La résiliation en matière d`assurance groupe emprunteur
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La résiliation en matière d`assurance groupe emprunteur
La résiliation en matière d’assurance groupe emprunteur Cour d’Appel de BORDEAUX, 1ère Chambre 1re ch. civ. sect. A, 23 mars 2015, n°13/07023 Observations A. Curtet 1 Responsable de la Direction Juridique Groupe MMA Assurance groupe- Assurance groupe emprunteur Les faits de l’espèce à l’origine de cette jurisprudence sont d’une banalité qu’il convient juste de les rappeler pour mémoire : - Le 2 novembre 2010, un particulier souscrit deux crédits immobiliers auprès du CIC SudOuest, lesquels sont couverts par l’assurance de groupe des ACM proposée par l’établissement bancaire. - Par lettre recommandée en date du 24 octobre 2012, ce particulier résilie son contrat d’assurance de prêt en vigueur pour lui substituer un contrat assurance prêt moins coûteux mais présentant des garanties équivalentes proposé par MMA. - Si elle refuse la résiliation 2 , la banque accepte néanmoins de renégocier la prime d’assurance dont le montant proposé n’a pas convaincu l’assuré. La question de principe soulevée par ce contentieux était la suivante : les contrats d’assurance de prêt immobilier souscrits auprès des bancassureurs peuvent-ils faire l’objet d’une résiliation annuelle conformément au code des assurances, ou bien ces contrats d’assurance emprunteurs dérogent-ils à la faculté de résiliation annuelle posée par le code des assurances ? Pour refuser de résilier le contrat d’assurance emprunteur, le bancassureur faisait valoir en se fondant sur l’article L.312-9 du code de la consommation, que la faculté de présenter un autre contrat d’assurance que celui proposé par la banque n’est ouverte à l’emprunteur qu’au moment de la formation du contrat et non en cours d’exécution. Le bancassureur précisait par ailleurs que les conditions générales du contrat de prêt stipulaient que les garanties cessent en cas de résiliation de l’adhésion par l’emprunteur, écartant de ce fait le droit pour l’emprunteur de résilier son assurance en cours de prêt. Au soutien de la possibilité de résilier son contrat annuellement, nous avons notamment fait valoir pour le compte de l’emprunteur que la faculté de résiliation annuelle prévue par l’article L. 113-12 alinéa 2 du code des assurances est d’ordre public, sans qu’il puisse y être contractuellement dérogé. En première instance, le tribunal d’instance de Bordeaux, à l’instar de plusieurs autres juridictions du premier degré, avait débouté l’emprunteur de l’ensemble de ses demandes. Le tribunal avait estimé que la faculté de résiliation annuelle de l’article L. 113-12 alinéa 2 du code des assurances n’était pas applicable en matière d’assurance emprunteur. Le tribunal 1 Les vues et réflexions personnelles exprimées dans cet article n´engagent que son auteur et ne peuvent en aucun cas être considérées comme représentant la position officielle de la Société et du Groupe auquel il appartient 2 - Se fondant sur les dispositions de l’article L. 312-9 du Code de la Consommation, il était expliqué à l’assuré que la faculté de présenter un autre contrat d’assurance que celui proposé par la banque n’est ouverte à l’emprunteur qu’au moment de la formation du contrat et non en cours d’exécution avait jugé que l’assurance emprunteur était régie par les dispositions spécifiques du code de la consommation qui ne prévoyaient par une telle faculté de résiliation annuelle. La Cour d’appel de Bordeaux infirme par un arrêt du 23 mars 2015 le raisonnement précédent et consacre ainsi le droit pour un emprunteur de résilier son contrat d’assurance emprunteur à chaque échéance annuelle en application des dispositions d’ordre public de l’article L. 113-12 alinéa 2 du code des assurances. La Cour d’appel juge en l’espèce que « le CIC a commis une faute en refusant la résiliation sollicitée alors que le contrat MMA proposé présentait des garanties équivalentes ». C'est pourquoi, elle condamne le CIC à indemniser l’emprunteur d’un montant équivalent à l’économie qu’aurait pu réaliser l’emprunteur en souscrivant son contrat auprès de MMA (soit 2.500 euros). Au soutien de son raisonnement, la Cour d’appel décide que : « à défaut de dispositions spécifiques [contenues dans le Code de la consommation], il ne peut être retenu que ce texte exclut toute faculté de résiliation en cours du contrat d’assurance, et l’exercice de cette faculté est donc soumise aux règles générales régissant le contrat d’assurance et notamment aux articles L. 112-2 et L. 113-12 du code des assurances. » La Cour précise que : « [L’article L. 113-12 C. Ass.] d’ordre public ne peut être modifié par convention conformément aux dispositions de l’article L. 111-2 du code des assurances et les [bancassureurs] ne peuvent donc valablement invoquer les conditions générales du contrat de prêt, soumettant la résiliation de l’adhésion par l’emprunteur à l’accord du créancier, pour légitimer le refus de résiliation. » Par delà le cas d’espèce, les enjeux sur le secteur de l’assurance emprunteur sont tels qu’un pourvoi en cassation a déjà été annoncé par le porte-parole des Assurances du Crédit Mutuel (ACM)3. Après la loi dite « Lagarde » puis la loi dite « Hamon » 4 , le paysage de l’assurance emprunteur aurait dû se stabiliser : - d’abord avec l’avis définitif5 du Comité Consultatif du Secteur Financier déterminant une liste de 18 garanties parmi lesquelles les banques devront en choisir au maximum 116, - ensuite avec le droit à l’oubli instauré par un protocole d'accord en date du 24 mars 2015 signé par les pouvoirs publics et les banques adhérant à la convention Aeras7 pour les personnes candidates à l'assurance de prêt ayant présenté une pathologie cancéreuse. 3 http://www.argusdelassurance.com/institutions/resiliation-annuelle-de-l-assurance-emprunteur-les-acm-se-pourvoient-en-cassation.92104 http://www.cbanque.com/actu/51561/assurance-emprunteur-resiliable-le-credit-mutuel-se-pourvoit-en-cassation 4 - Les emprunteurs étant désormais libres pendant les 12 mois qui suivent la signature de leur emprunt immobilier d’une part et de leur contrat d’assurance emprunteur d’autre part, à condition que la couverture proposée par le nouvel assureur soit équivalente, de chercher ailleurs un contrat d’assurance plus avantageux et de résilier sans aucun frais ni pénalité 5 - https://www.banque-france.fr/ccsf/fr/publications/telechar/avis_r/CCSF_Avis_def_ENG-assurance-emprunteur.pdf 6 - Depuis le 1er mai 2015, les banques ont d’ailleurs l'obligation de fournir à leurs clients une notice spécifiant ces 11 critères justifiant pour faciliter la comparaison 7 - s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé Mais outre cette décision de la Cour d’Appel de BORDEAUX, la CJUE8 a été saisie pour éclairer sur la méthode d‘interprétation d’une clause abusive là encore dans un contrat d’assurance emprunteur. En l’espèce, le médecin de la compagnie d’assurances avait conclu que l’état de santé du souscripteur, bien que ne permettant pas la reprise de son activité, rendait possible l’exercice d’une activité professionnelle adaptée à temps partiel. La compagnie a donc refusé de continuer à prendre en charge les échéances du prêt au titre de l’incapacité. Dans une période où la protection de la clientèle est rappelée et brandit, la CJUE estime que les clauses qui portent sur l’objet principal d’un contrat d’assurance peuvent être considérées comme rédigées de manière claire et compréhensible si elles sont non seulement intelligibles grammaticalement pour le consommateur, mais exposent aussi de façon transparente le fonctionnement concret du mécanisme d’assurance compte tenu de l’ensemble contractuel dans lequel elles s’insèrent, de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui, ce qui incombe, également, à la juridiction de renvoi de vérifier »9. Bref, l’assurance emprunteur va encore être un sujet d’actualité tant pour l’arrêt de la Cour de Cassation attendu suite à l’arrêt de la Cour d’Appel de BORDEAUX que pour la juridiction qui va devoir prendre en compte 8 - CJUE, 23/3/2015, Jean-Claude Van HOVE / CNP Assurances, Aff. C-96/12 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=163876&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=267035#Footnot e* 9 §43 et §50 notamment