Internet et les droits d`exploitation des compétitions sportives

Transcription

Internet et les droits d`exploitation des compétitions sportives
U.F.R. 01 Droit Administration et Secteur Public
Master II Droit du Numérique Administration – Entreprises
Directeur du Master : Monsieur William Gilles
Année universitaire 2012 – 2013
Internet et les droits d’exploitation des compétitions
sportives
Mémoire soutenu par Eric Ollitrault
Sous la direction de Monsieur Thomas Saint-Aubin
2
Remerciements
Je tiens à remercier Monsieur Thomas Saint-Aubin pour m’avoir confié ce travail de
recherches, et pour m’avoir encadré et orienté.
Je remercie également Madame Irène Bouhadana et Monsieur William Gilles pour m’avoir
choisi comme étudiant dans ce Master 2, et pour m’avoir permis de réaliser ce travail.
Je remercie les professionnels du monde du sport et de l’Internet que j’ai eu la chance de
rencontrer pour mener à bien ce travail, pour l’aide précieuse qu’ils m’ont apportée :
-
Monsieur Jacques Lambert, président du comité de pilotage de l’Euro 2016
Monsieur Jérôme Perlemuter, responsable juridique de la Ligue de Football
Professionnel
Monsieur Bruno Belgodère, responsable financier de l’Union des Clubs Professionnels
de Football
Monsieur Victoriano Melero, directeur du cabinet du président de la Fédération
Française de Football
Madame Cordelia Flourens, juriste chez Google
Et Monsieur Remi Leclancher, responsable de la chaîne sport et auto/moto chez
Dailymotion
Enfin, je remercie mes parents et mes amis, pour leurs conseils et leur soutient.
3
Résumé
Si le monde sportif constitue un formidable facteur de croissance pour les nouveaux
médias et les technologies numériques en particulier, certaines pratiques sur Internet semblent
porter atteinte au sport.
Elles semblent nuire aux détenteurs de droits d'exploitation audiovisuelle des
compétitions sportives, avec le développement du piratage du contenu sportif. Il s'agit d'un
problème rencontré également par l'industrie de la culture, mais s'intéresser plus spécialement
au domaine du sport revêt un caractère différent. Principalement, parce que l'essence du sport
repose sur le direct. Ainsi, à côté du piratage du contenu en différé (images des résumés de
matchs, des actions de jeu...) s'est développé le piratage du direct (live), avec le streaming
illégal. Par ailleurs, la spécificité du sport, contrairement au domaine culturel, repose sur la
place, inédite, que celui-ci peut occuper pour les consommateurs de contenu sportifs, et
surtout pour les supporters. Ces derniers sont attachés à leur club, une société de droit privé,
comme à la prunelle de leurs yeux.
Le développement des paris en ligne sur Internet semble également nuire aux
compétitions sportives en affectant leur intégrité. Si le trucage des rencontres sportives a
toujours existé, force est de constater que l'ampleur prise par les paris sportifs en ligne ces
dernières années remet sérieusement en cause la sincérité des compétitions sportives; en
témoigne la découverte récente, aussi bien florissante qu'inquiétante, des liens entre les paris
sportifs et la criminalité organisée. La situation est schizophrénique pour les détenteurs des
droits comme pour l'Etat, tiraillés entre l'envie de voir ces paris sportifs se développer, en ne
perdant pas de vue la manne financière conséquente qu'ils représentent, et la nécessité de
préserver l'incertitude du résultat final, qui donne tout son sens à la compétition sportive.
Après un état des lieux sur la question du piratage du contenu sportif sur Internet d'une
part, et des liens entre les paris en ligne et la corruption dans le monde du sport d'autre part, la
pertinence des solutions mises en place pour combattre ces fléaux est analysée, aussi bien
dans les textes qu'en pratique, avant qu'une réflexion ne soit menée sur les solutions
imaginables et envisagées. Le football, sport le plus populaire du monde, sert de ligne
directrice pour appuyer cette démonstration.
Mots-clés : spectacle sportif, droit d’exploitation, streaming, paris en ligne
4
Summary
Although the sports world constitutes a formidable growth venue for new media and
digital technologies, some practices on the Internet, in particular, appear to be causing serious
damage to it.
These practices are causing prejudice to those who hold sports competition
audiovisual rights, especially with the development of content pirating. This is problem is also
encountered in the culture industry but sports, in particular, appears to be reeling from the
heaviest blows. This is mainly due to the fact that sports rely so heavily on live broadcasts.
Thus, alongside the pirating of delayed content (match summaries, game highlights etc.) live
pirating is now being implemented in the form of illegal streaming. In addition, sports is
distinct from the cultural domain in that it holds a unique place in the hearts of its consumers
as well as its supporters who develop strong attachments to their clubs, essentially private
societies, which often become the very apple of their eyes.
The development of online betting also seems to be causing damage to sports
competitions by undermining their overall integrity. Although the rigging of sports events has
always existed, it is evident that the magnitude of online betting has, in these last few years,
threatened the sincerity of sports competitions. This has been brought to light recently, as
flourishing as it is disturbing, in the uncovering of links between sports gambling and
organised crime. The situation is schizophrenic for rights owners as well as for the State, as
they are pulled between the desire to see sports betting develop (due to the huge financial
windfall they represent) and the need to preserve the uncertainty of the final results which is
the main attraction of sports competitions.
After a serious examination of the sports content pirating on the Internet, on one hand,
and links between online betting and corruption in the sports realm, on the other hand, the
pertinence of the solutions implemented to combat these plagues is analysed, in text and in
practice, before considering possible solutions and we use football, the most popular sport in
the world, as our prime example.
Key words : sporting event, right of exploitation, streaming, online betting
5
Sommaire
INTRODUCTION
PARTIE I : INTERNET : UNE
COMPÉTITIONS SPORTIVES ?
RÉELLE
MISE
A
MAL
DES
Chapitre I : La mise à mal des droits d'exploitation audiovisuelle par le
piratage du contenu sportif
Chapitre II : La mise à mal de l'intégrité des compétitions sportives par le
développement des paris en ligne
PARTIE II : LES ÉVOLUTIONS ENVISAGÉES ET ENVISAGEABLES
Chapitre I : Les solutions apportées
Chapitre II : Les solutions proposées
CONCLUSION
6
INTRODUCTION
La médiatisation du sport en général, voir la surmédiatisation de certains sports en
particulier est un fait acquis. Peu importe les continents ou les sociétés, le sport est pratiqué et
regardé dans le monde entier, et l’engouement qu’il provoque est intemporel et universel.
Comme dans la plupart des sphères de la société, Internet a bouleversé le monde du
sport. Internet favorise la visibilité et la réputation des sociétés sportives, mais d’un autre côté
il paraît affecter les détenteurs de droit dans un sens défavorable (mais néanmoins positif pour
les amateurs de sport). En effet, il est aujourd'hui devenu courant pour tout fan de sport de
suivre en direct le match de son équipe favorite. Celui-ci peut se faire par le biais de l'écrit
digital en direct, qui est légal, mais la pratique qui se révèle intéressante ici est celle du
piratage du contenu audiovisuel en direct grâce au streaming et, dans une moindre mesure, le
piratage du contenu en différé, avec des internautes qui déposent sur les plateformes de vidéo
sur Internet telles YouTube ou Dailymotion des vidéos au contenu protégé (résumés des
matchs, des buts, des actions de jeu importantes...), pratiques auxquelles il conviendra de
s'intéresser également. Ces techniques sont vivement combattues par les détenteurs de droit, et
il sera intéressant de voir quels sont les intérêts en jeu et comment le problème est traité, aussi
bien du coté des détenteurs de droit, que du coté des diffuseurs. Dans cette optique, les
problèmes de piratage rencontrés par les détenteurs de droits sportifs seront souvent
rapprochés de ceux rencontrés par les industries culturelles, afin de disposer d'un point de
comparaison, et aussi de distinction.
Ainsi, il s'agit d'une problématique affectant la retransmission sportive, mais peu
évoquée dans les médias par les détenteurs de droits et les organisateurs des compétitions. En
revanche, s'il est un sujet à l'importance médiatique grandissante, c'est celui des paris sportifs.
Ici, Internet affecte réellement le monde du sport dans un sens défavorable à tous ses acteurs,
avec de nouvelles techniques de trucage de match et de corruption à l'aide des paris en ligne.
De nombreux scandales ont éclaté sur ce sujet récemment. Ceci n'est certainement pas
révélateur d'une augmentation de la corruption dans le milieu sportif, la corruption étant très
certainement consubstantielle au sport, mais c'est en revanche révélateur de l'amélioration des
techniques de détection de la corruption. En ce sens, les scandales qui ont pu être exposés
7
dans la presse ne constituent que la partie visible de l'iceberg. Il faudra donc se pencher sur les
dernières évolutions législatives en la matière, sans écarter le traitement technique de cette
question, qui permettra de révéler toutes les difficultés rencontrées à l'heure actuelle.
Après un bref aperçu historique sur l'évolution de la définition du sport, et de
l'emballement médiatique qui l'entoure (Section 1), il sera intéressant de constater que ces
deux sujets correspondent aux deux droits principaux appartenant à l'organisateur de la
compétition sportive, propriétaire du droit d'exploitation de la manifestation sportive: le droit
d'exploitation audiovisuelle d'un coté, et le droit au pari de l'autre (Section 2).
Section 1 : Le sport : définition, particularités
«
Le sport, notion dont il faut tenter de définir les contours (§ 1), et l'attention au sport,
se sont aujourd'hui mondialisés dans un premier temps grâce à la télévision (§ 2).
§ 1 : Définition du sport
Il est difficile de donner au terme « sport » une définition précise. On pourrait résumer
le sport à un ensemble d'exercices, le plus souvent physiques, se pratiquant sous forme de
jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions, mais il parait évident
qu’il représente bien plus que cela. Malgré la rigueur dont doivent faire preuve les juristes
dans les termes qu’ils emploient, comme la plupart des Etats voisins, l’Etat français n’a pas
pris le risque de le définir, dans aucun texte, et en particulier le Code du sport.
«
L’analyse étymologique du terme reflète d’ailleurs toute la difficulté à appréhender sa
définition. Le mot sport provient du vocable « desport », qui désignait en ancien français des
activités de loisir et d’amusement. Ce terme traversera la Manche et s’intégrera dans la langue
anglaise en devenant d’abord « disport », puis « sport », pour définir des pratiques où la
brutalité l’emporte sur l’amusement. Il réapparaîtra en France au XIXe siècle, et son sens
s’élargira jusque dans les années 1960 pour couvrir toutes les activités physiques et sportives
de loisirs et de compétitions1. Au fil du temps et jusqu’à la fin du XXe siècle, les définitions
1
V. R. Thomas, Histoire du sport, Que sais-je, PUF, 1999, p. 15 et s.
8
données intègrent l’encadrement institutionnel du sport, tout en restant très générales1, de
sorte que de nos jours, le sport peut se définir comme une activité institutionnalisée mettant en
œuvre une ou plusieurs qualités physiques, dont la pratique en compétition se fait sous la
tutelle d’une fédération2.
»
§ 2 : De la médiatisation du sport
Un des aspects les plus importants du sport est évidemment sa médiatisation. A l’heure
du développement de l’Internet et des supports multiples et variés, il ne fait nul doute que les
nouvelles technologies accentuent cette médiatisation, en étant tout à la fois source de
visibilité et de développement. Avant d’être diffusées dans le grand public, les nouvelles
technologies (dont certaines n’en sont parfois qu’au stade de prototype) sont bien souvent
adoptées en premier par le monde du sport. Semelles de chaussures imprimées sur ordinateur,
vêtements en spray, fibres de carbone, nanomatériaux : les Jeux olympiques de 2012
constituent un formidable exemple en ce sens, et ceux de 2016 ne devraient pas déroger à la
règle. Historiquement, le sport a d’ailleurs toujours accompagné l’essor des nouvelles
technologies de l’information et de la communication. Dés 1920, le sport fait son apparition à
la radio avec les grands commentateurs. Cependant, la forte médiatisation du sport ces
dernières années n’est évidemment pas indifférente à l’évolution des technologies de
retransmission télévisée. « La télévision et le sport ne sont pas nés ensemble. Pourtant depuis
un demi-siècle, ils grandissent côte à côte », avait d’ailleurs déclaré dans les années 1960
Monique Berlioux, ancienne Directrice du Comité International Olympique.
«
L’expérience française confirme en tous points le constat de cette ancienne
championne de haut niveau. La télévision prend place officiellement dans nos sociétés le 27
janvier 1926, et les premières émissions de sport pénètrent le champ télévisuel en 1947, mais
les caméras ne se rendent pas encore dans les stades. Dés 1948 est réalisé le premier tournage
à l’extérieur par voie hertzienne d’une compétition sportive en direct, l’arrivée du tour de
France cycliste, la retransmission tentée l’année précédente au Théâtre des Champs-Élysées
ayant échouée (les techniciens avaient dû recourir à un câble joignant le studio, heureusement
1
Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Didier Proracchia, Fabrice Rizzo, Droit du Sport, 2012, p. 16.
Romain Gambarelli, « L'influence de la télévision sur le sport et l'organisation d'évènements sportifs »,
Mémoire universitaire, Institut de Recherche et d'Études en Droit de l'Information et de la Communication, 2010
2
9
peu éloigné)1. D’ailleurs, c’est tout sauf un hasard si, lorsque le journal télévisé est créé en
1949, il débute la veille du départ du tour et s’arrête le 24 juillet, jour de l’arrivée à Paris, et
suivra par la suite chacune de ses étapes. Cette épreuve représentait un engouement populaire
énorme, et jusqu’à présent les images étaient uniquement vues aux actualités
cinématographiques. En 1952 est diffusée sur le petit écran la première rencontre de football
(France – Suède). La télévision deviendra vite indispensable au sport. C’est au début des
années 1960 avec la politique gaulliste et l’apparition des médias, que le spectacle sportif va
prendre son véritable envol dans la société mondiale industrielle. Les premières chaînes de
télévision sportives, dont l’objet est la diffusion d’épreuves et d’informations, apparaissent en
1977. Canal+ se crée en 1984 et reste depuis l’un des principaux diffuseurs du sport. En 1992,
les Jeux olympiques d’Albertville furent l’occasion d’effectuer la première expérience en
Europe de télévision haute définition. C’est ainsi que, d’années en années, la télévision
s’empare des différents lieux de rencontres sportives. »
De nos jours, le sport, et pas seulement ses grands événements, est un formidable
facteur de croissance pour les nouveaux médias et les technologies numériques en particulier,
avec des consommateurs prêts à dépenser de plus en plus, en argent et en temps, pour ne rien
rater de l'information sportive. À l’heure du déploiement en France de la « télévision
connectée » (télévision raccordée, directement ou indirectement, à Internet), ce phénomène
est loin de s’arrêter et prend au contraire beaucoup d’ampleur, à la satisfaction des
propriétaires de droits d'exploitation de spectacles sportifs.
Section 2 : Le droit d'exploitation du spectacle sportif
L'hypermédiatisation du sport est donc un phénomène à l'ampleur grandissante. Il
convient de se demander dès lors à qui cela profite, autrement dit qui sont les titulaires du
droit d’exploitation du spectacle sportif (§ 1), et quel est le contenu précis de ce droit
d'exploitation (§ 2).
1
Christian Brochand, « Le Sport Et La Télévision: Un Vieux Couple à Histoires », Communication et langages,
1992
10
§ 1 : Le monopole du droit d'exploitation du spectacle sportif
La liste des acteurs pouvant prétendre ou ayant prétendu détenir ce droit est très
longue. Il s'agit d'un sujet donnant lieu à de multiples débats et qui est sources de tensions
entre ces acteurs.
Il faut tout de suite admettre deux exclusions. La première semble évidente : si les
joueurs (voir les arbitres) sont effectivement des acteurs sans qui la rencontre sportive n’aurait
pas lieu, pour autant ceux-ci ne sont pas titulaires de droit de propriété intellectuelle à
proprement parler (c’est-à-dire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur sur
leurs prestations). Le sportif n’est en effet pas qualifié d’auteur d’une œuvre de l’esprit ou
d’artiste-interprète. Ce dernier doit, pour être qualifié comme tel, exécuter une œuvre de
l’esprit. Cela permet donc d’exclure de cette qualification le sportif, pour lequel ni la
jurisprudence, ni la doctrine ne reconnaissent l’exécution d’une telle œuvre1. La seconde
exclusion est beaucoup moins évidente. Le développement du mouvement sportif a été
dépendant à l’origine de la seule initiative privée, notamment lors de la création des premières
fédérations sportives. Le gouvernement du Front populaire a posé les bases d’une
administration publique du sport traduisant l’implication de l'Etat dans le financement et la
promotion d’une activité considérée comme relevant de l'intérêt général. Par la suite, à la
Libération, le sport est devenu une mission de service public dont l'Etat déléguait l’exercice
aux fédérations sportives. Enfin, l'échec des athlètes français aux Jeux olympiques de Rome
en 1960 a conduit à un renforcement du Ministère de la Jeunesse et des Sports, à la mise en
place d’une organisation de la préparation olympique, et à la création du cadre des conseillers
techniques et sportifs2. S'opposant à l'introduction dans le Code du sport du droit au pari des
organisateurs et afin d'éviter de payer une redevance aux fédérations sportives organisatrices,
certains opérateurs de paris en ligne (par opposition aux paris en « dur », vente physique) ont
profité de cette gouvernance du sport par l'Etat et du financement public pour émettre la
théorie selon laquelle les manifestations sportives seraient des biens publics dont la propriété
serait collective. Cette analyse n'a pas été suivie par le Conseil d'État3.
1
Nadine Dermit-Richard, Johanna Guillaumé, Football et droit, Actes du colloque « Football et droit » organisé
à la Faculté de droit de Rouen le 12 octobre 2011, Volume n° 2, Décembre 2012
2
Cour des comptes, « l'Etat et les fédérations sportives face aux mutations du sport », Rapport public annuel
2009, p. 479
3
CE, 5e et 4e sous-sections réunies, 30 mars 2011, n°342142
11
Dans un article à valeur de référence sur le sujet1, Messieurs Melero et Soiron
expliquent que le propriétaire du droit d'exploitation est l’organisateur de l’événement,
comme le dispose l’article 18-1 de l’ancienne loi du 16 juillet 1984, selon lequel « le droit
d’exploitation d’une manifestation sportive appartient à l’organisateur de cet événement, tel
qu’il est définir aux articles 17 et 18 »2. Ainsi, cet article 18-1 reconnaît, à travers
l'affirmation d'un monopole d'exploitation, l'existence d'un droit de propriété sur la
manifestation ou la compétition sportive3. Le droit de propriété adopte la forme d'un
monopole d'exploitation dans la mesure où il porte sur une chose incorporelle et qu'il relève
de la volonté de conférer à celui qui s'investit dans la création et l'organisation de la
manifestation la faculté d'en retirer tous les fruits.
«
On peut donc considérer qu'un tel monopole d'exploitation appartient à la catégorie
des droits voisins du droit d'auteur, avec l'originalité de ne pas être inscrit au Code de la
propriété intellectuelle4. Certains estiment qu'il s'agit d'un droit « voisin des droits voisins »5.
Les droits voisins du droit d'auteur (droit des artistes-interprètes, droit des producteurs
culturels) ont été introduits dans la législation française par la loi du 3 juillet 19856 et ont été
inclus dans le code de propriété intellectuelle par la loi du 1er juillet 19927. Ils ont pour objet
la constitution de monopoles intellectuels en contrepartie de l’existence positive d’un
investissement, à titre professionnel. Il s’agit donc très précisément de protéger des
investissements en accordant un monopole. Or, le droit des producteurs sportifs présente
toutes les caractéristiques du droit voisin. Ils rémunèrent un investissement économique, il est
organisé comme un véritable droit de propriété intellectuelle (avec des prérogatives
particulières d'un côté). Certains se demandent même s'il n'est pas encore plus puissant qu'un
droit de propriété réglementé dans le code. Néanmoins, ce sujet est l'objet de nombreux
débats, et même si le droit en question ici est très proche d'un droit voisin et que certains
auteurs le considèrent comme tel8, il n'en est pas vraiment un au sens strict. On pourrait
penser a priori qu’il a pour titulaire le créateur de la compétition sportive, c’est-à-dire celui
qui a investi financièrement pour lui permettre d’exister, et qui a besoin d’en retirer des
1
Victoriano Melero, Romain Soiron, « Le Droit D’exploitation Du Spectacle Sportif », Décembre 2012
Loi n°84-610 du 16 juillet 2004 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
3
Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Didier Proracchia, Fabrice Rizzo, Droit du Sport, 2012, p. 16
4
C. Caron, Droit d'auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd. 2013, n° 634
5
J-M. Bruguière, « Les droits voisins de la propriété littéraire et artistique », Propriété Intellectuelle, 2012, n°43,
p. 161
6
Loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs
de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle
7
Loi n°92-597 du 1er juillet 1992 relative au Code de la propriété intellectuelle (partie législative)
8
Christophe Caron, Droit d'auteur et droits voisins, LexisNexis, 2013, p. 589
2
12
bénéfices1, donc le producteur. Cependant, il faut rappeler qu’en droit de la propriété
intellectuelle, seuls les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes sont titulaires de
droits voisins. Contrairement au domaine culturel, dans le monde du sport, les organisateurs
peuvent être soit une fédération sportive bénéficiant d’une délégation de service public
octroyée par l’Etat, soit une personne physique ou morale remplissant des conditions prévues
par la loi, donc un organisateur privé. En effet, selon l’article L. 333-1 du Code du sport,
« Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés
à l’article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou
compétitions sportives qu'ils organisent ». Dès lors, on distingue plus précisément deux types
de propriétaires. D’un côté, les fédérations sportives, qui organisent les compétitions, et de
l’autre, les organisations de manifestations sportives définies à l’article L. 331-5 du Code du
sport .
»
Les fédérations sportives, tout d’abord, sont définies comme étant des unions
d'associations sportives (régie par la loi de 1901), dont l'objet est de « rassembler les
groupements sportifs qui y sont affiliés ainsi que les licenciés, dans le but d'organiser la
pratique sportive à travers notamment les compétitions »2. Certaines se voient octroyer par
l’Etat une délégation de service public, et sont donc chargées de l’exécution d’une mission de
service public : l’organisation de la pratique d’une discipline sportive. On distingue au sein de
ces fédérations les fédérations unisport (celles organisant la pratique d’une seule discipline),
multisports (celles permettant de pratiquer différents sports relevant pour leurs règles des
fédérations unisports), et les fédérations « affinitaires » (comme l’union française des œuvres
laïques d’éducation physique).
Une précision s’impose dès lors : ce droit de propriété reconnu aux fédérations a
longtemps été discuté. En réalité, aujourd’hui, la Fédération Française de Football est la seule
Fédération sportive à avoir décidé de transférer ce droit de propriété aux clubs. En effet, la loi
du 6 juillet 2000 modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion
des activités physiques et sportives précisait en son article 9. III. qu’« A l'exception des
fédérations sportives agréées à la date du 16 juillet 1992, seules les fédérations délégataires
peuvent utiliser l'appellation « Fédération française de » ou « Fédération nationale de » ainsi
que décerner ou faire décerner celle d'« Équipe de France de » et de « Champion de France »,
suivie du nom d'une ou plusieurs disciplines sportives et la faire figurer dans leurs statuts,
1
2
Fabrice Rizzo, Didier Proracchia, « Propriété Du Spectacle Sportif », 2012
http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/Definitions.pdf Consulté le 09/06/2013
13
contrats, documents ou publicités »1. La finalité de cet article à l’époque était de s’opposer à
la volonté d’appropriation par certains clubs de football professionnels des droits médias du
Championnat de France de football professionnel2, ceux-ci ne pouvant pas en être les
titulaires originaires3. Ce lobbying très intensif de certains clubs pour réclamer le droit
d’exploitation des matchs, consistait pour eux à mettre en avant toute la difficulté qu’ils
éprouvaient à attirer des investisseurs, n’ayant aucun droit de propriété à leur actif. Ainsi,
depuis la loi Lamour du 1er août 2003, les clubs peuvent se voir céder à titre facultatif le droit
d’exploitation audiovisuelle4. À l’heure actuelle, seule la Fédération Française de Football en
a usé. Il sera nécessaire d’approfondir ce point plus loin dans les développements.
L’article L. 331-5 du Code du sport dispose ensuite que « Toute personne physique ou
morale de droit privé, autre que les fédérations sportives, qui organise une manifestation
ouverte aux licenciés d'une discipline qui a fait l'objet d'une délégation de pouvoir
conformément à l’article L. 131-14 et donnant lieu à remise de prix en argent ou en nature
dont la valeur excède un montant fixé par arrêté du ministre chargé des sports, doit obtenir
l'autorisation de la fédération délégataire concernée ».
Au final, les titulaires des droits d’exploitation des manifestations sportives sont donc
toutes des personnes morales, à savoir des fédérations et des ligues professionnelles, d’une
part, et les investisseurs, qualifiés de « sociétés sportives » par le Code du sport, d’autre part.
Dès lors, quels sont plus précisément les droits dont sont propriétaires ces personnes morales,
qui sont affectés à l’heure de l’Internet ?
§ 2 : Le contenu du droit d'exploitation du spectacle sportif
Si certains composants de la manifestation sportive peuvent être protégés au titre du
Code de la propriété intellectuelle, et cela surtout par le droit des marques (il en va ainsi
s’agissant des noms des clubs, des logos, etc.), le spectacle sportif n’a pour autant jamais été
protégé par le droit d’auteur en jurisprudence.
1
Loi n°2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la
promotion des activités physiques et sportives
2
Victoriano Melero, Romain Soiron, « Le Droit D’exploitation Du Spectacle Sportif », Décembre 2012
3
TGI Paris, 14 octobre 1987, CA Paris, 10 février 1992
4
Loi n°2003-708 du 1er août 2003 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
14
La Cour de Justice de l’Union Européenne a même expressément refusé cette
protection dans une affaire de 20111. Elle reconnaît que les rencontres sportives ont un «
caractère unique » et, qu'à ce titre, chaque État membre est en droit de leur accorder une
protection spécifique qui pourrait, à l'instar d'un droit de propriété intellectuelle, justifier, dans
son principe, une restriction territoriale. Cependant, la Cour dans son raisonnement apporte
une affirmation, lourde de conséquences, selon laquelle « les rencontres sportives ne sauraient
être considérées comme des créations intellectuelles qualifiables d'œuvres au sens de la
directive sur le droit d'auteur ». En effet, pour constituer une œuvre, l'objet en cause doit être
original. Or, une rencontre de football est régie par des règles de jeu qui ne laissent selon la
Cour « pas de place pour une liberté créative au sens du droit d'auteur », au motif que les
règles du jeu excluraient toute liberté créative et donc toute création intellectuelle propre à son
auteur. Malgré un arrêt plutôt surprenant rendu quelque temps plus tôt par la cour d’appel de
Paris (la cour d’appel de Paris avait jugé que « la course « La Route du Rhum » doit être
regardée comme une œuvre de l'esprit protégeable au titre du droit d’auteur »)2, la solution,
déjà défendue en droit d'auteur français3, apparaît comme étant difficilement contestable.
«
Il en ressort dès lors qu’aucun texte ne définit explicitement la nature et le contenu du
droit d’exploitation des compétitions et manifestations sportives. Le périmètre de ce droit
demeure au cœur de toutes les préoccupations, de sorte que deux conceptions du monopole
d’exploitation s’affrontent en jurisprudence4. Pour les fédérations sportives, une conception
extensive du monopole s’impose, selon laquelle tous les produits tirés de l’exploitation d’une
compétition, directe ou indirecte, entrent dans son périmètre et donnent lieu à paiement au
profit de l’organisateur. Autrement dit, ce périmètre devrait s’étendre à toute création de
valeur dont l’un des supports au moins est l’événement sportif. Il existe de l'autre côté une
conception restrictive, majoritairement soutenue en doctrine, défendant une interprétation
raisonnable de l’article L. 333-1 du Code du sport, refusant d’étendre exagérément le
monopole d’exploitation.
Selon François Alaphilippe, professeur de droit et ancien secrétaire général du Comité
national olympique et sportif français (CNOSF), le droit d’exploitation d’une rencontre
1
CJUE 4 oct. 2011, Football Association Premier League LTD c/ QC Leisure et Karen Murphy c/ Media
Protection Services LTD, C-403/08, AJDA 2011. 2339, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat
2
Cour d'appel de Paris. Pôle 5 Chambre 1 21 septembre 2011. No Rôle : 09/06928
3
C. Caron, Droit d'auteur et droits voisins, Litec, 2e éd., n° 53 et A. et H.-J. Lucas, Traité de propriété littéraire
et artistique, 3e éd., n° 55
4
Pierre Dominique Cervetti, « Haro sur le monopole d'exploitation des organisateurs de compétition sportive »,
Lamy Droit de l'Immatériel, n°201391, 2013
15
sportive serait à rattacher à la catégorie des droits intellectuels, puisqu’il y aurait derrière cette
rencontre sportive une « création de valeur, laquelle doit profiter à celui ou à ceux qui en sont
à l’origine »1. Ainsi, le contenu précis du droit d’exploitation a été défini principalement par
la jurisprudence . En laissant de côté certaines exploitations particulières telles que le
»
parrainage, la billetterie et les services associés, la jurisprudence et la doctrine s'accordent
aujourd'hui pour considérer que le droit d'exploitation recouvre le droit d'exploitation
audiovisuelle d'un côté, et le droit au pari de l'autre. Il faut donc approfondir ces deux notions.
Le premier droit d'exploitation vient tout de suite à l'esprit lorsqu'on pense aux
compétitions sportives aujourd'hui, c'est le droit d'exploitation audiovisuelle de l'évènement.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 17 mars 2004, avait rappelé que « L’organisateur
d’une manifestation sportive est propriétaire des droits d’exploitation de l’image de cette
manifestation, notamment par diffusion de clichés photographiques réalisés à cette
occasion »2. Cet arrêt rappelle donc le principe selon lequel l’exploitant de la manifestation
est le seul détenteur de droits. En matière audiovisuelle, il est indiqué que « Toute fédération
sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des
droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées
chaque saison par la ligue professionnelle qu'elle a créée, dès lors que ces sociétés participent
à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces
sociétés » (article L. 333-1 alinéa 2). Ainsi, toute forme de diffusion, quel qu’en soit le
support, ne peut être réalisée qu’après autorisation du détenteur de droits.
«
Il est important de noter que selon les débats parlementaires relatifs à l'article suscité,
la notion de droit d'exploitation audiovisuelle doit s'entendre par référence à la définition de
« communication au public par voie électronique », à savoir « toute mise à disposition du
public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère
d'une correspondance privée » d'après la loi pour la confiance dans l'économie numérique
(LCEN) du 21juin 20043. L'organisateur est donc propriétaire de tous les éléments de sa
manifestation (séquences filmées, photographies, sons, écrits...). Tous les médias sont en
principe concernés par les droits d'exploitation audiovisuelle4. Sont visés en effet les
1
François Alaphilippe, « Retransmission Télé Et Radio Des Événements Sportifs », 2002, p. 1916.
Cour de cassation, Ch. Com., 17 mars 2004, n°542
3
Loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
4
Gérald Simon, Droit du sport, Thémis droit, 2012, p. 364
2
16
« services de communication au public par voie électronique » qui comprennent, selon
l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, l'ensemble des services qui mettent « à disposition
du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de
signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le
caractère d'une correspondance privée »1. La notion d’exploitation audiovisuelle des
manifestations ou compétitions sportives recouvre ainsi la diffusion télévisuelle (en intégralité
ou par extraits, en direct ou en différé), radiophonique, par Internet, par la téléphonie mobile
de troisième génération avec la technologie UMTS et par supports fixes (cassettes vidéo,
DVD, ou encore CD-Rom)2. Le « différé » inclue également la notion de « léger différé », il
»
s'agit ici du très léger différé engendré par les délais de transmission, désignant par exemple la
seconde d'avance de la radio sur la télé.
Le droit de propriété de l'organisateur sur toute forme d'exploitation audiovisuelle de
sa compétition est donc absolu3. Il existe néanmoins une limite, importante à préciser, qui
porte sur les droits radiophoniques. En effet, une disposition spéciale du Code du sport
adoptée en 2003 précisait que la réalisation et la diffusion par les radios du commentaire oral
des manifestations et compétitions sportives échappent au droit d'exploitation audiovisuelle.
L'exception est l'achat par la radio RMC des droits radiophoniques de la Coupe du monde de
football en 2002 et le lancement la même année par la Ligue de football professionnel d'une
procédure d'appel d'offres pour la commercialisation des droits radiophoniques liés aux
compétitions qu'elle organise. Le Conseil d'Etat, saisi en référé par Radio France et le GIE
« Sport libre » constitué pour la circonstance entre les radios contestataires, a souligné
l'ambiguïté de la loi, dans sa rédaction de l'époque, quant à la détermination des droits
d'exploitation susceptibles d'être cédés et a refusé de se prononcer au fond. Le législateur est
venu au secours des requérants et, avant que le juge administratif ait eu le temps de rendre une
décision, a modifié le texte litigieux dans un sens leur convenant4. Mais les autres médias ne
bénéficient donc pas de cette exception.
L'autre droit d'exploitation de l'organisateur de la manifestation sportive, moins
évident, mais dont l'importance est grandissante ces dernières années, est le droit au pari. En
effet, jusqu'à l'ouverture des jeux et paris en ligne en 2010, à laquelle il faudra s'intéresser
1
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard)
Fabrice Rizzo, JurisClasseur Communication, Fasc. 4125 : RÉGIME JURIDIQUE DES ÉVÉNEMENTS
SPORTIFS, 1er février 2013
3
Victoriano Melero, Romain Soiron, « Le Droit D’exploitation Du Spectacle Sportif », Décembre 2012
4
Gérald Simon, Droit du sport, Thémis droit, 2012, p. 364
2
17
plus loin, l'article L. 333-1 du Code du sport n'englobait que les droits d'exploitation
audiovisuelle. La loi du 12 mai 2010 a étendu le champ de ce droit en introduisant un article
L. 333-1-1, aux termes duquel « le droit d'exploitation défini au premier alinéa de l'article L.
333-1 inclut le droit de consentir à l'organisation de paris sur les manifestations ou
compétitions sportives »1.
«
Le droit au pari a été conçu par le législateur comme comprenant deux volets2. D'une
part, il se veut un instrument de responsabilisation juridique des organisateurs d'événements
sportifs s'agissant de l'intégrité des compétitions. L'alinéa 5 de l'article L. 333-1-2 du Code du
sport indique notamment que le contrat d'organisation de pari « précise les obligations à la
charge des opérateurs de paris en ligne en matière de détection et de prévention de la fraude,
notamment les modalités d'échange d'informations avec la fédération sportive ou
l'organisateur de cette manifestation sportive ». L'objectif est donc d'éviter de se retrouver
avec des matchs truqués, ou des suspicions de matchs truqués. D'autre part, pour que cette
responsabilisation soit concrète, il constitue un instrument de financement du sport et repose
sur « une rémunération tenant compte notamment des frais exposés pour la détection et la
prévention de la fraude » (Code du sport sport, art. L-333-1-2, al. 6).
La commercialisation de ce droit par les fédérations sportives ou les organisateurs de
manifestations sportives doit faire l'objet de conventions avec les opérateurs de paris en ligne.
Tel que prévu par la loi, le droit au pari s'applique uniquement aux manifestations sportives
organisées en France. La liste des sports concernés est disponible sur le site de l'Autorité de
Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), le gendarme des paris virtuels, et inclut notamment le
rugby, le tennis, le football, le baseball ou encore le basketball. Enfin, le droit au pari doit être
commercialisé à titre non exclusif, selon une procédure de consultation non discriminatoire
ouverte à tous les opérateurs ayant obtenu l'agrément d'opérateur de paris sportifs auprès de
l'ARJEL. Les modalités de commercialisation du droit au pari se distinguent donc de celles
des droits d'exploitation audiovisuelle, dont les pouvoirs publics ont autorisé la vente
exclusive selon un système de lots et d'enchères.
»
Après avoir précisé les contours de ces deux droits d'exploitation, majeurs, il est
intéressant de les remettre dans leur contexte, à l'heure du développement de l'Internet. Le
1
Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux
d'argent et de hasard en ligne
2
Benoit Le Bret et Hugues Parmentier, « Le droit au pari - Un nouveau droit d'exploitation des événements
sportifs ou un pari sur le droit ? », La Semaine Juridique Edition Générale n° 27, 4 Juillet 2011, p. 804
18
sport et les nouvelles technologies s'avèrent très souvent être un couple gagnant. Il sera
d'ailleurs intéressant de constater que par certains aspects Internet se révèle être très positif
pour les détenteurs de droits sportifs, notamment en termes de visibilité de leurs compétitions.
Cependant, se sont développées certaines pratiques qui paraissent pernicieuses pour
l'environnement sportif, et qui affectent les deux principales composantes du droit
d'exploitation de la manifestation sportive.
Il s'agit d'une part, du piratage du contenu audiovisuel sportif sur Internet. Celui-ci
peut être effectué de deux manières : par le dépôt de vidéos de matchs sur les plateformes
d'hébergement de vidéo, dont il faudra analyser le traitement, et avec le streaming, piratage de
ce qui fait toute la beauté du sport, le direct (live). D'autre part, si la corruption dans le sport,
véritable fléau pour l'intégrité des compétitions sportives, a toujours existé, celle-ci a pris des
dimensions inédites ces dernières années, du fait de la mondialisation et des possibilités
qu’offre Internet. Il en va ainsi également, il faut le reconnaître, du fait de la place inédite que
le sport a prise dans nos vies. Mais cette place peut s'amoindrir fortement dès lors qu'est
remise en cause l'incertitude pesant autour du résultat final.
Ainsi, ces pratiques semblent « mette à mal », aussi bien les détenteurs de droits
directement, par la dénaturation de leurs droits d'exploitation audiovisuelle, que les
compétitions sportives elles-mêmes, avec le développement des paris sportifs en ligne. Pour
mieux appréhender ce phénomène, il est nécessaire de se demander d'abord par quels aspects
les compétitions sportives et les droits afférents sont mis à mal (Partie 1), avant de s'intéresser
aux solutions mises en œuvre, en pratique ou dans les textes, et les solutions envisageables
(Partie 2).
19
PARTIE I : INTERNET : UNE RÉELLE MISE A MAL
DES COMPÉTITIONS SPORTIVES ?
Que l’on n’apprécie ou pas le sport et l’environnement qui l’entoure, force est de
constater qu’il s’agit parfois, et notamment pour ce qui est du football, d’un véritable
phénomène de société, qui revêt une importance aussi bien pour les citoyens, qu’une
importance politique et économique majeure d’une manière plus générale.
De cette situation économique découlent des conséquences souvent dommageables au
sport en général et au football en particulier, telles que le développement inégal des clubs, la
focalisation autour de certaines « stars », le développement de valeurs nuisant à la vision et
aux valeurs de ce sport, et surtout la disparition progressive du football des chaînes gratuites.
Heureusement, Internet permet de mettre en valeur le sport, sous différents aspects, et
notamment concernant le droit à l'information sportive (Chapitre 1). Cependant, il résulte de
la situation économique particulière du sport de haut niveau, et des énormes sommes d'argent
qui sont en jeu, que de nombreuses mafias se servent des paris en ligne pour gagner beaucoup
d'argent, en mettant indéniablement à mal la sincérité de certains matchs (Chapitre 2).
20
Chapitre I : La mise à mal des droits d'exploitation audiovisuelle
par le piratage du contenu sportif
« Le sport est un creuset ou s’entremêlent de le la science, de la technologie, des
médias, et pour tout dire, de l’argent et de la puissance économique », écrit Claude Genzling,
artiste passionné de sport. En effet, le plus important lorsqu'il est question de spectacle sportif
et de football, c'est le revenu. L'événement sportif, footballistique, est un événement payant (§
1). Pour cette raison, avant de s'interroger sur les effets pervers de l'Internet sur le spectacle
sportif, il est nécessaire de se poser la question de ses effets positifs, et notamment au regard
du droit à l'information sportive (§ 2).
Section 1 : Les causes : l'appropriation et la commercialisation particulière
du contenu sportif
Le piratage du contenu audiovisuel sportif s'explique parce que l'accès aux
compétitions de football à la télévision tend à devenir de moins en moins gratuit (§ 1). D'un
autre côté, Internet constitue pour les compétitions de moindre envergure une source de
rayonnement, et permet même depuis peu de retrouver certains sports en vidéo à la demande
(video on demand, VOD) (§ 2).
§ 1 : L'évènement sportif : un événement payant
Le système de la vente centralisée mis en place par la ligue sportive permet aux
chaînes de télévision d'acquérir les images des matchs (B). Bien souvent, il faudra payer pour
avoir accès au contenu sportif (A).
21
A) Le spectacle sportif et les droits de retransmission télévisuelle
« Je suis tombé amoureux du football, comme plus tard je m’éprendrai des femmes,
d’une manière soudaine, mystérieuse, aveugle, sans me soucier des chagrins et désordres que
cette passion m’apporterait » confiant l’écrivain britannique Nick Pitch en ouverture d’un
roman de 1992 au sujet du sport le plus populaire du monde1. Quelques années plus tard, des
millions de français se prenaient véritablement de passion pour ce sport au lendemain de
l’hystérie collective suscitée par la mythique victoire de l’équipe black-blanc-beur française
en finale de la Coupe du Monde 1998.
«
Le « football business » plus particulièrement s’est construit progressivement. Dés le
milieu des années 1980, au Royaume-Uni, les recettes perçues aux guichets permettent au
football de véritablement se professionnaliser, et de construire des stages d’envergure2. Ces
recettes guichets restent l’élément essentiel du budget des clubs jusqu’aux années 1990. Elles
sont très rapidement dépassées par les droits de retransmission télévisuelle. Les droits payés
par la télévision ne représentent en 1980 qu’1% des recettes des clubs européens, et ne
concerne que ceux disputant des coupes européennes. Cependant, dés l’année 1983 en
Angleterre, et 1984 en France sont signés contrats de retransmission de championnats. Si les
clubs ont au départ refusé ces contrats, la rémunération n’étant pas suffisante, celle-ci a
rapidement augmenté en raison de la concurrence entre les chaînes, la part des recettes des
clubs passant à un tiers, puis à deux tiers des budgets.
Aujourd’hui, les télévisions, qu’elles soient publiques ou privées, trouvent toutes une
grande partie et parfois même l’essentiel de leurs taux d’audience, et donc de leurs recettes de
publicité et de sponsoring, dans les retransmissions d’événements sportifs. En effet, la valeur
de ce « produit » que constitue la retransmission repose d’une part sur l’incertitude quant au
résultat final (d’où un affaiblissement direct de la valeur dés lorsque le résultat survient), et
d’autre part ce marché transforme un sport, une passion, en bénéfices directs, et ses fans en
consommateurs potentiels3. À l'inverse, la télévision, par l'achat des droits de retransmission
des évènements sportifs, représente la principale source de financement des clubs et des
fédérations nationales et internationales .
»
1
Nick Hornby, Fever Pitch, Paperback, Ch. 1, p15.
Steven Tischler, Footballers and Businessmen. The origins of Professionnal Soccer in England, New YorkLondres, Holmes & Meier, 1981, chapitre « Toward a « Sound Business Footing » p. 51-65
3
Dana Popescu-Jourdy, « Le Spectacle Sportif Et Les Médias : Une Relation Toujours Privilégiée », Les cahiers
du journalisme n°19, 2009, p. 18
2
22
Quelle définition précise donner au spectacle sportif et à sa médiatisation télévisuelle ?
Le noyau dur du spectacle sportif, et ce qui le définit vraiment et lui donne tout son intérêt,
c'est le live : c’est autour de celui-ci que s’est construit le sport à la télévision, avec un
suspens reposant sur l’incertitude du résultat1 : les compétitions sportives sont des formes de
spectacles, mais leur scénario n'est pas écrit d'avance. Mais le spectacle sportif est surtout un
produit commercial. Étant donné l’audience et l’intérêt qu’il suscite auprès de la population, il
est accaparé par les entreprises comme un support de spot publicitaire et de sponsoring. À ce
propos, le sociologue Pierre Bourdieu mettait en avant au sujet des Jeux olympiques que la
compétition sportive doit non seulement avoir lieu aux horaires de « grandes écoutes » dans
les pays économiquement dominants, mais doit également se soumettre à la demande du
public, au point que le poids relatif des différents sports de cette compétition dépendent même
de leur succès télévisuel et des profits économiques qui en découleront2.
Le football en particulier connaît grâce cette situation une chambre d'écho
extraordinaire, et tous les grands matchs sont un lieu de concurrence pour l'obtention des
droits de retransmission télévisuelle. C'est pour répartir les droits télévisuels entre les
différentes chaînes que la Ligue de football professionnel a mis en place le système de la
vente centralisée.
B) L'appropriation et la commercialisation particulière du spectacle sportif
La nature du droit octroyé aux fédérations sportives est donc pour ce qui est du
football en débat depuis de nombreuses années. Depuis la loi Lamour du 1er août 2003, la
Fédération Française de Football peut et a cédé à titre gratuit la propriété de tout ou partie des
droits d’exploitation audiovisuelle aux sociétés sportives (c'est-à-dire aux clubs) regroupées
au sein de la Ligue de football professionnel « dès lors que ces sociétés participent à ces
compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces
sociétés ». La Fédération française de Football est à ce jour la seule à avoir usé de cette
faculté, en cédant les droits d'exploitation audiovisuelle aux clubs professionnels.
1
Françoise Papa, « L’information Sportive: Une Marchandise Ou Un Droit? », Les cahiers du journalisme n°11,
Décembre 2002, p. 111
2
Bourdieu Pierre. Les Jeux olympiques . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 103, juin 1994. pp.
102-103
23
Ainsi les clubs professionnels sont-ils propriétaires des droits d'exploitation
audiovisuelle des compétitions professionnelles auxquelles ils participent, sans pouvoir
néanmoins en justifier dans leur bilan. Le Conseil National de la Compatibilité a considéré
que face à cette impossibilité de chiffrer la valeur des droits audiovisuels cédés, aucune valeur
ne pouvait être comptabilisée à l'actif des clubs (à l'exception d'un euro symbolique)1. En
effet, la vie des clubs est faite de hauts et de bas, et il arrive parfois que certains clubs cessent
leurs activités et disparaissent. Si on avait vraiment à faire à une cession de tout ou partie des
droits d’exploitation audiovisuelle, les sociétés sportives devraient pouvoir les valoriser dans
leurs actifs les céder ou les concéder à qui bon leur semble. Mais il n’existe en aucun cas une
telle liberté, car le législateur impose que « ces sociétés participent [aux] compétitions
sportives ». Ainsi, ne peut être cessionnaire ou concessionnaire qui veut. On peut donc douter
de cette qualification de « cession » retenue par le législateur.
Dès lors, la cession qui peut intervenir entre la Fédération française de football et les
clubs regroupés au sein de la Ligue de football professionnel se ramène à une « cession de
nue-propriété », qui est atypique puisqu’elle devient caduque dès lors que les sociétés
sportives ne participent plus aux compétitions ou manifestations sportives organisées par la
Ligue. Plus précisément, l'article L. 333-2 du Code du sport dispose que « Les droits
d'exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la ligue
professionnelle dans des conditions et limites précisées par décret en Conseil d'Etat », lequel
décret dispose que « le direct, le léger différé et les magazines sont commercialisés par la
ligue », et l'article R. 333-2 dispose de son coté qu'« en cas de cession de la propriété de tout
ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle […] la Ligue professionnelle commercialise à
titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct et léger
différé, en intégralité ou par extraits, quel que soit le support de diffusion, de tous les matchs
et compétitions qu’elle organise. Il en est de même des extraits utilisés pour la réalisation de
magazines d’information sportive ». Or, c'est ici que se trouve la valeur, qui est donc restée du
côté de la Ligue. On remarque au passage que le droit exclusif de la Ligue ne porte que sur les
« droits d'exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé », ce qui
signifie à contrario que les droits portant sur les retransmissions en différé appartiennent aux
sociétés2, lorsque ceux-ci leur ont été cédés bien entendu. Le Règlement Intérieur Audiovisuel
1
2
Avis n°2005-01 du 24 mars 2005 du Conseil National de la Comptabilité
Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Didier Proracchia, Fabrice Rizzo, Droit Du Sport, 2009, n°1344
24
(RIA) de la LFP pris en application du décret du 15 juillet 20041, est un exemple parfait de
mise en œuvre pour la fédération du droit de céder les droits audiovisuels aux sociétés
sportives. Il sera nécessaire de revenir sur ce point plus loin dans les développements.
«
Ainsi, il s'agit d'une sorte de droit réel aboutissant à affecter aux différents
intervenants de l’univers des fédérations de sport des prérogatives empruntées au droit de
propriété : la Fédération perçoit une quote-part des fruits d’exploitation, la Ligue perçoit aussi
une quote-part et a l’usage des droits d’exploitation, et enfin les sociétés sportives bénéficient
d’une nue-propriété finalement assez fragile et perçoivent des fruits d’exploitation2. De fait, la
loi Lamour contraint donc les clubs à mandater la Ligue pour céder les droits audiovisuels : il
s'agit d'un mandat légal, dont l'objet porte sur la commercialisation des droits en cause et la
répartition du produit de leur vente. Les clubs disposent donc d'un droit de propriété dénaturé.
»
Il s'agit donc d'un pacte, un montage exclusif qui permet la vente centralisée, qui a été
autorisée par la Commission européenne.
Cette commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle incombant à la Ligue
professionnelle s'effectue selon le système de la vente centralisée, pour différentes raisons.
«
Cela permet à la Ligue de préserver les intérêts du football et son bon développement en
contrôlant la manière dont ce sport est présenté à la télévision, d'avoir la mainmise et
d'optimiser les négociations avec les acquéreurs de droit (de manière plus optimum que ne
pourraient le faire des clubs de manière isolée), et d'imposer aux sociétés sportives un système
de répartition des produits d'exploitation de ces droits reposant sur un principe de solidarité
entre les plus riches et les plus pauvres. La répartition opérée par la ligue entre les sociétés
sportives tient compte de trois facteurs : la solidarité entre elles, leur performance individuelle
et leur notoriété3. La Ligue de football professionnel attribue ainsi à chaque club de Ligue 1
une part fixe de même montant pour chaque club, une part déterminée en fonction du
classement au cours des six dernières saisons, et une part liée à la notoriété évaluée selon le
classement du club lors des cinq dernières saisons4 .
»
1
Décret n° 2004-699 du 15 juillet 2004 pris pour l'application de l'article 18-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet
1984 et relatif à la commercialisation par les ligues professionnelles des droits d'exploitation audiovisuelle des
compétitions ou manifestations sportives
2
Nadine Dermit-Richard, Johanna Guillaumé, Football et droit, Actes du colloque « Football et droit » organisé
à la Faculté de droit de Rouen le 12 octobre 2011, Volume n° 2, Décembre 2012
3
Gérald Simon, Droit du sport, Thémis droit, 2012, p. 370
4
www.lfp.fr Consulté le 09/06/2013
25
Les propriétés intellectuelles sont définies par les textes eux-mêmes au travers d’une
faculté spécifique d’appropriation exclusive, les prérogatives étant reconnues celles reconnues
au titulaire de tout droit de propriété. Ce droit de propriété comporte tout d’abord le droit pour
son titulaire d’utiliser son bien où d’utiliser sa chose (désignant plutôt des biens corporels)
comme il l’entend (usus). La propriété d’un bien confère ensuite à son titulaire le droit d’en
percevoir les fruits, notamment, en concluant avec autrui un contrat qui lui transfère la
jouissance de son bien (fructus). Enfin, le propriétaire d'un bien dispose du droit de disposer
de son bien comme il le souhaite (abusus). C'est donc la Ligue de football professionnel qui a
la charge exclusive de commercialiser les droits auprès des entreprises de communication
audiovisuelle (chaînes de football), de percevoir les sommes dues et de les répartir entre les
clubs, dans une optique mutualiste (article L333-3). La Ligue de football professionnel est
ainsi titulaire de l’usage (usus) de ce droit d’exploitation audiovisuel. Les fruits (le fructus)
sont partagés entre la Fédération française de football, la Ligue de football professionnel et les
sociétés sportives regroupées au sein de celle-ci. Les produits revenant aux clubs leur sont
redistribués « selon diverses clés, axées sur la mutualisation ».
« La Commission européenne a été saisie à propos de la commercialisation centralisée
par les différentes autorités fédérales compétentes des droits audiovisuels de la Ligue des
champions de football (UEFA), du championnat allemand de football et de la Premier League
de football britannique. À travers ses décisions et communications relatives à ces contentieux,
la Commission européenne a considéré que la vente collective de tels droits restreint la
concurrence sur les marchés dans la mesure où elle a pour effet de coordonner la politique en
matière de prix ainsi que toutes les autres conditions commerciales pour l'ensemble des clubs
produisant des contenus relatifs à la compétition concernée. Ainsi, elle a conditionné la
validité de la cession centralisée au respect d'un certain nombre de principes, susceptibles de
subir quelques modifications en fonction des particularités de chacun des marchés en cause :
un appel d'offres public et transparent, la conclusion de contrats opérant le transfert des droits
d'une durée maximale de trois ans, une segmentation des droits médiatiques (droits
télévisuels, droits radiophoniques, Internet, UMTS et les droits relatifs aux médias physiques,
DVD, VHS, CD-Rom), la constitution de plusieurs lots de droits vendus séparément et dont la
valeur varie selon, notamment, que la diffusion des images et des sons opère en direct ou en
différé (la commercialisation des droits d’exploitation qui incombe à la Ligue professionnelle
« est effectuée avec constitution de lots, pour une durée limitée (quatre ans) et dans le respect
26
des règles de concurrence »), et l'autorisation donnée aux clubs de commercialiser
individuellement une partie des droits en cause1.
»
Techniquement, on distingue ensuite deux modèles de production des matchs : la
production classique, par les entreprises de communication audiovisuelle : la Ligue, qui
détient les droits de diffusion, les vends aux chaînes de télévision, qui ont une obligation de
produire le match pour son compte (lorsqu'il se déroule en France) : on parle de production
d'un signal international, ensuite mis à disposition. La Ligue reste propriétaire des images.
Elle perçoit ensuite les sommes dues et les réparties entre les clubs. Le deuxième modèle est
celui de la production par le détenteur des droits : il s'agit d'un modèle imaginé en 2004 par la
Ligue et véritablement mis en œuvre en 2007, dans lequel la Ligue produit puis vend les
droits de diffusion. Elle perçoit une contrepartie financière de la part des chaînes pour la
production. Aujourd'hui, ce second modèle n'existe plus pour des considérations politiques, et
la Ligue a cédé aux chaînes de télévision la production.
Ainsi, les chaînes de télévision diffusent le contenu footballistique de manière
payante, en mettant beaucoup d’argent, parce qu’elles ont un enjeu d’abonnés. Leur objectif à
travers cela étant d’attirer le public sur d’autres secteurs de service (tels que le cinéma, la télé,
etc.). Sur Internet, le modèle est tout autre. Pour autant, celui-ci permet également un accès à
l'information sportive, mais d'une manière totalement différente.
§ 2 : Internet : un enjeu en termes de visibilité des compétitions sportives
Il faut s'intéresser ici aux deux grandes plateformes d'hébergements de vidéo que sont
YouTube et Dailymotion. Ces deux sites permettent à leurs utilisateurs d'envoyer, de
visualiser et de partager des séquences vidéo. Ici, il existe de très bonnes initiatives. Les sites
web d'hébergement de vidéo vont ainsi permettre d'une part de mettre en valeur des
évènements sportifs d'importance mineure (A), et d'autre part de valoriser certains éléments
de l'évènement sportif d'importance plus conséquente, et dont les détenteurs de droit ne se
préoccupaient pas forcement avant le développement de l'Internet. Ce dernier élément
évidemment ne rapportera pas autant que la vente centralisée (moins de 1% du chiffre
1
Comm. CE, déc. 2003/778/CE, 23 juill. 2003 : Journal Officiel de l'union européenne 8 Novembre 2003
27
d'affaires des sociétés sportives1), mais a également son importance en termes de visibilité
(B).
A) La mise en valeur d'évènements « mineurs », le début d'une mécanique
profitable à tous les acteurs
Ces évènements d'importance mineure, ce sont toutes les compétitions qui ne trouvent
de public suffisamment conséquent pour être pleinement diffusées à la télévision, soit parce
que le niveau n'est pas assez élevé pour intéresser le public, soit parce qu'il s'agit de sports qui
ne sont pas très populaires en France (ce qui n'est pas le cas du football ou du rugby par
exemple). Il faut noter qu'il existe également des événements sportifs d'importance majeure,
c'est-à-dire des évènements qui présentent une grande importance pour le public, et dont le
régime juridique est fixé aux articles L. 333-6 et suivants du Code du sport. Aujourd’hui, le
décret du 22 décembre 2004 énonce une liste d’une vingtaine d’événements sportifs (par
exemple la finale de la Coupe du monde de football, ou la finale de la Coupe du monde de
rugby...) dont la diffusion doit impérativement être assurée en clair, autrement dit, sans
passage obligatoire par un canal payant2. Ils s'opposent également aux contenus sportifs pour
lesquels il faut payer la visualisation.
Ainsi, les événements dits « mineurs » ne peuvent pas être mis en valeur par le support
télévisuel, mais peuvent l'être sur Internet. En France, c'est surtout la plateforme Dailymotion
qui se démarque ici. En collaboration avec la Ligue de football professionnel depuis plusieurs
années maintenant, l'entreprise a déjà diffusé plusieurs matchs d'équipe de jeunes en 2012,
puis un match de Championnat de France de National (troisième niveau de compétition de
football en France, derrière la Ligue 1 et la Ligue 2, c'est le niveau le plus élevé auquel
peuvent participer les équipes amateurs) par journée lors de la saison 2012/2013. Certains
matchs peuvent ainsi jusqu’à cinquante mille vues, alors qu'il n'y a que deux mille spectateurs
au stade. L'intérêt saute aux yeux pour les dirigeants de clubs. En outre, Dailymotion est
également régulièrement à l'affût de contenus sportifs que les détenteurs de droit n'arriveraient
pas à vendre à des chaînes de télévision. En effet, lorsque la Ligue ne parvient pas à
commercialiser certains droits audiovisuels, ou lorsque certains de ces droits demeurent
1
Entretien avec M. Bruno Belgodère
Décret n°2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication
2
28
inexploités, les sociétés sportives retrouvent la faculté de les commercialiser elles-mêmes. La
ligue et les sociétés fixent les modalités de la commercialisation de ces droits dans le respect
du droit de la concurrence1. C'est ainsi que le match entre le Stade Rennais et l'Etoile Rouge
de Belgrade (Serbie) fut le premier match officiel d’un club français retransmis par
Dailymotion, en août 2011. La capacité à proposer un dispositif touchant 600 000 personnes
en moins de deux heures a fait de cet événement l'une des meilleures opérations menées par
l'entreprise dans le domaine du sport en live jusqu'à présent2.
«
Un partenariat très audacieux est également développé avec le Red Star, équipe de
football mythique du championnat de national. Il s'agit d'une tentative de médiatisation
originale, à travers la mise en place de plusieurs opérations spéciales à destination des
internautes pour leur permettre de découvrir de l'intérieur la vie d'un club, le début d'un
« football 2.0 » selon les membres de cette aventure. L'objectif est de mener avec ce club une
aventure audiovisuelle pour que les internautes puissent s'identifier à la vie d'un club, à travers
ses difficultés, ses entraînements, ses joueurs, ses matchs, ses supporters, son environnement
social, etc. Une des opérations menées dans ce cadre est par exemple de faire participer les
supporters internautes en leur demandant de filmer les matchs à leur façon, subjective, d'en
faire des montages autour d'une thématique, afin d'essayer de faire naître une communauté
audiovisuelle et numérique. Cette expérience est très révélatrice de la stratégie de la marque
Dailymotion, qui espère devenir à terme un acteur phare du sport sur Internet3.
L'effet « boule de neige » que peut entraîner la médiatisation de tels événements, et la
perspective de travailler sur une économie d'ensemble sont évidents. Dès lors qu'un sport
quelconque, auparavant indisponible au visionnage, est diffusé, et que quelques milliers
d'internautes le visionnent, cela ouvre des possibilités pour le site d'hébergement de vidéo
pour aller démarcher des sponsors, de la publicité, etc. Le début d'une mécanique profitable à
tout le monde, aux fédérations, aux clubs, aux fans et supporters, et au site web bien entendu.
La marge de progression est très importante, le nombre de personnes que de tels évènements
peuvent intéresser ne pouvant pas être calculé à l'avance, car ce sont des niches, qui peuvent
se révéler conséquentes. Cependant, la partie importante du travail pour enclencher cette
1
Gérald Simon, Droit du sport, Thémis droit, 2012, p. 370
http://www.football-mag.fr/Interviews/Article/Dailymotion-cherche-des-cibles-abordables-24961 Consulté le
09/06/2013
3
http://besocialweb.wordpress.com/2013/01/12/nous-sommes-au-debut-dun-football-2-0-dailymotion Consulté
le 09/06/2013
2
29
mécanique consiste pour Dailymotion à convaincre des ayants droit habitués au standard
traditionnel de la télévision, et qui ne connaissent pas le monde de l'Internet .
»
Or, les ayants droit ont tout intérêt à tenter l'expérience. Une illustration de deux
situations en droit comparé se révèle saisissante de ce point de vue, dans le domaine du
handball. En France, la Ligue Nationale de Handball a cédé en juin 2011 tous les droits
d'exploitation audiovisuelle à Canal+, détenteur exclusif des compétitions, pour le montant
d'un million d'euros. Au total, un match par journée est diffusé, avec des audiences moyennes,
et surtout une perte de visibilité pour tous les autres clubs et pour leurs sponsors. À l'inverse,
en Allemagne, le modèle se révèle beaucoup plus intéressant, puisque deux matchs de la
Bundesliga de handball sont cédés aux chaînes de télévision, et le reste est produit est diffusé
par la Ligue sur Internet. Ce sont ces techniques de diffusion en live qui se révèlent très
attrayantes pour de nombreuses disciplines sportives pour lesquelles l'intérêt des chaînes de
télévision n'est à priori pas immédiat. Or, pour de nombreux sports, appréciés, mais un peu
méconnus du grand public, une telle solution peut permettre aux fédérations de gagner de
nouveaux fans et de tirer des revenus publicitaires (par exemple, via un système
d'abonnement), sans que l'effort technique ne soit insurmontable.
Mais les bénéfices de l'Internet pour les manifestations sportives ne s'arrêtent pas la.
En effet, la diffusion sur le support de brefs extraits d'évènements sportifs plus importants
permet d'améliorer et d'élargir le droit à l'information sportive.
B) La diffusion de brefs extraits d'évènements de plus grande importance et le
droit à l'information sportive
La propriété des droits audiovisuels trouve une limite dans la liberté d'information. Il
est donc nécessaire de rappeler l'essence de ce droit du public à l'information. Celui-ci est
«
souvent présenté comme une liberté fondamentale ayant sa source dans l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que : « La libre communication
des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme ; tout Citoyen peut
donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas
déterminés par la Loi ». Cet article, qui consacre la liberté d'expression, la liberté d'opinion et
le droit d'informer, est repris en des dispositions comparables dans la Déclaration universelle
des droits de l'homme (article 19) et la Convention européenne des droits de l'homme (article
30
10). Selon la doctrine, le droit du public à l'information serait « lié à la notion de la liberté
d'information »1. Ainsi, le droit du public à l'information, que l'on pourrait définir comme le «
droit pour le public d'être tenu au courant de l'actualité »2, serait le prolongement naturel de
ces libertés. Ce droit à l'information, principe essentiel du droit de la communication, possède
plusieurs domaines d'application. Aujourd'hui, la principale consécration légale du droit à
l'information concerne le domaine de l'information sportive.
»
Ainsi, le droit d'exploitation des manifestations sportives n'est pas un droit général et
absolu, mais il est limité notamment par le droit du public à l'information sportive. Or, ce
droit à l'information sportive ne peut pas se restreindre à la simple communication du résultat
sportif3. D'une manière générale, il existe deux manières d'accéder à des événements sportifs
par voie audiovisuelle : soit la retransmission des événements sportifs a lieu en direct, soit la
diffusion d'extrait à l'issue de la compétition. C'est de ce second cas dont il s'agit ici, et pour
pallier à d'éventuels conflits, il a été nécessaire de statuer en la matière. En effet, les chaînes
détentrices des droits d'exploitation ne voulaient pas que de trop longs extraits soient repris
sur les autres chaînes. Le droit à l'information sportive va peu à peu être codifié et soumis à
ses propres règles. En 1989, l'une des premières décisions rendues dans le domaine de
l'information sportive le fut, non pas sur la base de l'un de ces principes constitutionnels, mais
sur celui du droit de citation4. Ce droit, qui est défini et très strictement encadré par le code de
la propriété intellectuelle, instaure une exception au monopole d'exploitation des titulaires de
droits d'auteur et de droits voisins. Ces derniers ne peuvent interdire « les courtes citations
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de
l'œuvre à laquelle ils sont incorporés ». Ce sont les prémices du droit du public à l'information
sportive5.
Initialement, le Code du sport prévoyait que le détenteur d’un droit de diffusion d’une
manifestation sportive ne peut s’opposer à la diffusion d’extraits au regard du droit à
l’information sur les chaînes hertziennes ou les services de communication au public en ligne
(plateforme, etc.), article L.333-7 du Code du sport. Cet article chargeait le gouvernement
après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de fixer les conditions d'application de
1
Jean-Marie Auby et Robert Ducos-Ader, « Droit de l'information », Précis Dalloz, 1982
J. Rivero, Les libertés publiques, PUF, 1977
3
Françoise Papa, « L’information Sportive: Une Marchandise Ou Un Droit? », Les cahiers du journalisme n°11
Décembre 2002, p. 116
4
Paris, 15 juin 1989, Légipresse, n° 71
5
Jean-Philippe Feldman, Le « droit à l'information sportive » : un juste équilibre sur le point d'être rompu,
Recueil Dalloz 2013 p. 34
2
31
cette diffusion. Le problème, c'est que ce décret d’application n’a jamais vu le jour (sauf au
stade de projet) et que devant les tribunaux les conflits se multipliaient entre les
professionnels du secteur pour savoir quand termine l’extrait et où débute la contrefaçon (qui
désigne toute atteinte ou tout usage non autorisé d'un bien intellectuel)1. Faute de décret en la
matière, après une concertation réalisée par le CSA en 1990, un code de bonne conduite est
signé le 22 janvier 1992, entre l'ensemble des chaînes hertziennes, le Comité national
olympique et sportif français et l'Union syndicale des journalistes sportifs français (USJSF),
afin de moraliser la lutte que se livraient les différentes chaînes en vue d'acquérir l'exclusivité
des droits de retransmission des évènements2. Ce code donnera naissance à des règles
communes sous forme de principes (et notamment celui selon lequel les extraits sont
gratuitement et librement choisis par le non-détenteur de droits aux fins de diffusion dans des
émissions d'information, sous réserve d'une identification à l'écran du titulaire des droits.
Néanmoins, ce code de bonne conduite, non engageant, a été mis à mal par l'arrivée de
nouveaux acteurs, en particulier les chaînes d'information continue sur la TNT et les sites
Internet, et les litiges se sont multipliés. Les différents entre les chaînes spécialisées (comme
Canal+ ou BelN Sport aujourd’hui) qui paient très cher les images sportives, et les chaînes
d’information continue (comme BFM TV, L’Équipe 21, LCI, etc.) portaient plus précisément
sur le fait que ces dernières réutilisent ces images gratuitement à leur guise, au motif
d’informer le public. Cette pratique, assimilée à de la concurrence déloyale, inquiétait aussi
les fédérations sportives et ligues professionnelles, financées en grande partie par les chaînes
sportives payantes. Catherine Morin Desaily, vice-présidente de la commission de la Culture,
a donc estimé que la meilleure solution serait de confier au CSA le pouvoir de fixer les
conditions de diffusion de ces brefs extraits. Durant les débats parlementaires, l'ex-ministre
des Sports Chantal Jouano avait notamment précisé que « confier au CSA l’édiction de règles
relatives aux conditions de diffusion des brefs extraits permettrait de trouver un juste équilibre
entre le droit à l’information et le droit d’exploitation d’une manifestation sportive. Ce sujet
implique une forte concertation, notamment avec les diffuseurs, que le CSA a déjà engagé à
ce jour ». De son côté, la Commission européenne avait émis une mise en garde sur
l’équilibre économique du secteur, par crainte que le CSA ne se montre trop accommodant
dans sa définition des « extraits sportifs », en adoptant une acception trop large de ceux-ci. Le
1
2
Nicolas Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, 2e édition, L.G.D.J, 2012, p. 847
Charles Amson, Droit du sport, Dyna'sup droit, 2010, p. 227
32
Parlement adopta finalement le 1er février 20121 une loi donnant au CSA compétence pour
fixer « les conditions de diffusion des brefs extraits prévus au présent article après
consultation du Comité national olympique et sportif français et des organisateurs de
manifestations sportives mentionnés à l'article L. 331-5 ». Puis, par une délibération du 15
janvier 2013, le Conseil a fixé les conditions d'exercice du droit de diffusion de brefs extraits
de compétitions sportives (et également d'événements autres que sportifs, mais d'un grand
intérêt pour le public) : ces extraits ne peuvent plus dépasser quatre-vingt-dix secondes, ils
doivent se borner à la journée de compétition et au sein de celle-ci, les brefs extraits ne
pourront concerner que la moitié des rencontres de Ligue 1. Les chaînes d'information se
contenteront de ne renouveler les extraits qu’une fois toutes les quatre heures. Ces extraits ne
peuvent être utilisés que dans les journaux télévisés ou les magazines sportifs
pluridisciplinaires (au moins trois disciplines différentes).
«
Surtout, est venue se glisser dans la loi de 2012 une disposition précisée dans la
délibération qui s'en est suivie, qui confie pour la première fois au CSA le pouvoir de réguler
des contenus sur Internet. Jusqu'à présent, seules les plateformes de VOD lui offraient un pied
d'entrée sur le web, lorsqu'elles publiaient les contenus de chaînes de télévision. L'article
L333-7 du code du sport impose désormais que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les
conditions de diffusion des brefs extraits » de retransmissions sportives sur tous « services de
communication au public par voie électronique ». C'est-à-dire également sur Internet, comme
le permet la large définition donnée par la LCEN du 21 juin 2004. Ainsi, les télévisions de
rattrapage (ou catch-up TV, qui permettent de revoir gratuitement un programme diffusé à la
télévision) sur Internet devront rester proches dans le temps de l’évènement et disparaître au
bout de quelques jours .
»
En définitive, si la diffusion en direct appartient principalement aux chaînes de
télévision, désormais le différé est exploité majoritairement sur Internet. Et le CSA, qui
n'avait aucun pouvoir de contrainte face aux nouveaux médias, et qui s'était donc retrouvé
sous la pression des chaînes de télévision traditionnelles, dispose donc avec la loi de février
2012 de la possibilité de fixer clairement les règles du jeu, y compris à l'encontre des sites
Internet qui n'étaient pas dans son domaine de régulation, et resserre en cela le droit à
l'information sportive.
1
Loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs
33
Une fois ce cadre juridique précisé, un événement s'est produit au début de la saison
2012-2013 du Championnat de France de football, et qui se révèle extrêmement positif pour
ce droit à l'information sportive. La Ligue de football professionnel a en effet réalisé un
accord historique concernant un lot de l’appel à candidatures des droits audiovisuels de la
Ligue 1 qui ne trouvait pas preneur (Lot VOD magazines) avec trois acteurs majeurs de
l’économie numérique, YouTube, Dailymotion, et L'Equipe.fr, pour les quatre saisons à venir,
de 2012-2013 à 2015-2016. C'est ainsi que ces trois sites Internet diffusent gratuitement sur
leurs sites, dès le dimanche soir minuit suivant les journées de championnat, tous les résumés
des matchs, les buts, les meilleurs moments et les interviews. Deux précisions s'imposent.
L'Equipe.fr est écarté de l'étude, la problématique étant différente s'agissant de ce site,
puisqu'il ne s'agit pas un portail, mais un média. En outre, Dailymotion diffusait déjà des
résumés de matchs de la Coupe de la Ligue sur sa plateforme depuis 2010.
L'intérêt de cet accord tient à l'amélioration de la notoriété et de l’image des clubs. En
étant diffusées sur des plateformes aussi populaires, les vidéos des clubs peuvent être vues par
un public bien plus large que ce qu’ils pourraient espérer (sans parler des outils de partage,
qui y sont très bien intégrés), dans un cadre très professionnel, permettant ainsi aux clubs
d’être plus visibles et de mieux valoriser leur marque et leur image. Sont ainsi mise à
disposition, au plus grand nombre, sur Internet, des images légales, contrôlées par la Ligue, et
d’excellente qualité. En outre, cela génère des revenus annexes (d'un montant très faible).
Il est important d'apporter deux remarques à cet accord. La première, c'est qu'il existe
un Règlement Intérieur Audiovisuel de la Ligue de football professionnel. Celui-ci explique
ce que peuvent faire les clubs avec leurs images par rapport au différé, et notamment que les
clubs peuvent diffuser à partir du dimanche à minuit leurs images sur leur site Internet (article
6). Il est nécessaire ici de préciser qu'on considère qu’une page club sur YouTube
actuellement n’est pas le site Internet du club. Cette précision a son importance, puisque si le
club met sur son site ses propres images du match, les revenus lui reviennent, tandis qu'avec
le système mis en place par sur YouTube et Dailymotion, les revenus reviendront à la Ligue.
D'autre part, il est également important de noter que les deux principales plateformes de vidéo
ont cherché à renforcer leur contenu sport et football, pour accompagner ces droits. En effet,
«
ces deux sites n'ont pas la même stratégie, et activent ces droits et les commercialisent de
différentes façon : alors que sur YouTube, les internautes viennent directement chercher les
images, sur la plateforme française Dailymotion, à chaque vidéo, l'internaute est mis en
34
relation avec d'autres vidéos, et c'est par ricochet que celui-ci est dirigé vers les vidéos aux
contenus de la Ligue 1.
»
Ainsi, Internet est bénéfique pour le sport, en ce qu'il est source de visibilité, pour les
grands comme pour les petits clubs, et qu'il permet de générer de manière subsidiaire des
revenus annexes. Cependant, les aspects positifs de ce vaste réseau de communication
s'arrêtent la. Ce qui intéresse le public, c'est la diffusion en live des évènements importants
comme le Championnat de France de Ligue 1. Cet événement ayant été accaparé par des
chaînes payantes, s'est développée ces dernières années une pratique de diffusion des matchs
en live sur Internet grâce au streaming illégal, véritable fléau qu'aussi bien les sociétés
sportives, les ligues et les Etats combattent.
Section 2 : Les conséquences : le développement du piratage
Le streaming s'est développé parce qu'aucun sport populaire de haut niveau n'était
diffusé gratuitement sur Internet, et que la diffusion en streaming est techniquement assez
simple à mettre en place (§ 1). Ce développement ne peut pas être empêché, ni par les textes,
ni par les tribunaux (§ 2).
§ 1 : États des lieux du streaming sportif sur Internet
Les différences du système de rentabilité entre le monde de la télévision et Internet
expliquent pourquoi il paraît aujourd'hui à priori impossible que les ligues passent directement
par des sites Internet pour diffuser leurs matchs en direct (A). Mais des matchs sont quand
même diffusés en live, de manière illégale cependant, sur Internet, au moyen du streaming
illégal, dont il convient d'analyser les aspects techniques (B).
A) De la difficulté d'intégrer du live sportif payant directement sur Internet
On pourrait donc se demander si, au lieu de passer par des télévisions payantes (telles
que Canal+ ou BeIN Sport) le détenteur de droit, ici la Ligue de football professionnel, ne
pourrait pas passer directement par des sites Internet d'hébergement de vidéo pour
35
retransmettre les compétitions en direct ? La question revient à s’interroger sur la possibilité
d'intégrer du live, payant, dans le monde de l'Internet et du gratuit. Cela serait profitable
économiquement pour les deux parties, dans un contexte qui plus est où YouTube notamment
va être amené à développer de plus en plus ses chaînes payantes dans le futur.
La question n'est pas totalement dénuée de sens. En effet, 68% d’adultes déclarent
aujourd’hui en France suivre au moins un sport, soit approximativement 32 millions de
personnes. Si la télévision est toujours le support favori des français pour ce faire, dorénavant
49% des français se servent d’Internet, qui est devenu le 2e support le plus utilisé pour
consommer du contenu sportif1. D’années en année Internet est de plus en plus utilisé, et ce
quelque soit le support, ordinateur, tablette, mobile. Ainsi, bien que la télévision reste le
média grand public le plus utilisé, pour partie par certaines catégories de la population peu
adepte aux usages de l’Internet (ménagères, enfants, personnes âgées...), Internet est le média
qui progresse le plus, aussi bien pour ce qui est de son nombre d’utilisateurs que du temps que
ceux-ci lui consacrent (selon les études les plus récentes, 67% des français naviguent sur
Internet pendant leur temps libre)2.
Cependant, deux éléments démontrent qu'il est très difficile de mettre en place une
diffusion en live de sportifs de haut niveau pour le moment. Tout d'abord, il semble important
de préciser qu'Internet est un média qui n’est pour l’instant pas encore accessible à l’entière
population. Malgré la démocratisation de celui-ci opérée par le déploiement des smartphones,
on peut aussi émettre quelques doutes quant à l’aisance que ceux-ci procurent lorsqu’il s’agit
de la consommation de contenus audiovisuels, et en particulier s’agissant de contenus
audiovisuels sportifs. Mais surtout, la rentabilité n'est pas du tout la même s'agissant du
monde de l'Internet que dans le monde de la télévision. Sur Internet, elle repose sur un
système appelé CPM, pour « Coût par mille impressions », qui est l'unité qui sert à mesurer le
coût d'achat d'un espace publicitaire sur un site Internet. De manière plus précise, le CPM
mesure le coût d'achat d'espace publicitaire dans un site web, calculé par tranche de mille
impressions ou pages vues, c'est-à-dire en fonction du nombre de fois qu'un bandeau, ou autre
élément publicitaire, est affiché. Cet indicateur permet ainsi d'évaluer et de comparer les tarifs
publicitaires des différents sites en fonction du nombre de pages avec publicité vues. Il
correspond également au fait que sauf exception, les volumes d’affichages des campagnes
sont précisément choisis par l’annonceur. En effet, une création publicitaire s’affiche
1
2
Audencia Nantes, KantarSport et Kurt Salmon, « Le Temps Libre Des Français Dédié Au Sport », p. 5
TNS Sofres, « Les Loisirs Des Français » http://www.actualitte.com, février 2013
36
dynamiquement sur les différentes pages supports utilisées sans que la même annonce
apparaisse à chaque fois et une campagne peut être théoriquement délivrée à un affichage près
par le serveur publicitaire utilisé. Il s'agit ici d'un sujet très vaste, puisque toutes les publicités
n’ont pas la même valeur, toutes les publicités n’ont pas la même valeur selon les pays, et tous
les pays n’ont pas la même vision de la publicité1.
Ainsi, sur Internet la rentabilité repose sur un modèle fondé sur le nombre de vues et le
nombre de clics. Or, le système de la vente centralisée dans le monde de la télévision génère
pour les acteurs du football énormément d'argent, les droits payés sont tellement importants
qu'un modèle économique viable reposant sur le système du CPM imposerait des achats
beaucoup trop conséquents pour se révéler intéressant. Le modèle économique de la vidéo sur
Internet ne permet actuellement pas de construire des modèles économiques comparables à
ceux qui existent en télévision, de sorte qu'aujourd'hui, la diffusion de matchs sur Internet de
matchs résulte plus de « coups » que d'une stratégie globale. C'est ainsi que la diffusion des
matchs de qualification de l'équipe nationale anglaise en 2009 pour la Coupe du monde de
2010 fut cédée à un site web spécifique plutôt qu'à une chaîne de télévision (avec une offre à
5 livres le match). C'est la première fois que des matchs de football de haut niveau étaient
disponibles officiellement et exclusivement en ligne. Mais ces initiatives sont très rares, il faut
payer un abonnement pour voir des compétitions sportives de haut niveau à la télévision, et de
fait, ces compétitions sont très souvent piratées de manière à être retransmise de manière
illégale sur Internet avec le streaming illégal.
B) Le streaming illégal : aspects techniques
Le sport, et plus particulièrement le football, est l’un des « produits » audiovisuels les
plus piratés du Web. L’accès à ces contenus uniquement via des chaînes payantes n’y est donc
pas étranger. Même s'il existe le principe est la liberté de communication au public par voie
électronique, la diffusion d'un événement sportif sur Internet n'est pas libre, elle nécessite
d'obtenir l'autorisation préalable de son organisateur, au risque de violer son droit d'auteur.
Or, cette diffusion en live d'évènements sportifs, et surtout de compétitions de football, est
réalisée sans l'autorisation du détenteur des droits d'exploitation. Il faut bien mesurer l'impact
que ces pratiques ont pour les détenteurs de droit. Si le piratage du différé est effectivement
1
Annexe 1
37
nuisible pour ceux-ci (par exemple lorsqu'un internaute poste la vidéo d'un but sur une
plateforme de diffusion de vidéo juste après que l'action ne se soit produite), rien n'est plus
agressif pour les détenteurs de droit que le piratage du live, qui touche à l'essence même du
sport. Or, ce phénomène a pris une ampleur considérable ces dernières années. Il suffit de
taper le nom des deux équipes qui s'affrontent peu avant l'heure du match sur un moteur de
recherche pour obtenir une multitude de liens conduisant à sa retransmission en streaming.
Le streaming, ou « diffusion en flux » en anglais, est une méthode de diffusion de
contenus qui permet la lecture de données multimédias, chargées en direct sur l'ordinateur,
grâce à une connexion Internet, sans les télécharger au préalable. Ainsi, avec le streaming, il
est possible de regarder une vidéo sur une page Internet, ou d'écouter une chanson, sans
disposer de l'intégralité des fichiers, et ce, en live. Le streaming live permet de diffuser un
contenu provenant d'une source émise en direct. Pour ce faire, le serveur encode en
permanence les données vidéo dans le but de les expédier aux visiteurs du site (il existe de
très nombreux logiciels pour effectuer cet encodage). À chaque connexion, c'est seulement un
nouveau signal, identique aux autres, qui est expédié directement vers l'ordinateur local1.
On distingue ensuite deux catégories de streaming. Tout d'abord le streaming légal.
Les sites qui ont acheté les droits d'auteur sont libres d'en diffuser les contenus sur Internet.
C'est le cas de la majorité des plateformes de VOD. Il existe des sites Internet de streaming de
football légaux et gratuits, comme YouTube ou Dailymotion, qui comme vu précédemment
mettent en ligne les résumés de la Ligue 1. D'autres sites Internet permettent de regarder en
rediffusion des matches (exemples ; TF1.fr, Pluzz...), ou des émissions sportives (exemple :
Téléfoot). La diffusion des images est ici différée, une fois le match terminé. Or, toute la
valeur du sport repose sur le live, c'est ce qui fait tout le charme de la compétition sportive.
Aujourd'hui, la plupart des sites de paris sportifs ont fait l'acquisition de droits audiovisuels
permettant de voir de nombreux matchs en Europe et dans le reste du monde de manière
légale. Cependant, la très grande majorité des sites proposant la retransmission de
compétitions de football sont illégaux : ils ne disposent en aucun droit des droits d'auteur, et
n'ont encore moins d'autorisation de diffusion. On parle alors de « piratage intellectuel », au
même titre que le téléchargement en peer-to-peer (P2P)2. Dans les deux cas, le visionnage du
contenu streaming peut être gratuit ou payant.
1
Françoise Houste, Pierre-Emmanul Muller, Streaming, Micro Application, Mars 2005, p. 15
2
http://www.chronofoot.com/streaming/match-en-direct-le-streaming-football-est-il-legal_art36015.html
38
Il faut bien mettre en avant la double particularité de ces sites de streaming illégal :
«
d'une part, aucun serveur destiné au stockage n'est requis, puisque les évènements sont
retransmis en direct, ou au moins selon la diffusion par les chaînes de télévision. De plus, ces
sites ne se font que le relai ou l'agrégateur de liens renvoyant vers les streaming sportifs. Ces
derniers sont diffusés sur Internet via des sites destinés, dans un premier temps, à la diffusion
de podcast d'internautes, de parties de jeux vidéo ou autre, mais en direct (à la différence de
plateformes d'hébergement de vidéo telles que YouTube ou Dailymotion). Dès lors, cela crée
une certaine volatilité dans l'activité illégale, puisque le streaming de l'évènement sportif ne
dure quelques heures au plus, avant de disparaître.
»
Néanmoins, il ne faut pas faire preuve d'hypocrisie envers le streaming illégal. S'il
s'agit bien d'un aspect négatif de l'Internet pour le sport, celui-ci affecte particulièrement les
droits d'exploitation des compétitions sportives, cela concerne donc le détenteur de droits. Du
côté des internautes, rares sont les fans de football à ne s'être jamais connecté à ce genre de
sites afin de pouvoir suivre un match de leur équipe favorite, en particulier lors d'un voyage à
l'étranger. La diffusion de matchs de football en direct et gratuitement sur Internet constitue
également un énorme avantage pour les amateurs de football qui n'ont pas un budget
suffisamment conséquent pour se permettre d'y consacrer une partie à l'abonnement à une
chaîne payante. Enfin, il est possible de nos jours avec le streaming de regarder tous les
matchs de football de la planète en direct. Par ailleurs, certaines chaines, comme Canal+,
proposent bien sur leur streaming sportif, mais seulement pour leurs abonnés. Les chaînes
publiques sont disponibles sur Internet, mais proposent un faible contenu sportif. Les clubs et
organismes proposent des rediffusions ; or, le consommateur est demandeur de direct. L’accès
à une offre légale convenable n’existe pas pour le moment.
C'est ce qui explique le succès des plateformes de streaming illégal sportif. Il suffit de
se rendre sur le site d'Alexa, un institut spécialisé dans la mesure du trafic d’audience des sites
Internet, pour s'en rendre compte1. Dans ses analyses apparaissent très clairement des pics
d'audience sur les principales plateformes actuelles de streaming illégal (la plus connue a
longtemps été « Justin TV », mais il en existe aujourd'hui beaucoup plus, telles que
« firstrowsports », « rojadirecta » ou encore « myP2P », pour ne citer qu'elles), certaines
d'entre elles arrivant à capter plus de 0.02% du trafic mondial sur Internet certains soirs de
matchs. Lorsque l'on prend l'exemple de « Rojadirecta », qui permet de voir des compétitions
Consulté le 09/06/2013
http://www.alexa.com/ Consulté le 09/06/2013
1
39
de football, de basketball, de tennis, de hockey ou encore de football américain, on se rend
compte que le site est à ce jour le 2300e site le plus visité au monde et fait partie des cent
premiers sites en Amérique du Sud. Il sera intéressant de revenir plus loin dans les
développements sur l'exemple de ce site en particulier, tant les précédents juridiques
concernant ce site ont défrayé la chronique.
Malgré tout, il est nécessaire de se souvenir que le plus important dans le sport, et en
particulier dans le « football business » d'aujourd'hui, c'est la notion de revenu. Dès lors, le
piratage d’une des principales sources de financement apparaît comme quelque chose
d'insupportable pour la Ligue. En effet, l'exclusivité des droits cédés aux chaînes de télévision
est affaiblie puisque les matchs ne sont plus disponibles nulle part ailleurs, mais sont diffusés
sur Internet, ce qui est susceptible de mettre en péril les revenus tirés de la future vente de
droits de diffusion. Cet argent est ensuite redistribué aux clubs professionnels. Les revenus
que retire l'organisateur des droits d'exploitation audiovisuelle de son événement sont
indispensables au fonctionnement de celui-ci. C'est la ou le bât blesse. Il faut noter malgré
tout que, à l'inverse des industries de la musique et du cinéma, les diffuseurs de sport se font
discrets sur les conséquences financières du streaming illégal, et refusent de s'exprimer sur le
sujet. Quels sont dès lors les recours dont la Ligue dispose, et les risques encourus pour les
diffuseurs ?
§ 2 : La difficile condamnation du streaming illégal
Si les textes existent, ceux-ci se révèlent bien impuissants (A), au moins autant que les
tribunaux, puisque, dès lors que ceux-ci arrivent à faire condamner et fermer un site de
streaming illégal, un autre ouvre : c'est ce pullulement de sites illégaux qui fait que le
streaming illégal est impossible à combattre (B).
A) Les textes existants
Pour l'éditeur du site, la mise en ligne de l'évènement sans l'autorisation de
l'organisateur constitue toujours une faute, peu importe le mode de diffusion offert à
l'internaute (que ce soit du streaming ou du téléchargement). S'agissant de l'internaute,
certains estiment que l'absence de téléchargement empêcherait la condamnation du streaming
40
par la loi française. L'article L. 216-1 du Code de la propriété intellectuelle traite pour
l'entreprise de communication audiovisuelle de « la reproduction de ses programmes, ainsi
que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur
communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d'un droit
d'entrée ». On considère généralement que la fixation de l'œuvre sur un support se situe dans
le giron de cette reproduction. Ensuite, l’article L.122-3 du Code de la Propriété Intellectuelle
pose le principe selon lequel « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre
par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle
peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout
procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou
magnétique (…) ».
«
Toutefois, le flux continu se caractérise principalement par le fait que le fichier diffusé
sur le site source n’est en principe pas stocké définitivement sur le disque dur de l’ordinateur
du destinataire, mais seulement de façon temporaire dans la mémoire vive de son ordinateur.
Par conséquent, le droit de reproduction semble alors devoir être écarté des moyens de
protection envisageables d’un auteur contre la mise en ligne de son œuvre sur un site de
lecture directe, la reproduction temporaire dans la mémoire vive d’un ordinateur répondant
aux exceptions au droit de reproduction prévues par l’article L.122-5 du Code de Propriété
Intellectuelle, qui dispose que « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :
(…) 6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle
est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de
permettre l'utilisation licite de l’œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau
faisant appel à un intermédiaire; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que
sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données ne doit pas avoir de valeur
économique propre. Toutefois, l’œuvre est reproduite sur le serveur du fournisseur de service
et, à ce titre, une autorisation de l’auteur doit être obtenue ». Comme il n'y a pas de décisions
judiciaires sur la question du stockage temporaire des données, la situation juridique des flux
d'événements sportifs en direct demeure incertaine. Mais ce débat perd de son intérêt dès lors
que le droit d'exploitation de l'organisateur comprend aussi le droit de représentation, qui
consiste notamment dans « la communication de l'évènement au public par un procédé
quelconque », selon l'article L. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle .
»
41
Le streaming n'est donc pas illicite en soi, mais il le devient en considération des
conditions propres qui sont les siennes, lorsqu'il est le fait, soit de plateformes qui offrent la
possibilité de visionner des compétitions sportives sans autorisation, soit dès lors que le
contenu est partagé illégalement. Ainsi, le streaming non autorisé est incontestablement illégal
en droit français1. À ce titre, l'internaute peut donc engager sa responsabilité. Néanmoins, la
Ligue de football professionnel ne peut, en l'état de la législation, que se tourner vers les
juridictions civiles pour demander pour demander la réparation de l'atteinte à ses droits. En
effet, la diffusion non autorisée de l'évènement ne constitue pas le délit pénal de contrefaçon
tel que défini à l'article L. 124-4 du Code civil, et l'organisateur ne peut pas bénéficier de la
méthode de la riposte graduée de l'Hadopi. Ce délit de contrefaçon n'est applicable qu'au
propriétaire d'un bien intellectuel, c'est-à-dire qu'il n'est applicable que pour les œuvres et
objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin. S'agissant des droits voisins,
seul est protégé le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, mais pas le producteur
d'évènement sportif, en l'occurrence l'organisateur ; comme vu dans l'introduction, ces
derniers ne rentrent pas dans la catégorie des droits voisins. Néanmoins, la législation
française contient des dispositions susceptibles de sanctionner la piraterie en ligne. C'est-ce
que soulignait, et ce dès 2007, le rapport demandé par la ministre de la Culture à Denis
Olivennes sur « Le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux
réseaux ». Mais ces dispositions sont bien insuffisantes.
D'un coté, le délit de contrefaçon est présent dans le Code de la propriété intellectuelle,
l'article L. 335-2 dispose que « Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de
peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris
des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute
contrefaçon est un délit », punie selon l'article L. 335-4 de ce même code d'une peine
maximum de trois ans d'emprisonnement et 300.000 € d'amende. De manière plus précise, a
mise à disposition du public « sciemment et sous quelque forme que ce soit d'un logiciel
manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'œuvres ou d'objets
protégés » est sanctionnée par l'article L. 355-2-1 du CPI. De l'autre coté, la loi du LCEN de
2004 contient une solution préventive et prévoit un régime de responsabilité bien établi :
l'article 6-1-8 autorise l'autorité judiciaire, sur requête des ayants droit, à prescrire en référé
aux prestataires d'hébergement ou aux fournisseurs d'accès « toutes mesures propres à faire
1
Fabrice Lorvo, « Internet, la diffusion des évènements sportifs et le droit français », Sport Stratégies, n°295,
avril 2012
42
cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication en ligne ».
L'article 6-1-2 dispose que « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre
gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en
ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature
fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile
engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de
ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de
faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu
cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès
impossible ». Il est complété par l'article 6-1-3, qui précise que « Les personnes visées au 2 ne
peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la
demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de
l'activité ou de l'information illicite ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles
ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible ». Ainsi,
ces deux articles permettent d'engager la responsabilité des prestataires techniques dans
l'hypothèse où ceux-ci auraient eu connaissance des faits illicites.
Cette procédure de notification de contenu illicite sur Internet dans la LCEN est très
largement inspirée de la procédure de « Notice and Take down » introduite aux États-Unis par
le Digital Millennium Copyright Act (limité aux contenus violents de droits d'auteurs aux
USA), et répond aux exigences de transposition de la directive européenne du 8 juin 20001. Le
Conseil constitutionnel, lorsqu'il a validé l’introduction de cette procédure dans la législation
française, a précisé que l’hébergeur conserve un pouvoir d’appréciation : « ces dispositions ne
sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une
information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un
tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge »2. La notion d’information
manifestement illicite n’est néanmoins pas précisément définie.
Les textes permettant à priori de sanctionner les pirates du numérique existent donc.
On pourrait ainsi penser que les diffuseurs d'événements sportifs ont la possibilité de faire
cesser ce phénomène et d'obtenir des compensations financières lorsque leurs droits ont été
1
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques
des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («
directive sur le commerce électronique »)
2
Décision du Conseil Constitutionnel du 10 juin 2004, n° 2004-496, JO 22 juin 2004
43
violés. Mais plusieurs limites, s’agissant du domaine du sport en particulier, font apparaître en
réalité la législation comme étant bien peu efficace, et les tribunaux comme étant désarmés.
B) Des textes impuissants, une jurisprudence floue et partagée
Comme le souligne Mathieu Brisse, consultant en affaires publiques européennes,
dans un article de 2008, la limite fondamentale tient à ce qui fait toute la spécificité du sport,
c'est-à-dire au caractère live des évènements sportifs1. Le fait que le dispositif en vigueur n'ait
été, jusqu'ici, que très peu appliqué en rapport à la masse des infractions, ou réservé à des cas
particuliers d'atteinte à des droits fondamentaux (sites négationnistes ou pornographiques)2 ou
d'atteinte à des biens culturels (films) par d'importants hébergeurs Internet3 le démontre bien.
En outre, si l'idée la plus simple paraît être de s'attaquer directement aux pirates, la détection
de ces pirates semble peu évidente, d'une part étant donné que ceux-ci sont bien souvent
établis à l'étranger, et d'autre part parce que ceux-ci ne passent pas toujours par l'intermédiaire
d'un grand fournisseur d'accès. On le voit, l'arsenal législatif en vigueur, que ce soit au niveau
national, européen ou international, est bien impuissant.
Du côté des tribunaux, la jurisprudence est floue et partagée. En France, il y a bien eu
une affaire. Une condamnation en justice d'un site, « Soccer.fr », qui diffusait des images de
Ligue 1 a été rendue le 30 juin 2009. Après avoir procédé à la procédure de notification de
contenu illicite comme le prévoit la LCEN, la ligue s'est retrouvée face à une personne
récalcitrante, ayant refusé de retirer le contenu. Il est important de préciser qu'en 2007, la
jurisprudence française a reconnu la difficulté pour les gestionnaires de forum de contrôler les
contenus postés par les internautes en assimilant les gestionnaires de forums modérés a
posteriori ou non modérés (dans un forum non modéré, le logiciel serveur d'informations rend
les données consultables aussitôt après qu'elles ont été postées. Ensuite, les messages sont
recopiés sur les autres serveurs par les mécanismes standards de propagation) à des
hébergeurs au sens de la LCEN et en écartant par la suite leur responsabilité. Ici, la personne
mise en cause avait été attaquée sur la double casquette hébergeur / éditeur, celui-ci
1
Mathieu Brisse, « Retransmission sportive et piratage en ligne : la nécessaire évolution du droit », Gazette du
Palais, 21 octobre 2008 n° 295, p. 64
2
Trib. gr. inst. Paris, 27 février 2006, Afflelou c/ Google, ou Cass. 1re civ., 19 juin 2008, AFA et autres c/ UEJF
et autres.
3
Trib. gr. inst. Paris, 13 juillet 2007, Christian C., Nord Ouest Production c/ Dailymotion, UGC Images, no
07/05198 ; Trib. com. Paris, 20 février 2008, Flach Film et autres c/ Google France, Google Inc, no 2006080166
44
hébergeant sur son blog des forums dans lesquels des liens vers la diffusion de match en
streaming illégal apparaissaient, mais il apparaissait également comme un membre actif du
forum. Le tribunal a donc interdit à « Soccers.fr » « de mettre en ligne (...) tout contenu
(messages, liens hypertextes ou autres) permettant de visionner et/ou télécharger des images
des matches de Ligue 1, Ligue 2, Coupe de la Ligue ». Le jugement souligne que l'hébergeur
du site savait ce qu'il faisait, disposant d'une « parfaite connaissance des faits et activités
précisément signalés comme illicites » 1.
Cet épisode, important, de la guerre des images sportives, se solde ainsi par une
«
victoire des détenteurs de droits, mais la guerre est loin d’être gagnée. Le fait que la Ligue se
soit ensuite rapprochée des grandes plateformes de partage d'images pour négocier les images
en différé de la Ligue 1 n'a pas pour autant fait reculer le streaming illégal. « Soccers.fr » n'est
qu'une goutte dans l'océan. Et très clairement, le problème en la matière provient de la
prolifération des sites illégaux : dès lors qu'un de streaming illégal ferme, un autre ouvre à
côté. Un très bon exemple de ce phénomène, particulièrement agaçant pour les détenteurs de
droits, existe s'agissant d'un puissant site espagnol étudié précédemment, et ici les réponses
apportées ont été des plus inattendues. « Rojadirecta », appartient à la société espagnole
Puerto 80 Projects. Ce site, très célèbre, n’héberge pas de flux ni de fichiers piratés, mais il
offre simplement un service consistant à indexer en temps réel des liens HTTP menant vers
des contenus en streaming, des liens P2P ou vers des services d’hébergement. En Espagne,
Rojadirecta avait également fait l'objet de poursuites judiciaires. Le site, qui a commencé son
activité en 2005, était poursuivi dés 2007 par la société de vente de droits sportifs Audiovisual
Sports. Cependant, par deux fois, en première instance et en appel, la licéité du site avait été
reconnue par les juges ibériques. Ceux-ci estiment en effet que seul celui qui héberge le
fichier ou le flux est responsable, pas celui qui crée un lien permettant d'y accéder. Ils refusent
ainsi d'appliquer les critères d'une jurisprudence quasiment internationale, qui ne condamne
pas seulement la contrefaçon en soi, mais aussi les agissements qui visent ostensiblement à
faciliter le piratage. Il faut noter que l'Espagne est considérée comme l'un des pays les plus
souples en matière de lutte anti-piratage, et avait par exemple plusieurs fois jugé que le P2P
était légal, aussi bien pour les utilisateurs que pour les éditeurs de sites de liens.
»
Le problème du streaming illégal n'ayant pas de frontières, ce même cas a été traité
quelque temps plus tard sur le continent Nord-américain. En effet, Rojadirecta a fait face à un
1
Annexe 2
45
conflit qui l'opposait à l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), une agence fédérale de
police aux frontières des États-Unis chargée par le biais de son département Homeland
Security Investigations (HSI) de vérifier si un site est associé ou non à la piraterie ou à la
contrefaçon. Cette agence dispose même d’agents spéciaux et d’une hotline. En 2011, à
quelques heures de la diffusion de la finale du Super Bowl américain (la finale du
championnat de football américain, événement sportif le plus regardé aux États-Unis), dans le
cadre de l'opération baptisée « In Our Sites », les autorités américaines ont saisi plus de deux
cents noms de domaine pour des violations de propriété intellectuelle. Dans cet assortiment de
sites découvert figure les sites « Rojadirecta.com » et « Rojadirecta.org », et rapidement l’ICE
bloque l’accès au site en affichant sa fameuse bannière, gommant les décisions espagnoles
rendues quelque temps plus tôt en la matière les États-Unis imposaient à la planète leur
lecture du copyright. En attendant, les utilisateurs clairvoyants du site Rojadirecta, dont
l'hébergement est assuré par une société située hors des États-Unis, pouvaient toujours se
rendre sur les nouvelles extensions « .in », « .es » et « .me » du site espagnol. Ceux-là n’étant
pas administrés par des entreprises américaines, l’ICE n’avait aucun pouvoir.
Puerto 80 Projects était l’une des rares entreprises visées par l'opération « In Our
Sites » à avoir contesté sa dépossession devant les tribunaux. En justice, l’agence fédérale
américaine basait son argumentation sur les profits que le Président-directeur général du site
avait pu engranger grâce aux revenus publicitaires. Mais cette position a été mise à mal par
«
l’absence de preuve. Rojadirecta a remporté la bataille judiciaire en avançant principalement
que la législation relative à la piraterie et la contrefaçon ne couvrait que la mise en relation
directe et non pas indirecte. Toutefois, il faut souligner que cela fait partie de la stratégie de
l'ICE : censurer un site, le supprimer pendant plusieurs mois, puis restituer le domaine en cas
d'erreur. Ce conflit était également l'occasion pour les responsables de Rojadirecta de
dénoncer l'emprise qu'ont les autorités américaines sur les noms de domaine génériques. Pour
eux, il n'y a aucune raison légitime permettant à la vision américaine du droit d'auteur de
surclasser celle d'un autre pays comme l'Espagne. Suite à cette affaire, le bureau du procureur
pour le district sud de New York chargé de l’affaire a baissé les bras, et le juge saisi du
dossier a rendu une ordonnance faisant état de l’annulation des mandats de saisie et a invité
Verisign et The Public Interest Registry, les deux sociétés qui registrent et contrôlent les
domaines en « .com », à réactiver notamment le domaine « RojaDirecta.com » « sans délai ».
La récupération de ses adresses par Rojadirecta inquiète évidemment les chaînes de télévision,
46
celles-ci estimant que Rojadirecta parasite leurs activités sans débourser un seul centime alors
qu’elles-mêmes versent des sommes très élevées.
»
Ces affaires révèlent clairement que le streaming illégal est impossible à combattre.
Toutefois, il est nécessaire de ne surtout pas baisser les bras face à l'autre fléau frappant les
compétitions sportives sur Internet, à savoir le développement de la corruption par le biais des
paris en ligne.
47
Chapitre II : La mise à mal de l'intégrité des compétitions
sportives par le développement des paris en ligne
Selon Oswald Grübel, ex-patron de l'établissement suisse UBS contraint à la
démission en 2011 à la suite d'un scandale, « Tout ce qui est manipulable est à un moment ou
l'autre manipulé. Tout ce qui est corruptible est corrompu »1. On peut distinguer trois
manières de porter atteinte à l'intégrité et à la sincérité des compétitions sportives. La
première est indirecte : faute de régulation financière et de transparence sur la provenance des
fonds financiers, dans le cadre de standards unifiés notamment au niveau européen, le sport
s'expose non seulement à des risques en matière de blanchiment d'argent, mais également à la
création d'inégalités financières entre les participants à des compétitions sportives, ce qui peut
avoir pour effet de fausser l'équité des compétitions. La seconde, le dopage, en ce qu'il fausse
les résultats sportifs, est une atteinte directe à la sincérité de la compétition sportive. Il vise à
améliorer les performances pour gagner. Il s'agit d'un acte de tricherie sportive. Les liens entre
le dopage et les paris sportifs, s'ils peuvent exister, demeurent cependant marginaux. La
troisième enfin est liée aux faits de corruption et de manipulation, à laquelle se rattachent
donc les paris en ligne. L'explosion de ces paris sportifs en ligne ces dernières années (Section
1) a permis aux mafias, en Asie en particulier, d'avoir une influence sur les compétitions
sportives partout dans le monde (Section 2).
Section 1 : Les causes : L'explosion des paris sportifs en ligne
L’ampleur des techniques et des enjeux financiers créés par les partis sportifs s’est
nettement développée, et avec l'apparition d'Internet, de nouvelles problématiques sont
apparues, spécifiques aux paris sportifs en ligne (§ 1), de sorte que l'ouverture du marché du
jeu en ligne à la concurrence a permis de révéler toute l'ampleur et la complexité du problème
(§ 2).
1
http://www.sudouest.fr/2013/04/06/paris-sportifs-la-lutte-contre-les-matches-truques-un-combat-perdu-davance-1016940-8.php Consulté le 09/06/2013
48
§ 1 : Internet et l'explosion des paris sportifs en ligne
La palette de paris sur Internet est aujourd'hui impressionnante : il est possible de
parier sur un certain nombre de choses, et pas seulement sur la fin du match. Autrement dit,
les possibilités de tricherie sont démultipliées (A). Cependant, il est au fond toujours difficile
pour les détenteurs de droits et pour l'Etat de se pencher efficacement sur cette problématique,
étant donné qu'il s'agit d'un secteur extrêmement lucratif (B).
A) Internet et l'explosion des modes de paris sportifs en ligne
Avec l'apparition d'Internet à la fin des années 1990, il était sans risque de prédire que
les paris sportifs atteindraient de nouveaux sommets, tels qu'ont vécu de manière générale les
casinos en ligne et toutes les autres industries virtuelles connues. Depuis l'avènement des paris
sportifs en ligne, les bookmakers (personne morale ou physique permettant de parier de
l'argent sur des évènements, le plus souvent sportifs) ont désormais la possibilité de proposer
une offre de paris de plus en plus abondante, et les sites rivalisent d'ingéniosité pour attirer
une masse de paris de plus en plus importante.
Le pari le plus connu est certainement le « 1x2 », qui vise à miser sur le vainqueur
«
d'un événement sportif. C'est véritablement le pari de base, mais il en existe une multitude
d'autres. Ainsi, l'« Over/Under » (« En dessus/en dessous ») ne cherche pas à déterminer le
vainqueur d'une rencontre, mais le nombre de points ou de buts qui vont être inscrits pendant
le match. Les paris à handicap permettent d'avantager l'équipe censée être la plus faible. Les
paris exotiques (ou « spot fixing ») permettent de parier sur n'importe quel fait de jeu (minute
du prochain but, nationalité du meilleur joueur, sa tenue...). Il est important de noter que la loi
française, à la différence des pays voisins, restreint ces paris exotiques aux actes « positifs »
d'un match (il n'est par exemple pas possible de parier sur un carton rouge). Ces paris sur des
évènements dans le match, qui ne faussent pas le résultat, sont dans le fond beaucoup plus
pervers en ce qu'ils font prendre des risques bien moindres à l'équipe, et donc des possibilités
de gain accrues. Internet a également permis le développement du « pari en live », c'est-à-dire
la possibilité de parier pendant le cours du jeu. Les parieurs peuvent suivre le match en direct
sur Internet et parier sur le site en temps réel, en fonction du déroulement de la rencontre.
Simultanément, les opérateurs de paris emploient des « coteurs » qui suivent la rencontre et
49
les mises enregistrées, et modifient les cotes en fonction de l'évolution du jeu (buts,
dominations, blessures, etc.) et des mises. En 2011, la société Sportradar, spécialisée dans la
détection des fraudes et de la corruption, estime que 90% des paris sont enregistrés sur le in
live au tennis, et 70% au football1. Enfin, Internet a permis le développement d'un nouveau
mode de paris, nommé le « betting exchange », littéralement « échange de paris ». Ici,
l'opérateur de paris ne fixe pas les cotes, laissant les parieurs effectuer les paris entre eux : un
individu propose un pari X qui doit ensuite trouver un contre-parieur prêt à parier sur la nonréalisation du pari X. L'opérateur ponctionne une faible commission homogène sur l'ensemble
des paris, laissant aux parieurs l'opportunité de récupérer parfois jusqu'à 97% de leurs mises
»
initiales, et même davantage pour les meilleurs clients.
En parallèle, les marchés sportifs se sont étendus à de multiples compétitions et
couvrent actuellement l'ensemble du sport professionnel et une partie du sport à amateur. Par
ailleurs, il n'est pas inintéressant de noter que le marché des paris en ligne s'est énormément
développé ces dernières années, de sorte que de nos jours celui-ci ne concerne pas
exclusivement l'activité sportive. En effet, les bookmakers, anglais surtout, proposent de nos
jours un nombre de paris quasiment illimité, et qui recouvre tous les domaines de notre
société. Il est ainsi possible de nos jours de parier sur l'actualité2, et de franchir parfois les
barrières de l'éthique. Cependant, l'activité sportive est tout de même devenue la terre
d'élection du pari en ligne.
Internet a donc marqué le marché sportif de façon durable en modifiant les modalités
«
des jeux et en proposant des sites des paris simples, rapides sur un éventail très étendu de
jeux. D'ailleurs, pendant les matchs, les commentateurs sportifs donnent maintenant les cotes
des équipes et incitent les téléspectateurs à parier. Cela révolutionne donc le pari sportif tel
»
qu’il était perçu jusqu’à lors, attire des internautes toujours plus nombreux, et augmente donc
les recettes liées aux paris sportifs en ligne.
1
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012, p. 35
2
« Du pain… et des jeux en ligne ! », C dans l'air, France 5, 15 juillet 2010
50
B) Internet et l'explosion des recettes liées aux paris sportifs en ligne
De nos jours, parier sur des matchs est plus populaire que jamais, et l'utilisation de
l'Internet pour se faire est un usage de plus en plus fréquent, et qui rapporte de plus en plus.
Les paris sportifs en ligne rapportent beaucoup aussi bien pour les détenteurs de droits et pour
l'Etat, que pour le parieur, d'autant plus qu'il s'agit d'un investissement sans grand risque.
Chaque année, les jeux en ligne drainent ainsi plusieurs centaines de milliards d'euros
«
dans le monde (le chiffre d'affaires des paris en ligne est aujourd'hui évalué dans le monde à
deux-milliards d'euros, un chiffre multiplié par trois ces huit dernières années1). Au total, en
2011, les loteries, d'une manière plus générale, contribuent directement à̀ hauteur de 2,2
milliards d'euros au financement du sport européen, et 70% de ces recettes est affecté
directement au sport de masse (environ 1,5 milliard d'euros)2. D'une manière plus précise,
dans la plupart des pays européens, une part des recettes issues des jeux et loteries est
prélevée pour abonder le budget de l'État (2 à 7,5%3). Ce prélèvement est généralement mis à
disposition du mouvement sportif, le plus souvent via un fonds national, ce qui permet
d'alléger les ressources budgétaires consacrées au sport4. Il existe ainsi en France un système
de rémunération dit de « retour à la filière sportive », notamment pour essayer de régler les
questions de propriété intellectuelle (quel usage un opérateur de pari peut-il faire du nom d'un
club, des résultats, et des différentes phases de jeu ?). Par ce biais la, les fédérations ont réussi
à obtenir une disposition dans la loi de 2010 leur permettant de toucher un retour à leur filière.
Par ailleurs, la taxation sur les jeux est très importante en France, elle est de l'ordre de 10%
sur les paris sportifs5. Ainsi, depuis l'ouverture des jeux en ligne à la concurrence en 2010,
»
ceux-ci représentent un peu plus d'1,5 milliard d'euros remontés sous forme de fiscalité dans
les caisses de l'Etat. Cela tant à démontrer plus généralement que le web aujourd'hui n'est pas
qu'un mode de communication, c'est un mode de distribution et de commercialisation.
Au final, le business des paris sportifs en ligne rapporterait près de 600 millions
d'euros par ans en 2012. Le football concentre plus de la moitié des mises (60% en 2011, ce
1
Paris sportifs et corruption en ligne, « Le bien commun », France culture, 31 janvier 2013
Sport et citoyenneté, « Préserver le financement du sport et l'intégrité des compétitions sportives », Parlement –
Bruxelles, 24 mai 2011
3
http://www.france24.com/fr/node/4309125/communaute-france24 Consulté le 09/06/2013
4
Colin Miège, « Jeux de pronostics sportifs: régulation nationale ou soumission au droit communautaire? »,
Gazette du Palais, 08 novembre 2007 n° 312, P. 30
5
« Handball : de la gloire au déshonneur », Ça vous regarde, LCP, 3 octobre 2012
2
51
qui est relativement faible par rapport à d'autres pays européens, comme l'Italie)1, suivi par le
tennis et le basket2. Ce qu'il faut bien prendre en compte, c'est qu'il est toujours difficile
d'évaluer tous ces chiffres, étant donné qu'il existe par ailleurs l'« économie souterraine » des
paris illégaux. Cependant, un chiffre en particulier résume bien la manne financière que
représentent aujourd'hui les paris sportifs : la contribution à la Française des jeux et aux autres
opérateurs au sport français est égale au budget voté par l'Etat. Il est possible de penser qu'il
est dommage de dépendre des paris pour financer le sport français, quoi qu'il en soit, c'est bien
la situation à l'heure actuelle3.
Selon Ralf Mutschke, le directeur de la sécurité de la Fédération International de
Football Association (FIFA), l'instance internationale qui gère le football mondial, « quelque
330 000 matches sont surveillés chaque année, moins de 350 (soit 1%) sont truqués ».
L'enjeu, aujourd'hui, est d'abord de faire diminuer ce ratio et les malversations financières qui
l'accompagnent. Ainsi, ce serait 90 milliards de dollars (70 milliards d'euros), qui auraient été
blanchis par les mafias grâce aux paris sportifs, sur les 1000 milliards (778 milliards d'euros)
dépensés chaque année par les parieurs4.
Depuis deux décennies, l'économie des clubs de football a énormément changé, il y a
de plus en plus d'afflux d'argent dans ce milieu, ce qui a donc attiré de plus en plus de gens
dans ce domaine, et notamment des systèmes mafieux et criminel, qui recourent de plus en
plus aux paris sportifs pour blanchir des capitaux. Ainsi, le développement impressionnant
des paris sportifs ces dernières années s’accompagne d'une augmentation des risques
d'altération de la sincérité et de la crédibilité du sport mondial, le cadre législatif actuel étant
aujourd'hui encore insuffisant. Malgré tout, la France a été pionnière (avec l'Australie) dans la
volonté de préserver cette intégrité des compétitions sportives, en ouvrant le marché des paris
sportifs à la concurrence.
1
http://video.lequipe.fr/video/tous-sports/divers-paris-en-ligne-vilotte-fait-un-premierbilan/?sig=iLyROoafz7CH& Consulté le 09/06/2013
2
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20121001trib000722261/paris-sportifs-en-ligne-unbusiness-de-pres-de-600-millions-d-euros-par-an.html Consulté le 09/06/2013
3
« Paris : jeux dangereux », C dans l'air, France 5, 4 octobre 2012
4
http://www.sudouest.fr/2013/04/06/paris-sportifs-la-lutte-contre-les-matches-truques-un-combat-perdu-davance-1016940-8.php Consulté le 09/06/2013
52
§ 2 : Une première solution pour maîtriser les paris illégaux : l'ouverture à la
concurrence
Le régime juridique antérieur ne convenant plus (A), il est apparu nécessaire en France
d'ouvrir le marché des paris sportifs à la concurrence, afin de mieux pouvoir le contrôler (B).
A) Avant 2010 : Un flou juridique
Jusque-là, ce système reposait, pour l'essentiel, sur un régime de droits exclusifs
«
concédés par l'Etat (au PMU, pour les paris hippiques, à la Française des jeux, pour les paris
sportifs, aux casinos autorisés, pour les jeux de cercle). Plus précisément, avant l'arrivée
d'Internet, les paris sportifs étaient organisés selon des modalités déterminées par chaque Etat.
Ainsi, en France, la Française des jeux avait le monopole sur le Loto Foot, puis sur les
premiers paris à côté autorisés à partir de 2003. Avant 2010, les parieurs ne pouvaient donc
uniquement jouer, physiquement ou en ligne, par l'intermédiaire de la Française des jeux et du
PMU. Le Royaume-Uni avait quant à lui choisi de concéder de nombreuses licences à des
bookmakers, opérateurs de paris à cotes qui proposaient différentes formules de paris dans les
»
points de vente ou par téléphone, mais dans un cadre strictement national.
À la fin des années 1990, de nombreux sites de paris en ligne se sont créés,
indépendamment de tout contrôle étatique. Profitant du développement d'Internet, ces sites
ont commencé à proposer leur offre aux internautes du monde entier, sans pour autant
disposer d'autorisation préalable. Selon une étude réalisée par l'institut de veille Cert-Lexsi en
20061, 80 à 90% des 10 000 sites de jeu d'argent présents sur Internet ne posséderait aucune
licence viable. La formation en quelques années de ce marché virtuel non contrôlé a mis sous
pression les différentes législations qui encadraient les activités de paris au niveau national2.
Ainsi, le régime juridique antérieur ne convenait plus et présentait deux défauts
majeurs. D'une part, il présentait des incohérences de fond qui le rendait incompatible avec les
règles du droit communautaire, et il était surtout d'autre part inefficace pour endiguer le
développement à destination du public français d’une offre pléthorique de sites de jeux et
1
Cert-Lexsi, « Gambling Cybercrime Study », juillet 2006
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012, p. 35
2
53
paris venus d'ailleurs par l'Internet : il existait en 2007 environ 25 000 sites illégaux. Avant
2010, plus de trois millions de parieurs jouaient donc sur des sites que personne ne connaissait
ni ne contrôlait, sans aucune protection. Il n'y avait aucun cadre juridique1. C'est la raison
pour laquelle à cette date la Commission européenne demanda à ce que le monopole des jeux
en ligne soit ouvert à la concurrence, et c'est ainsi qu'a été adoptée cette loi en 2010.
B) Après 2010 : Une ouverture à la concurrence révélatrice de l'ampleur du
phénomène
L'objectif de la loi, à l'époque fortement combattue par la gauche (qui craignait
principalement que la libéralisation des jeux en ligne n'aboutisse à une aggravation des
comportements addictifs à risque), était donc de réguler un marché emprunt d'une très forte
illégalité. Compte tenu des risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, le législateur,
tout en annonçant la libéralisation du marché des jeux d'argent et de hasard en ligne, impose
« un régime de droits exclusifs délivrés par l'État » (L. n° 2010-476, art. 3-II) et l'exercice de
ce droit est placé sous le contrôle d'une nouvelle autorité administrative indépendante,
l'ARJEL, institution chargée de veiller au respect des objectifs de la politique des jeux
accessibles par l'Internet, à laquelle il conviendra de s'intéresser plus tard.
Il est important de revenir sur les circonstances précédant l'ouverture à la concurrence
de ce monopole. Cette loi fut adoptée dans un contexte de précipitation et de confusion, dans
des circonstances qui révèlent une triple impulsion, de la part des opérateurs de paris illégaux,
de la Commission européenne, et des évènements, avec la Coupe du Monde de 2010. Les
nouveaux opérateurs, qui avaient pénétré massivement le marché français par l'intermédiaire
de l'Internet, s'étaient organisés et avaient développé un lobbying particulièrement efficace en
faveur d'une ouverture à la concurrence2. Et surtout, la Commission européenne se montrait
nettement défavorable au dispositif français, auquel elle reprochait régulièrement d'imposer
des restrictions injustifiées à la libre prestation de services sur le territoire de l'Union. Elle
avait d'ailleurs fini par engager contre la France une procédure de manquement : à la suite
d'une mise en demeure en 2006 restée sans succès, son avis motivé du 27 juin 2007, sommait
1
« Handball : de la gloire au deshonneur », Ça vous regarde, LCP, 3 octobre 2012
F. A., Centre de droit et d'économie du sport, Université de Limoges, Recueil Dalloz 2011, Droit du sport
Janvier 2010 – Décembre 2010 p. 703
2
54
la France de libéraliser sa législation en matière de paris sportifs ; faute de quoi, la Cour de
justice trancherait.
La France préféra ne pas attendre, à l'instar de certains autres Etats membres
également poursuivis (alors que l'Italie avait déjà modifié sa législation, une réforme était à
l'étude en Suède). Outre l'incertitude de la décision finale, ses gouvernants craignaient peutêtre cette procédure en manquement contre la France à la veille de sa présidence de l'Union ;
sans compter qu'il valait mieux ne pas laisser s'installer davantage le marché noir des paris
illégaux. Mais, par-dessus tout, les parlementaires français ont dû mener leurs travaux à
marche forcée afin que la libéralisation du marché des paris sportifs intervienne avant la
Coupe du Monde de Football 2010 dont le coup d'envoi devait être donné le 11 juin 2010 :
d'une importance assez exceptionnelle pour mobiliser toutes les convoitises, en particulier
médiatiques et économiques, cet événement offrait un ressort à ne pas manquer pour inciter
opérateurs de qualité et parieurs à adhérer au nouveau dispositif ; les paris sportifs ouvriraient
en quelque sorte la voie aux paris hippiques et jeux de cercle qui devraient être soumis au
même régime.
Le rapport confié à par le Premier Ministre à M. Bruno Durieux sur les conditions de
l'ouverture à la concurrence en 2008, et l'avis circonstancé rendu par la Commission
Européenne sur le sujet, sont autant de préliminaires qui avaient pris du temps. Il fallait aller
vite pour qu'à l'ouverture de la Coupe du monde soient en place non seulement les textes,
mais aussi les opérateurs. Les débats parlementaires ont par ailleurs été marqués par la
jurisprudence « Santa Casa » de la CJCE du 8 sept. 20091, qui a reconnu le droit de l’État
portugais à maintenir son monopole sur les paris en ligne. En effet, confirmant les exceptions
au principe de liberté de prestation de services (c'est la septième affaire tranchée par la Cour
de Justice sur cette question), cet arrêt réaffirmait les conditions qui seules peuvent justifier
des restrictions à la liberté de prestation de services et le cas échéant la légitimité du
monopole public2. Ainsi, alors que la libéralisation paraissait inéluctable, les parlementaires
français ont tardivement réalisé qu’une autre voie était possible, et ont donc essayé de résister.
L'échéance n'aurait pas été tenue sans une démarche singulière du gouvernement qui, dès son
approbation du projet, avait anticipé largement sur la procédure législative : une mission dite
« de préfiguration de l'ARJEL » fut chargée d'une activité préparatoire qui se développa, en
liaison avec les ministères concernés, parallèlement aux travaux parlementaires, de sorte que,
1
2
CJUE, 8 sept. 2009, aff. C-42/07, Santa Casa : Rec. CJCE 2009, I, p. 7633
Ariane de Guillenchmidt – Guignot, JurisClasseur Contrats – Distribution, 01 Octobre 2012, p. 9
55
entre le 12 mai et le 8 juin ont été publiés 13 décrets, une dizaine d'arrêtés, ainsi qu'une bonne
trentaine de décisions de l'ARJEL. Le lobbying des opérateurs a très certainement dû
influencer l'instigation de ce projet dans le sens de la précipitation. Ces facteurs expliquent en
partie le caractère inachevé de la loi et l’indécision du législateur français à véritablement
trancher le débat de l’ouverture du secteur ou du maintien du monopole des opérateurs
historiques. D'ailleurs, quelques semaines avant la promulgation de cette loi était révélé l'un
des premiers gros scandales de paris truqués en Europe, mettant en cause un réseau mafieux
intervenu sur près de 200 matchs dans dix-sept pays.
Mais les chiffres parlent d'eux-mêmes : à la clôture de la Coupe du Monde de Football
2010, le 11 juillet, 1,2 million de comptes actifs ont été créés sur les sites de paris en ligne et
83 millions d’euros de chiffre d’affaires, brassés par les quinze opérateurs agréés par
l’ARJEL. C’est presque deux fois plus que les 43 millions d’euros générés sur Internet par la
Française des jeux (FDJ), encore en situation officielle de monopole durant l’année 20091.
Il ne faut pas oublier toutefois qu'à l'époque, la France était pionnière en la matière, et
ne pouvait donc se reposer sur aucun modèle étranger, sur aucun repère. Certains objectifs de
la loi de 2010 ont été atteints, notamment elle a permis d'assainir l'économie « souterraine »
que constituaient les paris en ligne clandestins. Alors qu'en 2010, le monopole français n'était
qu'une question de droit (on estimait alors la part de marché du pari sportif en ligne de la
Française des jeux, alors seul opérateur autorisé, à environ 5%, tout le reste étant illégal par
définition), en 2012 l'offre illégale ne représenterait plus que 15 à 20% du marché en général,
et ne touche qu'un certain type de public en particulier (celui des très gros joueurs). Pour ce
faire, différents systèmes ont été mis en œuvre sur Internet, et notamment un système de
publicité, permettant aux opérateurs agréés d'être visibles pour le public, accompagné d'un
meilleur référencement et une suppression du référencement des opérateurs illégaux dans les
moteurs de recherche, et parfois même avec des demandes de suppression de sites aux
fournisseurs d'accès. L'ARJEL estime donc que l'objectif de la loi a été atteint en la matière,
avec une nette réduction de l'offre illégale2.
Toujours est-il qu'avec le développement des paris sportifs en ligne, les risques sur
l'intégrité des compétitions sportives ont augmenté, car le nombre de personnes ayant un
1
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/10/BENILDE/19761 Consulté le 09/06/2013
http://www.dailymotion.com/video/xrj5lp_liberalisation-des-paris-en-ligne-deux-ans-apres-l-eclairage-dechristophe-palierse_news#.UanHXmii0y5 Consulté le 09/06/2013
2
56
intérêt économique personnel direct à la manipulation des résultats des compétitions sportives
a été multiplié, et c'est ce que révèlent les évènements, passés et surtout récents, en la matière.
Section 2 : Les conséquences : Un fléau mondial
Le trucage des compétitions sportives a toujours existé, l'apparition des paris en ligne
n'a fait qu'empirer ce phénomène (A), qui recouvre constitue aujourd'hui un fléau mondial
relié à la criminalité organisée (B).
§ 1 : Sport et paris sportifs : une relation inextricable
« Le parti fait partie de la nature humaine » dixit Christian Kalb, consultant en
stratégie et marketing pour les secteurs du jeu d’argent et du sport1. Les paris sont inhérents à
notre société, ont toujours existé, et ont toujours servit à la corruption dans le sport (A).
Cependant, force est de constater qu'Internet a permis de moderniser les différentes
techniques de trucage des matchs (B).
A) Historique des paris sportifs et de la corruption dans le monde du sport
Si les archéologues ont certains doutes s'agissant de la période préhistorique, on sait
que les premiers paris sportifs « organisés » remontent à l'Antiquité grecque, et qu'on les
retrouvera par la suite à toutes les époques, et sur toutes les parties du globe. En France, les
paris sportifs réglementés apparaissent en 1887 et en 1891, le principe de mutualisation qui
consiste à se partager les gains misés entre les joueurs est instauré. En Angleterre et aux ÉtatsUnis, les paris sportifs réglementés n’apparaissent que plus tard, en 1930.
Mais si les paris sportifs ont toujours existé, le trucage des compétitions sportives a
également toujours existé. Plus précisément, l'analyse des cas de corruption sportive a déjà
révélé que de nombreux trucages sont organisés dans le but de s'enrichir sur le marché des
paris sportifs. En effet, la corruption a toujours été intimement liée aux jeux d'argent. Les lois
du cricket et du golf en Angleterre auraient été codifiées au XVIIIe siècle afin de résoudre les
1
http://www.humanite.fr/sports/face-face-faut-il-interdire-les-paris-sportifs-505609 Consulté le 06/06/2013
57
disputes liées aux paris (le cricket a d'ailleurs une histoire riche en cas de triches et de paris
frauduleux)1. D’après une étude publiée en mars 2012 et lancée par la Commission
Européenne en septembre 2011 sur le trucage des matchs dans le sport2, le premier cas de
paris truqués sur les sports dits modernes remonterait à 1915 pour un match entre deux
équipes anglaises (Manchester United et Liverpool, un match truqué en faveur de
Manchester). Encore une fois, l’intégrité des sports n’est pas un sujet nouveau3.
Le trucage des matchs est donc une problématique bien antérieure à l’apparition
d’Internet. Bien avant la célèbre « affaire Karabatic » qui touche actuellement le handball
français, le football en particulier avait déjà été profondément marqué avec en France la
célèbre affaire du match truqué entre l'Olympique de Marseille (OM) et le Valencienne
Football Club en 1993 par exemple. Le football italien est lui aussi frappé à intervalles
réguliers par des scandales de paris et matchs truqués depuis les années 19804. Ainsi, les
scandales de paris et matchs truqués sont récurrents dans le football depuis des décennies, ce
phénomène ne date pas des années 2000.
Étant donné les enjeux financiers colossaux des paris sportifs, au départ, si la plupart
«
des grandes organisations criminelles de la planète se sont intéressées aux paris sportifs,
c'était pour blanchir l’argent de la drogue, de la vente d’armes ou de la prostitution, autrement
dit de l'argent sale, ce qui permet de réduire les pertes. Il suffisait alors, avant l'apparition
d'Internet, de choisir un match où les trois cotes (victoire, match nul, défaite) étaient à peu
près les mêmes, de répartir la somme à blanchir en trois parts égales misées sur chacune des
trois possibilités, et ainsi d'être sûr de ne jamais perdre plus de 20% de l'argent sale5. Ainsi
»
l'apparition d'Internet a-t-elle permis aux techniques de trucage des matchs de devenir plus
efficaces, et plus difficiles à prouver.
1
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012, p. 35
2
http://ec.europa.eu/sport/news/documents/studysports- fraud-final-version_en.pdf Consulté le 09/06/2013
3
Annabelle Richard et Anne-Sophie Mouren, « La difficile préservation de l’intégrité du sport en France :
dopage ? Non, paris truqués ! », Ichay & Mullenex Avocats
4
http://www.atlantico.fr/decryptage/paris-sportifs-sont-danger-pour-integrite-sportive-gael-raballand496171.html Consulté le 09/06/2013
5
« Sport, mafia et corruption », Arte, 6 octobre 2012
58
B) « Comment truquer un match de foot ? »1 à l'aide les paris sportifs en ligne
Avec le développement des paris en ligne et des sommes énormes qui y sont misées,
avec la création du « live betting », qui permet de miser en temps réel sur des faits de jeu, et
de parier sur n’importe quel match de la planète, la logique a complètement changé2. À quoi
bon perdre de l’argent en pariant sur un match nul ou une victoire si on est sûr de pouvoir
faire perdre une équipe ? Ce qui est intéressant dans les mécanismes de trucage, c'est que ces
techniques sont très différentes, et souvent très sophistiquées, de sorte qu'il est très difficile de
les détecter. Il faut ici distinguer les techniques pour arranger le match, et les techniques qui
concernent le pari lui-même.
L'une des techniques les plus intéressantes pour arranger un match est celle-ci : un
«
réseau, plus ou moins criminel, investit dans des personnes qui vont devenir des
intermédiaires auprès des joueurs par exemple, et qui vont savoir dans une équipe quel joueur
serait le plus enclin à laisser passer un but, faire une erreur grossière, etc. Le trucage ne repose
souvent, non sur un vainqueur improbable, mais une défaite plus lourde que prévue (avec 4 ou
5 buts d’écart par exemple) ce qui est plus difficilement détectable. Le match truqué est
souvent arrangé non pas avec toute l'équipe entière, mais avec deux-trois joueurs clés dans
une équipe : le gardien, un défenseur ou plusieurs, le reste de l’équipe ne sachant pas que le
match est truqué. Et seuls ces joueurs, les pivots de l'équipe, sont payés pour truquer le match,
sans que les autres joueurs ne le sachent. Un exemple incroyable en Italie, ou en novembre
»
2010 a lieu un match de troisième division entre Crémone et Pagani, que Crémone remporte
deux à zéro, mais les joueurs jouent au ralentis, comme assommés. Les dirigeants du club
portent plainte pour empoisonnement. Une enquête est ouverte, et la police fait alors une
incroyable découverte : c'est le goal de Crémone, Marco Pauloni, qui a drogué ses propres
équipiers en versant un somnifère dans leurs boissons avant le match. Selon les enquêteurs,
Marco Pauloni, parieur invétéré, truquait ses matchs pour rembourser des dettes de jeu
contractées auprès de certains notables de Crémone. Ces notables, eux, misaient sur les
matchs truqués par Pauloni pour gagner de l'argent à coup sûr. Sept autres joueurs sont mis en
1
Référence au livre du journaliste Declan Hill, « Comment truquer un match de foot ? », Editions Florent
Massot, 2008
2
http://www.rue89.com/rue89-sport/2013/02/04/comment-les-mafias-truquent-les-matches-de-foot-239275
Consulté le 09/06/2013
59
examen, ainsi que les cadres de plusieurs équipes, les enquêtes se poursuivent encore
aujourd'hui, et il est démontré que la première division italienne est affectée1.
Ensuite, s'agissant du pari en ligne lui-même, pour bénéficier pleinement du
subterfuge, les truqueurs doivent passer des paris conséquents. Ils traitent généralement avec
le marché asiatique, qui brasse des volumes beaucoup plus importants que les réseaux
occidentaux (le marché asiatique des paris sportifs réalise plus d’opérations quotidiennes que
la Bourse de New York)2. Pour ne pas attirer l’attention des sociétés de surveillance, les
parieurs prennent le soin de jouer en ligne dans plusieurs pays, sur plusieurs sites (et pas
nécessairement les plus grands sites qui peuvent être plus vigilants) avec des petites sommes
pour là encore ne pas éveiller les soupçons3. Ainsi, les organisations criminelles ont des
règles : ne jamais mettre deux grosses sommes, jouer dans plusieurs pays, ne jamais jouer
dans le pays dans lequel se déroule le match, jouer avec différents opérateurs, bref, brouiller
les cartes, afin de rendre cela indétectable4.
Il est également possible de jouer des sommes importantes, mais sur de petites marges
(avec les paris exotiques). De ce fait, aujourd'hui, les masses financières des paris en ligne
sont extraordinairement importantes, et donc les marges même très faibles en pourcentage
sont également très rémunératrices pour les parieurs. Très concrètement, il suffit de payer
quelques joueurs ou un arbitre d'une petite ligue quelques milliers d'euros, la masse de départ
est assez faible, mais finalement le gain est très important lorsqu'on joue sur une cote à un
moment donné (technique très développée en Belgique et en Turquie). Ainsi, en pratique, la
combine est simple. D'abord, les mafieux paient un joueur, par exemple 10 000 euros, pour
truquer un petit match. Il s'agit soit d'une rencontre entre deux équipes importantes, mais dont
l'enjeu est moindre, comme les matchs amicaux, qui sont moins surveillés, et les joueurs
moins chers à corrompre. Soit, il s'agit véritablement des petites compétitions. Ici, un
paramètre important à prendre en compte, c'est que dans l'économie du sport, il y a « l'effet
superstar » : les sportifs qui apparaissent dans la presse ont des salaires gigantesques. Mais en
réalité, la majorité des joueurs, dans les championnats plus petits, ont un salaire beaucoup plus
maigre, et sont donc particulièrement tentés. C'est cette inversion des valeurs qui est
réellement problématique. Ensuite, les mafieux misent par exemple 100 000 euros dans les
1
« Foot, Chevaux, Poker: Des Paris sous influence », Spécial Investigation, Canal +, 13 mai 2013
http://www.slate.fr/story/47733/comment-truque-match-foot-pari Consulté le 09/06/2013
3
http://www.atlantico.fr/decryptage/paris-sportifs-sont-danger-pour-integrite-sportive-gael-raballand496171.html Consulté le 09/06/2013
4
Declan Hill, « Comment truquer un match de foot ? », Editions Florent Massot, 2008
2
60
paris sportifs en ligne sur le résultat qu'ils connaissent. Les 10 000 euros investis dans la
corruption sont perdus, mais les 100 000 euros, pariés sans risques, se transforment en 500
000 euros. C'est cet effet de levier qui génère des gains colossaux, surtout quand les mises de
départ sont importantes1.
Enfin, les entreprises de paris en ligne peuvent mutualiser et pondérer leurs risques.
L'idée pour elles est de faire du profit, donc elles changent les cotes, font ce qui s'appelle du
betting exchange entre elles, afin de réduire le risque. En effet, elles s'aperçoivent que certains
joueurs ont une habitude à gagner sur certaines cotes, elles vont donc se mettre à « jouer »
avec d'autres entreprises pour réduire leurs pertes. Se développent donc dans le sport, ou
normalement seul le mérite est roi, ou seul le mérite doit régner, des mécanismes très
similaires aux marchés financiers, et les problèmes posés dans le fond par les paris en ligne
sont assez proches que ceux que posent la régulation financière2.
Il est ainsi très difficile de pouvoir prouver une affaire de match truqué lié aux paris en
ligne. La prise de conscience des ligues et des instances dirigeantes du football a été tardive,
elle commence tout juste à voir le jour alors que les mouvements de paris et de corruption
existaient déjà à la fin des années 1990 / début des années 2000. Ce retard est considérable
étant donné la sophistication des pratiques permise grâce au développement d'Internet, comme
le démontre la découverte récente de réseaux criminels établis au niveau mondial.
§ 2 : Un fléau relié à la criminalité organisée
La mutation de la corruption (A), liée en partie à l'absence de cadre au niveau
transnational (B), constitue le point noir de la lutte contre la remise en cause de l'intégrité des
compétitions sportives.
A) Les faits : une mutation de la corruption
Le développement des paris sportifs en ligne est tel qu'il est donc aujourd'hui possible
de parier sur tout et n'importe quoi, sur n'importe quelle compétition depuis n'importe quel
1
2
« Foot, Chevaux, Poker: Des Paris sous influence », Spécial Investigation, Canal +, 13 mai 2013
« Paris sportifs et corruption en ligne, Le bien commun, France culture, 31 janvier 2013
61
endroit dans le monde. De fait, en dématérialisant les lieux de prise de paris avec l'Internet,
les risques d’altération de la sincérité des compétitions sportives ont été augmentés. Les
affaires sont très nombreuses. Les statistiques pour la période 2009 - 2010 rendues publiques
par la Gambling Commission1, autorité de régulation des jeux du Royaume-Uni, indiquent que
153 cas de paris suspects ont été recensés entre le 1er septembre 2007 et le 30 septembre 2010
(dont 48 entre le 1er avril 2010 et le 30 septembre 2010). 101 cas sur les 153 ont été signalés
par les opérateurs de paris sous licence et 52 par le mouvement sportif ou d'autres sources
telles que les médias ou le public2. L'année 2011 a ensuite été marquée par de nombreuses
publications de presse relatives à des cas de suspicions, avérés ou non, de fraudes sportives
liées à des affaires de paris et aux suites disciplinaires ou judiciaires de telles affaires. Le
traitement médiatique de ces questions s'est accéléré : en moins d'un an, pas moins de huit
affaires de manipulation de compétitions sportives en lien avec des paris dans différents sports
ont été médiatisées, en Croatie, en Angleterre et au Pakistan.
Cette année la, les médias du monde entier relayaient entre autres des informations
relatives à des liens qui existeraient entre le football bulgare et la criminalité organisée
évoquant des jeux d'argent illégaux, des matchs dont les résultats auraient été fixés d'avance
ainsi que du blanchiment d'argent (les enquêtes sont encore en cours). Des révélations d'un
ancien joueur de football affirmant avoir reçu 100 000 euros pour des manipulations qui
auraient eu lieu lors de cinq matchs du championnat allemand de football de seconde
division3. Un scandale de combats truqués de sumo au Japon en lien avec des paris, révélé
dans le cadre d'une enquête sur des paris truqués à la suite de vérifications faites sur les
téléphones portables des lutteurs4. Dans une autre affaire, 1 million d'euros aurait été engagé́
en mises sur des paris portant sur une rencontre de Coupe de France de Sochaux en Asie5.
Une affaire concerne aussi deux matchs amicaux s'étant déroulés le 9 février 2011 entre
l'Estonie et la Bulgarie d'une part, et la Bolivie et la Lettonie d'autre part, ces deux matchs
amicaux ayant été organisés par une société thaïlandaise, et l'ensemble des buts de ces deux
rencontres ayant été inscrits sur penalty. Ou encore la Cour de Justice de l'Etat de São Paulo,
qui condamne en mars 2011 la Fédération brésilienne de football (CBF), deux anciens arbitres
1
Libération du 5 janvier 2011 « Matchs de foot pipés »
Rapport à Madame Chantal Jouanno, Ministre des Sports, remis le 17 mars 2011 par Monsieur Jean-François
Vilotte
3
L'Equipe du 23 janvier 2011 « matchs truqués à Sankt Pauli ? » et L'Equipe du 8 février 2011 « matchs truqués
: 3 joueurs entendus »
4
Les Echos du 4 février 2011 « Le gouvernement japonais inquiet de l'ampleur des scandales du sumo »
5
L'Equipe du 28 janvier 2011 : « Paris illégaux : sur la piste du crime »
2
62
et un homme d'affaires à payer une somme totale de 180 millions de réales (78,5 millions
d'euros) pour leur implication dans un scandale de matchs de championnat truqués en 2005
(affaire dite de la « mafia du sifflet »).
Ces affaires concernent toutes des manipulations de compétitions sportives liées à des
paris en ligne. Des cas, avérés ou non, de manipulation des résultats de compétitions sportives
ont ainsi été découverts soit en raison d'enquêtes sur des activités de réseaux de criminalité
organisée, soit en raison de l'engagement de paris sur des résultats inattendus corrélés avec
des montants de mises importants1. Ainsi, les cas révélés de corruption autour des paris
sportifs se multiplient dans le football surtout, qui a remplacé les courses de chevaux en
termes de gains pour les bookmakers, la technologie ayant permis aux parieurs d’interagir tout
en suivant le match en direct. Mais les cas de corruption sont constatés même dans des sports
faisant office de modèle d'exemplarité. Il en va ainsi s'agissant de l'affaire très récente de paris
en ligne touchant le handball français, dans laquelle serait impliqué le célèbre Nikola
Karabatic avec six autres anciens coéquipiers du Montpellier Handball, ceux-ci étant
suspectés d'avoir parié contre leur équipe. Pour en revenir au football, au mois d'avril 2013,
pour la première fois depuis l'ouverture des paris sportifs en ligne à la concurrence en 2010, la
justice s'est penchée sur un match de football de ligue 1 (Ajaccio-Montpellier (2-1)). Des
précédents avaient même été repérés en ligue 22.
Mais le monde du sport n'a jamais été plus traumatisé que le 4 février 2013, lorsque
l'Office européen de police Europol révélait la plus grande enquête de tous les temps sur des
matchs présumés truqués. Tout a commencé en 2009 : le parquet de Bochum en Allemagne
«
avait ouvert une enquête concernant la tenue de matches de foot truqués en Allemagne, en
Suisse et en Turquie. Europol, qui avait repris le dossier, a depuis revu le bilan à la hausse.
Les chiffres sont accablants : entre 2008 et 2011, ce ne sont pas moins de 680 matchs qui
auraient été achetés, principalement en Europe, mais avec des ramifications sur plusieurs
continents (Afrique, Asie, Amérique latine). Seraient impliqués 425 joueurs, arbitres,
dirigeants ou intermédiaires, originaires d’une bonne quinzaine de pays, dont Singapour, où
seraient basés les principaux responsables. Willson Raj Perumal, un singapourien suspecté
d'avoir truqué à lui seul vingt-six matchs en Finlande, est arrêté et décide de coopérer :
l'enquête révèle que, par des intermédiaires d'Europe de l'Est, les donneurs d'ordre sont de
1
Rapport à Madame Chantal Jouanno, Ministre des Sports, remis le 17 mars 2011 par Monsieur Jean-François
Vilotte
2
http://www.rmc.fr/front_office/outils/preview.php?id=374960&page=0 Consulté le 09/06/2013
63
puissants mafieux basés en Asie, ayant des intermédiaires en Europe de l'Est. Le singapourien
»
arrêté confie à la justice qu'il appartient à une organisation bien structurée, qui fonctionne
dans le monde entier, avec six ou sept personnes au sommet, qui se partagent la planète en six
zones géographiques.
S'il s'agit bien d'un phénomène mondial, le cœur du problème se trouve certainement
en Asie, Chine Continentale, Singapour, Hong Kong, pays où la tradition des paris est
ancestrale, et ou l’utilisation d’intermédiaires illégaux incluant des trucages de paris sportifs
récurrents est la plus développée. L’Asie est souvent considérée comme le point faible des
paris sportifs, avec des bookmakers brassant des quantités impressionnantes d’argent sur un
marché surdimensionné, de quoi largement pouvoir s'acheter un arbitre ou des joueurs pour
influer sur une rencontre européenne. À Singapour, le marché des paris sportifs est le plus
important du monde, il brasse chaque année 460 milliards de dollars, soit dix fois plus que le
chiffre d'affaires de Total, la première entreprise française1. En Chine plus précisément, tout
comme en Albanie, en Malaisie ou à Singapour, la corruption a tué le football. Le principal
sponsor, Pirelli, a rompu son contrat avec la ligue chinoise et le diffuseur national China
Central Television refuse de retransmettre les rencontres2, de nombreux arbitres, joueurs et
membres de la fédération chinoise de football ont été arrêtés dont le président lui-même. La
Fédération Chinoise est même accusée d’organisation de paris truqués et de corruption
concernant des rencontres de la sélection nationale. De ce fait, les tribunes des stades sont
vides. En Asie, en général, la perte d'intérêt des championnats locaux a conduit les
populations à suivre les compétitions européennes. Les opérateurs de paris se sont donc
adaptés à ce mouvement en s'ouvrant sur le sport européen, ce qui a gonflé le marché mondial
des paris. Et la criminalité a suivi, d'où la multiplication des tentatives de corruption en
Europe3. Ainsi, ce fléau qui gangrène le sport n'épargne pas l'Europe.
Cette mutation de la corruption est mise en avant par Chris Eaton, un ancien policier
d'Interpol, qui a été pendant deux ans responsable de la sécurité de la FIFA. Il explique que
« ces corps de criminels, qui opèrent principalement depuis Singapour et la Malaisie, sont
historiquement mutants, ils changent leur stratégie, ils inventent de nouvelles manières de
truquer des matchs, de nouvelles manières de truquer les paris. Donc ce sont des organisations
1
« Foot, Chevaux, Poker: Des Paris sous influence », Spécial Investigation, Canal +, 13 mai 2013
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012
3
Paris sportifs et corruption en ligne, « Le bien commun », France culture, 31 janvier 2013
2
64
qui changent et s'adaptent à toute vitesse ». Selon le criminologue australien Mark Findley, les
paris truqués seraient même devenus un business comme un autre à Singapour, un placement
pour les gros capitaux1. Ces paris étant quasiment tours réalisés de façon virtuelle sur Internet,
ils rendent l'enquête sur cette criminalité organisée très compliquée.
B) L'absence de cadre transnational
Au niveau européen, les paris sportifs ne font pas l'objet d'une réglementation de la
Commission européenne. La référence juridique revient donc à la Cour de Justice de l'Union
Européenne (CJUE) qui, à travers une succession d'arrêts depuis les années 2000, a pu établir
une série de principes de réglementation des paris. Les jeux de hasard et d'argent sont ainsi
considérés comme des prestations de service (et donc soumis à la liberté d'établissement et de
prestation de l'espace Schengen), mais les Etats ont le droit de restreindre leur exploitation
pour des raisons impérieuses d'intérêt général, qui sont principalement la protection des
consommateurs (prévention des phénomènes d'addiction) et la protection de l'ordre public
(prévenir les délits et fraudes). Dans ces cas, la restriction étatique doit être cohérente et
systématique (c'est-à-dire non discriminatoires). Enfin, il n'existe pas de reconnaissance
mutuelle entre les Etats membres en matière de jeu d'argent (le fait qu'un opérateur dispose
d'une autorisation dans un Etat membre n'empêche pas un autre Etat de l'interdire ou de
subordonner son offre de jeux à une autorisation préalable de sa part)2. Or, le trucage des
matchs et des compétitions par le biais des paris en ligne est bien plus subtil, insidieux et plus
dévastateur que les formes traditionnelles de corruption telles que le dopage, en ce qu’elle ne
peut être attribuée à un seul individu ou à une équipe ni localisée sur territoire donné. Son
impact est à l’image de ses caractéristiques : la corruption est désormais internationale,
structurée et très lucrative3.
1
« Foot, Chevaux, Poker: Des Paris sous influence », Spécial Investigation, Canal +, 13 mai 2013
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012, p. 35
3
http://www.touteleurope.eu/fr/divers/toutes-lesinformations/article/afficher/fiche/6252/t/44513/from/2895/arcYear/2013/breve/paris-truques-retour-sur-uneaffaire-qui-gangrene-le-sport.html?cHash=8abc601442 Consulté le 09/06/2013
2
65
Après avoir étudié deux fléaux pour les compétitions sportives, le développement du
piratage d'un côté, et les paris sportifs en ligne de l'autre, il semble évident que, pour ce qui
relève de la corruption des compétitions, les solutions envisagées ne pourront pas se limiter au
territoire national, et qu'un cadre juridique au niveau européen ou mondial devra
nécessairement être établi. S'agissant du piratage par contre, les solutions sont moins
évidentes.
66
PARTIE II : LES ÉVOLUTIONS ENVISAGÉES ET
ENVISAGEABLES
Des deux côtés, la situation ne paraît pas tenable à l'heure actuelle. Pour cette raison, la
loi du 1er février 2012 relative à̀ l'éthique dans le sport est venue solidifier l'arsenal juridique
pour protéger l'intégrité des compétitions sportives, en attendant mieux. L'ARJEL tente quant
à elle de détecter lorsqu'elle le peut la corruption des compétitions. S'agissant du piratage du
contenu sportif, comme vu précédemment le problème du piratage du contenu en différé a été
réglé en partie réglé comme on l'a vu par l'accord intervenu entre la Ligue et trois acteurs
(YouTube, Dailymotion et l'Equipe), mais ce piratage n'a pas disparu. Le piratage du live est
quant à lui réglé au cas par cas par les détenteurs de droit, mais le streaming semble tellement
insurmontable que d'autres solutions devraient être imaginées.
Pour la corruption liée aux paris en ligne comme pour le piratage du contenu, il est
intéressant d'examiner le traitement pratique de ces fléaux (Chapitre 1), puis de voir quelles
solutions sont imaginables et envisageables (Chapitre 2).
67
Chapitre I : Les solutions apportées
D'une part, malgré toute la bonne volonté du législateur et de l’ARJEL, la réponse aux
problèmes de la corruption liée aux paris en ligne n’est pour l’instant toujours pas suffisante
(Section 1). D'autre part, après avoir vu que les accords conclus par les ligues avec les sites
d'hébergement de vidéo n'ont pas réglé le problème du piratage du différé sur ces plateformes,
il faudra se demander si la logique du droit d'auteur est réellement respectée dans le traitement
par ces sites de ce contenu illégal (Section 2).
Section 1 : Les solutions mises en œuvre au niveau national pour tenter de
protéger l'intégrité des compétitions sportives
Ces solutions sont mises en œuvre aussi bien dans les textes (§ 1) qu'en pratique (§ 2).
§ 1 : Les évolutions récentes du cadre législatif au niveau national
« C'est certain, il y aura davantage de matchs truqués à l'avenir si le monde sportif
ferme les yeux et si nous n'avons pas de bons contacts avec les sociétés de paris et les
gouvernements. À terme sera remise en cause la crédibilité des résultats. Le sport est basé sur
la hiérarchie qui puise ses valeurs sociales et morales dans le mérite. En fait, c'est celui qui
s'est donné le plus de moyens légaux ou qui a travaillé le plus dur qui gagne. Si demain cette
exemplarité du champion est remplacée par la manipulation des matchs ou la corruption des
joueurs, alors toute crédibilité du sport disparaitra (…). Il y a déjà des pays ou des
compétitions de football ne sont plus crédibles et ou on enregistre une désaffection du
public », affirmait Jacques Rogge, président du Comité International Olympique, le 1er mars
2011. Christian Kalb corrobore ces propos, « Dès qu’on touche à l’incertitude du résultat, le
sport perd de sa valeur. Ça a été le cas pour la boxe et le cyclisme qui ne sont plus aussi
68
populaires qu’autrefois. Le foot pourrait être victime de la même érosion ». Selon lui, « Les
paris en ligne risquent de tuer le football »1.
Ainsi, comme en Asie, les compétitions sportives peuvent vite se décrédibiliser auprès
du public en raison d’une corruption beaucoup trop forte, la baisse de popularité engendrée
peut avoir des conséquences économiques importantes concernant les droits pour la
télévision, les recettes de billetterie, de produits dérivés et de sponsors par exemple. C'est ce
risque que les Etats, et la France en particulier, appréhendent depuis peu (A) et tentent de
neutraliser par la loi (B).
A) Les préconisations du rapport visant à préserver l’intégrité et la sincérité des
compétitions sportives face au développement des paris sportifs en ligne
Au cours de la dernière décennie, une multitude d’affaires pour trucage de matches a
donc été révélée. La situation est préoccupante dès lors que la France ne disposait pas
d'instruments dédiés afin de rechercher, d'identifier et de traiter efficacement ce type de fraude
sportive. Au regard de ces très nombreuses affaires et des problématiques soulevées par la loi
de 2010, une nouvelle intervention du législateur était nécessaire. En effet, la loi du 12 mai
2010 et ses décrets d’application ont, certes, posé un cadre légal, mais qui à l’évidence ne
permet pas de régler toutes les difficultés, dont la plus importante d’entre elles est donc le
risque que cette activité fait peser sur la préservation de l’intégrité et la sincérité des
compétitions sportives.
C’est pourquoi, le président de l’ARJEL, Jean-François Vilotte, a rendu en mars 2011
un rapport visant à préserver l’intégrité et la sincérité des compétitions sportives face au
développement des paris sportifs en ligne. Organisé autour de trois axes majeurs
(autorégulation, sensibilisation et formation du mouvement sportif), le rapport, qui entend
bien faire entrer définitivement dans les mœurs les bonnes pratiques en matière de prévention
de manipulation des compétitions sportives, pour prévenir les risques de truquage de matches,
de manipulation des résultats ou de corruption sportive, comporte dix propositions. Ce rapport
privilégie deux axes d’action : la prévention des affaires liées aux paris sportifs (trucage de
1
http://www.rue89.com/2010/01/05/paris-truques-les-jeux-en-ligne-vont-ils-tuer-le-football-132424 Consulté le
09/06/2013
69
matchs, manipulation des résultats, corruption sportive) et la formation des acteurs des
compétitions sportives1.
Parmi les recommandations faites par ce groupe de travail, au-delà des
recommandations de sensibilisation et de formation des acteurs concernés, des mesures plus
pratiques ont été envisagées, et certaines sont assez spectaculaires : « Restreindre ou interdire
l'utilisation des ordinateurs portables reliés à l'Internet dans les lieux de déroulement des
épreuves sportives [...]. Éventuellement, bloquer l'accès aux sites de jeu en ligne dans les
lieux de déroulement des épreuves sportives. [...] Désigner les arbitres, les juges, les
commissaires et les officiels des compétitions le plus tardivement avant le début du match ou
de la compétition. [...] S'assurer que les obligations financières vis-à-vis des participants et
des arbitres, juges, officiels et autres acteurs de la compétition sont respectées. [...] Mettre en
place la diffusion de messages de rappel des règles en matière de paris auprès des acteurs de
la compétition et sur le lieu de déroulement de la compétition ». En outre, le rapport prévoit
de désigner un « délégué intégrité » au sein de chaque fédération, c'est-à-dire un interlocuteur
dédié sur le sujet des paris à la disposition des acteurs des compétitions et des autorités
publiques. Les délégués Intégrité sont réunis dans un réseau national appelé « Sport
Responsabilité Intégrité » coordonné par le CNOSF, qui constituera une plateforme d'échange
et de partage d'expériences et de bonnes pratiques ainsi qu'un outil supplémentaire pour
assurer l'intégrité des compétitions sportives en France. De nombreuses fédérations comptent
déjà dans leurs rangs un responsable intégrité, chargé de coordonner notamment les
opérations de sensibilisation des sportifs et de leur entourage. En effet, début 2013, la
Française des jeux, l'un des principaux sponsors des fédérations et ligues, a conditionné la
poursuite de ses partenariats à la création d'un tel poste au sein des organisations sportives2.
Enfin, le groupe de travail préconise l'instauration du croisement des fichiers entre les
instances sportives et les organisateurs de compétitions afin de « vérifier que les acteurs de
compétition ayant l'interdiction de parier sur celle-ci se sont effectivement abstenus de
parier ». Il s'agit donc de mieux contrôler l'interdiction de parier faite aux acteurs des
compétitions. Un tel croisement de fichiers devrait alors être réalisé dans le respect le plus
total du droit de la protection des données personnelles. À l'époque, la ministre des Sports
1
www.droitdusport.com, « Comment préserver l’intégrité et la sincérité des compétitions sportives face au
développement des paris sportifs en ligne ? », p. 1, Consulté le 09/06/2013
2
http://www.lexpress.fr/actualites/1/sport/paris-sportifs-les-federations-invitees-a-se-doter-d-un-monsieurintegrite_1237169.html Consulté le 09/06/2013
70
avait par ailleurs indiqué que serait également discutée l’idée d’introduire, dans la loi-cadre de
modernisation du sport devant être présentée d’ici fin 2013, des sanctions sévères, notamment
le retrait de la liste des sportifs de haut niveau de tout sportif reconnu coupable d’avoir truqué
ou participé au trucage d’un match1. Ces mesures sont donc assez spectaculaires, et en février
2012, une loi a été votée par le Parlement, visant principalement à̀ introduire en droit français
le délit de corruption sportive.
B) La loi du 1er février 2012 relative à l'éthique dans le sport : un juste équilibre
entre libéralisation des paris sportifs et intégrité des manifestations sportives
toujours introuvable
Plus précisément, cette loi du 1er février 2012 relative à l'éthique dans le sport
renforce pour l'essentiel l'arsenal législatif destiné à lutter contre les manipulations dont les
résultats sportifs, d'une part, mais aussi les parieurs, d'autre part, peuvent être l'objet2.
En premier lieu, pour faire face au risque de manipulation des résultats sportifs objet
des paris, cette nouvelle loi créée deux délits de corruption sportive. Le premier vise la
corruption active et sanctionne le fait de « promettre ou d'offrir, sans droit, à̀ tout moment et
directement ou indirectement, des présents, des dons ou des avantages quelconques, pour luimême ou pour autrui, à̀ un acteur d'une manifestation sportive donnant lieu à̀ des paris
sportifs, afin que ce dernier modifie le déroulement normal et équitable de cette manifestation
» (art. 445-1-1 créé́ dans le Code pénal). Le second vise la corruption passive et sanctionne
tout acteur d'une manifestation sportive donnant lieu à̀ des paris sportifs qui, en vue de
modifier ou d'altérer le résultat de paris sportifs, accepte des présents, des dons ou des
avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin de modifier, par un acte ou une
abstention, le déroulement normal et équitable de cette manifestation (art. 445-2-1 créé dans
le Code pénal). Ces délits, qui se cumulent avec les délits de droit commun de corruption
passive et active, sont passibles d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros
d'amende. La loi de 2012 renforce ensuite les dispositions relatives à la lutte contre les
conflits d’intérêts pouvant naître des relations entretenues par les acteurs du monde du sport et
1
Annabelle Richard et Anne-Sophie Mouren, « La difficile préservation de l’intégrité du sport en France :
dopage ? Non, paris truqués ! », Ichay & Mullenex Avocats
2
Didier Poracchia, « Un an de sport dans le droit de la communication, » Communication Commerce
électronique n° 11, Novembre 2012, chron. 10
71
les opérateurs de paris sportifs en ligne, en obligeant les fédérations délégataires à prendre des
règlements sportifs interdisant à un « acteur de la compétition » de détenir une participation
au sein d'un opérateur agréé qui propose des paris sur la discipline sportive (sans pour autant
définir la notion de participation). Cette disposition permet désormais aux fédérations de
sanctionner les « acteurs de la compétition » qui violeraient l'interdiction figurant dans leur
règlement.
D'autre part, les fédérations délégataires sont désormais obligées de prendre des
règlements interdisant aux acteurs des compétitions sportives de réaliser des prestations de
pronostics sportifs sur ces compétitions lorsqu'ils sont eux-mêmes contractuellement liés à̀ un
opérateur de paris sportifs ou lorsque leurs prestations sont effectuées dans le cadre de
programmes parrainés par un tel opérateur. L'idée est ici que l'acteur de la compétition
pourrait orienter la prise de paris dans un sens favorable à̀ l'opérateur de paris sportifs et
défavorable aux autres joueurs en distillant ses pronostics.
La réglementation n'a donc plus pour objet de préserver l’intégrité du résultat sportif
objet du pari, mais la perception de l'aléa de ce résultat par le public. Il sera cependant
nécessaire de déterminer ce que recouvre exactement la notion de pronostic, en espérant que
cette notion soit interprétée restrictivement, et que ne soit finalement interdit que le fait de
donner un avis précis sur tel résultat sportif futur. Les questions sont multiples ici : par
exemple, le fait de s'exprimer sur la composition respective des équipes, ou sur leurs résultats
passés constitue-t-il un pronostic ? Le fait de délivrer au public toute information fausse ou
trompeuse sur la compétition sportive objet du pari ou sur ses acteurs susceptibles d'influencer
les parieurs, et de limiter l'interdiction de pronostics sportifs aux seuls « acteurs de la
compétition » ayant un lien avec la compétition objet du pronostic, n’est-il pas
sanctionnable ?
En définitive, la loi comprend des avancées attendues, nécessaires et essentielles pour
les acteurs du monde sportif. Toutefois, il ne s'agit pas d'une loi « cadre » visant à̀ traiter
toutes les problématiques auxquelles le sport français est confronté, et de ce point de vue cette
loi n'a en réalité qu'un contenu plutôt modeste. À n'en pas douter, ces évènements de
corruption connus des autorités et du grand public ne constituent que la partie visible de
l’iceberg. Aujourd'hui, des milliers de sites de paris sportifs échappent à toute régulation et
demeurent accessibles à la quasi-totalité des internautes du monde entier. En effet, comme il
est souvent plus intéressant financièrement pour un parier de se rendre sur un site étranger que
72
sur un site agrégé par l'ARJEL (donc de préférer le « .com » au « .fr »), de nombreux parieurs
se rendre sur ces sites étrangers, ce qui est normalement illégal. Légalement, les bookmakers
étranges ne sont pas accessibles pour un utilisateur français, un obstacle facilement
contournable néanmoins. Il suffit pour ce faire d'utiliser un « Virtual Private Network »
(« VPN »), un réseau privé virtuel qui permet de masquer son adresse IP française. Il est très
aisé de trouver la marche à suivre sur Internet pour accéder aux sites des opérateurs interdits.
Il suffit donc d'être doué, ou tout simplement un peu curieux en informatique, pour continuer
à jouer sur des sites illégaux.
Dans cette optique, le juste équilibre entre libéralisation des paris sportifs et intégrité
des manifestations sportives, seul susceptible d'endiguer la déviance vers les sites illégaux, n'a
toujours pas été trouvé dans la législation. Dans la pratique, les pouvoirs de l'ARJEL, aussi
puissants soient-ils, sont également encore insuffisants face à l’ampleur du phénomène.
§ 2 : Le rôle de l'ARJEL en pratique
L'ARJEL, dont il faut revoir les fondements et la composition (A), est chargée de
détecter les irrégularités statistiques des paris en ligne (B).
A) L'ARJEL : structure, organisation
Cette autorité administrative indépendante instruit les dossiers de demande d'agrément
des opérateurs de jeux ou de paris en ligne, délivre ces agréments, fixe les caractéristiques
techniques des plateformes et des logiciels de jeux et de paris en ligne des opérateurs soumis
au régime d'agrément, évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en
matière de prévention des conduites d'addiction, et peut leur adresser des recommandations à
ce sujet.
Dans sa structure, l'ARJEL ressemble à l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Elle
est en effet composée d'un collège (7 membres, dont le président), d'une commission des
sanctions (6 membres) et éventuellement de commissions spécialisées. Une véritable politique
« répressive » est mise en place puisque, en fonction de la gravité du manquement, la
commission dispose d'une palette de quatre types de sanction : avertissement, réduction d'une
73
année au maximum de la durée de l'agrément, suspension de l'agrément pour trois mois au
plus et retrait de l'agrément, qui peut s'accompagner de l'interdiction de solliciter un nouvel
agrément pendant un délai maximum de trois ans. Cette sanction disciplinaire peut être
remplacée ou bien cumulée avec une amende : le montant de celle-ci est proportionné à la
gravité du manquement, à la situation de l'opérateur en cause, à l'ampleur du dommage causé
et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 5 % du chiffre d'affaires hors taxes du
dernier exercice clos correspondant aux activités faisant l'objet de l'agrément. Ce plafond est
porté à 10 % en cas de nouveau manquement. On notera qu'aucun des membres de la
commission n'est issu du collège, ce qui tend à respecter le principe de séparation des
fonctions d'instruction et de jugement est-il respecté puisqu’aucun des membres de la
commission n'est issu du collège.
Ainsi, les missions de l'ARJEL sont d'octroyer les licences, et son corollaire, surveiller
le marché. L'ARJEL dispose pour se faire de certains pouvoirs, qui en font une autorité
véritablement unique au monde, comme la capacité à aller chercher les données en temps réel
chez les opérateurs, qui sont donc soumis à de lourdes contraintes.
B) La détection de la corruption
Comment en pratique l'ARJEL lutte-t-elle contre la corruption des paris sportifs ?
Détecter le trucage de matchs liés aux paris sportifs en ligne est possible grâce à des outils et
des systèmes de surveillance (monitoring) et d'alerte (mouvements de paris anormaux,
déroulement de match anormal, éventuellement des mouvements d'argent...). Ces systèmes
permettent, soit de classer l'affaire, car elle est explicable, soit de poursuivre, sur le plan
disciplinaire par les fédérations sportives, et sur le plan pénal1. Pour ce faire, l'ARJEL a un
accès total à tous les sites de paris en ligne.
Le contrôle se réalise en deux étapes2. Tout d'abord, au siège de l'ARJEL, pour chaque
match, la Direction des Enquêtes et du Contrôle passe au crible toutes les côtes. Avec les paris
en ligne, les chances évoluent avec le développement du match. L'objectif est d'étudier des
irrégularités statistiques à travers les variations de côtes, et de voir s'il existe des explications
1
http://video.lequipe.fr/video/tous-sports/divers-paris-en-ligne-vilotte-fait-un-premierbilan/?sig=iLyROoafz7CH& Consulté le 09/06/2013
2
« Les jeux en ligne : pari tenu ? », L'écho des lois, LCP, 22 décembre 2012
74
rationnelles, objectives, ou s'il n'y en a pas. Un exemple assez démonstratif de fluctuations de
cotes, et d'explications, est fourni s'agissant d'un match très prisé des parieurs : la rencontre de
football ayant opposé le Paris Saint-Germain (PSG) à l'Olympique de Marseille en avril 2012.
La veille du match, la cote d'une victoire de l'OM pour un opérateur se situe entre 5,6 et 5,45.
En fin de journée, les médias diffusent l'information selon laquelle le meilleur joueur du Paris
Saint-Germain, Zlatan Ibrahimović, ne participera pas au match : les probabilités que l'OM
remporte le match deviennent plus élevées, donc mathématiquement la cote augmente. À la
20e minute du match, but marqué par le PSG, la cote de la victoire de l'OM descend. Au bout
d'une heure de match, à 2-0 pour le PSG, les opérateurs à peu près tous dans la même minute
quasiment décident de déférencer le match.
Ensuite, lorsque rien de suspect n'est repéré au niveau des cotes, après le match, la
deuxième étape du contrôle est mise en place. La Direction des Services d'Information
décortique les mises des joueurs : montant moyen, origine géographique, adresse IP des
parieurs : tout est analysé. Un exemple de trucage révélé lors de ce contrôle : en avril 2011,
lors d'une rencontre d'un match de football de Ligue 2 entre Tours et Grenoble, les chiffres
laissent peu de place au doute : les mises moyennes, qui se situent à près de 80%, sont
inexplicables par rapport aux chiffres attendus (aux alentours de 15%) : ainsi le montant
global des paris s'élevait à 640 000 euros, soit cent fois la somme habituelle1. Tous les paris
les plus importants en montant sont sur Grenoble, ce qui n'est pas logique puisque c'était alors
l'équipe la plus faible. De plus, s'agissant de la répartition géographique des joueurs, la Corse
et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sont surreprésentées (plus de cinquante fois que ce
qui est normalement constaté au niveau de la Corse, ces deux régions concentraient les deux
tiers des paris). Tous ces éléments posent problème, car il y a trop d'indicateurs rouges. Dans
ces cas la, l'ARJEL lance un signalement, et transmet les éléments au parquet. En
l'occurrence, les paris furent suspendus pour la rencontre opposant Tour et Grenoble. La
justice ne parviendra pas à établir la fraude, et conclura à un non-lieu. Mais le président de
l'ARJEL pense que cette affaire n'a pas livré tous ses secrets.
En 2012, l'ARJEL a détecté 4 paris litigieux, et transmis à la justice. Malgré les
pouvoirs qui sont les siens, à l'évidence, de nombreux autres cas de tricherie ne sont pas
découverts par cette autorité administrative indépendante. Si ce traitement de la corruption
revient à une personne publique, en revanche le traitement du piratage du contenu sportif
1
« Foot, Chevaux, Poker: Des Paris sous influence », Spécial Investigation, Canal +, 13 mai 2013
75
différé relève de la compétence de sociétés privées, les sites d'hébergement de vidéo en ligne.
De leur côté, le problème est bien mieux traité, mais les choix qu'elles opèrent à l'issu de ce
traitement sont différents selon les plateformes.
Section 2 : le traitement pratique du piratage du contenu sportif différé
Le partenariat conclu par la Ligue de football professionnel avec Youtube et
Dailymotion notamment s'inscrit dans une coopération de longue durée pour la diffusion sur
la plateforme de contenus sportifs. S'agissant du cas de YouTube, la situation est quelque peu
différente. En effet, l'accord de diffusion passé avec la plateforme américaine permet surtout à
la Ligue de football professionnel d'éviter le piratage de ses images. Cela revient à s'intéresser
au statut, particulier, des sites d'hébergement de vidéo ici en cause (§ 1), pour mieux
comprendre leurs traitements exact des contenus illicites, qui révèlent toutes les oppositions
qui peuvent exister entre le droit d'auteur tel qu'il est envisagé en France et le système angloaméricain du copyright (§ 2).
§ 1 : Les précédents judiciaires et les obligations légales des sites
d'hébergement de vidéo
Véritable cible des ayants droit aux contenus piratés dans le domaine culturel (A), le
statut des sites d'hébergement de vidéo est un sujet très débattu en justice, avec une hésitation
entre le statut d'hébergeur et le statut d'éditeur (B).
A) les sites d'hébergement de vidéo, cible des ayants droit
Sur ce sujet, une première péripétie judiciaire avait déjà eu lieu entre une major
«
américaine, le groupe américain Viacom (géant des médias américains, propriétaire de
plusieurs grands noms tels le réseau MTV ou la chaîne Nickelodeon) et YouTube. En effet, en
mars 2007, le groupe a déposé plainte contre Google et YouTube. Le chef d’accusation était
presque commun dans le secteur de l’hébergement gratuit de vidéo : la contrefaçon massive et
intentionnelle des contenus, propriétés de Viacom, qui parlait de nette « stratégie » dans la
76
démarche de YouTube, une stratégie qui consiste à déporter le fardeau de la surveillance du
contenu en ligne sur le dos des victimes de ces multiples infractions. Le conglomérat de
médias en voulait surtout au modèle économique de la firme de Mountain View, qu’elle
jugeait basé sur l’exploitation plus ou moins directe (notamment via la publicité) de contenus
»
pirates. Il sera nécessaire de revenir sur cet élément.
Google a annoncé, le 23 juin 2010, qu'il avait gagné ce procès. Celui-ci était d'ailleurs
«
suivi avec énormément d'attention aux États-Unis par les entreprises qui ont fait du web
communautaire une activité commerciale de plusieurs milliards de dollars. Certains comme
eBay, Facebook ou Yahoo sont même intervenus pour défendre Google. Le procès devait en
effet décider si le régime du Digital Millennium Copyright Act (une des lois américaines,
celle-ci date de 1998, fournissant un moyen de lutte contre les droits d'auteur à l'ère du
numérique), qui n'oblige les hébergeurs à retirer les contenus qu'après avoir été notifiés de
leur caractère illicite, s'appliquait aussi aux sites d'hébergement qui sont aussi éditeurs de
plateformes. Le tribunal de première instance du district sud de New York avait notamment
estimé que c'est au titulaire de droits d'identifier les infractions pour les notifier à l'éditeur, et
que le fait de savoir que les infractions au droit d'auteur sont légions sur le service n'impose
pas pour autant une obligation générale de surveillance de ses contenus.
»
B) Le statut incertain des sites d'hébergements de vidéo
YouTube a donc le statut juridique d'hébergeur : le contrôle des vidéos s'effectue a
posteriori (par opposition au statut d'éditeur, où le contrôle doit s'effectuer a priori). Ainsi,
lorsque des producteurs ont réussi à faire condamner des plateformes de vidéo en ligne, c'est
toujours parce que leurs vidéos n'avaient pas été retirées suffisamment vite après notification
de l'infraction, jamais parce que le site n'avait pas agi proactivement pour empêcher leur
diffusion. Aux États-Unis, Viacom avait ensuite fait appel de la décision de justice donnant
raison à Google, et a à nouveau été débouté de sa demande le 18 avril 2013, le juge américain
estimant que YouTube n'est pas responsable des vidéos versées sur sa plateforme qui
enfreignent la législation sur la propriété intellectuelle : « Il n'y a aucune preuve que YouTube
ait incité ses utilisateurs à lui soumettre des vidéos illicites, qu’il ait donné à ses utilisateurs
des instructions détaillées sur le genre de contenus à mettre en ligne (...) ou agit avec les
77
utilisateurs publiant des contenus illicites de façon à ce qu'on puisse dire qu'il ait participé à
leurs violations des droits d'auteur » a-t-il relevé.
Ainsi, la loi américaine sur les contenus numériques joue en faveur des plateformes
d'hébergement de diffusion en évitant les risques de poursuite judiciaire à condition que les
contenus incriminés soient retirés rapidement après réclamation. Il s'agit du même type de
raisonnement qu'en France, où la LCEN a été appliquée par les juges de la même manière.
Son article 6 dispose que « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre
gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en
ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons, ou de messages de toute nature
fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile
engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de
ces services (...) ». Pourtant, en France, la situation n'est pas tout à fait semblable, et il y a eu
une véritable saga jurisprudentielle autour de la qualification juridique des plateformes
d’hébergement de vidéo en ligne. D'ailleurs, cette appellation de « plateformes
d’hébergement » est trompeuse, car cela ne veut pas dire que les juges vont leur donner la
qualité d’hébergeur. En effet, les solutions rendues par les juges ont alterné entre hébergeur et
éditeur avec des critères de qualification récurrents.
La première solution en la matière fut un jugement rendu par le Tribunal de grande
instance de Paris du 13 juillet 2007 condamnant la société Dailymotion pour avoir « fourni les
moyens de réaliser une contrefaçon » pour les griefs de contrefaçon et parasitisme, un
internaute ayant en l'espèce uploadé (c'est-à-dire téléchargé le fichier de l'ordinateur local vers
le serveur, dans le sens de l'envoi) le film Joyeux Noël1, et à plusieurs attaques, notamment de
TF1 et de Canal+. Dans les attendus du procès de 2007, le Tribunal de grande instance
reconnaît clairement le statut d'hébergeur à Dailymotion : « La commercialisation d'espaces
publicitaires ne permet pas de qualifier la société Dailymotion d'éditeur de contenu dès lors
que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes, situation qui distingue
fondamentalement le prestataire technique de l'éditeur ». Pour autant, le tribunal ne donne pas
totalement victoire au site, dans la mesure où il avait connaissance de la présence illégale de
la vidéo (un huissier mandaté par le producteur avait signalé le problème), et savait que son
activité pouvait porter atteinte aux ayants droit. La LCEN instaure « une limitation de
responsabilité restreinte aux cas où les prestataires techniques n'ont effectivement pas
1
TGI Paris, 13 juillet 2007, Christian C, Nord-Ouest Production c/ SA DailyMotion, SA UGC Images
78
connaissance du caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ».
Mieux, Dailymotion ayant pris connaissance que des vidéos illicites sont mises en ligne,
celui-là doit en « assumer la responsabilité ». Il lui incombe même « de procéder à un contrôle
a priori » des contenus. Début juillet 2007, un jugement avait déjà donné raison à l’humoriste
Jean-Yves Lafesse contre le réseau social Myspace, qui hébergeait plusieurs de ses vidéos1.
Dans les deux cas, le juge a estimé que le modèle de ces sites, implicitement basé sur
«
l’hébergement de vidéos protégées pour attirer les internautes et donc les revenus
publicitaires, ne leur permettait plus d’être considérés comme de simples plates-formes
techniques. En les condamnant à verser des dommages et intérêts, c’est leur responsabilité
éditoriale qui est désormais reconnue. La décision de juillet 2007 marque le départ d’un cassetête juridique sur la qualification des plateformes d’hébergement de vidéo en ligne et la
protection du droit d’auteur. En réalité, c’est essentiellement la volonté des auteurs de
reconnaître la pleine et entière responsabilité des sites d’hébergement de vidéo en avançant les
critères commerciaux et techniques. L’aspect pratique d’une telle responsabilité est évident :
la procédure de notification est fastidieuse et longue, retrouver le responsable originel de la
contrefaçon étant très souvent compliqué, attribuer directement la responsabilité aux
hébergeurs facilite grandement la mise en marche de la protection de leurs droits. C'est
également en ce sens que s'est prononcé le rapport Lescure sur les contenus numériques et la
politique culturelle à l'ère du numérique et qui a été rendu public le 13 mai 2013, selon lequel
les grandes plateformes de diffusion de vidéo « s'apparentent de plus en plus à des médias de
masse », une façon de suggérer qu'elles ont une fonction « d'éditorialisation »2 .
»
Quoi qu'il en soit, les conséquences concrètes de cette nouvelle jurisprudence étaient
lourdes, puisque s’il suffisait auparavant au site hébergeur de retirer une vidéo si les ayants
droit en faisaient la demande, il s’agissait maintenant d’agir a priori, de filtrer a priori. Ainsi,
la jurisprudence française a reconnu aux plateformes de partage de vidéo la qualité
d'hébergeur au sens de l'article 6 de la LCEN tout en reconnaissant leur responsabilité pour
leur connaissance des faits illicites. La situation de Dailymotion en France est donc
relativement différente de celle de YouTube, qui, quelque temps après le premier procès
opposant Viacom à YouTube de juin 2007, a vu les procès en justice se multiplier à son
encontre.
1
TGI Paris, ord. réf., 22 juin 2007, JurisData n° 2007-344341
Pierre Lescure, « Contribution aux politiques culturelles à l'ère du numérique », Ministère de la Culture et de la
Communication, 2013, p. 147
2
79
La figue de Football professionnel et la Fédération française de tennis avaient
également décidé de porter plainte de concert contre la plateforme pour « violation » de leurs
droits de retransmission TV. En effet, la pratique, qui existe encore aujourd'hui, consiste à
«
diffuser au moment d'un match ou juste après des actions, des buts, des résumés de ce match
ou de journées de championnat. Le montage technique est très simple à réaliser, puisqu'il
suffit de capturer des images d'un événement à l'aide d'une caméra sur sa télévision pour
ensuite les télécharger sur les serveurs de YouTube. Des images que la Ligue de football
professionnel vendait à cette époque à Canal+ pour 600 millions d'euros. De son côté, la
Fédération française de tennis avait repéré des images de Rolland-Garros sur le site. Ils furent
rejoints quelque temps plus tard par la maison de disque Cherry Lane. Cette action judiciaire
poursuivait celle de la Premier League britannique qui, un mois auparavant, avait intenté une
action collective (class action) à l'encontre du site, afin d'encourager les ayants droit à se
joindre à lui. Cette initiative visait à contraindre le site à adopter des mesures de protection
DRM (« digital right management ») pour empêcher ses millions d'utilisateurs à travers le
monde d'échanger des contenus piratés, et d'obtenir des dommages et intérêts pour la violation
de leur copyright. À ses cotés, la maison de disque Bourne, la NBA (National Basketball
Association, championnat de basket nord-américain), qui demandait à YouTube de supprimer
de sa base de données les vidéos de matches qui restent sa propriété, et le Bayern de Munich
(club de football Allemand) et la ligue allemande de football, plus sévères, ont précisé qu'ils
se réservaient la possibilité d'attaquer YouTube et Google en justice pour violation de leurs
droits exclusifs de diffusion.
»
En octobre 2006, un groupe de médias japonais avait déjà sommé la plateforme
d'effacer trente mille vidéos pirates issues de son catalogue de programmes TV. YouTube
s'était alors exécuté rapidement pour couper court à toutes complications juridiques. Mais les
opposants à YouTube étaient devenus trop importants, aussi bien par leur influence que par
leur nombre. Devant ces procédures, plusieurs accords de diffusion ont ensuite été conclus.
YouTube peut ainsi diffuser les contenus des ligues professionnelles via des « chaînes »
dédiées. Les principales maisons de disques avaient également signé des accords de licences.
C'est dans ce contexte qu'est intervenu l'accord entre YouTube et la Ligue de football
professionnel de 2012. Désormais, le contenu VOD proposé étant verrouillé et non
exportable, les images diffusées sur Internet sont davantage contrôlées.
80
Cependant, il faut se pencher sur les évènements précédant cet accord. Après que la
Ligue ne lui ait fixé un ultimatum pour mettre en place un outil de protection en 20091, en
2010, YouTube s'était engagé à filtrer plus efficacement le contenu footballistique illicite,
avec l'élaboration d'une technologie de détection automatique de contenus sous le coup du
droit d'auteur, afin d'offrir des garanties supplémentaires à l'industrie des loisirs numériques et
éviter une série de procès contre-productifs. C'est dans l'utilisation que cet outil que la
plateforme américaine se démarque aujourd'hui de la vision de la lutte anti-piratage de son
concurrent français Dailymotion.
§ 2 : L'exemple de YouTube et de Dailymotion : deux visions opposées du
droit d'auteur et de la lutte anti-piratage
Il faut ici s’intéresser au développement, par les plateformes d'hébergement de vidéo
en ligne, d'outils de détection permettant de repérer automatiquement la diffusion illicite
d'œuvres protégées, et d'exiger de l'hébergeur qu'il y mette fin. Si certains opérateurs privés,
pour la plupart anglo-saxons, se sont spécialisés dans cette activité de « fouille » (« emonitoring »), les deux plateformes étudiées que sont YouTube et Dailymotion se sont ellesmêmes dotées d'outils de détection automatique des contenus protégés, qui facilitent le travail
des ayants droit et leur évite de surveiller eux-mêmes. Les deux outils en question reposent
sur la comparaison automatisée (« matching ») entre les contenus téléchargés par les
internautes et une base de données d'empreintes (« fingerprints ») fournies par les ayants
droit2.
Les deux systèmes de traitement du contenu qui vont être détaillés ci-dessous reposent
«
donc sur une coopération volontaire entre hébergeurs et ayants droit. L'ayant droit fourni des
empreintes, la plateforme compare ces empreintes aux contenus mis en ligne et alerte l'ayant
lorsqu'elle identifie une correspondance. Il s'agit de systèmes dont le résultat est proche de
celui du « notice and stay down » (obligation de vigilance particulière de l'hébergeur, qui leur
impose d’empêcher la réintroduction des contenus illicites), mais qui présente davantage de
souplesse, puisqu'ils évitent de soumettre l’hébergeur à une obligation générale de
surveillance : l'hébergeur alerte l'ayant droit, mais ne prend pas lui-même la décision de
1
http://www.lesechos.fr/20/04/2010/lesechos.fr/020490476284_foot----l-accord-avec-youtube-n-est-qu-unepremiere-etape-.htm Consulté le 09/06/2013
2
Pierre Lescure, « Contribution aux politiques culturelles à l'ère du numérique », Ministère de la Culture et de la
Communication, 2013, p. 147
81
bloquer le contenu litigieux. C'est dans cette logique et cette approche du contenu illégal que
se différencient les deux principales plateformes d'hébergement de vidéo en ligne, YouTube
»
(A) et Dailymotion (B).
A) YouTube, une vision économique et utilitariste du droit d'auteur
Le système évoqué pour le traitement du contenu illicite coté YouTube se nomme
Content ID1. Il s'agit d'un système de tatouage numérique (en anglais digital watermark, pour
« filigrane numérique »), une technique créée en 1990 permettant d'ajouter des informations
de copyright ou d'autres messages de vérification à un fichier ou signal audio, vidéo, une
image ou un autre document numérique. Dans chaque vidéo est ainsi inséré un code
d'identification imperceptible et indétectable par tout système ignorant son mode d'insertion.
Il permet notamment de garantir la preuve de paternité d'une œuvre numérique, et dissuade le
pirate dans la mesure où cette « signature » peut être retrouvée dans chaque copie de la vidéo
originellement marquée. Plus précisément, le système Content ID consiste à insérer en
filigrane un code d’identification dans un fichier vidéo. Acquis par YouTube en 2006 pour
1,65 milliard de dollars et disponible depuis 2007, Content ID apparaissait nécessaire à
YouTube afin de résoudre le litige qui l'opposait à Viacom. Ce système, gratuit, offre trois
possibilités aux titulaires de droits : identifier les vidéos mises en ligne par un utilisateur qui
comprennent tout ou partie du contenu appartenant aux titulaires des droits, et choisir, à
l'avance, ce qui doit se passer lorsque de telles vidéos sont identifiées : obtenir des statistiques
les concernant, les bloquer, ou les monétiser (c'est-à-dire en partageant les recettes
publicitaires générées par le contenu), et c'est précisément s’agissant de cette dernière
possibilité que le système trouve tout son intérêt pour les ayants droit, dont la Ligue de
football professionnel.
Pour les ayants droit, le fonctionnement du système est donc très simple : ceux-ci
fournissent à YouTube les fichiers de référence (audio uniquement (AudioID) ou vidéo
(VideoID)) du contenu dont ils sont propriétaires, les métadonnées qui décrivent ce contenu et
les règles que YouTube doit appliquer en cas de correspondance. Ainsi, ils signent
numériquement les contenus qu'ils diffusent, YouTube compare ensuite les vidéos mises en
ligne sur sa plateforme avec ces fichiers de référence, et le système identifie automatiquement
1
http://www.youtube.com/t/contentid Consulté le 09/06/2013
82
les contenus déposés par des tiers appartenant à l'ayant droit et applique les règles choisies
(monétisation, suivi ou blocage).
Techniquement, le système est plus compliqué. Il repose sur des algorithmes
complexes agissant comme des filtres pour empêcher la diffusion de contenus appartenant à
aux ayants droit et bloquer leur remise en ligne. Il faut souligner que le système n'était pas
parfait et a dû être amélioré en 20121. En effet, il arrivait que Google sanctionne aveuglément
les prétendus contrevenant, et bloque des vidéos dont les images n'appartenaient pas à
l'industrie du divertissement. Lorsqu'un tiers prétend détenir des droits sur une vidéo qu'il
héberge, YouTube sanctionne d'abord et vérifie ensuite, ce qui est critiquable. De fait, cela a
donné lieu à certaines situations plutôt atypiques.
La NASA expliquait ainsi qu'environ une fois par mois, une vidéo est ainsi soit
«
bloquée, soit détournée à des fins commerciales par des tiers qui demande à YouTube
d'afficher des publicités sur des vidéos qui ne leur appartiennent pas. L'absurdité du système
s'est ainsi véritablement fait sentir pour la première fois aux yeux du grand public lorsque
YouTube a censuré une vidéo de la NASA parce que ses propres images avaient été
« watermarkées » par différentes chaînes de télévision qui les avaient diffusées2. Mais cela a
commencé à devenir problématique pour la société dès lors qu'une vidéo de la Convention
Démocrate américaine, organisée pour soutenir la candidature de Barack Obama à sa propre
réélection, fut supprimée dés sa diffusion, plusieurs maisons de disques et organes de presse
ayant revendiqué des droits d'auteur sur son contenu3. Il n'est pas inintéressant de noter à ce
propos que le rapport Lescure suggère dans sa proposition 64 de généraliser les technologies
de détection automatique et de filtrage4. On comprend dès lors aisément qu'une telle mesure
puisse laisser planer une menace sur la liberté de communication des utilisateurs d'Internet,
puisque ce système présente un risque de blocage de contenus parfaitement licites et
compromet l'application effective des exceptions et limitations au droit d'auteur.
1
http://www.numerama.com/magazine/23926-content-id-youtube-permet-de-faire-appel-en-cas-de-notificationerronee.html Consulté le 09/06/2013
2
http://www.numerama.com/magazine/23351-la-nasa-censuree-sur-youtube-pour-piratage-de-sa-proprevideo.html Consulté le 09/06/2013
3
http://www.numerama.com/magazine/23613-youtube-bloque-la-convention-democrate-pour-violation-dedroits-d-auteur.html Consulté le 09/06/2013
4
Pierre Lescure, « Contribution aux politiques culturelles à l'ère du numérique », Ministère de la Culture et de la
Communication, 2013, p. 403
83
Néanmoins, afin d'éviter d'aboutir au blocage de faux positifs, YouTube a d'une part
instauré un processus d'appel1, mainte fois réclamée par les internautes. Ainsi, lorsque l'usager
fait appel d'une notification d'un ayant droit, ce dernier a alors deux possibilités : abandonner
la procédure ou formuler une notification formelle basée sur la loi américaine Digital
Millennium Copyright Act. Il faut préciser que seuls ceux ayant « une attitude positive en
matière de copyright » sont éligibles à cette procédure d'appel (d'autres critères peuvent aussi
entrer en ligne de compte). D'autre part, YouTube a apporté des améliorations substantielles à
l'algorithme de détection utilisé pour Content ID, rendant le dispositif est plus efficace, en
écartant davantage de réclamations non intentionnelles. La comparaison avec la base de
données contenant les signatures des vidéos a également été améliorée2. Ainsi, aujourd'hui,
c'est ce système appelé Content ID, le plus utilisé, notamment par les plus grandes entreprises
»
dans le domaine du cinéma, et le plus sophistiqué au monde, qui scanne la plateforme
YouTube en permanence.
Dans la grande majorité des cas, les détenteurs de droits, et donc la Ligue de football
professionnel, choisissent de monétiser les contenus illégaux déposés sur la plateforme. C'est
ce qui permet aussi à YouTube de concentrer un nombre toujours croissants d’internautes sur
son site. Mais c'est également cette logique qui différencie YouTube de son concurrent
français Dailymotion.
B) Dailymotion, une vision juridique et morale du droit d'auteur
En effet, Dailymotion de son côté avait déjà mis en place quelques mois avant
YouTube une première solution de filtrage basée sur les technologies d'Audible Magic, suite à
sa condamnation dans l'affaire du film Joyeux Noël. Également utilisé par YouTube, ce
système, qui s’appuie sur l’audio plutôt que la vidéo, est également très utilisé par les majors
de la musique américaines. Pour rassurer encore plus les ayants droit, Dailymotion avait signé
en octobre 2008 un accord de partenariat avec l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) pour
adopter « Signature », sa technologie de signature numérique, qu'il utilisait déjà pour
surveiller l’utilisation non autorisée de vidéo de son stock par les chaînes de télévision. Ce
système avait ainsi été conçu à l'origine pour contrôler la diffusion par les chaînes de
1
2
https://support.google.com/youtube/bin/answer.py?hl=fr&answer=2770411&rd=1 Consulté le 09/06/2013
http://youtubecreator.blogspot.fr/2012/10/improving-content-id.html Consulté le 09/06/2013
84
télévision des programmes dont l'INA détient les droits. C’est donc pour Dailymotion la
garantie de voir la base de fichiers protégés régulièrement enrichie.
Ce système génère un petit code numérique calculé à partir des images numérisées
d’une séquence vidéo, en se basant sur des données intrinsèques à l’image, comme les
contours ou les points lumineux. C'est donc un procédé très différent du watermarking,
comme celui de YouTube. L’ensemble des codes numériques est ensuite regroupé dans une
base centrale. Le dispositif de filtrage de Signature vient comparer toute vidéo soumise par les
utilisateurs de Dailymotion à ce fichier, et empêche la mise en ligne de contenus protégés. Le
tarif de la licence fixé par l’INA est confidentiel. Lorsqu'une correspondance est détectée, une
intervention humaine est en principe nécessaire pour, d'une part, confirmer l'identité, et d'autre
part, vérifier si l'utilisation correspond ou non à une exploitation autorisée. Cette intervention
humaine est également nécessaire en cas de « conflit de détection » (une même vidéo
correspond à deux empreintes fournies par deux ayants droit) ou de contestation par l'auteur
de la vidéo candidate1. Dailymotion se distingue ensuite de YouTube puisque selon le
système « Signature », chaque nouvelle vidéo soumise à Dailymotion est d’abord scannée afin
de vérifier sa présence ou non dans la base de données. En cas d’empreinte, selon ce qui a été
négocié avec les ayants droit, la vidéo peut soit être rejetée, soit être mise en ligne avec un
éventuel partage des revenus publicitaires générés par la vidéo en question. Car ce sont les
ayants droit qui doivent demander, et payer, l’enregistrement des contenus qu’ils souhaitent
protéger dans la base de données tenue par l’INA.
Enfin, un dernier élément, et c'est certainement le plus important, oppose Dailymotion
et YouTube dans le traitement du contenu illicite. En effet, Dailymotion promeut la création
de « comptes officiels » (programme « Official Content »), c'est-à-dire de comptes pour
lesquels le créateur reconnaît avoir les droits et être le propriétaire des vidéos2. Sur 100
partenaires, c’est-à-dire sur 100 comptes créés sur Dailymotion en France, plus de 65% sont
des chaînes officielles, en partant du principe que plus il y a de contenu officiel présent, moins
le contenu pirate sera utile, et de fait il y en aura moins3. La société estime par ailleurs qu’il y
a suffisamment d’outils juridiques en ligne pour signer et contester les vidéos, et considère
que le contrôle est suffisant à partir du moment où il y a une action humaine autour de la
1
Pierre Lescure, « Contribution aux politiques culturelles à l'ère du numérique », Ministère de la Culture et de la
Communication, 2013, p. 403
2
Annexe 3
3
Entretien avec M. Remy Leclancher
85
vidéo (puisqu'il y a des modérateurs, des responsables de contenus des différentes chaînes).
Dailymotion fournit ainsi beaucoup d’efforts pour qu’il n’y ait pas de vidéo contrevenant aux
droits sportifs des principaux diffuseurs que son Canal+ et BeIN Sport.
Sur YouTube, n'importe qui peut contester le contenu de n'importe quelle chaine. C'est
d'ailleurs l'une des grandes critiques dont fait l'objet la société. La plateforme américaine est
toutefois parfaitement consciente des problèmes de droit d'auteur qu'elle rencontre, mais étant
un service dont l'essentiel du contenu est fourni par les utilisateurs, elle considère qu'il serait
contre-productif de supprimer les comptes des indélicats à tour de bras, car cela ferait partir
des internautes, un risque de perte d'audience que Dailymotion assume pleinement. Ainsi,
selon le système du Content ID, les détenteurs de droits, en l'occurrence ici la Ligue de
football professionnel, préfère monétiser les vidéos au contenu illicite, donc tirer des revenus
de l'activité des pirates. Plutôt que de réclamer la suppression des vidéos qui reprennent son
contenu, des publicités s'affichent, et les revenus générés sont partagés entre Google et la
Ligue. Sur le plan contractuel, le système mis en place par Google est tout à fait normal. Mais
sur le plan des symboles, du point de vue de l'utilisateur final, c'est différent. Le principe
actuel du droit d'auteur est un régime d'autorisation préalable. Or, Google met ici en place un
régime d'autorisation a posteriori, grâce à la publicité. L'internaute fait ce qu'il veut sans
demander à qui que ce soit pourvu qu'il accepte d'afficher de la publicité. Certes, une
plateforme sans contenus protégés est beaucoup plus attirante pour les annonceurs, un point
crucial lorsque l'on sait que c'est la publicité qui finance tout. Par contre, la logique du droit
d'auteur ne paraît pas réellement respectée.
Une chose est sure : le droit d'exploitation de la Ligue est violé lorsqu'une compétition
sportive est piratée en direct. De ce côté, aucune réponse précise n'existant à ce jour pour
régler ce problème, certaines solutions peuvent être imaginées.
86
Chapitre II : Les solutions proposées
Les problématiques sont d'ordre international. Ainsi, les problèmes posés par les paris
sportifs en ligne ne pourront se régler que par la création d'une autorité internationale chargée
de la surveillance et de suivi de l'offre de paris sportifs sur Internet, et sûrement pas par
l'interdiction des paris sportifs en ligne (Section 2). S'agissant du streaming illégal, comme vu
auparavant aucune solution n'existe véritablement dans les textes, et pour tenter d'endiguer le
phénomène, les détenteurs de droits n'hésitent pas à employer les grands moyens, en prenant
les pirates à leur propre jeu. Cependant, pour tenter de régler cette situation de fait, il est
possible d'imaginer le développement d'une offre légale alternative, sur des modèles qui
existent déjà, soit dans un autre domaine, soit dans d'autres pays (Section 1).
Section 1 : Le streaming, tout à la fois problème et solution pour l'avenir du
sport
D'autres secteurs tels que l'industrie du cinéma et de la musique font également
l'expérience de problèmes très similaires en ce qui concerne le partage de fichiers.
Initialement, ces industries ont intenté des poursuites en justice directement contre les sites,
avec des procédures juridiques extrêmement coûteuses. En conséquence, ces industries ont
préféré travailler directement avec les fournisseurs de services Internet pour limiter l'accès à
Internet et en bande passante aux les sites qui persistaient à violer les droits d'auteurs. Cette
lutte contre les sites pirates existe également dans le domaine du sport, mais les détenteurs de
droits en sortiront toujours perdant (§ 1), à moins qu'ils ne cessent de percevoir le streaming
comme un problème, mais comme une potentielle source de revenus, par le développement
d'une offre alternative (§ 2).
§ 1 : À défaut de solution existante : la lutte technique
Il est très difficile d'obtenir des informations sur cette guerre secrète contre les sites
pirates, les ayants droit ne désirant pas révéler leurs moyens de lutte, de peur que ceux-ci ne
87
soient plus facilement contournés (A). Toujours est-il que cette guerre est impossible à
gagner : le streaming est incontrôlable (B).
A) Tentative de description de la « guerre » technique contre le live streaming
illégal
Le silence législatif sur le sujet du live streaming sportif n'encourage pas les ayants
droit à engager de réelles poursuites pour les détenteurs de droit, et passer par un tribunal se
relève fastidieux et beaucoup trop long. Comme il a été étudié précédemment, les contentieux
dans ce domaine précis sont très rares. Selon la procédure, les détenteurs de droit envoient
«
d'abord une lettre au site contrefaisant en indiquant qu'il viole leurs droits de représentation de
matchs de football. Souvent, cette lettre est ignorée. Pour cette raison, les détenteurs de droit
nouent des relations avec des prestataires techniques, qui se chargent de couper les flux en
live : la diffusion du match de football est donc coupée en temps réel, et dans les cas
extrêmes, le site est fermé.
»
Comment font-ils ? En général, les prestataires techniques submergent de requêtes les
sites de diffusion illégale, jusqu'à ce que les flux explosent. Cependant, il se révèle compliqué
d'obtenir plus d'informations en la matière, en raison de la confidentialité pesante. Une
description plus approfondie de ce volet technique s'avère également impossible pour des
raisons d'éthique, afin d'éviter à certains pirates de contourner plus facilement le système
d'attaque des ayants droit. Mais ces éléments suffisent pour se rendre compte qu'il règne dans
ce domaine la loi du plus fort, à défaut pour celui-ci d'être encadré par un régime juridique
d'appoint, qui se révélerait de toute façon inefficace.
Ce que l'on constate donc, c'est que règne ici une sorte de « loi de la jungle », une
guerre entre les détenteurs de droits sportifs et les pirates, dont ressort vainqueur, à priori,
celui qui dispose des plus gros moyens, donc le détenteur de droits. En ce sens, un
rapprochement intéressant peut se faire avec le domaine de l'industrie culturelle. En effet, aux
États-Unis, un rapport récent sur la protection de la propriété intellectuelle relaie les
demandes d'ayants droit regroupés au sein de la « Commission sur le Vol de la Propriété
Intellectuelle Américaine » (« Commission on the Theft of American Intellectual Property »),
88
qui souhaitent disposer de la possibilité de hacker eux-mêmes les pirates1. Certains groupes
«
de pression demandent que soit par exemple légalisée la possibilité de passer à l'attaque contre
les hackers dont ils sont victimes, pour se faire justice eux-mêmes. Pire, certains proposent
même de pouvoir « prendre en photo le hacker en utilisant la caméra de son propre système »,
ou encore « d'implémenter un malware (programme développé dans le but de nuire à un
système informatique, sans le consentement de l'utilisateur infecté, englobent les virus, les
vers, les chevaux de Trois, ainsi que d'autres menaces) dans le réseau du hacker, ou même
neutraliser ou détruire physiquement le propre ordinateur ou réseau du hacker ». Si la
Commission estime effectivement que ces mesures sont trop incontrôlables dans leurs effets
pour être admissibles en l'état, en revanche elle recommande tout de même d'y réfléchir. Pour
autant, la Commission ne prend aucune distance avec une autre proposition visant à créer des
malwares capables de bloquer l'ordinateur des victimes lorsqu'ils tentent de lire un contenu
piraté, identifié notamment par des tatouages numériques invisibles, estimant que « de telles
mesures ne violent pas les lois actuelles sur l'utilisation d'Internet »2.
»
Pour revenir plus spécifiquement au domaine du sport, à côté du pirate qui diffuse le
contenu illicite, il y a l'utilisateur qui regarde ses matches de football en streaming. Celui-ci
pourrait a priori être condamné, car les flux de données sont stockés de manière provisoire
dans la mémoire de son ordinateur (il peut donc être attaqué en justice pour recel, d'après le
Code pénal). Néanmoins, cet utilisateur ne cour qu'un risque très faible en fin de compte.
D’abord parce qu’il faudrait que l’on puisse retrouver son adresse IP (bien que même avec il
ne soit pas possible de l’identifier à coup sûr), et ensuite parce qu’il serait quasiment
impossible d’appliquer des sanctions à chacun d’entre eux.
B) Une guerre impossible à gagner pour les ayants droit
Le streaming se révèle donc être un véritable fléau pour les détenteurs de droit
sportifs. D'un coté, l'internaute ne cour aucun risque, et de toute façon, la priorité n'est pas
aujourd'hui dans l'action contre les internautes. Du coté du détenteur de droits, non seulement
ceux-ci se heurtent à des difficultés d'identification des sites diffusant les contenus illicites,
mais en plus la fermeture d'un site diffusant des matchs de football en streaming non autorisé
1
The Commission on the Theft of American Intellectual Property, « The IP Commission Report », mai 2013
http://www.numerama.com/magazine/26059-les-folles-demandes-des-ayants-droit-contre-le-piratage-auxusa.html Consulté le 09/06/2013
2
89
est sans conséquence, de nombreux ouvrent quelque temps plus tard. C'est la conséquence de
la double particularité des sites de streaming illégaux, mise en évidence précédemment : la
volatilité et le caractère d'agrégateur de sites font en effet qu'il est très simple de créer un tel
site. Ces deux caractéristiques ressortaient clairement de l'analyse de l'affaire Rojadirecta, ou
dès sa suppression, le site est redevenu accessible à des adresses différentes, tandis que
l'équipe du site fait répandre l'information de cette réouverture vers des millions d'internautes
par les réseaux sociaux1, et notamment Twitter2.
Par ailleurs, les pouvoirs conférés à l'ancienne Hadopi et désormais au CSA, ne
permettent de lutter que contre une seule pratique illégale, le téléchargement de pair à pair,
mais n'envisagent aucune solution unique pour lutter contre le streaming. Certains auteurs
persistent et considèrent qu'il serait nécessaire de faire entrer clairement le producteur
d'évènement dans la catégorie des droits voisins, afin de faire bénéficier celui-ci de la
protection pénale sur le fondement de la contrefaçon, et réclament une évolution législative en
ce sens3.
Aux États-Unis, un projet de loi, « Stop Online Piracy Act » (SOPA, complété par un
autre texte, le « Project Intellectual Property Act ») avait été discuté au Congrès américain,
afin notamment de faciliter la tâche des ayants droit. En effet, celui-ci, en rendant délictuel le
streaming de contenu protégé (qui deviendrait plus précisément un crime, ou « felony »), leur
permet notamment d'attaquer n'importe quel intermédiaire technique pour appliquer n'importe
quelle décision. Les industriels américains du cinéma et de l’audiovisuel en sont les
principaux sponsors (y compris au niveau financier). L’ARP et la SACD, représentants des
industriels français du cinéma et de l’audiovisuel en France, soutiennent officiellement ce
projet de loi, dont certaines des mesures ont inspiré la Hadopi pour sa lutte contre le streaming
illégal et le téléchargement direct. Ce projet permet donc aux détenteurs de droits d’obtenir
(sur décision administrative) des sanctions, dont des mesures de blocage, à l’encontre de sites
hébergés à l’étranger et soupçonnés de faciliter le téléchargement ou le visionnage de contenu
illégal. Cela aurait pour conséquence de libérer le champ de bataille, les ayants droit
américains pouvant frapper dans le monde entier. Ce projet a fait l’objet d’une vive polémique
aux États-Unis, reflet d’une incompréhension entre certaines parties de la classe politique et le
1
Boris Barraud, « Repenser la pyramide des normes à l'ère des réseaux: Pour une conception pragmatique du
droit », L'Harmattan, 2012, p. 171
2
http://actualites.softonic.fr/le-streaming-dans-le-collimateur-rojadirecta-et-adhte-fermes Consulté le 09/06/2013
3
Fabrice Lorvo, « Internet, la diffusion des évènements sportifs et le droit français », Sport Stratégies n°295,
avril 2012
90
monde de l'Internet. Prévu fin janvier 2012, le vote sur le projet de loi a été reporté suite à la
fronde des acteurs d'Internet, et de ses pères fondateurs.
En définitive, lutter contre la diffusion de matchs avec le streaming illégal est
véritablement impossible. Il a été vu précédemment que, en promouvant la création de
comptes officiels, et la diffusion d'images légales, Dailymotion avait nettement réduit le dépôt
de vidéo aux contenus protégés. En s'inspirant de cette logique, il faut maintenant imaginer
une alternative à la lutte contre le streaming illégal : le développement d'une offre alternative.
§ 2 : La solution envisageable : le développement d'une offre légale alternative
Il est possible de s'appuyer sur des modèles existants déjà dans d’autres domaines,
comme celui du divertissement, ou dans d'autres pays, et notamment aux États-Unis, où
certains ayants droit ont surmonté les craintes qu'ils avaient vis-à-vis de l'Internet (B), en
partant du principe que le streaming illégal présente un certain nombre de défauts, que cette
offre légale permettra de surmonter (A).
A) Exploiter les défauts du streaming illégal
Internet est encore trop perçu par les acteurs du sport, tout comme les acteurs des
industries culturelles d'ailleurs, comme un danger et quelque chose dont il faudrait se méfier.
Il existe une solution pour ces acteurs, et plus spécifiquement dans le monde du sport : arrêter
de considérer Internet comme une menace, et proposer une offre légale attractive, alternative,
qui permettra aux amateurs de sport d'accéder aux matchs dans une qualité certaine à un coût
abordable. En effet, pourquoi ne pas inverser totalement la logique, et considérer le streaming
«
comme une source de revenus supplémentaire1 ? Les amateurs de streaming le confirmeraient,
si une offre de streaming légale existait, le streaming illégal baisserait de façon drastique.
En effet, si le streaming illégal a bien un défaut majeur, que peuvent exploiter les
détenteurs de droits, c’est la qualité des images et du son. L'internaute en recherche d'un
« lien » pour son match se retrouve bien souvent avec une image pixellisée et un son
médiocre, ces liens ne proposent pas toujours des retransmissions en français. En outre, l'autre
1
http://www.onsenfoot.com/2012/09/29/le-streaming-est-lavenir-du-sport/ Consulté le 09/06/2013
91
défaut principal est qu'il n'est pas rare lors de la visualisation d'un match par le biais du
streaming illégal que les actions soient fortement ralenties, saccadées, voir que le match soit
complètement coupé.
Par conséquent, le développement d'une offre alternative présente un triple avantage.
L'argument de poids que pourrait avoir une ligue ou fédération sportive serait dans un premier
temps la qualité du service rendu. Ensuite, le deuxième avantage serait de mettre en avant la
certitude, pour l'internaute, de pouvoir regarder le match en question. Enfin, et c'est la un
argument principal, ces possibilités permettent à des internautes d'avoir accès à toute une
panoplie de streaming sportifs légaux. Ainsi, grâce à ces offres, les différentes fédérations ou
chaînes disposant des droits de retransmission peuvent s'ouvrir à de nouveaux marchés, grâce
à la technologie.
B) Partir des modèles existants, avec ou sans abonnement
Sur ces bases, il est possible d'imaginer un modèle assez simple, avec un site affilié
qui regrouperait les matches d’un championnat où l’internaute irait choisir le match qui
l’intéresse, dans une qualité Haute Définition (HD). Ce modèle pourrait être financé par la
publicité, par un abonnement ou bien un modèle freemium (modèle économique associant une
offre gratuite, en libre accès, et une offre « Premium », haut de gamme, en accès payant), avec
une partie accessible gratuitement (financé par la publicité) et soit l’intégralité disponible par
abonnement, soit le développement d'une logique de sport « à la carte », avec un paiement des
matchs à l'unité. Par exemple, un match entre 3 et 5 euros semble acceptable pour du
streaming sportif.
Dans le domaine de la culture, il est possible de s'inspirer de la réussite de Spotify
(pour la musique) et de Netflix (pour les films et séries télévisées) aux États-Unis, qui ont
prouvé que des offres payantes d'accès à des contenus culturels pouvaient exister, à partir du
moment où celles-ci étaient intéressantes sur un rapport qualité / prix. Ici, le côté qualité
représente surtout le caractère illimité des offres proposées, pour des coûts mensuels ne
dépassant pas les dix euros1. Dans le domaine du sport, le cas de l'illimité ne peut pas
1
http://www.huffingtonpost.fr/loic-oumier/megaupload-streaming-sportif-cible_b_1221094.html Consulté le
09/06/2013
92
vraiment exister, puisqu'il y a beaucoup moins de matchs de football ou de tennis que de
musique disponible, bien évidemment.
Cependant, ce type de modèle est loin d’être utopique, bien au contraire, c’est un
modèle à peu près similaire qui a été choisi depuis peu entre autres par la NBA, qui, contre un
abonnement mensuel ou annuel, permet aux internautes du monde entier d’accéder à la NBA
TV, plateforme numérique retransmettant les matches, ainsi qu’à des bonus (interviews,
coulisses, focus, etc.). Par la suite, ce modèle a été poursuivi par la NFL (Football américain),
la NHL (Hockey sur glace) et la MLB (Baseball). Il est possible d'argumenter que ce système
aurait une faille, puisqu'il ne passe pas par le biais d’un diffuseur. Or, ce problème n’en est
pas un, comme le prouve le système économique de la NBA, qui continue de vendre ses
matchs aux diffuseurs traditionnels (CBS, TNT) tout en vendant à côté ses abonnements pour
regarder la NBA par streaming. En revanche, le coût est ici assez élevé (le montant oscille
entre 20 et 40 euros par mois).
Ainsi, il suffit pour l'utilisateur d'avoir un ordinateur, une tablette ou même un
smartphone, et d'une connexion Internet, pour pouvoir suivre les matchs. Pour la ligue, les
avantages sont nombreux. Tout d’abord, cela lui permet de s’exporter là où elle n’est pas
diffusée, et donc d’augmenter ses revenus liés à cette diffusion. Ensuite, il est important de
souligner que cela n’empêche donc en aucun cas les diffuseurs de ne plus payer les droits de
retransmission. Les détenteurs de droits américains considèrent que ce n’est pas concurrentiel,
mais complémentaire (il faut se rappeler que le spectateur a pour l'instant toujours une
préférence pour sa télévision). Le streaming sportif peut donc être favorable à chacune des
parties.
Dès lors, concrètement deux modèles sont envisageables : soit la logique de
l'abonnement est exclue. Ce n'est pas une chaîne de télévision qui mettrait à disposition une
plateforme de diffusion en streaming, mais ce serait directement la Ligue (donc s'agissant du
championnat français, la LFP). En effet, les chaînes de télévision ne sont pas appropriées pour
ce modèle, puisque leur modèle économique repose sur de l'abonnement, ainsi elles ne sont
pas susceptibles de démanteler ce modèle pour autoriser à regarder un match à l'unité, et
d'exclure la logique d'abonnement, au risque de voir leurs revenus chuter. Soit il est possible
d'imaginer une offre mensuelle, basée sur des coups identiques à ceux de Spotify / Netflix, qui
permettrait d'arriver à un optimum économique tout en enrayant la montée du streaming
sportif.
93
Quoi qu'il en soit, cela permettrait à la ligue de répondre à une demande réelle, les
sites de streaming illégaux étant très fréquentés. Il est donc possible d'imaginer ce modèle
alternatif, basé sur le streaming, d'autant que le développement de la télévision connectée
permet de regarder le streaming directement sur la télévision et non plus sur l'écran
d'ordinateur, ce qui est beaucoup plus ergonomique. En ce sens, il existe actuellement un
exemple bien particulier, qui correspond aux critères détaillés de l'offre satisfaisante, c'est
celui du site « livesport.tv »1. Bien entendu, les diffusions concernent uniquement des
compétitions mineures, mais le modèle a de quoi inspirer les entreprises du secteur. Ainsi,
contre quelques euros par mois, ce site propose d’accéder au live de nombreux sports avec
une promesse de qualité image et de son satisfaisante.
Il s'agit donc d'un potentiel économique certain, et en ce sens le modèle choisi par la
NBA prouve que les barrières liées au streaming ne sont pas réelles. De plus, le modèle
économique détaillé par la suite sur l'exemple du Championnat de France de football est
transposable à tous les sports et fédérations. En conclusion, il est nécessaire pour tous les
acteurs de faire un effort et de s'apercevoir qu'aborder le streaming en tant que problème est
une bien mauvaise approche, puisqu'il s'agit d'un problème véritablement irrémédiable, mais
plutôt de voir celui-ci comme un nouveau modèle naissant, dont il faut chercher à tirer les
»
fruits.
Section 2 : la nécessité d'une régulation des paris sportifs sur Internet
« Il y a toujours eu de la corruption dans le sport, avant même l'apparition des paris
sportifs, et il y en aura toujours. Il y aura toujours des matches truqués », selon Ralf
Mutschke2. Cependant, la globalisation de l'offre de paris permise par Internet place les
organisations sportives et les Etats devant un phénomène nouveau depuis une dizaine
d'années, et la glorieuse incertitude du sport, la loyauté et l'image des athlètes sont autant de
valeurs mobilisatrices et populaires qui risquent d'être ébranlées si aucune mesure sérieuse
n'est envisagée pour mettre un terme à la corruption liée aux paris en ligne. Tous les
partenaires, au niveau international, s'accordent sur le fait qu'aujourd'hui le problème est
majeur, mais sous-traité, le risque sous-estimé. À la recherche de solutions, certains suggèrent
1
http://www.livesport.tv/ Consulté le 09/06/2013
http://www.sudouest.fr/2013/04/06/paris-sportifs-la-lutte-contre-les-matches-truques-un-combat-perdu-davance-1016940-8.php Consulté le 09/06/2013
2
94
d'interdire les paris sportifs en ligne, une solution qui est tout à fait à exclure et qui
constituerait un recul (§ 1). De ce fait, la solution à ce problème majeur se dessine au niveau
transnational (§ 2).
§ 1 : L'interdiction des paris sportifs en ligne, une solution impossible
Aussi nombreux soient-ils (A), les acteurs du monde du sport qui souhaitent voir
interdire les paris sportifs en ligne seront déçus : cette solution ne sera jamais appliquée (B).
A) Pourquoi l'interdiction est une hypothèse souhaitable pour certains
Pour lutter contre ce fléau, le Conseil de l’Europe planche actuellement sur un projet
«
de convention destiné à harmoniser les législations de dizaines de pays, harmonisation qui
manque cruellement jusqu'à présent. En cours d’élaboration, notamment par le président de
l’ARJEL Jean-François Vilotte, le texte sera soumis à ratification à la fin 2014. Les
signataires s’engageraient par cette convention à modifier ou compléter leur législation
relative aux paris en ligne. La ratification du texte pourrait même devenir obligatoire pour
prétendre à l’organisation de grands événements sportifs (Jeux olympiques, coupes du
monde…). Cependant, une très forte régulation par les Etats pour rendre beaucoup moins
attractive, pour les organisations mafieuses, la corruption sur les paris sportifs n’aurait-elle
pas néanmoins un effet encore plus dévastateur ?
Il ne s’agit pas de remettre en cause la surveillance nécessaire sur les paris sportifs, ni
de questionner l’allocation de moyens supplémentaires pour combattre ce fléau. Toutefois,
l’inflation législative concernant une plus forte régulation du secteur ne pourrait-elle pas
conduire néanmoins sur le long terme à l’interdiction pure et simple des paris sportifs si les
Etats et les fédérations ne constatent aucune amélioration concrète ? Il serait alors facile de
faire admettre au public après une longue campagne de « sensibilisation » le caractère nocif
du pari sportif en faisant l’amalgame avec la lutte contre le dopage par exemple et de le
frapper d’une interdiction totale. Le risque pour les millions de joueurs prenant plaisir à parier
quotidiennement et légalement est bien présent, la vigilance s’impose sur la régulation certes
nécessaire et la trop grande restriction de libertés qu’elle pourrait engendrer.
95
D'ailleurs, début 2013 et en réaction avec l'affaire de paris en ligne et de trucage
affectant le handball français, l'ARJEL avait déjà commencé à restreindre dans une certaine
mesure l’offre de paris sportifs sur les matchs qu’elle considère à enjeu sportif insuffisant,
c'est-à-dire à des matchs de saison régulière opposant des clubs dont la situation au
classement, pour au moins l’un des deux clubs, ne peut plus évoluer , ou peut encore évoluer,
mais ne peut mener à une relégation, à une promotion à une division supérieure, à une
qualification à une compétition européenne ou à une qualification à une phase finale. Ces
dispositions s’appliquent pour l’instant pour les championnats français de rugby, basket-ball,
volley-ball et handball pouvant faire l’objet de paris. Le football obéit de son côté à un régime
différent : cette limitation ne s’applique qu’à la Ligue 2, l’ARJEL ayant estimé, compte tenu
de l’importance des droits audiovisuels attribués aux clubs de Ligue 1 en fonction de leur
classement final, qu’il était possible de parier sur ces matchs à la seule condition que l’une des
deux équipes peut voir son classement évoluer à l’issue de la saison. Il s'agit d'une solution
très contestée par les opérateurs de paris sportifs en ligne, qui sont déjà inquiets de la faible
diversité de l’offre légale face à l’offre illégale1.
Il n'est pas déraisonnable de se poser la question de l'interdiction pure et simple des
paris sportifs en ligne, dès lors que cette solution est envisagée par certains acteurs du monde
politique, comme Mourad Ghazli2, ou encore comme le président de l'Assemblée
Parlementaire du Conseil de l'Europe (ACPE) Jean-Claude Mignon, qui a indiqué que cette
solution serait efficace s'agissant des compétitions « les plus vulnérables », comme les matchs
de football des divisions inférieures et les compétitions des jeunes mineurs ou amateurs. Le
journaliste sportif Patrick Montel s'est également montré favorable à une telle interdiction3.
Dans une moindre mesure, il s'agit d'une solution envisagée par certains sportifs eux-mêmes,
tel le tennisman français Jo-Wilfried Tsonga, qui déclarait en avril 2013 qu'« Aujourd’hui, si
on enlève les paris, il n’y a plus de tricherie »4.
»
1
http://www.bfmtv.com/sport/parieurs-regime-sec-495890.html Consulté le 09/06/2013
http://www.ghazli.com/article-il-faut-interdire-les-paris-sportifs-pour-preserver-les-sportifs-et-les-parieurs115060179.html Consulté le 09/06/2013
3
« Handball : de la gloire au deshonneur », Ça vous regarde, LCP, 3 octobre 2012
4
http://www.rmcsport.fr/editorial/370642/les-verites-de-tsonga/ Consulté le 09/06/2013
2
96
B) Pourquoi l'interdiction ne sera jamais mise en place
Néanmoins, cette solution paraît exagérée, au regard de deux éléments. D'une part, la
suppression d'une offre légale n'a pour seule conséquence que de permettre le développement
d'une offre illégale. Il est possible d’illustrer cette affirmation avec les États-Unis, qui avaient
pourtant connu la prohibition de l'alcool, et qui ont mis en place un régime de prohibition des
paris sportifs transfrontalisers depuis 2006. Le Congrès américain avait adopté en 2006 la loi
« Unlawful Internet Gambling Enforcement Act » (UIGEA), optant pour l’interdiction de cette
activité par le biais du blocage des systèmes de paiement, mais l’entrée en vigueur du texte a
de nouveau été repoussée au 1er juin 2010 sous la pression de ses opposants. En conséquence
de cela, énormément de paris illégaux se sont développés dans la rue. D'autre part, les paris
sportifs représentent aujourd'hui, comme on l'a vu une source conséquente de financement du
sport professionnel, et par ricochet, du sport amateur. Au regard de cette situation,
l'interdiction des paris en ligne est donc impossible.
Toutefois, si l'interdiction paraît peu probable, repenser le contrôle des paris sportifs
est nécessaire. Dans un sens plus strict tout d'abord. Et, ensuite, compte tenu des logiques
transnationales à l'œuvre, des passerelles de coordination européenne, voir internationale, sont
indispensables en matière de police et de justice, et en matière de surveillance du marché
illégal. C'est à cette conclusion que sont arrivés plusieurs spécialistes des relations
internationales, au terme d'un rapport rendu en 20121.
§ 2 : Repenser les paris sportifs et leur contrôle : les deux mesures qui se
dessinent
Sans une coopération entre différentes agences de régulation, les matchs truqués sont
quasiment indétectables. Il est nécessaire de mettre en place un système de coordination,
comme celle qu'envisage le Conseil de l’Europe actuellement. La question de la régulation et
contrôle des sites de paris en ligne est également cruciale. Tous les acteurs sont d'accord sur
un point : la politique à avoir est multiforme. Elle passe par la mise en place d'une politique
1
Pascal Boniface, Sarah Lacarriere, Pim Vurschuuren, Alexandre Tuaillon, « Paris sportifs et corruption :
comment préserver l'intégrité du sport », IRIS, 2012, p. 81
97
de sensibilisation des acteurs (A). Toutefois, il n'y aura pas de lutte efficace contre la fraude
sans harmonisation internationale (B).
A) Une politique de sensibilisation des acteurs
Selon Michaela Ragg, en charge de l'intégrité du sport chez Interpol, « On peut essayer
de réduire le phénomène des matches truqués, mais on ne l'éradiquera pas », estime-t-elle.
« C'est pourquoi la prévention est essentielle. Expliquer aux sportifs comment se protéger,
leur montrer pourquoi et par quoi ils sont vulnérables »1. À ce sujet, Androulla Vassiliou,
Commissaire Européenne pour le sport, déclarait d'ailleurs qu'« il y a bien un élément sur
lequel la Commission Européenne se concentre pour lutter contre le truquage des matches,
c’est la prévention. Dans ce contexte, des programmes d’éducation et de sensibilisation
peuvent avoir un impact significatif sur ceux qui sont les plus susceptibles d’être approchés
pour truquer des matches » (les athlètes donc)2.
Ainsi, un moyen préconisé par les acteurs pour lutter contre la corruption est
d'informer les sportifs, leur expliquer les risques qu'ils font courir au sport en général en se
laissant corrompre. Dans cette optique, la FIFA a notamment lancé un programme destiné aux
190 fédérations nationales des pays ayant signé des accords avec Interpol. Ensemble, ils
matérialisent les techniques d'approches des corrupteurs et les conséquences d'un basculement
dans l'illégalité (carrière brisée, sécurité menacée pour soi et sa famille...).
B) Une harmonisation internationale
L'encadrement des paris en ligne en France est très bon, le pays est probablement l'un
des plus avancés en la matière au sein de l'Union Européenne, les règles sont drastiques et la
régulation est très forte, mais il ne sert aujourd'hui à rien de renforcer encore la loi en France
s'il est par ailleurs possible de jouer d’un pays étranger (d'où le rapprochement opéré plus haut
avec la régulation financière). La France édicte des règles, mais elle a bien du mal à les faire
respecter sur Internet. Malgré son efficacité, l'ARJEL n'est compétente que pour les paris
1
http://www.sudouest.fr/2013/04/06/paris-sportifs-la-lutte-contre-les-matches-truques-un-combat-perdu-davance-1016940-8.php Consulté le 09/06/2013
2
http://www.egba.eu/fr/press/624 Consulté le 09/06/2013
98
français, alors que le pari sportif ne connaît pas de frontière. D'autant plus que, comme il a été
vu, les donneurs d'ordre dans les affaires de corruption sont souvent à l'autre bout du monde,
et quasiment intouchables. D'après Christian Kalb, sur cent euros dans le monde pariés sur un
match français, « sans doute deux/trois sont pariés en France, et 97/98 à l'étranger »1.
Une harmonisation internationale est donc plus que nécessaire. Il s'agit d'une impasse
«
comparable à celle qu'a déjà connu le monde du sport avec le dopage il y a une quinzaine
d'années. Comme il a été fait avec le dopage, avec l’Agence mondiale antidopage, monter une
agence internationale qui imposerait partout la même vigilance, la même surveillance, et le
suivi de l'offre de paris sportifs sur Internet, paraît être une solution concevable, afin
d'apporter une cohérence, au niveau européen dans un premier temps, puis mondial dans un
second. C'est également l'idée soutenue par Marie-George Buffet (qui avait d'ailleurs,
lorsqu'elle été ministre des Sports, bataillé pour la création de l'Agence mondiale antidopage),
une voix suivie par l'actuelle ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et
de la Vie associative, Valérie Fourneyron, qui a relancé, dés son arrivée au ministère, les
discussions à ce sujet, pour pousser plus loin l'harmonisation européenne. L'autorité
internationale, chargée de la surveillance et du suivi de l'offre de paris sportifs sur Internet,
serait donc créée pour renforcer la protection de l'intégrité des compétitions sportives face aux
paris en ligne, et aurait notamment vocation à catégoriser les paris sportifs selon les risques
qui y sont associés, afin de les autoriser ou non, et à plafonner les sommes mises en jeu.
Ensuite, il sera nécessaire de mettre en place un arsenal juridique et pénal particulièrement
important. C’est là que l’UE a une valeur ajoutée.
Ainsi, seule une coopération étroite entre l'UE, les Etats membres, le mouvement
sportif et les opérateurs légaux de paris sportifs en ligne permettra de trouver une solution
pour préserver l'incertitude du résultat, qui est l'essence même du sport. Il faudra pour cela, et
la tâche s'avère très compliquée, convaincre le reste des pays de s'aligner sur le modèle
français, alors que les disparités des réglementations nationales sont très grandes en la
»
matière. Ensuite, le meilleur signe serait que des scandales de matchs truqués via les paris
sportifs en ligne éclatent plus fréquemment, ce qui montrerait que les arsenaux mis en place
commencent à faire effet.
1
».
« Les jeux en ligne : pari tenu ? », L'écho des lois, LCP, 22 décembre 2012
99
CONCLUSION
Les problématiques face auxquelles se trouvent confrontées les instances du sport et les
Etats nécessitent des réponses à plusieurs niveaux. S'agissant de la corruption et des paris en
ligne, il est évident que la solution ne se situe qu'au niveau international, au niveau politique,
pour encadrer ce phénomène. En revanche, la réponse est moins évidente s'agissant du
piratage du contenu sportif, mais des solutions existent au niveau économique et commercial,
dont il est possible de s'inspirer. Malgré la gravité de ces maux dont souffre le sport, avec la
corruption qui l'entoure, malgré l'explosion de pratiques que les ayants droit redoutent plus
que tout avec le streaming illégal, les usages sont entrés dans les mœurs : les joueurs parient
en ligne, les fans de sport regardent des compétitions sur des sites de streaming illégaux et sur
les plateformes de vidéo à la demande. Dans tous les cas, les mots « combattre » et
« interdire » ne sont pas appropriés : il ne faut pas craindre ces usages et reculer, mais les
accepter pleinement, afin de mieux les appréhender.
100
Bibliographie
-
Christophe Caron, Droit d'auteur et droits voisins, LexisNexis, 3e éd. 2013
-
Nicolas Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, 2e édition, L.G.D.J, 2012
-
Frédéric Buy, Jean-Michel Marmayou, Didier Proracchia, Fabrice Rizzo, Droit du
Sport, 2012
-
Gérald Simon, Droit du sport, Thémis droit, 2012
-
Nadine Dermit-Richard, Johanna Guillaumé, Football et droit, Actes du colloque
« Football et droit » organisé à la Faculté de droit de Rouen le 12 octobre 2011,
Volume n°2, Décembre 2012
-
Declan Hill, Comment truquer un match de foot ?, Editions Florent Massot, 2008
101
Glossaire
Bookmaker : personne morale ou physique permettant de parier de l’argent sur des
évènements, le plus souvent sportifs.
Contrefaçon : acte qui porte atteinte à un droit aux droits découlant d’un titre de propriété
intellectuelle (marque, brevet, droit d’auteur).
Compte officiel : désigne un espace d’hébergement de contenus sur une plateforme
d’hébergement de fichier dédié à une personne physique ou morale détenant les droits de
propriété intellectuelle sur le contenu, et qui administre directement cet espace.
Coût par mille impressions (CPM) : Unité de mesure permettant de déterminer le coût
d’achat d’espace sur un site Internet. Ce coût est fonction du nombre d’affichages de la
publicité.
Digital Right Management (DRM) : technologie sécurisée qui permet au détenteur des droits
d'auteur d'un objet soumis à la propriété intellectuelle (comme un fichier audio, vidéo ou
texte) de spécifier ce qu'un utilisateur est en droit d'en faire. En général, elle est utilisée pour
proposer des téléchargements sans craindre que l'utilisateur ne distribue librement le fichier
sur le web.
Fédération sportive : association sportive ayant pour vocation la réunion d'autres
associations de moindre taille, généralement des clubs sportifs individuels ou des ligues
régionales.
Forum : espace de discussion asynchrone sur un site web qui permet aux internautes
d’échanger, de poser des questions ou de poster des réponses sur les thématiques proposées.
Ligue sportive : regroupement de plusieurs associations ou clubs de sport qui représentent un
but sportif à travers de valeurs communes.
Live : retransmission en direct.
102
Live betting (pari en direct) : consiste à parier sur un match alors que celui-ci est en cours.
Monitoring : opération consistant à suivre méticuleusement le fonctionnement d’un système,
d’un processus en temps réel.
Pair à pair (peer-to-peer) : technologie permettant l’échange direct de données entre
ordinateurs reliés à Internet, sans passer par un serveur central.
Plateforme d’hébergement de vidéo : sites Internet qui permettent aux utilisateurs
d’héberger des fichiers vidéo sur leurs serveurs et de les diffuser en streaming.
Podcast : moyen gratuit de diffusion de fichiers audio ou vidéo sur Internet
Sponsoring : soutien financier ou matériel apporté à un évènement par un partenaire
annonceur en échange de différentes formes de visibilité sur l’événement.
Streaming (diffusion en flux) : lecture en continu du contenu de fichiers audio ou vidéo
permettant d’écouter ou de visionner immédiatement ce qui a été reçu, sans qu’il soit besoin
d’attendre que l’ensemble ait été téléchargé.
Télévision de rattrapage (catch-up TV) : ensemble des services permettant de voir ou de
revoir des programmes après leur diffusion sur une chaîne de télévision, pendant une période
déterminée, gratuitement ou sans supplément dans le cadre d’un abonnement.
Vidéo à la demande (VOD) : terme regroupant un large ensemble de technologies dont le but
commun est de permettre à des individus de choisir des vidéos d'un serveur central, pour les
visualiser sur un écran de télévision ou d'ordinateur.
Virtual Private Network (VPN) : réseau de données privé exploitant un réseau public tel
qu’Internet, mais invisible des autres utilisateurs, qui chiffre les données au niveau d’un nœud
et utilise des procédures de sécurité pour créer un « tunnel » à travers lequel les données
peuvent être transmises.
Watermarking : technique de marquage qui consiste à insérer une signature invisible et
permanente à l’intérieur d’un fichier sur Internet, afin de lutter contre la fraude et le piratage
et d’assurer la protection des droits de propriété intellectuelle.
103
Index
A
Angleterre, 21, 56, 60
ARJEL, 17, 53, 54, 55, 65, 67, 71, 72, 73,
93, 94, 96, 102
Asie, 47, 61, 62
B
BeIN Sport, 35, 83
Betting exchange, 49, 59
Bookmakers, 48, 49, 52, 62, 71
C
Canal+, 9, 29, 31, 35, 38, 76, 78, 83
Catch-up TV, 32
Championnat de France de football, 13, 33,
92
Chantal Jouano, 32
Christian Kalb, 56, 66, 97
CJUE, 14, 54, 63
Commission européenne, 25, 32, 52, 53,
63
Commission on the Theft of American
Intellectual Property, 86, 87
Comptes officiels, 83, 89
Concurrence déloyale, 31
Conseil constitutionnel, 42
Conseil de l'Europe, 93, 94, 95
Conseil National de la Compatibilité, 22
Content ID, 80, 82, 84
Contrefaçon, 31, 41, 45, 74, 76, 77, 88
Copyright, 45, 74, 78, 80, 81
Corruption, 3, 6, 18, 46, 47, 49, 50, 52, 56,
57, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 69,
70, 72, 73, 92, 93, 95, 96, 97, 98, 102
Coût par mille impressions, 36
CSA, 30, 32, 33, 88
D
Dailymotion, 2, 6, 26, 27, 28, 29, 33, 34,
37, 38, 43, 65, 76, 77, 79, 82, 83, 84, 89,
102
Délégué intégrité, 68
Différé, 3, 6, 16, 18, 23, 25, 33, 37, 44, 65,
66, 73, 74, 102
Digital Millennium Copyright Act, 42, 75,
81
Direction des Enquêtes et du Contrôle, 72
Direction des Services d'Information, 73
Dopage, 47, 56, 64, 69, 93, 97
DRM, 78
Droit à l'information sportive, 19, 20, 29,
30, 33, 101
Droit de citation, 30
Droit d'exploitation audiovisuelle, 7, 13,
15, 16
Droits de retransmission, 20, 21, 22, 31,
78, 90, 91, 101
Droits radiophoniques, 16, 25
Droits voisins, 11, 14, 30, 31, 41, 88
E
Editeur, 40, 44, 74, 75, 76
Espagne, 44, 46
États-Unis, 42, 45, 56, 75, 86, 88, 89, 90,
95
Europol, 62
Extrait, 30, 31
F
Fédération Française de Football, 2, 12, 22
FIFA, 51, 63, 96
Football business, 21, 39
Forum, 44
Française des jeux, 51, 52, 55, 68
G
Google, 2, 43, 74, 75, 78, 81, 84
H
Hadopi, 41, 88
Handball, 29, 57, 61, 94
Hébergement de vidéo, 26, 28, 35, 66, 76,
77
Hébergeur, 43, 44, 74, 75, 76, 77, 79
Homeland Security Investigations, 45
104
I
Immigration and Customs Enforcement, 45
In Our Sites, 45
Institut National de l'Audiovisuel, 82
Interpol, 63, 96
J
Premier League, 14, 25, 78
Pronostics, 50, 70
R
Règlement Intérieur Audiovisuel, 23, 33
Retour à la filière sportive, 50
Rojadirecta, 39, 88
Jean-François Vilotte, 60, 61, 67, 93
L
Lamour, 13, 22, 24
LCEN, 15, 32, 42, 44, 76, 77
Lescure, 77, 79, 81, 83
Liberté de communication au public par
voie électronique, 37
Ligue de football professionnel, 16, 22, 23,
24, 25, 27, 33, 35, 37, 41, 74, 78, 80, 82,
84
Live, 3, 18, 22, 28, 29, 34, 35, 37, 38, 43,
48, 57, 65, 86, 92, 101, 102
Livesport.tv, 92
M
Mandat, 24
Marie George-Buffet, 94
Mémoire vive, 40
Monitoring, 72, 79
Myspace, 77
S
Signal international, 26
Signature, 82
Soccer.fr, 43
Sponsoring, 21, 22
Stockage, 38, 41, 42, 76
Stop Online Piracy Act, 88
Streaming illégal, 3, 18, 34, 35, 36, 37, 38,
39, 40, 44, 45, 46, 85, 86, 88, 89, 90, 98,
101, 102
T
Télécommunication, 15
Télévision, 7, 8, 9, 20, 21, 22, 24, 26, 27,
29, 32, 33, 35, 36, 38, 39, 46, 67, 78, 81,
82, 91, 92
Twitter, 88
U
UEFA, 25
V
N
NBA, 78, 91, 92
Netflix, 90, 92
Notice and stay down, 79
Notice and Take down, 42
Valérie Fourneyron, 97
Vente centralisée, 20, 22, 24, 26, 36
Viacom, 74, 75, 77, 80
VOD, 20, 32, 33, 78
VPN, 71
O
W
Organisateurs, 6, 10, 12, 14, 17, 31, 32, 68
Watermark, 80
P
P2P, 38, 44
Paris exotiques, 48, 58
Paris sportifs en ligne, 3, 18, 47, 48, 49,
50, 55, 57, 59, 60, 61, 64, 67, 68, 70, 72,
85, 93, 94, 97, 101, 102
Podcast, 38
Y
YouTube, 6, 26, 33, 34, 35, 37, 38, 65, 74,
75, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 102
Z
Zlatan Ibrahimović, 73
105
Annexes
ANNEXE 1 : EXEMPLE D’UN CONTRAT DE PARTAGE DE REVENU ENTRE UNE
PLATEFORME D’HEBERGEMENT DE VIDEO EN LIGNE (DAILYMOTION) ET UN
PARTENAIRE X ..................................................................................................... 108
ANNEXE 2 : DECISION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 30
JUIN 2009, LIGUE DE FOOTBALL PROFESSIONNEL C/ MODIBO ................... 115
ANNEXE 3 : CONDITIONS D’ADHESION AU PROGRAMME « OFFICIAL
CONTENT » DE DAILYMOTION ........................................................................... 127
106
Annexe 1 : Exemple d’un contrat de partage de revenu entre une plateforme
d’hébergement de vidéo en ligne (Dailymotion) et un partenaire X
INSERER LE LOGO DU PARTENAIRE
CONTRAT DE PARTENARIAT
Entre les soussignés
La société DAILYMOTION, Société Anonyme au capital de 485 748,15 euros, dont le siège social est
140 boulevard Malesherbes 75017 Paris, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 483 487 112,
représentée par Monsieur Cédric TOURNAY , Président
Ci-après dénommée « DAILYMOTION » ou « DM»
D’une part,
Et
La société [A COMPLETER], [A COMPLETER]au capital de [A COMPLETER] euros, dont le siège
social est [A COMPLETER], immatriculée au RCS de [A COMPLETER] sous le numéro [A
COMPLETER], représentée par [A COMPLETER], [A COMPLETER]
Ci-après dénommée « le PARTENAIRE»
D’autre part,
Individuellement ("Partie") et ensemble (les "Parties").
PREAMBULE
DAILYMOTION exploite, depuis la France, une plateforme d'hébergement gratuit de vidéos (ci-après,
le « Service ») permettant de stocker des vidéos et de les partager et/ou de les commenter,
accessible notamment à l'adresse http://www.dailymotion.com ainsi que ses extensions locales ou
particulières (ci-après, le « Site ») et/ou sur tous supports de communication électronique (incluant la
téléphonie mobile et la télévision par IP ou IPTV) et/ou sur tous supports linéaires comme par
exemple la télévision ou les réseaux d’exploitation cinématographique.
Le PARTENAIRE est spécialisé dans [A COMPLETER].
Le PARTENAIRE souhaite proposer au Public ses Programmes et souhaite également confier à DM
la commercialisation de la publicité en relation avec ses Programmes.
Les Parties se sont ainsi rapprochées afin de conclure le présent contrat de partenariat (ci-après, le
« Contrat »).
107
Il a été en conséquence convenu et arrêté ce qui suit :
DÉFINITIONS
Pour la bonne compréhension des présentes, les Parties conviennent des définitions suivantes :
« Catalogue » : désigne les Programmes qui seront mis en ligne par le PARTENAIRE sur son
Compte Officiel, pendant la durée du Contrat visée à l’article 4, dont le PARTENAIRE détient et
détiendra pendant la durée du Contrat et sur le Territoire, les droits d’exploitation visés à l’article 3.
« Compte officiel » : désigne un espace d’hébergement des Programmes dédié au PARTENAIRE,
administré directement par celui-ci, et contenant également notamment des informations désignant le
nombre de vidéos disponibles en ligne sur le compte, le nombre de commentaires, le nombre de vues
toutes vidéos confondues, le nombre de vues par vidéos, le nombre de mises en favoris.
« Matériel Promotionnel » : désigne le matériel promotionnel disponible visant à faire la promotion
des Programmes (articles, photographies, biographie et filmographie de l’auteur et du réalisateur,
textes de présentation du Programme…).
« Player Vidéo » désigne le logiciel développé par et appartenant à DM, permettant la lecture sur le
Service, et notamment tant sur le Site qu’hors du Site, de vidéogrammes mis en ligne et hébergés sur
le Service.
« Programme » : désigne tout vidéogramme issu du Catalogue du PARTENAIRE et mis à la
disposition de DM avec les données associées (titre, durée, …..) sous format numérisé tel que défini à
l’article 11, dans sa version originale et toutes autres versions disponibles.
« Public » désigne toute personne ayant accès aux Programmes.
« Site du PARTENAIRE » désigne le site accessible à l’adresse suivante [A COMPLETER]
« Territoire » : désigne le Monde.
Article 1 : OBJET
Le Contrat a pour objet (i) la mise à disposition de DM par le PARTENAIRE du Catalogue pour le
visionnage sur le Service par le Public des Programmes dont le PARTENAIRE détient les droits
d’exploitation visés à l’article 3 des présentes et (ii) la commercialisation de publicité par DM en
relation avec les Programmes.
Article 2 : CATALOGUE
Le PARTENAIRE s’engage à mettre à disposition de DM, le Catalogue dont les caractéristiques sont
les suivantes :
Genre(s) du Catalogue : le PARTENAIRE mettra à la disposition de DM les Programmes appartenant
à la thématique [A COMPLETER].
Nombre de Programmes concernés : Le PARTENAIRE s’engage à mettre en ligne au minimum [A
COMPLETER] Programmes, dont [XX] devront toujours être en ligne simultanément.
108
Mise à disposition des Programmes : le Partenaire s’engage à mettre en ligne les Programmes sur
le Site et au plus tard 10 jours après la date de signature du Contrat. Le Matériel tel que défini en
préambule des présentes devra mentionner obligatoirement toutes les données associées (titre des
programmes, durée, langue…). Le PARTENAIRE s’engage à fournir ces données notamment pour les
besoins de l’article 7 (reddition de compte, facturation, audit), étant précisé que le PARTENAIRE aura
la faculté de modifier à tout moment lesdits Programmes ou ces données associées sous réserve d’en
avertir préalablement DM.
Les Programmes, le Matériel Promotionnel et de manière générale tout document remis à DM par le
PARTENAIRE ainsi que l’ensemble des droits incorporels s’y rattachant restent la propriété du
PARTENAIRE.
Mise à jour du Catalogue : le PARTENAIRE s'engage également à mettre à jour le Catalogue et à ce
titre, à mettre à disposition de DM des nouveaux Programmes disponibles à l’exploitation prévue aux
présentes sur une base d’un minimum de A COMPLETER Programmes par mois.
Article 3 : DROITS CONCÉDÉS
3.1. Le PARTENAIRE autorise DM, pour le Territoire et la durée du Contrat, à titre non exclusif, à
mettre à disposition et à communiquer au Public les Programmes en vue de leur visionnage par le
Public sur le Service via (i) le réseau Internet, notamment sur le Site et sur tout autre site Internet via
le Player Vidéo, notamment sur le Site du PARTENAIRE; (ii) tous terminaux mobiles ou portables pour
lesquels la distribution du Service est assurée via tout réseau de télécommunication sans fil, par tout
moyen d’accès ; (iii) tous supports de télévision par IP / IPTV pour lesquels la distribution du Service
est assurée via une connexion Internet à haut débit sur le protocole IP (tout en permettant le contrôle
du flux vidéo (pause, retour en arrière, sauvegarde…) notamment au moyen de l’intégration d’un
widget sur les terminaux de télévision ou du référencement du Service sur les différents portails et
réseaux de distribution de télévision par Internet ; (iv) tous supports de télévision pour lesquels la
distribution du Service est assurée par câble, par voie hertzienne ou par satellite ; (v) les réseaux
d’exploitation cinématographique (salles), ainsi que (vi) tous supports présents ou à venir.
Cette autorisation comprend en outre la possibilité pour DM de reproduire, dans leur intégralité et
sans altération (autre que l’insertion publicitaire visée à l’article 3.2. ci-dessous) les Programmes en
vue de leur mise à disposition et de leur communication au Public sur le Service via les moyens de
communication visés ci-dessus et notamment aux fins : (i) de compression et de numérisation des
Programmes le cas échéant, (ii) d’hébergement et de stockage des Programmes ou pour les besoins
techniques liés au visionnage des Programmes. Une totale liberté est laissée à DM concernant le
choix des modalités de promotion des Programmes ainsi que le choix des modalités de visualisation
et de présentation de la publicité.
Les Parties conviennent que les droits concédés au titre du Contrat couvrent en tant que de besoin
rétroactivement toute exploitation des Programmes du PARTENAIRE sur le Service, antérieure à la
date de signature des présentes. A ce titre, le PARTENAIRE renonce à toutes actions et/ou
réclamations à l’encontre de DM et des utilisateurs de DM du fait de toute diffusion éventuelle des
Programmes sur le Service antérieure à l’entrée en vigueur du Contrat et garantit DM en la matière.
3.2. Le PARTENAIRE autorise DM, pour le Territoire et la durée du Contrat, à titre exclusif, à :
-
commercialiser et associer de la publicité auxdits Programmes sous forme de publicités dite
« Display », incluant notamment mais non limitativement, de pavés, bannières, liens
hypertextes, habillages promotionnels disponibles sur Service ;
-
commercialiser et associer de la publicité auxdits Programmes sous forme de publicités dite
« in-stream » (notamment en pré-roll, post-roll, habillage du player vidéo, ad overlay) insérée
avant et/ou pendant et/ou après les Programmes diffusés sur le Service et accessibles via le
player vidéo développé par DM (notamment sur le Site ainsi que sur tout site Internet sur
lequel les Programmes sont diffusés via le Player Vidéo, notamment le Site du
PARTENAIRE).
109
Il est entendu qu’une totale liberté est laissée à DM concernant (i) les tarifs de commercialisation de la
publicité associée aux Programmes sur le Service et (ii) les modalités de sa visualisation et de son
placement, le PARTENAIRE s’engageant à ce titre à ne pas faire obstacle à ladite visualisation et
audit placement de la publicité sur son site. Par ailleurs, en vertu de l’exclusivité accordée à DM, le
PARTENAIRE s’interdit de commercialiser (ainsi que de confier la commercialisation à un tiers) la
publicité associée aux Programmes via le Player Vidéo sur le Site du PARTENAIRE.
Article 4 : DUREE DU CONTRAT
Le Contrat prendra effet à compter de la date de signature des présentes pour une durée de douze
mois (« Période Initiale »). Le Contrat sera renouvelable par tacite reconduction pour des périodes
supplémentaires d’un (1) an sauf dénonciation par l’une ou l’autre des Parties moyennant un préavis
de quatre-vingt dix (90) jours avant la date anniversaire du Contrat.
Article 5 : PROMOTION
Il est entendu que le PARTENAIRE pourra bénéficier d’un ou plusieurs Compte(s) Officiel(s), aux
couleurs et environnement du PARTENAIRE, en fonction de la nature des Programmes. Le
PARTENAIRE disposera, au sein de chaque Compte Officiel, d’outils d’administration lui permettant
de gérer et d’administrer de manière autonome ledit Compte Officiel et notamment d’interdire
l’affichage de commentaires insérés sous les Programmes.
Pour les besoins de la promotion du Service, le PARTENAIRE autorise DM à utiliser des extraits,
n’excédant pas 90 secondes, des Programmes visés au Catalogue sur le Service via les moyens de
communication visés à l’article 3. De plus, le PARTENAIRE s’engage à mettre gratuitement à la
disposition de DM, à sa demande, tout Matériel Promotionnel disponible. Ce Matériel Promotionnel
devra être libre de droits tant pour la promotion de l’œuvre que pour la promotion des activités de DM,
notamment sur le Service, à l’exclusion de tout autre usage.
Toute utilisation par DM d’une marque ou d’un logo appartenant au PARTENAIRE, doit être
préalablement approuvée par celui-ci par écrit, sauf lorsqu’elle est exclusivement associée au
Programme de ce dernier. Cette approbation pourra être effectuée par courrier électronique.
De même, toute utilisation par le PARTENAIRE de la marque ou du logo DM doit être préalablement
approuvée par celle-ci par écrit. Cette approbation pourra être effectuée par courrier électronique. Les
Parties s’engagent à collaborer de bonne foi, pendant toute la durée des droits, afin d’assurer le suivi
de la mise à disposition des Programmes et de concevoir et promouvoir les Programmes.
Il est entendu que les Parties pourront communiquer sur l’existence de leur partenariat sous réserve
de l’accord préalable des Parties quant au libellé du communiqué de presse.
Article 6 : MONTANT / RÉMUNÉRATION
En contrepartie des droits concédés par le PARTENAIRE au titre de l’exploitation des Programmes
telle que définie à l’article 3 ci-dessus, DM versera au PARTENAIRE une partie des revenus
publicitaires encaissés par DM au titre de la publicité associée aux Programmes selon les modalités
suivantes:
•
S’agissant de la commercialisation par DM de publicité associée aux Programmes sur le
Service (à l’exclusion du Site du PARTENAIRE) :
DM versera au PARTENAIRE une redevance égale à 70% des Recettes Nettes Publicitaires
encaissées par DM au titre de la publicité associée aux Programmes diffusés sur le Compte
Officiel du PARTENAIRE disponible sur le Service et/ou via le Player Vidéo.
Dans le cas présent, les Recettes Nettes Publicitaires sont entendues comme les recettes
brutes encaissées par DM, diminuées des frais de commercialisation fixés à 30% incluant
110
notamment les redevances dues aux sociétés de gestion collective au titre du visionnage des
Programmes sur le Site dans les limites figurant à l’article 9 des présentes.
•
S’agissant de la commercialisation par DM de publicité associée aux Programmes sur le Site
du PARTENAIRE :
DM versera au PARTENAIRE une redevance égale à 100% des Recettes Nettes
Publicitaires encaissées par DM au titre de la publicité associée aux Programmes diffusés sur
le Site du PARTENAIRE via le Player Vidéo.
Dans le cas présent, les Recettes Nettes Publicitaires sont entendues comme les recettes
brutes encaissées par DM, diminuées des frais de commercialisation fixés à 30%.
Il est précisé qu’en ce qui concerne les recettes publicitaires encaissées par DM et réalisées hors de
France, DM déduira les montants qui seraient retenus par les autorités de certains pays, pour
permettre le transfert et/ou le paiement des sommes revenant au PARTENAIRE.
Article 7 : REDDITIONS DE COMPTES, FACTURATION ET PAIEMENT
7.1 Redditions de comptes.
Les comptes de la rémunération proportionnelle des Recettes Nettes Publicitaires, telle que visée à
l’article 6, seront arrêtés à l’issue du dernier jour de chaque trimestre de la période contractuelle. Les
états seront adressés au PARTENAIRE sous 30 (trente) jours, éventuellement sous format
informatisé. Les comptes des rémunérations seront réputés approuvés et acceptés définitivement par
PARTENAIRE à moins qu'il ne les conteste par écrit dans un délai de 12 (douze) mois à compter de
leur réception.
7.2 Modalités de Paiement.
Les paiements seront effectués dans les 30 (trente) jours suivant la réception par DM des factures
(afférentes aux états de comptes transmis) envoyées par le PARTENAIRE et faisant apparaître la
TVA au taux en vigueur, sous réserve des dispositions visées ci-après.
Les Parties ont souhaité mettre en place un seuil minimum de cent euros (100 €) (« Seuil
Minimum ») pour déclencher le paiement des Recettes Nettes Publicitaires dues au PARTENAIRE.
Ainsi, il est convenu que le paiement de toutes sommes acquises au titre des Recettes Nettes
Publicitaires (telles que définies à l’article 6) dont le cumul est inférieur au Seuil Minimum sera reporté
sur le trimestre suivant aussi longtemps que le Seul Minimum ne sera pas atteint.
7.3 Audit.
A cet effet, DM tiendra, une fois par an, à la disposition du PARTENAIRE les documents comptables
propres à justifier l’exactitude des informations et des comptes fournis par elle, tels que visés à l’article
7.1 ci-dessus. Cette demande devra être formulée par lettre avec accusé de réception quinze (15)
jours avant la date de consultation dans les locaux de DM. Le PARTENAIRE s’engage à conserver un
caractère strictement confidentiel à l’ensemble des informations qui lui seront transmises par DM dans
le cadre du présent article. Dans l’hypothèse où l’audit révèlerait un écart de plus de 10% (dix pour
cent) entre les sommes versées et les sommes effectivement dues par DM au PARTENAIRE,
l’intégralité des frais dudit audit seront à la charge de DM et cette dernière procèdera au
remboursement des dits frais d’audit et au paiement des sommes dues dans les 30 (trente) jours à
compter de la réception des factures correspondantes.
Article 8 : CLAUSE DE GARANTIE
111
Le PARTENAIRE déclare être le seul détenteur des droits d’exploitation concédés pour le Territoire
tels que définis à l’article 3 des présentes. Le PARTENAIRE affirme qu’il dispose sans restriction ni
réserve de ces droits, en ce qui concerne les auteurs du/des Programme(s), réalisateurs, éditeurs,
artistes interprètes ou exécutants, techniciens et, d’une manière générale, toute personne ayant
participé directement ou indirectement à la réalisation ou pouvant prétendre à un droit quelconque à
l’égard du/des Programme(s) et à ce titre, garantit DM contre tout recours ou action qui pourrait lui
être intenté à un titre quelconque, à l’occasion de l’exercice des droits lui étant consentis.
Le PARTENAIRE garantit que, à titre de condition essentielle, les Programmes ne constituent ni (i)
une violation des droits de propriété intellectuelle de tiers, ni (ii) une atteinte aux personnes et au
respect de la vie privée, ni (iii) une atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs ni, plus généralement
une atteinte à la réglementation applicable en vigueur.
Le PARTENAIRE garantit également DM contre tout recours ou action que pourraient former les
personnes physiques ou morales qui bien que n’ayant pas participé à la production ou à la réalisation,
seraient susceptibles de faire valoir des droits quelconques sur tout ou partie du/des Programme(s) ou
sur son utilisation par DM et notamment, seraient susceptibles de s’opposer à l’exploitation sur le
Service.
Il est précisé que dans le cas particulier où l’exploitation sur le Service d’un Programme ne pourrait
être effectuée en raison d’un manquement du PARTENAIRE, la rémunération visée à l’article 6.1 du
Contrat ne serait pas versée au PARTENAIRE, ou si elle lui avait déjà été réglée, le PARTENAIRE la
rembourserait dans les 10 (dix) jours de la demande à DM sans préjudice d’une éventuelle action en
garantie ou en dommages et intérêts. En outre, Le PARTENAIRE s’engage à indemniser DM de tous
dommages, demandes, coûts et dépenses nécessaires y compris les honoraires d’avocat résultant de
toute plainte et/ou procédure engagées par un tiers en raison de l’exploitation du Programme dans les
conditions définies au présent Contrat.
Par la présente, le PARTENAIRE reconnaît expressément que le Service, en tout ou partie (incluant
notamment mais non limitativement le graphisme, les rubriques, les chaînes, le Player Vidéo, etc…),
sur lequel les Programmes seront mis à la disposition du Public au titre des présentes sera utilisé en
l’état, sous réserve des éventuelles modifications que DM pourra y apporter. A ce titre, il est donc
entendu que le PARTENAIRE ne pourra demander une quelconque modification du Service.
Article 9 : DROITS D’AUTEUR ET DROITS VOISINS
Le PARTENAIRE négociera et prendra à sa charge les coûts liés à la rémunération due pour le
visionnage des Programmes au titre du présent Contrat aux artistes interprètes, aux réalisateurs, aux
producteurs et plus généralement, à tous les ayants droit, à l'exception des droits dus aux Sociétés de
gestion collective d’auteurs du fait du visionnage des Programmes sur le Site qui seront acquittés par
DM lorsque de tels accords de gestion collective sont prévus à cet effet.
Article 10 : INTÉGRITÉ DES PROGRAMMES
DM s’engage à ne pas éditer, modifier, altérer de quelque manière que ce soit les Programmes
proposés sur ou à partir de son Service. Par dérogation à ce qui précède, DM est autorisée à effectuer
les compressions numériques et les stockages techniquement nécessaires aux besoins de son
activité.
Article 11 : FORMAT ET QUALITE DES PROGRAMMES
De manière générale, les Programmes mis en ligne sur le Site par le PARTENAIRE devront présenter
un niveau de qualité conforme à l’état de l’art et de la technique.
Les Programmes devront présenter les spécifications techniques suivantes :
- Résolution : 640 x 480 minimum
- Framerate : 25 images/seconde minimum
112
Format des Programmes : le PARTENAIRE pourra mettre en ligne les Programmes sous l’un des
formats numériques suivants : MPEG – 4, MPEG – 2, AVI, WMV.
Article 12: CONFIDENTIALITÉ
Les présentes stipulations sont confidentielles. Les Parties s’engagent en outre à considérer comme
strictement confidentiels et à ne pas divulguer à quelque personne que ce soit, si ce n’est à ceux de
leurs ayants-droits, dirigeants et salariés ou à tout conseil auquel ils pourraient avoir recours, pour
autant que ces derniers soient soumis à une obligation de confidentialité que ce soit par l’effet de la loi
ou d’un accord écrit, les documents et informations non publics concernant l'autre partie dont ils ont
eu ou auront connaissance tant préalablement que postérieurement à la réalisation du Contrat et
notamment les documents et informations relatifs aux domaines suivants : produits, clients, stratégie,
développement, situation financière, accords commerciaux ou de partenariat. Cet engagement
demeurera valable deux ans après la fin des relations contractuelles entre les Parties.
Article 13 : RESILIATION
En cas de manquement de l'une des Parties à l'une quelconque de ses obligations au titre du Contrat,
non réparé dans le délai de 30 (trente) jours à compter de l'envoi d'une lettre recommandée avec
demande d'avis de réception notifiant le manquement en cause, le Contrat pourra être résilié de plein
droit par l’autre Partie et ce, sans préjudice de ses autres droits. Cette résiliation sera effective à
l’issue d’un délai de 15 (quinze) jours suivant réception de sa notification par lettre recommandée avec
accusé réception.
Article 14 : DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Aucune modification de la situation juridique des Parties ne pourra mettre fin au présent Contrat,
lequel se poursuivra, entre les Parties ou leurs ayants droit, pour la durée restant à courir.
Le droit applicable au Contrat est le droit français. En cas de contestation liée à la validité,
l’interprétation et/ou l’exécution du Contrat, les Parties font attribution exclusive de juridiction aux
Tribunaux compétents de Paris.
Dans l’hypothèse d'un cas de force majeure (telle que celle-ci est définie par la jurisprudence de la
Cour de Cassation), l'une des Parties ne pourrait pas exécuter une de ses obligations à la date
prévue, le Contrat serait prorogé de plein droit pour toute la durée de cet empêchement.
Signé à Paris,
En deux (2) exemplaires, le …………………………………………
DAILYMOTIO
Le PARTENAIRE
Représentée par Monsieur Cédric TOURNAY
Président
Représenté par ______________
______________
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Annexe 2 : Décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 juin 2009, Ligue de
football Professionnel c/ Modibo
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Annexe 3 : Conditions d’adhésion au programme « Official Content » de Dailymotion
CONDITIONS D’ADHESION AU PROGRAMME « OFFICIAL CONTENT »
Le présent document a vocation à régir les conditions de votre participation au Programme Official
Content. Le fait de renvoyer par fax ou par email le présent document dûment rempli avec la
mention « bon pour accord » emporte votre acceptation expresse et sans réserve des conditions
d’adhésion au Programme Official Content.
********
Je soussigné, […………………………………………], dûment habilité aux fins des présentes à agir au nom et
pour le compte de [………………………………………………………..] [ Préciser la forme de l’entité, ex :
société/association etc.] (ci après le « Partenaire ») dont le siège social est situé
[…………………………………………………………………………………………………………………]
atteste avoir expressément accepté et convenu ce qui suit avec la société Dailymotion SA, dont le
siège social est situé au 49-51 rue Ganneron 75018 Paris (ci après « DM ») :
DÉFINITIONS
Pour la bonne compréhension des présentes, les Parties conviennent des définitions suivantes :
« Compte Officiel » : désigne un espace d’hébergement des Contenus, disponible à l’adresse URL
suivante : [www.dailymotion.com/……………………………………………………………………] et dédié au
Partenaire et administré directement par celui-ci.
« Contenu » : désigne tout vidéogramme issu du catalogue du Partenaire, dont le Partenaire détient
et détiendra pendant la durée du présent Contrat et sur le Territoire, et mis à la disposition du Public
sur le Compte Officiel avec les données associées (titre, durée, …..) sous format numérisé, dans sa
version originale et toutes autres versions disponibles.
« Programme Official Content » désigne le programme permettant aux partenaires de
DAILYMOTION de faire bénéficier à leurs vidéos hébergées sur le site www.dailymotion.com d’une
visibilité accrue grâce au logo et la signalétique « OFFICIAL CONTENT » lors de leur communication
au public.
« Streaming » désigne la transmission numérique simultanée des Contenus sur le Service DM, de
manière à ce que les données soient destinées à être visualisées en temps réel et non à être
téléchargées (que ce soit de façon permanente ou temporaire), copiées, stockées ou redistribuées par
l'utilisateur.
« Territoire » : désigne le Monde.
********
1. La durée de l’adhésion au Programmes Official Content
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L’adhésion au Programme Official Content prendra effet à la date de réception par DM de
l’acceptation expresse des présentes par le Partenaire pour une durée indéterminée. L’adhésion au
Programme pourra être résiliée à tout moment par l’une ou l’autre des Parties sous réserve d’avoir
notifié l’autre partie par courrier électronique et du respect d’un délai de préavis de trente (30) jours.
2. Par la présente adhésion au Programme Official Content et pour toute la durée de ce Programme,
le Partenaire autorise DM, à titre non exclusif et gratuit, pour le Territoire, à mettre à disposition et
à communiquer au public les Contenus en vue de leur visionnage en Streaming:
(i)
sur le réseau Internet, notamment sur le site www.dailymotion.com (« Site») et sur tout autre
site Internet via le lecteur vidéo exportable développé par DM via tout appareil électronique
supportant l’accès audit réseau Internet; ainsi que sur les supports suivants : [décocher la ou
les cases selon le mode de diffusion non souhaités].
Applications mobiles et tablettes et/ou portail de téléphonie mobile
Consoles, TV connectées et IPTV (télévision sur IP)
Tous supports de communication électronique présents ou à venir
(Ci-après « Service DM »)
(ii)
le droit de mettre en avant les Contenus sur le Service DM ainsi que (iii) le droit de reproduire,
sous forme numérique, les Contenus en vue de leur stockage et leur hébergement sur les
serveurs de DM.
Par souci de clarté, il est précisé que DM sera responsable du paiement des redevances dues sociétés
de gestion collective d’auteurs du fait du visionnage des Contenus sur le Site qui seront acquittés par
DM lorsque de tels accords de gestion collective sont prévus à cet effet.
3. Dans ce cadre, le Partenaire accepte et reconnait que conformément aux pratiques et usages de
l'internet, de la publicité pourra être insérée au sein du Service et/ou des Contenus. A ce titre, une
totale liberté est laissée à DM concernant le choix des modalités de visualisation, de présentation et
de mise en avant des Contenus et de la publicité.
4. Le Partenaire autorise DM, à communiquer sur le partenariat et à le promouvoir. Pour cela et
dans le cadre exclusif de ce programme, le Partenaire autorise DM à utiliser et/ou faire référence à
ses marques et/ou logos. Toute utilisation de ces derniers, en dehors du cadre du Service DM et de la
promotion des Contenus, fera l’objet d’une autorisation préalable du Partenaire.
5. Le Partenaire garantit l'exercice paisible des droits concédés au titre des présentes et notamment
garantit DM qu’il détient les droits et autorisations nécessaires attachés aux Contenus pour une mise
à disposition sur le Service et qu’il a plein pouvoir et qualité pour accorder les droits concédés par les
présentes. Le Partenaire garantit que, à titre de condition essentielle, les Contenus ne constituent ni
(i) une violation des droits de propriété intellectuelle de tiers, ni (ii) une atteinte aux personnes et au
respect de la vie privée, ni (iii) une atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs ni, plus
généralement une atteinte à la réglementation applicable en vigueur.
A ce titre, le Partenaire garantit DM contre toute réclamation, action et/ou revendication de tiers
dont DM pourrait faire l'objet et s’engage, à chaque fois qu’il y aura lieu, à assister DM et à lui
apporter son concours, pour établir et protéger la validité de l’un quelconque des droits cédés aux
termes des présentes. Par ailleurs, le Partenaire prend acte que DM s’engage à faire des Contenus le
strict usage décrit aux présentes.
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6. Les conditions d’adhésion au programme « Official Content » sont soumises au droit français. En
cas de litige entre les Parties découlant de l’interprétation, l’application et/ou l’exécution de ces
conditions et à défaut d’accord amiable entre les Parties, la compétence exclusive est attribuée au
tribunal de commerce de Paris, nonobstant pluralité de défendeurs ou appels en garantie, même
pour les procédures d’urgence ou les procédures conservatoires.
A Paris, le ………………………………
Signature :
128
Table des matières
REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 3
RESUME ................................................................................................................................... 4
SUMMARY............................................................................................................................... 5
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 6
INTRODUCTION .................................................................................................................... 7
Section 1 : Le sport : définition, particularités ....................................................................... 8
§ 1 : Définition du sport ..................................................................................................... 8
§ 2 : De la médiatisation du sport ....................................................................................... 9
Section 2 : Le droit d'exploitation du spectacle sportif ........................................................ 10
§ 1 : Le monopole du droit d'exploitation du spectacle sportif ........................................ 11
§ 2 : Le contenu du droit d'exploitation du spectacle sportif ........................................... 14
PARTIE I : INTERNET : UNE RÉELLE MISE A MAL DES COMPÉTITIONS
SPORTIVES ? ........................................................................................................................ 20
Chapitre I : La mise à mal des droits d'exploitation audiovisuelle par le piratage du
contenu sportif ........................................................................................................................ 21
Section 1 : Les causes : l'appropriation et la commercialisation particulière du contenu
sportif ................................................................................................................................... 21
§ 1 : L'évènement sportif : un événement payant ............................................................. 21
A) Le spectacle sportif et les droits de retransmission télévisuelle.............................. 22
B) L'appropriation et la commercialisation particulière du spectacle sportif............... 23
§ 2 : Internet : un enjeu en termes de visibilité des compétitions sportives ..................... 27
A) La mise en valeur d'évènements « mineurs », le début d'une mécanique profitable à
tous les acteurs ............................................................................................................. 28
B) La diffusion de brefs extraits d'évènements de plus grande importance et le droit à
l'information sportive ................................................................................................... 30
Section 2 : Les conséquences : le développement du piratage ............................................. 35
§ 1 : États des lieux du streaming sportif sur Internet ...................................................... 35
A) De la difficulté d'intégrer du live sportif payant directement sur Internet .............. 35
B) Le streaming illégal : aspects techniques ................................................................ 37
§ 2 : La difficile condamnation du streaming illégal........................................................ 40
A) Les textes existants.................................................................................................. 40
B) Des textes impuissants, une jurisprudence floue et partagée .................................. 44
Chapitre II : La mise à mal de l'intégrité des compétitions sportives par le
développement des paris en ligne .......................................................................................... 48
Section 1 : Les causes : L'explosion des paris sportifs en ligne ........................................... 48
§ 1 : Internet et l'explosion des paris sportifs en ligne ..................................................... 49
129
A) Internet et l'explosion des modes de paris sportifs en ligne .................................... 49
B) Internet et l'explosion des recettes liées aux paris sportifs en ligne ........................ 51
§ 2 : Une première solution pour maîtriser les paris illégaux : l'ouverture à la concurrence
.......................................................................................................................................... 53
A) Avant 2010 : Un flou juridique ............................................................................... 53
B) Après 2010 : Une ouverture à la concurrence révélatrice de l'ampleur du
phénomène ................................................................................................................... 54
Section 2 : Les conséquences : Un fléau mondial ................................................................ 57
§ 1 : Sport et paris sportifs : une relation inextricable...................................................... 57
A) Historique des paris sportifs et de la corruption dans le monde du sport ............... 57
B) « Comment truquer un match de foot ? » à l'aide les paris sportifs en ligne........... 59
§ 2 : Un fléau relié à la criminalité organisée .................................................................. 61
A) Les faits : une mutation de la corruption................................................................. 61
B) L'absence de cadre transnational ............................................................................. 65
PARTIE II : LES ÉVOLUTIONS ENVISAGÉES ET ENVISAGEABLES .................... 67
Chapitre I : Les solutions apportées ..................................................................................... 68
Section 1 : Les solutions mises en œuvre au niveau national pour tenter de protéger
l'intégrité des compétitions sportives ................................................................................... 68
§ 1 : Les évolutions récentes du cadre législatif au niveau national ................................ 68
A) Les préconisations du rapport visant à préserver l’intégrité et la sincérité des
compétitions sportives face au développement des paris sportifs en ligne .................. 69
B) La loi du 1er février 2012 relative à l'éthique dans le sport : un juste équilibre entre
libéralisation des paris sportifs et intégrité des manifestations sportives toujours
introuvable .................................................................................................................... 71
§ 2 : Le rôle de l'ARJEL en pratique ................................................................................ 73
A) L'ARJEL : structure, organisation ........................................................................... 73
B) La détection de la corruption ................................................................................... 74
Section 2 : le traitement pratique du piratage du contenu sportif différé ............................. 76
§ 1 : Les précédents judiciaires et les obligations légales des sites d'hébergement de
vidéo ................................................................................................................................. 76
A) les sites d'hébergement de vidéo, cible des ayants droit ......................................... 76
B) Le statut incertain des sites d'hébergements de vidéo ............................................. 77
§ 2 : L'exemple de YouTube et de Dailymotion : deux visions opposées du droit d'auteur
et de la lutte anti-piratage ................................................................................................. 81
A) YouTube, une vision économique et utilitariste du droit d'auteur .......................... 82
B) Dailymotion, une vision juridique et morale du droit d'auteur ............................... 84
Chapitre II : Les solutions proposées ................................................................................... 87
Section 1 : Le streaming, tout à la fois problème et solution pour l'avenir du sport ............ 87
§ 1 : À défaut de solution existante : la lutte technique ................................................... 87
A) Tentative de description de la « guerre » technique contre le live streaming illégal
...................................................................................................................................... 88
B) Une guerre impossible à gagner pour les ayants droit ............................................ 89
§ 2 : La solution envisageable : le développement d'une offre légale alternative ............ 91
A) Exploiter les défauts du streaming illégal ............................................................... 91
B) Partir des modèles existants, avec ou sans abonnement.......................................... 92
Section 2 : la nécessité d'une régulation des paris sportifs sur Internet ............................... 94
§ 1 : L'interdiction des paris sportifs en ligne, une solution impossible .......................... 95
130
A) Pourquoi l'interdiction est une hypothèse souhaitable pour certains ...................... 95
B) Pourquoi l'interdiction ne sera jamais mise en place............................................... 97
§ 2 : Repenser les paris sportifs et leur contrôle : les deux mesures qui se dessinent ...... 98
A) Une politique de sensibilisation des acteurs ........................................................... 98
B) Une harmonisation internationale ........................................................................... 99
CONCLUSION ..................................................................................................................... 101
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 102
GLOSSAIRE......................................................................................................................... 103
INDEX ................................................................................................................................... 105
ANNEXES ............................................................................................................................. 107
Annexe 1 : Exemple d’un contrat de partage de revenu entre une plateforme d’hébergement
de vidéo en ligne (Dailymotion) et un partenaire X ........................................................... 108
Annexe 2 : Décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 juin 2009, Ligue de
football Professionnel c/ Modibo ....................................................................................... 115
Annexe 3 : Conditions d’adhésion au programme « Official Content » de Dailymotion .. 127
TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 130
131