Le beffroi d`Arras, un géant de pierre

Transcription

Le beffroi d`Arras, un géant de pierre
Le beffroi d'Arras,
un géant de pierre
Depuis le Moyen Age, le beffroi* veille
sur la ville d'Arras. Il rivalise avec le donjon du
château et les tours des églises ou des abbayes. Il
abrite les chartes, les cloches ainsi que le trésor
de la ville. Haut de 75 mètres, il sert de tour de
guet pour prévenir les Arrageois d'un danger
(attaque, incendie...) et abrite la banclocque* :
cette cloche donne l’alerte et indique les heures
de travail et le couvre-feu.
flamboyant comme en témoignent les éléments
décoratifs en forme de flamme.
Symbole des libertés communales, il
montre la puissance et la richesse d'Arras. Il
occupe le cœur de la cité près des places là où se
tiennent les marchés et les foires. Les marchands
et les artisans s’y sont enrichis grâce à l'industrie
et au commerce des draps de laine.
Détruit à deux reprises, ce témoin du passé
Sa construction débute en 1463 sur sera toujours reconstruit. Lorsque le beffroi renaît
l'emplacement de la halle (ou marché). Il ne sera de ses cendres tel un phénix, c'est toute la ville
achevé qu’en 1551 par le maître maçon Jacques qui se relève.
Le Caron. La construction a duré longtemps à
cause des guerres. Son style est gothique
Depuis 1929, une couronne en béton armé
remplace la couronne de fer du XIXe siècle.
Le lion en bronze symbolise la puissance et la
force. Il a été redoré en 2000. La couronne,
quant à elle, rappelle le pouvoir de l'empereur
Charles Quint sur l'Artois.
A droite : le premier lion (1554-1830) est
désormais exposé au musée.
Sommaire
p.1 : Le beffroi d'Arras, un géant de
pierre
p.2 : Le tailleur de pierre, clef de voûte
de la restauration
p.3 : Le phénix d'Arras
Ce "prodigieux beffroi, mince, dentelé de mille
caprices, qui dresse jusqu'aux nuages (...) sa
masse énorme et légère" (Paul verlaine, 1889)
p.4 : Rencontre avec une passionnée
du patrimoine
Le tailleur de pierre, clef de voûte
de la restauration du beffroi
Nous avons visité l'entreprise Payeux. Elle est spécialisée dans
la taille de pierre et la restauration de monuments historiques.
C'est à elle qu'a été confiée la restauration du beffroi d'Arras.
Les travaux ont duré deux ans.
Un échafaudage a été installé
pour atteindre la partie plus haute
du beffroi car la couronne située au
sommet était en mauvais état. En
effet les parties en acier qui forment
l'armature de cette couronne avaient
rouillé et fait éclater le béton.
tonnes. Une autre machine est
programmée pour sculpter des prémoulures par exemple pour le
bandeau de la balustrade qui orne
les étages supérieurs. Pour les
pierres les plus ouvragées, comme
le trilobe*, seule la main de
l'homme est capable de réaliser ce
Les crochets ont fait l'objet travail délicat.
Comme les tailleurs de pierre d'un travail minutieux. Pour être
du Moyen Age, le tailleur de identiques aux originaux, ils sont
pierre a été compagnon. Cette moulés. Un calepineur* dessine les
formation dure 5 à 7 ans après pierres à changer. Les copies en
le CAP. Il doit réaliser un chef plâtre servent de modèles au tailleur
d'oeuvre*.
de pierre. Chaque pièce a son
propre patron et nécessite une
trentaine d'heures de travail. Avec la
massette et le ciseau, le tailleur de
pierre sculpte chaque bloc de pierre
en respectant les côtes et les motifs Sculpture sur la façade de l'hôtel de
d'ornementation.
ville. Autrefois, Arras se prononçait
"arra". C'est à cause de ce jeu de mot
Moulage d'un trilobe
qui décore la base de la
couronne.
que le rat est associé à la ville.
Les techniques ont peu
évolué sauf pour le dégrossissage
La dernière phase des
des blocs de pierre où des machines
travaux
concerne le nettoyage des
facilitent le travail. La scie
circulaire à disque de diamants peut pierres qui se fait par microdébiter des blocs de quatre à six abrasion.
Glossaire
Bancloque : en patois des Flandres, cloche qui servait à rassembler les habitants
Beffroi : à l'origine, échafaudage en bois très solide en forme de tour puis charpente
placée dans l'étage portant les cloches.
Calepineur :personne qui relève les dimensions et les formes des pierres.
Chef d'oeuvre : ouvrage de compagnon autorisant son entrée
dans la confrérie.
Echevin : magistrat qui dirige la ville au Moyen Age
Nous avons essayé de tailler des
pierres ce qui était très dur mais une
expérience plutôt drôle !
Unesco : Organisation qui protège le patrimoine culturel
et naturel de l'humanité
Trilobe : élément décoratif en forme de trèfle à trois feuilles
Le Phénix d'Arras
«Reconstruire à l'identique» 1914, le beffroi est sous le feu des pour limiter les dépenses. Les
Le beffroi a été reconstruit
deux fois. Une première fois en
1842 (il a été démoli car il menaçait
de s'écrouler) puis après la première
Guerre Mondiale, entre 1920 et
1932.
tirs de l'artillerie allemande. Le 21
octobre 1914, sous le coup du
69ème obus, il s'écroule. Il est le
seul monument arrageois classé
monument historique avant la
guerre.
Le beffroi en ruines
Le beffroi en reconstruction
En 1914, le beffroi jouait
encore son rôle de tour de guet car
il
permettait
aux
Français
d'observer la ligne de front durant la
bataille d'Artois. Mais, dès octobre
Sa reconstruction est confiée
à Pierre Paquet, architecte en chef
des monuments historiques. Il
choisit de le « reconstruire à
l'identique » mais il utilise le béton
Sa
valeur
artistique
exceptionnelle est enfin reconnue.
Le beffroi fait partie désormais du
En 1992 est lancé un patrimoine de l’humanité et on doit
programme de restauration des en prendre grand soin.
parements de pierre et de la
structure en béton qui se sont
dégradés sous les effets du
Cette nouvelle étape dans la
ruissellement des eaux de pluie, de sauvegarde du beffroi lui a donné
l’oxydation, de la rouille et de la un rayonnement international et
pollution. (voir article précédent).
chaque année, les touristes sont de
Une association « Beffrois plus en plus nombreux à venir le
et Patrimoine » s’est constituée en visiter. Les plus curieux n’hésitent
2002 pour que le beffroi soit classé pas à emprunter l’ascenseur et les
au
patrimoine
mondial
de 40 marches qui leur permettent
l’UNESCO*. Elle a dû montrer la d’accéder au niveau de l’horloge,
richesse de son histoire et la beauté ils bénéficient alors d’un panorama
de son architecture. Ce n’est pas sur la ville et la campagne
sans émotion que ses membres ont environnante. Certains préfèreront
appris en juillet 2005 que le beffroi le contempler à la nuit tombée
d’Arras ainsi que 22 autres beffrois lorsqu’il est éclairé de mille feux.
de la région et de Belgique étaient Cette mise en lumière met en valeur
inscrits dans ce club très fermé. ce monument et révèle son élégante
silhouette de pierre.
Seuls 85 sites en font partie.
travaux débutent en 1924. Une
ossature en béton est coulée sur
laquelle vient s'accrocher un
habillage de pierre. Les tailleurs
utilisent des modèles en plâtre pour
réaliser leurs sculptures en pierre.
L'architecte
respecte
l'aspect
primitif du beffroi. Si sa structure
est en béton armé, les parements
sont en véritable pierre de taille. Il
utilise les matériaux retrouvés sur le
site et s'appuie sur des documents
d'archives
pour
que
la
reconstruction soit fidèle au beffroi
d'origine. Par exemple, il supprime
la surcharge des sculptures de l'aile
nord et rétablit la bretèche de la
façade de l'hôtel de ville.
Le nouveau beffroi sera
inauguré en 1932 lors des fêtes de
la renaissance d'Arras durant
lesquelles les Arrageois montrent
leur joie de retrouver leur symbole.
Un monument toujours
vivant
Le beffroi illuminé
Le beffroi a traversé les
siècles de l’histoire mouvementée
de la ville d’Arras et reste au cœur
des fêtes les plus populaires. Ainsi
l’embrasement du beffroi (spectacle
son et lumière) en août ou la
descente en rappel de Saint Nicolas
en décembre sont parmi les
festivités préférées des Arrageois.
Rencontre avec une
passionnée du patrimoine
Nous avons rencontré Madame Goulois, secrétaire de l'ASSEMCA.
Par la présentation de documents (plans, photos, croquis), elle nous a
sensibilisé à la sauvegarde du patrimoine arrageois.
1) Que signifie le sigle de l’association ?
très attachés, c’est un repère dans le paysage de la ville.
ASSEMCA signifie Association pour la Sauvegarde de 8) Quels monuments méritent d’être sauvegardés ?
Sites et Monuments du Centre d’Arras.
Certaines églises mériteraient d’être restaurées. Avant la
2)Depuis quand existe l’association ?
Révolution, Arras était appelée « la ville aux cent
Elle existe depuis 1975. Elle s’est constituée pour clochers ». La plupart ont été abattues ou vendues durant
empêcher la destruction de l’hôtel de Gouves, un hôtel la Révolution française mais on retrouve leurs traces
particulier du XVIIIème siècle. Elle a combattu un projet dans le nom des rues ou des places.
municipal qui voulait prolonger une rue et donc détruire 9) Quels sont vos projets futurs ?
cet hôtel particulier. Il a été classé à l’inventaire des En ce moment, nous préparons une exposition sur les
monuments historiques et a été ainsi sauvé.
toiles d’Hoffbauer qui décorent la salle d’honneur de
3) Combien de membres compte l’association ?
l’hôtel de ville. Elles représentent des scènes de la vie
quotidienne à Arras au Moyen Age. Certaines ont été
300 adhérents.
inspirées par des tableaux de Bruegel l’Ancien.
4) Depuis quand êtes vous dans l’association ?
Depuis dix-sept ans.
5) Quel est votre rôle dans l’association ?
J’en suis la secrétaire depuis dix ans.
6) Quelles sont les actions concrètes de l’association ?
Nous proposons des expositions et des conférences sur le
patrimoine d’Arras dans le cadre des journées du
patrimoine. Nous nous efforçons d’inscrire les hôtels
particuliers à l’inventaire des monuments historiques.
Chaque année nous délivrons le prix ASSEMCA aux
propriétaires qui ont restauré ou mis en valeur un
immeuble du patrimoine arrageois.
7) Pourquoi mettre en valeur le beffroi d’Arras ?
Le beffroi est un signe de liberté. C’est le symbole des
libertés communales qui ont été accordées à la ville
d’Arras par le roi Philippe-Auguste. Les Arrageois y sont
Les échevins*, entourés des notables et des
corporations, sortant de l'hôtel de ville (peut-être le jour
de l'inauguration en 1508).
Petit journal du patrimoine réalisé par :
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Rédacteur en chef : 2 professeurs (histoire-géographie, documentaliste)
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