Pétrarque en Provence
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Pétrarque en Provence
Pétrarque en Provence ©Catherine Dhérent, juillet 2009 Fils d’un notaire, François Pétrarque né en 1304 passa son enfance dans un village proche de Florence d’où son père avait été chassé comme Dante par les Guelfes noirs. La famille gagna ensuite Pise puis Marseille et le Comtat-Venaissin. Elle arriva en 1312 à Avignon où elle savait pouvoir compter sur la protection du cardinal Niccolo da Prato, ami des Guelfes Blancs. Carpentras François fit ses humanités à Carpentras, capitale du Comtat-Venaissin, sous la férule d’un maître toscan Convenole de la Prata : « Je séjournais quatre ans à Carpentras, petite ville voisine d’Avignon, du côté du levant, et dans cette ville j’appris un peu de grammaire, de dialectique et de rhétorique, autant que l’on peut en apprendre à cet âge et qu’on peut en enseigner à l’école. » À Carpentras, Pétrarque assista en 1314 à l’arrivée du Sacré Collège venu élire un nouveau pape. Les cardinaux entrèrent en conclave puis durent se disperser face à l’attaque armée des Gascons de la famille de Clément V, le pape défunt. La cathédrale Saint-Siffrein, du nom de l’évêque patron de la cité, offre un bel exemple d’architecture gothique méridionale qui se caractérise par un espace unifié et une forte muralité. C’est la plus grande église du diocèse. Sa construction a duré plus d’un siècle (1405-1531), succédant à deux édifices antérieurs, dont la cathédrale romane du XIIIe siècle, aux vestiges encore existants sur le flanc nord du chevet. Pétrarque a aussi connu la porte d’Orange, élément d’un vaste ensemble défensif. La tour qui culmine à 26 m, garde fière allure avec son crénelage sur mâchicoulis en encorbellement. Par beau temps, le panorama au sommet est grandiose : au nord, la vue embrasse la plaine agricole avec le massif des Dentelles de Montmirail et le Mont Ventoux en toile de fond, au sud le regard plonge sur les toits ensoleillés et les clochers de Carpentras éclairant les ruelles étroites du centre ancien. À la Bibliothèque Inguembertine, dans l’hôtel d’Allemand qui abrite également le musée, se trouve l’un des plus anciens manuscrits de Canzoniere (milieu XVe siècle) avec les portraits de Pétrarque et de Laure de Sade. Avignon Pétrarque suivit, après ses études à Carpentras, des cours de droit à l’université de Montpellier puis de Bologne. Il revint à Avignon à la mort de son père. Attiré par la Cour pontificale, il s’y installa en avril 1326. L'héritage paternel lui permit de mener pendant quelques mois une vie mondaine. « Là, je commençai à être connu et mon amitié fut recherchée par de grands personnages. Pourquoi ? J'avoue maintenant que je l'ignore et que cela m'étonne ; il est vrai qu'alors cela ne m'étonnait pas car, selon la coutume de la jeunesse, je me croyais très digne de tous les honneurs. » (Épître à la Postérité). Il reçut les ordres mineurs. Il finit par détester la cité des papes qui lui semblait une nouvelle Babylone. Il déversait sur elle les pires calomnies et médisances. « Ô Avignon, est-ce ainsi que tu vénères Rome, ta souveraine ? Malheur à toi si cette infortunée commence à se réveiller ! ». Pour lui, « Avignon, sentine de tous les vices » était « l’enfer des vivants, l’égout de la terre, la plus puante des villes », « la patrie des larves et des lémures » ou bien « le triste foyer de tous les vices, de toutes les calamités et de toutes les misères ». Il ajouta même que « La Cour d’Avignon [était] un gouffre dévorant que rien ne peut combler ». Mais c’est aussi là qu’en 1327, « Laure, célèbre par sa vertu…, apparut à mes regards pour la première fois au temps de ma jeunesse en fleurs, l’an du Seigneur 1327, le 6 avril, à l’église de SainteClaire d’Avignon, dans la matinée. » Laure de Noves, épouse d’Hugues de Sade venait d'avoir 19 ans. Il quitta régulièrement la ville à partir de 1337 pour se réfugier dans la solitude de Vaucluse. En 1342, travaillé par une profonde crise spirituelle due à sa lecture des textes de Saint Augustin, il quitta la vallée pour revenir à Avignon. Il revint aussi à Avignon en tant que diplomate italien. Il venait demander au Souverain Pontife de quitter Avignon pour Rome. Le pape ne daigna pas aborder ce sujet mais accorda aux Romains un jubilé pour l’année 1350. Déçu, le poète retourna à sa chère maison de Vallis Closa ruminer contre Clément quelques acerbes clémentines. Le 6 avril 1348, Laure mourut de la Peste Noire. Pétrarque était alors en ambassade auprès du roi Louis de Hongrie. Ce fut son ami Louis de Beeringen qui l’en informa et lui apprit qu’Avignon était vidé de ses habitants réfugiés dans les campagnes et que 7 OOO demeures étaient fermées. Palais des Papes C’est le plus grand ensemble gothique du Moyen-Age. À la fois forteresse et palais, la résidence pontificale fut pendant le XIVe siècle le siège de la chrétienté d'Occident. Pétrarque y a connu plusieurs papes dont le premier Clément V, mort en 1314, Benoît XII élu en 1335, Clément VI en 1342, Innocent VI en 1352. Le palais, qui est l'imbrication de deux bâtiments, le palais vieux de Benoît XII, véritable forteresse assise sur l'inexpugnable rocher des Doms, et le palais neuf de Clément VI, le plus fastueux des pontifes avignonnais, est non seulement le plus grand édifice gothique mais aussi celui où s'est exprimé dans toute sa plénitude le style du gothique international. Il est le fruit, pour sa construction et son ornementation, du travail conjoint des meilleurs architectes français, Pierre Peysson et Jean du Louvres, dit de Loubières, et des plus grands fresquistes de l'École de Sienne, Simone Martini et Matteo Giovanetti. De plus la bibliothèque pontificale d'Avignon, la plus grande d'Europe à l'époque avec 2 000 volumes, cristallisa autour d'elle un groupe de clercs passionnés de belles-lettres dont Pétrarque. Cathédrale Notre-Dame-des-Doms De style roman provençal, elle date de 1150, puis fut agrandie aux XIVe et XVIIe siècles par des chapelles latérales. Giacomo Stefaneschi, cardinal de Saint-Georges, profita de la présence de S. Martini à Avignon, pour lui passer commande des fresques du porche de Notre-Dame des Doms. Pétrarque rencontra le maître qui, à sa demande, réalisa pour lui deux médaillons à son effigie et à celle de Laure. Couvent Sainte-Claire Un des plus anciens de la ville, créé en 1239 par les religieuses de Sainte-Claire, reconstruit au XIVe s., il a été saccagé à la Révolution, vendu comme bien national et morcelé en plusieurs propriétés. C’est là qu’en 1327, Pétrarque rencontra Laure de Noves pour laquelle il éprouva désormais un amour platonique indéfectible. De l’église, il ne reste que quelques chapelles latérales et l’abside. Un petit jardin marque l’emplacement du cloître. L’espace est en partie affecté au Théâtre des Halles. Villeneuve-les-Avignon Ayant quitté le Comtat-Venaissin en 1353 pour l’Italie, François Pétrarque joua plusieurs fois le rôle d’ambassadeur. Il est à Villeneuve-lès-Avignon, le 13 janvier 1361, ambassadeur de Galeazzo Visconti en l’Hôtel du Dauphin. Après un discours d’une rare éloquence, il remit au roi de France, de la part du Milanais, la bague sertie d’un diamant perdu par Jean II à Maupertuis. Puis il offrit au dauphin Charles une autre bague montée d’un rubis. Ravi, le roi voulut retenir le poète à sa Cour mais Pétrarque préféra rejoindre Milan. Musée municipal Installé dans un magnifique hôtel particulier aménagé au XVIIe siècle dans l'ancien palais du cardinal Ceccano, le musée Pierre de Luxembourg abrite le chef-d'œuvre d'Enguerrand Quarton, Le Couronnement de la Vierge (1453), la célèbre Vierge en ivoire (XIVe siècle) et présente un panorama de la peinture provençale du XVIe au XVIIIe siècle. Le Ventoux Son cadet le rejoignit dans le Comtat Venaissin en 1336. Là, le 26 avril, François et Gérard firent l’ascension du mont Ventoux. Le poète décrivit sa randonnée de Malaucène jusqu’au sommet à François Denis de Borgo San Sepolchro. Fontaine-de-Vaucluse Pétrarque, parce qu’il n’aimait point Avignon ou parce que Laure ne l’aimait pas, s’installa pendant de longues périodes à Vaucluse de 1337 à 1353. Il y écrivit ses plus beaux sonnets, notamment pour Laure de Noves. Il y rédigea plusieurs de ses œuvres dont son immortel Canzoniere dans lequel il rénova la manière des écrivains du « dolce stil nuovo ». « Je rencontrai une vallée très étroite mais solitaire et agréable, nommé Vaucluse, à quelques milles d'Avignon, où la reine de toutes les fontaines, la Sorgue, prend sa source. Séduit par l'agrément du lieu, j'y transportai mes livres et ma personne. » (Épitre à la Postérité) « Exilé d'Italie par les fureurs civiles, je suis venu ici, moitié libre, moitié contraint. Que d'autres aiment les richesses, moi j'aspire à une vie tranquille, il me suffit d'être poète. Que la fortune me conserve, si elle peut, mon petit champ, mon humble toit et mes livres chéris ; qu'elle garde le reste. Les muses, revenues de l'exil, habitent avec moi dans cet asile chéri. » « J'ai acquis là deux jardins qui conviennent on ne peut mieux à mes goûts et à mon plan de vie… l'un de ces jardins…, garni d'ombrages,… n'est propre qu'à l'étude... L'autre jardin, plus voisin de la maison et plus cultivé, est cher à Bacchus. » Il retrouvait à Vaucluse son ami Philippe de Cabassolle, évêque de Cavaillon, au château épiscopal. Il quitta Vaucluse pour l’Italie où il mourut à Arqua (ville jumelée avec Vaucluse) en 1374. Source La source est la 5ème résurgence du monde. Le gouffre en forme d’entonnoir n’a pas encore révélé le secret de sa profondeur. Niché au pied d’une falaise de 230 m, cette source est un objet de culte depuis l’Antiquité. La consécration fut la visite, en 1802, de Chateaubriand qui la relate dans ses Mémoires d'outre-tombe. Les romantiques ne pouvaient qu'apprécier ce lieu et le populariser. Colonne De granit, elle fut édifiée face au gouffre de la fontaine en 1804 pour le cinquième centenaire de la naissance de Pétrarque. En 1827, elle a été transférée sur l’aire de la Plantade devenue la place de la Colonne au milieu du village. Eglise Saint-Véran Véran, au VIe siècle, détruisit un temple païen dédié à la divinité de la source pour y élever un temple à la Vierge, où il fut ensuite inhumé et qui devint un lieu de pèlerinage important. Celui-ci fut remplacé par l’église actuelle au XIe siècle par les moines de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. Château des évêques de Cavaillon Edifié avant l’an 1000 par les moines de Saint-Victor de Marseille pour protéger le tombeau de saint Véran, il devint au XIIIe siècle propriété des évêques de Cavaillon. Philippe de Cabassole, ami de Pétrarque, y faisait de fréquents séjours. Il fut détruit au XVIe siècle par les troupes du baron des Adrets. Musée Pétrarque Ce musée littéraire consacré aux deux écrivains du lieu, Pétrarque et René Char, est installé à l’emplacement probable de la maison ou du jardin du poète. « Tout auprès de celui-ci (le jardin de Bacchus) et séparé seulement par un petit pont, s’élève, sur le derrière de la maison, une voûte arrondie, taillée dans le roc vif qui empêche de sentir les ardeurs de l’été… C’est sous cette voûte que je passe le milieu du jour. » Le jour de Noël 1353, une bande de pillards pénétra dans la Vallis Clausa et brûla la maison du poète. Sainte-Baume Pèlerinage de Pétrarque en 1337 avec le dauphin Humbert. Chartreuse de Montrieux à Méounes-les-Montrieux Pétrarque vint ici à plusieurs reprises, son frère y étant devenu moine. Lorsqu’opposé à la papauté d’Avignon, Pétrarque préféra quitter Vaucluse pour l’Italie, il s’arrêta encore à Montrieux.