Le carnaval de Santiago de Cuba, la fête de tous les rythmes
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Le carnaval de Santiago de Cuba, la fête de tous les rythmes
MUSIQUES Le carnaval de Santiago de Cuba, la fête de tous les rythmes Cette année, Santiago de Cuba a 490 ans. C'est une vieille dame mais encore capable d'entrain, comme en témoigne son carnaval qui a lieu tous les ans en juillet. Les rues se parent alors de leurs plus beaux atours. Pendant une semaine, elle devient reine des Caraïbes et le tambour, la danse et le rhum, ses serviteurs fidèles. Le carnaval, né de mouvements spontanés dans les rues, est aujourd'hui une institution. Il fait partie de l'histoire de Santiago ou bien c'est Santiago qui appartient à la mémoire du carnaval, on ne sait plus trop bien. Ce qui est certain en revanche, c'est que le vivre, c'est vivre une page de l'histoire de Santiago. Photo : Karen Paillat P rès de la Plaza de Marte, comme tous les soirs de carnaval à Santiago de Cuba, la foule est dense. Les enfants font le tour de la place pour un peso à bord de petits "chars discothèques", qui diffusent du reggaeton, presque plus populaire ici que la salsa. Des vendeurs arpentent la place à grands cris de "maní, maní, maní", les cacahuètes qu'ils auront auparavant pris le temps d'envelopper dans des cornets de feuilles de vieux livres jaunis. Le va-et-vient est permanent, entre les gens qui vont se coucher tôt après une journée arrosée, les autres qui commencent les réjouissances, bien décidés à ne pas rentrer avant l'aube et ceux qui s'arrêtent, font un brin de conversation avec le voisin et attendent le défilé de la conga (1). La conga, reine du Carnaval C'est celle de Los Hoyos qui est prévue ce soir-là, la formation de danseurs et musiciens la plus connue et l'une des plus anciennes de la ville. Tout le monde l'attend avec impatience. Enfin, au milieu du tohu-bohu, le son aigu et nasillard de la cornette chinoise (2), instrument emblématique de la conga, retentit, annonçant son arrivée. Bientôt, percussionnistes et solistes font leur apparition, dans leur costume vert et rouge éclatant, dont les paillettes scintillent à chaque mouvement. Tambours, bongos, guïros, cloches, poêles, et tout ce qui peut servir de percussion composent un arsenal sonore riche. Le rythme est rapide et régulier. Le soliste chante, les gens reprennent ses paroles en chœur et suivent en dansant. Car c'est bien là, le poumon de la conga, le peuple, par qui et pour qui elle existe. Ils sont des dizaines, qui avancent du même pas saccadé. Le groupe de musiciens a commencé à jouer une heure plus tôt dans le quartier de los Hoyos. Dès le début, les voisins les ont rejoints. Au Espaces Latinos n° 227 – novembre 2005 – p 22 MUSIQUES fur et à mesure de leur progression dans les rues, d'autres sont venus grossir les rangs, jusqu'à former cette multitude de personnes qui envahissent maintenant le carrefour. Un badaud court vers eux en criant : “Quand j'entends cette musique, je ne peux pas rester en place !”. Et les tambours entraînent avec eux toujours plus de monde. Depuis les premières manifestations populaires et spontanées des esclaves à l'époque coloniale, qui contrastaient radicalement avec les danses de salon des maîtres bourgeois, jusqu'à aujourd'hui, cet instrument rapporté d'Afrique a toujours constitué le lien indispensable entre les communautés et les générations. Et a fait de la conga la pièce centrale du carnaval, un mouvement qui s'improvise sans raison apparente si ce n'est celle de laisser libre cours à la joie et l'envie de chanter et danser. L'histoire de Santiago défile À l'approche des tribunes où les membres du jury sont installés, la foule se disperse finalement, laissant les musiciens défiler seuls et concourir à l'élection de la meilleure conga. D'autres prix récompensent la rue la mieux décorée, le plus beau char, le meilleur costume, etc... Il est en une qui, tous les ans, est distinguée, c'est Berta, la pregonera (3). Cette octogénaire est une habituée du carnaval. Chaque année, elle y arbore son bel habit doré et son fichu surmonté d'une corbeille remplie de fruits, et passe sous les applaudissements à tout rompre du public. À la ville comme au carnaval, elle vend fruits et légumes à la criée. Tout un symbole dans la ville des pregoneros. Les cortèges sont ainsi l'occasion de mieux connaître Santiago, ses traditions, son histoire. La “Tumba Francesa” rappelle l'immigration des français d'Haïti au XVIIIe siècle, quand les mamarrachos évoquent une vieille coutume, qui voyait se déguiser et passer de maison en maison des jeunes gens qui distrayaient les habitants et récol- taient quelques sous pour sortir le soir. Festival de la bière et du reggaeton Ces rites ont laissé place à un carnaval, qui, une fois les parades terminées, se transforme souvent en une gigantesque fête de la bière et du reggaeton. Les “kioscos”, les points de vente de boisson, sont pris d'assaut par les garçons - la participation des filles est vivement déconseillée. On les voit qui se ruent littéralement sur les distributeurs de bière, une bouteille en plastique, une carafe, une casserole, ou n'importe quel récipient à la main, avant que les stocks ne s'épuisent, en général dès 11 h du soir. Dans le dédale des rues, les stands d'animation et de musique se succèdent. La fête bat son plein, les concerts durent jusqu'au petit matin, quand les noctambules se dirigent vers la plage pour dormir et reprendre des forces pour le soir. Ils montrent une soif enragée de profiter de ces sept jours. Sans doute parce qu'ils savent que la fin des réjouissances annonce le retour des privations, des coupures d'électricité et de l'ennui. Le carnaval est une pause d'une semaine au milieu d'une année de difficultés. Pas question d'en rater un seul instant. Karen PAILLAT (1) Mouvement festif et spontané, de danseurs, chanteurs et musiciens, qui défile dans les rues, en jouant du tambour qui donne le rythme. Pendant l'époque coloniale, les esclaves, lors de jours spéciaux comme la fête des rois, avaient le droit de se réunir et d'improviser des parades. (2) Instrument en forme de petite trompette apporté par les chinois immigrés à Santiago aux XVIIIème et XIXème siècle. (3) Vendeur à la crié, emblématique de la ville de Santiago. DANS LES BACS Ziriguiboom, The Now Sound Of Brazil Vol.2 (chez Crammed Discs France) Cet album permet de faire un tour d'horizon puisqu'il rassemble une sélection de titres, dont plusieurs exclusifs des artistes de la division brésilienne de Crammed Discs : Ziriguiboom, dont le nom est devenu synonyme de qualité et d'innovation en matière de nouvelles musiques brésiliennes. On y retrouve les artistes de la maison Bebel Gilberto, Zuco 103, Cibelle, Bossacucanova et Celso Fonseca ainsi que les nouvelles signatures DJ Dolores et Apollo Nove. Apollo Nove : Res Inexplicata Volans ( chez Wagram) Le premier album de ce poly-instrumentiste à la voix chaude, de 35 ans nous offre douze chansons mélodieuses, pleines de tendresse et de fantaisie, dont les atmosphères oscillent entre rock psychédélique, électronica mystérieuse et bossa/folk hallucinée... Avec les participations de Cibelle, Seu Jorge, Céu, et des musiciens vétérans Lanny Gordin, Juarez Santana et João Parahyba. A découvrir. Pour découvrir ou redécouvrir un versant plus “traditionnel” de la musique brésilienne, les éditions Frémeaux et Associés proposent non seulement des CD, mais aussi des DVD qui permettent de retrouver “le son du Brésil” dans toute sa diversité et sa richesse. On peut ainsi se régaler de deux concerts de Baden Powell, l'un en solo, l'autre en trio puis écouter des entretiens avec Pierre Barouh, Claude Nougaro. Des bonheurs rares contenus dans Baden Powell Live. On peut aussi plonger dans l'univers de la Samba avec Ô SamBa qui retrace l'histoire de cette musique pour la danse. Cubanito 20-02 : Tocame (chez Lusafrica) Flipper, White et El Doctor, voilà le trio cubain qui se forma en février 2002 d'où son nom. Spécialistes du reggaeton : le son des bad boys à Cuba, il l'ont fait sortir un peu du gettho avec leur premier album Soy Cubanito, en 2003. Ce deuxième opus ne déçoit pas. À mi chemin entre rap hardcore, influences latinos bien digérées, guitares à la Santana et reggae roots, leur style est efficace et donne un album à la fois audacieux et mélodieux. Camille DOUZELET Espaces Latinos n° 227 – novembre 2005 – p. 23
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