Du rêve a la réalité
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Du rêve a la réalité
Du rêve à la réalité... J’ai fais un rêve, je suis seule voguant sur les eaux bleues de ma méditerranée, avec pour compagnons, quelques dauphins qui tracent le chemin devant l’étrave de mon voilier. Colomb, Cartier, Duguay-trouin, Tabarly et vous tous les grands navigateurs… Laissez moi aborder vos rivages enchanteurs, laissez moi suivre les voies royales de votre marine, la seule la vraie, celle des grandes voiles, des génois, des focs, qui claquent aux vents des spinnakers qui gonflent pour mieux couper les vagues et tant d’autres noms qui chantent à mes oreilles: Des AMIS, des vrais, m’ont dit : « le rêve c’est bien, la réalité c’est mieux vas y fonces tu le peux, tu le dois ! » : J’ai écouté et mes amis et mes rêves et ce rêve a commencé à prendre forme, quand un copain me dit « j’ai un bateau, mais le bateau c’est pas mon truc ! Il y a tout à refaire, et je n’y connais rien à la voile… Si tu le veux je te fais ce cadeau !» Un bateau ? Un bateau en cadeau? Je ne pouvais y croire… Une demi tonne c’est le poids de mon rêve et pour parvenir jusque devant mes yeux c’est juché sur un monstre roulant de trente cinq tonnes qu’il est arrivé : Venu des brumes du Nord, de tout là haut, il a vu défiler sous son étrave le macadam de Calais à mon Sud, drôle d’itinéraire pour un fier voilier, pourtant il semblait vivre, les rayons d’un soleil radieu rallumaient déjà des reflets sur sa coque cachée depuis des lustres sous une triste bâche dans une non moins triste remise. Je vivais mon rêve et lui allait revivre. Le temps c’est de l’argent, non la maxime est fausse, le temps est devenu pour moi passion, passion de le voir se balancer doucement sur les vagues de sa nouvelle complice, ma Méditerranée. Sûr nous allions faire un beau trio, mais avant, l’heure n’était pas au repos, un lourd labeur nous m’attendait, laver, rincer, réviser, réparer, poncer, peindre, équiper, habiller mon nouvel ami, d’un habit de lumière, pour qu’il brille de mille feux avant de lui présenter sa complice naturelle, la mer. Avant la grande toilette, il me fallut entreprendre un grand effeuillage, pas de musiques lascives, non juste le bruit des tournevis, des clefs à pipes, à œil, des pinces, quelques heures dans la chaleur de la cabine, il était nu devant moi, racé, à peine vieilli par les années, tout en courbes et en muscles. Bien sûr, il avait subit pendant quelques années les vagues de l’atlantique, puis la froidure des eaux de la manche, peut-être même les eaux plates de quelques plans d’eau dans les terres, nu, devant moi je le sentais déjà frémissant de connaître la douceur, peut-être même parfois les colères, des eaux bleues de ma méditerranée. J’étais en sueur, mais fébrile, comme devant le corps dénudé d’un amant que l’on découvre avant de s’unir pour le meilleur et même pour le pire, la jouissance des prémices, je voyais les images comme des flashs. Moi debout sur le pont, et lui, mile après mile, fendant les flots, quelques mois, quelques semaines ou quelques heures, réalités si proches, encore un peu de rêves et puis et puis……………… « La pose des hublots » Et puis il reprenait vie, je lui rendais ses hublots, ses boiseries poncées, teintées, brillantes d’un verni éclatant, modifiées même ou mieux encore créées non pas sans respecter, les valeurs naturelles de sa flottabilité, pas question de faire n’importe quoi pour modifier son équilibre parfait, son intérieur prenait forme, un coffre de plus, un coin minuscule avec son évier, eh ! Oui, même à bord, l’hygiène est de rigueur, un coin cuisine pour le café de bienvenue ou pour préparer un encas lorsque la fatigue nécessite un peu de calories, une vache à eau par-ci, et peut être une seconde pour les eaux usées par là, en mer pas de pollution, pas plus qu’ailleurs d’ailleurs. Mais aurais-je assez de place ? « Ouverture des cercueils et fabrication de coffres » Quelques coussins, pour le confort, pour le sommeil réparateur, des jeux de housses dans les couleurs, du bleu du blanc pour la douceur, une peinture immaculée, de beaux hublots en verre teinté, des heures et des heures de durs efforts pour être enfin récompensée en contemplant son intérieur. Le voir ainsi, quel réconfort, vous ne pouvez, tout comme moi, que l’adopter. Fermons doucement l’écoutille pour qu’il puisse bien s’y habituer, il faut continuer le labeur je vous assure il reste encore tant à faire... Mais, vous devez vous dire, c’est quoi ce voilier de rêve, un grand oiseau des mers comme ceux du Vendée Globe ou un Manureva, ben non, ce n’est pas cela, il est à la mesure de ma mer, de mon rêve. Il s’agit d’un Edel II, transportable, doté de 4 couchettes, un dériveur de 580 kg, d’une longueur de 5,60m pour une largeur de 2,10m, ayant un tirant d’eau de 0,50m à 1mètre, doté d’une surface de voiles de 18,50 m2 (grand voile, génois et foc). Il reste encore tant à faire, mais mon moral reste de fer, allez un peu de technique pour vous familiariser un peu, la coque présente deux parties, l’une qui sera immergée et l’autre qui est aux dessus des eaux, pour la partie immergée, les différentes couches de peinture, c’est pour être brève et pas ennuyeuse l’anti-fooling, en quelque sorte une peinture qui permettra une meilleure glisse et une longue vie au bateau, mais pour y parvenir il faut suer, nettoyer, décaper, décaper encore et encore, puis ensuite repeindre, une, deux, trois, même plus encore, d’apprêt, de peinture enfin un vrai travail de titan. Pas grave, aller, suivez moi, les courageux sont admis. Première chose un bon décrassage de la zone basse à l’aide de l’instrument miracle le Karcher, mais si, vous connaissez…. Le nettoyeur haute pression, mais attention aux doigts, trop puissant l’engin, il vous enlève la peau d’un coup d’un seul, Aie!!! Ça commence mal, un pansement et on reprend, plusieurs heures d’affilé, une couche en moins, plus de coquillages, adieu moules, traces de chapeaux chinois et autres végétaux, voila ma coque qui retrouve un premier sourire, je gratte, gratte, et gratte encore, ah ! Je pourrais vous en mettre dix pages au moins, alors je ponce, non pas comme Pilate, mais à l’eau et au papier fin, mais aussi avec un instrument un peu barbare, un peu comme une raclette, mais en plus lourd , et plus le temps passe et plus il devient lourd, et plus le temps passe plus mes doigts deviennent gourds et pendant ce temps je coule, de sueur et d’eau, je suis à tordre comme un marin Trempé, non pas par les embruns, mais par l’eau douce qui ruisselle sur la coque et la sueur qui ruisselle de mon corps, mais bon, la poésie et la bagatelle ne sont pas à l’ordre du jour. Le travail avance lentement, mais déjà mon bateau présente une coque qui devient douce, ma main épouse ses lignes, flatte son flan, plus d’aspérités, mais au contraire une certaine sensualité, une récompense pour tous les efforts fournis. Fini le karcher, le papier à poncer et la raclette si lourde, changement d’instrument, du plus doux, Gauguin prépare tes outils ou du moins prête les moi, que je commence mon œuvre d’art... Juché sur sa remorque, mon voilier semble dépourvu de quille, celle-ci repose encore bien au chaud dans la cavité que l’on nomme le ‘ puit ‘ de dérive, elle demeure inaccessible sauf à surélever l’ensemble, mais pour cela mes bras sont, bien que musclés (si si c’est vrai !) inadaptés et il me faudra le concours d’une grue, mais non ! Vous ne comprenez rien, je ne parle ni d’une femme, ni d’un oiseau, mais de ces lourds engins puissants qui lèvent sans difficultés des charges énormes, je pourrais, alors, à l’aide d’une poignée, située sur le cockpit, libérer la quille qui sortira alors de ce puit de dérive, mais ce sera pour plus tard, juste avant la mise à l’eau... Le puit de dérive, il me semble suspect… C’est quoi cette matière qui me colle aux doigts ? Bizarre… On dirait un mastique qui a virer avec le temps ?!?! Ni une, ni deux, je cherche des infos sur le internet, toutes les infos sont bonnes a prendre, et les questions a poser… Tous, me disent : « Joëlle, la merde tu pourras toujours la camoufler, mais tôt ou tard, il faudra ouvrir » Non pas question de faire le puit de dérive plus tard ! C’est tant que la cabine est vide… Aller, jouons de la disqueuse, de la résine et de la fibre… « Déjà, refaire le puit de dérive » Ma cabine ! Allez, si nous faisions, ensemble, l’état de l’avancement des travaux ! Venez ! Je vous emmène à bord… Ma cabine, petite certe, mais je la vois déjà finie ! Aligner et couper les vis des hublots, pour enfin les protéger et peindre la cabine… Poser au sol la fibre de finition avec un beau Tissage, surtout que j’ai rehaussé le sol dans la cabine de mon Edel… Ou simplement poser un beau caillebotis… Et oui il faut penser à tout ! La moindre place va être exploitée, et sera réservée aux petits rangements divers et faciles d’accès… Je ne sais pas encore comment je vais goupiller mon coup, mais il me faudra être astucieuse pour ces emplacements ! Penser au gîte et au roulis, ne pas avoir à ramasser mes affaires à la moindre sortie en mer… Les écailles de la vieille peinture sont grattées ! J’ai rajouté des supports de rideau, mais là aussi je vais réfléchir comment vaisje faire pour tenir mon rideau afin qu’il suive la forme ergonomique de la cabine. Eviter que les rayons du soleil passent sera non négligeable surtout en été, en sachant que mes hublots ne s’ouvrent pas, et que pendant la saison chaude garder la cabine fraîche reste un avantage. J’ai bouché tout les p’tits trous par-ci par-là, comme ça, au remontage, des boiseries, elles seront fixées sur des trous vierges, ce ne sera que mieux et plus solide! Consolider à la résine et à la fibre, les endroits fragilisés par le temps… Refaire les jointures aux assemblages de coque avec une sorte de colle. Fabriquer un coffre de rangement étanche au niveau du cockpit extérieur, et oui là, il y avait un gros souci… Quand j’ai reçu le bateau je me suis aperçu qu’il y avait une fragilité au sol sous le cockpit, sûrement une arrivée brutale « le saut d'un gros?» dans le bateau et cela a suffit à casser un longeron de support… Impossible d’y accéder par l’intérieur, et d’après les conseils des amis plus pro que moi, « ‘Jo’ tu n’as pas le choix, il te faut découper par l’extérieur et réparer… » Donc, voilà, c’est fait, j’ai condamné dans la descente et me voilà avec un coffre étanche de rangement en plus… Et sur une petite unité comme la mienne rien n’est négligeable… Une jolie trappe d’accès étanche fera très bien l’affaire ! Reste donc à voir: Le pont et le cockpit, la partie haute de la coque, le mat, les voiles (sa garde robe en quelque sorte), les bouts (cordages), l’ancre et sa chaîne et puis et puis ben tout le reste simplement. Mais, si je fais une revue de détails, bien rangés prêts à affronter les vagues, j’ai : Une barre de manœuvre avec winch flambant neuve, un vrai bijou! Une garde robe neuve qui n’a connue, ni les embruns, ni le vent du large, une robe de mariée en quelque sorte sauf le Spi qui lui bien qu’en excellent état à une couleur un peu passée, mais qu’importe la couleur, seule compte son ardeur à gonfler… Les chandeliers inox sont neufs, enfin ils sont au nombre de huit mais ils sont rutilants, en sachant qu’a l’origine, l’Edel 2 n’a pas de chandeliers, mais pour ma sécurité cela reste indispensable… La filière et son filet de protection ne demandent qu’à être étrennés. Le mat et la bôme ont juste besoin d’un bon nettoyage, « Mais peut être une peinture…!? » Ils sont encore chargés de sel, seule une petite révision au niveau des poulies et ils seront parfaits ! Changer les haubans et bas-haubans reste imposé par sécurité aussi, de plus, un, ou deux sont effilochés ! Alors n’hésitons pas… Les balcons avant et arrière sont impeccables. Les bouts, pas d’économie, je vais y mettre du neuf, de beaux bouts de couleurs différentes pour simplifier les manœuvres, ben oui, vaut mieux penser avant que se tromper après, et oui pour certains cela fait peut être« benêts », mais moi j’débute doucement !!! L’ancre, une ancre plate de 6kg, je vais lui adjoindre 10 mètres de chaîne et 20 mètres de bout, « obliger de suivre les normes de sécu ! » OUF !!! Plus facile de relever 20 mètres de corde que 10 mètres de chaîne, eh oui, y mettre un guindeau pour une remontée plus efficace serait pour moi handicapée l’idéal, mais le soucie c’est le poids !!! « Mais là, il existe plein de techniques pour facilité cette manœuvre… Alors à voir ! » Comme vous pouvez le voir il reste encore du travail……….. Suivez moi, on attaque... « Le ponçage » Le pont et le cockpit, la partie est ardue, il me faut décaper, « ce qui est fait » toutes les parties lisses, ce n’est pas trop le problème, mais ce qui est plus dur c’est d’enlever les vieilles peintures sur les surfaces d’anti-dérapant, vous piger le barnum ? Quand il faut nettoyer entre les creux les bosses, un travail de fourmi, essayer donc de nettoyer une raquette de ping-pong pourvue de picots, hardu mais pas impossible….. Quelques ampoules plus loin, suivies de cals dans les mains, et le voila fin prêt à recevoir son nouveau costume ! Il sera Jaune, c’est décidé ! Le jaune le plus pêtant, le plus « flashie !» lisse comme la peau d’un nouveau né, là où l’on peut sans grand danger faire même un petit pas de coté, les parties les plus exposées où l’on risque le bain forcé, sont dotées d’aspérités, après avoir bouché, poncé, un beau liston de bois « teck » trouvera sa place. Voila, je suis contente de moi, plusieurs mois d’un travail acharné pour un pont et un cockpit qui n’ont rien à envier aux modèles exposés au dernier salon nautique…… Alors OUI je suis impatiente de le mettre à l’eau… C’est l’heure de mettre la touche finale... ! Le but en soi, n’est pas de battre un record de vitesse, mais d’avancer sans fautes, quelques minutes de repos, je me recule un peu pour un coup d’œil panoramique, le travail me semble parfait, aucune devinez quoi, coulure bien entendu, les étoiles ont disparues, les chocs avant et arrière ne sont plus que de lointains souvenirs, suis-je capable de juger mon travail, je ne vois rien à redire. Les peintres on fait eux aussi un beau boulot… Mon angoisse monte d’un cran, j’inspecte de près, de loin, je n’y vois rien, du moins rien qui ne choque ma vue innocente. Il faut laisser sécher avant l’ultime étape, la finition, le bout de la route………. Main caressante, pas pour mes formes, mais pour sentir, sous la paume, ce que mes yeux ne verraient pas, caressent le ventre rond marquant d’un mouvement de tête de bas en haut, j’en suis toute retournée, un tour, deux tours, les mêmes gestes, même à genoux pour mieux voir, l’inspection s’éternise, mais que vont-ils en dire mes amis de mon jouet ?! C’est enfin le pouce levé que je le regarde à nouveau: Beau travail… Un compliment qui me fait rougir, mais quel plaisir... Un sentiment d’avoir gagné une bataille !!!! « Pose du liston et autre agencement bois » L’épreuve m’a donné soif, s’il est encore trop tôt pour fêter le baptême de mon joli bateau avec les bulles d’or d’une boisson champenoise… Et puis… Et puis au mois de décembre 2005 je suis venu en vacances ici, en Bretagne, sur le bateau… D’un ami Je suis en train de tomber amoureuse de cette région qu’il me fait découvrir !!! De ces couleurs chatoyantes... D'ailleurs les galeries du coin, en sont la preuve! J'aime ce phénomène de marée, avec ses grains, l’architecture, et ces bleus délavés, de cette mer qui est vivante... De ses tapis de coquillages que je découvre au hasard de mes promenades! De ses rochers qui ont la bougeotte "enfin ici ils disent des cailloux", de cette sérénité, la gentillesse de ces habitants, les gens sont humbles ici… Donc plus de migraines, eh oui, mistral égal migraines! Mais vais-je résister? Changer de vie... Oui j'en ai envie! Depuis tellement longtemps je suis persuadée de m’être trompée de sport, aujourd’hui je vivrais sur mon bateau… Mais y a toi… Mon Bateau, toi qui me brûles, au plus profond de mon âme. Toi qui partages tous mes silences, mes peines et mes joies… T'aimer... Encore, et plus à jamais... Tu es et resteras mon jouet tant désiré... Alors… Alors voilà, j’ai tout plaqué, allégé mes valoches, j'ai envie que mon bateau retrouve son pays d'origine, et si c’est le prix à payer pour apprendre la voile ? Alors, Oui sans hésiter, ici sur l’eau avec mon Je serais reine.... « KRAK HOUAT » Et me voilà, ici, installer a Binic « 22, côtes d’Armor », ancien petit village de pêcheurs où il fait bon vivre… Et je « fignole » mon « KRAK HOUAT » sur la zone de carénage, face à la mer ! Et les yeux tourner vers l’horizon, je l’entends, elle m’appelle, elle m’attire… Je l’aime éperdument... Ma mer ! Je suis aussi consciente du danger, elle ne pardonne pas l'amateurisme... Et encore moins ici ! En manche… Méchante et cruelle, elle est la mer.... Mais elle me donne tant de joie… Belle aussi... A en avoir son odeur au petit matin imprégnée dans mon corps et les cris des mouettes dans ma tête et mon cœur, et ça depuis toujours… Alors il me vint à rêver, éveiller, en songeant aux films de mon enfance ou je regardais sur l’écran de la télé, les yeux émerveillés, ces hommes debout sur l'étrave quand çà « piaule » vraiment, à relever le foc ou debout sur le pont à souquer les voiles et tenir les drisses comme des chevaux sauvages... Ou simplement à ce faire piéger dans une tempête, par bêtise et manque de lucidité.... Oui moi, c’est ici que j’ai envie d’apprendre à naviguer… En manche ! Nos grands navigateurs ne sont-ils pas la pluparts Bretons ?…. Je suis persuadez, quand on navigue en manche, on peut naviguer partout sur le globe ! J’ai aussi peur d’y laisser ma peau... Je ne suis pas prête à sortir seule, sur mon bateau… Je prendrais le temps qu’il me faudra ! Peur de la mer du nord... Peur de cette foutue tempête qui finira bien à un moment... Peur de faire le bouchon en dérivant.... Alors je songe, moi aussi que je suis cramponnée au mat dans mon ciré, en guettant ma fatigue et celle du vent, les fantômes sur le pont, les doigts gourds et le ciré souillé, que je suis fière de rentrer au port. Et puis cette cabine trempée qui pue sous le soleil, comme après une longue traversé, mais qu’importe, je suis tellement fatiguée que je vais dormir une éternité! Et puis la douche à la capitainerie... Dans un port lointain… Les grosses gouttes chaudes qui tombent sur mon crâne, et moi assise sur le carrelage crasseux à me demander ce que je fais ici... Heureuse d'être en vie.... Heureuse et prête à repartir… Et ça, c'est l’appel du large… ET… Le regard vers le large, tout en travaillant sur mon bateau, c’est là qu’il met venue l’idée… L’idée d’un défi ! Pourquoi ne pas réaliser un troisième défi ? Ici en Bretagne… Mais faire quoi ? Il me faut une carte marine !!! Et la carte a plat sur la table à calculer les distances… En 2002 j’ai réalisée le défi « SKYLINE » Hyères Calvi à ski nautique, en 6h 20 minutes, et n’étant pas encore arrivée à Calvi, que je pensais à un défi à réaliser pour 2003… Pourquoi ne pas longer les côtes de mon sud ? Rejoindre la frontière espagnole à la frontière italienne ? Voilà le défi « WATER-SIDE » qui murit dans ma tête pour la saison 2003 Rallier Cerbere Sète, Sète Hyères, Hyères Menton… Donc défi réalisé en 3 jours, en trois étapes… Soit, une distance de 500km en 14H 43 minutes… Et toujours à ski-nautique ! Mais ici, en Bretagne, en Manche jamais je ne pourrais réaliser une si grande distance… Déjà par la météo qui est trop changeante, par cette houle qui me semble gigantesque pour moi skieuse assise, à cause de mon handicap… Et ensuite une distance raisonnable, où je suis sure de mes capacités, pour partir, mais aussi revenir sans bobos et dans de bonnes conditions avec une équipe… Alors je mets mon ami Gimel dans la confidence, je lui explique ce défi qui commence à me ronger… Il prend forme dans ma tête, il bouffe mes nuits ! Il trouve l’idée géniale… Mais, aussi faut lui trouver un nom à ce défi ? Des heures au téléphone, le défi « STERENN-ARMOR » est en train de voir le jour… Le défi « STERENN-ARMOR » pour la saison 2007 ? Un troisième défi ? Ne ditons pas jamais « deux sans trois » ? Le défi « STERENN-ARMOR » consiste a partir de la baie de St Brieuc, Jersey, et retour dans la baie de St Brieuc… Aller la machine est relancé… Recherche d’une équipe, pilotes, copilotes, semi-rigides « pour la navigation en manche, c’est l’outil idéal pour la réalisation de mon défi », un site pour mes entrainements sur l’eau, une équipe pour m’entrainer dans une salle de musculation aussi ! Mais sans sponsors impossible de réaliser un tel défi ! Alors aussi recherche de partenaires… Mais surtout une condition physique au top ! Bien sur vous imaginer bien qu’il m’a fallut plusieurs mois d’entrainement avec plusieurs heures de sports par jours, kiné, natation, hand-bike, « vélo à bras » sur home traineur sur des kilomètres ! Les mois ont passés, avec des hauts et énormément de bas… La fatigue ce fait ressentir, ma fenêtre météo qui tarde à pointer son nez, j’ai peur de ne pouvoir réaliser mon défi en 2007 ! Mon bateau que je délaisse, par manque de temps, le soleil me manque, mais surtout mon fils que je n’ai pas vue depuis que je suis en Bretagne… Impossible de partir en vacances, il me faut toujours plusieurs heures d’entrainement par jours… Sans compter mes stages d’entrainement sur l’eau… OUI beaucoup de sacrifices, mais n’est-ce pas le succès de la gloire ? Avoir un record de plus, aujourd’hui c’est mon but ! En juin… Début juin, c’est ma fenêtre météo… Tous le monde est prêt… Toute l’équipe s’impatiente, cela fait des mois que toute mon équipe est sur le pied de guerre… Coach sportif, coach ski-nautique, kiné, huissier… Enfin bref tous le monde à besoin de vacances, et moi la première ! Il faut rapatrier deux semi-rigide de Granville mis à ma disposition gracieusement… Un master de 7,50m et un deuxième semi-rigide de 6m, bref en gros, plus de 15 mètre de convoyage… Plus de 3 heures de route, les gonfler, la pose des logos de mes partenaires… Le temps s’écoule, et du temps j’en manque ! Rendez-vous à toute mon équipe le lendemain matin a 4heure 30… Le vent du Nord est là ! L’angoisse me prend ! C’est bien connu, qui dit vent, dit vague, en plus un vent de nord… J’y crois plus ! On décide tout de même de partir… A la sortie du port de St Quay Portrieux à 6heures nous rejoignons le point GPS de départ… Le vent est toujours là, la vague aussi ! En regardant la mer, je sais que je ne passerais pas, je connais mes capacités, et là je sais que c’est infaisable… Une première tentative pour sortir en ski nautique ! C’est la « cata » ! Impossible de sortir face à la vague, on essais, dos à la vague… Je sort ! Mais impossible d’augmenter ma vitesse, 16 nœuds c’est injouable, pour moi qui ski à une vitesse minimale de 22 a 30 nœuds, mon ski ne déjauge pas ! Donc trop de traction dans mes bras, le défi à cette vitesse c’est impossible a réaliser ! Après concertation auprès de mon équipe, ils me conseillent tous d’arrêter là ! Je ne peux qu’accepter la défaite… Je ne suis pas l’enfant du pays, ils sont sur leurs terrain de jeu, les professionnelles de la mer, c’est bien eux ! Je suis démoralisée ! Plus de deux mois ce sont écoulé… Je ne perds pas espoir, je continue à m’entrainer, toujours des heures d’entrainements par jours, et des entrainements en mer et celle-ci pas toujours tendre avec moi, mais je veux encore y croire… Faut que la météo s’améliore… Mais nous avons pris la décision mon équipe et moi de modifier le défi « STERENN-ARMOR » pour des raisons de logistique afin de gagner du temps sur la météo… Ce n’est plus l’équipe de Granville qui viendra à moi avec les semi-rigides, c’est à dire, le semi-rigide qui ouvre la route, celui qui me tracte, mais l’équipe des environs de St Brieuc… Le troisième bateau, aussi un master, mon bateau « sécu » qui nous rapprocherons de Granville… Et donc, le défi « STERENN-ARMOR », devient… GRANVILLE, JERSEY, St QUAYPORTRIEUX… Et là en septembre, le 6 septembre exactement, y a mort-eaux, cela fait des semaines que j’attends le jour « J » et si les conditions météo sont favorables, il faut tenter de partir ! Je téléphone à Morgan, un des pilotes de Granville, il me confirme, toutes les conditions sont favorables pour la réalisation du défi… Je passe des heures au téléphone à savoir qui est disponible… Ma petite équipe est toujours aussi prête à me suivre, je les adore ! Donc mercredi soir 5 septembre, Pascal, pilote « sécu » et son Master de 6 mètre, nous avons pris la route… Direction Granville ! Voilà, les trois bateaux sont à l’eau, dans le port de Granville. Certains professionnels du nautisme de Granville sans me connaître, nous ont facilités les préparatifs pour la réalisation du défi ! « A EUX, MILLE FOIS MERCI » Cette nuit là impossible de fermer l’œil… J’ai peur de cette mer… J’ai peur d’avoir entrainé une équipe, des sponsors sur une mer que je ne connais pas ! J’ai prié tous les dieux de la terre, que Eole et Poséidon me salue a mon passage ! Alors dans le noir, tout comme un condamné j’attends mon heure ! Le jour « J » Départ du port de Granville mon équipe et moi a 6heure 30mn ont rejoint notre point GPS de départ… TOP départ à 7heure 45mn de notre point GPS, cap sur Jersey… J’ai un mélange de houle longue avec un clapot venant tribord… J’ai du mal à trouver la bonne place dans la vague… Bizarre cette mer ! En faite ma position idéal pour éviter les chocs, et la « casse » du ski, c’est de mettre mon ski sur le quart et partir en slalom dans la vague du bateau… Ce n’est pas l’idéal pour moi, automatiquement qui dit « slalom », dit traction dans les bras, donc fatigue et douleurs musculaires… J’essaie de repérer la topographie pour me situer sur la carte… Toujours en contact avec mon équipe avec VHF à me donner les infos… La vitesse, la distance parcourue, et le point GPS… Et surtout si j’étais dans les temps estimer… C’est à dire moins de 4 heures pour réaliser la traversée ! Guerre plus d’une heure du départ je laisse Jersey dans mon dos… Toujours une houle longue, la mer s’apaise… Et je crois que moi aussi, peut être est-ce qu’après confirmation, je suis dans les temps ? Au plateau Des Minquiers, rien ! Pas de mer agitée comme m’ont dit les anciens d’ici… Un arrêt est le bienvenu, pour mon équipe et moi de toute façon c’est mon temps de glisse qui est homologué … Un cachet antidouleurs, le temps d’échanger quelques mots avec l’équipe et ont repart ! J’aperçois « le grand Léjon » il faut que je m’accroche, que je tienne bon, les douleurs musculaires sont bien présentes, et là, je sais qu’il me reste peu de temps à être encore sur l’eau… La mer s’aplatit, je profite de faire augmenter ma vitesse… Et bientôt ma ligne d’arrivé ! Je demande à mon équipe de m’arrêter à 3 mile des « roches de St Quay » de façon à ce que la vedette me servant de point GPS en terme de ligne d’arriver se mette en place, que Morgan et son semi-rigide ayant ouvert la route puisse embarquer la presse et autres accompagnateurs … J’entends à la VHF, « je suis prêt ! » Et pour moi c’est repartie, je sais qu’il me reste que quelques miles à parcourir, quelques minutes à glisser sur l’eau… La mer est presque d’huile, tant de fois j’ai espéré avoir ce type de mer pour ce défi, mais ce jour là je n’en croyais pas mes yeux, et malgré la douleur sur tout mon corps, ce n’était que du bonheur… Une mer d’huile… Ma ligne d’arrivé, je la voie au loin, ma hantise est que je tombe juste avant de la passer, alors je me mets à pensez à ces sportifs de haut niveau que l’on voit à la télé, ou en fait c’est celui qui arrive derrière qui a les honneurs… Je ne veux pas y croire ! C’est ma ligne, elle est pour moi ! C’est mon défi ! Tous les muscles des mains et des avant bras me brûlent, je n’ai même plus de force pour tenir le palonnier, l’effet « pince » m’abandonne, je me bats contre mon corps et le mal, faut que je tienne juste encore un p’tit peu… Je la passe, OUI, je l’ai passé ma ligne… Heureuse, OUI, heureuse, c’est sur ! Après tant de mois de privations, d’efforts, j’y suis arrivée… A une vitesse moyenne de 22 nœuds… J’ai la gorge serrée, j’y suis enfin arrivée, je suis enfin chez moi… Me voilà, donc, avec un record de plus à mon actif… Je suis fière, j’en ai rêvé, j’ai osé, je l’ai fait ! C’est le défi « STERENN-ARMOR » Granville, Jersey, St Quay Portrieux Une traversée de 66,4 mile nautique en 3 heures 09 minutes… En ski nautique Et maintenant… Cela me fait drôle, de ne plus avoir de planning d’entrainement… Je retrouve mon « KRAK-HOUAT » Qui est à l’eau depuis le début d’été, je le bichonne toujours autant comme au premier jour… J’ai décidé d’en faire un support publicitaire pour remercier mes partenaires, grâce à EUX, cela me permet de pratiquer mes activités sportives, afin de réaliser mes défis nautiques, et autres manifestations sur l’eau ! Mon Edel 2, à partir de son port d’attache évoluera toute l’année dans la baie de St Brieuc et sera un support publicitaire permanent, pour mes partenaires. Il est, de plus l’outil idéal pour démontrer la possibilité de la pratique de la voile par des personnes handicapées dans ma ville et sur les côtes voisines. Je sais, qu’il me pardonne mon « KRAK-HOUAT » de l’avoir délaisser pendant des mois Aujourd’hui il est vraiment adapté avec tous ses agencements en rapport avec mon handicap, pour être autonome en mer et bientôt je pourrais naviguer toute seule, et si mon expérience en ski nautique ou cette relation d’amour que j’ai avec ce bateau peut servir à d’autres personnes en situation de handicap, j’en serais ravie… Dire que dans la vie rien est insurmontable, qu’il y a toujours une solution à tout obstacle… Il faut juste se donner les moyens d’y arriver… De rêver… Et moi, il faut juste me laisser un peu de temps… Et là, enfin je saurais que mon… Rêve est devenu réalité… Joëlle Colin