille de madame Argante et joue le rôle de la jeune épousée, naïve et pure. Elle aime sincèrement Éraste. Ce n’est pas un rôle important, même si le personnage est étoffé par la première scène, tirée de L’épreuve. Lisette C’est la femme de chambre de mademoiselle Angélique. Elle est plus éduquée et cultivée que Colette. Son langage est plus maîtrisée, plus correct. Cependant, elle se laisse abuser par Merlin, prend les propos de l’impromptu pour argent comptant et est même prête à battre Colette. On sent un personnage entier, vite en colère et qui laisse voir ses origines simples lors de ses emportements. Colette C’est la fille d’un jardinier. Elle appartient au même milieu social que Blaise et use du même patois. Elle n’est qu’une « petite villageoise » aux yeux de Lisette. Elle joue la coquette amoureuse d’un valet, supérieur à elle qui lui offrirait une promotion sociale. Elle se montre cruelle, comme Blaise, en faisant souffrir et pleurer son fiancé ; elle est vive et maligne. Elle reste lucide sur son propre jeu : « il n’y a pas de danger, puisqu’ils nous aiment tant » (scène 5). Éraste C’est un jeune homme prêt à tout pour 6 CRDP Académie de Versailles plaire à sa tante qui le fait bénéficier de ses largesses. Il apparaît sur la scène en organisateur de cette comédie mais s’avérera dépassé par la situation. Il sera un comédien malgré lui et perd vite son aplomb et la parole face à Araminte et à Angélique, elle-même. C’est un personnage timide donc, sans grande envergure par rapport aux personnages féminins. Merlin C’est un valet rusé, cultivé qui connait les règles du théâtre et se plait aux impromptus comme aux « anacréontiques » (I,1). Il parle de son génie avec une certaine fatuité : « du passable, Monsieur ? Non, il n’est pas de mon ressort ; les génies comme le mien ne connaissent pas le médiocre » (I,1). Il est cependant attachant car lucide : « j’excelle ou je tombe, il n’y a jamais de milieu ». Il se montre paternaliste vis-à-vis de ses comédiens « Allons mes enfants » (I,2). Il est le metteur en scène et organise la première partie du jeu. C’est pour lui un emploi lucratif et amusant en même temps. On le sent rusé, à l’aise dans les jeux doubles ; c’est pourquoi il invente un scénario qui rendra Lisette jalouse, ce qui ne manque pas de cruauté. Blaise C’est le fils du fermier de madame Argante. Il est présenté comme un nigaud et se singularise par son patois : « Voyez en effet comme alle se presse : an dirait qu’alle y va de bon jeu, je crois que ça m’annonce du guignon ». Son langage en fait déjà un personnage comique qui se démarque des autres. Quand il ne veut plus jouer à la scène 12, il invoque la figure maternelle comme un enfant : « noute mère m’a défendu de monter sur le théâtre ». Par ailleurs, il confond théâtre et réalité et ne sait plus si ce qu’ils jouent est vraiment un jeu. Une pièce avec six personnages féminins est assez peu fréquente. Certains attribuent le peu de succès de la pièce en 1757 à cette forte féminisation de la scène. Analyse des principaux thèmes Le mariage : un contrat Le mariage qui est au centre de nombreuses comédies de Marivaux, est ici un mariage d’amour : « vous savez que j’adore Angélique, qu’il m’est impossible d’aimer ailleurs » (scène 9). Éraste joue le rôle du jeune homme « forcé » dans la comédie inventée par sa tante. On lui impose Araminte, plus âgée mais très fortunée. « Trente mille livres de rente » doivent faire oublier tous les mariages d’amour. Araminte, elle, donne « deux cent mille écus » pour le cœur d’Éraste. Et on parle souvent d’argent : Éraste ne doit ce mariage qu’à la générosité de sa tante, on ne parle pas de ses biens propres, Araminte est un parti riche qui doit faire oublier son âge … On assiste à une surenchère entre les femmes. Madame Argante pour faire jouer l’impromptu de Merlin est prête à rajouter 10 pistoles. La mise en abyme La pièce joue sur plusieurs niveaux. Ainsi Merlin donne une comédie dans laquelle lui et ses comparses tiendront les rôles et ne sortiront pas de leur caractère : « toi [à Lisette], tu joues une maligne soubrette à qui l’on n’en fait point accroire, et te voilà ; Blaise a l’air d’un nigaud pris sans vert et il en fait le rôle ; un petite coquette de village et Colette c’est la même chose ; un joli homme et moi, c’est tout un ». Chacun sera lui-même tout en jouant un rôle. Les dialogues mêleront alors des propos sur la vie réelle, les répliques de la répétition et les indications du metteur en scène sur le jeu lui-même. Pour Blaise, Colette et Lisette, tout finira par s’embrouiller. D’autant plus que Merlin et Colette ont convenu de jouer, dans leur pièce, un autre rôle, de 7 CRDP Académie de Versailles ©Pascal Victor façon à rendre jaloux leur promis réciproque : « J’oublie encore de vous dire une finesse de ma pièce ; c’est que Colette qui doit faire mon amoureuse et moi qui doit faire son amant, nous sommes convenus tous deux de voir la mine que feront Lisette et Blaise à toutes les tendresses naïves que nous prétendons nous dire … ». On obtient ainsi trois niveaux de jeu : nous regardons une pièce dans laquelle s’en joue une seconde dans laquelle deux personnages en jouent un autre. Pendant la répétition (scènes 3, 4 et 5), les acteurs seront tour à tour spectateurs et acteurs. Le procédé sera repris à la fin de la pièce avec un changement de metteur en scène : de Merlin, on passe à madame Hamelin. Celle-ci propose un autre scénario, connu d’elle seule et d’Araminte. Tous les autres seront les dupes et joueront malgré eux une comédie. Madame Argante veut même jouer sans savoir qu’elle fait déjà partie de la distribution. On a donc deux comédies dans une : dans le premier cas, les acteurs sont volontaires (même si deux seulement sont de bonne foi, Blaise et Lisette) tandis que dans la seconde les acteurs seront promus comédiens sans le savoir et sans le vouloir. Ils seront donc tous « de bonne foi ». Ce procédé de mise en abyme révèle l’importance de l’illusion théâtrale. On pourra s’appuyer, en outre, sur la photo ci-dessus et sur celle qui présente Merlin en étourdi. Les élèves proposeront une analyse du dispositif scénique et montreront comment il met en lumière cette mise en abyme. Pistes de travail Réfléchir sur la thématique de l’illusion théâtrale. Après avoir lu la pièce, les élèves s’interrogeront sur les différents niveaux de jeu de celle-ci. On pourra par exemple leur demander pourquoi on parle ici de mise en abyme. On pourra aussi leur proposer des lectures complémentaires sur la même thématique : L’Illusion comique de Corneille ou Six personnages en quête d’auteur de Luigi Pirandello. Le théâtre : réalité et illusion On remarque le champ lexical du théâtre dans la bouche de Merlin : « donner la comédie… mes acteurs… le coup d’art qu’il y a dans ma pièce… l’impromptu… le canevas… les dialogues… répétons … le plan de ma pièce… jouer… nous sommes la première scène… ». Dans celle de madame Hamelin, on note encore « on la jouera pourtant … qu’elle la joue … Jouera-t-elle bien son rôle ? …de bons acteurs... » ; elle reprendra, dans la scène 8, la même expression que Merlin « c’est ici la première scène ». Éraste veut une comédie pour plaire à sa tante et pour la divertir, Merlin recherche à la fois l’argent et la confirmation des sentiments de sa belle, madame Hamelin veut donner une leçon à madame Argante. Chacun cherche par le théâtre à atteindre un but, parfois qui apparaît comme une forme de vérité. De là à dire que le théâtre, monde de l’illusion, permet de dévoiler la vérité des êtres, il n’y a qu’un pas. 8 CRDP Académie de Versailles Les scènes de répétitions brouillent particulièrement les pistes car on trouvera mêlé les répliques des comédiens : « Quoi ! Chère Colette, votre cœur, vous dit quelque chose pour moi ? » ; indications du metteur en scène « Entre amants, les mains d’une maîtresse sont toujours de la conversation » encore des propos de la vie quotidienne : « ce n’est pas moi qui le prends ; c’est mon père et ma mère qui me le baillent ». Où est la réalité ? L’illusion ? Les comédiens s’y perdent : Blaise se met à pleurer « pour de vrai » quand Colette lui dit que ce n’est pas elle qui l’a choisi. Colette elle-même, à force de jouer la coquette amoureuse, le devient : « je sis bien obligée d’en sentir pisque je sis obligée d’en prendre dans la comédie. Comment voulezvous que je fasse autrement ? ». Quant à madame Argante, elle ne comprend plus rien, et tout n’est qu’un « rêve ». La digression de Jean-Pierre Vincent Jean-Pierre Vincent découvre la pièce en 1970. Elle est souvent accompagnée d’une autre pièce en un acte, plus connue. Le metteur en scène décide cette foisci de la monter seule en l’étoffant un peu. L’idée est de lui donner plus de corps par une réflexion philosophique sur le théâtre. Jean-Pierre Vincent songe alors aux échanges épistolaires de Rousseau et de d’Alembert sur ce sujet. Ces échanges seront repris en partie dans un dialogue entre mesdames Argante et Hamelin. Jean-Pierre Vincent s’explique en ces termes le 26 mai 2009, au lendemain de la première d’Ubu (mise en scène à la Comédie-Française) « L’ajout de la scène « Rousseau/D’Alembert » (voir ci-dessous, NDLR) comporte déjà une sorte d’ « effet scénario ». Mais peut-être n’est-il pas inutile de songer à un « récit second ». Il permettrait peut-être de densifier le propos. Et à moi, il permettrait de prendre un peu de recul par rapport à ce texte que je connais (ou crois connaître) sur le bout des doigts, et qui peut me devenir trop familier. Verfremdung (qu’on pourrait traduire ici par mise à distance, NDLR) comme disait Brecht ! ». En Janvier 2010, il écrit encore : « Si Mme Argante se met à emprunter et incarner – plus ou moins – les idées de JeanJacques Rousseau, ses raisons de refuser le théâtre prennent corps et du sérieux (pas même besoin de parler de « protestantisation »). Elle n’est plus la ridicule de campagne, celle qui n’aurait qu’une lubie phobique. Elle est une personne réellement agressée par la présence du théâtre dans son mode de vie (choix de vie). Elle exprime alors une vraie résistance à la culture mondaine. Elle défend une vision de la société moderne telle qu’elle la veut : morale et économique. » « Alors, aussi, le différend Paris/Province prend de la hauteur et s’élève audessus de la sphère privée. Et le différend également entre deux fractions de la classe possédante : les bosseurs et les jouisseurs, les riches arrivés et ceux qui font tout pour arriver. Ne sait-on pas que, dans la bourgeoisie française moderne, l’élu local est plus soucieux de l’ordre au quotidien que le responsable central, surtout dans le domaine culturel ? ». Il cite encore la Lettre à d’Alembert de Rousseau : « Jamais dans une monarchie l’opulence d’un particulier ne peut le mettre au-dessus d’un prince ; mais dans une République elle peut le mettre au-dessus des lois. Alors le gouvernement n’a plus de force et le riche est toujours le vrai « souverain ».(Garnier-Flammarion, page 171). « C’est bien avant « les eaux glacées du calcul égoïste » de Karl Marx, dira JeanPierre Vincent. Mais devant cette Mme 9 CRDP Académie de Versailles Argante-là, on peut penser qu’elle défend (encore…) la fameuse « idylle » dont Marx dit qu’elle a été brisée par l’avènement de la bourgeoisie et la suprématie de l’argent. En tout cas, elle le vit ainsi, son paternalisme productiviste, à la fois passéiste et réformateur… » Ce débat entre Mme Argante et Mme Hamelin sur le théâtre apparaîtra sous la forme d’une digression qui intervient comme un arrêt sur image, comme une pièce dans la pièce. Le metteur en scène donne à entendre ce que les personnages de Marivaux ne diront jamais : ce qui sous-tend tous leurs dires. Jean-Pierre Vincent ajoute encore une autre scène, jouée en guise de prélude. On y découvre au lever du jour Éraste alangui qui se presse vers Angélique, à son entrée. Ce préambule nous plonge dans un univers campagnard et amoureux. Cette scène vient, cette fois, de L’épreuve de Marivaux, une scène entre les jeunes fiancés pour que ce mariage ne soit pas seulement un contrat, ou une phase obligée de la comédie, mais un vrai moment de vie pour les principaux intéressés… Pistes de travail Découvrir la scène préambule. Après l’avoir lu, les élèves pourront débattre de l’intérêt de cette scène au début de la pièce. On peut aussi leur faire comparer la scène réécrite de Jean-Pierre Vincent et l’originale de L’épreuve insistant sur le travail de réécriture (quels sont les changements apportés et pourquoi). PROLOGUE POUR UN MARIAGE À LA CAMPAGNE D’après L’épreuve, scène VIII Une grange, ou quelque chose comme ça, un matin ensoleillé. Éraste paresse dans le foin, ou quelque chose comme ça. Entre Angélique, avec un bouquet. Il la regarde. Silence. ANGÉLIQUE – À quoi songez-vous donc en me regardant si fort ? ÉRASTE – Je songe que vous embellissez tous les jours. ANGÉLIQUE – À propos, je sais que vous aimez les fleurs, et je pensais à vous en cueillant ce petit bouquet ; tenez, Monsieur, prenez-le. ÉRASTE – Je ne le prendrai que pour vous le rendre, j’aurai plus de plaisir à vous le voir. ANGÉLIQUE, le reprend – Et moi, à cette heure que je l’ai reçu, je l’aime mieux qu’auparavant. ÉRASTE – Vous ne répondez jamais rien que d’obligeant. ANGÉLIQUE – Ah ! cela est si aisé avec de certaines personnes. Silence. Il est tout près d’elle. Mais que voulez-vous donc ? ÉRASTE – Vous donner des témoignages de l’extrême amitié que j’ai pour vous, à condition qu’avant tout, vous m’instruisiez de l’état de votre cœur. ANGÉLIQUE – Hélas, le compte en sera bientôt fait, je ne vous en dirai rien de nouveau ; ôtez notre amitié que vous savez bien, il n’y a rien dans mon cœur, que je sache, je n’y vois qu’elle. ÉRASTE – Vos façons de parler me font tant de plaisir, que j’en oublie presque ce que j’ai à vous dire. ANGÉLIQUE – Comment faire, vous oublierez donc toujours, à moins que je ne me taise ; je ne connais point d’autre secret. ÉRASTE – Je vois quelquefois bien des jeunes gens qui vous font la cour ; lequel distinguez-vous parmi eux ? Confiez-moi ce qui en est comme au meilleur ami que vous ayez. ANGÉLIQUE – Je ne sais, Monsieur, pour- 10 CRDP Académie de Versailles quoi vous pensez que j’en distingue ; estce que je les remarque ? Est-ce que je les vois ? ÉRASTE – Je vous crois, Angélique. ANGÉLIQUE – Je ne me souciais d’aucun, quand vous êtes venu ici, et je ne m’en soucie pas davantage, depuis que vous y êtes, assurément. ÉRASTE – (Ma chère Angélique,) Quand je ne vous vois pas, vous me manquez, et je vous cherche. ANGÉLIQUE – Vous ne cherchez pas longtemps, car je reviens bien vite. ÉRASTE – Quand vous êtes revenue, je suis content. ANGÉLIQUE – Et moi je ne suis pas mélancolique. ÉRASTE – Adieu, ma chère Angélique ; mais avant que je ne vous quitte, acceptez de moi ce petit présent de noce, que j’ai droit de vous offrir, suivant l’usage ; ce sont de petits bijoux que j’ai fait venir de Paris. ANGÉLIQUE – Et moi, je les prends parce qu’ils y retourneront avec vous, et que nous y serons ensemble ; mais il ne fallait point de bijoux, c’est votre amitié qui est le véritable. ÉRASTE – Adieu, belle Angélique. Ils vont pour s’embrasser, musique, ils vont s’embrasser. Éraste sort en courant.. ANGÉLIQUE – (d’abord pétrifiée, puis violemment) Courez donc ! NOIR. Pistes de travail Analyser un texte argumentatif. Figure ci-dessous le texte modifié par JeanPierre Vincent avec la « digression sur le théâtre ». Les passages indiqués en rouge marquent la scène VII originelle. On peut analyser les arguments des deux femmes et travailler sur le dialogue argumentatif. Dans un second temps, on peut fournir aux élèves des extraits des lettres de Rousseau et de D’Alembert, voire même son article « Genève » figurant dans l’Encyclopédie,et leur demander de repérer les arguments repris par les deux personnages de Marivaux. SCÈNE VII MADAME HAMELIN, MADAME ARGANTE, ANGÉLIQUE, ÉRASTE, MERLIN Puis ARAMINTE MADAME ARGANTE – à madame Hamelin. Vous ne devinerez pas, Madame, ce que ces jeunes gens nous préparaient ? Une comédie de la façon de monsieur Merlin : ils m’ont dit que vous le savez, mais je suis sûre que non. MADAME HAMELIN – C’est moi à qui l’idée en est venue. MADAME ARGANTE – À vous, Madame ! MADAME HAMELIN – Oui, vous saurez que j’aime à rire, et vous verrez que cela vous divertira ; mais j’avais expressément défendu qu’on vous le dit. MADAME ARGANTE – Je l’ai appris par le bruit qu’on faisait dans cette salle : mais j’ai une grâce à vous demander, Madame, c’est que vous ayez la bonté d’arrêter le projet. MADAME HAMELIN – Mais, Madame… ARAMINTE – entrant (Madame Hamelin et Araminte très chic, claires et vaporeuses) Eh bien, ma chère, où en est notre comédie, va-t-on la jouer ? MADAME HAMELIN – Non, madame Argante veut qu’on rende l’argent à la porte. ARAMINTE – Comment ! Elle s’oppose à ce qu’on la joue ? Et pourquoi, Madame, s’il vous plaît ? MADAME ARGANTE – Mon âge, Madame, mon caractère… MADAME HAMELIN – Mais encore ? Quel est le fond de votre pensée là-dessus ? MADAME ARGANTE – La vérité, Madame, est que le théâtre est un amusement. MADAME HAMELIN – Sans doute, et des 11 CRDP Académie de Versailles plus plaisants qui soient. C’est une honnête récréation. MADAME ARGANTE – Mais s’il est vrai qu’il faille des amusements à l’homme, vous conviendrez au moins qu’ils ne sont permis qu’autant qu’ils sont nécessaires, et que tout amusement inutile est un mal. MADAME HAMELIN – Assurément. MADAME ARGANTE – Je ne vous demande, Madame, qu’un moment d’attention. Contemplez, s’il vous plaît, notre belle campagne, toute entière couverte d’habitations dont chacune fait le centre des terres qui en dépendent. Ces heureux paysans, tout à leur aise, cultivent des biens pour lesquels ils reçoivent une équitable rétribution ; et ils emploient le loisir que cette culture leur laisse à faire mille ouvrages de leurs mains. L’hiver surtout, chacun renfermé bien chaudement, avec sa nombreuse famille, dans sa jolie et propre maison, s’occupe de mille travaux amusants. Jamais menuisier, serrurier, vitrier, tourneur de profession n’entra dans le pays : tous le sont pour eux-mêmes… Eh bien, Madame, supposons qu’au milieu de ce paysage, au centre des habitations, on établisse un spectacle fixe et peu coûteux, sous prétexte, comme vous dites, de leur offrir une honnête récréation. Qu’adviendra-t-il ? Je vois d’abord que, leurs travaux cessant d’être leurs amusements, aussitôt qu’ils en auront un autre, celui-ci les dégoûtera des premiers. Il y aura chaque jour un temps réel de perdu pour ceux qui assisteront à votre spectacle ; et l’on ne se remet pas à l’ouvrage, quand on a l’esprit rempli de ce qu’on vient de voir : on en parle, ou l’on y songe. Par conséquent, relâchement du travail : premier préjudice. Quelque peu qu’on paie à la porte, on paie enfin quelque chose, c’est toujours une dépense qu’on ne faisait pas. Il en coûte pour soi, pour sa femme, pour ses enfants ; il faut prendre plus souvent ses habits de dimanche, tout cela coûte du temps et de l’argent. Augmentation de dépense : deuxième préjudice. Un travail moins assidu et une dépense plus forte exigent un dédommagement. On le trouvera sur le prix des ouvrages qu’on sera forcé de renchérir. Plusieurs marchands, rebutés par cette augmentation, iront se pourvoir ailleurs, là où il n’y a pas de spectacle. Diminution du débit : troisième préjudice. Dans les mauvais temps, les chemins ne sont pas praticables : il faudra que la troupe vive, elle n’interrompra pas ses représentations ; l’hiver, il faudra faire des chemins dans la neige, peut-être les paver. Voilà des dépenses publiques : établissement d’impôts : quatrième préjudice. Les femmes des fermiers voudront être parées pour être vues. Introduction du luxe : cinquième préjudice… ARAMINTE sortant de sa réserve – Chimères, madame Argante, chimères !... Vous voyez le mal partout. MADAME ARGANTE – Ne vous récriez point, Madame. Il n’y a point là de chimère. ARAMINTE – Mais, Madame, les spectacles ne sauraient être mauvais en eux-mêmes, et en tous lieux ! MADAME HAMELIN – Je tiens qu’en certains lieux, ils sont utiles pour attirer les étrangers ; pour augmenter la circulation des espèces ; pour exciter les artistes ; pour varier les modes ; pour occuper les gens trop riches, ou aspirant à l’être ; pour les rendre moins malfaisants ; pour distraire le peuple de ses misères ; pour lui faire oublier ses chefs en voyant ces baladins… MADAME ARGANTE – En d’autres lieux, ils ne servent qu’à détruire l’amour du travail ; à décourager l’industrie ; à ruiner les particuliers ; à leur inspirer le goût de l’oisiveté ; à leur faire chercher les moyens de subsister sans rien faire ; à rendre un peuple inactif et lâche ; à tourner la sa- 12 CRDP Académie de Versailles gesse en ridicule ; à travestir les citoyens en beaux esprits, les mères de famille en petites maîtresses, et les filles en amoureuses de comédie. MADAME HAMELIN – Quoi, Madame, vous niez que le théâtre rende la vertu aimable. Les méchants ne sont-ils pas haïs sur la scène ? MADAME ARGANTE – Sont-ils aimés dans la société, quand ils y sont connus pour tels ? Si tout l’art du théâtre consiste à nous montrer des malfaiteurs pour nous les rendre odieux, je ne vois point ce que cet art a de si admirable. MADAME HAMELIN – Au moins vous m’accorderez que le théâtre instruit en amusant. Sous l’apparence du plaisir ce sont des leçons utiles qu’il nous donne. Nous entrons au théâtre pour rire ou pour pleurer : la tragédie nous offre les malheurs produits par les vices des hommes, la comédie les ridicules attachés à leurs défauts ; l’une et l’autre nous mettent sous les yeux ce que la morale nous montre de façon abstraite et dans un espèce de lointain. Elles développent et fortifient par les mouvements qu’elles excitent en nous les sentiments dont la nature a mis le germe dans nos âmes. MADAME ARGANTE – Vous vous moquez, Madame. Plus une comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs. Le plaisir qu’on y prend est incompatible avec une vie morale. Avec quelle avidité la jeunesse ne s’y livre-t-elle point à des idées auxquelles elle n’a déjà que trop de penchant ? Voilà le sujet de mes alarmes, voilà le mal que je voudrais prévenir. ARAMINTE – Quoi ! Ne faut-il donc aucun spectacle dans une société ? MADAME ARGANTE – Au contraire, Madame, il en faut beaucoup. MADAME HAMELIN – Mais alors quels seront les objets de vos spectacles ? Qu’y montrera-t-on ? ARAMINTE – Rien, peut-être… MADAME ARGANTE – Rien, si l’on veut. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore: donnez les spectateurs en spectacle ; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres afin que tous en soient mieux unis. Pourquoi, sur le modèle des fêtes militaires, ne fonderions-nous pas d’autres prix de gymnastique, pour la lutte, pour la course, pour le disque, pour divers exercices du corps ? Pour moi, loin de blâmer de si simples amusements, je voudrais au contraire qu’ils fussent publiquement autorisés, et qu’on y prévint tout désordre particulier en les convertissant en bals solennels et périodiques, ouverts indistinctement à toute la jeunesse. Je voudrais que les pères et mères y assistassent pour veiller sur leurs enfants. Je voudrais qu’on formât dans la salle une enceinte commode et honorable destinée aux gens âgés de l’un et l’autre sexe… MADAME HAMELIN – Ma foi, Madame, vous pouvez arrêter là ; me voilà convaincue tout à fait. On ne résiste pas à un piquet couronné de fleurs. Ne vous alarmez donc point, Madame. C’en est fait de notre comédie, n’y pensons plus. ARAMINTE – Puisque madame Hamelin vous le dit, Madame, ne vous alarmez point. MADAME ARGANTE – Je vous en rends mille grâces, Mesdames, et je vous avoue que j’en craignais l’exécution. MADAME HAMELIN – Je suis fâchée de l’inquiétude que vous en avez prise. MADAME ARGANTE – Je vais rejoindre la compagnie avec ma fille ; n’y venez-vous pas ? MADAME HAMELIN – Dans un moment. ANGÉLIQUE – à part, à Madame Argante Madame Hamelin n’est pas contente, ma mère. 13 CRDP Académie de Versailles MADAME ARGANTE – à part, le premier mot. Taisez-vous. Adieu, Madame, venez donc nous retrouver. MADAME HAMELIN – Oui, oui. Mon neveu, quand vous aurez mené madame Argante, venez me parler. ÉRASTE – Sur-le-champ, Madame. MERLIN – J’en serai donc réduit à l’impression, quel dommage ! Madame Argante sort, avec Angélique, Éraste et Merlin. Analyse de la mise en scène Scénographie Jean-Pierre Vincent fournit de précieuses indications sur le lieu dans ses notes : « Extérieur ou intérieur ? La cause semble entendue, pour Marivaux, dès la première réplique : il faut « mettre la salle en état ». Salle ? Grand salon ? Mais à côté de cela, la répétition peut avoir lieu n’importe où ailleurs que dans le lieu où la chose sera présentée… Marivaux imaginait sans doute un grand salon (rez-de-chaussée de la demeure), dont on bouleverse l’ordonnance pour les besoins du divertissement : la scène y serait un tapis débarrassé de son mobilier habituel. Préparation pour un impromptu de salon avec des chaises regroupées/rangées pour l’assistance ; par les portes-fenêtres, ce salon donne sur la nature, le jardin d’abord, puis la campagne et le village (et le clocher !) au loin… Salon réel, envahi par comédies et tragédies tout aussi réelles, par les paysans, etc. » « En 1970, l’enjeu pour le lieu était politique (sic) : trouver par exemple un détournement (pour les besoins du loisir des riches) des « outils de production » agricoles… J’aurais voulu que la scène – le théâtre dans le théâtre de Merlin – soit constituée de bottes de paille remisées pour l’hiver. Dans une grange, ou un auvent en plein air, il y aurait eu un amoncellement de bottes en parallélépipèdes (cela existait-il à l’époque ? Moissonneuses). Et l’on aurait sacrifié une vingtaine de ces bottes pour en faire un praticable en paille, monter dessus et jouer, d’où gaspillage des produits du labeur, etc. Mais nos moyens ne nous permettaient pas d’ignifuger tout ça, ni d’imaginer de fausses bottes en déco. Il fallut donc trouver autre chose. Et ce fut, en plein air, au pied d’un saule mort, une série de praticables/étendoirs mis côte à côte pour fabriquer une scène de fortune. Les pommes (rouges !) étaient dans deux grands paniers. Dans sa révolte finale, Blaise bazardait toutes les pommes (la récolte !) sur le plateau gris clair qui devenait … ROUGE ! Tout juste si Mao n’entrait pas à cet instant ! « Pas question, évidemment, de reprendre cette vieille idée. Mais l’idée de détournement de la nature, ou des éléments du travail, peut rester sous-jacente. Marivaux détournait un salon, nous détournions une récolte. » « Mon premier sentiment, il y a un an, était de partir de l’idée de grange, d’une écurie, d’une salle dans les communs ; l’intérêt étant la beauté rustique du lieu, des lumières entrant par les portails et les lucarnes, la paille et le sol de terre battue, le soleil qui change… » « Puis est venue (le 16 avril 2009) l’idée de repartir de notre Jeu de l’amour et du hasard, qui se déroulait donc dans une salle de bal de château, désertée depuis la mort de la mère, désaffectée. C’était l’endroit secret de Silvia, son endroit des larmes solitaires, où tout le monde venait l’envahir. » « À propos de détournement, on pourrait ainsi prolonger/renverser le jeu. La salle de bal (avec mur/miroir piqueté, fres- 14 CRDP Académie de Versailles la maison de maître : la demeure de Mme Argante peut aussi bien se situer dans le village. En tout cas, une impression de vide quand cela commence : un lieu qui va devoir être habité, arrangé, nettoyé (…). Watteau est fascinant, mais c’est une poésie, une imagerie beaucoup plus « Régence » qui pourrait avoir un lien très fort avec les premières pièces, les « fééries » de Marivaux. Ici, des années ont passé. Même si Marivaux n’est pas naturaliste, le temps et l’espace théâtraux se sont rapprochés du réel. » « Une salle vide et pas très clean, donc. Avec un peu, très peu de gravas par terre (chute de staff ou de plafond). Ligne rouge ou bleue Chambas courant sur le mur à un mètre de haut. Bout de fresque à peine encore visible ? (Pas compliqué !) Cheminée cassée avec miroir fendu au-dessus ? Et au fait, un PLAFOND ? Chiant en tournée, mais… ça change tout.» Piste de travail Lire des notes de travail. On donnera à lire les notes du metteur en scène sur le lieu qu’il imagine et le dispositif scénique. On les comparera à la maquette réalisée par Jean-Paul Chambas en s’interrogeant sur les éléments repris par le créateur du décor des notes de Jean-Pierre Vincent. ©Pascal Victor que, petite scène…) serait si désaffectée cette fois qu’on y aurait remisé des outils, récents ou vieux, des bouts de charrue, voire des parts de récolte. « Nous servirons-nous de la petite scène qui existait dans le décor du Jeu de l’amour et du hasard ? Si l’on s’en sert pour la scène de répétition, elle risque d’être un peu éloignée, sauf si le décor est moins profond. Mais alors il sera moins fort. De plus, durant la scène de répétition, cela dispose de dos les deux personnages qui assistent et ne sont pas sur scène. Solution possible : il y a une scène (encombrée) ; on ne s’en sert pas pour la répétition ; on ne s’en occupe pas, sauf Mme Argante qui monte en scène et bazarde tout ce qui traîne… Pour la répétition on jouerait sur le tapis central : si tout est au même niveau, les moments de jeu et de hors-jeu, cela peut renforcer les effets de confusion entre réel et fiction. « Si l’on revient à la simple grange – qu’il faudrait débarrasser de son naturalisme – j’ai repéré dans L’Encyclopédie des gravures de granges ou d’ateliers dont un côté est ouvert, sans mur. Il faudrait aussi penser à désaxer un tel décor : pas les trois murs bébêtes. Mais alors on tombe sur un problème de cyclorama (qu’est-ce qu’on voit par cette béance ?). Et nous devons penser à l’élasticité nécessaire de notre espace ». Après la première réunion en janvier 2010, Jean-Pierre Vincent notera : « Grande légèreté, simplicité, ne pas compliquer », dixit Jean-Paul Chambas (qui signe les décors et les scénographie de Jean-Pierre Vincent depuis longtemps). Ici, Jean-Pierre Vincent note : « C’est juste ! » et développe : « Il faut que cela estomaque d’évidence limpide, de beauté plastique à partir de presque rien et d’élégance coloristique. » « Un lieu inhabité, pas utilisé depuis un certain temps. Vide, en tout cas. Cela pourrait être, après tout, comme une salle paroissiale aux usages épisodiques, jouxtant 15 CRDP Académie de Versailles Costumes Jean-Pierre Vincent spécifiait à Patrice Cauchetier, concepteur des costumes, en février dernier : « Bien sûr, tout cela au plus près de l’époque. Cette histoire nous intéresse et nous concerne aujourd’hui en tant qu’historique : en tant qu’un morceau de l’Histoire qui nous constitue, quoique nous en pensions ». Les costumes sont donc ceux du XVIIIe siècle. Chaque personnage fait l’objet de quelques notes de Jean-Pierre Vincent. Voici des extraits : Éraste — « Enfant gâté. Plutôt très clair, costume d’été. Campagne de luxe à deux pas du fumier. Du lin ou de la soie, du satin ? Blanc cassé. Il peut se déshabiller et se rhabiller, se mettre à l’aise et se reprendre, rapidement. Y compris une perruque « sans façon ». Le garnement est le chouchou de ses dames. » Merlin — « Curieux personnage. Chansonnier à la noix, dragueur du trottoir parisien, s’est décrété « joli homme », ne se prend pas pour de la crotte. « Intermittent et précaire » de l’époque, louvoyant d’un petit boulot à l’autre, plutôt vers « l’artistique », mais il faut croûter. Il s’est fait un budget, un « projet » où il compte ramasser trois sous … en fait, il a peut-être été engagé pour l’occasion ; ou encore il s’est casé chez la milliardaire comme factotum (ou fainéant) pour assurer le minimum vital. Idée à partir de L’indifférent de Watteau, et son bras que Jean-Paul a inscrit dans le décor… et si (fictionnons…) Merlin était un copain – de bistrot – de Watteau ? Et s’il lui avait emprunté pour l’occasion un de ses vieux costumes de théâtre dont le peintre affublait les gens de son quartier pour les immortaliser ? Et si, donc, Merlin devenait L’indifférent ?????!!!! Grosse différence entre le maître et les autres, « joli homme », etc. ». comparera le costume de Merlin avec celui de L’indifférent cidessous. ©Pascal Victor Au final, on distingue sur scène, à jardin, des bottes de foin, des chaises ouvragées, très XVIIIe siècle, une corde et un broc à lait. À l’avant scène, est jetée sur une botte de foin une nappe sur laquelle repose un service pour le petit-déjeuner. Toujours à jardin mais plus à l’arrière-scène se dresse une palissade. À cour, se trouvent un tas de fumier, une brouette et une fourche ainsi que des cagettes de pommes. Le fond de la scène est occupé par un vaste drap sur lequel est peint un bras gauche revêtu d’une manche floue et blanche d’où apparaît une main gracieuse, ce bras est celui de L’indifférent d’Antoine Watteau. 16 CRDP Académie de Versailles Watteau, L’indifférent. Costume Merlin Lisette — « La jeune femme de chambre parisienne : son origine provinciale est lointaine – s’il y en a une. Pas la bonne XIXe en noir et blanc, mais on doit y penser ». Lisette 17 CRDP Académie de Versailles Colette et Blaise — « Il faut clairement marquer la différence entre parisiens et ruraux : c’est important pour la fable. Les pieds nus, je pense. Sabots qu’ils laissent à l’entrée (potins d’enfer à l’approche …), ou petites chaussures plates. Blaise, gros tricot sur une vaste chemise. Culottes et bas qui ne descendent pas en dessous des chevilles. » Costume de Blaise « Colette. Petite coiffe mignonne + chapeau de paille de travail qu’elle retire en entrant. « Coquette de village », dit Merlin : ces filles draguent pour se chercher un fiancé et se retirer de leur patelin. Donc, un peu apprêtée, mais sans luxe : elle veut se sortir du trou où elle moisit. De la couleur, du décolleté. Madame Hamelin — « Richissime veuve de financier. Elle donne tout à son neveu, mais elle en a de côté tout de même … Genre la dame de dos dans l’Enseigne de Watteau, version estivale, plus vaporeuse. Large chapeau de paille avec moustiquaire de mousseline. Prévoir, ainsi que pour Araminte, quelque chose pour matérialiser son (faux) départ pour Paris. Manteau anti-poussière… » Araminte sera « peut-être la dame de face dans L‘Enseigne : noire et claire ». Watteau, L’Enseigne de Gersaint (1720 ) 18 CRDP Académie de Versailles tumes qu’ils choisiraient pour ceux-ci. On leur fera remarquer que deux personnages (Blaise et Colette) ne trouveront pas leurs « costumes » dans l’univers de Watteau. Lumières La pièce commence dans le noir, avant le lever du jour. On achève la scène initiale, réécriture d’une scène de L’épreuve à nouveau sur un noir. Son et musique Costume madame Hamelin Madame Argante — « Veuve d’un gros propriétaire céréalier campagnard. Austère. Femme patron. Elle fait marcher l’exploitation : les fermiers, les métayers… Robe, (« tailleur d’époque »), sobre, pas salissante, brun foncé. Canna ou cravache. » L’impression d’ensemble est à la fois élégant et très gai : Merlin porte en-dessous de son manteau un ensemble bleu ciel garni de plumes et de fleurs roses assorties à ses bas ; Colette a un côté Colombine avec sa robe rayée et son tablier ; madame Argante est en bleu nuit, les manches ourlées de velours, armée d’une cravache ; madame Hamelin illumine la scène par sa cape bleu turquoise, sa robe rose, Araminte porte elle aussi une robe rose masquée en partie par un manteau marron glacé. La pièce commence par des sons qui renvoient directement au monde rural : le chant du coq. Ce chant, en plus d’un indicateur social, est un indicateur de temps : la pièce commence au lever du soleil et finira bien avant. On entendra encore un vrai concert de ferme (mouton, canards et vaches). Suivra le son d’un clocher qui marque le début du texte. La pièce sera ponctuée de ces cris d’animaux qui nous rappelleront jusqu’au bout que l’on se trouve à la campagne. Par ailleurs, plus urbain, le son d’un violon ponctue quelques sorties de scène. Jeu des acteurs Certaines scènes sont directement inspirées de tableaux du XVIIIe siècle. Ainsi lorsqu’Éraste s’élance sur Angélique et la renverse sur les bottes de foin, on peut penser au Verrou de Fragonard. Pistes de travail Imaginez les costumes à partir des tableaux du XVIIIe siècle. On offrira aux élèves une série de tableaux de Watteau ainsi que la liste des personnages de la pièce. On leur demandera ensuite d’imaginer les cos- Le Verrou de Fragonard 19 CRDP Académie de Versailles Un peu plus loin, la scène fait penser à L’angélus de Millet (loin d’être un peintre du XVIIIe siècle) : une brouette, une fourche, un clocher au fond et une lumière du jour. L’angelus de Millet D’une manière plus générale, les comédiens mènent l’intrigue tambour battant, le rythme est alerte. Les deux femmes, mesdames Hamelin et Araminte, s’amusent de la situation qu’elles créent et nous rendent complices. On assiste, avec une certaine cruauté, aux souffrances d’Éraste, d’Angélique, de madame Argante, de Blaise et Lisette et même de Merlin quand il pense sa pièce perdue. Pistes de travail Lire une scène. On donnera aux élèves une des trois scènes de la répétition (4 comédiens) et on leur demandera de lire la scène en articulant et en enchaînant les répliques. L’objectif de l’exercice est de leur faire prendre conscience du rythme nécessaire à la pièce. Jouer une scène. On proposera la scène 4 dans laquelle Colette se montre très entreprenante suscitant la jalousie et la colère de Lisette. On travaillera ici plus particulièrement les rapports entre les comédiens et les tensions dans les corps. On peut commencer par un travail de mime : Blaise marchant, Colette attirant son attention et lui faisant des avances, Lisette s’interposant et se fâchant. Analyser des attitudes de jeu. On montrera aux élèves cette photo qui présente le jeune Éraste aux prises avec Araminte et madame Hamelin. On leur demandera de décrire dans un premier temps l’attitude des trois personnages (corps, expression du visage), puis d’interpréter ces attitudes et enfin de faire des hypothèses sur le moment du jeu correspondant à la photo en argumentant sa réponse. 20 CRDP Académie de Versailles Ressources Internet Sur le décor – Site qui renvoie à l’Encyclopédie de Diderot. Dans les planches sur l’agriculture, vous découvrirez des dessins de granges (planche 14 en particulier) qui ont pu inspirer JeanPierre Vincent : http://diderot.alembert.free.fr/index.php?option=com_wrapper&view=wrapper&Itemid=107 Sur le spectacle de Jean-Pierre Vincent – Site où l’on trouvera des photos du spectacle : http://www.spectacles.fr/les-acteurs-de-bonne-foi-3/photos?numphoto=499223#photoAnchor – Site où on trouvera une vidéo de Jean-Pierre Vincent sur sa pièce : http://www.celestins-lyon.org/index.php/Menu-thematique/Saison-2010-2011/Spectacles/ Les-Acteurs-de-bonne-foi/(vue)/Complete – Extraits et bandes-annonces : http://www.dailymotion.com/video/xessoz_les-acteurs-de-bonne-foi-marivaux-j_creation La querelle sur le théâtre – L’article « Genève » de d’Alembert: http://membres.multimania.fr/urnantes/Cadres%20Dossiers%20en%20Ligne/Dossiers_en_ligne/Philosophie/Encyclopedie/Encyclopedie_geneve.html – Lettre de d’Alembert à Rousseau : http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_d%E2%80%99Alembert_%C3%A0_M._J.-J._Rousseau_sur_l%E2%80%99article_Gen%C3%A8ve 21 CRDP Académie de Versailles Iconographie Maquette du décor 22 CRDP Académie de Versailles Iconographie ©Pascal Victor 23 CRDP Académie de Versailles Iconographie ©Pascal Victor 24 CRDP Académie de Versailles Iconographie Watteau, L’indifférent (1717). L’œuvre d’art représentée dans cette image et sa reproduction sont dans le domaine public mondialement. La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project. Cette compilation est gérée par Zenodot Verlagsgesellschaft mbH et mise sous licence GNU Free Documentation License. 25 CRDP Académie de Versailles Iconographie 26 CRDP Académie de Versailles Iconographie 27 CRDP Académie de Versailles Iconographie 28 CRDP Académie de Versailles Iconographie 29 CRDP Académie de Versailles Iconographie 30 CRDP Académie de Versailles Iconographie Watteau, L’Enseigne de Gersaint (1720). Ceci est une reproduction photographique fidèle d’une œuvre d’art originale en deux dimensions. L’œuvre d’art ellemême est dans le domaine public pour la raison suivante : Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré. Ceci est valable aux États-Unis d’Amérique, en Australie, ainsi que dans l’Union européenne et dans les pays où le copyright a une durée de vie de 70 ans ou moins après la mort de l’auteur. 31 CRDP Académie de Versailles Iconographie Fragonard, Le Verrou (circa 1776-79) L’œuvre d’art représentée dans cette image et sa reproduction sont dans le domaine public mondialement. La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project. Cette compilation est gérée par Zenodot Verlagsgesellschaft mbH et mise sous licence GNU Free Documentation License. 32 CRDP Académie de Versailles Iconographie Millet, L’Angelus (1857-1859). Ceci est une reproduction photographique fidèle d’une œuvre d’art originale en deux dimensions. L’œuvre d’art ellemême est dans le domaine public pour la raison suivante : Cette image est dans le domaine public car son copyright a expiré. Ceci est valable aux États-Unis d’Amérique, en Australie, ainsi que dans l’Union européenne et dans les pays où le copyright a une durée de vie de 70 ans ou moins après la mort de l’auteur. 33