La Chambre de la Sécurité Financière, Letter of Apri
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DISCUSSION ET CONSULTATION PAR LES AUTORITÉS CANADIENNES EN VALEURS MOBILIÈRES Document 81-407 Les frais des organismes de placement collectif (13 décembre 2012) MÉMOIRE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Montréal, le 18 avril 2013 TABLE DES MATIÈRES Sommaire 4 Mémoire 14 I. Introduction 1.1 Contexte de la consultation des ACVM 1.2 La Chambre 1.3 Contexte de nos commentaires 14 14 15 16 II. Problématique établie au document de consultation 2.1 Les pratiques du marché des OPC en matière de frais (i) Frais d’acquisition (ii) Frais permanents (iii) Le cas des commissions de suivi 2.2 Les principaux acteurs du marché (i) Les épargnants (ii) Les conseillers (iii) Les sociétés d’OPC (iv) Conclusion 17 17 17 21 22 23 23 24 25 26 III. Avancées réglementaires récentes 3.1 Régime actuel 3.2 Régime d’information au moment de la souscription (i) Première phase du Régime : l’Aperçu du fonds (ii) Deuxième phase du Régime : transmission de l’Aperçu du fonds au lieu du prospectus (iii) Troisième phase du Régime : transmission de l’Aperçu du fonds au moment de la souscription 3.3 Modèle de relation client-conseiller (i) Première phase du MRCC (ii) Deuxième phase du MRCC 3.4 Modernisation de la réglementation des OPC (i) Première phase de modernisation (ii) Deuxième phase de modernisation 27 27 29 29 IV. Hypothèses de travail soumises à la discussion 4.1 Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? 4.2 Réglementer les modalités des titres d’OPC? (i) Imposer une catégorie de titres sans commission de suivi ou avec commission de suivi réduite (ii) Série ou catégorie distincte de fonds pour chaque option de souscription 4.3 Transparence accrue des frais? (i) La transparence de l’offre des titres d’OPC (ii) La concurrence dans les conditions d’offre des titres d’OPC 30 31 31 32 32 34 34 35 35 35 38 38 39 40 41 44 -3- 4.4 Réglementer les frais eux-mêmes? (i) Plafonnement des frais (ii) Interdire les commissions 4.5 Imposer des règles de conduite additionnelles? (i) Devoir fiduciaire (ii) Conflits d’intérêts (iii) Précédents (iv) Politiques et procédures (v) Régime à honoraires (vi) Ententes de conversion automatiques 46 47 50 52 54 55 57 59 60 61 V. Mesures additionnelles à considérer (i) L’information de l’épargnant/du client (ii) Comité d’examen indépendant 62 62 64 VI. Conclusion générale 65 -4- SOMMAIRE Contexte de la consultation Par leur Document de discussion et de consultation 81-407 (le « Document de consultation »/« DC ») sur les frais des organismes de placement collectif (« OPC »), en date du 13 décembre 2012, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM »/« régulateurs ») veulent départager plus précisément parmi les pratiques de l’industrie en matière de frais d’OPC : • les pratiques auxquelles on devrait laisser libre cours dans l’environnement actuel des règles adoptées par les régulateurs ou les organismes d’autoréglementation compétents (« OAR »), sans modification; • celles qui, sans être problématiques, mériteraient d’être encadrées autrement par les régulateurs, les OAR ou même les politiques et procédures de contrôle que les entités de l’industrie se doivent d’établir elles-mêmes conformément aux règles; • celles qui soulèvent des problématiques auxquelles les régulateurs devraient s’attaquer par des mesures à définir. Contexte des commentaires de la Chambre La Chambre de la sécurité financière (la « Chambre ») est heureuse de répondre, par le présent mémoire, au Document de consultation, en sa qualité d’OAR reconnu au Québec et notamment chargé, en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières et de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, de réglementer la déontologie et la formation continue des représentants en épargne collective. Aux fins de cette réponse, la Chambre utilise la même terminologie de « conseillers » que le Document de consultation. À moins que le contexte ne l’indique autrement, ses commentaires ne réfèrent qu’à ses seuls membres. Problématique des frais d’OPC Le titre d’OPC est un instrument de placement qui est parmi les plus répandus au Canada et les Canadiens y investissent une proportion importante de leurs épargnes. En matière de frais, les pratiques du marché de l’épargne collective varient selon les options offertes aux épargnants pour la souscription des titres d’OPC. Deux principaux -5- types de frais sont présentement imposés aux investisseurs canadiens qui achètent des titres d’OPC : des frais d’acquisition et des frais permanents. Les frais permanents, qui incluent les frais de gestion et les dépenses d’opération, sont payés à même l’actif de l’OPC. Les investisseurs en assument donc le coût indirectement, à raison des rendements dont ils sont privés (proportionnellement aux titres qu’ils détiennent) compte tenu de la diminution d’actif correspondante. Parmi les composantes de frais de gestion de l’OPC qui sont supportés indirectement par les porteurs, c’est la commission de suivi qui attire une attention particulière de la part des ACVM. C’est une catégorie de frais permanents qui a pour objet de rémunérer, aux termes de l’option de souscription qui la prévoit, la prestation de services que les conseillers sont censés fournir de façon continue aux porteurs après l’acquisition des titres de l’OPC. Les ACVM remarquent d’abord que malgré que des commissions de suivi soient payées par les investisseurs, il n’y a pas nécessairement de contrepartie correspondante qui soit livrée en services de conseillers. De même, il n’y a aucune corrélation claire entre le taux des commissions payables et le volume de services que le conseiller peut être appelé à fournir en retour aux investisseurs. Deuxièmement, la commission de suivi n’est pas présentée séparément à la documentation d’information prescrite par la législation en valeurs mobilières. Elle est plutôt amalgamée aux autres frais de gestion et n’est donc qu’une composante cachée des frais de gestion exprimés sous forme de ratio. Par conséquent, elle demeure faiblement visible, car seul ce ratio est divulgué au public. Il s’ensuit que ces commissions, qui représentent un coût croissant pour les porteurs sont pratiquement écartées des considérations préalables à l’investissement dans des titres d’OPC. Lorsqu’elle considère les données colligées par les ACVM, la Chambre constate : • que certains frais d’acquisition, qui ne paraissent pas au point de vente (les frais reportés), et les commissions de suivi, qui sont occultées dans l’ensemble des frais de gestion, prennent le pas sur les frais d’acquisition à l’entrée comme mode de rémunération des conseillers; • qu’en raison de cette opacité des frais assumés, plusieurs investisseurs sont portés à croire faussement que leurs acquisitions et détentions de titres d’OPC se font sans qu’ils aient à supporter de frais et qu’ils pourraient ne pas être suffisamment alertés sur cette réalité par leur conseiller ou leur propre consultation des documents d’information réglementaires. -6- La Chambre constate aussi, d’une part, que l’investisseur type est moins porté à prendre personnellement en charge la protection de ses intérêts et qu’il prend moins en compte le coût qu’il aura à supporter comme acheteur et porteur de titres d’OPC et, d’autre part, que les mécanismes visant à l’informer sur les frais, dont les commissions de suivi, sont perfectibles. Les avancées réglementaires récentes Certaines avancées réglementaires récentes sont pertinentes à la consultation, car c’est en fonction de celles-ci que la Chambre et les autres parties prenantes auront à élaborer leur position finale. Il s’agit des initiatives suivantes : • le régime d’information au moment de la souscription de titres d’OPC (Point of Sale Disclosure); • le modèle de relation client-conseiller (Customer Relationship Model ou CRM); • le projet de modernisation de la réglementation des OPC. Ces avancées doivent être prises en compte, sinon ajustées, pour la suite des choses. Hypothèses de travail soumises à la discussion Le Document de consultation propose sept hypothèses de travail à la consultation et à la discussion. La Chambre les regroupe sous cinq titres qui en reflètent l’essence : 1. 2. 3. 4. 5. Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? Réglementer les modalités des titres d’OPC? Transparence accrue des frais? Réglementer les frais eux-mêmes? Imposer des règles additionnelles de conduite des affaires? 1. Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? Les ACVM étudient la possibilité de réglementer la prestation de services que les commissions de suivi sont censées rémunérer, notamment en imposant la prestation de certains services de base en contrepartie du paiement de ces commissions. Les régulateurs forceraient ainsi les conseillers à rendre un minimum de services au client, par exemple sur une base annuelle. Les ACVM et les OAR pourraient s’assurer du respect de cette obligation par les conseillers en les obligeant à tenir un registre des services rendus par client. -7- Sans s’y opposer formellement à ce moment-ci, la Chambre a des réserves quant à cette approche. 2. Réglementer les modalités des titres d’OPC? Dans un premier temps, les ACVM proposent que chaque OPC offre une série ou une catégorie de titres de type « sans conseils » selon une option de souscription sans commission de suivi ou avec commission de suivi réduite et à faible coût, que les investisseurs dits « indépendants » pourraient acquérir directement sans passer par un conseiller. Les investisseurs indépendants seraient ceux qui acquièrent et détiennent des titres d’OPC, mais ne souhaitent pas recevoir de conseils. Les frais de gestion moins élevés témoigneraient de l’absence de commissions de suivi ou du versement aux conseillers de commissions symboliques. La Chambre ne soutient pas cette approche. Dans un deuxième temps, les ACVM soulèvent la possibilité que les OPC puissent offrir une série ou une catégorie distincte de titres pour chaque option de souscription offerte (avec frais d’acquisition à l’entrée, frais de rachat ou d’acquisition ou sans frais). Les différents frais de placement engagés pour chacune de ces séries ou catégories de titres d’OPC seraient répartis uniquement entre les porteurs de cette série ou catégorie en proportion des titres qu’ils détiennent plutôt que d’être assumés par l’ensemble des investisseurs de l’OPC. Les frais de gestion de chaque série ou catégorie de l’OPC refléteraient ainsi les frais de placement attribuables à chaque catégorie, ce qui éliminerait tout interfinancement des coûts des commissions par les divers porteurs. La Chambre est en principe d’accord avec une telle approche, parce qu’elle améliorerait l’équité de traitement entre les porteurs de titres d’un OPC ainsi que la transparence, pour l’épargnant, des caractéristiques propres aux titres de chaque série ou catégorie d’un OPC. -8- 3. Transparence accrue des frais? L’un des aspects de la problématique des frais d’OPC est occasionné par un manque de transparence de certaines composantes du régime de rémunération supporté par l’investisseur, qui n’ont jamais été rendues véritablement apparentes par les règles de divulgation et qui, au cours des récentes années, ont gagné en importance comme sources de revenus des conseillers. Même si, pour certains, les divulgations concernant les frais et les dépenses des OPC sont suffisamment élaborées, il n’en demeure pas moins que le Document de consultation montre qu’elles ne le sont pas encore assez, puisqu’elles ne permettent pas aux porteurs de réaliser qu’ils assument des frais importants par déduction de l’actif des OPC dont ils détiennent les titres. Pour la Chambre, il est fondamental que l’investisseur soit placé en position de prendre une décision éclairée au moment de compléter un investissement, et ce, en ayant la possibilité raisonnable de tenir compte des frais qui lui sont exigés ou qui lui sont imputés soit pour réaliser, soit pour conserver son placement en titres d’OPC. La Chambre est donc d’accord avec le principe d’une divulgation distincte de toutes les composantes de la rémunération des conseillers. Dans cette même veine, on pourrait notamment exiger d’inclure, pour chaque période visée par un relevé du compte du client du conseiller, une mention en dollars et en cents de la valeur qui a été déduite de celle des titres d’OPC du client de même que du montant cumulé en dollars et en cents ainsi déduit de cette valeur depuis que le porteur a fait l’acquisition de ces titres ou depuis le début de l’année, selon l’éventualité la plus proche, au titre des frais d’acquisition et des frais permanents. Il faudrait toutefois évaluer les coûts de préparation et de fourniture des renseignements que ces mesures pourraient représenter pour les sociétés d’OPC et, indirectement, pour les porteurs eux-mêmes appelés à les assumer. Par ailleurs, il est d’usage que les régulateurs misent sur la concurrence comme moyen de contrôler les frais exigés par les sociétés d’OPC. En général, les industries où plusieurs firmes sont en concurrence pour les volumes d’affaires présentent des niveaux de prix qui sont moins élevés que les industries où il y a moins de firmes en concurrence. Or, la transparence encourage cette concurrence. C’est pourquoi des mesures de divulgation et de transparence devraient être encouragées par les ACVM afin de s’assurer que le client peut bénéficier d’une égalité des chances raisonnable dans sa capacité de négocier les meilleurs termes possible avec -9- son conseiller lorsque l’option de souscription qu’il choisit laisse place à la négociation de gré à gré. Notamment, on devrait favoriser la divulgation au client des jalons (breakpoints), c’est-à-dire des seuils de montants investis donnant accès à des escomptes de frais d’acquisition, de même que des modalités contractuelles auxquelles ces escomptes deviennent disponibles. 4. Réglementer les frais eux-mêmes? Cette proposition des ACVM est à deux volets. Le premier volet vise l’adoption d’une réglementation qui plafonnerait les frais d’OPC ou les sommes pouvant être affectées au paiement de commissions de suivi, de manière à mitiger les incidences de ce mode de rémunération sur les conflits d’intérêts des conseillers et le manque de correspondance entre les coûts aux porteurs et les prestations corrélatives des conseillers. Pourrait ainsi être limitée la tranche d’actif que le gestionnaire de l’OPC peut affecter au paiement de commissions de suivi, ou la somme des frais d’acquisition à l’entrée et des courtages permanents que l’investisseur individuel peut avoir à payer pendant la durée de son placement dans l’OPC. Le deuxième volet propose que les ACVM puissent tout simplement interdire le versement aux conseillers de commissions de vente et de suivi par les sociétés d’OPC. La Chambre exprime ses réserves quant à ces deux approches de réglementation directe ou indirecte des frais. 5. Imposer des règles additionnelles de conduite des affaires? Le Document de consultation souligne que, dans les juridictions canadiennes de common law, la norme applicable est que le conseiller doit agir avec honnêteté, bonne foi et loyauté dans ses relations avec ses clients et que cette norme est complétée par deux devoirs : celui de faire des recommandations d’investissement qui conviennent au client et celui de détecter et de gérer les conflits d’intérêts qui peuvent lui nuire. Les ACVM se demandent s’il est possible que cette norme ne suffise pas à compenser l’influence du régime de rémunération de l’industrie sur la conduite des conseillers. - 10 - La Chambre est d’accord avec le principe d’une parité pancanadienne des devoirs d’agir dans le meilleur intérêt des clients et d’une harmonisation interterritoriale des règles à cette fin. À l’égard des règles présentement appliquées pour encadrer les conflits d’intérêts des conseillers, les ACVM se demandent si elles doivent tenir pour acquis que leur régime de rémunération peut entraîner des situations de conflits qui doivent être réglées pour protéger leurs clients. La Chambre est d’avis que par une divulgation appropriée, un client devrait être admis à réaliser pleinement que le conseiller avec lequel il fait affaire : ● ● ● est rémunéré, le cas échéant, par le manufacturier du produit qui fera l’objet par le client d’une opération recommandée par le conseiller; peut recommander de choisir ce produit parmi plusieurs autres qui sont offerts sur le marché et lui vaudront de percevoir une rémunération plus ou moins élevée selon que le client qui en fait l’acquisition les garde en portefeuille; recommande un produit qui est, ou n’est pas, celui dont le coût au client sera le plus bas et pourquoi. Par ailleurs, les ACVM remarquent qu’à l’étranger, certains précédents ont postulé que la rémunération du conseiller le placerait automatiquement en conflit d’intérêts par rapport à son client. D’un côté, certains pensent que le conseiller est forcément empêché de s’acquitter adéquatement de ses devoirs déontologiques envers son client parce que l’émetteur des titres dont il recommande l’achat lui paie une commission ou une commission plus forte. D’autres préfèrent voir le régime de rémunération du conseiller comme un risque de conformité aux règles de déontologie régissant les conflits d’intérêts. Sur cette base, ce risque doit être géré et mitigé comme les autres par des politiques et procédures de contrôle. - 11 - Selon la Chambre, le fait qu’un conseiller soit rémunéré en fonction d’un volume d’affaires qu’il aide à générer à une société d’OPC ne le place pas automatiquement en conflit d’intérêts. Toutefois, des circonstances peuvent survenir qui placent le conseiller en situation de conflit et exigent que des mesures de gestion et de mitigation soient prises aux termes des règles déontologiques qui régissent sa conduite. Ces mesures devraient être prévues aux politiques et procédures de contrôle et de gestion des risques que la réglementation en valeurs mobilières commande de mettre en place en vue de prévenir les situations où les conseillers peuvent être incités à réaliser des ventes inappropriées par le régime de rémunération afférent. L’un des devoirs fondamentaux du conseiller est de s’assurer que son client comprend le produit dans lequel il investit. Or, les circonstances décrites par le Document de consultation tendent à démontrer que ce devoir pourrait ne pas être uniformément respecté par l’industrie en matière d’ententes de conversion automatique. Par ces ententes, les sociétés d’OPC font convertir automatiquement des titres d’OPC avec frais d’acquisition reportés en titres sans frais d’acquisition, à hauteur des 10 % de ces titres que l’investisseur est autorisé à racheter sans pénalité chaque année. Deux conséquences en découlent : • la proportion de 10 % des titres d’OPC assujettis à des frais de rachat que le porteur peut racheter sans pénalité chaque année est automatiquement convertie en titres du même OPC avec frais d’acquisition à l’entrée ramenés à 0 %; • les commissions de suivi payables sur les titres d’OPC convertis sont multipliées par deux sans que le client y consente ou en soit véritablement informé (DC, p. 37), car les commissions de suivi afférentes à des ventes de titres comportant des frais d’acquisition à l’entrée sont usuellement le double de celles qui sont payables pour acheter des titres comportant des frais de rachat. La Chambre recommande aux ACVM de poursuivre leurs travaux de discussion et de consultation relativement aux ententes de conversion automatique de titres d’OPC, qui pourraient vraisemblablement requérir des mesures de contrôle. - 12 - Mesures additionnelles à considérer Dans son expérience d’OAR, la Chambre a constaté que toute mesure de plus grande transparence de l’information au public se combinait avec succès avec l’offre d’outils d’information misant sur la technologie. On a vu, par exemple, que des autorités en valeurs mobilières pouvaient mettre à la disposition du public des outils de comparaison des conditions d’offre et de souscription des titres d’OPC qui, à l’aide des technologies de l’information, pouvaient améliorer la capacité de l’investisseur d’effectuer des choix éclairés dans la sélection des titres d’OPC dans lesquels investir. Les ACVM pourraient optimiser la conception, les modalités d’accès et la convivialité de certains outils d’information mis à la disposition du public pour faciliter aux épargnants la prise en main de leurs propres intérêts comme investisseurs et plus particulièrement, d’outils de comparaison des conditions d’offre des titres d’OPC, des options de souscription et de simulation des coûts sur des périodes de détention données. De plus, les conflits d’intérêts que le recours grandissant aux commissions de suivi peut occasionner chez le gestionnaire d’un OPC nous semblent être de ceux qui pourraient faire l’objet de certaines formes de supervision de la part du comité d’examen indépendant (« CEI ») de cet OPC, aux termes du Règlement 81-107 sur le comité d’examen indépendant des fonds d’investissement. La Chambre suggère d’examiner la possibilité que le CEI d’un OPC soit spécifiquement mandaté pour examiner les questions de conflit d’intérêts liées aux régimes de rémunération pratiqués par les sociétés d’OPC. Conclusion La Chambre remercie les ACVM de lui avoir offert l’occasion de contribuer à l’exercice de réflexion initié par le Document de consultation. Les commentaires et suggestions qu’elle a proposés dans ce mémoire présentent une réaction initiale, qui laisse place à la discussion et à la participation aux consensus avec les autres parties prenantes du secteur. - 13 - Dans cette optique, la Chambre souhaiterait participer à tout forum de discussion à être constitué par les ACVM afin de poursuivre le processus de consultation sur les frais d’OPC. MÉMOIRE I. INTRODUCTION La Chambre de la sécurité financière (la « Chambre »/« nous ») est heureuse de répondre, par le présent mémoire, au Document de discussion et de consultation 81-407 (le « Document de consultation »/« DC ») des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM »/« régulateurs ») sur les frais des organismes de placement collectif (« OPC »), en date du 13 décembre 2012. 1.1. Contexte de la consultation des ACVM Par leur consultation, les ACVM veulent recueillir des points de vue et amorcer un processus de réflexion et de discussion avec les parties prenantes de l’industrie canadienne de l’épargne collective (l’« industrie »). Plus précisément, les ACVM veulent départager parmi les pratiques de l’industrie en matière de frais d’OPC : • les pratiques auxquelles on devrait laisser libre cours dans l’environnement actuel des règles (collectivement, les « règles ») adoptées par les régulateurs ou les organismes d’autoréglementation (« OAR ») – la Chambre et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (« ACFM ») – sans modification; • celles qui, sans être problématiques, mériteraient d’être encadrées autrement par les régulateurs, les OAR, ou même les politiques et procédures de contrôle que les entités de l’industrie se doivent d’établir elles-mêmes conformément aux règles; et • celles qui soulèvent des problématiques auxquelles les régulateurs devraient s’attaquer par des mesures à définir. Par la discussion de ces différentes questions, les ACVM recherchent maintenant une convergence de vues aussi large que possible sur les approches à promouvoir. Leur objectif fondamental est de continuer à bien protéger l’épargnant auquel on offre des titres d’OPC ou qui en acquiert, par des mesures crédibles qui se compareront avantageusement aux principaux autres cadres normatifs étrangers et qui maintiendront par le fait même la réputation d’équité et d’intégrité des marchés de valeurs mobilières canadiens. - 15 - 1.2. La Chambre En épargne collective, la Chambre tient sa mission de la Loi sur les valeurs mobilières et de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (« LDPSF ») : elle assure la protection du public québécois en veillant à la déontologie, à la formation continue et à la discipline de ses membres. Les membres de la Chambre sont les quelque 32 000 représentants (les « représentants ») qui sont titulaires de certificats de l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») et qui sont autorisés à agir au Québec dans l’une ou l’autre des cinq « disciplines de sécurité financière » de la compétence de la Chambre. Parmi ces disciplines, il y en a : • deux en valeurs mobilières : o l’épargne collective; et o les plans de bourses d’études; • et trois autres prévues à la LDPSF : o l’assurance individuelle de personnes; o l’assurance collective de personnes; et o la planification financière. La Chambre exerce sa compétence et ses pouvoirs en qualité d’OAR reconnu par l’AMF (art. 312 LDPSF). En épargne collective comme dans les autres disciplines de sécurité financière, l’appartenance à la Chambre est une condition de certification du représentant. Cette vocation multidisciplinaire nous permet d’établir ou d’appliquer à la fois des règles de distribution en matière de titres d’OPC1 et de produits qui leur font directement concurrence, dont les fonds distincts d’assureurs de personnes. Cette particularité oblige en pratique la Chambre à prescrire des normes qui sont cohérentes dans toutes les disciplines de sécurité financière, favorisant ainsi une harmonisation des règles qui bénéficie aux représentants cumulant des certificats dans plusieurs disciplines. Au Canada, il n’y a que deux OAR spécialisés reconnus par les régulateurs pour encadrer des activités d’intermédiation et de conseil en épargne collective : la Chambre au Québec et l’ACFM dans le reste du pays. Nous nous distinguons de l’ACFM sous certains aspects, dont les plus importants sont les suivants : 1 On parle ici de toutes les règles de conduite des représentants par l’intermédiaire desquelles les cabinets de services financiers se doivent d’agir, par opposition aux règles directement appliquées aux cabinets par l’AMF et qui peuvent être associées à l’activité de distribution au sens large. - 16 - • la Chambre couvre cinq disciplines incluant l’épargne collective, alors que l’ACFM n’a compétence que sur cette dernière; • la Chambre n’autoréglemente que les représentants, alors que l’ACFM régit l’ensemble de ses firmes membres, incluant leurs représentants et employés; • la Chambre se concentre sur la déontologie et sur la formation continue des représentants; même si l’ACFM est limitée à la seule discipline de l’épargne collective, son mandat d’autoréglementation englobe la plupart des opérations des firmes de courtage et de leurs représentants; • en plus de la supervision et du contrôle exercés à son endroit par l’AMF parce qu’elle est un OAR reconnu, la structure, la gouvernance, le financement et les opérations de la Chambre sont assujettis à plusieurs contraintes corporatives prévues à la LDPSF; ce n’est pas le cas pour l’ACFM, un organisme à but non lucratif privé régi par les lois corporatives fédérales. 1.3. Contexte de nos commentaires La Chambre est heureuse de contribuer à l’exercice de réflexion initié par les ACVM et elle propose une réaction initiale dans ce mémoire. Ce positionnement laisse place, en effet, à la discussion et à la participation aux consensus avec les autres parties prenantes du secteur des valeurs mobilières : public, régulateurs, OAR, OPC et industrie. À moins que le contexte ne l’indique autrement, c’est en fonction des seuls éléments de sa mission que la Chambre exprime son point de vue dans ce mémoire. Ces éléments sont : • la protection du public en général par l’autoréglementation des représentants2; • la poursuite d’une vocation multidisciplinaire tournée vers la distribution des produits et services de sécurité financière, dont les titres d’OPC; • l’établissement de règles de déontologie et de conduite éthique des représentants; • la formation continue des représentants; et 2 Le Document de consultation utilise l’expression de « conseillers » pour référer aux vendeurs de titres d’OPC quelle que soit leur catégorie d’inscription auprès des ACVM. Dans le présent mémoire, nous utiliserons la même terminologie aux fins de la discussion. Toutefois, il faut comprendre que nous référons la plupart du temps aux seuls représentants membres de la Chambre. - 17 - • l’administration d’un dispositif disciplinaire. Ce point de vue est présenté sur la base des phénomènes, tendances, informations et statistiques qui ont été décrits ou colligés au Document de consultation3 et de certaines autres sources de référence spécifiées ou non. La Chambre souligne enfin qu’elle souhaite participer, à l’instar d’autres intervenants4, à tout forum de discussion qui sera constitué par les ACVM dans une phase ultérieure du processus de consultation qu’elles ont amorcé relativement aux enjeux associés aux frais d’OPC. II. PROBLÉMATIQUE ÉTABLIE AU DOCUMENT DE CONSULTATION 2.1. Les pratiques du marché des OPC en matière de frais Deux principaux types de frais sont présentement imposés aux investisseurs canadiens qui achètent des titres d’OPC : les frais d’acquisition et les frais permanents. Les principales caractéristiques et composantes de ces frais sont respectivement décrites au tableau qui suit. Les pratiques du marché de l’épargne collective en cette matière varient selon les options de souscription de titres d’OPC qui sont offertes aux épargnants. Aux fins de nos commentaires à ce sujet, nous ne rappellerons que quelques-uns des éléments de réflexion que nous avons tirés du Document de consultation. (i) Frais d’acquisition Frais d’acquisition à l’entrée (front-end/front load) Lorsque les titres d’OPC sont intermédiés par un courtier agissant par l’entremise de représentants, des commissions d’acquisition sont exigées (DC, p. 6). Par contre, lorsque la distribution se fait en succursale d’institution financière, la souscription se fait généralement sans qu’il y ait de frais d’acquisition à payer (no-load). 3 4 Les références à des pages que nous avons insérées dans le texte correspondent aux pages du Document de consultation (DC). Dont l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) : voir Regulators eye crackdown on soaring mutual fund fees, Globe & Mail, 13 décembre 2012. - 18 - FRAIS D’ACQUISITION Catégorie de frais Frais d’acquisition (Sales Charge) Sous-catégorie Frais d’acquisition à l’entrée5 (Front-End Load Commissions) Payés quand? Assumés directement ou indirectement par le porteur? Payés directement au point de vente, par prélèvement sur le montant que le porteur veut investir en titres de l’OPC Frais de rachat Assumés directement (Deferred Sales au point de rachat, sur Charge/DSC) le montant brut auquel le porteur a droit en pareil cas 5 Composantes Le taux de ces frais peut atteindre 5 %, mais l’usage de l’industrie veut qu’il fasse l’objet d’une négociation entre le conseiller et l’investisseur de sorte qu’en pratique, le véritable taux n’excède pas 1 % (DC, p. 13). Le taux des frais de rachat fait l’objet d’une diminution graduelle au cours de la période de conservation des titres, pour devenir nul après un certain temps. Cet « échéancier de rachat » fait généralement passer ce taux de 6 % la première année à 0 % après une période de conservation de 5 à 7 ans, après des diminutions consécutives d’environ 1 % par an (DC, p. 13). Selon les OPC, les frais prélevés à l’acquisition peuvent être réduits (low-load) ou être égaux à 0 % (no-load). - 19 - FRAIS PERMANENTS Catégorie de frais Frais permanents (Ongoing Fund Fees) 6 Sous-catégorie Payés quand? Assumés directement ou indirectement par le porteur? Frais de gestion (Management Fees) Payés sur l’actif de l’OPC/assumés indirectement par chaque porteur en proportion de ses titres de l’OPC Dépenses d’opération /charges opérationnelles (Operating Expenses) Payés sur l’actif de l’OPC/assumés indirectement par chaque porteur en proportion de ses titres de l’OPC Composantes Le coût des services ou les frais suivants, pour chaque fonds : l’administration des activités du fonds; les services-conseils en matière de gestion de portefeuille; la commercialisation et la promotion; les frais de financement des commissions payées aux conseillers relativement aux titres d’OPC placés moyennant des frais d’acquisition reportés ou réduits6; • les commissions de suivi. • • • • Les dépenses d’opération (ou « charges opérationnelles ») comprennent les frais de registraire et d’agent de transfert, les frais de garde de valeurs, les honoraires des comptables, auditeurs et avocats, les frais d’évaluation des fonds, les frais d’administration et frais de service du fiduciaire relatifs aux régimes enregistrés prévus aux lois fiscales, les frais payables au titre du comité d’examen indépendant, etc. (DC, pp. 20-21). Si les investisseurs ne paient pas directement de frais d’acquisition au conseiller au point de vente, le conseiller reçoit en général malgré tout de la société d’OPC une commission de 5 % du montant de l’acquisition. Ce montant est, la plupart du temps, financé par la société d’OPC et lui occasionne des coûts d’emprunt qu’elle paie ensuite sur l’actif de l’OPC (DC, p. 13). - 20 - Au point de vente, le taux de ces frais peut atteindre 5 %, mais l’usage de l’industrie veut que ce taux fasse l’objet d’une négociation entre le conseiller et l’investisseur, de telle sorte que celui qui est finalement exigé est d’au plus 1 % (DC, p. 13). Enfin, des séries particulières d’OPC sont réservées à des investisseurs fortunés ou institutionnels. Dans ces cas, il n’y a généralement pas de frais d’acquisition à l’entrée ou s’il en est, ils sont réduits. Dans le contrat que l’investisseur signe alors avec la société d’OPC, on prévoit les frais de gestion et les honoraires qui reviennent au conseiller. Ces frais et honoraires sont versés directement par le porteur à la société d’OPC (DC, p. 15). Frais d’acquisition au rachat (Deferred sales charge/DSC) Les frais d’acquisition peuvent être reportés pour ne devenir payables qu’au rachat des titres d’OPC plutôt qu’à leur point de vente. On les qualifie alors de « frais de rachat »7. Lorsque seuls des frais de rachat sont exigés à la souscription des titres d’OPC, le montant payé par l’investisseur pour les acquérir se retrouve investi en totalité (DC, p. 13)8. Le taux des frais de rachat fait l’objet d’une diminution graduelle au cours de la période de conservation des titres, pour devenir nul après un certain temps. Cet « échéancier de rachat » fait généralement passer ce taux de 6 % la première année à 0 % après une période de conservation de 5 à 7 ans, après des diminutions consécutives d’environ 1 % l’an (DC, p. 13). En certains cas, l’investisseur peut se faire offrir une option de souscription avec frais de rachat réduits, avec un échéancier de rachat plus court étalé sur 3 ans, ou parfois moins. Le taux alors applicable la première année est de 2 à 3 %, puis il baisse de 1 % par an jusqu’à atteindre 0 % après une période de conservation de 2 ou 3 ans9. Lorsque l’investisseur ne paie pas directement de frais d’acquisition au conseiller au point de vente, ce dernier reçoit en général tout de même une commission de 5 % du 7 8 9 À la fin de 2011, les actifs des OPC qui faisaient l’objet de frais d’acquisition reportés (frais de rachat) représentaient environ 19 % des actifs du secteur des OPC au Canada (DC, p. 14). Dans le cas de frais d’acquisition à l’entrée, par opposition, le montant investi correspond au montant payé, déduction faite du montant des frais. À la fin de 2011, les actifs des OPC qui faisaient l’objet de ce type de frais d’acquisition réduits représentaient environ 5 % des actifs du secteur des OPC au Canada (DC, p. 14). - 21 - montant de l’acquisition de la société d’OPC. Ce montant est, la plupart du temps, financé par la société, qui acquitte ses coûts d’emprunt sur l’actif de l’OPC à titre de frais de gestion (DC, p. 13)10. C’est pourquoi les frais de rachat payables avant l’expiration de l’échéancier convenu sont versés à la société d’OPC ou à l’intervenant qui a avancé ce financement, et non pas au conseiller qui a déjà été payé (DC, p. 13). L’utilisation de l’option des frais de rachat rend beaucoup plus prévisibles les revenus du gestionnaire de l’OPC. Lorsque les épargnants font l’acquisition de titres qui en sont assortis, ils s’engagent à payer des frais au gestionnaire. S’ils demeurent investis, ils vont continuer de payer des frais de gestion. S’ils demandent le rachat de leurs titres dans les 5 à 7 années qui suivent, ils paieront des frais de rachat. Dans un cas comme dans l’autre, le gestionnaire peut compter sur le fait qu’il récupérera son dû. (ii) Frais permanents Les frais permanents, qui incluent les frais de gestion et les dépenses d’opération11, sont payés à même l’actif de l’OPC. Les investisseurs en assument donc le coût indirectement (proportionnellement aux titres qu’ils détiennent), à raison des rendements dont ils sont privés vu la diminution d’actif correspondante (DC, p. 12). Ils sont exprimés globalement sous forme de ratio de frais de gestion (management expense ratio) dans la documentation prescrite par la législation en valeurs mobilières. Ce ratio reflète les frais de gestion et les dépenses d’opération de l’OPC, à l’exclusion des commissions de courtage payées à des courtiers pour acheter et vendre les valeurs dans lesquelles l’actif de l’OPC est investi (DC, p. 17). Il faut donc faire attention à ne pas se fier entièrement à ce ratio si l’on veut réellement apprécier tout ce qu’il en coûte, soit pour réaliser un placement en titres d’OPC, soit pour maintenir ce placement sur une certaine période de temps : « Investors should be aware of the limitations of the management expense ratio. Although the MER is an extremely helpful measure, it falls short of being allinclusive. For instance, it does not include: 1. commissions paid on the purchase of units under the sales charge option; 2. redemption fees when redeeming units purchased under the deferred sales charge option; and 3. fees payable directly by the investor to the dealer, e.g. in fee-based accounts. »12 10 11 12 Voir supra, tableau - Frais permanents, p. 19. Ibid. André Fok Kam, From Conflict to Trust: How Mutual Funds Manage Conflicts of Interest, Carswell 2009, pp. 154-155. Par exemple, lorsqu’il y a des frais d’acquisition qui sont payables directement au conseiller au point de vente, le ratio des frais de gestion n’en tient pas compte parce que le - 22 - (iii) Le cas des commissions de suivi Parmi les composantes de frais de gestion de l’OPC qui sont supportés indirectement par les porteurs, c’est la commission de suivi qui attire une attention particulière de la part des ACVM. La commission de suivi est une catégorie de frais permanents qui a pour objet de rémunérer, aux termes de l’option de souscription qui la prévoit, la prestation de services que les conseillers sont censés fournir de façon continue aux porteurs après l’acquisition des titres de l’OPC (DC, p. 41). Ces services peuvent notamment consister dans la prestation de services-conseils, de planification financière, d’établissement de plan financier, de rapport d’étape périodique sur la croissance des actifs et de recommandations d’achat ou de vente de produits ou services financiers (DC, p. 42). Les ACVM remarquent d’abord que malgré que des commissions de suivi soient payées aux conseillers par les investisseurs13, il n’y a pas nécessairement de contrepartie correspondante en services qui est livrée. De même, il n’y a aucune corrélation claire entre le taux des commissions payables et le volume de services que le conseiller peut être appelé à fournir en retour aux investisseurs (DC, p. 42). La Chambre comprend qu’il peut même être assez fréquent que l’investisseur assume indirectement ce coût sans jamais obtenir de prestation du conseiller, à plus forte raison si ce dernier ne s’en fait demander aucune pendant qu’il détient les titres de l’OPC. Deuxièmement, contrairement au marché américain, la commission de suivi n’est pas présentée séparément à la documentation d’information prescrite par la législation en valeurs mobilières. Elle est plutôt amalgamée aux autres frais de gestion et n’est donc qu’une composante cachée des frais de gestion exprimés sous forme de ratio. Par conséquent, elle demeure faiblement visible, car seul ce ratio est divulgué (DC, p. 19). Il s’ensuit que ces commissions, qui représentent un coût croissant pour les porteurs, sont pratiquement écartées des considérations préalables à l’investissement dans des titres d’OPC. Aujourd’hui, le conseiller type perçoit quelque 64 % de sa rémunération sous forme de commissions de suivi, alors qu’en 1996, cette forme de rémunération ne représentait que 27 % de sa rémunération globale (DC, p. 28). 13 gestionnaire de l’OPC n’a aucune idée de leur montant, qui est négocié directement entre les parties à la transaction de souscription. Ordinairement, les gestionnaires paient ces commissions trimestriellement aux conseillers, tant et aussi longtemps que les clients détiennent les titres d’OPC correspondants (DC, p. 19). - 23 - Le Document de consultation conclut que la structure actuelle de commissions de suivi tend à se démarquer de la pratique exemplaire d’offrir des services qui conviennent spécifiquement à l’investisseur en fonction de sa situation personnelle, de ses attentes et de ses préférences. 2.2. Les principaux acteurs du marché Le titre d’OPC est un instrument de placement qui est parmi les plus répandus au Canada, et les Canadiens y investissent une proportion importante de leurs épargnes. Dans leur Document de consultation, les ACVM ont colligé plusieurs données relativement aux principaux acteurs de ce marché, à savoir les épargnants, les conseillers et les sociétés d’OPC. Certaines de ces données présentent un intérêt particulier aux fins du présent mémoire, et il convient de les rappeler brièvement. (i) Les épargnants Historiquement, la décision du client de détail d’un conseiller de placer ses fonds dans des titres d’OPC n’a jamais été particulièrement influencée par les frais payables ou à être supportés par lui. Cette situation a été déplorée par certains observateurs éminents de l’industrie des OPC14. Selon des études et d’autres sources d’information considérées au début des années 2000 par le General Accounting Office des États-Unis15, les investisseurs avaient déjà tendance, à l’époque, à considérer d’autres facteurs que les frais exigés par les sociétés d’OPC lorsqu’ils évaluaient la possibilité d’en souscrire les titres. Par ailleurs, ils étaient plus sensibles aux frais d’acquisition qui leur étaient divulgués16. Les choses n’ont pas vraiment changé aujourd’hui : les frais d’OPC ne sont pas plus primordiaux que par le passé dans les décisions d’investissement du client de détail, et il 14 Dans le cadre des travaux préparatoires au Rapport du Comité Sénatorial permanent des banques et du commerce sur Les pratiques de régie interne des investisseurs institutionnels, novembre 1998, Glorianne Stromberg s’exprimait en ces termes à l’égard de ce manque d’intérêt général pour la structure de frais pratiquée par les OPC : « No one appears to have asked why the unit holders of the funds should have to pay extra to ensure that the manager of the fund is fulfilling its fiduciary obligations to them and is not appropriating investment opportunities that belong to the funds for its own account. No one appears to be asking how much of a manager overhead expenses should be allowed to be passed on to the unit holders of the fund. No one appears to be asking how much of the manager’s cost of distribution should be allowed to be passed on to the unit holders of the funds. These amounts all appear in the management expense ratio of the funds and reduce the amount of the investor’s return. » 15 16 US General Accounting Office, Mutual Fund Fees – Additional Disclosure Could Encourage Price Competition, juin 2000 (le « GAO Report »). Ibid. - 24 - semble même que bien souvent il ne comprenne pas entièrement ces frais. Par ailleurs, il comprend mieux les frais qu’on lui rend plus visibles (DC, p. 29). L’attitude générale des épargnants vis-à-vis de l’information prescrite par la réglementation va dans le même sens. Ils n’ont pas tendance à y chercher proactivement les renseignements sur les frais qu’ils auront à assumer directement ou indirectement en qualité de porteur de titres d’OPC (DC, p. 29). Le fait que plusieurs investisseurs, surtout les nouveaux, n’aient pas un niveau de littératie financière qui puisse les inciter à parcourir le prospectus des fonds pourrait contribuer à cette situation. Selon la Chambre, les avancées réglementaires récentes font évoluer les choses dans la bonne direction17. Le nouveau document d’information « Aperçu du fonds », qui sera dorénavant remis à l’étape de la souscription, a une facture plus conviviale et a priori, il promet une meilleure efficacité pour informer le public sur les caractéristiques générales de l’OPC. Il pourrait donc aider à attirer l’attention de l’épargnant et l’amener à mieux s’informer. La Chambre espère d’ailleurs que l’attrait renouvelé suscité par ce document ancrera encore chez le consommateur un réflexe de consulter son conseiller pour obtenir les renseignements dont il a besoin afin d’apprécier l’information financière divulguée sur les fonds, la composition de leur actif, le rapport de la direction du gestionnaire, etc., ainsi que les conseils utiles auxquels il pourra se fier pour prendre sa décision d’investissement (DC, p. 29). (ii) Les conseillers Dans la plupart des cas (91 %), l’épargnant acquiert ses titres d’OPC par l’entremise d’une personne inscrite qui agit comme intermédiaire aux termes de la législation en valeurs mobilières (DC, p. 4). Les conseillers ont ainsi une incidence positive sur l’allocation de l’épargne. Dans un sondage réalisé en 2006 pour le compte du Groupe Investors, on notait par exemple que les épargnants qui font affaire avec des conseillers sont plus nombreux à cotiser à leur REER. Ainsi, 42 % des Canadiens admissibles avaient cotisé à leur REER pour l’année d’imposition 2006 alors que ce pourcentage passait à 55 % dans le cas de ceux qui ont consulté un conseiller. En outre, le sondage démontrait que 24 % de ces Canadiens avaient décidé de cotiser davantage après avoir parlé à leur conseiller18. L’étendue des services offerts par les réseaux de distribution dont font partie les conseillers varie selon qu’ils agissent au nom d’un courtier en épargne collective, en 17 18 Voir infra, partie III - Avancées réglementaires récentes, p. 27. « Les conseillers ont un impact positif sur l’épargne », Finance et Investissement, 8 mars 2007. - 25 - valeurs mobilières de plein exercice, de courtage de dépôts ou offrant des produits d’assurance de personnes, telles les rentes collectives à capital variable assorties de fonds distincts (DC, p. 9). Lorsqu’on fait appel à ses services, le conseiller doit en principe répondre au client en abordant avec lui la question des frais d’OPC. Étonnamment, les données recueillies par les ACVM laissent entendre que les sujets de sa propre rémunération et des frais d’OPC ne figurent pas parmi ceux que le conseiller type aborde systématiquement avec ses clients. Lorsqu’il le fait, il ne le ferait que peu19. Il pourrait donc y avoir un manque d’alignement entre la propension naturelle du client à rechercher l’avis du conseiller et la discrétion de ce dernier en matière de frais. (iii) Les sociétés d’OPC Toute société d’OPC tire avantage de la croissance de son actif, surtout à compter du moment où il atteint une « masse critique » : « Except for trailer fees and sub-advisory fees, most of a manager’s operating costs are fixed. This means that economies of scale are very important in the industry. As the business expands, fixed costs such as in-house portfolio management, sales and marketing, advertising, back office and administration can be spread over a larger volume of assets under management. Once a critical threshold of assets has been crossed, a fund management business can be an impressive cash generator. Conversely, it is not unusual for a manager with low assets under management to experience operating costs which are higher than management fee revenue. »20 C’est donc dire qu’en principe, toute mesure réglementaire qui limitera la capacité d’un OPC de distribuer ses titres et de faire croître son actif pourra avoir une incidence — éventuellement importante — sur le montant des frais fixes que son gestionnaire doit imputer à cet actif et faire supporter indirectement aux porteurs de ses titres. Le Document de consultation indique qu’à la fin de 2011, les actifs investis dans des titres d’OPC au Canada étaient contrôlés presque en parts égales par deux groupes d’intervenants : les institutions financières (banques, Mouvement Desjardins et compagnies d’assurance de personnes) à hauteur d’environ 48 %, et les sociétés d’OPC indépendantes à hauteur de 49 % (DC, p. 8)21. 19 20 21 Seulement 54 % des investisseurs se souviennent d’avoir discuté avec leur conseiller de sa rémunération lors de leur dernière acquisition de titres d’OPC. Selon cette étude, seulement 64 % se souviennent avoir discuté des frais prélevés à l’acquisition et des frais d’acquisition reportés (DC, p. 29). A. Fok Kam, op. cit., note 12, p. 42. Les actifs sous gestion mentionnés ici excluent ceux qui sont investis dans des fonds négociés en bourse (DC, p. 8). - 26 - En matière de paiement de commissions de suivi, les tendances constatées depuis 2006 démontrent que les banques semblent payer des commissions moyennes plus élevées que les sociétés d’OPC indépendantes, conserver moins de frais de gestion et réduire le ratio des frais de gestion moyen de leurs OPC ou maintenir ce ratio au même niveau dans toutes les catégories, à l’exception des fonds de fonds, où le ratio des frais de gestion moyen net des commissions de suivi a légèrement augmenté (DC, p.27). Quant aux sociétés d’OPC indépendantes, elles semblent augmenter le ratio des frais de gestion moyen des fonds dans toutes les catégories d’OPC autonomes, augmenter les commissions de suivi moyennes et maintenir au même niveau ou augmenter les frais de gestion moyens nets liés aux commissions de suivi (DC, p. 27). Même si les conseillers se font payer plus de commissions de suivi, les frais de gestion totaux demandés aux OPC n’ont pas augmenté, ce qui semble indiquer que les OPC assument eux-mêmes une proportion croissante des commissions de suivi à même leurs frais de gestion. Selon les ACVM, le recours croissant aux commissions de suivi payées par les OPC aurait pour effet de faire percevoir de plus en plus les conseillers comme les véritables clients de la société d’OPC et de distancier cette dernière de la recherche des meilleurs intérêts des porteurs. Après avoir indiqué que les commissions de suivi représentent une portion croissante des frais de gestion des OPC au Canada, le Document de consultation souligne que le niveau de ces frais se retrouve parmi les plus élevés au monde22. (iv) Conclusion Lorsqu’elle considère ces diverses données et cette combinaison de comportements des acteurs du marché canadien des OPC, la Chambre n’est aucunement étonnée que : • les frais d’acquisition reportés, qui ne paraissent pas au point de vente, et les commissions de suivi, qui sont occultées dans l’ensemble des frais de gestion, aient pu prendre le pas sur les frais d’acquisition à l’entrée comme mode de rémunération des conseillers; et • dans ces cas, plusieurs investisseurs soient portés à croire faussement que leurs acquisitions et détentions de titres d’OPC se font sans frais (DC, p. 29) parce qu’ils ne les voient pas, n’étant pas alertés sur la situation par leur conseiller ou leur propre consultation des renseignements fournis dans le prospectus de ces titres et, plus récemment, dans le document « Aperçu du fonds ». 22 Il faut toutefois mettre ces conclusions en perspective, selon les différents marchés où opèrent les sociétés d’OPC que l’on compare. - 27 - La Chambre constate aussi qu’il y a un alignement de certains phénomènes qui justifient la réflexion entreprise dans le cadre de cette consultation : d’une part, l’investisseur type est moins porté sur l’autodéfense dans la protection de ses intérêts; d’autre part, le conseiller type a, en matière d’information du client sur un aspect important, soit celui du coût de la transaction pour ce dernier, une conduite qui pourrait ne pas être aussi systématique qu’on le voudrait; et enfin, les mécanismes de divulgation relatifs aux commissions de suivi, la composante des frais indirectement supportée par l’investisseur qui est devenue, avec le temps, le plus important élément de rémunération du conseiller, démontrent certaines faiblesses. Dans un souci d’explorer les possibilités de réponse à la problématique de pratiques d’industrie que les ACVM ont identifiées en matière de frais d’OPC, le Document de consultation propose sept hypothèses de travail à la consultation et à la discussion. La Chambre les regroupe sous cinq titres qui en reflètent l’essence : • • • • • III. Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? Réglementer les modalités des titres d’OPC? Transparence accrue des frais? Réglementer les frais eux-mêmes? Imposer des règles additionnelles de conduite des affaires? AVANCÉES RÉGLEMENTAIRES RÉCENTES 3.1. Régime actuel Le régime actuel d’encadrement des frais d’OPC est beaucoup plus ciblé que les différentes propositions soumises dans le Document de consultation. Il se limite à des interdictions. En vertu du Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif (le « Règlement 81-102 »), l’OPC ne peut verser ni conclure de contrats qui l’obligeraient à verser une rémunération déterminée en fonction de son rendement, et aucun titre d’OPC ne peut être vendu en fonction du fait qu’un épargnant serait tenu de payer une telle rémunération. Toutefois, l’OPC peut établir une rémunération déterminée en fonction de son rendement si les conditions suivantes sont remplies : • cette rémunération est calculée en fonction d’un indice de référence ou d’un indice qui respecte certaines conditions prévues au Règlement 81-102; - 28 - • le versement de la rémunération est fondé sur une comparaison du rendement total cumulatif de l’OPC et de l’augmentation ou de la diminution totale cumulative en pourcentage de l’indice de référence ou de l’indice pour la période déterminée par le Règlement 81-102; et • la méthode de calcul de la rémunération et la composition détaillée de l’indice de référence ou de l’indice sont décrites dans le prospectus de l’OPC23. Dans le cas d’un OPC qui compte plusieurs conseillers en valeurs, la réglementation prévoit que l’interdiction de verser une rémunération déterminée en fonction du rendement de l’OPC s’applique à la rémunération versée à un de ces conseillers si cette rémunération est fonction du rendement de l’actif du portefeuille dont ce conseiller assure la gestion, comme si cet actif formait un OPC distinct24. Le Règlement 81-102 requiert également de l’OPC qu’il obtienne l’approbation préalable des porteurs de ses titres sur certaines questions relatives aux frais d’un OPC notamment : • lorsque la base de calcul des frais ou dépenses qui sont imputés à l’OPC ou qui le sont directement aux porteurs est changée d’une façon qui pourrait entraîner une augmentation des charges imputées à l’OPC ou aux porteurs; et • lorsque sont établis de nouveaux frais ou dépenses qui doivent être imputés à l’OPC ou qui doivent l’être directement aux porteurs et qui pourraient entraîner une augmentation des charges imputées à l’OPC ou aux porteurs25. Toutefois, cette approbation des porteurs de l’OPC ne sera pas requise lorsque l’OPC : • traite sans lien de dépendance avec la personne qui lui impute ces frais ou ces dépenses; ou • peut être décrit, en vertu du Règlement 81-102, comme un OPC « sans frais » ou « sans commission » dans la mesure où l’OPC indique dans son prospectus que les porteurs, bien qu’ils n’aient pas à approuver le changement, seront avisés de tout changement qui pourrait entraîner une augmentation des charges de l’OPC au moins 60 jours avant qu’il ne prenne effet26. 23 24 25 26 Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif, art. 7.1. Ibid, art. 7.2. Ibid, art. 5.1 a) et 5.1 a.1). Ibid, art. 5.3 1). - 29 - Au-delà de ces règles actuelles, certaines avancées réglementaires récentes sont manifestement pertinentes à la suite des choses, car c’est en fonction de celles-ci que la Chambre et les autres parties prenantes auront à élaborer leur position finale. Il s’agit des initiatives suivantes : • le régime d’information au moment de la souscription de titres d’OPC (Point of Sale Disclosure); • le modèle de relation client-conseiller (Customer Relationship Model, ou CRM); • le projet de modernisation de la réglementation des OPC. Aux fins de la discussion, nous faisons part de notre compréhension des grandes lignes de ces initiatives dans les sections qui suivent. 3.2. Régime d’information au moment de la souscription La prémisse qui a présidé à l’élaboration du Régime d’information au moment de la souscription (le « Régime »), publié en octobre 2008 par le Forum conjoint des autorités de réglementation du marché financier27, est que les investisseurs n’utilisent pas l’information contenue au prospectus simplifié des titres d’OPC parce qu’ils ont de la difficulté à trouver et à comprendre les renseignements dont ils ont besoin. Le 19 juin 2009, les ACVM publiaient des projets de modification du Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif (le « Règlement 81-101 ») visant à fournir aux investisseurs une information plus pertinente et efficace. C’était la première phase de mise en œuvre du cadre relatif à l’information au moment de la souscription. (i) Première phase du Régime : l’Aperçu du fonds L’élément central du Régime est l’Aperçu du fonds. L’Aperçu du fonds est un document qui présente les renseignements essentiels pour les investisseurs en langage simple et facile à comprendre sur au plus deux pages. L’Aperçu du fonds doit être affiché sur le site Web de l’OPC ou de son gestionnaire et, dans le cadre de la première phase, il doit être remis sans frais sur demande de l’investisseur. Dans la deuxième phase du Régime, l’Aperçu du fonds pourra être utilisé 27 Forum conjoint des autorités de réglementation du marché financier, Cadre 81-406, Information au moment de la souscription des organismes de placement collectif et de fonds distincts, 24 octobre 2008. - 30 - en remplacement du prospectus de l’OPC et, finalement, dans la troisième phase, il devra être remis à l’investisseur au moment de sa souscription. L’Aperçu du fonds doit notamment présenter les renseignements concernant le rendement passé, les risques et les coûts d’un investissement. Un Aperçu distinct doit être établi pour chaque catégorie ou série de titres d’un OPC28. L’Aperçu du fonds doit être déposé au même moment que le prospectus simplifié et la notice annuelle de l’OPC. Les modifications au Règlement 81-101 introduisant l’obligation d’établir un Aperçu du fonds et de le déposer sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011. Elles prévoyaient une période de transition pour tenir compte des renouvellements de prospectus et de notice annuelle. À tout événement, chaque OPC devait avoir préparé et déposé sur SEDAR et sur son site Web (ou celui de son gestionnaire) un Aperçu du fonds pour chaque catégorie ou série de ses titres le 8 juillet 201129. Le Formulaire 81-101A3 – Contenu de l’Aperçu du fonds (le « Formulaire ») prévoit que ce dernier doit divulguer les frais qu’un investisseur peut avoir à payer pour acheter, posséder et vendre des titres de l’OPC visé par l'Aperçu du fonds. Également, en vertu du Formulaire, l’OPC doit divulguer, sous le sous-titre « Commission de suivi », toute commission de suivi versée par le gestionnaire ou un autre membre de l'organisation de l'OPC. Toutefois, le Formulaire indique que cette divulgation doit essentiellement prendre la forme suivante : « La commission de suivi est payée à même les frais de gestion. Elle est versée tant que vous possédez des [parts/actions] du fonds ». C’est donc dire que même si l’investisseur est informé que des commissions de suivi sont payées, il n’a aucune idée des montants versés à ce titre. (ii) Deuxième phase du Régime : transmission de l’Aperçu du fonds au lieu du prospectus La deuxième phase de la mise en œuvre du Régime prévoit des modifications au Règlement 81-101 afin de permettre la transmission de l’Aperçu du fonds dans les deux jours suivant la souscription pour remplir l’obligation de transmission du prospectus. 28 29 Avis 81-319 du personnel des ACVM – Le point sur la mise en œuvre du régime d’information au moment de la souscription de titres d’organismes de placement collectif, 16 juin 2010. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Mise en œuvre de la première phase du régime d’information au moment de la souscription de titres d’organismes de placement collectif – Avis de publication, Règlement modifiant le Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif, Modification de l’Instruction générale relative au Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif et Modifications corrélatives, octobre 2010. - 31 - À cet égard, une première consultation a eu lieu en août 201130 et une deuxième a été lancée en juin 201231. Nous sommes toujours dans l’attente des résultats de cette deuxième consultation. Les ACVM ont indiqué qu’entre-temps, elles étaient disposées à accorder des dispenses afin d’autoriser l’utilisation anticipée de l’Aperçu du fonds afin de satisfaire aux obligations de transmission du prospectus32. (iii) Troisième phase du Régime : transmission de l’Aperçu du fonds au moment de la souscription La troisième phase du Régime devrait mettre en œuvre des obligations de transmission d’information au moment de la souscription des titres d’OPC. Les consultations des ACVM n’ont pas encore été amorcées sur ce sujet. 3.3. Modèle de relation client-conseiller Les ACVM, de concert avec l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (« OCRCVM ») et l’ACFM, ont travaillé à l’élaboration d’un certain nombre de règles touchant la relation entre le client et la personne inscrite. On réfère à cette initiative sous l’appellation de « modèle de relation client-conseiller » (« MRCC »)33. Le MRCC ne s’applique pas seulement aux courtiers en épargne collective. Il vise toutes les personnes inscrites en vertu du Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (le « Règlement 31-103 »). 30 31 32 33 Avis de consultation des ACVM – Mise en œuvre de la phase 2 du Régime d’information au moment de la souscription de titres d’organismes de placement collectif – Projet de Règlement modifiant le Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif, Projet de modification de l’Instruction générale relative au Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif et Modifications corrélatives, 12 août 2011. Avis de consultation des ACVM –Mise en œuvre de la phase 2 du Régime d’information au moment de la souscription de titres d’organismes de placement collectif – Projet de Règlement modifiant le Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif, Projet de modification de l’Instruction générale relative au Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif (deuxième publication) et Modifications corrélatives, 21 juin 2012. Avis 81-321 du personnel des ACVM – Utilisation anticipée de l’Aperçu du fonds afin de satisfaire aux obligations de transmission du prospectus, 24 février 2011. Avis de consultation – Projet de Règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription, Projet de modification de l’Instruction générale relative au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription (Information sur les coûts et le rendement), 22 juin 2011. - 32 - Le MRCC a pour objectifs principaux, dans le but d’améliorer la protection des investisseurs : • d’accroître les obligations d’information sur les coûts (projet en cours); • de prévoir de nouvelles obligations relativement aux rapports sur le rendement pour les conseillers (projet en cours); • de fournir à l’investisseur de l’information sur les coûts et le rendement de ses placements, afin d’être en mesure d’évaluer si l’investissement répond à ses objectifs de placement ainsi que la valeur des conseils professionnels qu’il reçoit; • de permettre la responsabilisation de l’investisseur par l’accès à l’information. Dans le cadre de leurs consultations sur le MRCC, les ACVM ont indiqué qu’elles n’avaient pas l’intention d’interdire les commissions de suivi. Elles ont plutôt indiqué que selon elles, les investisseurs pouvaient tirer parti des différents modèles de rémunération des courtiers, en soulignant toutefois que les investisseurs tireraient des bénéfices d’une plus grande transparence sur le plan de la rémunération reçue par leurs courtiers ou conseillers34. Les ACVM ont prévu de déployer le MRCC en deux phases que nous décrivons ci-dessous. (i) Première phase du MRCC La première phase du projet MRCC a prévu des mesures sur la transmission aux clients d’information sur la relation à l’ouverture du compte ainsi que des obligations plus étendues en matière de conflits d’intérêts. Ces mesures ont été intégrées au Règlement 31-103 lors de son entrée en vigueur le 28 septembre 2009. (ii) Deuxième phase du MRCC De nouvelles modifications au Règlement 31-103, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 15 juillet 2013, visent à ce que les clients de toutes les personnes inscrites reçoivent une information claire et exhaustive sur l’ensemble des frais exigibles et de la rémunération versée aux personnes inscrites relativement aux produits et aux services qui leur sont fournis, ainsi que des rapports utiles sur le rendement de leurs placements. 34 Avis de consultation – Projet de Règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription, Projet de modification de l’Instruction générale relative au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription (Information sur les coûts et le rendement) (deuxième publication), 14 juin 2012. - 33 - Les ACVM veulent faire en sorte que les investisseurs soient en mesure de répondre aux deux questions fondamentales suivantes relativement à leurs investissements : 1) combien vous a-t-il coûté? et 2) quel en est le rendement35? Les ACVM accordent une période de transition de trois ans (jusqu’au 15 juillet 2016) pour que les gestionnaires de fonds d’investissement se conforment à cette obligation et que les courtiers et conseillers respectent leurs obligations correspondantes36. Les conseillers doivent transmettre des relevés aux clients au moins tous les trois mois. Les ACVM ont également précisé que, sur demande du client, le conseiller doit lui transmettre un relevé à la fin de chaque mois37. Les ACVM ont ajouté une disposition (article 14.17) au Règlement 31-103, qui obligera les courtiers et les conseillers inscrits à fournir à chaque client un résumé annuel de l’ensemble des frais qui leur sont facturés et des autres formes de rémunération reçues par la société inscrite relativement au compte du client38. Cette disposition entrera en vigueur le 15 juillet 2013, sous réserve de l’obtention de toutes les approbations requises. Les personnes inscrites seront tenues d’indiquer la nature et le montant de la rémunération versée par des tiers relativement au compte du client, notamment les commissions de suivi et certaines commissions d’indication de clients. L’obligation d’indiquer la rémunération relative aux opérations sur titres de créance dans un rapport sur les frais et les autres formes de rémunération est l’équivalent de l’obligation applicable aux avis d’exécution. Le montant des commissions de suivi devra être exprimé en dollars à l’intention des clients. Dans l’élaboration de ces nouvelles dispositions, les ACVM ont reçu des commentaires selon lesquels les mesures qu’elles prévoyaient ne prenaient pas en compte les coûts qui y étaient associés. À ce sujet, elles ont adopté la position que l’analyse quantitative coûts-avantages n’était pas une condition préalable à leur adoption de règlements39. 35 36 37 38 39 Ibid. Avis de publication – Règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, Modification de l’Instruction générale relative au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (Information sur les coûts, information sur le rendement et relevés du client), 28 mars 2013. Règlement 31-103, art. 14.14. Règlement modifiant le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, art. 19, 28 mars 2013. Supra, note 36. - 34 - Ces modifications vont requérir des modifications considérables aux systèmes en place afin de générer la nouvelle information requise. Une période de transition de trois ans sera autorisée. Les ACVM ont également ajouté une obligation pour le conseiller d’envoyer un préavis écrit de 60 jours au client pour toute augmentation des frais de fonctionnement de son compte40. Les ACVM ont reçu des commentaires sur l’harmonisation entre leurs exigences et les exigences correspondantes des OAR plus particulièrement, de l’OCRCVM et de l’ACFM, relativement aux rapports sur le rendement. L’harmonisation de l’information est un objectif fort important des ACVM afin de s’assurer que tous les investisseurs ont accès à la même information41. Les ACVM et les OAR vont donc collaborer afin d’harmoniser les exigences et faire en sorte que les mêmes exigences s’appliquent à toutes les catégories d’inscription. 3.4. Modernisation de la réglementation des OPC Le projet de modernisation de la réglementation des OPC vise à déterminer, d’une part, si le modèle réglementaire actuel répond de manière satisfaisante à l’évolution des produits et des marchés du secteur canadien des fonds d’investissement et, d’autre part, si ce modèle réglementaire protège encore adéquatement les investisseurs42. Encore là, les ACVM ont mis en œuvre ce projet en deux phases. (i) Première phase de modernisation Le 30 avril 2012, des modifications ont été apportées au Règlement 41-101, au Règlement 81-101, au Règlement 81-102, à l’Instruction générale 81-102 et au Règlement 81-106. 40 41 42 Supra, note 38, art. 10(5). Supra, note 36. Avis de consultation des ACVM – Projet de Règlement modifiant le Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif, Projet de modification de l’Instruction générale relative au Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif, Modifications corrélatives et Autres questions relatives au Règlement 81-104 sur les fonds marché à terme et aux prêts, mise en pension et prises en pension de titres par les fonds d’investissement, 27 mars 2013. - 35 - Ces modifications venaient codifier des dispenses souvent accordées par les ACVM en reconnaissance de l’évolution des marchés et des produits, et visaient également à suivre l’évolution des normes supranationales en matière de réglementation des OPC43. (ii) Deuxième phase de modernisation La phase 2 de modernisation de la réglementation des OPC sera déployée en deux étapes. La première étape vise les fonds d’investissement à capital fixe. Elle propose d’imposer à ces fonds certaines obligations et restrictions prévues au Règlement 81-102 qui jusqu’à maintenant, ne s’appliquaient pas à ce type de fonds. Notamment, les ACVM souhaiteraient obliger ces fonds à respecter des règles en matière de conflits d’intérêts, à conférer aux investisseurs de ces fonds le droit de voter sur les changements importants, à respecter certaines règles de préservation de l’actif du fonds et enfin, à imposer certaines restrictions de base en matière de placements. Une consultation a été lancée à ce sujet le 27 mars 201344. La deuxième étape consistera à réviser les restrictions relatives aux placements qui s’appliquent aux OPC « classiques » (c’est-à-dire ceux qui émettent des titres de façon continue et dont les titres sont rachetables sur demande à la valeur liquidative (et aux OPC cotés en bourse. Par exemple, on voudra considérer, s’il y a lieu, d’autoriser ces OPC à effectuer des investissements dans des marchandises physiques et des stratégies faisant appel à de nouveaux dérivés. La deuxième étape n’a pas encore été amorcée par les ACVM. IV. HYPOTHÈSES DE TRAVAIL SOUMISES À LA DISCUSSION 4.1. Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? Les ACVM étudient la possibilité de réglementer la prestation de services que les commissions de suivi sont censées rémunérer, notamment en imposant la prestation de certains services de base en contrepartie du paiement de ces commissions. Les régulateurs forceraient ainsi les conseillers à rendre un minimum de services au client, par exemple sur une base annuelle. 43 44 Avis de publication – Règlement modifiant le Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif, Modification de l’Instruction générale relative au Règlement 81-102 sur les organismes de placement collectif, Règlement modifiant le Règlement 81-106 sur l’information continue des fonds d’investissement, Règlement modifiant le Règlement 81-101 sur le régime de prospectus des organismes de placement collectif et Règlement modifiant le Règlement 41-101 sur les obligations générales relatives au prospectus, 9 février 2012. Supra, note 42. - 36 - Les ACVM et les OAR pourraient s’assurer du respect de cette obligation par les conseillers en les obligeant à tenir un registre des services rendus par client. Position de la Chambre Sans s’y opposer formellement à ce moment-ci, la Chambre a des réserves quant à une approche qui voudrait que les ACVM obligent à ce que des prestations soient obligatoirement fournies par les conseillers qui perçoivent des commissions de suivi. Discussion La Chambre doute que ce moyen d’intervention des ACVM soit une réponse appropriée à la problématique constatée. Quant à elle, la responsabilisation du représentant par des règles de déontologie dont l’application relève d’un dispositif disciplinaire efficace, qui intègre par exemple l’action d’un intervenant comme le syndic de la Chambre et son comité de discipline, offre de meilleures possibilités de s’assurer que le conseiller contractera avec son client à des conditions raisonnables et qu’il s’exécutera à son bénéfice, loyalement, et lorsque requis. Les ententes qui préoccupent ici prévoient essentiellement les prestations suivantes du conseiller et de son client : le client paie des commissions de suivi pour le droit d’obtenir du conseiller un service futur, et le conseiller s’engage en retour à fournir, sur demande du client, certains services futurs tant que ce dernier détient les titres d’OPC acquis par l’intermédiaire du conseiller. Notre impression est que pour justifier que la réglementation s’immisce dans ces ententes afin de pallier un manque de proportion relative entre ces prestations, encore faut-il qu’il y ait un déséquilibre entre ces prestations et que ce déséquilibre soit attribuable à leur entente, et non pas à d’autres facteurs comme l’information fournie au client ou la conduite du conseiller45. La problématique de commissions de suivi décrite au Document de consultation nous fait voir très certainement des difficultés, mais on n’y retrouve pas les éléments qui devraient convaincre les ACVM que la relation contractuelle qui prévoit leur paiement 45 Nous parlons ici des ententes entre les clients et les conseillers, et non pas des circonstances qui ont entouré leur formation. Si, par exemple, le conseiller a utilisé une pratique condamnable et a ainsi mené à la conclusion d’une entente par ailleurs licite, ce sera cette pratique, et non pas le contrat lui-même, qui pourrait nécessiter l’intervention du régulateur ou de l’OAR. - 37 - prive fondamentalement le client de l’équité de traitement à laquelle il a droit, ou qu’elle exploite l’épargnant46. En soi, ce type d’entente n’a rien de condamnable. Il n’y a pas davantage de problème de principe ou d’injustice apparente dans le fait que le porteur puisse demeurer libre de ne rien demander à son conseiller, quand bien même il aurait accepté de lui payer des commissions de suivi pour avoir l’assurance d’obtenir plus tard certains services sans frais additionnels. La Chambre est portée à croire qu’imposer au conseiller des prestations minimales obligatoires en retour des commissions de suivi qu’il reçoit — on comprend que ces prestations de services en seraient qui, normalement, font partie de celles qui sont ainsi « payées d’avance » : services-conseils, planification financière, établissement de plan financier, rapports d’étape, recommandations d’achat ou de vente, etc.47 et qu’elles viendraient s’ajouter aux devoirs que les règles imposent déjà au conseiller envers le client — procéderait d’une vision artificielle et possiblement arbitraire de l’équité entre les parties au contrat. Au-delà des principes, la Chambre voit certains inconvénients additionnels à la mise en œuvre de cette proposition. Au lieu de rétablir l’équité de traitement à laquelle l’investisseur a droit, elle pourrait provoquer l’effet inverse en générant des pressions à la hausse de frais de gestion qu’il doit assumer, sans lui procurer de véritable bénéfice ou en procurer au public en général. Cette hausse résulterait au premier chef du fardeau administratif accru occasionné par l’exécution de nouvelles prestations obligatoires sans demande du client. On sait que ces frais sont déjà présentés comme très élevés au pays et peu concurrentiels internationalement. Inversement, si la concurrence faisait que les coûts liés à ces prestations additionnelles soient absorbés par l’industrie sans hausse des niveaux de frais de gestion, la Chambre craint qu’on expérimente alors un nivellement par le bas de la qualité de la prestation des services du conseiller, au détriment du meilleur intérêt du public. 46 47 Deux précisions s’imposent. La première est que nous visons ici l’équité de traitement à laquelle a droit le client en vertu des règles applicables, et non pas l’équité relative (celle dont on parle à la section 4.2(ii)) avec laquelle les porteurs d’une même série ou catégorie de titres d’OPC, ou les porteurs d’une série ou catégorie de titres d’OPC par rapport à ceux d’une autre série ou catégorie de la société d’OPC, doivent être traités en vertu de la législation en valeurs mobilières. La deuxième est que selon la Chambre, on ne retrouve pas dans le seul mode de rémunération l’élément de conduite abusive intrinsèque qui justifie normalement d’intervenir sur le contrat pour corriger une pratique des conseillers ou des sociétés d’OPC. Voir supra, section 2.1(iii) – Les pratiques du marché des OPC en matière de frais – Le cas des commissions de suivi, p. 22. - 38 - Par ailleurs, nous craignons que la mise en œuvre d’une telle proposition n’ait pour effet de multiplier artificiellement les points de vente entre le porteur de titres d’OPC et son conseiller et n’expose le consommateur à certains risques. Pour le conseiller respectueux des règles, prendre contact périodiquement avec son client pour lui fournir des services « statutaires » ne serait qu’un autre devoir réglementaire dont il devrait s’acquitter en supportant les coûts afférents. Pour le conseiller peu scrupuleux48, le respect de ces règles pourrait être une excuse pour approcher le client plus facilement et se livrer à ses dépens à des opérations de barattage de compte (churning). 4.2. Réglementer les modalités des titres d’OPC? (i) Imposer une catégorie de titres sans commission de suivi ou avec commission de suivi réduite Les ACVM proposent que chaque OPC offre une série ou une catégorie de titres de type « sans conseils », selon une option de souscription sans commission de suivi, ou avec commission de suivi réduite et à faible coût, que les investisseurs dits « indépendants » pourraient acquérir directement sans passer par un conseiller. Les investisseurs indépendants seraient ceux qui acquièrent et détiennent des titres d’OPC, mais ne souhaitent pas recevoir de conseils. Les frais de gestion moins élevés témoigneraient de l’absence de commissions de suivi ou du versement aux conseillers de commissions symboliques. Position de la Chambre La Chambre exprime ses réserves quant à cette approche d’imposer à chaque OPC d’offrir une série ou une catégorie de titres selon une option de souscription sans commission de suivi, ou avec commission de suivi réduite. Discussion Pour nous, cette hypothèse de travail mènerait, par un chemin différent, au même résultat que la piste de solution de la réglementation des frais eux-mêmes, discutée plus loin49. 48 49 On ne parle ici que d’une minorité de cas, évidemment, mais de cas qui sont tout de même susceptibles de causer des torts qu’il est de la mission de la Chambre de prévenir. Voir infra, section 4.4 – Réglementer les frais eux-mêmes ?, p. 46. - 39 - Elle donnerait lieu à une intervention réglementaire dont les prémisses seraient que par définition, un investisseur qui a acquis des titres d’OPC selon une option de souscription avec commission de suivi est nécessairement un investisseur exploité, et que la relation contractuelle de fourniture de services futurs qui existe entre cet investisseur et son conseiller n’est pas équitable. Dans l’état actuel de la discussion, la Chambre n’est pas du tout convaincue que ce soit le cas. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l’opportunité de forcer l’industrie à désintermédier certains de ces produits alors que les données réunies au Document de consultation semblent clairement indiquer que les investisseurs indépendants représentent une minorité et que sur le plan de la protection des épargnants, le conseiller joue un rôle positif majeur. En d’autres termes, inciter le client de détail type à se passer des services d’un conseiller en lui rendant plus attrayante l’acquisition d’un titre sans conseil par une baisse de prix d’origine réglementaire est-elle la bonne approche à promouvoir? Il est permis d’en douter, car le rôle joué par un représentant ayant la formation et la conduite éthique requises représente une valeur nettement plus ajoutée pour l’épargnant qui a besoin de conseils pour prendre de bonnes décisions d’investissement. Enfin, la Chambre s’interroge sur les conséquences que cette piste de solution pourrait avoir sur la concurrence dans l’industrie, étant donné que le produit de titres d’OPC à escompte qui répond présentement à la demande d’une clientèle véritable est plutôt distribué par les institutions financières, et non par les sociétés de fonds indépendantes. C’est pourquoi nous proposons qu’avant d’aller plus loin avec cette hypothèse, les incidences potentielles sur la structure globale d’offre de produits par l’industrie et l’accessibilité du public à des titres d’OPC dans des conditions concurrentielles raisonnables soient examinées50. (ii) Série ou catégorie distincte de fonds pour chaque option de souscription Que ce soit conjointement avec l’option de souscription mentionnée ci-dessus à la section (i) ou comme solution de rechange à celle-ci, les ACVM soulèvent la possibilité que les OPC puissent offrir une série ou une catégorie distincte de titres pour chaque option de souscription offerte (avec frais d’acquisition à l’entrée, frais de rachat ou d’acquisition, ou sans frais). 50 En effet, si on encourage la concentration dans la fonction de distribution, on se trouvera forcément à modifier le rapport de force entre les conseillers contrôlés par des institutions financières qui sont également des sociétés d’OPC en concurrence dans le marché, et pour ce qui est des sociétés d’OPC indépendantes, on risque de les exposer à des hausses de prix et, par conséquent, de dépenses, en contrepartie des services de distribution offerts par les conseillers : Ibid; DC, p. 38 - 40 - Les différents frais de placement engagés pour chacune de ces séries ou catégories de titres d’OPC seraient répartis uniquement entre les porteurs de cette série ou catégorie, en proportion des titres qu’ils détiennent, plutôt que d’être assumés par l’ensemble des investisseurs de l’OPC. Les frais de gestion de chaque série ou catégorie de l’OPC refléteraient ainsi les frais de placement attribuables à chaque série ou catégorie, ce qui éliminerait tout interfinancement des coûts des commissions par les divers porteurs51. Position de la Chambre La Chambre est en principe d’accord avec une approche visant à améliorer l’équité de traitement entre les porteurs de titres d’un OPC ainsi que la transparence, pour l’épargnant, des caractéristiques propres aux titres de chaque série ou catégorie d’un OPC. Il faut tout particulièrement reconnaître que les frais que la société d’OPC impute à l’actif des fonds pour les verser aux conseillers représentent le prix de services rendus par ces derniers. Même si ces frais sont déduits de l’ensemble de l’actif des fonds, chacun des comptes individuels des porteurs est ultimement réduit en valeur à hauteur de la proportion de ces dépenses imputées sur l’actif que représente leur investissement individuel, même ceux qui ne reçoivent ou n’ont droit à aucun service de conseiller selon l’option de souscription qu’ils ont choisie. Il y a donc là une iniquité fondamentale qui devrait préoccuper. 4.3 Transparence accrue des frais? La problématique identifiée par les ACVM en est une de manque de transparence sur certaines composantes du régime de rémunération qui doit être supporté par l’investisseur, qui n’ont jamais été rendues véritablement apparentes par les règles de 51 Le Document de consultation, à la page 40, fait référence au phénomène de mutualisation des coûts de distribution qui sont assumés sur l’actif d’un OPC alors que ces coûts peuvent varier d’une série de titres à une autre à l’intérieur du même OPC. Conséquemment, on indique que dans certains cas, le rendement obtenu par un porteur sur son placement dans l’OPC sera tributaire des « subventions » qu’il sera obligé d’accorder en raison notamment des commissions de suivi qui sont censées être payées en contrepartie de services rendus à d’autres porteurs. On se réfère à ce phénomène sous l’appellation de « interfinancement » potentiel du coût des commissions. C’est un problème plus particulièrement éprouvé par les investisseurs qui ne paient que des frais d’acquisition à l’entrée. Ceux-ci supportent également des frais de gestion que les modalités d’autres options de souscription de titres du même OPC viennent gonfler, tels les frais de financement des commissions payées aux conseillers relativement aux titres d’OPC placés moyennant des frais d’acquisition reportés ou réduits. - 41 - divulgation et qui, au cours des récentes années, sont devenues des sources de revenus plus importantes pour les conseillers. Même si pour certains, les divulgations concernant les frais et les dépenses supportés par les porteurs de titres d’OPC sont déjà suffisamment élaborées, le Document de consultation montre bien qu’elles ne le sont pas encore assez. En fait, ces divulgations ne permettent pas aux porteurs de réaliser pleinement — sinon pas du tout — qu’ils assument indirectement des frais importants par déduction de l’actif des OPC dont ils détiennent les titres. L’importance croissante des composantes opaques des régimes de rémunération des conseillers est préoccupante. Selon la Chambre, elle invite à retourner aux enjeux classiques de transparence de l’offre de valeurs mobilières dans le marché canadien, une question que nous discuterons ci-après dans un premier temps. Elle soulève aussi des questionnements quant aux incidences de ce manque de transparence sur la capacité de l’épargnant de magasiner ses titres d’OPC et de faire jouer la concurrence, un aspect que nous aborderons dans un deuxième temps. (i) La transparence de l’offre des titres d’OPC Il est fondamental au régime de réglementation des valeurs mobilières canadien que l’investisseur soit placé en position de prendre une décision éclairée au moment de compléter un investissement, et ce, en ayant la possibilité raisonnable de tenir compte des frais qui lui sont exigés ou qui lui sont imputés, soit pour réaliser, soit pour conserver son placement en titres d’OPC. La transparence par la divulgation d’information est l’une des principales approches qui ont été retenues de tout temps pour réglementer les marchés de valeurs mobilières au pays52. C’est par ce moyen que l’investisseur a pu traditionnellement obtenir en temps utile toute l’information à laquelle se fier pour décider de ses placements selon ses besoins, ses objectifs, sa situation, sa tolérance au risque, etc. La plupart des sociétés d’OPC placent leurs titres selon plusieurs options de souscription qui concernent généralement la méthode de paiement des frais d’acquisition. Ces options ainsi que les frais d’acquisition et la rémunération du conseiller qui s’y rattachent doivent être indiqués dans le prospectus simplifié de l’OPC et dans l’Aperçu 52 Cette approche se distingue de deux autres, moins usuelles, qui sont l’approche du mérite, où c’est le régulateur qui détermine « au mérite » qui peut distribuer ou non ses valeurs par l’exercice d’une discrétion du type de celle que l’on retrouve à l’article 15 de la Loi sur les valeurs mobilières dans le cas de l’AMF, et l’approche libertaire, qui procède du principe qu’on doive imposer le moins de réglementation possible pour ne pas entraver les transactions d’intervenants présumés honnêtes, tout en réprimant énergiquement la fraude par le recours aux poursuites criminelles : Toward Improved er Disclosure, Report of the TSE Committee on Corporate Disclosure, 1 décembre 1995, p. 23 et ss. - 42 - du fonds prévu par le Règlement 81-101. L’information sur la rémunération du conseiller figurant dans ces documents doit comprendre le taux de commission de suivi applicable (DC, p. 12 et note 23). Certaines composantes du régime de rémunération supportées par l’investisseur ne sont pas suffisamment divulguées. C’est le cas des commissions de suivi. En raison de la diminution de l’importance des commissions calculées sur les ventes, les conseillers se retrouvent maintenant rémunérés en grande partie sous cette forme, à la suite du placement qu’ils ont fait de titres d’OPC. De ce fait, les investisseurs de détail réalisent de moins en moins quels sont les frais qu’ils ont à assumer en conséquence de leur acquisition de titres d’OPC (DC, p. 28). De plus, le fait que les coûts de rémunération des conseillers soient intégrés (opaques) empêche les investisseurs d’exercer un contrôle de ces coûts ou d’influencer leur niveau. En effet, les règles régissant les OPC n’assujettissent pas à un vote des porteurs une augmentation des taux de commissions de suivi (DC, p. 31). S’il n’est pas d’accord avec une augmentation des frais de gestion attribuable à une majoration des commissions de suivi, l’investisseur ne peut que demander le rachat de ses titres (DC, p. 31). Position de la Chambre La Chambre est d’accord avec le principe d’une divulgation distincte de toutes les composantes de la rémunération des conseillers, qui va de soi avec les principes qui guident son action comme OAR et constituerait une mesure équitable pour toutes les parties prenantes, des gestionnaires de sociétés d’OPC aux conseillers. Discussion La proportion de l’épargne totale disponible que les sociétés d’OPC recueillent auprès du public canadien justifie, selon la Chambre, que ces sociétés soient rendues plus imputables de la gestion qu’elles font de cette épargne et, par conséquent, que le public soit mis en position de mieux apprécier ce que les intervenants de l’industrie, tels les conseillers, retirent personnellement de cette activité. Dans une logique de protection du public, la divulgation des différents frais qu’un consommateur de produits et services financiers peut être appelé à supporter en raison de sa détention de titres d’OPC nous semble être la manière la plus efficace de réagir à la problématique identifiée au Document de consultation, tout en maintenant la cohérence dans l’approche réglementaire traditionnellement suivie par les ACVM pour placer l’investisseur en bonne position pour exercer les choix qui lui conviennent. - 43 - La divulgation des frais permanents exigés par les sociétés d’OPC s’effectue présentement sous forme de pourcentage d’une moyenne pondérée de l’actif net des fonds. Les avancées à venir dans la deuxième phase du MRCC promettent d’aller plus loin. Mais cela ne nous semble pas encore suffisant, et d’autres avenues devraient être examinées. Aux États-Unis, où les sociétés de placement qui versent des commissions de suivi aux conseillers assument des frais 12b-1 établis en fonction de l’actif, ces frais sont distincts des frais de gestion53. En Europe, le concept de Document d’information clé pour l’investisseur est promu par la Directive OPCV IV ainsi que la Directive MiFid II de l’Union européenne qui préconisent toutes deux des solutions axées sur la divulgation et la transparence de l’information disponible aux épargnants. À la fin des années 90, Glorianne Stromberg proposait déjà une divulgation des frais de gestion annuels du fonds incluant un exemple de ce qu’il en coûterait pour un investissement de 1 000 $ sur différentes périodes54. De plus, elle suggérait que le montant des frais d’acquisition et des frais permanents supportés par le client en proportion des titres d’OPC qu’il détient soit également fourni sur une base cumulée pour l’année précédant la période couverte par le relevé concerné. Le GAO Report 55 a, quant à lui, proposé la divulgation de ces frais en dollars et en cents pour chaque période visée par un relevé du compte du client du conseiller. On pourrait par exemple inclure au relevé la valeur qui a été déduite de la valeur des titres d’OPC que détient ce porteur au titre des frais, de même que le montant cumulé en dollars et en cents qui a été ainsi déduit de cette valeur depuis que le porteur a fait l’acquisition de ces titres ou depuis le début de l’année, selon l’éventualité la plus proche. La Chambre estime que faire apparaître ce montant dans les relevés des clients porteurs de titres d’OPC pourrait être de nature à : • encourager certains gestionnaires de fonds à réduire leur rémunération afin d’accroître leur capacité de développement de marché; • faciliter aux porteurs la comparaison entre les frais d’OPC qu’ils assument comparativement aux frais qui peuvent être exigés d’eux pour la prestation 53 54 55 Le Règlement 12b-1 pris en vertu de l’Investment Company Act of 1940 autorise la facturation de frais 12b-1 à une société de placement, sous réserve de la conformité à diverses obligations sur les conflits d’intérêts qui surviennent entre une société de placement et son gestionnaire de fonds lorsqu’elle assume elle-même ses frais relatifs au placement. Stratégie Globale, Qu’avez-vous besoin de plus?, perspective automne 1997, p. 13. US General Accounting Office, op. cit., note 15, p. 13. - 44 - d’autres types de produits ou services financiers (par ex. : les frais de courtage en valeurs mobilières ou de services bancaires); • aider les porteurs à mieux réaliser la valeur véritable des services qui leur sont offerts par leur OPC ou leur conseiller en contrepartie des frais de gestion et notamment, des commissions de suivi dont on leur fait assumer le paiement; et • encourager une compétition nouvelle sur la base des frais exigés, faisant ainsi une pression à la baisse sur leur niveau au bénéfice du porteur. Aujourd’hui, la détermination en temps réel du montant réellement supporté par le client à titre de frais payés ou de rendement perdu pourrait, nous semble-t-il, être effectuée assez facilement à l’aide de la technologie selon la même périodicité que les relevés de compte transmis au client. Même si les mesures de transparence sont susceptibles d’être perçues positivement par les porteurs de titres d’OPC à titre de mesures de protection du consommateur, il y aurait quand même lieu, avant de les envisager, d’évaluer les coûts de préparation et de fourniture des renseignements que ces mesures pourraient représenter pour les sociétés d’OPC et, indirectement, pour les porteurs eux-mêmes appelés à les assumer. (ii) La concurrence dans les conditions d’offre des titres d’OPC « Ensuring transparency [...] encourages competition among fund operators. Competition leads to a more efficient market from which investors eventually benefit. » 56 Les économistes classifient souvent les différents types d’industrie par le type de concurrence qui prévaut pour les produits transigés dans ces marchés. Par exemple, des marchés parfaitement compétitifs comprendront un grand nombre de firmes participantes qui sont en concurrence, la possibilité d’entrer facilement dans cette industrie, et des produits standardisés. Ces marchés permettent de transiger des produits qui sont comme des marchandises : toutes les unités qui sont offertes sont fondamentalement les mêmes, comme les produits agricoles. Dans ces marchés, les produits qui sont offerts par une firme sont souvent très près, sinon même un substitut parfait, de ceux qui sont offerts par les autres. C’est pourquoi dans ces marchés, les participants sont incapables d’exiger un prix qui soit très différent de celui offert par le marché dans son ensemble. 56 The Technical Committee of the International Organization of Securities Commissions, Final Report on Elements of International Regulatory Standards on Fees and Expenses of Investments Funds, novembre 2004, p. 1. - 45 - Par ailleurs, d’autres types d’industrie donnent lieu à une concurrence dite « monopolistique » parce que même s’ils comprennent un grand nombre de firmes auxquelles l’accès à cette industrie est facile, leurs produits diffèrent par les caractéristiques qu’ils présentent, comme la qualité du produit ou du service offert. Parce que ces produits sont différents, les firmes peuvent donc exiger des prix différents de ceux qui sont offerts par les autres firmes de la même industrie. Cette capacité de distinguer le produit d’une firme par rapport aux autres peut se traduire par des structures de prix plus élevées que ce qui pourrait être exigé dans un marché parfaitement compétitif. C’est le cas de l’industrie des OPC. Il est d’usage, pour les régulateurs, de miser sur la concurrence comme l’un des moyens par excellence de contrôler les frais qui sont exigés par les sociétés d’OPC. En général, les industries, où plusieurs firmes se concurrencent pour les volumes d’affaires, présentent des niveaux de prix moins élevés que ceux des industries où il y a moins de firmes en concurrence. Il faut reconnaître que même s’il y a des milliers d’OPC qui sont en concurrence active pour les dollars des épargnants, cette concurrence peut ne pas être assez forte pour contrôler les niveaux de frais, car les gestionnaires se concurrencent généralement bien plus sur le plan de la performance (mesurée par les rendements nets après le paiement des frais) ou des services fournis que sur celui des frais exigés57. Les gestionnaires d’OPC cherchent généralement à se différencier des autres en faisant la promotion des rendements obtenus sur leurs fonds et des services qu’ils fournissent. Cette façon de faire porter les efforts de marketing sur la performance et les services et de les présenter comme étant différents de ceux qui sont offerts par leurs concurrents permet aux gestionnaires d’éviter une concurrence plus fondamentale sur la base des prix à l’épargnant tels que représentés par les ratios de frais de gestion exigés aux porteurs de titres d’OPC. Cette stratégie est typique chez les sociétés d’OPC qui gèrent des fonds d’action58. Le Document de consultation (DC, pp. 21 et ss.) démontre clairement qu’en matière de frais d’acquisition à tout le moins, les forces concurrentielles peuvent réagir lorsqu’il le faut aux décisions prises par les investisseurs. Il souligne par exemple que les frais d’acquisition à l’entrée (Front-End Load) sont généralement négociables, et qu’ils sont effectivement négociés, entre les clients et les conseillers. La Chambre admet qu’à cet égard, des mesures de divulgation et de transparence devraient être encouragées afin de s’assurer que le client puisse bénéficier d’une égalité des chances raisonnable dans sa capacité d’obtenir les meilleurs termes possible de son conseiller lorsque l’option de souscription qu’il choisit laisse place à la négociation de 57 58 Supra, note 20; DC, p. 7. Ibid; DC, p. 12. - 46 - gré à gré59. À cette fin, on devrait notamment favoriser la divulgation au client des jalons (breakpoints), c’est-à-dire des seuils de montants investis donnant accès à des escomptes de frais d’acquisition, de même que des modalités contractuelles auxquelles ces escomptes deviennent disponibles au client60. Pour la Chambre, la question des niveaux de frais d’OPC qui seraient moins compétitifs au Canada par rapport à d’autres économies développées n’apparaît pas être fondamentalement une matière dont il faudrait traiter par des mesures de réglementation comme les plafonnements, les contrôles de prix ou les interdictions. Toutefois, il faut reconnaître que certaines règles pourraient être mises à contribution pour favoriser l’expression de la concurrence dans le marché, de telle manière que des pressions sur les prix puissent en découler au bénéfice ultime des souscripteurs de titres d’OPC. Ce serait par exemple le cas si, au-delà des simples mesures de divulgation distincte des diverses composantes du régime de rémunération des conseillers que le souscripteur/porteur de titres d’OPC est appelé à supporter directement ou indirectement, on puisse mettre à la disposition du public des outils de comparaison mettant à profit la technologie moderne et décuplant la capacité de l’investisseur de réaliser facilement des choix éclairés dans la sélection des titres dans lesquels il investira61. 4.4 Réglementer les frais eux-mêmes? Cette proposition des ACVM est à deux volets. Le premier volet vise l’adoption d’une réglementation qui plafonnerait les frais d’OPC ou les sommes pouvant être affectées au paiement de commissions de suivi, de manière à mitiger les incidences de ce mode de rémunération sur les conflits d’intérêts des conseillers et le manque de corrélation entre les coûts aux porteurs et les prestations des conseillers. 59 60 61 En vertu des réformes britanniques et australiennes récentes, le conseiller et son cabinet sont légalement obligés de négocier la rémunération qu’ils recevront pour leurs services en matière de titres d’OPC sur une base de gré à gré avec le client. Selon la Chambre, il est probable que cette obligation se traduira rapidement par l’offre aux clients de contrats d’adhésion où ceux-ci n’auront que peu à dire, sinon qu’à inscrire un crochet dans une boîte ou une autre. Par ailleurs, il faut reconnaître que cette obligation de négocier, même si elle risque de devenir théorique, pourrait compléter celle qui serait faite aux sociétés d’OPC de prévoir des divulgations plus claires sur les différentes composantes du régime de rémunération des conseillers et de leurs implications de tous ordres pour l’investisseur. Voir à ce sujet : Financial Industry Regulatory Authority (« FINRA »), Mutual Fund Breakpoints: A Break Worth Taking, Investor Alerts, 14 janvier 2003. Voir infra, partie V - Mesures Additionnelles à considérer, p. 62. - 47 - Pourrait ainsi être limitée la tranche d’actif que le gestionnaire de l’OPC peut affecter au paiement de commissions de suivi, ou le montant total de frais d’acquisition à l’entrée et de courtages permanents que l’investisseur individuel peut avoir à payer pendant la durée de son placement dans l’OPC. Le deuxième volet propose que les ACVM puissent tout simplement interdire le versement aux conseillers de commissions de vente et de suivi par les sociétés d’OPC. Position de la Chambre La Chambre exprime ses réserves quant à ces deux approches de réglementation directe ou indirecte des frais. Examinons pourquoi dans chaque cas. (i) Plafonnement des frais Discussion La logique suivie par la législation en valeurs mobilières est qu’il appartient à l’investisseur de faire ses choix sur la base de l’information dont il a besoin (celle qu’il obtient dans la documentation préparée conformément aux règles et de son conseiller agissant selon les règles de déontologie qui le gouvernent (et qu’il lui revient de prendre ses propres décisions. Si l’investisseur ne démontre pas la prudence minimale dont les autorités de réglementation se doivent de présumer chez l’investisseur, cette même logique prévoit que c’est lui qui en subit les conséquences. Il faut s’inquiéter du fait que les investisseurs puissent ne pas tenir suffisamment compte des frais d’OPC lorsqu’ils prennent leur décision d’en acquérir. Mais la Chambre est d'avis que ce n’est pas vraiment là une raison qui justifierait de substituer l’appréciation des régulateurs à celle de l’investisseur type. Une approche au mérite, qui laisserait aux régulateurs le soin de décider si une situation ou une autre se mérite ou non la confiance du public (par opposition à un régime de divulgation laissant au client lui-même le soin de décider si, dans les circonstances qui sont portées à sa connaissance, il peut avoir confiance en son conseiller) apparaît être une solution d’un autre âge. C’est malheureusement une approche méritocratique de ce type qui a été promue aux États-Unis et qui est citée comme précédent de norme de plafonnement des frais à considérer au Document de consultation. Il y a trois ans, des normes qui régissaient le paiement des commissions de suivi ont été proposées aux États-Unis. Un projet de nouveau Règlement 12b-2 pris en vertu de - 48 - l’Investment Company Act of 1940 allant dans le sens des mesures de contrôle des frais dont les ACVM veulent discuter au Canada a été publié par la Securities and Exchange Commission américaine (« SEC »). Cette proposition de réforme n’a pas encore eu de suite. La FINRA, un OAR reconnu par la SEC, impose quant à elle des plafonds qui interdisent aux conseillers qui en sont membres d’offrir et de vendre des actions d’une société de placement si les frais d’acquisition décrits dans le prospectus sont « excessifs ». Ce qui est excessif est quantifié par des limites précises sur les frais d’acquisition prévues aux règles de conduite de la FINRA62. Ces mêmes règles imposent également des plafonds sur les taux de commissions de suivi pour les sociétés de placement comportant des frais et celles qui n’en comportent pas. Dans le secteur du courtage en valeurs de plein exercice, on ne voit rien de comparable. Une étude récente du personnel de la SEC enseigne d’ailleurs ce qui suit relativement à la rémunération des courtiers en placement63 : « SRO rules generally require broker-dealer prices for securities and compensation for services to be fair and reasonable taking into consideration all relevant circumstances64 . Generally, this requirement prohibits a member from entering into any transaction with a customer in any security at any price not reasonably related to the current market price of the security or to charge a commission that is not reasonable65. Recognizing that what may be “fair” (or reasonable) in one transaction could be “unfair” (or unreasonable) in another, FINRA has provided guidance on what may constitute a “fair” mark-up. » 62 63 64 65 On comprend cette approche de la FINRA de limiter ce concept par des règles parce qu’aux États-Unis la Cour suprême a établi, dans l’arrêt Gartenberg v. Merrill Lynch Asset Management, Inc., 694 F. 2d 923, 928 (CA 2), un test très favorable à l’industrie pour apprécier si la rémunération d’un conseiller ou d’un gestionnaire d’OPC est tellement élevée qu’elle doit être considérée excessive et contraire à son obligation fiduciaire. Ce test, qui vient d’être confirmé et appliqué par le plus haut tribunal américain dans Jones et Al. v. Harris Associates L.P. [No. 08-586] (30 mars 2010) consiste essentiellement à déterminer si le conseiller/gestionnaire a imposé des frais si disproportionnellement importants qu’il est impossible de relier ces frais à la prestation de services ni qu’il est possible de conclure que ces frais sont le fruit d’une négociation indépendante entre le client et le conseiller/gestionnaire (nos soulignés). Il n’y a, au Canada, aucun test judiciaire équivalent qui viendrait libéraliser indûment ce que l’industrie peut exiger comme rémunération dans l’application des principes prévus aux règles de déontologie qui la gouvernent. Study on Investment Advisers and Broker-Dealers, as Required by Section 913 of the Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, janvier 2011. Ibid, voir NASD Rule 2440 (Fair Prices and Commissions), IM-2440-1 (Mark-Up Policy), and IM2440-2 (Mark-Up Policy for Debt Securities) où on lit, entre autres, que «... when acting as principal, a member is required to buy from or sell to his customer a security at a price which is fair, taking into consideration all relevant circumstances, including market conditions with respect to such security at the time of the transaction, the expense involved, and the fact that he is entitled to a profit » (NASD Rule 2440) (notre souligné). Ibid, IM-2440-1 (Mark-Up Policy). - 49 - La Chambre comprend bien que les ACVM, tout comme les OAR du reste, se doivent de prendre en compte les précédents établis dans les territoires où opèrent des marchés concurrents, dont l’efficacité ou l’intégrité accrues peuvent toujours susciter un plus grand attrait chez les détenteurs canadiens de capitaux. Cela fait partie du bon exercice de leur mission. Mais il faut aussi prendre en compte l’ensemble des caractéristiques des marchés concernés, les régimes juridiques et les usages. Nous ne croyons pas, dans le contexte de notre marché, que la façon de faire de la FINRA devrait inspirer les ACVM. La Chambre a fait valoir plus haut qu’en matière de distribution de titres d’OPC, la concurrence dans le marché peut jouer son rôle sur les prix et les conditions d’offre, et que rien ne permet de croire qu’au Canada, elle ne puisse être suffisamment réactive sur les niveaux de frais eu égard aux préférences exprimées par les épargnants et à leurs décisions d’investissement en fonction de ce qu’ils perçoivent comme leur meilleur intérêt. Ce serait donc par des mesures visant à catalyser la concurrence (transparence, information, éducation de l’investisseur, fiscalité, tarification, etc.), et non pas par un contrôle réglementaire des prix, qu’il faudrait d’abord agir afin : • d’éviter que le marché des investisseurs de détail ne soit lésé par l’imposition de frais d’OPC abusifs; et • de rétablir la compétitivité des niveaux de frais d’OPC au Canada par rapport à ceux d’autres économies développées. Les pratiques reconnues de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (« OICV ») en matière de frais d’OPC supportent d’ailleurs ce point de vue : « As a general rule, regulators do not dictate the level of fees and expenses; the focus of regulatory approaches has been to promote a competitive and informed market, which will then ensure that fees and expenses are understood in the context of the type and quality of services provided. » 66 Le personnel de la SEC a par ailleurs promu par le passé une approche par principe plus souple pour juger de l’adéquation des honoraires exigés de son client par un conseiller : « With respect to […] fees in general, the staff believes that an investment adviser who charges a fee for his services larger than that normally charged by other 66 Op. cit., note 56. La Cour suprême des États-Unis, dans sa décision Jones et Al. v. Harris Associates L.P. (op. cit., note 62), maintenant l’arrêt de principe en matière de frais d’OPC dans ce pays, a également constaté que la prolifération d’OPC dans le marché américain actuel permettait le magasinage par les investisseurs des titres d’OPC offrant les meilleurs rendements, ce qui générait une saine compétition entre les fonds et avait généralement pour effet de garder les frais d’OPC relativement bas. - 50 advisers (taking into consideration factors such as the size, location, and nature of the advisory businesses to be compared) has a duty to disclose to his clients that the same or similar services may be available at a lower fee. Beyond that disclosure obligation, the staff generally believes that whether a particular fee violates section 206 depends upon whether the fee is reasonable in relation to the services provided, which necessarily involves examining the facts and circumstances surrounding a particular adviser/client relationship. Among the factors to be considered are (1) the customary fees charged by other advisers for comparable services, (2) whether the same services could be obtained by the client directly without the adviser's assistance and cost, and (3) whether the adviser has a reasonable belief that his services would generate gains in excess of the fee charged. »67 (notre souligné) À l’OCRCVM, la détermination du régime de rémunération qui doit gouverner la prestation de services d’une firme membre à un client de détail fait l’objet de l’obligation de convenance dont le représentant doit s’acquitter. En ce cas, indique l’OCRCVM dans son projet de note d’orientation 12-0253 du 14 août 2012, ce sont les faits essentiels et la situation du client qui détermineront si son conseiller devrait être rémunéré à commission ou à honoraires, selon l’option de souscription qui lui convient le mieux. À l’instar du personnel de la SEC, l’OCRCVM démontre beaucoup de souplesse « compte tenu de la complexité des résultats pouvant découler des différents choix de rémunération et de l’interaction entre les divers facteurs de convenance » (Ibid; DC, p. 9). Cette position va dans le même sens que nos commentaires sur la transparence des frais et ses incidences positives sur la capacité du client de faire des choix informés et la discipline de la concurrence sur le niveau des frais. Nous croyons que c’est celle qui devrait inspirer la réflexion des ACVM. En terminant, nous rappelons qu’en principe, toute mesure réglementaire qui restreindrait indûment la capacité d’un OPC de distribuer ses titres, ce qui serait vraisemblablement le cas de plafonnements visant à réduire des niveaux de frais jugés exagérés, pourrait avoir une incidence assez importante sur le montant des frais fixes qu’il doit imputer à son actif et faire indirectement supporter aux porteurs. (ii) Interdire les commissions Le Document de consultation mentionne que pour régler les conflits d’intérêts réels ou apparents liés à la rémunération intégrée des conseillers tout en favorisant la transparence, la négociabilité et l’équité des coûts rattachés aux services continus des 67 Ibid; voir Shareholder Service Corp., SEC Staff No-Action Letter (Feb. 3, 1989). - 51 - conseillers pour les investisseurs, des mesures pourraient être adoptées pour interdire le versement aux conseillers de commissions de vente et de suivi. Selon cette politique, la rémunération des conseillers ne serait plus intégrée aux frais de gestion facturés sur l’OPC; les conseillers devraient plutôt discuter avec leurs clients de la façon dont ils seraient rémunérés pour la vente des placements dans l’OPC et les services continus connexes, et obtenir leur approbation sur le modèle de rémunération proposé. Les frais associés à l’acquisition de titres d’un OPC pourraient être acquittés au moyen d’une déduction du placement du client ou de façon séparée. Sous l’option de souscription qui traduirait ce régime, le ratio des frais de gestion d’un OPC représenterait les coûts d’exploitation du fonds, indépendamment de la rémunération des conseillers, ce qui faciliterait l’accès aux frais d’acquisition et des services des conseillers et des coûts opérationnels de l’OPC, de même que leur comparaison. Discussion Il semble assez évident que cette proposition d’interdire la rémunération à commission s’appuie sur deux précédents étrangers : • l’initiative de Retail Distribution Review (RDR) britannique et les effets qu’elle a générés sur les règles dorénavant prévues au Handbook de la nouvelle Financial Conduct Authority (« FCA »), un régulateur de conduite des affaires issu de l’ancienne Financial Services Authority (« FSA »); et • la réforme australienne de juillet 2012, qui a interdit les commissions qui pourraient inciter les fournisseurs de produits à influencer les recommandations des conseillers et qui a inclus les commissions et les commissions de suivi dans cette catégorie. Ces deux politiques sont basées sur une prémisse relativement simple : un conseiller payé à commission sur des ventes doit être présumé partial dans les conseils qu’il peut donner sur les produits, et il n’est pas en mesure de bien conseiller son client. La FSA (la FCA depuis le 1er avril de cette année) estime en effet qu’une personne (conseiller) qui a le devoir réglementaire de bien conseiller son client (épargnant) quant à l’opportunité d’acquérir un produit financier (titre d’OPC) parmi ceux offerts par plusieurs manufacturiers (OPC) ne peut s’acquitter de ce devoir convenablement pour cause de conflit d’intérêts si elle touche une commission du manufacturier (société d’OPC) sur la vente du produit qu’elle conseille ultimement au client d’acquérir, d’où la - 52 - nécessité d’interdire le mode de rémunération à commission pour éliminer ce conflit fatal et permettre au conseiller de donner des conseils appropriés. Cette mesure britannique est controversée et est loin de faire l’unanimité en Europe68. Nous reviendrons plus loin sur l’aspect de conflit d’intérêts fatal où se trouverait placé un conseiller qui reçoit des commissions69 lorsque nous discuterons de propositions d’adopter des règles de conduite additionnelles des conseillers. À notre avis, l’interdiction des commissions n’est en effet pas une véritable mesure de contrôle des prix, mais une mesure de déontologie du conseiller. La Chambre désire toutefois soumettre ce qui suit aux ACVM relativement à la politique de dissociation de la fonction-conseil de la fonction d’intermédiation que semble préconiser cette mesure. Le modèle de réglementation et d’autoréglementation des représentants qui mènent au Québec des activités dans les disciplines de sécurité financière repose d’abord sur la multidisciplinarité, mais aussi, comme la plupart des législations en valeurs mobilières au Canada pour les courtiers en placement, sur un alliage très étroit des fonctions de conseil et d’intermédiation sur la tête des mêmes individus. Dans certains cas, des frais de services ou des honoraires peuvent être payables, mais, la plupart du temps, le représentant qui est obligé par la loi de conseiller son client relativement aux produits et services qu’il offre, sera rémunéré par voie de commissions, à la connaissance du client qui en aura été avisé au préalable70. Cela porte à croire que la mesure proposée ici remettrait trop fondamentalement en cause certains principes de base régissant l’industrie et son encadrement au Canada, sinon la fonction même de courtier en placement, de courtier en épargne collective et de représentant telle qu’on la conçoit traditionnellement. 4.5 Imposer des règles de conduite additionnelles? Les ACVM semblent d’avis que le régime de rémunération intégrée des conseillers est de nature à occasionner des conflits d’intérêts réels ou apparents, lesquels font en sorte que les intérêts des conseillers et ceux des investisseurs ne sont pas alignés, ou paraissent ne pas l’être. 68 69 70 Voir OCRCVM, Appel à commentaires sur le projet de note d’orientation sur les structures de rémunération pour comptes de placement de détail, Avis 12-0253 du 14 août 2012, p. 2. Voir infra, section 4.5 – Imposer des règles de conduite additionnelles?, p. 52. L’OCRCVM indiquait d’ailleurs que dans le domaine du courtage de plein exercice, les comptes dits « à commissions » représentaient presque 60 % de la totalité des actifs du courtage de détail au Canada en décembre 2011 : OCRCVM, op.cit., note 68, p. 5. - 53 - Elles ont l’impression que la structure de rémunération des conseillers pratiquée par l’industrie de l’épargne collective au Canada peut, d’une part, inciter les conseillers à conseiller et à recommander des titres d’OPC qui leur procureront des commissions plus élevées si leurs clients en font l’acquisition et les détiennent par la suite et, d’autre part, à manquer à leur obligation d’agir dans le meilleur intérêt de leurs clients. Cette impression est renforcée par le fait que : • plus les conseillers rapportent de commissions ou de frais aux sociétés d’OPC, plus la portion de ces revenus qui leur revient est élevée (DC, p. 37); et • la pratique de l’industrie des ententes de conversion automatique, qui accroissent avec le temps la rémunération du conseiller dont le client a acquis des titres d’OPC et les garde en portefeuille, peut inciter les conseillers à recommander à leurs clients de conserver encore plus longtemps leurs investissements dans un OPC donné, même si ce n’est pas dans leur intérêt (DC, p. 38). Les épargnants n’entretiennent pas les mêmes doutes. Selon les études auxquelles réfère le Document de consultation, sept investisseurs sur dix estiment que leur conseiller a le devoir légal de faire passer leurs intérêts avant les siens. Ils comptent sur leur conseiller pour sélectionner le placement qui leur convient le mieux, et ils sont pour la plupart persuadés que c’est ce qu’il fera, même si l’acquisition du placement recommandé vaut au conseiller une commission moins élevée (DC, p. 40). Le Document de consultation fait remarquer que les règles présentement appliquées pour encadrer les conflits d’intérêts des conseillers ne tiennent pas pour acquis que leur régime de rémunération peut entraîner des conflits qu’il leur faut régler au mieux des intérêts de leurs clients. Cette situation ferait que les conseillers ont la latitude suffisante pour recommander à leurs clients des titres OPC qui versent des commissions de suivi plus importantes et dont le coût est passé à leurs porteurs, par opposition à d’autres titres dont les conditions d’offre seraient moins coûteuses et qui représenteraient malgré tout une forme d’investissement de qualité comparable et convenant tout aussi bien au client. Pour aider à mitiger les incidences de cette situation, les ACVM mentionnent qu’elles pourraient imposer aux conseillers une obligation de faire passer les intérêts de leurs clients avant les leurs. Le Document de consultation souligne que dans les juridictions canadiennes de common law, la norme applicable est que le conseiller doit agir avec honnêteté, bonne foi et loyauté dans ses relations avec ses clients, et que cette norme est complétée par deux devoirs : celui de faire des recommandations d’investissement qui conviennent au client, et celui de détecter et de gérer les conflits d’intérêts qui peuvent nuire à ce - 54 - dernier71. Les ACVM se demandent s’il est possible que cette norme ne suffise pas à compenser l’influence du régime de rémunération de l’industrie sur la conduite des conseillers (DC, pp. 38-39). Discussion (i) Devoir fiduciaire Dans sa réponse du 1er mars 2013 au Document de consultation 33-403 des ACVM intitulé Normes de conduite des conseillers et des courtiers, la Chambre a soutenu que les conseillers doivent déjà agir dans le meilleur intérêt du client au Québec, car ils ont l’obligation d’agir avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté et bonne foi à son endroit72. Pourtant, même si la Chambre partageait la préoccupation des ACVM pour une parité pancanadienne des devoirs d’agir dans le meilleur intérêt des clients, elle concluait que le dénominateur commun des normes de conduite caractéristiques du devoir fiduciaire, proposé par les ACVM, était déjà atteint au Québec et qu’il y avait donc peu à faire pour atteindre cette parité normative sur son territoire. Par ailleurs, si la Chambre obtient du législateur ou de l’AMF d’exercer l'ancien pouvoir de la Commission des valeurs mobilières du Québec de prescrire des règles de déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (épargne collective et plans de bourses d’études), qui a été maintenu à l'AMF en 2002 et dont l’exercice par cette dernière fait l’objet depuis lors de consultations auprès de la Chambre, il nous sera possible de considérer la possibilité d’harmoniser le libellé de ses règles avec celui qui serait utilisé dans les autres territoires canadiens pour traduire un devoir fiduciaire des conseillers dans la législation en valeurs mobilières. Position de la Chambre La Chambre est d’accord avec le principe d’une parité pancanadienne des devoirs d’agir dans le meilleur intérêt des clients et d’une harmonisation interterritoriale des règles pour établir cette parité. 71 72 Voir à ce sujet les Règles 2.1.4 et 2.2.1 de l’ACFM ainsi que les paragraphes p) et q) de la Règle 1300.1 et de la Règle 42 de l’OCRCVM. En vertu du droit québécois, c’est l’alliage des règles de conduite prévues au Code civil du Québec, à la Loi sur les valeurs mobilières, au Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, au Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières, au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites et, pour les représentants de plein exercice, aux règles de l’OCRCVM, qui font en sorte que les conseillers doivent respecter une norme de conduite sensiblement égale à celle qui leur incomberait si le devoir fiduciaire de common law leur incombait, celle d’agir dans le meilleur intérêt de leur client. - 55 - (ii) Conflits d’intérêts Les règles présentement appliquées pour encadrer les conflits d’intérêts des conseillers doivent-elles tenir pour acquis que leur régime de rémunération peut entraîner des situations de conflits qu’il leur faut régler au mieux des intérêts de leurs clients? On peut penser à une multitude de circonstances qui peuvent inciter les conseillers à se détourner de leurs devoirs déontologiques. On ne peut nier qu’il peut exister des cas où certaines structures de rémunération des conseillers auraient cet effet, auquel cas le régulateur et l’organisme d’autoréglementation compétent se devraient d’être vigilants. Si un représentant est conscient du fait qu’il va être payé davantage s’il atteint certains niveaux cibles de commissions, il pourrait théoriquement y trouver la motivation de baratter le ou les comptes du client, de lui recommander d’investir dans les produits qui ne lui conviennent pas ou, généralement, de s’engager dans toute activité susceptible de générer des revenus de commissions sans qu’elle soit dans l’intérêt de l’investisseur73. Les conflits d’intérêts peuvent se produire entre les intérêts des clients, les intérêts des employeurs et l’intérêt personnel du conseiller lui-même. Gérer ces conflits fait partie intégrante des opérations menées dans l’industrie par les régulateurs et les OAR, et peut prendre diverses formes. La pratique exemplaire est de tenter de les éviter autant que possible, mais lorsqu’ils ne peuvent raisonnablement être évités, c’est la divulgation de leur existence qui est l’approche à suivre. Dans ces situations, le conseiller se devrait de divulguer toutes les informations qui peuvent être raisonnablement considérées comme ayant une incidence sur sa capacité d’être objectif dans la prestation de ses services et sa fourniture de conseils, de manière à permettre aux clients d’évaluer ses motivations ainsi que son possible manque d’objectivité à leur endroit. Pour être efficace, cette divulgation se devrait aussi d’être clairement faite et d’une manière qui permette de communiquer efficacement l’information aux clients actuels ou potentiels. Il appartiendrait alors au représentant de déterminer combien de fois, de quelle façon et dans quelles circonstances particulières la divulgation des conflits devrait être faite aux clients. C’est ce que le devoir de déontologie du conseiller commanderait et, de l’avis de la Chambre, c’est toujours la meilleure approche pour composer réalistement et au mieux avec la problématique des frais d’OPC et ses effets possibles sur la conduite des conseillers. 73 Voir Chairman Shapiro issues open letter to broker-dealer CEOs, SEC release 2009-189, 31 août 2009. - 56 - Position de la Chambre Par une divulgation appropriée dans des circonstances à définir, un client devrait être admis à réaliser pleinement que le conseiller avec lequel il fait affaire : ● ● ● est rémunéré le cas échéant par le manufacturier du produit sur lequel le client réalisera une opération sur recommandation du conseiller; peut recommander de choisir ce produit parmi plusieurs autres qui sont offerts sur le marché et qui lui vaudront de percevoir une rémunération plus ou moins élevée, selon que le client qui en fait l’acquisition les garde en portefeuille; recommande un produit qui est, ou n’est pas, celui dont le coût au client sera le plus bas et pourquoi. Il faut en effet faire confiance aux parties à une transaction de détail sur les titres d’OPC. Au départ, il faut un conseiller en qui l’épargnant a confiance, et un conseiller qui se comporte de manière à mériter cette confiance. On ne peut élaborer des mesures pour réglementer la conduite des conseillers autrement qu’en présumant de leur honnêteté et de leur bonne foi. Pour la presque totalité, les conseillers représentent un groupe d’intervenants qui sont respectueux des règles en valeurs mobilières et qui déploient les efforts requis pour s’y conformer. Les ACVM doivent miser sur cette réalité. Les ACVM devraient également faire confiance à la capacité d’un client — mis en garde et auquel on donne les moyens de s’informer et de magasiner — d’apprécier si le conseiller se trouve à tel point en situation de conflit eu égard à sa rémunération qu’il ne peut lui être loyal dans la prestation de services-conseils et sa recommandation d’un investissement censé lui convenir. Nous pensons qu’il serait sage que les régulateurs laissent à ce client le soin de décider si les impressions que lui attribue le Document de consultation sont fondées ou non, dans son cas précis, par rapport à un conseiller donné et à une opération précise. Le projet de note d’orientation sur les structures de rémunération (12-0253 du 14 août 2012) de l’OCRCVM démontre bien que dans le respect de règles de déontologie appropriées, il est possible pour une firme de courtage et pour un représentant d’ajuster leurs relations avec le client d’une manière qui soit conforme aux règles d’éthique applicables et qui fasse en sorte que le client soit traité d’une manière conforme à son meilleur intérêt. Il s’agit là d’une vision qui concorde en tous points avec les orientations générales promues par la Chambre, et que nous recommandons à la considération des ACVM. - 57 - (iii) Précédents Certains précédents étrangers auxquels se réfèrent les ACVM sont partagés sur le postulat que la rémunération du conseiller le place automatiquement en conflit d’intérêts. La réforme australienne de juillet 2012 interdit les commissions qui pourraient inciter les fournisseurs de produits à influencer les recommandations des conseillers, comme les commissions et les commissions de suivi. Elle tient donc pour acquis que le conseiller type sera tout probablement empêché de s’acquitter adéquatement de ses devoirs déontologiques à l’égard du client parce que l’émetteur des titres qu’il recommande le rémunère, ou le rémunère davantage. Nous avons déjà parlé de la position britannique74, au même effet que la position australienne sur le plan des principes. Or, la pensée de la FSA semble devoir évoluer à ce sujet, car cette dernière a publié, en janvier 2013, un énoncé de politique concernant les incitatifs financiers à la vente et les risques en découlant pour les clients. La FSA y tient des propos beaucoup plus pragmatiques qu’auparavant sur une problématique qui est en tous points identique à celle qu’elle a décidé de régler en interdisant les commissions aux conseillers dans l’industrie de l’épargne collective : « We know that the way sales staff are paid influences how and what they sell to consumers. Equally, we recognize that firms may want to incentivise their staff to sell. We do not have a problem with incentive schemes, but they must never be at the customer’s expense and the risks need to be managed properly. Consumers must be confident they are being sold a product for the right reasons. »75 Dans sa ligne directrice, la FSA exige maintenant des firmes (dans notre cas, ce pourrait être les sociétés d’OPC et les courtiers en fonds communs de placement inscrits) de : 74 75 • vérifier de façon appropriée si les structures de rémunération qu’elles ont mises en place accroissent le risque qu’une transaction non appropriée intervienne avec les clients de détail et, si oui, comment; • réviser leurs procédures de gouvernance et de contrôle afin de vérifier si elles sont adéquates; Voir supra, section 4.4(ii) – Réglementer les frais eux-mêmes? – Interdire les commissions, p. 50. Final guidance – Risks to customers from financial incentives, FSA, 13 janvier 2013, p. 11. - 58 - • prendre action pour redresser les anomalies ou les insuffisances, et donc modifier la gouvernance et/ou les contrôles ou modifier les structures de rémunération risquées; • lorsque les risques afférents à un régime de rémunération ne peuvent pas être mitigés adéquatement, prendre action pour les modifier; et • lorsqu’une problématique récurrente est identifiée, enquêter, prendre action et indemniser les consommateurs lorsque ceux-ci ont subi des dommages. Les politiques et les procédures de contrôle des régimes de rémunération et des conflits d’intérêts susceptibles d’en découler incluraient, entre autres, des contrôles améliorés, un monitoring plus suivi de la force de vente, un suivi plus rigoureux des caractéristiques de régime de rémunération qui, à leur face même, sont susceptibles d’accroître les risques de manquements à la conformité au détriment du client, les contrôles propres à identifier activement les conduites inappropriées de la force de vente dans le cadre des échanges personnels en présence du client, d’amélioration des mécanismes de gouvernance liés à l’élaboration et à l’approbation des régimes de rémunération et la révision d’activités passées, afin de déterminer si des activités inappropriées de distribution sont survenues systématiquement dans le passé en raison de la présence des risques qui sont dorénavant mieux contrôlés et gérés. Cette vision des pratiques de l’industrie financière nous apparaît moins dogmatique et plus conforme aux réalités d’affaires avec lesquelles le public canadien est habitué de composer. À l’instar de cette vision, la Chambre soumet aux ACVM que les questions de rémunération doivent faire l’objet d’un encadrement misant sur un ensemble de mesures bien intégrées, au sein d’une stratégie qui s’attaque aux véritables enjeux. Position de la Chambre Selon la Chambre, le fait qu’un conseiller soit rémunéré en fonction d’un volume d’affaires qu’il aide à générer à une société d’OPC ne le place pas automatiquement en conflit d’intérêts. Toutefois, des circonstances peuvent survenir qui placent le conseiller en situation de conflit et exigent que des mesures de gestion et de mitigation soient prises aux termes des règles déontologiques qui régissent sa conduite. - 59 - Ces mesures devraient être prévues aux politiques et procédures de contrôle et de gestion des risques que la réglementation en valeurs mobilières commande de mettre en place, en vue de prévenir les situations où les conseillers peuvent être incités à réaliser des ventes inappropriées par le régime de rémunération afférent. L’Autorité européenne des marchés financiers est d’un avis similaire. Elle ne considère le régime de rémunération du conseiller que comme un risque de conformité aux règles d’éthique et de conflits d’intérêts. Sur cette base, ce risque doit être géré et mitigé comme les autres par des politiques et procédures de contrôle. Par ailleurs, les entités réglementées sont obligées de veiller à ce que la forme de rémunération offerte aux conseillers n’ait pas pour effet de contourner l’application des règles et politiques réglementaires. Cette approche concorde en tous points avec notre propre vision des choses (DC, p. 49). (iv) Politiques et procédures Lorsqu’on parle de politiques et de procédures de conformité et de contrôle dans le contexte de la gestion de situations de conflits d’intérêts chez les représentants, nous référons d’abord à celles des courtiers en fonds communs de placement inscrits sous la Loi sur les valeurs mobilières auxquels ces représentants sont rattachés. La bonne conduite des représentants en matière de services à leur client, malgré les structures de rémunération qui peuvent théoriquement influencer leur comportement, peut en effet être assurée, sinon favorisée à tout le moins, par les politiques et les procédures que les cabinets ont l’obligation de mettre en place comme condition de leur inscription par l’AMF. Par ailleurs, les sociétés d’OPC gestionnaires pourraient elles-mêmes être encouragées à gérer les situations de conflits d’intérêts liées aux structures de rémunération qu’elles mettent en place pour développer et fidéliser leurs réseaux de distribution. Des lignes directrices ou des instructions à leur intention pourraient faire part des attentes développées par les ACVM et par les OAR pour réagir à ces situations et prévenir que des dommages soient causés au client ou au public en général. À ces mesures attendues pourraient s’ajouter des décisions d’affaires volontairement prises par l’industrie pour soutenir, par l’autodiscipline, cette réponse réglementaire à la problématique identifiée au Document de consultation. Ces décisions pourraient considérer la réduction des structures de rémunération qui sont clairement susceptibles d’occasionner des conflits d’intérêts dommageables, le plafonnement des montants pouvant être payés dans le cadre de ces régimes, ou la modification des régimes de rémunération concernés pour les lier davantage aux normes de qualité de la prestation - 60 - préconisée par la firme, par opposition aux volumes de vente ou de revenus générés par l’activité de distribution. Le GAO rapporte, par exemple, sur l’aspect de la mitigation du conflit d’intérêts qui peut apparemment exister entre le gestionnaire d’un OPC et les porteurs relativement à la rémunération, qu’une importante société d’OPC américaine, Vangard Group inc., gestionnaire de la famille de fonds Vangard, s’est dotée d’un capital qui est conjointement détenu par les OPC de la famille et par voie de conséquence, par les porteurs de leurs titres76. Selon des documents obtenus de Vangard par le GAO, cette structure permet la fourniture de services aux OPC de la famille sur une pure base de recouvrement des coûts. Il s’ensuit que les profits de gestion des OPC sont retournés aux porteurs par des niveaux moindres de dépenses d’opération plutôt que d’être retournés aux actionnaires d’un gestionnaire indépendant des OPC, ce qui est souvent le cas dans l’industrie. (v) Régime à honoraires Le Document de consultation (DC, p. 15) réfère à la possibilité pour l’investisseur de maintenir un compte pour la gestion duquel il paie des honoraires fixes à un conseiller. Certains prétendent que les changements démographiques tendent vers l’imposition d’honoraires pour des services-conseils plutôt que des commissions. La portion de la population atteignant l’âge de 55 ans étant grandissante, les conseillers seraient de plus en plus sollicités pour la fourniture de planifications financières spécialisées. La rémunération à honoraires est un dispositif qui nous semble intéressant aux fins de discussion avec les ACVM, malgré le fait que, dans le cas de commissions de suivi ou de frais d’acquisition reportés, la rémunération à honoraires exclusivement ne donne aucune garantie que le conseiller qui y a droit aura une conduite plus éthique ou qu’il sera à l’abri des situations de conflits d’intérêts. De plus, dans le cas d’un régime à commission, certains épargnants avertis pourraient être dissuadés d’acheter des titres d’OPC si leur coût global est supérieur au coût moyen, tandis que dans un régime à honoraires, certains consommateurs mal informés pourraient tout simplement choisir de ne pas acheter les conseils nécessaires pour ne pas payer, s’exposant ainsi à des risques de pertes77. 76 77 GAO Report, op. cit., note 15, p. 86. Voir, par analogie avec le secteur de l’assurance : Organisation de coopération et de développement économiques, direction des affaires financières, fiscales et des entreprises, comité des assurances, Examen de certains problèmes évoqués dans la littérature spécialisée sur la distribution de l’assurance, Paris, 2 septembre 1993, pp. 12 et ss. - 61 - (vi) Ententes de conversion automatiques L’un des devoirs fondamentaux du conseiller est de s’assurer que son client comprend le produit dans lequel il investit. Les circonstances décrites au Document de consultation tendent à démontrer que ce devoir pourrait ne pas être uniformément respecté par l’industrie en matière d’ententes de conversion automatique. Par ces ententes, les sociétés d’OPC font convertir automatiquement des titres d’OPC avec frais d’acquisition reportés en titres sans frais d’acquisition, à hauteur des 10 % de ces titres que l’investisseur est autorisé à racheter sans pénalité chaque année. Deux conséquences en découlent : • la proportion de 10 % des titres d’OPC assujettis à des frais de rachat que le porteur peut racheter sans pénalité chaque année est automatiquement convertie en titres du même OPC avec frais d’acquisition à l’entrée ramenés à 0 %; • les commissions de suivi payables sur les titres d’OPC convertis sont multipliées par deux sans que le client y consente ou en soit véritablement informé (DC, p. 37), car les commissions de suivi afférentes à des ventes de titres comportant des frais d’acquisition à l’entrée sont usuellement le double de celles qui sont payables pour acheter des titres comportant des frais de rachat. De la même façon, de tels arrangements peuvent prévoir la conversion automatique des titres d’OPC avec frais de rachat qui ont été gardés jusqu’à la fin de l’échéancier de rachat (DC, p. 36-37). Le cas de ces ententes de conversion automatique, parce qu’elles sont plus rémunératrices pour les conseillers et que leurs effets ne sont ni connus, ni agréés par les investisseurs, suscitent des questionnements auprès de la Chambre, justement parce qu’elles peuvent donner prise à l’exploitation du client. Elles pourraient en conséquence devoir faire l’objet de mesures réglementaires pour en contrôler l’utilisation. Position de la Chambre La Chambre recommande aux ACVM de poursuivre leurs travaux de discussion et de consultation relativement aux ententes de conversion automatique de titres d’OPC, qui pourraient vraisemblablement requérir des mesures de contrôle. - 62 - V. MESURES ADDITIONNELLES À CONSIDÉRER (i) L’information de l’épargnant/du client Dans son expérience d’OAR, la Chambre a constaté que toute mesure de plus grande transparence de l’information au public se combinait avec succès avec l’offre d’outils d’information misant sur la technologie. À cet égard, on peut citer, en exemple, le site Info-déonto que la Chambre a mis sur pied à l’intention de ses membres pour servir de guide à une conduite professionnelle qui soit garante d’une meilleure protection du public et, notamment, de l’épargnant acheteur actuel ou potentiel de titres d’OPC. Or, le Document de consultation a révélé que des composantes opaques de la rémunération globale des conseillers représentaient maintenant une proportion plus importante de cette rémunération et que ce manque de transparence était amplifié par le manque de soin ou d’intérêt démontré par les investisseurs dans la vérification de ce que leur investissement en titres d’OPC pourrait leur coûter en frais d’acquisition ou permanents. Certaines études réalisées par les ACVM indiquent que les investisseurs en titres d’OPC ne sont pas portés à rechercher, dans les documents d’information prescrits, les renseignements concernant les frais qui leur sont chargés. Ils ont plutôt tendance à s’en remettre aux conseillers à cet égard alors que ceux-ci, selon d’autres recherches, sembleraient passer sous silence la question des frais auprès de leurs clients (DC, p. 29). Le comportement des investisseurs pourrait donc moins concorder aujourd’hui avec le paradigme que la réglementation en valeurs mobilières et, plus particulièrement, les mécanismes d’information et de divulgation à l’épargnant s’adressent par définition à une personne prudente et soucieuse de déployer des efforts raisonnables pour agir dans son meilleur intérêt lorsqu’elle affecte ses épargnes à des fins productives. C’est pourquoi, en plus de mesures de transparence plus robustes, les ACVM pourraient vouloir revisiter la conception, les modalités d’accès et la convivialité de certains outils d’information fiable et neutre qui sont déjà à la disposition du public ou qui ont pu être mis à sa disposition dans le passé pour faciliter aux épargnants la prise en main de leurs propres intérêts comme investisseurs. Par exemple, on a vu que des autorités en valeurs mobilières pouvaient mettre à la disposition du public des outils de comparaison des conditions d’offre et de souscription des titres d’OPC qui à l’aide des technologies de l’information, pouvaient décupler la capacité de l’investisseur d’effectuer des choix éclairés dans la sélection des titres d’OPC dans lesquels investir. - 63 - Position de la Chambre Les ACVM pourraient optimiser la conception, les modalités d’accès et la convivialité de certains outils d’information mis à la disposition du public pour faciliter aux épargnants la prise en main de leurs propres intérêts comme investisseurs et plus particulièrement, d’outils de comparaison des conditions d’offre des titres d’OPC, des options de souscription et de simulation des coûts sur des périodes de détention données. À cet égard, la Chambre considère encore pertinente la vision qu’exprimait Arthur Leavitt, le président de l’époque de la SEC américaine, lors du dévoilement du Mutual Fund Cost Calculator que son organisation offrait à l’usage des Américains à compter du 6 avril 1999. Voici ce qu’il disait : « The Cost Calculator takes some of the mystery out of mutual funds by enabling investors to estimate and compare costs. And, it lets investors see how costs add up in dollars and cents over time. Like unit pricing in supermarkets, which lets consumers view the price per ounce of products that come in different sizes, the Cost Calculator will allow investors to understand the true cost of owning a particular fund, without being confused by the fund’s packaging. Il will help us close the gap between the knowledge fund investors have and the knowledge they need. The Cost Calculator, however, is meant to be a beginning and not an end of efforts to help investors understand and compare funds costs. My hope is that it will spur the fund industry to use its considerable creativity, ingenuity and resources to come up with better ways to explain fund costs to investors and better tools to help investors compare fund costs. The true measure of our success will be the extent to which our efforts are imitated and improved upon. »78 78 Aujourd’hui, c’est la Financial Industry Regulatory Authority qui a pris la relève de la SEC aux États-Unis, en offrant un outil en ligne de comparaison appelé Fund Analyzer, lequel permet de comparer les caractéristiques et la structure de frais de quelque 18 000 OPC. Au Canada, on retrouve un outil similaire du nom de Mutual Fund Fee Calculator qui a été établi par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et auquel le public a accès sur le site GetSmarterAboutMoney.ca. Les données disponibles sur cet outil sont fournies par Morningstar. Les investisseurs y entrent le nom de leur OPC, le montant de leur placement et la période de temps durant laquelle ils projettent de garder leurs titres d’OPC. Ils choisissent après coup parmi les différentes options de frais d’acquisition et le calculateur estime le rendement final sur l’investissement en fonction de la performance historique du fonds. Des tableaux et données illustrent l’incidence comparative des frais sur le rendement au cours de la période pour le même placement dans deux fonds différents : voir HST set to fund MERs higher; calculator shows impact, Opinion.Financial Post.com, 31 octobre 2005. - 64 - Si une telle solution technologique pouvait être déployée sous les auspices des ACVM (avec les ajustements nécessaires en fonction des territoires de résidence des consommateurs), l’investisseur canadien pourrait ainsi en arriver à disposer d’un outil d’agrégation de données et d’informations pertinentes et de comparaison des structures de frais afférents aux titres de tous les titres d’OPC visés par le Document de consultation. (ii) Comité d’examen indépendant En ce qui a trait aux questions de conflits d’intérêts qui peuvent découler des ententes intervenant entre l’OPC ou son gestionnaire et les conseillers sur le plan de la rémunération de ces derniers ou des charges opérationnelles qui peuvent être indirectement assumées par les porteurs, le Document de consultation néglige complètement le mécanisme du comité d’examen indépendant (« CEI ») régi par le Règlement 81-107 sur le comité d’examen indépendant des fonds d’investissement (le « Règlement 81-107 »), qui pourrait être mis à profit avec plus de souplesse que des mesures de plafonnement des honoraires ou de contrôle des dépenses des OPC. Les questions de conflits d’intérêts que le recours grandissant aux commissions de suivi peut occasionner pour le gestionnaire d’un OPC nous semblent être de ceux qui pourraient tomber sous la compétence de son CEI, dans la mesure où ces questions de conflits résultent de l’opération de l’OPC et non pas de sa structure ou de la structure de l’industrie. Sur le plan du régime de rémunération des OPC, les CEI pourraient être appelés à jouer un rôle similaire à celui des administrateurs de compagnies d’investissement américaines, qui ont l’obligation de comprendre et de réviser en détail le paiement des coûts de transactions réalisées par l’OPC et de déterminer si le paiement de coûts de transactions est bien fait dans les meilleurs intérêts du fonds et des porteurs de ces titres. Position de la Chambre Dans la logique préconisée par le Règlement 81-107, la Chambre suggère d’examiner la possibilité que le CEI d’un OPC puisse intervenir par l’examen de données et d’information lui permettant de déterminer si le régime de rémunération pratiqué par la société d’OPC est susceptible de donner lieu à une question de conflit d’intérêts et, le cas échéant, si les risques que ce régime puisse influencer la conduite d’un conseiller de manière contraire aux règles de déontologie applicables sont adéquatement gérés et mitigés, et d’émettre des opinions ou des recommandations afin de contribuer à ce que les mesures de divulgation aux porteurs ou de mitigation de ces risques par le gestionnaire soient acceptables, dans une optique de protection des porteurs. - 65 - Cette extension du mandat du CEI viendrait compléter le rôle que Fok Kam lui recommande déjà de jouer dans les cas où le Règlement 81-102 requiert l’approbation des porteurs de titres en matière de frais79. Dans ces cas, avant de demander l’approbation des porteurs de titres de l’OPC : « The manager should request the Independent Review Committee to review the matter and issue a recommendation. The Committee’s recommendation should be included in the notice of meeting sent to the unitholders. When reviewing proposed changes relating to fees, the Committee may wish to ask questions such as the following: 1. Why is the proposed change necessary? 2. What will be the impact of the proposed change on the fees charged to the fund or to unitholders? 3. If the proposed change is implemented, how will the fees compare with those charged by other managers? »80 Par ce dispositif très souple interne à l’OPC, indépendant du gestionnaire, autonome et imputable aux ACVM concernées par ses rapports et au besoin, par des échanges directs, un CEI dont la mission serait étendue serait en meilleure position d’assurer un traitement équitable aux différents intervenants impliqués dans la gestion et l’opération de l’OPC par rapport au régime de rémunération pratiqué par le gestionnaire. Il pourrait examiner les questions de conflits liées à la rémunération en portant une attention particulière à la façon dont ces intervenants choisissent respectivement de s’acquitter de leur obligation d’agir dans le meilleur intérêt du fonds et des porteurs. VI. CONCLUSION GÉNÉRALE Dans un souci d’explorer les possibilités de réponse à la problématique de pratiques de l’industrie que les ACVM ont identifiées en matière de frais d’OPC, le Document de consultation propose sept hypothèses de travail à la consultation et à la discussion. La Chambre les a regroupés sous cinq titres et a fait part pour chacun d’une position initiale de discussion motivée. L’essentiel de cette position est la suivante pour chaque hypothèse de travail : 1. Prestations obligatoires en contrepartie des commissions de suivi? La Chambre a des réserves quant à une approche qui voudrait que les ACVM obligent à ce que des prestations soient obligatoirement fournies par les conseillers qui perçoivent des commissions de suivi. 79 80 Voir supra, section 3.1 – Régime actuel, p. 27. A. Fok Kam, op. cit., note 12, pp. 38-39. - 66 - 2. Réglementer les modalités des titres d’OPC? La Chambre a des réserves quant à l’approche d’imposer à chaque OPC d’offrir une série ou une catégorie de titres selon une option de souscription sans commission de suivi, ou avec commission de suivi réduite. La Chambre est en principe d’accord avec une approche visant à améliorer l’équité de traitement entre les porteurs de titres d’un OPC ainsi que la transparence, pour l’épargnant, des caractéristiques propres aux titres de chaque série ou catégorie d’un OPC. 3. Transparence accrue des frais? La Chambre est d’accord avec l’emploi de mesures de transparence additionnelles pour répondre à la problématique des frais d’OPC et, notamment, avec le principe d’une divulgation distincte de toutes les composantes de la rémunération des conseillers. 4. Réglementer les frais eux-mêmes? La Chambre est en désaccord de principe avec les approches suggérées de réglementation directe ou indirecte des niveaux de rémunération des conseillers ou des sommes pouvant être imputées à leur paiement par les gestionnaires d’OPC. 5. Imposer des règles additionnelles de conduite des affaires ? (i) La Chambre soumet que par une divulgation appropriée dans des circonstances à définir, un client devrait être admis à bien assimiler le fait que le conseiller avec lequel il fait affaire : • peut être, ou est effectivement, rémunéré par le manufacturier du produit sur lequel le client réalisera une opération sur recommandation du conseiller; • peut choisir ce produit parmi plusieurs autres offerts sur le marché et qui lui vaudront de percevoir une rémunération plus ou moins élevée si le client en fait l’acquisition ou les garde; • que ce produit est, ou n’est pas, celui dont le coût au client sera le plus bas et pourquoi, avec les raisons pour lesquelles le conseiller le recommande, ou le recommande malgré tout. - 67 - (ii) Selon la Chambre, le fait qu’un conseiller soit rémunéré en fonction d’un volume d’affaires qu’il aide à générer à une société d’OPC ne le place pas automatiquement en conflit d’intérêts. Toutefois, des circonstances peuvent survenir qui placent le conseiller en situation de conflit et qui exigent la prise de mesures de gestion et de mitigation aux termes des règles de déontologie qui régissent sa conduite. Ces mesures devraient être prévues aux politiques et procédures de contrôle et de gestion des risques que la réglementation en valeurs mobilières commande d’élaborer, en vue de prévenir les situations où les conseillers peuvent être incités à réaliser des ventes inappropriées vu le régime de rémunération afférent. (iii) La Chambre recommande aux ACVM de poursuivre leurs travaux de discussion et de consultation relativement aux ententes de conversion automatique de titres d’OPC, qui pourraient vraisemblablement requérir des mesures de contrôle. 6. La Chambre a également suggéré que certaines mesures additionnelles soient considérées dans le cadre des travaux qui suivront la présente consultation : (i) Les ACVM pourraient vouloir optimiser la conception, les modalités d’accès et la convivialité de certains outils d’information mis à la disposition du public pour faciliter aux épargnants la prise en main de leurs propres intérêts comme investisseurs et notamment, des outils de comparaison des conditions d’offre des titres d’OPC et des options de souscription et de simulation des coûts sur une certaine période. (ii) La Chambre suggère d’examiner la possibilité que le CEI d’un OPC puisse intervenir par l’examen de données et d’information lui permettant de déterminer si le régime de rémunération pratiqué par la société d’OPC est susceptible de donner lieu à une question de conflit d’intérêts et, le cas échéant, si les risques que ce régime puisse influencer la conduite d’un conseiller de manière contraire aux règles de déontologie applicables sont adéquatement gérés et mitigés, et d’émettre des opinions ou des recommandations afin de contribuer à ce que les mesures de divulgation aux porteurs ou de mitigation de ces risques par le gestionnaire soient acceptables, dans une optique de protection des porteurs et du public.