Filmographie de la deuxième guerre du Viêt Nam
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Filmographie de la deuxième guerre du Viêt Nam
DOSSIER LA GUERRE DU VIÊT NAM par CharLes-Michel Cintrat Filmographie de la deuxième guerre du Viêt Nam D URANT LE CONFLIT, c’est-à-dire de 1963 à 1975, la production hollywoodienne de films de fiction sur la guerre du Viêt Nam fut extrêmement réduite. On ne peut guère citer plus de trois films : – Commando au Vietnam (A Yank in Viet Nam), 1964 de Marshall Thomson avec Marshall Thomson et Enrique Malagona Film classique. Le premier sans doute sur la guerre du Vietnam. Un commando part au secours d’un médecin enlevé par les Viêt-Congs. – Les Bérets verts (The Green Berets), 1968 de Ray Kellog et John Wayne avec John Wayne, David Janssen, Jim Hutton, Aldo Ray, Patrick Wayne Tiré d’un recueil de nouvelles de Robin Moore, ce film fait l’apologie de troupes d’élite, et même, quoique discrètement, de la torture. Très contesté aux États-Unis, il fut mal accueilli par une grande partie de la critique dans le reste du monde. – The Big Shave , 1968 de Martin Scorsese avec Peter Bernuth Premier court-métrage de Martin Scorsese Durant la même période, quelques films ayant pour thème le retour des combattants à la vie civile : – Les Visiteurs (The Visitors), 1972 d’Elia Kazan avec Patrick McVey, James Woods, Patricia Joyce Un vétéran du Vietnam reçoit la visite de deux anciens camarades qu’il avait fait condamner pour le viol d’une jeune Vietnamienne. Ils se vengent férocement. Comment la guerre détraque les hommes, en particulier les jeunes. – Le Mort vivant (Dead of Night), 1972 de Bob Clark En fait un film « d’horreur ». Le comportement anormal d’un soldat revenu de la guerre. On ne précise pas de quelle guerre il s’agit, mais c’est bien celle du Viêt Nam: N° 48 65 HISTOIRE & LIBERTÉ Durant le conflit, des films documentaires sont produits aux États-Unis mais pas à Hollywood. Ils ont eu une grande influence sur la population, notamment sur la jeunesse étudiante, et l’orientèrent vers l’opposition à la guerre. – Vietnam année du cochon (In the Year of the Pig), 1968 d’Emile de Antonio Le film le plus important, qui circula beaucoup dans les universités. – Winter Soldier, 1972 Film non signé, rassemblant des témoignages d’anciens combattants du Viêt Nam – Les Cœurs et les Esprits, 1974 de Peter Davis – Milestone, 1975 de John Douglas et Robert Kramer Durant le conflit, d’autres films documentaires furent réalisés hors des États-Unis – La Section Anderson, 1967 réalisé par Pierre Schoendoerffer C’est un remarquable document sur la seconde guerre du Viêt Nam et les combattants américains. Schoendoerffer avait, en 1964, réalisé La 317e section (1965), chef-d’œuvre du film de guerre avec une très belle musique de Pierre Jansen. Film de fiction, certes, mais témoignage inégalé sur la première guerre d’Indochine à laquelle il avait participé comme cameraman du service cinématographique des armées. Parachuté à Dien Bien Phu, il avait filmé la bataille. Fait prisonnier, ses pellicules lui furent confisquées et ont disparu. Son film Dien Bien Phu (1991) est un irrécusable témoignage. – Loin du Viet Nam, 1967 de Joris Ivens et Claude Lelouch, Alain Resnais, Agnès Varda, Chris Marker, William Klein et Jean-Luc Godard C’est un documentaire d’un tout autre ordre, et le seul nom de Joris Ivens suffit à suggérer l’orientation contestataire et anti-impérialiste du film. – La Sixième face du Pentagone, 1968 de Chris Marker et François Reichenbach Il montre la contestation étudiante pacifiste qui utilise à la fois l’image des fleurs et celle de Che Guevara. Comme le montre un film de Patrick Barbéris, Vietnam, la trahison des médias, présenté par la chaîne Arte en 2008, la guerre du Viêt Nam fut sur-mediatisée. C’est sans doute la première guerre que les Américains purent suivre chez eux, une guerre « de salle à manger », quasiment en direct. Ce qui, avec les films contestataires que nous avons cités, contribua à influencer l’opinion publique. Après la fin du conflit, en 1975, le retour des combattants suscita une production abondante de films de fiction sur la guerre et ses conséquences humaines. Avec plus ou moins de succès car, dans un premier temps, la société américaine répugnait à voir sur les écrans l’image de la défaite. 66 JUIN 2012 dossier FILMOGRAPHIE DE LA DEUXIÈME GUERRE DU VIÊT NAM – Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter), 1978 de Michael Cimino avec Robert de Niro, Meryl Streep, Christopher Walken Ce film fut le premier grand événement cinématographique populaire sur la guerre du Viêt Nam. Des Américains modestes, d’origine balte, sont confrontés à la guerre au Vietnam puis à la vie civile. Malgré leurs souffrances et les traumatismes qu’ils ont subis, il n’est pas certain que ce soit par dérision qu’ils chantent God Bless America après les obsèques de l’un d’eux, Mich. On n’oubliera pas les terribles séquences de roulette russe à laquelle s’adonnait ce dernier. – Le Merdier (Go Tell the Spartans), 1978 de Ted Post avec Burt Lancaster, Marc Singer L’histoire d’un repli. Film très dur. Classique. Sans concession ni pour les Américains ni pour les ViêtCongs. – Le Retour (Coming Home), 1978 de Hal Ashby avec Jane Fonda, John Voight Film engagé : les conséquences de la guerre, la cassure des corps et des couples. – Apocalypse Now, 1979 de Francis Ford Coppola avec Marlon Brando, Martin Sheen, Frederic Forrest, Robert Duvall, Dennis Hopper, Harrison Ford Deuxième grand événement cinématographique sur le thème. Transposition dans le cadre de la guerre du Viêt Nam du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. Film délirant, avec de nombreux morceaux de bravoure (attaque des hélicoptères au son de la chevauchée des Walkyries), mais aussi réflexion sur la violence. Il reçoit la Palme d’or au Festival de Cannes. Suivent quelques films de moindre intérêt, parfois très faibles en dépit d’un succès commercial. – Rambo (First Blood), 1982 de Ted Kotcheff avec Sylvester Stallone, Richard Crenna L’impossible réadaptation d’un vétéran. Ce film, et plus encore les suites auxquelles il a donné lieu (avec d’autres réalisateurs mais le même acteur), est très contestable, mais le mythe de Rambo a survécu. Encore plus contestables sur le plan de la qualité : – Portés disparus I (Missing in Action I), 1984 De Joseph Zito Avec Chuk Norris, Emmet Walsh Une opération de libération de prisonniers, organisée par le capitaine Bradock, lui-même récemment évadé. Il semble que la réalité fut tout autre : aucune opération de ce type ne réussit. N° 48 67 HISTOIRE & LIBERTÉ – Portés disparus II (Missing in Action II, The Beginning), 1985 de Lace Hool toujours avec Chuck Norris Un officier américain s’évade d’un camp vietnamien. Il se venge de l’officier sadique responsable de ce camp. Film d’aventure où l’on retrouve le capitaine Bradock. Vient ensuite une série de films très violents, très réalistes dans leur description de la guerre. Tout en montrant les souffrances endurées par les boys, ils sont souvent fort critiques sur l’intervention américaine et ses modalités. Mais la plupart ne mettent pas fondamentalement en cause la justesse de ses buts ni les valeurs américaines : liberté, démocratie. – Platoon, 1986 de Oliver Stone avec Tom Berenger, Willem Dafoe Œuvre en partie autobiographique, dit-on, qui se veut un témoignage brut. Une opération dégénère en massacre. Au sergent Burnes, devenu un véritable tueur, s’oppose le sergent Ellias. Burnes tuera Ellias, dont il craint le témoignage, mais sera à son tour abattu par Chris, le narrateur. Les combats de nuit prennent une dimension apocalyptique et la violence est traitée avec un peu trop de complaisance. Le film insiste sur les origines sociales et raciales des combattants : des pauvres, pour qui l’armée est la seule solution possible. – Full Metal Jacket, 1987 de Stanley Kubrick avec Matthew Modine, Adam Baldwin L’entraînement des Marines avant le départ pour le Viêt Nam. Le jeune Pyle tue le sergent instructeur Hartmann, dont il était le souffre-douleur, et se suicide. Puis les jeunes soldats se retrouvent au Viêt Nam durant l’offensive du Têt. Excellent film, quoiqu’un peu hétérogène : les deux parties s’enchaînent mal. 68 JUIN 2012 dossier FILMOGRAPHIE DE LA DEUXIÈME GUERRE DU VIÊT NAM – Jardins de pierre (Gardens of Stone), 1987 de Francis Ford Coppola avec James Caan, Angelica Huston Lors d’une parade au cimetière d’Arlington où reposent les soldats morts au Viêt Nam, le sergent Hazard s’interroge sur l’utilité de leur sacrifice. Beau film, qui a pourtant divisé les spectateurs, certains l’accusant d’être militariste, d’autres antimilitariste. – Hamburger Hill, 1987 de John Irvin Entraînement des jeunes recrues avant l’attaque d’une colline, thème classique du film de guerre. Très violent, très dur, un peu confus. – Good Morning Vietnam, 1988 de Barry Levinson Avec Robin Williams, Forest Whitaker La guerre du Viêt Nam vue par un disc-jockey chargé de remonter le moral des soldats. – Né un 4 juillet (Born on the 4th of July), 1989 de Oliver Stone avec Tom Cruise, Bryan Larkin Réflexion critique sur l’intervention américaine, à travers le retour d’un soldat amputé des deux jambes. – Outrages (Casualties of War), 1989 de Brian de Palma avec Michael J. Fox, Sean Penn, Thuy Thu Lie Enlèvement, viol collectif et assassinat d’une jeune Vietnamienne. Un des soldats, révolté, dénonce ses camarades. Le réalisateur se complaît un peu trop à montrer la violence. N° 48 69 HISTOIRE & LIBERTÉ – Le vol de l’Intruder (Flight of the Intruder), 1991 de John Milius, d’après un ouvrage de Stephen Coonts avec Danny Glover, Willem Dafoe À la suite de missions vaines, un pilote de bombardier décide d’organiser lui-même une action plus efficace. – Entre ciel et terre (Heaven and Earth), 1993 de Oliver Stone avec Tommy Lee Jones, Joan Chen La guerre vue avec le regard d’une jeune Vietnamienne qui épouse un GI. Cinématographiquement terne. C’est le troisième volet du triptyque de Stone avec Platoon et Né un 4 juillet. – Forrest Gump, 1994 de Robert Zemeckis avec Tom Hanks, Robin Wright Penn Forrest Gump raconte sa vie. Il évoque son passage au Viêt Nam où il devient sans le vouloir un héros en sauvant ses camarades, grâce à ses performances de coureur ; sa participation imprévue à une manifestation pacifiste ; sa rencontre avec des Black Panthers, etc. Vus par ses yeux naïfs, ces événements défilent d’une façon souvent cocasse. Mais même si le film nous les montre de façon ironique, et de ce fait, discrètement critique, il ne vise pas autre chose que le délassement du spectateur. Film de fiction soviéto-vietnamien.: – Coordonnées de mort, 1985 de Samuel Gasparov avec Aleksandr Galibin Ce film célèbre la fraternité soviéto-vietnanienne, l’aide soviétique au Viêt Nam et dénonce les horreurs et l’iniquité de l’invervention américaine. 70 JUIN 2012 dossier FILMOGRAPHIE DE LA DEUXIÈME GUERRE DU VIÊT NAM – Génération sacrifiée (Dead Presidents), 1995 de Albert et Allen Hughes avec Larenz Tate Anthony Curtis, un jeune Noir de 18 ans, retarde son entrée au Collège et s’engage dans les Marines en 1968. Il revient du Viêt Nam au bout de quatre ans, très marqué par la guerre. – Tigerland, 2000 de Joel Schumacher avec Colin Farrel et Matthew Davis Scénario de Ross Klavan et Michael McGruther, d’après les souvenirs du premier : l’entraînement au combat dans des conditions proches de la réalité. Nous étions soldats (We were Soldiers), 2002 de Randall Wallace avec Mel Gibson, Madeleine Stowe Film dédié à la fois aux soldats américains morts au Viêt Nam et aux jeunes soldats ennemis morts au combat. Les Américains livrent bataille aux troupes du Viêt Nam du Nord dans la vallée de la Drang, en 1965. Ils sont vainqueurs, grâce à l’appui aérien. Mais dès qu’ils ont quitté le champ de bataille, l’ennemi revient… Tout en justifiant le combat des États-Unis au Viêt Nam, le film montre avec un grand réalisme les horreurs de la guerre et l’absurdité de certains ordres. Il a l’ambition de montrer aux Américains ce que furent le courage et les souffrances de leurs soldats et s’achève sur un hommage aux 58 000 Américains tués lors de cette guerre. Ajoutons un documentaire intéressant : – Dear America, Lettres du Viêt Nam, téléfilm documentaire, 1987 de Bill Couturié Lecture par des acteurs américains (Tom Berenger, Willem Dafoe, Robert de Niro, Matt Dillon) de lettres envoyées par de jeunes soldats. Et deux films de fiction produits au Canada : – Frères de guerre (Going Back), 2001 de Sydney J. Furie Une journaliste fait revenir des vétérans sur les lieux de leur combat. – Secours à l’aube (Rescue Dawn), 2007 par le cinéaste allemand Werner Herzog Un pilote américain est fait prisonnier. Une évasion difficile. Des films comme Les visiteurs, d’Elia Kazan, Platoon, d’Oliver Stone, Outrages, de Brian de Palma, évoquant viols ou massacres, ne vont pas sans rappeler le massacre de My Lai (16 mars 1968). Révélée en novembre 1969, cette grosse bavure, qui fit l’objet, en 2005, sur la chaîne France 5, d’une émission réalisée par Jean Crépu, contribua à retourner l’opinion américaine. On peut considérer tous ces films soit du point de vue de l’esthétique ou de leur conformité aux événements et à l’expérience de ceux qui les ont vécus, comme des témoignages. On peut encore les envisager sous l’angle de leur influence sur l’opinion publique, comme outils de propagande politique. Ces points de vue ne sont pas exclusifs et se recoupent. N° 48 71 HISTOIRE & LIBERTÉ Un film comme Apocalypse now est intéressant d’abord comme un objet filmique, ce qui n’exclut pas sa valeur de témoignage. Nous étions soldats, Voyage au bout de l’enfer, qui se veulent des témoignages, ou La Section Anderson, purement documentaire, ont aussi un grand intérêt esthétique. L’offensive du Têt, au début de l’année 1968, fut un échec militaire pour les rebelles du Sud et l’armée Nord-vietnamienne, mais ce fut une défaite médiatique pour les Américains, dont les pertes avaient pourtant été relativement faibles. En portant la guerre dans les villes, leurs adversaires avaient montré, au prix d’énormes pertes, leur capacité d’initiative, démentant ainsi les déclarations officielles. Ils offraient au public américain, par l’intermédiaire des médias, une image inattendue de la guerre qui contribua à le convaincre de l’impossibilité de la gagner et de l’urgence de la finir. Les films de fiction qui, ensuite, montrèrent les souffrances des soldats, confirmèrent sa conviction que cette guerre avait été une guerre de trop. Pourtant, l’image du dernier hélicoptère quittant l’ambassade des États-Unis à Saïgon, le 30 avril 1975, blessa profondément le sentiment patriotique des Américains. C’est sans doute aussi pour cette raison que le 10 juin 1991, la foule accourut de tous les quartiers de New York et des environs pour acclamer le Général Schwarzkopf et les soldats défilant sur Broadway, en scandant « USA ! USA ! ». Les gens fêtaient la première guerre du Golfe avec le sentiment de retrouver leur fierté nationale. 72 JUIN 2012
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