Pierre et Jean - Flammarion enseignants
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NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 123 — Z27849PIER — Rev 18.02 6 MAUPASSANT Pierre et Jean Édition avec dossier d’Antonia Fonyi no 1360 / 2,80 € P J EAN ierre et Jean, souvent considéré comme une porte d’entrée privilégiée pour étudier le genre narratif et ses formes au lycée, présente l’avantage d’être court et accessible, ce qui explique qu’il soit fréquemment étudié en seconde. Par la richesse de ses personnages, par la place décisive qu’il occupe dans l’œuvre de Maupassant et dans l’histoire du genre romanesque, ce roman peut également être mis à profit en classe de première dans le cadre de l’objet d’étude : « Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde ». Ce « petit roman », pour reprendre la formule de Maupassant (p. 41), permettra tout d’abord aux élèves de première de réinvestir les acquis de la seconde, en approfondissant leurs compétences en matière d’étude de la narration et des points de vue, et en faisant appel à leurs connaissances sur le naturalisme. Les Instructions officielles de première préconisent de plus, à travers l’étude des personnages, d’« aborder le roman comme une forme littéraire privilégiée de représentation de l’homme et du monde », et, « en situant une œuvre dans son contexte littéraire, historique et culturel », de s’interroger sur « l’évolution du genre romanesque » : Pierre et Jean, dont la matière narrative est celle d’un monde en transformation, et qui constitue un tournant au sein même de l’œuvre de Maupassant entre roman de mœurs et roman psychologique, offre à cet égard de riches perspectives. Les rapports entretenus par cette œuvre avec le « roman d’analyse » et le « roman objectif » évoqués par Pierre et Jean É T U D I E R P I E R R E E T E N C L A S S E D E P R E M I È R E ? I . P OURQUOI NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 124 — Z27849PIER — Rev 18.02 124 Maupassant dans sa préface (p. 49) constituent un angle d’approche pertinent pour étudier les représentations de l’homme et du monde. Outre que Maupassant propose dans ce récit la peinture d’un milieu, celui de la petite bourgeoisie de province, le port du Havre y ouvre sur un univers qui échappe au huis clos de l’intrigue familiale : au-dehors se font entendre les sirènes des grands transatlantiques où viennent s’entasser les émigrants... Enfin, Pierre et Jean retiendra l’attention du fait de sa préface. « Le roman », publié en 1888, demeure d’un intérêt tout particulier pour aborder les questions d’esthétique et de poétique du genre narratif au XIXe siècle, pour définir de façon critique ce que sont le réalisme et le naturalisme, et pour comprendre le point de vue de Maupassant sur le roman et la critique. Pourquoi ne pas choisir de surcroît d’y observer la façon dont l’auteur cherche à convaincre son lecteur ? À rebours des idées reçues, « Le roman » questionne de façon pertinente les rapports entretenus par Maupassant avec le naturalisme zolien, et permet d’inscrire le cours dans la perspective d’histoire littéraire et culturelle que recommandent les programmes. La nouvelle édition GF se prête particulièrement bien à ces perspectives d’étude, notamment par le choix de textes complémentaires proposé par Antonia Fonyi dans le Dossier. Celui-ci se compose tout à la fois d’écrits théoriques de Maupassant sur le roman (p. 223 sq.), d’extraits œuvres romanesques de Maupassant (p. 237 sq.), et d’une anthologie sur les rapports entre mère adultère et fils dans différents romans de la fin du XIXe siècle (p. 250 sq.). Cette édition présente en outre, pour la première fois, les variantes du manuscrit de la préface de Pierre et Jean (p. 207 sq.) récemment découvert par Antonia Fonyi : elles pourront donner lieu à des prolongements inédits dans le cadre de l’objet d’étude « Le travail de l’écriture ». La séance construite sur l’étude de ces variantes et de celles du roman lui-même, dont les plus significatives figurent également dans l’édition, aura pour projet de « faire comprendre aux élèves, par l’observation d’exemples, que l’écriture exige un ensemble de démarches et ne s’élabore pas sous l’impulsion d’une inspiration soudaine, ni par l’effet d’un don réservé à quelquesuns ». Enfin, les différentes illustrations rassemblées dans le volume pourront être mises à profit dans le cadre de la lecture d’image. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 125 — Z27849PIER — Rev 18.02 125 S Y N O P T I Q U E D E L A S É Q U E N C E Séance Supports Séance 1 Intégralité du roman. Première de couverture de l’édition GF. Présentation (p. 8-13). Chronologie (p. 261 sq.). Introduction thématique à l’étude du roman. Situation du roman dans son contexte. Lecture d’image. Recherches documentaires. Synthèse. Séance 2 Incipit (chapitre I, p. 59-60). Excipit (chapitre IX, p. 202-205). Comprendre les enjeux programmatiques de l’incipit. Comparer deux seuils de l’œuvre. Lecture analytique. Lecture comparée. Séance 3 Intégralité du roman. La révélation de Pierre à Jean (chapitre VII, p. 163167). Réviser et comprendre les spécificités de la construction narrative. Structure de l’œuvre et remarques sur le temps (notions de temps de la narration, temps du récit). Parcours de l’œuvre et synthèses. Construction d’un tableau synoptique. Lecture analytique. Séance 4 « Le roman » (p. 4157). Dossier (p. 223-236 et p. 237-245). Comprendre le point de vue de Maupassant sur le roman et sur le réalisme. Étudier les rapports de la préface et du roman, entre cohérence et contradiction. Lecture analytique. Parcours de l’œuvre. Séance 5 Le monologue intérieur de Pierre (chapitre IV, p. 123124). Comprendre le traitement de la psychologie du personnage chez Maupassant. Aborder le roman comme une forme littéraire privilégiée de représentation de l’homme. Lecture analytique. Séance 6 Intégralité du roman. La visite de la Lorraine (chapitre IX, p. 198-199). Aborder le roman comme une forme littéraire privilégiée de représentation de l’homme et du monde. Parcours de l’œuvre et synthèses. Lecture analytique. Séance 7 L’aveu de Mme Roland à Jean (chapitre VII, p. 172-175). Le monologue intérieur de Jean (chapitre VIII, p. 176-180). Variantes correspondantes (variante h, p. 217, et variante b, p. 219). Comprendre, dans les réécritures et les corrections qu’il opère, les démarches et le projet de l’écrivain. Lectures comparées. Évaluer les acquis de la séquence. Sujet d’invention. Commentaire littéraire. Dissertation. Séance 8 Objectifs Activités Pierre et Jean I I . T ABLEAU NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 126 — Z27849PIER — Rev 18.02 126 I I I . D É R O U L E M E N T D E L A S É Q U E N C E SÉANCE 1 INTRODUCTION ET MISE EN CONTEXTE → Ensemble de l’œuvre et première de couverture. → Présentation (p. 8-13) et Chronologie (p. 261 sq.). Objectifs : Introduction thématique à l’étude du roman et vérification de la lecture ; présentation du contexte dans lequel s’inscrit l’œuvre. • Travail préparatoire – Lecture attentive du roman et de la préface. – Retrouver les scènes du roman auxquelles la première de couverture fait écho. – Recherches ciblées, en vue de la présentation du contexte esthétique : Zola, le naturalisme, Les Soirées de Médan, Pot-Bouille, etc. • Lecture d’image : analyse de la couverture L’éditeur a choisi de faire figurer sur la couverture un grand « lanet » (p. 148) dans lequel se trouvent des poissons, le petit portrait d’un homme enfermé dans un cadre ovale, et un bateau à vapeur. Sur l’avant de ce dernier se tient une silhouette, disproportionnée, qui semble regarder au loin. Le fond représente un ciel nuageux, et, au bas de la couverture, l’océan. La couverture donne à voir les principaux objets et thèmes du roman : – Le portrait de Maréchal. Sa dimension symbolique peut faire l’objet d’un développement : il est à la fois souvenir d’enfance et preuve à charge pour Pierre (p. 122, 141, 166), relique amoureuse et faute dissimulée pour Mme Roland (p. 133, 137, 140), paternité retrouvée pour Jean (p. 140), chacune de ces significations étant rattachée à un passage précis du roman, où le portrait agit sur l’un des personnages. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 127 — Z27849PIER — Rev 18.02 – Les bateaux à vapeur. Dès le chapitre I (arrivée du Prince Albert et de la Normandie), ils symbolisent les rêves de voyage et annoncent le destin final de Pierre, qui finira par embarquer sur la Lorraine (p. 203). C’est d’ailleurs peutêtre lui qui, perché à la proue, semble chercher du regard... la faute maternelle ? À moins qu’il cherche son destin, dans ce ciel rempli de « brume » (p. 205) ? – L’univers de la pêche. Le lanet et les poissons renvoient à la pêche, qui est l’un des grands thèmes du roman. D’une part, c’est le divertissement favori de M. Roland (p. 63), d’autre part, c’est au cours d’une partie de pêche à marée basse que Jean demande la main de Mme de Rosémilly (p. 155-156). La pêche, outre qu’elle est l’activité par laquelle on tend à s’approprier un objet (du poisson, mais aussi, au sens figuré, un appartement, un héritage, un portrait, une épouse...) 1, est une activité populaire que l’on peut mettre en rapport avec les choix esthétiques de l’auteur. Quant à la mer, avec ses ports et ses bateaux, elle constitue à la fois un des lieux importants du roman et une frontière physique du récit, qui s’achève lorsque Pierre prend le large. • Le contexte de parution de Pierre et Jean Afin de comprendre les enjeux esthétiques de Pierre et Jean, il faut au préalable resituer le roman dans son contexte. Dans cette perspective, les élèves liront les pages de la Présentation qui traitent du sujet (p. 8-13), et relèveront, dans la Chronologie (p. 261 sq.), les dates principales ayant trait à la carrière de Maupassant. On notera avant tout que Pierre et Jean est publié dans un contexte de remise en question du naturalisme, notamment en ce qui concerne le choix d’appartenance sociale des personnages (voir Présentation, p. 9-12). Pour cette raison, Maupassant privilégie un sujet petit bourgeois d’héritage, et semble se tourner vers le roman d’analyse plutôt que vers le « roman objectif ». L’étude de la préface « Le roman » permettra, après quelques études préalables, de poursuivre cette réflexion (voir séance 4). 1. Voir la Présentation d’Antonia Fonyi, qui analyse la façon dont les différents personnages de Pierre et Jean se définissent par l’« être » et l’« avoir » (p. 13 sq.). Pierre et Jean 127 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 128 — Z27849PIER — Rev 18.02 128 SÉANCE 2 E´ TUDE DE L’INCIPIT → Incipit (chapitre I, p. 59-60). → Excipit (chapitre IX, p. 202-205). Objectifs : Comprendre les enjeux programmatiques de l’incipit ; comparer deux seuils de l’œuvre. • Travail préparatoire – Lecture attentive et préparation du commentaire. – Comparaison de l’incipit et de l’excipit ; relevé des similitudes et des différences. • Un début in medias res Concis et efficace, l’incipit de Pierre et Jean est un modèle du genre. Il place sous les yeux du lecteur le tableau typique d’une famille de la petite bourgeoisie en pleine partie de pêche, et l’anime d’un dialogue vif, en apparence anodin. La vivacité et l’instabilité de l’incipit se mesurent dès son début in medias res, à l’interjection : « Zut ! » (p. 59). Cette ouverture inscrit d’emblée l’incipit dans une perspective réaliste, ce que ne démentent pas les dialogues qui suivent. Le narrateur omniscient présente les cinq principaux personnages, donne les indications qui les identifient les uns par rapport aux autres, esquisse un décor et une situation narrative initiale, enfin donne des indices sur l’action à venir. Cet incipit présente cependant des lacunes notables. Il faut remarquer l’absence quasi totale de cadre spatial, hormis celui, intentionnellement vague, du « large horizon de falaises et de mer » (p. 59), qui a la particularité de placer l’intrigue sous le signe de l’eau, espace liquide et mouvant... annonciateur de troubles futurs (on notera l’homonymie « mer »/« mère » : voir Présentation, p. 28). • La présentation des personnages Les élèves pourront relever les indices physiques ou langagiers qui définissent progressivement les personnages, notamment le « Père » Roland, « bonhomme » (p. 59 et 60) dont le registre d’expression familier, les manies de pêcheur NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 129 — Z27849PIER — Rev 18.02 129 • Une scène de genre : la partie de pêche L’incipit de Pierre et Jean présente une scène de genre, la partie de pêche, dont le thème n’a rien d’étonnant dans la littérature et la peinture réalistes. On en trouvera les signes dans l’organisation précise du tableau (la répartition des personnages dans la barque et leurs attitudes ; voir aussi la gravure reproduite p. 61), dans l’immobilité de la scène traduite par les imparfaits et les participes, et dans la précision des détails, typique du réalisme. L’importance des précisions relatives à l’activité favorite de M. Roland, la pêche, peut évoquer la peinture de marine, qui s’est souvent plu à représenter de telles scènes : songeons par exemple à l’œuvre d’Eugène Boudin, natif de Honfleur, qui a puisé à la fois au réalisme et à l’impressionnisme. • Lecture comparée de l’incipit et de l’excipit La similarité de la situation finale et de la situation initiale rend nécessaire une comparaison entre ces deux passages, qui sera l’occasion de rappeler les grandes règles de construction du récit. Dans les deux cas, la scène se déroule sur l’eau, lieu instable, lieu transitoire, lieu de sortie ou d’entrée de la Perle, évidemment, mais aussi d’un paquebot : le Prince Albert (p. 69), puis la Lorraine, avec, à son bord, Pierre (p. 201). Pour Pierre, l’entrée au Havre, au début du Pierre et Jean et les interjections dénotent le caractère commun, voire trivial (cf. son « air satisfait de propriétaire », p. 60). À l’opposé, son épouse apparaît plus douce : endormie, elle « murmur[e] » pour lui répondre (p. 59). Un déséquilibre semble donc se dessiner dès le début entre le bijoutier et sa femme... présage, là encore, des événements qui vont survenir. La présentation parallèle et simultanée des deux frères est annoncée par le titre. Les élèves commenteront ici la façon dont Maupassant les introduit, dans un jeu d’oppositions et de parallélismes (« à bâbord »/« à tribord ») qui souligne leur proximité tout en préparant leur éloignement. De fait, la rivalité se confirme juste après l’incipit, avec l’épisode du retour au Havre à la rame (p. 67-68). La présence de Mme de Rosémilly rompt quelque peu la symétrie qui existait avec le quatuor des parents et des deux frères, mais elle apparaît ainsi comme un enjeu possible, un élément dramatique, hypothèse que son statut de jeune veuve vient corroborer. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 130 — Z27849PIER — Rev 18.02 130 roman, précède le départ du Havre, l’exil, au dénouement. Cette comparaison permettra d’attirer l’attention des élèves sur le fait qu’une telle construction parallèle est très probablement intentionnelle, et qu’elle relève de l’art de la mise en scène du narrateur. Ils en tireront des conclusions, notamment en rapprochant cet aspect du texte avec la théorie de la « logique ordinaire des faits » évoquée dans « Le roman » (p. 48). Est-ce vraiment une « logique ordinaire » qui crée de tels effets de parallélisme ? SÉANCE 3 TEMPS, ACTION, RÉCIT → Intégralité du roman. → La révélation de Pierre à Jean : chapitre VII, de « Je te défends » à « dans l’escalier » (p. 163-167). Objectifs : Réviser et comprendre les spécificités de la construction narrative ; analyser la structure de l’œuvre ; s’interroger sur la narration et le point de vue ; s’initier aux notions de temps de la narration et de temps du récit. • Travail préparatoire Pierre et Jean se compose de neuf chapitres dont la construction doit être bien claire aux yeux des élèves afin que ceux-ci puissent se livrer aux premières interprétations. On pourra rassembler dans un tableau synoptique les principaux éléments qui définissent la structure du roman (voir ci-contre), et compléter ce document au gré des différentes analyses. Les objets convoités seront soulignés. • Analyse du tableau – La régularité de construction. Le roman est composé de neuf chapitres qui avoisinent chacun la quinzaine de pages, à l’exception du chapitre I (légèrement plus long) et du chapitre II (légèrement plus bref). – Au premier plan narratif : le personnage de Pierre. Dans la première moitié du roman, la narration est orientée par le point de vue et les pensées de Pierre. Dévoré par la crainte d’avoir trouvé dans l’héritage de Maréchal la preuve NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 131 — Z27849$$U6 — Rev 18.02 Principaux points de vue Nombre de pages Une demijournée. Pierre p. 59-81 (22 pages) Promenade de Pierre au-dehors. Rencontre de Marowsko. Une soirée (même journée que dans le chapitre I). Pierre p. 82-91 (9 pages) III Pierre cherche un appartement. Rencontre de la petite bonne. Il commence à soupçonner sa mère. Une journée (lendemain du chapitre II). Pierre p. 92-109 (17 pages) Chapitre IV Sortie en bateau puis visite à Marowsko. Jean obtient l’appartement convoité. Souvenirs de l’enfance de Pierre qui en vient à être persuadé de la culpabilité de sa mère. Une journée (lendemain du chapitre III). Pierre (narration rétrospective de ses souvenirs d’enfance). p. 110-125 (15 pages) Chapitre V Pierre se rend à Trouville. Il demande à Mme Roland le portrait de Maréchal. Une journée (lendemain du chapitre IV). Pierre p. 126-142 (16 pages) Chapitre VI Journée de la pêche aux salicoques. Jean demande Mme de Rosémilly en mariage : elle accepte. Ellipse d’« une semaine ou deux » (p. 143) avant la journée de la pêche aux salicoques. Externe ou changeant. p. 143-159 (16 pages) Chapitre VII Visite de l’appartement de Jean. Dispute entre les deux frères puis révélation de Pierre qui s’enfuit. Soirée (même journée que dans le chapitre VI). Jean Externe Jean p. 160-175 (15 pages) VIII Pierre se voit suggérer l’idée de s’embarquer sur la Lorraine. Le mariage de Jean est confirmé. Nuit du chapitre VII au chapitre VIII et lendemain, un mois avant le départ de la Lorraine, le 7 octobre (p. 182). Jean p. 176-189 Externe (13 pages) Mme Roland IX Préparatifs du départ de Pierre. Visite de la Lorraine. Départ. Sept jours consécutifs, du 1er octobre au départ de la Lorraine le 7 (p. 197). Externe Pierre Passagers de la Perle Chapitre Principaux événements Chapitre Une partie de pêche laisse entrevoir la rivalité de Pierre et Jean, notamment au sujet de Mme de Rosémilly. Annonce de l’héritage de Jean. Chapitre II Chapitre Chapitre Chapitre I Durée p. 190-205 (15 pages) Pierre et Jean 131 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 132 — Z27849PIER — Rev 18.02 132 de l’infidélité de sa mère, il oscille, dans les chapitres I à V, entre jalousie (p. 84), projets d’avenir (p. 92-93), honte (p. 127, 141) et colère (p. 114, 126). Le point de vue y est en majorité interne, et l’on observe une proximité entre le narrateur et Pierre dont les pensées nous sont révélées. Pierre et Jean, en explorant les mouvements intérieurs du personnage, se rapproche du roman psychologique. – Au centre du roman : la révélation dramatique. Le personnage de Pierre disparaît du premier plan narratif à la fin du chapitre V. Dès lors commence la seconde partie du roman, qui raconte comment « crève » la « tumeur » qui a grossi en lui (p. 166). Le début du chapitre VI, qui ne suit plus Pierre, se déroule « une semaine ou deux » après la fin du chapitre V (p. 143). Tout se passe en fait comme si Maupassant, après avoir expliqué les déterminations du comportement de Pierre, cédait la place au point de vue de la famille Roland, afin de montrer de façon plus éclatante les conséquences des soupçons de Pierre. L’épisode de la pêche aux salicoques marque un tournant : la crise entre les deux frères s’aggrave du fait du mariage prévu de Jean avec Mme de Rosémilly (p. 164), et Pierre commence à devenir insupportable à Mme Roland (p. 168-169). À partir du chapitre VII, c’est Jean qui semble servir de point de repère à la progression narrative, sans toutefois qu’apparaissent ses pensées (mis à part p. 176-178, passage retravaillé par Maupassant : voir variante b, p. 129). – L’accélération du récit vers le dénouement. À partir de la dispute entre Pierre et Jean (p. 163-167), Pierre semble être beaucoup moins présent dans le récit. Une seule journée occupe les chapitres VII et VIII : le temps ralentit, comme pour mettre l’accent sur les conséquences irrémédiables de l’aveu de Pierre (« tu es le fils de l’homme qui t’a laissé sa fortune », p. 165). Dans le chapitre IX, en partie consacré à la visite du bateau, le temps semble en revanche s’accélérer considérablement, comme pour expulser Pierre du cadre narratif : ce chapitre contient à lui seul toute la semaine qui précède le départ. Ainsi, vers la fin, l’organisation temporelle du récit varie : le temps se précipite, n’est plus compté et n’est plus perçu à partir d’un point de vue particulier. D’un chapitre à l’autre, d’un objet convoité à l’autre, et dans une progression temporelle qui va s’accélérant, le roman de Maupassant manifeste le parfait équilibre de sa construction. On y distingue une partie préliminaire, une NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 133 — Z27849PIER — Rev 18.02 133 révélation dramatique, et les conséquences impliquées. Le rapport étroit entre Pierre et le narrateur montre ici que le roman se donne pour objet d’analyser le mouvement des pensées de Pierre dès lors que les soupçons se sont introduits dans son esprit, puis d’en relater les conséquences en abandonnant son point de vue exclusif. La scène dans laquelle Pierre livre à Jean le fond de sa pensée tandis que leur mère s’est réfugiée dans la chambre représente un point d’orgue du récit ainsi que son basculement. Elle rend visible et irréversible ce qui était auparavant caché : c’est la « catastrophe » par excellence, qui précipite le sort des personnages. La scène suit une logique de progression rigoureuse, qui rappelle celle d’une scène de théâtre. Cette impression est renforcée par le fait que les protagonistes se trouvent dans un espace clos pareil « à un décor de théâtre » (p. 160). L’affrontement, attendu par le lecteur, prend d’emblée la forme d’un duel (« le mot qui pourrait blesser son frère jusqu’au cœur », p. 164), soumis à des rebondissements : Pierre est l’agresseur et domine un temps, puis Jean se rattrape, « exaspère » (p. 164) son frère, et voit « porter ses coups » (p. 165). Enfin, Pierre reprend le dessus avec son insupportable confession qui décontenance Jean (p. 165-166). Le passage prend tout son sens du fait d’un procédé de double énonciation : Mme Roland est en coulisse, et les conséquences les plus graves de la révélation de Pierre ne sont pas tant liées à leur destinataire (Jean), qu’au fait que la mère entend tout. Cela est manifeste lors du monologue intérieur de Jean, quelques pages plus loin (p. 176-178). On remarquera le balancement entre le silence et la parole qui conduit la scène, chacun des deux frères exigeant tour à tour le silence de l’autre (« Je te défends de dire », p. 163 ; « je t’ordonne de te taire », p. 164 ; « Tais-toi », p. 165). Si elle revêt les caractères de l’affrontement théâtral et semble même évoquer la tragédie du fait de l’aveu qui rend la fin du roman presque inéluctable, cette scène n’en est pas moins une scène romanesque. La présence du narrateur omniscient le montre, qui donne des causes aux comportements et explique comment les coups échangés portent droit Pierre et Jean • Lecture analytique : la révélation de Pierre, une scène théâtrale (p. 163-167) NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 134 — Z27849PIER — Rev 18.02 134 au cœur des deux frères. Même dans ce passage éminemment dramatique, c’est encore par le souci de la psychologie que Maupassant est guidé. SÉANCE 4 LE RÉALISME EN QUESTION → « Le roman » (p. 41-57), et plus particulièrement le passage suivant : de « Le lecteur qui cherche uniquement » à « la vie diffère de la vérité dans son livre » (p. 43-45). → Dossier (p. 223-236 et p. 237-245). Objectifs : Comprendre les conceptions esthétiques défendues par Maupassant dans « Le roman », à travers une étude d’ensemble du texte et une lecture analytique ; étudier les rapports de cette préface et du roman, entre cohérence et contradiction. • Travail préparatoire – Lecture de la première partie du Dossier (« Maupassant : écrits sur le roman », p. 223-236). – Repérer le plan du « Roman », en donnant un titre à chacune des parties identifiées, pour préparer l’analyse de la progression de l’argumentation. • Maupassant et sa vision du genre romanesque Dans la première partie du « Roman » (du début à « dans son livre », p. 41-45), Maupassant se livre à une réflexion sur la diversité des esthétiques, qui rend difficile la perception unitaire du genre romanesque. La conséquence est la suivante : il faut laisser l’écrivain créer en fonction de son tempérament et de ses choix personnels (p. 44, l. 125 sq.). On proposera la lecture analytique d’un passage choisi (de « Le lecteur qui cherche uniquement » à « la vie diffère de la vérité dans son livre », p. 43-45) pour mettre l’accent sur l’argumentation de Maupassant. – Une argumentation fondée sur des postulats implicites. On décèle une tendance à la typisation (« le lecteur », p. 43, l. 92 ; « l’écrivain », p. 44, l. 94 ; « le critique », p. 44, l. 114), puis à la généralisation (utilisation du présent de généralité ; passage NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 135 — Z27849PIER — Rev 18.02 au pluriel : « le lecteur »/ « le public », p. 44, l. 98 ; et « l’écrivain »/« nous », p. 44, l. 119). Il ne s’agit pas tant pour Maupassant de démontrer que de convaincre. En passant d’une modalité déontique à l’autre et par l’emploi de plusieurs rythmes ternaires, il dévoile sa vision de l’écriture romanesque. – L’utilisation d’un lexique juridique fait ici de Maupassant l’avocat de la défense du romancier, même si le pronom « nous » le rend à la fois juge (« si nous jugeons un naturaliste », p. 45, l. 143-144) et partie. C’est le « droit » (p. 44, l. 130) qui est invoqué, celui de l’écrivain, par exemple celui du naturaliste, à « montrer la vérité, rien que la vérité et toute la vérité » (p. 44, l. 123). – Un plaidoyer pour la liberté artistique. Les juxtapositions et les énumérations montrent qu’à travers la défense implicite de l’écrivain naturaliste, c’est en fait tous les écrivains qui se voient défendus, au nom de la nature différente des tempéraments et des projets. Les énumérations qui égrènent les visions différentes du roman introduisent dans le plaidoyer une variation rhétorique, à même de séduire le lecteur. Aux impératifs individuels du public (« faites-moi », p. 44, l. 104 sq.), se substituent dans une sorte de péroraison finale des impératifs collectifs englobant Maupassant dans la sphère du public : « laissons-le » (p. 45, l. 139). • La définition du réalisme selon Maupassant Dans la seconde partie de la préface (de « Il est évident que des écoles » à la fin, p. 45-57), Maupassant s’attache à définir l’art des romanciers qu’il défend. Le réalisme n’est pas la transcription du réel telle que l’expérience de la vie nous le fait connaître (citation de Boileau, p. 47, l. 235) ; il s’agit d’une représentation élaborée par l’écriture (« les Réalistes de talent devraient plutôt s’appeler des Illusionnistes », p. 48, l. 276-277). De plus, la « réalité » n’a de sens que subjectif : elle est l’expression d’un « tempérament qui s’analyse » (p. 49, l. 300). • Un rapport ambigu entre préface et roman Pierre et Jean n’est pas l’exemple de ce dont « Le roman » serait la théorie. Au contraire, si une certaine cohérence se dessine entre les deux textes, elle s’accompagne de divergences notables. On montrera les ambiguïtés du discours de Maupassant dans ce qu’il ne considère d’ailleurs pas lui-même réellement comme une préface : « Je n’ai point l’intention de plaider ici pour le petit roman qui suit » (p. 41, l. 1-2). La Présentation d’Antonia Fonyi (p. 7-8), ainsi que Pierre et Jean 135 NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 136 — Z27849PIER — Rev 18.02 136 le Dossier (« “Le roman” : un double discours », p. 223-227) fournissent des perspectives éclairantes pour mettre en avant ce rapport ambigu entre préface et roman. Pierre et Jean témoigne de l’ambiguïté des choix de Maupassant, qui mêle « roman d’analyse » et « roman objectif » (voir p. 49-51, l. 301-400). Si le premier type de roman, d’après ce qu’il dit dans la préface, paraît moins l’intéresser – il le rejette également dans un article de 1882 cité dans le Dossier (« Maupassant : écrits sur le roman », p. 229-230) –, il n’en demeure pas moins que toute la première partie de Pierre et Jean est consacrée à la genèse du soupçon chez Pierre et à la façon dont progresse chez lui l’idée de la culpabilité maternelle, jusqu’à ce qu’il se décide à faire éclater la tumeur qui le ronge. Il est donc peu probable que Maupassant « cache » la psychologie « au lieu de l’étaler » (p. 50, l. 338-339). Le roman psychologique, au départ rejeté par Maupassant, semble bien être en somme l’un des grands modèles de Pierre et Jean, modèle d’ailleurs réhabilité par l’écrivain dès 1884 (voir l’article cité dans le Dossier, p. 231-232). • Perspectives complémentaires – Ces réflexions seront avantageusement complétées par une lecture de la seconde partie du Dossier, « Du roman de mœurs au roman psychologique » (p. 237-245), où Antonia Fonyi retrace le parcours qui a conduit Maupassant à infléchir ainsi son écriture de l’un à l’autre, faisant de Pierre et Jean une « œuvre de transition » (p. 237). – Pour sensibiliser les élèves au travail de l’écrivain, qui sera étudié plus précisément dans la séance 6, on leur demandera de parcourir les variantes du « Roman » (p. 207 sq.), en attirant leur attention sur les principales d’entre elles, commentées par Antonia Fonyi dans son édition (voir p. 6, note 2 ; p. 225, note 1 et p. 227, note 1). NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 137 — Z27849PIER — Rev 18.02 137 SÉANCE 5 PIERRE ET JEAN ET LE ROMAN PSYCHOLOGIQUE → Le monologue intérieur de Pierre : chapitre IV, de « Je suis fou » à « Qu’allait-il faire ? » (p. 123-124). Objectifs : Étudier un des monologues intérieurs les plus significatifs du roman ; s’interroger sur la tentation du roman psychologique chez Maupassant. La première partie de Pierre et Jean relate comment Pierre se convainc progressivement de la culpabilité de sa mère. Les deux personnages secondaires que sont Marowsko et la petite bonne de la brasserie ont eu pour rôle d’instiller le doute dans son esprit (p. 91 et 101), et le fait que Jean a obtenu l’appartement tant convoité du boulevard François-Ier semble être un élément déclencheur (p. 114). Après avoir déjà été tenté d’accuser sa mère, après y avoir renoncé, Pierre se trouve pris dans une réflexion qui le fait plonger dans ses souvenirs et reconstituer la figure de Maréchal (p. 122). Il ne lui en faut pas plus pour se persuader à nouveau de la culpabilité de sa mère. Cet extrait est particulièrement marquant dans la mesure où l’innocence et la culpabilité entretiennent une proximité stupéfiante : c’est sur ce revirement psychologique, véritable moteur du personnage, et sur ses conséquences qu’il faut s’interroger. • Entre ressassement et progression Le cheminement difficile de la pensée, rendu par le discours indirect libre, par les répétitions et par la ponctuation tout à la fois interrogative et exclamative, tient à la double nature de la démarche de Pierre – entre enquête obsédante et auto-analyse menant à une vérité inavouable, dans un mélange de logique et de divagation. (Sur la parenté de la démarche du docteur Pierre avec la « démarche psychanalytique », voir Présentation, p. 23 sq.) Pierre et Jean • Situation du passage dans son contexte NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 138 — Z27849PIER — Rev 18.02 138 • La mise à distance de la figure maternelle – Une femme comme les autres. C’est au terme d’une « instruction judiciaire » (Présentation, p. 26), et en opérant une mise à distance de la figure maternelle, que Pierre parvient à formuler l’accusation contre sa mère. On notera l’évolution des termes désignant la mère : « sa mère [...] cette femme simple, chaste et loyale ! » (p. 123) ; « une femme jeune, jolie, vivant à Paris » (p. 123) ; « la femme éloignée et vieillie » (p. 124). Pour qu’il puisse accepter la culpabilité éventuelle de sa mère, il est nécessaire que Pierre admette in fine qu’elle est une femme « comme une autre » (p. 124). – Un type romanesque. Autre élément de mise à distance : la mère, telle que l’envisage Pierre, se rapproche d’un type romanesque – celui de la jeune femme mariée contre son gré et qui tombe amoureuse d’un autre. Pierre décline ainsi les éléments de ce roman sentimental : « un homme, un jour, était entré comme entrent les amoureux dans les livres » (p. 124). • Un personnage pris entre action et dilemme Au monologue intérieur de Pierre succède la rage qui le conduit à vouloir tuer, à vouloir frapper, alors qu’il souhaitait embrasser sa mère au début du passage (« comme il l’eût embrassée, caressée », p. 123). Cela permet de saisir le revirement qui s’opère chez lui, et du même coup le projet de Maupassant : montrer les déterminations psychologiques qui précèdent et expliquent l’action. Pourtant, Pierre apparaît également ici comme un personnage privé d’action : à son dilemme – « qu’allait-il faire ? » (p. 124) – répond, comme déjà auparavant (p. 199, 122), une « sirène » qui le prive de moyens (« n’ayant plus de force », p. 124) et symbolise un avenir qui va le voir prendre le chemin de l’exil plutôt que de l’action. • Conclusion Ce passage traduit tout à fait la conception naturaliste du personnage : à la manière d’un héros zolien, Pierre y apparaît comme traversé d’impulsions qu’il ne guide qu’à moitié, au gré de son investigation dans ses souvenirs et en lui-même. S’il est encore maître de ses pensées, à la différence, par exemple, d’un Jacques Lantier dans La Bête humaine 1, on 1. Voir p. 96, note 1, le rapprochement suggéré entre ces deux romans. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 139 — Z27849PIER — Rev 18.02 139 s’aperçoit que Maupassant en fait tout de même un personnage divisé, à la manière du héros du Horla (voir Présentation, p. 24). Le revirement qui s’opère en Pierre s’explique de manière rationnelle, au terme d’une douloureuse opération qui, porteuse de vérité, le conduit vers l’exil final. Reste que cet exercice de vérité est également celui que se fixe le romancier qui vise à rendre compte du réel. • Lecture complémentaire SÉANCE 6 VISIONS DE L’HOMME ET DU MONDE → Intégralité du roman. → La visite de la Lorraine : chapitre IX, de « Alors il erra sur le navire » à « ne pouvant supporter leur vue » (p. 198-199). Objectifs : Aborder le roman comme une forme littéraire privilégiée de représentation de l’homme et du monde, à travers un parcours thématique et une lecture analytique 1. • L’image d’un monde en transformation – Le développement des liaisons transatlantiques. La présence simultanée de la Perle et de la Lorraine dans la rade du Havre situe Pierre et Jean à une époque bien précise : à la fin du XIXe siècle, les liaisons transatlantiques et le commerce international se développent, sans toutefois que les voiliers cèdent entièrement la place aux paquebots. 1. Les parcours thématiques dans l’œuvre sont multiples : aussi nous bornerons-nous ici à esquisser ceux qui paraissent les plus intéressants pour donner un aperçu de l’époque à laquelle écrit Maupassant. Pierre et Jean Afin de mettre en perspective le traitement du thème « Mère et fils » dans Pierre et Jean, les élèves pourront lire la dernière partie du Dossier (p. 250-263), qui éclaire, extraits à l’appui, la manière dont ce thème est traité dans d’autres œuvres de Maupassant et dans deux romans de la fin du XIXe siècle : André Cornélis, de Paul Bourget, et Un simple, d’Édouard Estaunié, dédicacé à Guy de Maupassant. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 140 — Z27849PIER — Rev 18.02 140 « Paquebots », « bricks », « goélettes », « trois-mâts » (p. 70) se côtoient donc. Ils apportent à la fois les produits des pays lointains (les steamers viennent « du Brésil, de la Plata, du Chili, et du Japon », p. 84, et c’est bien du « raisin noir venu des pays chauds » que mangent les convives lors du dîner qui fête Jean, p. 104), mais ils emportent en retour des foules d’immigrants vers le Nouveau Monde (p. 199). – Le Havre, ville en plein essor économique. Voir la Présentation, p. 13. – La naissance de l’électricité. On pourra s’intéresser aux éclairages et aux lumières dans Pierre et Jean : lampe à pétrole « qui charbonn[e] » (p. 81), bec de gaz (p. 89), bougie, mais aussi installations électriques (voir p. 84, note 1, et p. 147, note 1). • Opinion et publicité Si l’honneur maternel est menacé dans Pierre et Jean, la renommée et sa remise en cause sont également présentes sous une autre forme dans le roman. Le pharmacien Marowsko souffre de son anonymat, malgré les liqueurs qu’il invente, car il ne parvient pas à les vendre : il a besoin de publicité, de trouver un nom vendeur (p. 89-91). Ce n’est pas autre chose que recherche Pierre lorsque surviennent ses grands projets de réussite – de la publicité dépend son succès : « Rien de plus facile que d’arriver là avec de la réclame habile, des échos dans Le Figaro » (p. 93). Cet aspect du roman sera l’occasion de rappeler aux élèves l’essor de l’opinion, de la réclame et de la presse au XIXe siècle, voire de proposer en lecture complémentaire un extrait de Bel-Ami. • Pratiques sociales : des bains de Trouville aux cafés du Havre – L’épisode des bains à Trouville (p. 133 sq.) est synonyme pour Pierre de perdition et le renvoie à l’idée de la trahison maternelle. Cependant, sa présence dans le roman constitue un témoignage littéraire de la mode des bains de mer, qui ont connu un grand succès à partir du début du XIXe siècle. Là encore, il serait particulièrement intéressant de mettre en relation ce passage avec certaines œuvres d’Eugène Boudin (Scène de plage, 1862) ou de Claude Monet (Plage à Honfleur, 1865, Plage à Trouville, 1870). NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 141 — Z27849PIER — Rev 18.02 141 – Les cafés du Havre. Pierre, révulsé par l’image des bains à Trouville, semble chercher des compagnies plus faciles dans les cafés, les brasseries (p. 99). Le célèbre café Tortoni, auquel il envisage de se rendre au début du roman (p. 82), a réellement existé et pourra donner lieu à des travaux de documentation. Depuis le début de Pierre et Jean, les grands paquebots qui font le trajet de la Normandie jusqu’en Amérique ou en Angleterre sont apparus plusieurs fois, toujours aperçus de l’extérieur (voir par exemple p. 69). À présent que Pierre a obtenu une place de médecin à bord de l’un d’eux, la Lorraine, la description romanesque investit ce lieu en même temps que le nouveau médecin qui découvre sa cabine. Cette description en diptyque sera l’occasion d’étudier une vision de l’homme et du monde, à travers le spectacle des passagers. – Logique de la description. C’est par une errance sur le bateau que la description se justifie. Pierre ne passe pas par la partie du navire réservée à la seconde classe (voir p. 199, note 1) ; son regard est uniquement dirigé vers les deux antipodes du monde flottant qui est désormais le sien : le salon (passagers riches) et l’entrepont (émigrants). Cette ellipse descriptive laisse supposer que la description est investie d’une intention : celle de faire ressortir le contraste entre les conditions de voyage des deux catégories de passagers. – Luxe du salon, misère de l’entrepont. Métaphores désignant l’entrepont comme un endroit aveugle (« souterrain », « mine », p. 199) vs champ lexical de l’apparence (« œil », « perspective » « public », « théâtre », p. 198) suggérant que l’espace « illimité » et luxueux du salon est dévolu à la représentation de soi, entre pairs. – Deux humanités. Noms collectifs (« humanité », « foule », « troupeau », « tas ») et lexique lié à l’animalité pour désigner les pauvres (p. 199) vs détermination des riches par leur nationalité ou leur revenu (p. 198). On pourra comparer ce passage avec la plage de Trouville, où la foule des visiteurs, même dense, donne lieu à une tout autre description (p. 134-135). – Un point de vue critique. Le salon, dont le narrateur qualifie le luxe de « banal », apparaît comme un endroit déshumanisé. Au contraire, les accumulations d’épithètes et de répétitions dans l’évocation des émigrants partant pour l’Amérique contribuent à Pierre et Jean • Lecture analytique : la description de la Lorraine (p. 198-199) NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 142 — Z27849PIER — Rev 18.02 142 produire un rythme et une émotion chez le lecteur, comme si Maupassant voulait prendre celui-ci à témoin de cette épopée misérable et laborieuse. SÉANCE 7 LE TRAVAIL DE L’ÉCRITURE → L’aveu de Mme Roland à Jean : chapitre VII, de « – Laisse-moi » à « Elle essaya de se lever » (p. 172175). → Monologue intérieur de Jean : chapitre VIII, de « Quand il fut » à « Il monta l’escalier » (p. 176-180). → Variantes correspondantes : chapitre VII, variante h, p. 217, et chapitre VIII, variante b, p. 219. Objectifs : Comprendre, dans les réécritures et les corrections qu’il opère, la démarche et le projet de l’écrivain. • Travail préparatoire Le travail de comparaison de deux versions d’un texte requiert un travail préparatoire minutieux. Les élèves pourront d’abord, chez eux, relever dans deux colonnes les différences notables d’une version à l’autre, en adoptant un code couleur pour les ajouts et un autre pour les suppressions. Certaines interprétations pourront également être demandées. • Introduction Parmi les différents passages pour lesquels notre édition présente un état antérieur du texte, deux peuvent être retenus comme donnant lieu à des modifications majeures témoignant d’un travail significatif de l’auteur : – L’aveu que Mme Roland fait de son adultère à Jean (chapitre VII, variante h), passage entièrement retravaillé dans la version définitive. – Le long monologue intérieur de Jean dans lequel celuici se demande comment éloigner Pierre, juste avant le repas au cours duquel il est décidé que Pierre partira comme médecin sur un paquebot (chapitre VIII, variante b). NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 143 — Z27849PIER — Rev 18.02 143 Tonalité d’ensemble des deux versions – La première version de l’aveu (p. 217-218, variante h) est caractérisée par un discours extrêmement décousu, où aposiopèses et ruptures de construction sont la règle. La fonction phatique envahit ce texte également marqué par les répétitions (« toi... toi... toi... », p. 217 ; « comprends-tu, comprends-tu, dis, comprends-tu ? », p. 218). Maupassant semble laisser libre cours à une prose qui rappelle celle de l’auteur de théâtre, peut-être plus naturelle, mais d’une lisibilité moins évidente. – La seconde version (p. 172-175) atténue au contraire ce surplus d’émotion qui empêchait le discours d’être fluide à la lecture. Maupassant recourt désormais à une syntaxe où les liens logiques sont réaffirmés, où la répétition laisse place à la variation et semble être le nouveau moyen de l’expression de l’émotion, jusqu’à atteindre une certaine éloquence dans l’aveu. L’évolution du personnage de Mme Roland – Dans la version initiale, Mme Roland apparaît comme « une femme d’ordre et de chiffres », un personnage qui a « pensé à tout » ; elle est notamment préoccupée de la question de l’héritage qu’elle entend résoudre « tout de suite » (p. 218). Ce n’est pas elle, mais Jean, qui s’inquiète de la réaction de Pierre (p. 218). Dans la version finale, au contraire, la question de l’héritage n’apparaît pas à cet endroit ; la mère implore Jean de trouver une solution pour éloigner Pierre (« Sauve-moi de lui », p. 174), et le champ lexical dominant est celui de l’affect et de la souffrance (« bouleversée », p. 171, « voix si douloureuse », « torture », « larmes », p. 172). On peut penser que Maupassant, en remaniant le passage, a voulu insister davantage sur l’émotion et l’égarement de Mme Roland, garants de sa douleur, donc de son honnêteté. La gravure reproduite p. 175 de l’édition, qui contraste avec celle que nous donnons page suivante, donne à voir la « tendresse passionnée » (p. 171) unissant mère et fils. • Le monologue intérieur de Jean : un passage déplacé en tête de chapitre Le manuscrit présente un passage de la version finale qui a été en partie supprimé, en partie déplacé. Signalé par la Pierre et Jean • L’aveu de Mme Roland : un passage réécrit NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 144 — Z27849$$U6 — Rev 18.02 Illustration du chapitre VI de Pierre et Jean. Gravure sur bois de G. Lemoine, d’après un dessin de Géo-Dupuis (in Œuvres complètes illustrées de Maupassant, Ollendorff, 1903) L’édition GF reproduit plusieurs gravures de G. Lemoine. On comparera la gravure ci-dessus, qui fait écho à la scène p. 144-146, à celle donnée dans l’édition, p. 175, où la mère pleure dans les bras de Jean. Tandis que le narrateur ne se prononce jamais en faveur d’un frère ou de l’autre, l’illustrateur semble accentuer l’opposition, d’origine biblique, entre le bon et le mauvais fils : en témoigne le contraste entre Pierre qui observe froidement sa mère dans l’une des gravures, et Jean qui la recueille dans l’autre. Dans la gravure ci-dessus, par la manière dont il construit la scène, l’illustrateur enferme Mme Roland dans une série de cadres constitués par la cheminée, le corps de son fils, un meuble derrière elle : pour elle, il n’y a aucune issue. Le visage de la mère est dissimulé, et son attitude de contrition est soulignée par les jeux de lumière. Le regard de Pierre, lui, est écrasant : penchant la tête légèrement sur le côté, il la « juge » (p. 145). Ses bras croisés marquent un caractère inflexible ; il ne manifeste pas les qualités attendues du bon fils (le pardon, la compassion), qui sont en revanche celles de Jean, comme le suggère la gravure p. 175. L’analyse du rapport entre texte et image pourra être complétée par l’étude des gravures données p. 87, 95 et 129, qui mettent en scène les deux frères. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 145 — Z27849PIER — Rev 18.02 145 Le travail du rythme narratif Si le passage a été déplacé en tête de chapitre, c’est tout d’abord probablement pour une raison de cohérence et de rythme narratifs. Ce passage réflexif voit Jean résoudre la crise survenue au chapitre précédent et prendre les décisions qui mèneront au dénouement final : pardonner à sa mère, éloigner Pierre et accepter l’héritage de son vrai père, le tout dans un temps extrêmement condensé. La position de ce passage en tête de chapitre permet de justifier ce qui se passe ensuite. Dans la première version, en outre, le passage réflexif intervenait entre deux passages dialogués : le premier entre la mère et Jean, le second entre Pierre et Jean. Entre ces deux conversations, un monologue intérieur pouvait paraître maladroit : il en va en effet de l’impression d’adéquation entre le temps du récit et le temps de la narration. C’est sans doute la principale raison pour laquelle Maupassant a choisi de le déplacer. L’évolution du personnage de Jean Le passage revêt une importance particulière, puisqu’il consiste en une justification psychologique des actions humaines ; en ce sens, il est à rapprocher de ce que dit Maupassant dans « Le roman ». Dans la première version, Jean, avant toute chose, « cherch[e] le moyen d’éloigner Pierre » (p. 219). Dans la version finale, il semble davantage préoccupé par la question de son héritage (de « Mais une idée soudaine l’assaillit » à « il retourna vers la fenêtre », p. 177-178). Cette dimension est en germe dans le manuscrit, qui évoque, sans l’exploiter, une « préoccupation secrète » de Jean, qu’il « ne s’avou[e] pas à lui-même » : celle « de ne pas compromettre son mariage » (p. 219), donc son héritage. En faisant passer la question de l’héritage – qui concerne Jean seul – avant la question de l’éloignement de Pierre et Jean variante b p. 180, il retranscrit les réflexions de Jean, juste après l’aveu de sa mère. Le passage montre le cheminement de ses pensées, depuis le pardon accordé à la mère jusqu’à la réflexion qui aboutit à la décision d’obtenir l’éloignement de son frère Pierre – le tout accompagné par une description des mouvements psychologiques qui expliquent la décision de Jean. Une partie de ce passage a été reprise au début du chapitre VIII de la version définitive. NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 22-02-08 07:51:22 127849LBL - Flammarion - Pierre et Jean - Page 146 — Z27849PIER — Rev 18.02 146 Pierre – qui sauverait leur mère –, Maupassant fait ressortir l’« égoïsme » du personnage de Jean (p. 178), et exploite la veine psychologique, en donnant à voir l’héritier en plein dilemme (p. 178). SÉANCE 8 ÉVALUATION FINALE • Sujet d’invention Critique littéraire, vous écrivez un article sur Pierre et Jean qui incitera Maupassant à publier « Le roman ». En utilisant le registre polémique, vous l’attaquez sur les points dont il se défend dans cette préface. • Commentaire littéraire Vous ferez du passage de la demande en mariage de Jean un commentaire littéraire : de « Jean maintenant ne trouvait rien » à « il vide la mer, ce gaillard-là » (p. 154-156). • Dissertation « Les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes » (« Le roman », p. 48). Dans quelle mesure cette phrase de Maupassant vous semble-t-elle se rapporter à votre lecture de Pierre et Jean ? I V . B IBLIOGRAPHIE La bibliographie très complète donnée en fin de volume (p. 277-285) fait notamment le point sur les différentes adaptations cinématographiques de Pierre et Jean, dont certaines pourraient être exploitées en prolongement de la séquence. Étienne LETERRIER.