I. Pourquoi étudier Le Message en classe de Troisième ?

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I. Pourquoi étudier Le Message en classe de Troisième ?
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XXe SIÈCLE
Un roman
ANDRÉE CHEDID
Le Message
(no 310 – 3,20 €)
I. Pourquoi étudier Le Message
en classe de Troisième ?
Andrée Chedid est un auteur contemporain d’origine égyptienne résidant en France depuis 1946. Poète, romancière
et dramaturge, elle a reçu de nombreux prix pour ses écrits et
notamment le prix Louis-Guilloux pour Le Message, un court
roman paru en 2000. Elle a choisi d’écrire en français.
Le Message raconte l’histoire d’une jeune fille, Marie, qui,
dans un pays en guerre, est atteinte par une balle alors qu’elle
s’apprête à retrouver Steph, qui l’attend. Dans sa dernière lettre,
Steph lui a donné rendez-vous et lui a demandé d’oublier leurs
querelles passées pour vivre enfin l’amour profond qui les unit
depuis toujours. Blessée, la jeune femme s’effondre. Luttant
contre la douleur, elle n’a qu’une seule idée en tête : faire parvenir à Steph un message pour lui dire qu’elle venait et qu’elle
l’aime. Le récit est centré sur la course contre le temps de Marie
et d’un couple de personnes âgées venu à son secours, Anton et
Anya.
Ce roman permet d’aborder un certain nombre de points du
programme de Troisième, parmi lesquels l’étude d’un genre – le
roman – et celle des registres – tragique, dramatique... Il est
préconisé dans les Programmes officiels de travailler à partir
d’un roman du XIXe ou du XXe siècle. L’étude du Message doit
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permettre aux élèves de découvrir un auteur qui leur est contemporain. De plus, la composition complexe de l’histoire permet
d’aborder certains problèmes de narratologie. En effet, l’auteur
a choisi un narrateur qui, selon les chapitres, suit différents personnages. Au début du récit, nous suivons Marie. Anton et Anya
arrivent juste après qu’elle s’est fait tirer dessus. Anya part alors
à la recherche de Steph avec un message de la part de Marie à
lui transmettre. Dès lors, la narration fait alterner de manière
régulière un chapitre sur Anton et Marie et un chapitre sur Anya.
Alors qu’elle aperçoit Steph dans la foule, Anya le perd de vue
et se trouve dans l’incapacité de lui remettre le message. Une
alternance de chapitres entre les actions de Steph et l’attente
angoissée d’Anton et Marie, puis d’Anya qui les a rejoints, se
met en place. Ensuite, un franc-tireur découvre Marie blessée et
part à la recherche d’une ambulance. Le narrateur alterne alors
trois récits parallèles. Le récit prend fin au moment où tous les
personnages sont réunis en un même lieu. L’étude de cette structure complexe est un moyen pour le professeur de faire
comprendre aux élèves que l’écriture romanesque relève de
choix narratologiques déterminants pour la construction du
sens de l’œuvre. On amènera les élèves à réfléchir sur ces choix
de narration et sur les effets produits par ceux-ci, notamment en
terme de suspens.
Outre la narratologie, l’étude de cette œuvre doit permettre
une réflexion sur la notion de genre elle-même. En effet, la longueur du roman, la simplicité de l’intrigue et le petit nombre de
personnages pourraient laisser penser que nous avons affaire à
une nouvelle. De plus, cet ouvrage emprunte certaines caractéristiques au théâtre, notamment le resserrement de l’intrigue,
qui commence au plus près du dénouement, comme dans les
tragédies grecques.
L’étude du roman de Chedid est aussi l’occasion d’aborder
les registres tragique et dramatique. En effet, Marie se sait
condamnée, pourtant l’imminence de sa mort n’empêche pas le
lecteur de croire aux retrouvailles de Marie et Steph. Le dénouement particulièrement rapide, par opposition à la tension créée
tout au long du roman, conduit le lecteur à une réflexion sur la
vengeance, la violence et la déformation des caractères entraînées par la guerre.
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Enfin, le cadre spatio-temporel de l’histoire est flou. L’auteur
a choisi de ne pas ancrer son récit dans un temps et un lieu
donnés. Ainsi, le roman prend-il une portée universelle. Il sera
intéressant de réfléchir avec les élèves sur le rapport de l’intrigue
à l’Histoire, et notamment sur ce récit particulier qui rejoint le
récit de la condition humaine.
II. Exploitation en lecture cursive
La lecture en autonomie peut être conseillée en complément
de l’étude du genre romanesque. Afin de vérifier la lecture et la
compréhension de l’œuvre, on propose un travail de compréhension et plusieurs travaux d’écriture.
■ Questions de compréhension
1. Comment s’appelle l’héroïne du roman ? Que lui arrive-t-il
au début de l’œuvre ? L’héroïne du roman se nomme Marie. Dès
le début de l’œuvre, elle est touchée entre les omoplates par la
balle d’un franc-tireur dans une rue déserte.
2. Qui cherche-t-elle à rejoindre et pourquoi ? Elle cherche à
rejoindre Steph, son ami, afin de célébrer leur réconciliation et
le renouveau de leur amour. Ils se sont séparés plusieurs fois
et, à la suite d’une lettre que Steph lui a écrite, la jeune femme
a décidé de se rendre au rendez-vous fixé par son ami pour
recommencer leur vie à deux.
3. Où et quand se déroule l’action ? L’intrigue prend place
dans un pays qui n’est pas précisément nommé. Le lieu principal
de l’action est une rue dévastée par la guerre pendant une
période de trêve. Nous ne savons pas non plus à quelle époque
se déroule ce récit. Nous ne pouvons situer l’intrigue dans un
temps et un lieu précis, même si l’époque semble être plutôt
contemporaine et le décor européen (notamment en raison des
noms des protagonistes).
4. Quelle est la situation du pays où se déroule l’action ? La
situation du pays est précaire. La guerre civile a fait des ravages
dans la ville et la population fuit. Pourtant une trêve a été déclarée mais elle contribue à renforcer la confusion qui règne ; la
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paix est fragile et les seuls à détenir le pouvoir sont les francstireurs qui terrorisent la population.
5. Qui sont Anton et Anya ? Anton et Anya sont un couple de
personnes âgées qui habite dans la rue où Marie a été blessée.
Alors qu’ils ont décidé de partir, ils découvrent la jeune femme
allongée sur le sol. Comme une dernière bataille contre la guerre
avant de fuir, ils décident de tout faire pour sauver cette jeune
femme qu’ils ne connaissent pas, quitte à risquer leur propre
vie. Anton et Anya se reconnaissent dans le couple formé par
Steph et Marie, comme s’ils étaient un miroir d’eux-mêmes en
plus jeunes.
6. Que sait-on de Steph ? Depuis deux ans, Steph effectue
des fouilles archéologiques à l’autre extrémité de la ville. C’est
un homme viril, fort et beau. Marie et lui sont originaires d’un
pays méditerranéen ; ils ont ensuite émigré en Europe. Ils se
sont rencontrés au mariage du frère aîné de Steph : ils avaient
alors une dizaine d’années. Cet amour a traversé le temps,
malgré des tensions et des ruptures. Steph se rend au rendezvous qu’il a donné à Marie en espérant sceller une dernière fois
leur amour. Possédant, par son métier, une bonne connaissance
de l’Histoire, il s’interroge sur les guerres qui détruisent l’humanité. On le sait colérique, ce que ne supporte pas Marie : c’est
peut-être ce caractère impulsif qui le conduit à commettre un
geste terrible à la fin du récit.
7. Combien de temps dure l’histoire ? L’histoire a lieu un
dimanche d’été ensoleillé et très chaud vers l’heure du déjeuner
entre midi – heure du rendez-vous fixé par Steph à Marie – et
quatorze heures trente environ. Le moment de l’histoire est donc
très court et correspond peu ou prou au temps de lecture du
récit. Mais la narration de ces quelques heures est ralentie par
les retours en arrière sur le passé des personnages et par la relation de leurs pensées intérieures.
8. Comment se nomme le franc-tireur qui intervient dans le
roman ? Que fait-il pour aider l’héroïne ? Le franc-tireur qui
intervient dans le roman se nomme Gorgio. Comme les personnages de l’œuvre, nous supposons qu’il a tiré sur Marie. Le
doute ne sera jamais levé, même à la fin. Il part chercher une
ambulance pour sauver Marie, parcourant ainsi les ruines de
la ville. La jeune femme lui rappelle sa mère, c’est peut-être la
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raison pour laquelle il décide de l’aider. Quand il arrive sur le
lieu du drame avec les secours, elle est déjà morte. Il perd alors
son assurance et doit faire face à Steph.
9. Résumez le dénouement. Steph a finalement retrouvé Marie
sur laquelle veillaient avec bienveillance Anton et Anya. Dans
ses bras, Marie succombe. C’est à ce moment que surgit Gorgio
avec l’ambulance tant attendue. Le franc-tireur apprend qu’il
arrive trop tard. Steph le regarde d’un air méfiant, lui demande
abruptement s’il est le tueur... Sans attendre de réponse, et
malgré la tentative d’Anton de le calmer, il tire sur Gorgio, qui
s’effondre sur le sol.
10. Expliquez le titre de l’œuvre. Le titre du roman fait référence au message que Marie veut transmettre à Steph. Se voyant
dans l’incapacité de se rendre au rendez-vous fixé par ce dernier
sur le pont, Marie écrit un message sur l’enveloppe qui contient
la lettre qu’il lui a envoyée. « Je venais, je t’aime » sont les mots
que Marie confie à Anya qui a pour mission de retrouver Steph
avant qu’il se décourage et cesse d’attendre Marie. Il saura ainsi
qu’elle voulait venir mais qu’elle a été arrêtée dans sa course
vers leurs retrouvailles.
■ Travail d’écriture
1. On peut proposer aux élèves de se prononcer sur le roman.
Ce travail permet de mettre en œuvre un certain nombre de
notions concernant l’argumentation. On demande aux élèves
de formuler leur opinion (qui peut être nuancée) et de la justifier
à l’aide d’arguments et d’exemples.
Ces contraintes argumentatives peuvent être accompagnées
de consignes concernant la forme : on peut demander aux
élèves d’écrire un article critique à paraître dans la rubrique littéraire d’un journal défendant ou critiquant l’œuvre (sujet d’invention de la section « À vos plumes », dossier, p. 158), ou d’écrire
une lettre à un proche en l’incitant à lire ce roman ou en l’en
dissuadant.
2. On peut demander aux élèves de répondre au travail d’invention de la section « Le travail de l’éditeur » dans le dossier,
p. 143. On les invite à composer leur version de la couverture
du roman, dans un format A4. Cette couverture peut être
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accompagnée d’une lettre adressée à l’éditeur dans laquelle les
élèves justifient leurs choix.
On peut également demander aux élèves d’élaborer un livre
qui reprenne la première de couverture qu’ils auront réalisée et
dont la quatrième de couverture propose un résumé de l’œuvre
ne dévoilant pas sa fin. À l’intérieur de leur « livre », les élèves
recopient un passage du roman qui leur semble particulièrement
significatif, accompagné d’une justification de ce choix.
III. Étude du roman en œuvre
intégrale : plan et développement
de la séquence
Plan de séquence
I. Première approche du texte
Séance no 1 : interrogation de lecture
— Vérifier la lecture et la compréhension du texte
Séance no 2 : étude de la couverture
— Analyser les composantes de l’image
— Comprendre la composition de l’objet livre
II. Étude de la structure du récit
Séance no 3 : lecture tabulaire du roman
— Comprendre la construction narrative du roman
— Exploiter une lecture tabulaire
Séance no 4 : « Le point d’impact de la balle », chapitre 1
— Initiation au commentaire littéraire à travers l’étude de
l’incipit
— Comprendre les fonctions d’un début de roman
III. Un roman sur la guerre
Séance no 5 : « Le jeune homme à la mitraillette »,
chapitre 35
— Initiation au commentaire littéraire
— Étudier la représentation de la guerre à travers les
réseaux lexicaux
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IV. La leçon d’un roman universel
Séance no 6 : « Dans chaque corps torturé, tous les corps
gémissent », chapitre 6
— Initiation au commentaire littéraire
— Étudier les procédés de la persuasion
Séance no 7 : des personnages en miroir
— Initiation à la synthèse
— Comprendre la composition des personnages
V. Un roman tragique
Séance no 8 : « C’est trop tard. Elle vient de mourir », chapitre 58
— Initiation au commentaire composé
— Étudier la dimension tragique du dénouement
VI. Synthèse et évaluation
Séance no 9 : les thématiques d’écriture d’Andrée Chedid,
lecture de certains de ses poèmes
— Découvrir d’autres textes de Chedid
— Dégager les thématiques propres à l’auteur
Séance no 10 : évaluation.
Séance no 1 : interrogation de lecture
Objectif → Vérifier la lecture et la compréhension globale du
texte.
Support → L’ensemble de l’œuvre.
Travail préparatoire : on demande aux élèves d’avoir lu pour
cette séance l’ensemble de l’œuvre.
On peut procéder à une interrogation de lecture à l’écrit à
partir des activités données pour l’évaluation de la lecture cursive (questions de compréhension et travail d’écriture no 1,
supra).
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Séance no 2 : étude de la couverture
Objectifs → Analyser les composantes de l’image.
→ Comprendre la composition de l’objet livre.
Support → La couverture du roman.
On propose aux élèves de travailler à partir de l’objet livre,
afin de revoir des notions déjà abordées dans les classes précédentes, c’est à dire les éléments qui composent la couverture, la
quatrième de couverture, la préface...
On peut étudier la couverture à partir des questions posées
dans le dossier dans la section « Le travail de l’éditeur » (p. 143).
Travail complémentaire : on demande aux élèves de traiter le
sujet d’invention proposé dans le dossier de l’édition (« Le travail
de l’éditeur »). Ils doivent composer une nouvelle couverture pour
le roman. Ce travail est accompagné d’une lettre destinée à l’éditeur dans laquelle chaque élève doit justifier ses choix et son illustration. Ce projet peut être lancé en début de séquence, mais il
paraît judicieux de laisser aux élèves le temps de s’imprégner du
roman et de le comprendre pour leur permettre d’élaborer un travail approfondi.
Séance no 3 : lecture tabulaire du roman
Objectifs → Comprendre la construction narrative du roman.
→ Exploiter une lecture tabulaire.
Support → L’ensemble de l’œuvre.
Travail préparatoire : on propose aux élèves de compléter le
tableau qui suit, à la maison. On partage la classe en groupes de
manière à faire travailler chaque élève sur huit chapitres par
exemple et réduire ainsi la charge de travail. Chaque fois qu’un
personnage est présent dans un chapitre, il faut mettre une croix
dans la case correspondante pour visualiser la répartition des
protagonistes dans l’œuvre. Attention, il paraît nécessaire de préciser aux élèves de faire la différence entre un personnage présent
« physiquement » et un personnage simplement évoqué.
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En classe, on réalise la mise en commun du travail individuel
afin de compléter intégralement le tableau. Cette grille permet
de récapituler de manière visuelle la présence de chaque personnage et de comprendre le système de narration.
Chapitres
Marie
1
X
Anton
Anya
Steph
Gorgio
2
Fold
Narrateur
X
3
X
4
X
5
X
6
X
7
X
8
X
9
X
10
X
11
X
12
X
13
X
14
X
15
X
X
16
X
X
X
17
X
X
X
18
X
X
X
19
X
X
20
X
X
21
X
X
22
X
X
23
24
X
X
X
X
X
X
X
25
26
27
28
X
X
X
X
X
29
X
30
X
X
31
X
X
X
X
X
32
X
33
34
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Brako
X
X
Un roman du
X
XXe
X
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Chapitres
Marie
Anton
Anya
Steph
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36
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
42
X
44
X
45
46
X
X
X
X
48
X
X
X
X
50
X
51
52
X
X
X
X
54
X
X
X
X
X
X
X
X
X
56
57
X
X
53
55
X
X
47
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Narrateur
X
40
43
Fold
X
39
41
Brako
X
37
38
Gorgio
X
58
X
X
X
X
X
Totaux
34
24
21
11
13
1
1
3
Cette lecture tabulaire fait clairement apparaître la structure
du roman et les choix narratifs effectués par l’auteur. On propose aux élèves d’établir une synthèse de ce tableau à partir
d’une série de questions.
1. À la lecture du tableau, quel est le personnage principal de
l’œuvre ?
Il ressort de la lecture tabulaire que Marie est le personnage
principal du roman. En effet, elle est présente dès le premier
chapitre et reste seule « en scène » jusqu’au chapitre 14, hormis
les deux interventions du narrateur. Elle apparaît dans trentequatre chapitres sur cinquante-huit ; cette fréquence est la plus
élevée dans le récit. De plus, l’action est centrée sur Marie. La
rue déserte dans laquelle elle se trouve est le lieu vers lequel
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tendent tous les personnages. Elle représente un point autour
duquel se concentre l’intrigue.
2. Comment s’organise la répartition des chapitres entre les
différents personnages ?
À partir du chapitre 23, on voit se dessiner une alternance
entre des chapitres concernant Anton et Marie qui sont dans
cette rue déserte où la jeune femme a été blessée et des chapitres
où le narrateur suit Anya partie à la recherche de Steph. Cette
alternance est systématique jusqu’au chapitre 31 où Anya,
faute d’avoir pu parler à Steph, retrouve Anton et Marie dans la
rue. C’est à ce moment-là que Gorgio part à la recherche d’une
ambulance et qu’une nouvelle alternance se met en place entre
le lieu du drame et le parcours du franc-tireur à travers les ruines
de la ville. À ce système viennent se greffer des chapitres concernant Steph qui quitte la ville à bord d’un bus, puis qui décide
de revenir sur ses pas.
3. En quoi les choix d’écriture d’Andrée Chedid rapprochentils son roman de l’écriture cinématographique ?
L’alternance des chapitres entre les divers personnages est
régie par le lieu dans lequel ces derniers se trouvent. En effet,
c’est quand les personnages s’éloignent de Marie que le narrateur prend le parti de les suivre. Ainsi, le narrateur procède-t-il
à un montage en parallèle des différents parcours des protagonistes, à la manière des procédés employés au cinéma. Ce choix
de narration donne l’impression que les actions se déroulent
simultanément. On a ainsi un éclatement de l’espace entre les
personnages et une superposition du temps, comme si les chapitres composaient les strates d’une même temporalité. Le jeu
de va-et-vient du narrateur entre les protagonistes donne une
certaine dynamique à l’œuvre. L’absence de Steph conduit
l’intrigue et tient le lecteur en haleine : le jeune couple sera-t-il
réuni ? (Se retrouvera-t-il dans le même lieu, donc dans le même
chapitre ?)
4. En quoi la structure narrative de l’œuvre favorise-t-elle le
suspens ?
La structure narrative crée une attente : les retrouvailles de
Steph et Marie dans cette rue en ruine. Dès le début, on apprend
que la rencontre fixée par Steph est déterminante pour l’avenir
du couple. Le lecteur espère que la blessure de Marie ne l’empêchera pas d’atteindre le lieu du rendez-vous. Mais très vite, on
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sait que le message écrit sur l’enveloppe, qui contient la lettre
de Steph, est le seul moyen pour Marie de prévenir son ami. Le
lecteur s’accroche alors aux pas d’Anya qui déploie des forces
surhumaines pour transmettre ce message. L’action est entrecoupée par les pensées des protagonistes et aussi par des analepses
qui informent sur le passé de ceux-ci. On note que le narrateur
se détache parfois de l’intrigue pour donner son avis sur le
monde en guerre et exprimer le caractère universel de l’œuvre.
Ce mode de narration retarde l’action et favorise une tension
dramatique. Le lecteur semble vivre minute par minute l’attente
de Marie, assistant, en même temps qu’Anya, au départ de
Steph dans le bus. De plus, lorsque Gorgio part à la recherche
d’une ambulance, l’espoir du lecteur est ravivé : il ne peut imaginer un dénouement totalement pessimiste. Les choix de narration favorisent donc le suspens et le plaisir de la lecture.
5. Quels sont les personnages présents dans le dernier chapitre ?
Pourquoi ce choix ?
Tous les personnages importants sont réunis dans le dernier
chapitre. Marie vient de rendre son dernier souffle et Gorgio
arrive trop tard avec l’ambulance. Le mode de narration joue
sur la dispersion des personnages dans l’espace, et le roman ne
pouvait prendre fin qu’une fois tous les protagonistes réunis en
un même lieu : la rue déserte où s’est joué le drame. On pourrait
comparer cette fin à un dénouement théâtral. Tous les personnages sont « sur scène ». L’action a commencé au plus près du
dénouement comme dans les tragédies grecques : « Tandis
qu’elle avançait à grands pas la jeune femme sentit soudain,
dans le dos, le point d’impact de la balle. Un mal cuisant, aigu,
bref » (chapitre 1, les deux premières phrases). Le roman se termine par la confrontation de Steph et Gorgio. Ces deux personnages représentent les postures différentes que peuvent adopter
les hommes en temps de guerre. Ils nous permettent de réfléchir
sur la violence et sur la condition humaine en général. La brièveté du dernier chapitre laisse le lecteur seul face à l’acte de
Steph, un geste de violence qui inspire à la fois terreur et pitié,
comme dans la tragédie.
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Séance no 4 : « Le point d’impact de la balle »
Objectifs → Initiation au commentaire littéraire à travers l’étude
de l’incipit.
→ Comprendre les fonctions d’un début de roman.
Supports → L’ensemble du chapitre 1, p. 17-19.
→ Dossier, p. 144.
Travail préparatoire : on demande aux élèves de relire la totalité
du premier chapitre et de répondre aux questions de la microlecture no 1 proposée dans le dossier.
1. Un début informatif
1. Quelles informations offre ce chapitre sur les personnages
et leur situation ?
Dès les premières lignes, nous apprenons qu’une jeune
femme, Marie, dont le nom nous est donné au quatrième paragraphe, vient de recevoir une balle entre les omoplates : « Tandis qu’elle avançait à grands pas la jeune femme sentit soudain,
dans le dos, le point d’impact de la balle. » Marie a rendezvous avec Steph, son ami. La blessure semble grave, elle saigne
abondamment. Cependant Marie tente de se convaincre que
« cette blessure n’est peut-être que superficielle ». Feignant de
« l’ignorer », agissant « comme si rien ne s’était passé », elle
tente de poursuivre sa marche, mais très vite elle se trouve dans
l’incapacité de continuer. Ainsi pouvons-nous penser que ce
personnage est déterminé et prêt à tout pour rejoindre Steph.
Le texte délivre quelques détails sur ce dernier, indiquant
notamment qu’il « habite à l’autre extrémité de la ville » et qu’il
exerce la profession « d’archéologue ». Son portrait physique et
moral est esquissé. L’information décisive de cet incipit
concerne la relation amoureuse compliquée que semblent vivre
Steph et Marie. En effet, « ils s’aim[ent] depuis l’enfance » mais
leur couple semble avoir connu plusieurs « rupture[s] ». Le rendez-vous des deux personnages correspond donc à des retrouvailles amoureuses.
2. Que sait-on du cadre spatio-temporel ? Peut-on cependant
situer précisément l’intrigue ?
Le lieu où s’ouvre le roman est une rue déserte et dévastée
par la guerre, « la rue était déserte ». Une longue description précise que la guerre a modifié le paysage : « Autour, les arbres
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XXe
siècle
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déracinés, la chaussée défoncée, les taches de sang rouillées sur
le macadam, les rectangles béants et carbonisés des immeubles,
prouvaient clairement que les combats avaient été rudes. » Cette
énumération détaillée installe un paysage de ruines, un décor
morbide où la vie semble menacée. Nous apprenons que l’action prend place dans une période de « trêve [...] précaire », de
cessez-le-feu. En revanche, aucune indication précise n’est donnée concernant le pays et l’époque où se situe l’intrigue.
L’époque semble être contemporaine, ce qui apparaît à travers
l’emploi de mots de vocabulaire tel que « macadam ». Le lieu
de l’action pourrait être situé en Europe, comme le suggèrent
notamment les prénoms des protagonistes. Le roman prend
ainsi une dimension universelle car il n’est pas ancré dans un
cadre spatio-temporel défini.
2. Le jeu des points de vue
1. Quel point de vue adopte principalement le narrateur ?
Le narrateur opte pour une focalisation interne, à partir de
Marie. Nous partageons la douleur de cette dernière : elle ressent « un mal cuisant, aigu, bref », « la douleur l’a brûlée, transpercée ». Le narrateur mentionne ce qu’elle veut : « ce qui
compte, à présent, au-delà même de sa vie, c’est d’arriver à l’endroit où Steph l’attend ». Nous savons aussi ce qu’elle fait, « elle
repli[e] son bras vers l’arrière pour palper cette plaie », et ce
qu’elle pense de Steph, « elle le trouve beau », « il l’attend ; elle
en est persuadée ». Nous vivons ce moment déterminant avec
le personnage. La seconde partie du chapitre propose un passage en focalisation interne à partir de Steph : « il s’en voulait
parfois de ne pas savoir résister à cette fascination réciproque
[...] ». Ce mélange de focalisations internes permet d’être plus
proche des deux personnages.
2. De « Marie ne veut pas en savoir plus » à « se précipiter à
sa rencontre » (l. 15-22), quelle est la valeur du temps utilisé ?
Repérez des phrases au discours indirect libre. En quoi ce procédé
renforce-t-il la focalisation ?
Le début du roman est écrit aux temps du passé. Le cinquième
paragraphe est écrit au présent de narration, comme si l’action
se déroulait au moment où nous la lisons, comme si nous étions
au côté de Marie. Nous identifions du discours indirect libre
dans le passage qui va de « cette blessure n’est peut-être que
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superficielle » à « à l’angle le parapet en ciment gris ». L’emploi
du discours indirect libre pour rapporter les pensées de Marie
renforce la complicité avec le personnage. Nous entendons le
discours qu’elle se tient à elle-même pour résister à la douleur.
3. Un début dramatique et tragique
1. En quoi ce début est-il dramatique ? En quoi est-il tragique ?
Le début in medias res plonge immédiatement le lecteur dans
l’action. Le personnage que nous pensons être l’héroïne, dès les
premières lignes du roman, est en danger de mort. Cette situation donne une tonalité dramatique à l’incipit. L’emploi de
l’asyndète dans l’énumération « un mal bref, aigu, cuisant »
insiste sur le peu de chances de la jeune femme de rester en vie.
La violence est présente dès les premiers mots : « balle »,
« sang », « douleur ». Cet incipit est aussi tragique car on perçoit
dès le début que la protagoniste doit accomplir quelque chose
d’impérieux, « il lui fallait à tout prix arriver à l’heure dite ». On
apprend seulement plus tard qu’elle se rend à un rendez-vous et
que sa blessure empêche ses retrouvailles avec Steph. L’emploi
du conditionnel, « arrivée à proximité du pont, Marie l’aurait
aperçu de très loin à cause de sa haute taille », annonce très
discrètement l’échec de la jeune femme.
2. À l’aide de quelle figure de style l’amour est-il décrit dans
le dernier paragraphe ? En quoi peut-on dire que l’image finale
du monde « fluctuant, éphémère, de résistance et de durée »
annonce l’intrigue à venir ?
L’amour est décrit grâce à la métaphore filée de la terre et de
la source qui semble mourir et renaître : « En quel lieu intime
de leur être s’enracinait ce sentiment enfoui au fond d’une terre
mouvante où logeait cet indéfectible amour. Un sentiment qui
s’ensablait, s’empêtrait, s’embourbait [...], pour rejaillir comme
une source [...]. » Cette fin de chapitre inscrit le roman dans une
thématique amoureuse mais aussi dans un univers cruel. Le
monde est défini à travers deux antithèses : « fluctuant »
et « résistant », et « éphémère » et « durée ». Ces antithèses
annoncent peut-être les thèmes de la vie et de la mort parcourant
l’ensemble de l’œuvre.
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Activités complémentaires :
— On peut accompagner cette lecture analytique d’exercices sur
les discours rapportés à partir du manuel des élèves en insistant
sur la forme, complexe, du discours indirect libre.
— On peut aussi travailler sur les différentes valeurs du présent
à partir du manuel des élèves.
— On propose aux élèves de réaliser le travail d’écriture mentionné dans le dossier à la suite des questions de microlecture,
p. 145. Il s’agit de réécrire le premier chapitre en focalisation
externe. Le narrateur extérieur à l’action doit être un témoin. Il
en sait moins que le personnage.
Séance no 5 : « Le jeune homme
à la mitraillette »
Objectifs → Initiation au commentaire littéraire.
→ Étudier la représentation de la guerre à travers les
réseaux lexicaux.
Supports → L’ensemble du chapitre 35, p. 79-80.
→ Dossier, p. 145.
Travail préparatoire : on demande aux élèves de relire la totalité
du chapitre 35 et de répondre aux questions de la microlecture
no 2 proposée dans le dossier.
1. L’histoire de Gorgio
1. Quel est le rôle de Gorgio dans le conflit ? Pourquoi s’est-il
engagé ?
Gorgio est devenu franc-tireur après avoir surveillé un dépôt
d’armes. Il s’est enrôlé pour « échapper à l’emprise de son
père ». Il a choisi « le camp adverse de celui des siens » pour
montrer sa révolte contre l’autorité familiale. La guerre représente pour lui une « aubaine » car elle lui donne un statut, voire
une identité. Il a gagné en indépendance et s’est affirmé grâce à
la guerre. Le passé du personnage est donné par une analepse.
2. Quel est l’attribut de Gorgio ?
Gorgio vit seul dans un appartement presque entièrement
démoli par le conflit, dans un quartier désert. Sa mitraillette est
la seule « compagnie » du franc-tireur. Celle-ci le définit, le rend
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plus fort et lui donne l’impression d’être puissant : « le jeune
homme à la mitraillette », « Gorgio et sa mitraillette ne faisaient
plus qu’un ! Elle avait métamorphosé son existence », « Gorgio
devint le maître et l’esclave de sa mitraillette ». Il y a une symbiose entre le jeune homme et son arme, elle lui permet d’être
respecté. Cette assurance se traduit par sa démarche « hautaine ». C’est bien la mitraillette qui est décrite comme « virile »
et non le franc-tireur. Son arme lui permet d’acquérir le statut
d’homme car elle oblige au respect. On peut imaginer que la
possession de cette arme l’a fait passer de l’adolescence à l’âge
adulte. Dans le dernier chapitre, Gorgio laisse tomber sa mitraillette, ce qui peut être interprété comme un signe prémonitoire
de sa mort.
2. Le tableau de la guerre
1. Relevez tout ce qui traduit la situation de guerre.
Dans ce chapitre, le narrateur nous donne des informations
concernant le conflit dans lequel les personnages se battent pour
survivre. On trouve de nombreux termes se rapportant au thème
de la guerre :
— « ennemi à sa cause », « son camp », qui sont des termes
désignant les factions opposées ;
— « enrôlement au combat », « recrutant », qui désignent l’engagement au combat ;
— « luttes », « hostilités », qui rappellent le combat ;
— « appartement démoli », « bombardements », qui évoquent
la destruction ;
— « abandonnée par ses habitants », « évacué », qui rappellent la fuite ;
— « courtes trêves », « paix », qui sont des expressions exprimant les pauses durant les conflits.
2. À quel genre de guerre a-t-on affaire ?
Le narrateur explique les causes du conflit : « Dans ce pays
exigu qui ne comptait que trois millions d’habitants, ethnies,
religions, milieux sociaux s’étaient, croyait-on jusqu’ici, entremêlés. Brusquement les situations s’étaient inversées, on se trouvait des ennemis partout. » C’est donc une guerre civile qui
déchire ce pays.
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3. L’image du chaos
1. Montrez que la confusion règne dans le pays.
La guerre n’est pas tant associée à la violence qu’au chaos
dans ce chapitre. Le narrateur insiste sur l’instabilité de la situation, sur les perpétuels changements : « les courtes trêves se
transformaient en représailles, en vengeances, puis, les luttes
reprenaient », « brusquement les situations s’étaient inversées,
on se trouvait des ennemis partout ». La précipitation semble
régner, « on recrutait partout, en hâte et dans le désordre », et
l’organisation est plutôt absente. Le narrateur souligne l’absurdité de la guerre en insistant sur le manque de motivations du
conflit et sur la versatilité des opinions : « puis les ordres devinrent contradictoires, se transformant au gré des jours », « les
ordres fluctuaient, vacillaient, les groupes se divisaient, se réconciliaient ; tous les cas de figure d’alliance ou d’hostilité se suivaient à un rythme hallucinant ». L’homme semble être désigné
comme son propre ennemi.
2. Quelles questions se pose Gorgio ? Qu’est-ce que cela
traduit ?
Gorgio s’interroge sur le sens de son engagement ; sa rencontre avec Anton le fait douter : « Mais quelle était sa propre
cause ? Souvent, il la perdait de vue. » Il s’était engagé par opposition à son père, sans réelles convictions. Sa confrontation avec
Marie, victime innocente de la guerre, le fait réfléchir, s’interroger sur son comportement, « étant toujours à distance de ses
victimes, il n’avait jamais affronté les conséquences de son
acte ». La guerre est un jeu pour lui, « il s’amus[e] à prendre pour
cible tout ce qui boug[e] dans les parages », jusqu’à ce que la
réalité le rattrape. Il ne semble pas vraiment savoir ce qu’il fait.
Sa remise en cause au début du paragraphe avec la série d’interrogations contraste avec sa démarche « hautaine ». L’autonomie
et la puissance acquises pendant ce conflit, notamment grâce
à la mitraillette, seraient menacées si une paix durable venait
s’installer : « La souhaitait-il cette paix qui détruirait d’un coup
ses privilèges. » Un changement s’amorce dans l’esprit de Gorgio qui s’interroge sur ses intérêts personnels et sur les conséquences collectives.
Activité complémentaire : on propose aux élèves de réaliser l’écriture d’invention proposée dans le dossier à la suite de la microlecture, p. 146. Les élèves doivent écrire un discours qu’ils
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prononceront devant une assemblée de chefs d’État. Leur texte
sera un réquisitoire contre la guerre sous toutes ses formes. Les
élèves trouveront des arguments de nature différente (politiques,
économiques, moraux, humains...) et donneront à leur discours
un ton persuasif et virulent.
Séance no 6 : « Dans chaque corps torturé,
tous les corps gémissent »
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation au commentaire littéraire.
Étudier les procédés de la persuasion.
L’ensemble du chapitre 6, p. 29-30.
Dossier, p. 146-147.
Travail préparatoire : on demande aux élèves de relire le chapitre 6 et de répondre aux questions de la microlecture no 3 proposée dans le dossier.
1. La dimension universelle du roman
1. Qui parle selon vous ? Comment expliquez-vous l’emploi de
l’italique ?
Ce chapitre est différent des précédents : on passe de la narration au discours, même si le « je » n’intervient pas. Le narrateur
ne nous raconte plus l’histoire de Marie ; il présente une
réflexion générale sur le monde et sur la guerre. Nous pouvons
penser que c’est la voix de l’auteur, Andrée Chedid, que nous
entendons ici. Ce changement est renforcé par l’emploi de l’italique qui distingue ce passage de la narration qui précède.
2. Comment l’auteur justifie-t-il le peu d’informations données
sur le lieu, le temps et les personnages de l’histoire ?
Dans ce chapitre, Andrée Chedid explique la dimension universelle de son roman. L’histoire de Marie est celle de toutes
les victimes innocentes de la guerre : « les massacrés, réfugiés,
suppliciés de tous les continents, convergent soudain vers cette
rue unique, vers cette personne, vers ce corps, vers ce cœur aux
abois, vers cette femme à la fois anonyme et singulière. » L’auteur énumère des noms pluriels pour montrer qu’ils sont tous
évoqués à travers le personnage de Marie. La gradation « cette
rue [...] cette personne [...] ce corps [...] ce cœur » produit un
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effet de zoom sur le personnage qui est la représentation particulière d’une condition de victime plus générale. De même, dans
la phrase « dans chaque corps torturé tous les corps gémissent »,
l’emploi des adjectifs indéfinis « chaque » et « tous » souligne le
caractère universel de la situation décrite. L’auteur justifie ainsi
son choix de ne pas avoir inscrit le roman dans un cadre spatiotemporel précis : « Comment définir cette contrée, comment
déterminer ses frontières ? Pourquoi cerner, ou désigner cette
femme ? Tant de pays, tant de créatures, subissent le même
sort. » Les questions rhétoriques traduisent les interrogations et
les doutes de l’auteur sur ses choix littéraires (interrogations
métalittéraires). Elle ajoute même « Qu’importe le lieu ! », précisant ainsi que c’est la portée universelle de l’histoire qui compte,
bien plus que l’histoire personnelle d’un personnage dans un
pays donné.
2. La dénonciation d’une humanité guerrière
1. Montrez que la guerre est partout et de tout temps.
De nombreuses marques de pluriel signalent qu’aucun lieu n’est
épargné par la guerre : « tant de pays, tant de créatures ». L’énumération de lieux antithétiques sert à désigner la multiplicité des
endroits atteints par des conflits : « Dans la boue des rizières, sur
l’asphalte des cités, dans la torpeur des sables, entre plaines et
collines, sous neige ou soleil. » La répétition de l’adverbe « partout » insiste sur la généralisation de la guerre au monde entier. De
même, nous pouvons relever de nombreuses notations temporelles
indiquant que l’histoire se répète : « Depuis l’aube des temps, les
violences ne cessent de se chevaucher, la terreur de régner, l’horreur de recouvrir l’horreur. [...] ce sombre cortège n’a pas de fin. »
Le complément circonstanciel de temps, possédant une valeur
généralisante, et l’emploi de la modalité négative avec des
constructions verbales signifiant l’arrêt de la guerre traduisent la
pérennité des conflits. Andrée Chedid décrit un monde perpétuellement en guerre, qui s’autodétruit, « ce monde exterminateur, qui
consume ses propres entrailles ».
2. Comment le narrateur confère-t-il à son intervention une
force persuasive ? Repérez et analysez les effets de rythme et les
figures de style.
Afin d’impliquer le lecteur, le narrateur recourt à des questions rhétoriques, au début et à la fin du chapitre. Pour l’émouvoir, il emploie des images touchantes de victimes perdues
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« dans les foules que l’on pourchasse et décime, expirant parmi
les autres ou dans la solitude : les massacrés, réfugiés, fusillés,
suppliciés ». Enfin, il tente de sensibiliser le lecteur en soulignant
la violence par une gradation : « les violences ne cessent de se
chevaucher, la terreur de régner, l’horreur de recouvrir
l’horreur ». L’image du sang semble recouvrir les vivants :
« Visages en sang, visages exsangues. Hémorragies d’hommes,
de femmes, d’enfants... » De plus, il évoque l’autodestruction de
l’humanité, « les vivants sombrent avant leur terme », « ce
monde pervers, ce monde exterminateur, qui consume ses
propres entrailles, qui se déchire et se décime sans répit ». Ce
chapitre est écrit de manière à faire réagir le lecteur face à la
propagation de la mort à cause d’une humanité guerrière.
La persuasion : rappel
Celui qui veut persuader souhaite obtenir une adhésion
spontanée et affective de son auditoire dont il sollicite les
attentes, les rêves ou les émotions. Par exemple, la publicité
cherche à persuader en jouant sur des rêves de beauté, de
prestige, de confort...
Persuader, c’est aussi tenter de séduire, de plaire, de frapper
par des procédés spécifiques :
— impliquer le destinataire : faire en sorte que le destinataire se sente concerné par l’énoncé (apostrophes directes,
impératifs, interrogations directes...) ;
— établir une complicité avec le destinataire : en utilisant un
niveau de langue adapté au destinataire, en faisant référence
à des valeurs, à des repères culturels auxquels il est attaché ;
— faire réagir le destinataire, susciter son émotion : en utilisant des exemples frappants, en amusant par des plaisanteries ou des traits d’esprit, en choquant par des formules
volontairement provocantes, en employant des tonalités différentes (pathétique pour émouvoir, comique pour faire
rire, tragique pour indigner...), en recourant à des figures de
rhétorique (métaphore, antithèse, anaphore...), à des effets
typographiques (majuscule, guillemets, italique...).
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3. Un pessimisme profond
1. Quelle image de l’humanité présente cet extrait ?
L’autodestruction caractérise l’humanité : elle consume « ses
propres entrailles ». L’auteur dessine un univers terrible, où
l’Histoire n’apporte aucune leçon, « les violences ne cessent de
se chevaucher ». Le mal et la violence dominent l’homme dans
« ce monde pervers » et « exterminateur ».
2. Relevez les passages qui traduisent le désespoir de l’auteur.
L’auteur délivre un portrait très négatif de l’homme, dominé
par le mal, et du monde, dominé par la guerre : « Partout
l’humanité est en cause, et ce sombre cortège n’a pas de fin. »
Le chapitre traduit l’absence d’espoir de l’auteur quant à un
changement, une trêve. La fatalité, « le même sort », « des forces
aveugles » semblent peser sur les hommes, comme s’ils étaient
soumis à une hémorragie universelle et comme si toute tentative
pour échapper à la guerre était vouée à l’échec. L’auteur souligne l’absurdité de toute croyance en un monde meilleur :
« Comment croire, comment prier, comment espérer en ce
monde pervers, en ce monde exterminateur [...] ? » Si la gradation des verbes « croire », « prier », « espérer » signale un certain
élan de l’auteur, elle traduit aussi son impuissance. Chedid
dénonce la cruauté absurde des hommes qui s’entretuent.
Activité complémentaire : on demande aux élèves de lire le chapitre 32, dans lequel le narrateur intervient à nouveau.
On leur propose de répondre aux questions suivantes :
1. Quelles idées évoquées dans le chapitre 6 retrouve-t-on dans
ce chapitre ?
Ce chapitre présente des idées qui font écho à celles du chapitre 6. En effet, la guerre sacrifie la jeunesse ; elle est destructrice. Elle est évoquée comme perpétuelle et l’homme, désigné
comme responsable (« nos haines », « nos combats »), ne retient
pas de leçon de l’Histoire. On retrouve la même réflexion pessimiste sur le monde : « une fois de plus, une fois de trop ».
2. Selon vous, pourquoi ce passage figure-t-il à cet endroit du
récit ?
Le chapitre qui précède celui que nous étudions marque un
tournant dans le récit. Anya, après avoir couru pour rejoindre
Steph au lieu de rendez-vous, retrouve Anton et Marie dans la
rue déserte. Elle annonce à Anton qu’elle a manqué de peu
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l’homme au chandail bleu. On pressent alors le drame, même
si Gorgio est parti à la recherche d’une ambulance. Le narrateur
indique : « Il n’y avait aucune chance de la sauver, Anton l’avait
su dès le début. » Le narrateur est alors désespéré et en colère
devant les souffrances des victimes innocentes de la guerre.
Séance no 7 : des personnages en miroir
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation à la synthèse.
Comprendre la composition des personnages.
L’ensemble de l’œuvre.
Dossier, p. 147-148.
Marie, « cette femme à la fois anonyme et singulière », est le symbole de tous les « massacrés, réfugiés, fusillés, suppliciés » (chapitre 6). Au-delà de leurs différences, tous les personnages du
Message se ressemblent et sont unis dans une vraie fraternité.
Andrée Chedid revendique ainsi ce jeu de miroir : « J’aime
l’alliance des contraires, le jeu constant des ombres et des clartés,
les passerelles entre les êtres et les générations. On respire mieux
en sachant (et cela me semble si vrai), que la beauté des êtres et
de la vie est un défi permanent à tous les gouffres 1. »
On peut proposer aux élèves de travailler par groupes pour
répondre aux questions du dossier ; il serait intéressant qu’ils
recherchent dans l’œuvre quelques citations pour illustrer leurs
réponses.
1. Marie et Anya
En quoi Marie et Anya se ressemblent-elles ?
Marie et Anya sont des femmes éperdument amoureuses. Dès
qu’elle comprend la gravité de la situation, Anya s’identifie à
Marie : « C’est vers sa jeunesse qu’elle court, vers la jeunesse
de Marie, vers leurs jeunesses confondues, entremêlées » (chapitre 18). En voulant aider Marie, Anya retrouve un peu d’espoir
dans ce monde en ruine. Alors qu’elle perd Steph de vue, Anya
est presque aussi affectée que si elle venait de perdre son propre
1. Extrait d’un entretien accordé au journal L’Humanité, le 16 novembre 2000,
à l’occasion de la parution du Message.
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amour ; Steph aurait pu être « son propre compagnon » (chapitre 28) et elle aurait voulu qu’Anton soit fier d’elle. Elle prend
conscience de la chance qu’elle a d’être toujours avec Anton.
En quoi ces deux femmes sont-elles différentes ?
Elles diffèrent uniquement par l’âge. Marie doit avoir une
trentaine d’années et Anya pourrait être sa grand-mère, elle l’appelle d’ailleurs « ma petite fille chérie » au chapitre 43. Anya
court après sa jeunesse en partant à la rencontre de Steph :
« Anya dévore l’espace, dévore le temps. Ses rides se dissipent,
ses mains se lissent, ses cheveux ne sont plus gris mais châtains.
Son cœur s’électrise, s’enflamme. A-t-il jamais cessé de brûler ? »
(chapitre 23). Marie, quant à elle, avance vers la mort : « Ces
lèvres pâles, ce teint verdâtre, ces cheveux bruns collés au crâne
par la sueur, cette face marquée par la douleur » (chapitre 57).
Anya s’interroge sur l’injustice de la guerre qui emporte les
vivants avant leur terme, « les rôles auraient dû s’inverser. N’estce pas plutôt à la vieillesse de s’éteindre ? » (chapitre 49).
2. Anton et Anya/Steph et Marie
Quelles sont les similitudes que vous pouvez établir entre les
deux couples ?
Nous savons que les deux couples ont survécu à des séparations. Les personnages semblent étrangement solidaires les uns
des autres, comme s’il y avait un lien mystérieux entre eux, « un
sentiment étrange et puissant les soud[e] » (chapitre 19). Anya
revoit Anton tel qu’il était lorsqu’il était jeune quand elle
regarde la photo de Steph (chapitre 18) et Anton essaie d’imaginer comment il réagirait si c’était Anya qui se trouvait à la place
de Marie (chapitre 19). Marie souhaite ressembler à ce vieux
couple plus tard (chapitre 34) et Steph a « soudain l’impression
de se refléter dans ce couple, qu’ils auraient pu devenir, si la vie
leur avait laissé le temps » (chapitre 57). On pourrait presque
dire que ces deux couples n’en forment qu’un, et qu’ils représentent deux versions possibles d’une même histoire d’amour.
3. Anton et le père de Gorgio
Pourquoi peut-on dire qu’Anton rappelle le père de Gorgio ?
Quelles sont leurs différences ?
Dans le chapitre 39, Gorgio pense à son père puis à Anton,
comme si les deux personnages avaient un lien. Anton pourrait
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être un double positif du père de Gorgio, un homme mûr auquel
Gorgio voudrait plaire. Nous savons que ce dernier a pris part
à la guerre pour s’opposer à son père. Leur relation est conflictuelle. Quand le jeune homme rencontre Anton et Marie, il est
bouleversé, et sauver Marie devient une obsession pour lui.
Gorgio « s’étonn[e] de se sentir tellement concerné », « [est]-ce la
présence de ce vieillard aux traits puissants » (chapitre 39) qui
l’incite à courir à travers la ville pour trouver une ambulance ?
Alors que le père de Gorgio est très méprisant envers son fils,
Anton lui fait tout de suite confiance : « C’est lui qui va ramener
l’ambulance j’en suis certain », dit-il à Anya (chapitre 57). Il
prend la défense de Gorgio dans le dernier chapitre face à Steph,
« il a tenu sa promesse » (chapitre 58), il veut lui laisser la possibilité de se racheter.
4. Marie et la mère de Gorgio
En quoi peut-on rapprocher ces deux personnages féminins ?
Gorgio est bouleversé lorsqu’il voit que Marie est blessée.
Lorsqu’il part à la recherche de l’ambulance, il se plonge dans
ses souvenirs et « l’ancienne photo de sa mère en pleine jeunesse
lui rev[ient] en mémoire. Elle était belle, elle aussi ! Les visages
de ces deux femmes se touch[ent], se rejoign[ent], se confond[ent]. Il éprouv[e] pour l’une et l’autre une profonde compassion. [...] Il ne [sait] plus pour laquelle de ces femmes il cour[t] si
vite » (chapitre 40). En voulant sauver Marie, il tente de racheter
le comportement qu’il a eu avec sa mère. Il se raccroche à Marie
pour se sauver lui-même.
5. Steph et Gorgio
Quels sont les points communs et les différences entre ces deux
personnages masculins ?
Les deux personnages ont fait des choix différents en cette
époque de conflit : Gorgio s’enrôle et acquiert ainsi une certaine
puissance, Steph, quant à lui, refuse de combattre. On pourrait
donc dire que Gorgio représente l’homme guerrier et Steph
l’homme pacifique. Alors que Gorgio arbore sa mitraillette
comme un trophée, Steph est terrorisé à l’idée d’avoir un revolver dans sa poche. Ils sont tous les deux mus par la volonté de
retrouver ou de sauver Marie. Mais leurs rôles s’inversent :
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Gorgio tente de se racheter et donc de retrouver un peu de fraternité en voulant sauver Marie. Steph bascule du côté de la
violence en se laissant aller à la vengeance. Celui qui tenait fièrement son arme la laisse tomber, et celui qui en avait peur
commence à s’en servir. De ce point de vue, ils représentent les
deux facettes d’un même homme et la dualité violence/
fraternité.
Séance 8 : « C’est trop tard.
Elle vient de mourir »
Objectifs →
→
Supports →
→
Initiation au commentaire composé.
Étudier la dimension tragique du dénouement.
Le dernier chapitre dans son ensemble, p. 139-140.
Dossier, p. 149.
Travail préparatoire : on demande aux élèves de relire la totalité
du dernier chapitre et de répondre aux questions de la microlecture no 4 proposée dans le dossier.
1. Un dénouement tragique
1. On devine dans ce chapitre qu’un événement tragique va
survenir. Relevez ce qui contribue à créer une tension.
La tension est créée par l’attitude des personnages. Lorsque
Gorgio arrive avec l’ambulance, il est empressé, il « cri[e] »,
« saut[e] », fait preuve « d’impatien[ce] ». Il arrive en sauveur,
cependant il a « toujours son arme » à la main, ce qui le place
du côté de l’agresseur. Face à Steph, il ressent un certain malaise
qui se traduit par des bredouillements. Steph, quant à lui, « fix[e]
Gorgio avec méfiance » et « s’assur[e] que son revolver [est] en
place ». Le geste de Steph laisse présager une issue fatale. Nous
assistons à un affrontement qui se traduit gestuellement : « le
repoussa brutalement », « en le bousculant ». Steph est agressif
envers Gorgio et ce dernier se retrouve comme impuissant face
au harcèlement de Steph ; il « recul[e] », « ne trouv[e] plus ses
mots », il « fix[e] Steph sans trouver de réponse ». Le lecteur sent
qu’il va se passer quelque chose.
2. Pourquoi cette fin est-elle proche de celle d’une tragédie ?
Tous les personnages de l’intrigue sont réunis en un même
lieu. La mort est doublement présente : celle de Marie, attendue
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et déjà évoquée au chapitre précédent et celle, plus surprenante,
de Gorgio.
2. L’affrontement entre deux hommes
1. Comment se présente Gorgio face à Steph ? Pourquoi ?
Comment les autres le voient-ils ? Peut-il échapper à son destin ?
Gorgio se présente ici comme un sauveur : « Il était impatient
[...] de lui annoncer qu’il venait lui porter secours et qu’il était
bien décidé à la sauver. » Il semble ne pas vouloir comprendre
qu’il est arrivé trop tard et ne cesse de répéter : « j’ai amené
l’ambulance », « les infirmiers vont s’occuper de la blessée »,
« L’ambulance... c’est moi... je voulais la sauver ». Il n’a pas imaginé qu’il pouvait échouer. Il cherche ainsi à échapper à ce qu’il
a été, un « franc-tireur », comme le dit Anya, et à ôter le doute
qui s’est emparé de Steph : « C’est toi qui rôdes dans le quartier ? », « c’est toi le tueur ? », « je te demande si c’est toi qui
a tiré sur cette femme ? ». Gorgio perd toute assurance et ne
parvient pas à effacer ce qui le définissait jusqu’alors. Lui qui
était si puissant, armé de sa mitraillette avec laquelle il ne faisait
qu’un, la laisse « gliss[er] à ses pieds ». Confronté à l’image qu’il
renvoie, il devient muet et semble s’offrir à la mort en ne se
défendant pas. Il apparaît comme déjà mort, « les bras ballants,
les yeux exorbités ». C’est un personnage tragique car il ne peut
se racheter. Comme le dit Anya, « C’est trop tard [...], trop
tard ! ». Seul Anton semble vouloir croire un peu en lui, en faisant remarquer qu’il a « tenu sa promesse » en ramenant l’ambulance, et en tentant d’arrêter Steph dans sa fureur par sa
question : « Qui te dit que c’est lui ? » Gorgio est un personnage
mystérieux pour le lecteur car le doute persiste sur sa culpabilité.
2. Comment se justifie le geste de Steph ? Savons-nous ce qu’il
pense ? Quel est l’effet produit ?
Steph pense que Gorgio est l’assassin de Marie, il agit par
vengeance, certainement sous le coup de la douleur. Il vient de
perdre la personne qu’il aimait. Steph apparaît froid. Le narrateur n’entre à aucun moment dans la conscience du personnage,
ce qui ne nous permet pas de savoir s’il hésite avant de
commettre son geste irréparable. La violence de son action laisse
penser que la brutalité qui sommeillait en lui s’est réveillée.
Alors que le narrateur nous rapporte les pensées de Gorgio, « il
s’en voulut de chaque seconde perdue et se mit à trembler »
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– rendant ainsi le personnage plus humain –, Steph, toujours
évoqué en focalisation externe, reste à distance du lecteur. Nous
connaissons peu le personnage et son acte est totalement déroutant, d’autant plus que le chapitre 42 précisait que « jamais [il]
ne se servir[ait] d’une arme. Jamais [il] ne tuer[ait] ! ».
3. Une fin pessimiste
1. Pourquoi cette fin est-elle marquée par le désespoir ?
Le thème de la mort domine le chapitre. La vie de Marie n’a
pu être sauvée, et Gorgio est mort sous le coup de la vengeance,
sans qu’on sache s’il était le meurtrier. Steph ne laisse aucune
chance à Gorgio de se racheter. Gorgio ne peut échapper à ce
qui le définit en apparence. La vie brisée de Gorgio est symbolisée par l’éparpillement des citations qu’il a collectées. Les citations s’envolent, et l’âme du franc-tireur part avec elles. Steph
qui n’avait jamais utilisé une arme est contaminé par la violence
comme si c’était une maladie. Il a cédé à la vengeance, jouant
ainsi un rôle actif dans « ce monde exterminateur ».
2. Relevez les éléments qui permettent d’espérer en l’homme et
en la vie.
L’attitude de Gorgio, qui a tenu sa promesse, laisse croire en
une humanité susceptible de se racheter, de faire le bien au lieu
de semer la terreur, de sauver au lieu de tuer. La reprise de la
citation de Rilke, « vivre est gloire », montre que la vie n’a pas
de prix, qu’il faut absolument la préserver. Cette citation semble
être le dernier conseil de l’auteur pour supporter le monde de
conflits qu’elle décrit.
Activités complémentaires :
— On propose aux élèves des travaux d’écriture (voir dossier,
p. 149) :
1. « Qui te dit que c’est lui ? Calme-toi, je t’en supplie », dit Anton
à Steph. Imaginez la suite sous forme de récit en focalisation
interne. Steph délibère en son for intérieur : tirera-t-il sur Gorgio
ou non ? Imaginez sa réflexion en terminant votre texte par « le
coup était parti ».
2. À partir de l’intervention d’Anton, « Qui te dit que c’est lui ?
Calme-toi, je t’en supplie », imaginez une autre fin pour cette
histoire.
Le Message
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— On propose aux élèves de travailler à partir de la section
« Philosophons un peu » (voir dossier, p. 150). Les élèves choisissent quatre citations parmi les huit reproduites. On réfléchit avec
eux au sens de ces citations. On peut leur suggérer de constituer
leur propre carnet de citations qu’ils rempliront au fur et à
mesure de l’année scolaire à partir de leurs lectures ou de phrases
qu’ils auront entendues autour d’eux. Ce carnet servira à faire le
lien entre les œuvres intégrales étudiées en classe, les lectures
cursives et les lectures personnelles.
Séance no 9 : thématiques d’écriture
d’Andrée Chedid
Objectifs → Découvrir d’autres textes de Chedid.
→ Dégager les thématiques propres à l’auteur.
Supports → Trois poèmes d’Andrée Chedid : « Honte et Deuil »,
« Du même lit » et « Ceci »(1976) ; dossier, p. 151-157.
Travail préparatoire : on demande aux élèves de lire les poèmes
d’Andrée Chedid et de répondre aux questions qui suivent chacun
des textes.
1. « Honte et Deuil »
1. La honte est-elle le seul sentiment éprouvé face au spectacle
de la guerre ?
La honte est accompagnée du désespoir qui s’exprime par
l’utilisation des négations restrictives, v. 2 et 3 : « L’aube
n’éclaire plus que les arènes de mort/ L’ombre ne se répand
que sur des coupe-gorge. » Ces négations restrictives expriment
l’absence d’espoir face à un monde mortifère. L’image finale du
monde charnier est particulièrement frappante et terrifiante. La
modalité interrogative employée au dernier vers traduit les
doutes de l’auteur sur l’avenir.
2. Analysez la valeur du « on » dans tout le poème.
Le « on » remplace le pronom « nous ». À travers l’emploi du
pronom impersonnel, l’auteur nous rend tous responsables de
la guerre. Elle nous pousse à nous interroger sur notre responsabilité et, en nous impliquant dans son poème, elle souligne la
culpabilité que nous devrions ressentir. Le « on » a donc une
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valeur généralisante, l’auteur ne désigne personne en particulier
mais accuse l’homme en général.
3. Sur quelle figure de style reposent les vers 2-3 et 12-13 ?
Analysez-la.
Les vers cités reposent sur des antithèses. En effet, nous relevons « aube » et « ombre », « cortège des violences » et « paroles
d’alliance », et enfin « s’accroît » et « racornit ». Ces antithèses
soulignent l’avancée du mal sur terre et l’anéantissement de la
fraternité. On peut noter la structure en chiasme, v. 12-13, qui
insiste sur la victoire « des violences », mot placé à la rime, sur
les hommes.
2. « Du même lit »
1. Qu’est-ce qui rend terrifiant ce tableau de la guerre ?
Les détails donnés dans le poème sont violents et même crus,
« abattu », « écartelé », « bourré », « dénudé », « tailladé »... Les
victimes évoquées sont innocentes et inoffensives : « l’enfant »,
« la femme », « la vieille », « le vieillard ». L’accumulation des horreurs décrites, avec la structure anaphorique « il a » qui donne le
sentiment que jamais cette liste n’aura de fin, rend ce tableau
terrifiant. Les corps sont humiliés, et l’homme, désigné par le
pronom personnel « il », semble être une machine qui anéantit
tout sur son passage, il est déshumanisé. L’absence de réaction
des autres, marquée par les indéfinis à valeur négative « personne », « nul », est révoltante. En ne bougeant pas, ceux qui le
laissent faire se rendent complices de ce massacre.
2. Analysez le sens des quatre derniers vers. En quoi peut-on
dire que c’est un appel à la fraternité et à la responsabilité ?
Les quatre derniers vers rappellent la fraternité des hommes
qui sont du même lit. Cette image souligne qu’ils ont une origine commune. L’auteur dénonce le choix de la violence et de
la haine. Peu importe le camp défendu ou les opinions avancées,
ils sont tous responsables – « je ne vous sépare plus », écrit l’auteur. Le choix de la violence ne peut en aucun cas se justifier.
L’auteur incite à prendre conscience de cette responsabilité face
aux victimes qui les regardent, « l’œil des suppliciés vous fixe à
en mourir ».
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3. « Ceci »
1. Sur quelle figure de style repose ce poème ?
Ce poème repose sur des antithèses entre la vie et la mort,
entre avant et maintenant. En effet, l’emploi du démonstratif
« ceci » est réservé aux sujets inanimés. Ici, l’auteur choisit de
l’utiliser pour désigner des morts les réduisant à l’état de choses,
ce qui est souligné par la reprise aux vers suivants de l’expression « cette chose ». Ce passage de la vie à la mort est renforcé par l’opposition de temps entre le passé et le présent.
2. Quelles images de la mort sont offertes ici ?
On trouve dans ce poème des images très violentes de la mort,
du corps en décomposition décrit avec des expressions qui soulignent la putréfaction, « sac-à-vermine », « orbites-à-fourmis »,
« tas de chair ». Le corps est réduit à une chose, « ceci », « cette
chose », vulgaire, dégoûtante, répugnante. À l’inverse, la vie est
associée à des éléments mélioratifs, « où s’ouvrait le plaisir/où
germinait la vie ».
3. En quoi peut-on dire que ce poème a une dimension
universelle ?
Ce poème ne mentionne pas une victime en particulier mais
tous les êtres que l’on peut perdre, « mon fils ma fille/mon père
ma mère », « mon aimé/mon aïeul mon enfant ! », « un vivant/
une personne ». Il évoque la douleur de la perte d’un être cher,
mais aussi la dégradation du corps après la mort, ce qui appartient à notre condition humaine.
Séance no 10 : évaluation
On propose deux types d’évaluation pour cette séquence en
s’appuyant sur les travaux présentés dans la section « À vos
plumes... » du dossier, p. 158.
Commentaire littéraire
Microlecture no 5 : relisez le chapitre 25 et analysez-le en vous
aidant des pistes suivantes :
1. Montrez qu’un certain suspens naît de ce chapitre.
2. Quel tableau d’un pays en guerre se dégage de ce passage ?
3. De quelles qualités fait preuve ici Anya ?
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Dissertation
Vous traiterez un des sujets de réflexion suivants :
1. Selon vous, le roman est-il optimiste ou pessimiste ?
2. Selon vous, tout roman doit-il porter un « message » ?
3. En quoi ce texte dénonce-t-il la guerre et quelle est son
efficacité ?
IV. Orientations bibliographiques
Œuvres d’Andrée Chedid
Quelques romans
Le Sixième Jour, Julliard, 1960 ; rééd. Flammarion, 1972.
Le Survivant, Julliard, 1963 ; rééd. Flammarion, 1983.
L’Autre, Flammarion, 1969.
La Cité fertile, Flammarion, 1972.
L’Enfant multiple, Flammarion, 1989.
Quelques recueils de poésie
Cérémonial de la violence, Flammarion, 1976.
Fraternité de la parole, Flammarion, 1976.
Épreuves du vivant, Flammarion, 1983.
Par-delà les mots, Flammarion, 1995.
Territoires du souffle, Flammarion, 1999.
Quelques nouvelles
Les Corps et le Temps, suivi de L’Étroite Peau, Flammarion, 1978.
Mondes Miroirs Magie, Flammarion, 1988.
À la mort, à la vie, Flammarion, 1992.
Ouvrages sur Andrée Chedid
GIRAULT, Jacques, et LECHERBONNIER, Bernard, dir., Andrée Chedid.
Racines et libertés, Itinéraires et contacts de cultures, L’Harmattan, t. XXXIV, 2004.
MICHEL, Jacqueline, textes réunis et présentés par, Andrée Chedid et
son œuvre. Une quête de l’humanité, Actes du colloque de l’université d’Haïfa, 28 et 29 novembre 2001, Publisud, 2003.
Articles
FREY, Pascale, « Andrée Chedid poète, romancière et groupie » Lire,
octobre 2000.
Entretien accordé au journal L’Humanité, le 16 novembre 2000.
Le Message
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Sites Internet
http://ecrits-vains.com
http://www.nuitblanche.com/archives/c/chedid.htm
http://www.ucm.cs/BUCM/revistas/fll/11399368/articulos/THEL
0404110093.PDF
Agnès CHOPOT,
avec la collaboration de Laure HUMEAU-SERMAGE.