Roméo et Juliette », d`à peu près Shakespeare
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Roméo et Juliette », d`à peu près Shakespeare
« Roméo et Juliette », d’à peu près Shakespeare (critique d’Olivier Pansieri), Ciné 13 Théâtre à Paris Un « Roméo et Juliette » craquant Vous avez oublié son anniversaire et ne savez plus comment vous faire pardonner. Ça tombe bien, j’ai ce qu’il vous faut : un spectacle jeune et frais comme un bouquet de roses sauvages (« Je vous suivrai partout » en langage des fleurs). Prenez votre copine, qui est si jolie quand elle sourit, et foncez au Ciné 13 Théâtre voir « Roméo et Juliette », « d’à peu près » Shakespeare (comme c’est marqué si plaisamment sur le site de cette troupe). Mise en scène endiablée d’Alexis Michalik. Amour, action et fantaisie. Une heure et quart plus tard, vous sortez en faisant des claquettes ! Elle vous saute au cou. Merci « les Trois Coups ». Faut-il vraiment vous rabâcher une fois de plus cette histoire de Capulet (Juliette) qui ne peuvent pas blairer les Montaigu (Roméo). Non ? Tant mieux. Bon, toute la pièce (vingt-deux personnages) est ici interprétée par trois comédiens. Hein ?! Vous avez bien lu. Trois comédiens mais les bons : Anna Mihalcea, Alexis Michalik et Régis Vallée. Comme tous les vrais bons, ces gens sont modestes, donc je le dis pour eux : avec leurs trois bouts de ficelle, ils en disent mille fois plus que toutes les grosses machines que j’ai pu voir ces derniers temps. Shakespeare est bien là : sincère, profond, paradoxal et… facétieux. Ce n’est pourtant pas exactement le texte d’origine, je sens… Tu parles Charles ! La moitié en argot de banlieue, le reste chahuté par ces trois phénomènes. À la place du petit page en culotte bouffante, vlan ! cette puce nageant dans son froc de d’jeun’ qui plante l’action en quelques mots. La haine, la connerie : Villiers-le-Bel, Vérone même combat. Je voudrais protester : « Tout de même Shakespeare, 1597, gna gna gna… ». Au lieu de ça, je souris, cueilli. Par Beaumarchais, ils ont raison ! Allez-y, Los Figaros ! C’est le nom, un peu plan-plan, de cette jeune troupe qui réussit à peu près tout ce qu’elle entreprend depuis sa création en 2005 (Une folle journée, Hiver, la Mégère à peu près apprivoisée). Leur principe est tout bête : du rire, du rythme, de la rigueur. Derrière l’apparent jem’en-foutisme, des centaines d’heures de travail pour régler au rasoir déplacements, enchaînements, chansons et textes. Des « petits », mais déjà des grands. Anna Mihalcea vous joue aussi bien les gros loubs’ que le copain glandeur (charmant Mercutio), le vieux mafioso (le prince de Vérone, une trouvaille), le moine gaffeur (frère Jean, tordant) ou bien sûr Juliette, craquante, en tutu. Une véritable bête de scène. Elle passe d’un rôle à l’autre en ôtant, ou remettant, sa féminité en même temps que son costume avec une franche jubilation. Un cas. Les garçons ne sont pas trop de deux pour tenir leur rang face à cette tornade. Ils résistent vaillamment, on les félicite. Alexis Michalik, qui signe aussi la mise en scène, est très convaincant (et beau) en Roméo. Presque davantage encore en Lady Capulet, la mère de Juliette, dont il fait une veuve encore jeune, pressée de caser sa fille, qui la vieillit. Bien vu. Même légèreté lors de la scène de la rencontre au bal masqué, brève mais belle comme tout, et surtout pendant celle emblématique « du balcon ». On attend bien sûr Michalik à ce virage, qu’il prend avec une suprême aisance. D’autant qu’il mime l’escalade de la maison des Capulet en rampant sur un présentoir où sont accrochés… les costumes ! Un grand moment de drôlerie et d’émotion, car tout y est. Le clair de lune, le lierre, le balcon, tout est là, intact. Intact aussi le sublime dialogue sur les mots, le vrai thème de la pièce. Qu’importe le nom qu’on donne à ce qu’on aime. « Roméo, je déteste ce nom puisqu’il est celui de mon ennemi. — Moi aussi je le déteste, je ne veux plus être Roméo. — Oh si ! Soisle… », etc. À ce moment-là, Régis Vallée s’amène, une charlotte de mère-grand sur la tête. Sa nourrice vaut le moine gaffeur d’Anna Mihalcea, ce qui n’est pas peu dire. Cette seconde mère émeut autant qu’elle fait rire. Tout le monde sait que les rôles des femmes étaient tenus par des hommes à l’époque élisabéthaine Celui de la nourrice restant l’un des mieux écrits de cette tradition ambiguë. On oublie l’essentiel : c’est qu’ils étaient aussi pensés pour des hommes, avec un art consommé de la fine allusion et de la mise en boîte de ces dames par leurs doubles parodiques. Vallée et Michalik nous le rappellent avec talent, humour et tendresse. Conclusion : une fête du cœur et de l’esprit. Auquel l’esprit acquiesce et où le cœur chavire du début à la fin, tragique, mais là encore à la façon pure, touchante et sympathique de ces trois artistes qui saluent, presque étonnés que la salle, bourrée à craquer, applaudisse à tout rompre. Nigauds, va ! ¶ Olivier Pansier Les Trois Coups www.lestroiscoups.com RUE DU THEATRE Roméo et Juliette (Paris) LA TRAGEDIE LA PLUS DROLE DE SHAKESPEARE ! Vérone, ses familles Montaigu et Capulet, leur haine ancestrale. Leurs rejetons, Roméo et Juliette, qui tombent éperdument amoureux l’un de l’autre. On connaît la suite. Mais ici, le metteur en scène et comédien Alexis Michalik propose une version déjantée, politiquement incorrecte et… émouvante malgré tout. Ils sont trois. Deux garçons, une fille, pour incarner tous les personnages de la tragédie la plus romantique du répertoire shakespearien. Le décor ? Juste des portemanteaux garnis de costumes extravagants qui serviront aux comédiens à incarner l’un ou l’autre personnage, parfois même plusieurs instantanément. L’illusion est parfaite. Un Tybalt fashion victime, un Mercutio au phrasé « wesh-wesh », Juliette en ballerine un peu coincée ou Roméo un poil dépressif, les personnages sont hauts en couleur. On se souvient de la version ciné ultra-moderne et bariolée de Baz Luhrman avec Leonardo Di Caprio et Claire Danes, qui, sous les atours de deuxième millénaire, respectait à la lettre le texte sombre et poétique de Shakespeare. Ici, seul le couple phare parle en vers, quotient d’émotion au milieu des rires qui fusent. Parce que ça chante, ça danse, ça rappe (« Le rap de la reine Maab » enflamme encore la téci de Vérone), tout n'est que rythme survolté, sur scène ou dans la salle où les trois acolytes ne manquent pas de faire quelques menues interventions... Attention où vous vous placez, personne ou presque n'est à l'abri... Beaucoup d’humour et de fraicheur Expressifs, feux follets, décalés et malgré tout émouvants dans le dernier quart de la pièce, Alexis Michalik (également le metteur en scène inspiré du spectacle), Anna Mihalcea et Régis Vallée n'en rendent pas moins hommage à Shakespeare. Toute la trame de l'histoire est respectée, même raccourcie, écornée, rapiécée par endroits (la pièce ne dure que 1h15). Avec des dialogues 'drôlissimes', des situations grotesques (le bal des Capulet avec son dress-code pour le moins particulier), quelques bouts de ficelle (les porte-manteaux, une fois retournés, deviennent balcon, chambre de Juliette, église...), une bande-son efficace, ce « Roméo et Juliette » bricolé sent bon le talent frais de ces acteurs tout neufs au parcours déjà solide. Le Ciné 13 Théâtre a décidé d'organiser une scène spéciale Shakespeare avec une version revisitée de « Hamlet », et ce « Roméo et Juliette » nouvelle génération. Bien lui en a pris. Il faut du culot, au risque de choquer les puristes, pour réussir le tour de force de rendre hilarants les tourments des amants de Vérone sans enlever l'essence de leur amour. Voilà qui devrait à coup sûr intéresser les plus jeunes. Une sacrée pantalonnade. Julien WAGNER (Paris)
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