La Panzerwaffe, de Barbarossa à l`abîme
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La Panzerwaffe, de Barbarossa à l`abîme
La Panzerwaffe, de Barbarossa à l’abîme Evolution technique des blindés allemands dans la seconde partie de la guerre, à partir de mai 1942 Extraits de l’ouvrage de Maurice Héninger « L’épreuve du feu – L’évolution des outils militaires durant la Deuxième Guerre Mondiale » (Plon Ed., Paris, 1985, rééd. 1995), avec l’aimable autorisation de l’auteur. Réunie le 7 juillet 1942 à Rastenburg en présence de Hitler, la mission de la Heereswaffenamt envoyée fin juin évaluer les déficiences de l’arme blindée allemande sur le front russe dut constater que, selon tous les rapports recueillis, les véhicules blindés de la Wehrmacht étaient sérieusement surclassés par les T-34 et les KV-1 russes. D’ailleurs, tout l’état-major allemand était-il surpris ? Depuis le report de l’opération Barbarossa en juillet 1941, les diplomates et les services de renseignements allemands en URSS – malgré la difficulté extrême de leur tâche – faisaient de plus en plus état de l’existence de nouveaux chars lourds produits en série et bien plus redoutables que le monstrueux et inefficace T-35. Toutefois, la majorité de l’OKW, et Hitler lui-même, persistaient à douter de la capacité soviétique de produire de meilleurs blindés que l’Allemagne – alors même que le Reich faisait traîner les livraisons de matériels de pointe à l’URSS, au point de provoquer des crises diplomatiques comme celle du mois d’août 1940. Néanmoins, ces informations avaient semé une certaine inquiétude et participé au maintien des projets de chars lourds lancés avant la guerre. En tout état de cause, il apparaissait en juillet 1942 que le retard pris par l’Allemagne dans le domaine des blindés était réel : des engins tels que le Pz-II ou même le Pz-38(t) étaient devenus pratiquement inutiles. Le Pz-III, cheville ouvrière des Panzerdivisions, était totalement dépassé en puissance de feu comme en blindage par les nouveaux chars moyens et lourds des Russes. Le nouveau char de percée, le Pz-V Leopard, manquait gravement de puissance de feu. Il était relativement facile de lui donner un armement plus puissant, mais on ne pouvait rien faire pour modifier le blindage vertical de ses flancs. Quant au Pz-IV, plus facile sans doute à construire que le Pz-V, sa protection était encore moins satisfaisante. La seule solution était de développer de nouveaux blindés. Un Comité spécial Blindés (PanzerStaß) fut organisé sur l’ordre de Todt pour rédiger des programmes concernant un char moyen et un char lourd. Il était cependant évident qu’aucun de ces véhicules ne pourrait équiper les unités de première ligne avant fin 1943-début 1944. I – L’amélioration de l’existant : les Panzer III et IV * Au total, le blindé le plus produit par l’Allemagne au moment de Barbarossa restait le Panzer III à canon de 50 mm/L42, progressivement remplacé par le modèle à canon de 50 mm/L60 (Pz-III Ausf. J). La production du Panzer III Ausf. J, décidée à la suite de la campagne de Grèce, avait été lancée en février, mais elle ne progressait que lentement, car elle entrait en concurrence avec le programme des chasseurs de chars et celle du Pz-IV F2 pour les canons de 50 mm/L60. Mimai 1942, cent cinquante seulement environ avaient été livrés. Il était impossible d’arrêter la production du Pz-III, quelles que soient ses limitations, car en l’absence d’un remplaçant performant, l’existence même des forces blindées allemandes aurait été menacée. La production du Pz-III s’accrut très vite à partir de juillet pour atteindre le chiffre de 1 943 véhicules (dont 1 810 armés du 50 mm/L60) en 1942. Elle se prolongea en 1943 avec 1 795 chars fabriqués, dont 513 chars d’appui d’infanterie Pz-III Ausf. N, armés du 75 mm/L24 récupérés grâce au réarmement des premiers modèles de Pz-IV (la taille de la tourelle du Pz-III interdisait d’installer un plus gros canon). * Le Panzer IV était jusqu’à Barbarossa destiné avant tout au soutien d’infanterie, avec un canon de 75 mm court (75 mm/L24). Seuls 405 avaient été construits en 1941. Mais il pouvait être nettement amélioré. A l’été 1941, les résultats des combats de la campagne de Grèce avaient conduit à passer une commande pour 80 exemplaires équipés d’un canon de 50 mm/L60 (Pz-IV Ausf. F2). Le prototype devait être prêt au mois de novembre. Cette évolution avait déjà été envisagée après la confrontation avec les Matilda et les B1-bis pendant la campagne de France, mais la victoire somme toute assez rapide de l’Allemagne avait conduit à l’abandon du projet. Cette commande ne devait pas faciliter la production des Pz-III Ausf. J. Ces 80 blindés furent alignés sur le front russe, mais dès le début de juillet 1942, il fut évident que ce canon était insuffisant et le char fut doté du 75 mm/L43 (Pz-IV Ausf. G1). A la fin de l’année, une nouvelle tourelle permit de l’équiper en série du canon de 75 mm/L48 (Ausf. G2). En 1943, le Pz-IV Ausf. H bénéficia notamment d’une amélioration sensible du blindage. Enfin, le Pz-IV Ausf. J, grâce à de nombreuses simplifications, devait être produit plus rapidement ; mais il fut en pratique considéré comme inférieur au précédent. En 1944, une tentative pour embarquer le 75 mm/L70 devait être un échec : le châssis avait atteint ses limites. Plus petit et plus facile à construire que le Pz-V, le Pz-IV était en 1942 le seul char que l’Allemagne pouvait sortir en grand nombre à bref délai. Sa production atteignit 685 unités en 1942, puis 1 821 en 1943 et 2 012 en 1944. Jusqu’à la fin, les Pz-IV armés de 75 mm (Ausf. G, H et J) devaient être les principaux matériels des Panzerdivisions. Leur protection fut un peu améliorée par l’ajout de plaques de blindage posées à distance devant les suspensions ou les flancs de tourelle. Ces “jupes” étaient surtout destinées à préserver ces points sensibles des fusils antichars soviétiques et des armes à charge creuse des Occidentaux. Sur le terrain, les rôles furent progressivement inversés avec le Pz-III, qui reprit le rôle de char de soutien d’infanterie. * En septembre 1941, le Heereswaffenamt avait envisagé de mettre à profit les nombreuses similitudes techniques entre les Pz-III et Pz-IV pour créer un char hybride basé sur le châssis des deux véhicules. Ce modèle était censé permettre de rationaliser la production et l’entretien de ces deux modèles. L’idée fut étudiée mais ne progressa que très lentement, car les équipes techniques étaient mobilisées par le développement des nouveaux chars. Finalement, alors que la mise en production allait pouvoir commencer, le projet fut annulé car il ne répondait pas aux exigences en termes de puissance de feu et de blindage. II – Seulement un bouche-trou : le Panzer V Leopard Le développement le plus innovant de la période entre Maritsa et Barbarossa avait été le “char de percée” (Durchbruchswagen). En juin 1941, après les lourdes pertes subies lors de la bataille de Veroia, il fut décidé de relancer le VK.20, un projet de char de 20 tonnes qui datait de 1938. Très vite, le VK.20 évolua vers un projet de char plus lourd destiné à remplacer à la fois le Panzer III et le Panzer IV ; ce fut le VK.36, développé par Henschel (malgré un concurrent Porsche) sous l’étiquette VK.36.01 H, à partir du mois d’août 1941. Le véhicule, ressemblant à un Pz-IV agrandi avec sept galets de roulement de chaque côté, fut officiellement désigné PanzerKampfWagen V. Il reçut bientôt un surnom : ce fut le Panzer V Leopard. Le prototype fut approuvé dans les derniers jours de février 1942. Les premiers modèles de production, qui pesaient 36 tonnes, étaient armés d’un canon de 75 mm/L24 (Pz-V Ausf. A) pour le soutien d’infanterie. Mais il était prévu que ce char puisse embarquer un canon plus efficace contre les blindés ennemis. Initialement, ce devait être le 50 mm/L60, mais celui-ci fut bientôt remplacé par un canon de 75 mm. En effet, entretemps, les Alliés avaient débarqué en Grèce, alignant de nouveaux chars (SAV41 et Crusader) et les Japonais avaient transmis des informations alarmistes sur les performances du SAV-41 en Indochine. Deux autres modèles (Pz-V Ausf. B et C), un peu mieux blindés, donc plus lourds (38 tonnes), et armés d’un 75 mm/L24 (Ausf. B) ou L46 1 (Ausf. C), furent donc produits. La décision de produire le Pz-V Ausf. C était aussi le résultat de l’obsession de Hitler pour des blindages toujours plus épais et des canons toujours plus gros (une des très rares circonstances où les “visions” du dictateur furent confirmées par l’expérience du combat), ainsi que des informations qui avaient pu filtrer sur les nouveaux chars alliés et soviétiques. Globalement, le développement de la production du Panzer V fut assez lent. En mai 1942, lors du lancement de Barbarossa, il existait tout juste de quoi équiper les compagnies lourdes de trois bataillons “de percée”, soit 102 chars en tout. Les Pz-V Ausf. B et C ne représentaient alors que 40 % des Pz-V fabriqués, mais à partir d’août 1942, le Pz-V Ausf. C reçut la priorité. Le 75 mm/L46 s’avérant insuffisant, il fut dans l’urgence décidé d’équiper le Pz-V du canon de 75 mm/L48 (Pz-V Ausf. D). Les premiers Ausf. D, pesant 39 tonnes, furent livrés en urgence pour l’offensive de septembre en Ukraine. Avec un blindage frontal de 100 mm, le Leopard devint le Pz-V Ausf. E, pesant 41 tonnes. Sa production commença en novembre 1942. Pendant ce temps, Henschel développait une nouvelle tourelle destinée au nouveau 75 mm/L70, dont les essais étaient terminés. Le résultat, baptisé Pz-V Ausf. F et pesant 43 tonnes, devait être un adversaire honorable pour le T-34. Avec un blindage frontal de 120 mm, ce fut le Pz-V Ausf. G, dont le poids atteignait 46 tonnes. Malgré ce surcroît de blindage, les flancs verticaux du Durchbruchswagen étaient décidément inférieurs aux flancs obliques du T-34 (et du Panther). De plus, la transmission, soumise à des efforts excessifs par le poids supplémentaire qui lui était imposé, manquait de fiabilité. Décidément, le Pz-V ne devait être qu’un bouche-trou, mais il était le seul char à la fois disponible et mieux blindé que le Pz-IV. C’est pourquoi il eut droit à une dernière variante, cette fois avec un moteur Maybach amélioré, le Pz-V Ausf. H. En tout, 2 587 Leopard furent construits de début 1942 à fin 1943 (dont 567 de juillet à décembre 1942 et 1 721 en 1943). III – Un char construit autour d’un canon : le Panzer VI Tiger L’efficacité antichar redoutable dont avait fait montre le canon de Flak de 88 mm dans les différentes campagnes depuis 1940 n’était pas passée inaperçue. Mais le Flak 88 étant à la fois encombrant et vulnérable, il fallait le doter d’une cuirasse et d'une motorisation. Le programme d’origine, dénommé VK.45.01 et lancé mi-1941, n’entrait pas en opposition avec celui du VK.20 puis du VK.36.01, dont il était complémentaire. A côté du nouveau “char de percée”, on recherchait une puissante arme antichar capable d’opérer de façon autonome en contre-attaque. Bien entendu, Hitler fut un fervent supporteur du projet, en raison de son tropisme pour les gros canons et les blindages épais. Henschel et Porsche présentèrent chacun un prototype en mai 1942. Le prototype Henschel fut choisi, compte tenu du manque de fiabilité du modèle Porsche. Ce serait le célèbre 1 Le 75 mm/L46 était la version originale du L43 qui équipait le Pz-IV G1 (le L46 était trop long pour la tourelle de celui-ci). PanzerKampfWagen VI, ou Panzer VI Tiger, à canon de 88 mm/L56. Bien que Henschel assurât aussi la production du Panzer V Léopard, son plan de charge parut encore pouvoir supporter la production des deux modèles. Après le lancement de Barbarossa et les premières confrontations entre Panzers et chars lourds rouges, le programme reçut évidemment un haut niveau de priorité – mais tout comme le réarmement des Panzers III/IV/V avec un canon long, ou le développement de nouveaux chars moyens et lourds. La multiplication des programmes sans priorisation claire était un problème congénital du complexe militaro-industriel nazi ! Une dizaine de modèles de présérie furent produits en août et septembre 1942. Une poignée d’entre eux, accompagnés par une équipe d'ingénieurs de Henschel, furent engagés dans l’opération Typhon pour des tests en conditions réelles. Le retour d’expérience après cet engagement devait permettre de corriger un certain nombre de défauts sur les lignes de production. En octobre 1942, une dizaine de blindés furent produits, puis une vingtaine en novembre. Le rythme de production resta cependant très lent, en raison de la concurrence entre programmes, du plan de charge qui écrasait Henschel sous le poids du Leopard et du Tiger malgré un recours intensif à la sous-traitance et du goulot d’étranglement que représentait la production du canon de 88 mm/L56. - La production permit de constituer en novembre 1942 le 501. schwere Panzer Abteilung (s.Pz.Abt). Seuls la moitié des chars de cette unité étaient des Tiger, les autres des Panzer IV ou V. Le 501. s.Pz.Abt fut engagé au combat en décembre dans l’opération Wintergewitter. - Le 502. s.Pz.Abt fut formé en décembre 1942 et le 503. en janvier, puis les 504. et 505. En février et mars 1943 (tous associant 50 % de Panzer VI et autant de Panzer IV ou V). - D’avril à juin 1943, l’augmentation de la production (une trentaine d’engins par mois) permit de constituer les 101. et 102. Bataillons de chars lourds SS (SS s.Pz.Abt) en les dotant entièrement de Tiger. Le 101. devait être intégré à la Leibstandarte Adolf Hitler et le 102. à la Das Reich. - Au second semestre 1943, la production s’accrut, atteignant 40 exemplaires par mois à partir du mois d’août et 50 à partir d’octobre. Mais le nombre d’unités à équiper et la nécessité de combler les pertes devaient limiter les créations à trois bataillons, les 506. et 507. s.Pz.Abt et le 103. SS s.Pz.Abt (ce dernier intégré au II. SS Panzerkorps). - La production du Panzer VI s’arrêta fin mars 1944. Le Tiger avait été produit de l’été 1942 à mars 1944, soit pendant environ 20 mois, pour un total d’environ 700 exemplaires. IV – Le meilleur, mais… : le Panzer VII Panther MAN et Daimler-Benz participèrent au concours pour le futur char moyen, dit Panzer VII, qui devait avoir un blindage incliné épais de 65 à 80 mm et à l’épreuve du canon soviétique de 76 mm à longue portée. Il devait être armé d’un canon de 75 mm/L70 et posséder un large train de roues, une suspension à barre de torsion et une vitesse maximum de 55 km/h. La Waffenprüfamt-6 (section de développement des véhicules blindés de la Heereswaffenamt) demanda que le projet lui soit soumis avant le 20 décembre 1942. Le premier exemplaire de série du nouveau char moyen devait sortir le 1er août 1943. Daimler-Benz produisit un prototype très intéressant, fort proche du T-34. Néanmoins, la Waffenprüfamt-6 lui préféra nettement le projet MAN, plus gros et qui semblait plus proche des habitudes industrielles allemandes. Ce char, armé comme prévu d’un 75 mm/L70, pesait 44 tonnes. Le prototype roula en mai 1943. Le Pz-VII A Panther I entra en service en septembre 1943 sur le front russe ; 355 exemplaires furent construits. Cependant, Hitler demanda en mai 1943 de l’armer du fameux 88 mm/L71, puisque le Pz-V “suffisait” pour le 75 mm/L70. Les ingénieurs allemands démontrèrent leur savoir-faire en réussissant à mettre au point une tourelle capable de loger le 88mm/L71 en moins de trois mois. Le nouveau prototype fut testé en août 1943 avec un blindage amélioré (120 mm à 10° sur l’avant de la tourelle, 80 mm à 28° sur les flancs de la tourelle, 100 mm à 50° sur l’avant de la coque et 65 mm à 40° sur la partie supérieure des flancs de la coque). Les premiers modèles de série du Pz-VII B Panther II sortirent fin novembre 1943. Le poids du nouveau char atteignait à présent 53 tonnes et le véhicule devait souffrir de bon nombre de problèmes de mise au point, qu’il s’agisse de sa suspension à barre de torsion, de son moteur ou de sa transmission. Les 200 premiers Panther I et les 100 premiers Panther II durent être rappelés pour reconstruction. Les moteurs Maybach existants n’étaient pas assez puissants et le projet de moteur Porsche à compression-ignition spécialement imaginé pour ce char ne devait jamais se concrétiser. Maybach réussit à mettre au point très rapidement un moteur à essence de 23 litres de cylindrée (HL-230 P-30) développant 690 CV à 3 000 tours/minute, mais la production de ce dernier fut lancée si vite que sa mise au point ne fut jamais parfaite. Le Pz-VII fut toujours un fardeau pour les équipes d’entretien. De plus, le blindage des 200 derniers exemplaires produits, fabriqué avec un métal de mauvaise qualité faute d’additifs pour les aciers spéciaux, avait tendance à voler en éclats lors d’un impact ! Le Panther II était cependant un adversaire formidable. Relativement manœuvrable malgré son poids, doté d’un très bon blindage, c’était un engin typique de la logique “qualité contre quantité” qui était alors la devise des ingénieurs allemands. Cette logique était au départ une erreur stratégique, mais a posteriori, c’était sans doute le meilleur choix, dans le contexte de pénurie de carburant qui allait sévir en Allemagne. Très supérieur au T-34/85 et au Sherman comme au SA-43, le Pz-VII Panther II avait même l’avantage sur les IS 100/IS 2-122 mm. Mais il restait vulnérable et surtout, il fut construit en quantité si réduite par rapport aux chars alliés qu’il ne pouvait être partout à la fois, malgré l’impression que donnent certains récits et surtout certains films de guerre – les cas de “Panther panic” déclenchés par des Pz-IV ou Pz-V ont peut-être été plus nombreux que les Panther eux-mêmes. Bien sûr, les forces américaines, françaises et britanniques (et même soviétiques) eurent de bien mauvaises surprises en rencontrant des Panther pour la première fois. Cependant, le montage de canons de 90 mm sur les chasseurs de chars américains (M36) et français (canons en casemate sur châssis de SAV-42 Bélier) apporta des réponses adaptées. Enfin, la totale supériorité aérienne des Alliés en 1944 réduisit aussi nettement l’impact de l’introduction de ce char. Les usines MAN purent fabriquer environ 2 000 Panther II avant l’effondrement de l’industrie allemande. ……… Le Panther eut un effet considérable sur les blindés produits après la guerre par les adversaires de l’Allemagne (M26/46 aux Etats-Unis, AMX-50 français, équipement du Centurion britannique avec un 20-livres dès le début, enfin abandon du T-44/85 par les Soviétiques au profit du T-44/100 mm et surtout du T-54 dès 1947). V – Le Panzer VIII Löwe : le plus gros, mais… Henschel et Porsche avaient présenté un prototype de char lourd en mars 1943. Le Porsche était très complexe, avec une transmission essence/électrique, et le projet Henschel fut préféré. Dénommé Panzer VIII, ce char réutilisait en partie la base mécanique du Tiger, mais dans un “enrobage” totalement neuf. Pesant près de 70 tonnes, il avait certainement le meilleur blindage de tous les chars de la guerre (185 mm à 10° sur l’avant de la tourelle et 150 mm à 50° sur l’avant de la coque), qui s’ajoutait au meilleur canon, évidemment un 88 mm/L71. En revanche, il était lourd et encombrant, et aussi complexe à entretenir qu’à construire. En avril 1944, le Tiger fut donc remplacé sur les chaînes de production Henschel par son successeur, le Panzer VIII Löwe (Lion). L’appellation Kœnigstiger, parfois rencontrée, avait été utilisée pour préserver le secret du développement du nouveau char. D’une utilité contestable, les Löwe produits d’avril à novembre – 284 exemplaires en tout – jouissent aujourd’hui d’une célébrité très supérieure à ce que fut leur rôle réel. Un seul bataillon, le 508. s.Pz.Abt, put être formé en premier pour l’emploi de cet énorme engin, la plupart des exemplaires produits rejoignant d’autres bataillons de chars lourds, dont ils devaient remplacer les Panzer IV et V. VI – Du neuf avec du vieux : les canons d’assaut de type casemate * Le Sturmgeschutz ou StuG III, construit sur un châssis de Pz-III, était un puissant engin de soutien de l’infanterie. En 1940, 184 unités avaient été produites, et 436 en 1941. En 1942, ces StuG virent leur armement renforcé avec un canon de 75 mm/L43 (L48 à partir de 1943). Toujours baptisé canons d’assaut (Sturmgeschutz), il s’agissait en réalité de chasseurs de chars (Panzerjäger). En 1942, 701 StuG III furent construits, et 3 283 en 1943. En dépit d’énormes problèmes industriels, l’Allemagne réussit encore à en fabriquer 3 669 en 1944 avant l’écroulement. Une variante armée d’un obusier de 105 mm (StuH 42) continua de jouer le rôle de soutien d’infanterie, tout en pouvant tirer de puissants obus HEAT antichars. Elle fut construite de début 1943 à mi-1944 à 1 065 exemplaires. * Le châssis du Pz-IV donna naissance au Jagdpanzer IV, dont 636 furent construits en 1943 avec le 75 mm/L48 et 1 021 en 1944 avec le 75 mm/L70. Certains de ces engins furent utilisés par des unités de chars en remplacement de blindés à tourelle. * Le StuG IV apparut suite à un concours de circonstances. Alors que le JagdPanzer IV était déjà en production, l’usine d’Alkett fabriquant le StuG III subit un violent bombardement aérien qui diminua très fortement les volumes produits. Il fut alors décidé de monter la superstructure du StuG III (armée du 75 mm/L48) sur un châssis de Pz-IV. Environ 934 exemplaires furent produits en 1943, dont quelques-uns à partir de chars trop endommagés pour être réparés sur le terrain. * Le châssis du Pz-38(t) se montra lui aussi adaptable au concept de casemate. Le PanzerStaß ordonna en octobre 1942 la conversion des Pz-38(t) produits par BMM en chasseurs de chars spécialisés bien protégés, armés du PAK 40 de 75 mm. Le châssis dut être élargi et équipé d’un moteur plus puissant. Le véhicule résultant de cette transformation, baptisé PanzerJäger 38(t) “Hetzer”, apparut en décembre 1943 et 1 087 furent construits. * Sur le châssis du Pz-V, on construisit à partir de février 1943 le JagdPanzer V, plus souvent dénommé JagdLeopard, un chasseur de char à canon en casemate armé du canon de 88 mm/L56 Flak 36 ou 37. Pesant 43,2 tonnes, ce fut un véhicule très efficace, mais 387 seulement furent construits. * Le “Ferdinand”, plus tard officiellement dénommé Elefant, fut un gros engin construit sur la base de 80 châssis construits par Porsche pour le projet Tiger et finalement non utilisés. Doté d’un canon de 88 mm/L71, ces châssis devinrent des chasseurs de chars lourds. Les 80 Elefant permirent de constituer deux bataillons, les 653. et 654. s.PzJ.Abt. * Le Pz-VII eut lui aussi son dérivé : le JagdPanther, armé d’un canon de… 128 mm en casemate arrière et pesant 57 tonnes. On en construisit 61 dans les trois derniers mois de la guerre. Sur le terrain, ce monstre se révéla à peu près inutile. VII – Les malheurs du 88 et les chasseurs de chars découverts Pour remédier provisoirement à la situation très préoccupante rencontrée sur le front russe à la mi-1942, il fut décidé d’utiliser les châssis très fiables des Pz-II et des Pz-38(t) retirés du service pour développer des chasseurs de chars. Lors de la réunion du 7 juillet, Hitler proposa de monter un canon Flak-36 ou 37 de 88 mm sur ces châssis ouverts, ce qui permettrait d’obtenir rapidement des véhicules antichars très puissants (de fait, le Führer avait noté dès 1938 le potentiel antichar du 88 mm antiaérien). Las ! Les officiers de la Heereswaffenamt passèrent alors un moment difficile. Ils durent en effet expliquer à Hitler que son armée manquait de canons de 88 parce qu’au milieu des années 30, “on” leur avait laissé prévoir une guerre violente mais de courte durée. Tous les canons de 88 mm avaient reçu le tube R.A.9, qui comprenait une chemise, un manchon et un tube interne, tous trois découpés en trois éléments, la section centrale comportant la première partie des rayures et le cône de forçage. Il était de la sorte possible, au bout de 900 coups (la durée de vie prévue du tube), de démonter le canon pour ne changer que la section centrale. Le tube R.A.9 permettait donc de ne mettre en réserve que des sections centrales, et non des tubes complets, ce qui était très économique en temps de paix. Cependant, les tolérances industrielles dans la fabrication du tube étaient très réduites, en particulier pour la section centrale, et le nombre d’heures de travail nécessaires pour produire un tube complet dépassait de beaucoup le nombre d’heures nécessaires à la production d’un tube classique du même calibre. Cela n’aurait pas posé de problème si la guerre avait été courte. Mais à présent, la Wehrmacht, qui possédait une solide réserve de sections centrales de 88 mm, manquait de canons, et l’astuce technologique de leur fabrication représentait un sérieux goulot d’étranglement interdisant d’accélérer leur production, qu’il s’agisse des vieux Flak-36 ou 37 ou du nouveau Rheinmetall Flak-41. Les chaînes d’assemblage ne pouvaient être rapidement réorganisées, car presque toutes les machines-outils avaient été conçues pour produire des tubes de canon en trois sections et étaient trop petites pour produire des tubes d’une seule pièce. Il n’y avait guère de solution disponible. La production du 90 mm Mod.26/39 français pouvait être relancée – quelques canons capturés avaient déjà été mis en service sous l’appellation “9 cm Flak M.39(f)”. Ce canon pouvait être modifié pour accepter les munitions allemandes de 88 mm/L56. Cependant, l’usine Schneider, à peine réparée, ne pourrait sans doute pas produire plus de 20 canons par mois (en réalité, le chiffre obtenu fut bien inférieur, en raison de constants sabotages). Le canon italien Ansaldo 90/53 était excellent, mais déjà très demandé par les Italiens pour leur DCA. On aurait pu proposer à Skoda de se joindre au programme et de fabriquer un tube de 88 mm d’une seule pièce, mais au détriment de sa production d’obusiers et de canons de campagne. D’ailleurs, pour mettre au point un tel canon, il aurait fallu des délais significatifs. Il existait quelques canons navals de 88 mm, mais la Kriegsmarine ne voulait pas s’en défaire. Krupp fit alors une proposition qui parut prometteuse : développer un canon antichar/canon de char spécialement adapté à partir du Flak-41 de Rheinmetall. Krupp avait encore sur l’estomac le mépris du RLM, en 1939, qui n’avait envoyé les caractéristiques souhaitées pour le nouveau 88 mm AA qu’à Rheinmetall. Mais si Krupp fut alors accueilli comme un sauveur, ses canons ne pouvaient être disponibles avant la fin de 1943. Et, bien entendu, le besoin de canons de 88 dans leur rôle d’origine, la DCA, croissait chaque jour avec la multiplication des incursions des bombardiers alliés dans le ciel de l’Allemagne. Il était impossible de négliger la Défense du Reich ! La plupart des chasseurs de chars découverts furent donc des conversions, utilisant les canons disponibles au moment de leur construction. En voici une liste non exhaustive. – Sur châssis semi-chenillé : PanzerJäger Selbstfahrlafette Zugkraftwagen 5t “Diana” : tracteur semi-chenillé BussingNag avec un canon de 50 mm/L60. 42 construits en urgence en août et septembre 1942. Mittlerer Schuetzenpanzerwagen Sd Kfz 251/22 : half-track “moyen” armé d’un canon de 50 mm/L60. 121 construits comme bouche-trous d’octobre 1942 à janvier 1943. Mittlerer Schuetzenpanzerwagen Sd Kfz 251/23 : successeur du précédent, armé d’un canon de 75 mm/L48. Cette tentative de monter un canon relativement puissant sur un châssis semi-chenillé n’a guère eu de succès en raison du poids excessif de l’arme. 139 construits d’octobre 1943 à mars 1944. Leichter Schuetzenpanzerwagen Sd Kfz 250/13 : half-track “léger” armé d’un canon de 50 mm/L60. 212 construits en 1943. – Sur châssis de Pz-I : PanzerJäger I : conversion utilisant le canon antichar tchèque de 47 mm (202 environ construits en 1941). – Sur châssis de Pz-II : “Marder I” PanzerJäger II : conversion utilisant le canon de 50 mm/L60 (217 Marder I ausf. A construits de décembre 1941 à juillet 1942), puis le canon de 75 mm/L48 (312 Marder I ausf. B construits de juillet 1942 à mars 1943). – Sur châssis Lorraine 37L capturé : “Marder II” PanzerJäger 37L(f) : conversion utilisant le canon soviétique de 76 mm capturé (170 construits de juillet à décembre 1942). – Sur châssis de Pz-38(t) : “Marder III” PanzerJäger 38(t)-A : conversion utilisant le canon de 50 mm/L60. 344 construits de mi1942 à mars 1943. PanzerJäger 38(t)-B : dérivé du précédent, mais équipé du canon de 75 mm/L48. 418 construits de mars à juin 1943. PanzerJäger 38(t)-M ou SdKfz t-38 : avec un châssis modifié pour déplacer le moteur de l’arrière au milieu et disposer un 75 mm/L48 à l’arrière. 799 construits de juillet à décembre 1943. La production du 75 mm L/48, partagée entre les nouveaux Pz-IV, les Pz-V B et les Marder, constitua pour ces engins un véritable goulot d’étranglement, que l’utilisation de quelques dizaines de canons de 76 mm soviétiques capturés, pour la plupart au début de Barbarossa, ne put suffire à débloquer. – Sur châssis de Pz-III/Pz-IV : Panzerjäger III/IV “Hornisse” puis “Nashorn” : avec un châssis dérivé de celui du Pz-IV et un canon de 88 mm/L71. Etant donné la forte demande pour ce canon et le fait que l’obusier automoteur Hummel utilisait le même type de caisse, moins de 250 Nashorn furent produits, tous durant l’année 1943. Ils équipèrent (dans l’ordre chronologique) les 560., 655., 525. et 93. s.PzJ.Abt. ……………………… L’industrie allemande poursuivit simultanément la production de véritables canons automoteurs. Il s’agissait principalement d’obusiers de 105 mm et de 150 mm sur des châssis de Pz-II et de Pz-38(t), ou de canons-obusiers de 150 mm sur des châssis Pz-III/IV (type Nashorn). La production totale de ces véhicules ne devait cependant pas dépasser 400 unités car, à partir de la fin de 1942, les chasseurs de chars devinrent prioritaires.
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