Sommaire extérieurs-1
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Sommaire p. 1 Evolution de la Lettonie : p. 4 Les relations internationales : Suite de l’intervention de M. Lappuke p. 6 L’économie de la Lettonie : • Intervention de M. Rolands Lappuke Exposé de M. Jãnis Eglĩtis p. 9 : Quelques éléments sur la situation économique , par MarieJo Huguenin p. 10 La réforme administrative : Rencontre à la mairie de Daugavpils : Avec Mme Vanda KEZIKA et M. ViKtors KALANS p. 14 Questions sociales • p.14 : Rencontre avec M. Andris BERZINS • p. 17 : La situation des femmes en Lettonie Rencontre avec Mmes Lilina SILINA et Maiga DZERVITE p. 19 Les minorités en Lettonie : Exposé de William MEJIA p. 23 Le système éducatif • • • p. 23 : Visite de l’université de Daugavpils p. 25 : Visite de la bibliothèque russe de l’université de Daugavpils p. 26 : Le système scolaire p. 27 Visite à Preili du journal « NOVADNIEKS » P. 30 La culture lettone : exposé de Katrine LEHRE Evolution de la Lettonie depuis l'indépendance en 1991 Intervention de M. Rolands LAPPUKE ancien ambassadeur de Lettonie en France Le 23 août 2010 Compte rendu : Noëlle Delécrin M. Lappuke parle bien le français; il a été ambassadeur au Portugal, il est actuellement à Madrid. Il fait un long rappel historique pour comprendre l'évolution actuelle. La création de Riga et la christianisation de la Lettonie par les ordres germaniques correspondait déjà à un début d'européanisation. Le pays avait une double affiliation : à Rome par les chevaliers teutoniques et au Saint Empire romain germanique par la classe dominante. A partir de 1278, Riga fait partie de la ligue hanséatique1. La langue dominante est l'allemand. Vers le XVIème siécle, les pouvoirs dominants, Riga et son archevêque, la bourgeoisie locale, les chevaliers teutoniques, s'opposent à la papauté. En 1525, le grand maître de l'Ordre des chevaliers teutoniques devient luthérien, le pays se convertit. En 1550, Ivan le terrible a essayé d'envahir le pays. Au XVIIIème siècle, la noblesse allemande balte a appuyé les Russes qui dominent d'abord le sud de l'Estonie, la Livonie, puis à la fin du XVIIIème siècle la Courlande. Cette période est peu évoquée bien qu'elle ait duré 2 siècles. Dorothée de Courlande était intimement liée à Talleyrand et ses filles à des personnages politiques du XIXème siècle, tels Metternich. Entre 1812 et 1817, le servage est aboli en Livonie, en Estonie. Au XIXème siècle, on assiste au développement de l'alphabétisation, à l'essor de l'industrialisation, à l'affirmation du letton, tout en reconnaissant l'allemand. En 1873 apparaît le phénomène des chants populaires. A la fin du XIXème siècle, la population lettrée s'enrichit; le prolétariat s'organise avec la création en 1904 du premier parti démocrate, très bien organisé. Au début du XXème siècle, le développement social et économique est important. Pendant la première guerre mondiale, 800 000 Lettons sont évacués vers la Russie. En 1918, il faut organiser le retour des exilés, certains étant restés en Russie. En 1915, une partie des Lettons était bochévique. Une partie était sociale démocrate. Un dicton dit que la révolution russe a abouti grâce à l'intelligence des juifs, la baïonnette des Lettons et la bêtise des Russes. Cependant en 1918, une délégation de Lettons va à Versailles et s'emploie à obtenir l'indépendance du pays. Pour M. Lappuke, le régime soviétique, de 1945 à 1990, a coupé les liens naturels des pays baltes avec les pays européens, en particulier avec l'Allemagne et la Suède. Il a coupé les gens de leurs racines. Environ 30% de lettons ont émigré entre 1940 et 1945. Il a admiré le 1 Cf. carte à la fin du texte 1 chef du parti communiste de l'époque (un peu dissident) qui a aidé au passage du régime communiste au régime démocratique actuel. La Lettonie (Latvia) en 1991. Source : musée des Occupations En 1991, le pays réalisait les finitions de produits fabriqués ailleurs pour le marché soviétique. Après cette date, les 3 pays baltes se sont trouvés concurrents. Depuis 1991, tout a été fait pour retrouver les liens coupés par l'URSS mais 20 ans après, le pays s'en ressent encore. Selon M. Lappuke la notion de devoir (à l'allemande ou comme Kant) est importante chez les lettons. Les gens auraient tendance à se sous-estimer : ce qui n'est pas achevé n'est pas satisfaisant. Souvent tout est mal. Les gens disent : « j'aime ce pays mais je n'aime pas cet état ». La perception de l'Etat reste pervertie même 20 ans après le communisme. Le pays a renoué des liens avec les pays scandinaves voisins ; il a cependant plus de problèmes avec les technocrates quadragénaires suédois peu conscients des problèmes historiques. M. Lappuke mentionne qu'il n'y a pas de problème avec les Vieux Croyants de langue russe. Sur la question de l'euro il reste plus vague, disant que l'Estonie, beaucoup plus aidée par la Finlande, est plus en avance que la Lettonie. 2 3 LES RELATIONS INTERNATIONALES Suite de l’intervention de M. Lappuke Ex-ambassadeur de Lettonie en France actuel ambassadeur en Espagne Le 23 août 2010 Compte rendu : MarieJo Huguenin Marie-Anne Lambotte Les relations internationales − Avec les autres états baltes Avant 1991, ils avaient les mêmes fonctions au sein de l'URSS ; à partir de 91, ils sont en compétition. Aujourd’hui ils sont interdépendants au niveau de l’énergie. Le gaz russe stocké en Lettonie est redistribué en hiver dans les autres pays. La centrale nucléaire d’Ignalina en Lituanie a été fermée fin décembre 2009. Les trois pays baltes envisagent avec la Pologne la construction d’une nouvelle centrale (entrée en service 2018 ?). La création d’un marché balte de l’électricité et le rattachement à l’Europe occidentale sont en cours avec l’aide de l’UE : un câble sous-marin doit relier les pays baltes à la Suède et au réseau nordique (Finlande). Et une connexion avec la Pologne est en préparation Dès qu'il y a des éléments interdépendants, il n'y a pas de problème (N.B. Monnet avait après la guerre créé une interdépendance entre la France et l'Allemagne à travers le charbon et l'acier). De même que pour l’énergie, l'élément sécuritaire est fédérateur. Ex : l'adhésion en même temps des trois pays à l’OTAN et à l’UE en 2004. Les trois ont adhéré très vite après leur indépendance (1993) à l’Assemblée Baltique, ce qui signifie une coopération dans différents domaines, économique, environnemental, culturel… Soutien des pays scandinaves – voisins mais concurrents Difficultés avec la nouvelle génération suédoise (celle des 40 ans) qui n'a pas connu l'histoire (ex avec les banques suédoises ; leur rôle est très critiquable dans le laxisme des crédits distribués en Lettonie : 80 % puis 100 % de crédits accordés pour un prêt. Dès 1992, elles auraient dû limiter ces prêts). 4 − Allemagne : comment gérer le passé, le souvenir de l’occupation pendant la seconde guerre mondiale et des déportations ? − Russie : le problème c'est la Russie elle même, tant qu'elle ne règle pas ses problèmes, en particulier ne rompt pas avec son passé de domination dans les ex pays de l’URSS. On est peut être à un tournant grâce à la pression internationale et intérieure pour qu'elle change son attitude, mais quand en 2005 la Présidente Lettone a pris la décision courageuse et historique de se rendre à Moscou, on a vu une injuste et ignoble campagne de diffamation se développer (elle est apparue en costume de SS sur Internet). La Lettonie a été considérée comme l'ennemi public n°1 en Russie. Les Russes ne se sentent jamais responsables ; ils ont besoin de boucs émissaires extérieurs ou intérieurs . Ex : les tirailleurs lettons responsables de la révolution russe, ensuite les fascistes lettons, ensuite, les Lettons responsables de la pérestroïka. La mauvaise image de la Russie en Europe ou dans l'OTAN : encore les Lettons. Ils sont les pires fascistes, bolchévistes...responsables de tout pour les Russes. Les relations pourraient être excellentes, mais il y a eu une très mauvaise gestion des relations dans les années 90 : les Lettons ont cherché à se débrouiller par ailleurs. Une partie en Lettonie prône de meilleures relations avec la Russie, en particulier le parti nommé Centre d'harmonie. Il n'y a pas de haine fondamentalement mais pas de désir non plus d'avoir une relation privilégiée. Les Russes en Lettonie se sentent toujours membres d'un pouvoir qui n'existe plus, celui du temps de l’URSS (ex : la jeune Russe de Lettonie à Londres qui travaille au « Méridien » avec un passeport letton, ne s’est sentie lettone qu’à partir du moment où elle était dans un autre pays de l’UE et ...elle apprend le letton). Le passé totalitaire pèse très lourd sur les gens. Il a engendré une méfiance par rapport à l’Etat : « adhérer à l’Etat est désagréable », « une prescription de l’Etat est insupportable ». Construire des liens avec les autres et les voisins. Avec la Pologne pas de contentieux ni d'animosité. − Avec la Biélorussie : 70 000 Biélorusses en Lettonie. Ils ont même une école dans leur langue − Classes en 8 langues minoritaires (le letton est la langue nationale officielle) En réponses aux questions, Monsieur Lappuke a reconnu que les trois pays baltes ne marchent pas du même pas sur le plan économique : − l'Estonie est stimulée par la Finlande qui lui a permis de développer ses capacités de production. Elle a un espoir d’entrer dans la zone Euro en 2011 la Lettonie a essayé de freiner son inflation en 2007, frein et chute brutale, la banque la plus grande (PAREX BANKA) a été proche de la faillite au moment de Lehman Brothers. L'état a sauvé cette banque (une analyse judiciaire a montré que tout est OK). La Finlande a soutenu l'Estonie et la Lettonie n'a rien eu. − « Le pays de rien mais notre rien est meilleur que le vôtre » - en anglais - devise trouvée sur une affiche de tourisme, reprise à son compte par Monsieur Lappukke. « Ce qui compte ce ne sont pas les faits mais ce que les gens veulent croire » Talleyrand. Pour les prochaines élections d'octobre : succès du parti des « paysans et des verts » ? « Pour l'instant notre projet fondamental est de survivre » 5 L’ECONOMIE DE LA LETTONIE Exposé de M. Jānis Eglītis député du parti Populaire (libéral) Le 24 août 2010 Compte rendu : Raymond Girou Patrick Lesauvage La Lettonie accède à l’indépendance le 6 septembre 1991, après une domination de plusieurs siècles par l’URSS. Cette date déterminante va changer l’orientation de l’économie en profondeur. Cet exposé aborde successivement l’avant 1991, l’après 1991, la crise économique et financière ainsi que les handicaps et atouts de ce pays. 1-LA SITUATION AVANT 1991 La Lettonie a été intégrée à l’économie de l’URSS jusqu’en 1991. C’est le règne d’une économie étatique. Les terres et les logements appartiennent à l’Etat. La monnaie est le rouble letton. La production agricole est assurée par des kolkhozes tandis que l’industrie régie par des entreprises d’Etat couvre de multiples secteurs : l’aéronautique, l’automobile, le matériel ferroviaire, le matériel militaire. Elle s’est développée, à partir des matières primaires provenant d’URSS. Durant cette période, la Lettonie connaît une forte immigration d’une population russe qui vient s’installer sur place. La ville de Daugavpils, 2ème ville du pays, est la porte d’entrée économique de l’URSS, avec un développement industriel et, suite à une forte implantation, la population russe y devient majoritaire. La Lettonie bénéficie de RIGA, son port sur la Baltique hors glace l’hiver, et de ses relations privilégiées avec les deux autre pays baltes et les pays scandinaves. Les hommes, les terres agricoles, l’industrie, la forêt et le port constituent les ressources principales. La Lettonie collabore fortement avec l’URSS et affirme peu sa personnalité, contrairement à ses voisins. Mais la révolution chantante de 1991 va bouleverser l’économie du pays. 6 2-LA SITUATION APRES 1991, période : 1991-2007 L’indépendance obtenue en 1993 marque une rupture brutale avec l’URSS. Une économie libérale prend progressivement la place de l’économie étatique. Au niveau de la monnaie, le Lats remplace le rouble letton, tandis que la privatisation des terres, des logements et des usines est mise en place. Les terres et les maisons sont rendues à leurs anciens propriétaires quand ils sont identifiés et présents. Les Lettons « de souche » ont reçu des bons pour leur permettre d’acquérir une partie de leur logement ou une part d’une entreprise privatisée. Par contre, les hôpitaux, l’enseignement, les chemins de fer, la poste et l’électricité restent des services publics. Les services de santé et d’éducation sont gratuits, sauf l’enseignement supérieur mais il y a des bourses. Les entreprises privatisées ont été sous-capitalisées et seules quelques-unes ont survécu. De ce fait, une grande partie des entreprises industrielles a disparu. Dans l’agriculture, certaines terres sont devenues des friches. Ainsi, la chute de l’activité économique a entraîné des mouvements de population, avec une forte émigration. Un grand nombre de jeunes vont faire des études à l’étranger. M. JANIS EGLITIS considère que la privatisation était nécessaire et juste, mais elle n’a pas réellement dynamisé l’économie. L’économie lettone manque cruellement d’ingénieurs et de capitaux pour créer des usines et des activités nouvelles. Les capitaux étrangers n’arrivent pas suffisamment, malgré une politique favorable du Gouvernement. Mais progressivement, la Lettonie a retrouvé la croissance et, le 1er mai 2004, elle a pu adhérer à l’Union Européenne, ainsi qu’à l’OTAN le 29 mars de la même année. Le premier motif d’adhésion aux institutions européennes est la sécurité tandis que l’économie ne vient qu’en second. L’économie souterraine (fraude ou travail au noir, …) est estimée entre 20% et 40% du produit intérieur brut. Ce qui représente une perte de ressources pour le budget. Le Lats est indexé sur l’EURO (1 LATS = env. 1,5 EURO). 35% des habitants habitent à la campagne et 15% travaillent dans l’agriculture qui représente 5% du PIB. La Lettonie exporte du bois, du lait, des alcools et de la confiserie. Par contre, elle importe l’essence, le gasoil et 2/3 de son électricité. Dans les années 2000, l’économie connaît une forte croissance, autour de 6%, mais la crise économique et financière de 2008-2009 vient la frapper de plein fouet. 3-LA CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE Devant la chute de l’économie, le Gouvernement est obligé de prendre des mesures exceptionnelles, notamment : - nationalisation et renflouement d’une banque lettone. - division par 2 des salaires des fonctionnaires. - réduction du déficit budgétaire. Il atteint 8% du produit intérieur brut en 2010. - emprunts auprès du Fonds Monétaire International (FMI) et de l’Europe. Ces mesures très rigoureuses n’ont pas suscité de manifestations massives. Elles ont été acceptées par le peuple car elles sont considérées nécessaires pour avoir une place dans l’Union Européenne. « On ne peut dépenser plus qu’on ne gagne ». Les conséquences de cette crise sont sévères pour la Lettonie : très forte baisse du pouvoir d’achat des salariés, forte progression du chômage qui semble actuellement se stabiliser à 15%, émigration importante des jeunes… Mais « Il vaut mieux donner des cannes à pêche à la population que du poisson » nous précise M. Jānis Eglītis. Il insiste en effet fortement sur les réformes importantes qui seront 7 nécessaires après les élections de novembre 2010, au niveau des services publics afin d’augmenter leur efficacité, en priorité même à la relance des investissements, et l’appel à des capitaux étrangers…. Il souhaite que le Lats soit dévalué, afin de favoriser les exportations... Selon M. Jānis Eglītis , la Lettonie est revenue 10 ans en arrière. L’espérance d’un redressement et d’une marche en avant ne peut venir que de l’Union Européenne. L’objectif d’adhérer à l’EURO, qui est fixé à 2014, est maintenu, même s’il pense que ce sera très difficile. 4-HANDICAPS ET ATOUTS DE LA LETTONIE : Les handicaps proviennent de l’absence de ressources minières et énergétiques, ainsi que de la disparition d’une grande partie de son industrie. Le vieillissement de sa population, notamment du fait de l’émigration importante des jeunes, constitue également un handicap majeur. La domination russe et le système soviétique ont laissé des traces profondes au niveau des mentalités et il faudra plusieurs générations pour les effacer complètement. Mais la Lettonie a plusieurs atouts pour surmonter ses handicaps économiques actuels. Elle a un bon niveau de formation de ses jeunes : la Lettonie occupe le 2ème rang dans le monde pour le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur par rapport à sa population. L’agriculture, l’agro-alimentaire, la forêt, le tourisme, avec ses lacs et 490 km de côtes, et l’activité maritime sont des atouts à exploiter. Le port de Riga sur la mer Baltique représente également un facteur de développement des échanges commerciaux. Elle dispose également d’un fort sentiment national basé sur une culture populaire faite de musique, de chant et de divers arts, qui lui ont permis de conserver son identité pendant plusieurs siècles de domination. L’intégration de la Lettonie dans l’Union Européenne représente le principal atout pour son avenir et l’objectif de l’adhésion à l’EURO en constitue une puissante motivation. Les différences entre les 3 pays baltes sont en fait assez importantes et empêchent la création de véritables relations privilégiées et collaboratives entre eux. Riga : Zone portuaire 8 Quelques éléments sur la situation économique en Lettonie (sources diverses : Alter Eco, Bilan du Monde, infos du voyage...) 1 – Quelques chiffres PIB 2009 PIB/hab en $ (en milliards de $) Espérance de vie Population Croissance ou récession Chômage Lettonie 24,2 10701 71 ans 2,3 millions -18,00% 20 % - record UE Lituanie 36 10775 71 ans 3,3 -18,50% 18,00% France 2634,8 42091 80 ans (77 et 85) 63,6 millions 1,20% 7,50% Salaire minimum (180 lats – 1 lats = 1,4 €) La Lettonie a touché 4,5 milliards d'Euros d'aide internationale (sur les 7,5 prévus d'ici 2011) pour les 2/3 de l'UE. Discussions très tendues entre l'état et les créanciers internationaux qui menaçaient de geler les versements si l'état ne réduisait pas le budget de 700 millions d' €. Le gouvernement réclamait plus de souplesse vu les efforts déjà consentis : réduction des salaires des fonctionnaires de 40 %, des allocations sociales et des retraites... 2 – La situation fin 2009 La crise financière a touché la Lettonie plus durement que la plupart des pays européens, ce qui a obligé le gouvernement à prendre des mesures extrêmes, en particulier le rachat de la banque lettone PAREX BANKA (financement d'un milliard de Lats). Les banques suédoises (SEB, Sweedbank) représentent 90 % du réseau bancaire en Lettonie. Entre 2004 et 2006 la croissance est très forte (autour de 6 % pour les pays baltes, la plus forte de l'UE) et l'euphorie de l'économie libérale les amène à accorder des prêts sans demande de garantie jusqu'à 80 à 100 % des besoins de financement (construction immobilière en particulier). Même si les salaires augmentent, certaines familles ne vont pas pouvoir rembourser. Le marché immobilier s'effondre, les banques font jouer les garanties et s'approprient les maisons dont les valeurs se sont effondrées et qui ne suffisent plus à couvrir les emprunts. La situation est dramatique pour certaines familles qui n'ont plus leur habitation mais encore une dette importante vis-à-vis de la banque. Elles essaient de se constituer en groupement (ex : Association Lakta) et d'organiser leur défense sur le plan juridique pour qu'au moins, si la banque a récupéré leur bien, leur dette soit éteinte, mais ça n'est pas gagné (bien sûr les banques attendent que le marché de l'immobilier remonte …) Le gouvernement a refusé de dévaluer le Lats, ce qui, même si cela favoriserait les exportations, aurait des conséquences catastrophiques pour les Lettons ayant en majorité contracté des emprunts en euros. De financière la crise est devenue économique puis sociale (chômage). A l'automne 2009, le gouvernement a lancé un plan d'électricité gratuite pour 100 000 familles nécessiteuses et la Banque mondiale mettait en place un réseau d'aide minimale dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'aide sociale pour ceux qui cessent de percevoir les allocations chômage après les neuf mois légaux d'indemnisation. 3 – Privatisation – entre 1996 et 2003/2004 Opération de l'état organisée pour « redistribuer » ce qui était propriété d'état (sous le régime communiste) auprès de la population privée. Elle a consisté en une distribution de « certificats » ou « bons de propriété » (un bon = 28 Lats) fonction du temps de résidence en Lettonie. Ces bons devaient permettre aux Lettons de devenir propriétaires de leur logement ou d'entreprises ou de fermes... car un marché s'est instauré permettant d'acheter ou de vendre ces bons. Dans la réalité, les plus pauvres ont vendu leurs bons et certains (les plus « au courant » ou déjà dans le système - 9 par ex les anciens apparatchiks) se sont ainsi appropriés une partie de l'appareil de production. Cette opération s'est terminée en 2004. MarieJo Huguenin 10 RENCONTRE A LA MAIRIE DE DAUGAVPILS Avec Mme Vanda KEZIKA, Responsable administrative du district M. Viktors KALANS, Maire adjoint de région En présence de M. Artjoms MAHLINS , élu du district Vendredi 27 août 2010 Compte rendu : Bernadette Thalvard Noëlle Delecrin A l’issue des présentations, un diaporama sur la région nous est présenté qui, à l’aide de quelques très beaux clichés, présente les points forts de cette région : nature, parcs, lacs, cigognes, poteries, folklore et fête de la St Jean… Ce district est la 109ème municipalité de Lettonie et fait partie du Latgale (une des 5 grandes régions de Lettonie). Depuis le 6 juin 2009, une réforme administrative et territoriale, quasiment imposée par la Banque mondiale, a découpé le pays en 20 districts (rayons ou villes ou novads ou « communautés rurales ») et 109 municipalités (au lieu des 26 districts et 552 communes qui existaient auparavant). Cette réforme a consisté à supprimer les municipalités de 1er niveau qui étaient de petites communes et à réorganiser la structure des districts (centres économiques et administratifs). Actuellement les régions les plus importantes sont celles qui ont plus de 28 municipalités. Le district de la région de Daugavpils (sauf la ville elle-même) est composé de 19 petites municipalités et compte 28 000 habitants environ. 11 Sa population comprend : Russes : 43 % Lettons : 33 % Polonais : 13 % Biélorusses : 7 % Ukrainiens : 1 % Autres : 3 % Des élections désignent ses 17 représentants. Depuis les dernières élections, les 6 partis représentés ont entre 1 et 7 élus : - LPP/LC (Le chemin de Lettonie et La première partie de Lettonie) : 7 élus - Saskanas centrs : 3 élus - Zalo un Zemnieku savienïba (Verts et paysans) : 2 élus - Latgales tauta (Une Nation Latgale) : 2 élus - Tautas partija (Le Parti National) : 1 élu - Sabiedriba citai politikai (Les politiques pour une autre société) : 1 élu Travailler avec de nombreux partis semble difficile mais une bonne collaboration existe. Les partis ont mis en place une coalition principale de 3 partis. Depuis la réorganisation, le travail est différent et d’une autre qualité. Les fonctions déléguées aux collectivités territoriales concernent l’organisation des services publics et urbains, la formation, l’organisation de l’aide sociale et de la sécurité sociale, la réalisation et l’entretien des infrastructures. Actuellement 4 comités (groupes de travail) ont été instaurés qui se réunissent chaque 2ème jeudi du mois pour débattre et traiter des questions à l’ordre du jour des prochains conseils : - Financements - Education - culture - Questions sociales - Développement économique (terre,…) Chaque 2ème mardi et jeudi du mois, une réunion du conseil a lieu où sont présents les 17 élus de district pour le vote des décisions. L’administration est chargée de mettre ensuite en place les résolutions adoptées. Mme Vanda KEZIKA est heureuse d’occuper le poste de responsable administrative. Elle n’est pas élue mais confirmée par le conseil et chargée de faire appliquer les décisions votées. Elle a voyagé en Europe pour découvrir comment les autres pays européens travaillaient. Elle cite notamment un projet avec la ville de Tours en France : Chaque année une délégation se rend à Tours pour une rencontre autour des besoins des handicapés et un festival. Elle rencontre là-bas des représentants d’autres pays comme le Portugal, la Lituanie, l’Estonie et la Suède avec lesquels elle a des échanges d’expériences. 65 personnes travaillent au District. Plus de 1000 personnes travaillent pour les municipalités. 51 établissements et institutions réalisent les missions adoptées dans le cadre des « services » comme la télévision, les communications, les relations extérieures ou des « conseils » : finances, développement, travail social, immobilier, état civil… Les salariés du district ne changent pas lors des élections. La réforme a réduit le nombre des représentants (17 au lieu de 187) mais les anciens élus ont eu le droit d’intégrer l’administration. Ceux qui ne l'ont pas fait ont pu déposer leur candidature pour devenir député. 12 La nouvelle loi territoriale de 2009 a défini précisément tous les devoirs des municipalités. Il existe une séparation des attributions entre celles de l’Etat et celles des municipalités. Cependant l’Etat peut proposer des réalisations comme par exemple : écoles, écoles de musique, jardins d’enfants… Le problème majeur reste celui de leur financement. Des mesures ont été décidées pour assurer la transition entre les anciennes municipalités et celles issues du nouveau scrutin. Certaines municipalités étaient organisées de manière centralisée et d’autres pas. Dans le district de la région de Daugavpils, il a été décidé de maintenir la gestion décentralisée au niveau des anciennes communes sauf en ce qui concerne les décisions budgétaires, communes aux 19 municipalités. Il existe aussi une administration commune pour la culture (gestion des 22 bibliothèques et de la maison de la culture) et pour la gestion des aides sociales (maisons de retraite, orphelinats). L’Etat a délégué des pouvoirs aux districts notamment pour les personnes ayant des besoins spéciaux (handicapés) et les enfants. Une institution travaille actuellement, au sein du district de la région de Daugavpils, sur les droits de l’enfant et l’adoption. Le budget de 2010 s’élève à 13 000 000 Lats. Il a été adopté en février. La tradition veut que ce soient les plus petits établissements qui émettent en premier leurs propositions auprès de leur entité administrative. Un financement global est attribué à chaque établissement qui décide de sa gestion. L’argent provient des impôts sur le revenu et sur l’immobilier et de quelques autres impôts dont les sommes sont insignifiantes. Les impôts perçus proviennent pour 25 % des bénéfices des entreprises et pour 21 % des revenus des travailleurs Pour assurer une certaine redistribution financière entre les municipalités, ces dernières sont divisées en 3 groupes : « supérieures à la moyenne ou donneuses », « moyennes », « inférieures à la moyenne ou receveuses ». Cette mesure un peu compliquée fonctionne. Le nouveau district participe à des projets européens notamment sur les questions de chauffage, rénovation des routes, efficacité de l’énergie. Il espère recevoir 7 millions de lats. Par ailleurs, le district dispose d’un parc national inclus dans le projet « Natura 2000 » et d'autres parcs doivent être créés. Deux conseils ont pour fonction de réfléchir au tri des déchets. Suite aux questions posées on nous a présenté un aperçu de l'économie du district. Les municipalités constituent un des plus gros employeurs. Le chômage concerne 17 % de la population et peut s’expliquer par l’absence de grosses entreprises. A la place des grands centres de production de locomotives soviétiques, une usine privée répare aujourd’hui les locomotives mais avec un effectif réduit de moitié, les donneurs d’ordre étant moins nombreux qu’auparavant. Le domaine d’activité principal est l’agriculture qui compte 200 structures et 8000 familles dont 5400 reçoivent des subventions. La Lettonie a beaucoup de petites exploitations, ce qui pose problème et le rendement est malheureusement cinq fois moindre que celui de la France. 8 000 paysans ont plus de 5 vaches. La réforme agricole a rendu des terres à des propriétaires qui ne les exploitent plus. 200 fermes produisent 18 % de la production de toute 13 la région. 20 % des paysans ne produisent que pour leur famille. Dans le district, il n’existe que 10 fermes de plus de 10 vaches et 15 fermes de plus de 100 hectares. L’agriculture est spécialisée principalement dans la culture du blé, les produits laitiers et la production de viande (porc, bœuf). 14 RENCONTRE de M. Andris BERZINS Au Parlement à RIGA Mardi 24 Août 2010 Compte rendu : Michelle ROUYER Laurence FLICHY M. BERZINS est député du parti des Verts et des Fermiers. Il est aussi président de la Fondation pour les enfants de Lettonie, qui existe depuis 20 ans. Il est actuellement en campagne électorale (élections prévues le 2 octobre). Sans doute à cause de (grâce à ?) la campagne électorale, notre rencontre était couverte par la télévision nationale : notre présidente a été interviewée à l’issue de la rencontre et est passée à la télévision. 2 thèmes ont été abordés : les retraites les enfants, notamment les enfants maltraités. I. LES RETRAITES Une réforme des retraites a eu lieu en 1996. Il a fallu changer tout en peu de temps et introduire la notion de contribution individuelle. 2 principes régissent le régime de retraite : • La solidarité par les cotisations sociales • L’investissement personnel par le biais de fonds de pension (aspect commercial…) Le vieillissement de la population est un énorme problème ; la démographie est négative et beaucoup de jeunes s’en vont chercher du travail à l’étranger (Ceci nous sera redit plusieurs fois par la suite). Les retraités représentent 20% de la population. L’âge de la retraite est actuellement de 62 ans (Pendant l’ère soviétique il était de 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes). Une réforme est en cours ; la proposition est de reculer l’âge de la retraite à 65 ans, à la demande, notamment, de la Banque Mondiale. Le passage à 65 ans doit se faire progressivement, selon 2 scénarios possibles : 15 • Augmentation de 6 mois chaque année à partir de 2016 jusqu’en 2021 • Augmentation de 3 mois chaque année à partir de 2016 jusqu’en 2026 (En recoupant les informations avec Alberts, il semble que ce soit la première option qui soit en passe d’être retenue). M. Berzins est contre la proposition, pensant que cela ne règlera pas le fond du problème et qu’il est impossible de réaliser cette proposition. En effet : Le budget de l’état représente 7 milliards de lats et le budget social 1 milliard. Le chiffre officiel du chômage est de 15%, concernant en priorité les jeunes, mais ce chiffre ne prend pas en compte le chômage « caché ». En Latgale, par exemple, le chômage est de 22% (chiffre confirmé lors de notre rencontre à Daugavpils). Les jeunes s’expatrient, ce qui pose un réel problème pour l’assiette des cotisations. La durée d’assurance minimale pour avoir droit à la retraite est de 15 ans. Le minimum retraite est 90 lats (soit environ 135 €) La moyenne des retraites est entre 150 et 200 lats (soit environ 225 à 300 €) L’indexation des retraites sur l’inflation a été stoppée mais sera reprise en 2011. La situation est très grave : le coût de la vie est très élevé ; « Regardez les magasins : vous trouvez sans doute à Paris des vêtements moins chers qu’ici » nous dit M. Berzins. « On ne peut pas baisser encore ». Pour illustrer ce propos, j’ai regardé quelques prix : • sur le marché de Daugavpils : Au kg : prunes 0.50 lats (0.75 €), poires 1.00 lats (1.50 €), girolles 1.50 lats (2.25 €), pommes 0.20 lats (0.30 €). • samedi dernier (4 septembre) sur le marché d’Evreux : Au kg : poires 2.00 €, prunes 3.00 €, pommes, 1.50 €, il n’y avait pas de girolles !! Les champignons de Paris sont à 3.00 €. • dans le supermarché à côté de notre hôtel de Daugavpils : Chaussures de femmes 32 lats (env. 50 €), machine à laver 199 lats (env. 300 €), costume d’homme 119 lats (180 €) • Au magasin Cora à côté de chez moi, on trouve aussi une machine à laver pour 300 €…. Tout ceci n’étant pas du tout exhaustif, j’en conclus tout de même que si l’alimentation est moins chère, les biens d’équipement sont à prix équivalent à la France et vraisemblablement les vêtements aussi ou pas loin… II. ENFANTS EN DIFFICULTÉ En deuxième partie de son exposé, Monsieur Berzins aborde la situation des enfants handicapés : orphelins et/ou maltraités. Pour lui la théorie permet le diagnostic des troubles mais l’application de mesures de soins est limitée par le manque de ressources financières. Les enfants orphelins sont accueillis par des institutions ou des familles d’accueil qui sont maintenant rétribuées. 10% des 3000 enfants sans parents sont orphelins, les autres sont retirés à leurs familles. 8000 enfants sont handicapés. L’adoption des enfants orphelins ou de ceux dont les parents sont défaillants est pour beaucoup une possibilité de réparation. Monsieur Berzins estime qu’il faut absolument privilégier l’adoption locale par rapport à l’adoption internationale ; pour lui cette dernière 16 solution est une faute grave pour l’avenir de la Lettonie. Le pays a perdu antérieurement un grand nombre d’habitants ; il existe encore un déficit de la natalité. Il s’intéresse particulièrement aux violences physiques et sexuelles dans la famille et en institution. Les abus sexuels à l’égard des enfants sont une agression incompréhensible, il faut la reconnaître et effectuer une séparation de l’enfant d’avec ses parents. Il y a pour certains une décision juridique de déchéance de l’autorité parentale qui permet éventuellement l’adoption. L’ONG dont il est le président s’occupe de la protection des enfants, elle reçoit des enfants âgés de 3 à 8 ans durant 1 à 3 mois, pour les connaître, les soigner et permettre une réaffectation sociale. Un nouveau centre vient d’être ouvert à Bauli (120 km de Preili) d’autres le seront dans l’avenir. 17 LA SITUATION DES FEMMES EN LETTONIE Rencontre avec Madame Lilita SILINA, Présidente du Club des femmes du Parti populaire et Madame Maiga DZERVITE, Directrice d'une agence de formation professionnelle. Mardi 24 Août 2010 Compte rendu : Bernadette Badinand Christian Lejeune Quelques chiffres sur la place des femmes dans la vie du pays. − 54 % des habitants ( 2 300 000 hab) sont des femmes bien que, dans les naissances, il y ait 1040 garçons pour 1000 filles. − L’âge moyen de vie des femmes est de 77 ans et celui des hommes est de 65 ans. − 29 % de femmes vivent seules avec leurs enfants, 46 % vivent en couple avec enfants. − 74 % des hommes travaillent pour 64 % des femmes, mais le salaire des femmes est inférieur de 10 % à celui des hommes. − 60% des gens ayant une formation supérieure sont des femmes, et 58 % dans le domaine technique ou scientifique, − 88 % des enseignants sont des femmes et elles sont plus de 50 % dans l'enseignement supérieur − 30% à 40 % des entreprises sont dirigées par une femme, − La retraite des femmes est de 20 à 25 % inférieure à celle des hommes (durée du travail sur un plus petit nombre d’années principalement pour s’occuper des enfants) 18 et 75% des femmes retraitées vivant seules ont moins que le minimum vital (estimé à 180 lats). − Alors qu'elles étaient 41 % des candidats, les femmes ne représentent que 35 % des élus municipaux dont le nombre vient d’être terriblement réduit par la récente réforme ( le pays est passé de 500 communes à 118 communes) ; il y a tout de même 19 villes dans lesquelles les femmes élues sont à égalité avec les hommes. − Parmi les députés, 19% sont des femmes. Pour les prochaines élections qui auront lieu en Octobre, il y a 28% de femmes sur les listes présentées. Quelques remarques ou constats. La loi exige l’égalité des hommes et des femmes dans la vie publique mais, comme le montrent les quelques chiffres ci-dessus, cette loi n’est pas respectée dans la pratique. Les femmes sont souvent très dynamiques pour rechercher du travail et se former à de nouveaux métiers. Elles s’engagent beaucoup plus que les hommes dans la vie locale et sociale, souvent en tant que bénévoles (associations, clubs…) Vaira Vike-Freiberga, la première femme Présidente, a été en poste de 1999 à 2007, mais aucune femme n’a été premier ministre. Les postes occupés par les ministres femmes sont dans la sphère sociale, éducation, santé, affaires intérieures. Dans les partis, des clubs de femmes soutiennent les femmes qui se présentent et font un travail de propagande pour les élections. Les femmes ont en moyenne moins d’un enfant dans leur vie pour les raisons suivantes : crise et difficultés économiques, mariage de plus en plus tard, beaucoup de jeunes dynamiques émigrent et ne reviennent pas s’installer dans leur pays ! Cette situation pose de gros problèmes pour l'avenir du pays. Il faut toutefois dire que le dernier recensement date de 10 ans ! Suite à une question posée par notre groupe, il est précisé que l’avortement n’est ni interdit, ni permis2. Chacun se retrouve face à ses valeurs propres en se débrouillant comme il peut. Nous avons eu droit à une présentation de l'association des femmes à la campagne avec ses différentes activités (cuisine, informatique, voyages, chant, sports, bourse aux livres scolaires) et de l'association des femmes handicapées (un exemple pour tous). Il faut préciser que les deux femmes qui se sont adressées à nous sont membres d’une association féministe, rattachée au parti populaire (centre droit). La conclusion de cette présentation était d'autant plus surprenante: « Conclusion à l'attention des femmes: gardons nos hommes ». 2 En réalité, l’IVG est autorisée par une loi de 2002, au cours des 12 premières semaines de grossesse. 19 LES MINORITES EN LETTONIE par William Mejia3 Vendredi 27 août Compte rendu : Arlette Mauriès* NB : Les notes de bas de page font référence aux tableaux statistiques distribués par William lors de sa conférence. Ils sont insérés à la suite de ce compte rendu. Diverses minorités existent en Lettonie originaires de Lituanie, Estonie, Pologne, Allemagne, Belarus, Ukraine. En s’appuyant sur les statistiques, William Mejia ne nous parlera que de la minorité russe très nombreuse et dont la présence est un objet de crainte en Lettonie, minorité dont on parle peu en France sauf lors de l’adhésion à l’Europe en 2004 à propos du statut unique en Europe de « non-citoyen » qui continue d’exister. Pourquoi ces craintes ? Que représente cette minorité ? Elle est importante mais non uniformément répartie4. Elle est beaucoup plus importante dans les villes, à Riga et autour de Riga, et dans la province de Latgale prés de la frontière soviétique ou elle peut atteindre voire dépasser les 50 % de la population. A l’indépendance, les Russes arrivés pendant la période soviétique restent en Lettonie où la situation est meilleure qu’en Russie. Effrayés par leur nombre et par le risque d’une nouvelle perte d’indépendance, les Lettons créent pour eux le statut de non-citoyen, qui leur interdit de voter et l’accès à certaines professions (juge, avocat, fonctionnaire…) Non-citoyen A l’indépendance en 1991, une première loi provisoire sur la citoyenneté accorde automatiquement celle-ci à tous ceux qui étaient en Lettonie avant 1940 ainsi qu’à leurs descendants. En effet pour les Lettons, l’indépendance obtenue en 1991 prend la suite de la 3 William Mejia est attaché de presse à l’ambassade de France en Lituanie depuis quelques mois ; il a habité à Riga 6 mois lors de son master 4 carte et table 5 20 première période d’indépendance de 1920 à 1940. La période 1940-1991 est mise entre parenthèses, représentant pour eux une occupation illégale des Russes. Ceux qui sont venus après 1940 se retrouvent non-citoyens. Après le départ définitif des Russes le 24 avril 1994, la question de la nationalité est relancée. Il y a d’une part le souhait de verrouiller le pourcentage de population lettone dans le pays (quotas annuels de naturalisation) et d’autre part celui de s’ouvrir à l’Europe. Un compromis est nécessaire d’où une nouvelle loi. Les lettons ont intégré de plus en plus de minorités russes de leur territoire. La part 5 de Lettons croit lentement mais régulièrement : + 10 % de 1996 à 2010. En 2010 elle représente environ 82% de la population, les non-citoyens de Lettonie environ 15 %, les autres 3%. Programme de naturalisation important : La naturalisation est fondée sur la Loi de nationalité, elle-même basée sur la Loi de citoyenneté de 1994 amendée en 1998, jus sanguinis (droit du sang). Conditions de naturalisation : Etre enregistré dans le registre de la population et avoir résidé en Lettonie depuis au moins 5 ans Parler couramment le letton Connaître les principes de base de la constitution lettonne et la loi des droits et obligations du citoyen et de la personne Connaître le texte et l’hymne national et l’histoire de la Lettonie Disposer d’une source légale de revenu Avoir donné un gage de fidélité à la république de Lettonie Avoir renoncé à son ancienne nationalité (pas de double nationalité) Examens prévus : tests (écrit et oral) de letton, et sur les connaissances requises Il existe des exclusions : ceux qui ont agi ou fait de la propagande contre l’état (fascisme communisme, idées totalitaires…), ont travaillé pour le KGB ou des services de renseignements, ont lutté contre l’indépendance… Depuis le processus de naturalisation initié en 1995, 133 050 personnes ont reçu la citoyenneté lettone. De 1995 à 1998, la naturalisation s’opère d’abord par fenêtres d’âge ; puis leur nombre6 explose par deux fois suite à la loi sur la citoyenneté de 1998 et à l’entrée dans l’Europe en 2004. Dans la même période, les non-citoyens7 ont diminué de 49%. (-327 199) alors que les citoyens augmentent de 70 013 atteignant 1 856 224 soit une hausse d’environ 4 %. La Démographie, un élément déterminant • L’évolution de la population8 Il existe une forte baisse de la natalité. La population vieillit. Les deux populations décroissent ; l’accroissement naturel -solde entre naissances et décès- est négatif aussi bien pour les Russes que pour les Lettons et la crise de 2008 accentue le phénomène. 5 fig. 112 fig. 121 7 fig. 113 8 fig. 122, 131 à 134 6 21 • L’émigration9 Elle a surtout concerné les Russes de 1995 à 2002 qui sont rentrés en Ukraine et Biélorussie. Elle a repris en 2006 avec un nouveau départ de Russes pour la Russie, et depuis la crise de 2008 une émigration des Lettons avec comme destinations principales la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Ukraine et les Etats-Unis. En résumé la part de population citoyenne lettonne augmente avec l’intégration d’une partie des populations russophones mais une question reste : peut-on se fier à leur loyauté ? Diabolisation de la minorité russe. Les peurs sont-elles justifiées ? L’histoire : les Lettons se souviennent de la brutalité du retour dans le giron russe après leur première indépendance. Ils savent que chaque fois que la Russie a perdu des territoires elle s’est agrandie à nouveau en en annexant d’autres. De plus leur pays a été une des régions les plus avancées du territoire russe. Riga, 2ème port tsariste, fleuron de la Russie, est convoitée. Deux visions de l’histoire s’affrontent : pour les Russes, les Baltes sont rentrés de leur plein gré dans l’empire russe ; pour les Baltes il y a eu occupation et colonisation de leur pays avec déportations. De plus le doute existe sur la loyauté des Russes intégrés qui pourraient se retourner un jour vers leur ancienne patrie. Dépendance envers la Russie pour leurs ressources énergétiques (Gazprom). Rancunes et stéréotypes sont entretenus conduisant à une mauvaise image les uns des autres. Pour les Russes, les Lettons sont fascistes : ils les ont chassés quand les Allemands sont arrivés, croyant recouvrer leur liberté. De plus eux-mêmes ont permis le développement du pays qui n’était qu’un pays de paysans ; idée fausse, la Lettonie était plus en avance économiquement! Pour les lettons, les Russes les ont expropriés de leurs appartements récupérés par les officiers russes ; ils leur ont interdit de parler leur langue. Griefs et rancunes sont utilisés par les politiques. La vie politique est basée sur les origines ethniques : à droite les Lettons, à gauche les Russes. Le parti communiste est interdit. Dans le système à la proportionnelle, il est difficile d’avoir la majorité. Cela oblige à la formation de coalition qui donne du pouvoir aux radicaux lettons ; en effet les partis moins extrémistes préfèrent s’allier à eux plutôt qu’à des Russes plus modérés. Les lettons nationalistes ont donc du poids. Empêcher les Russes de voter (statut de non-citoyen) permettait de garder une vie politique dominée par les Lettons. Cela change. Pour la première fois en 2009 à Riga, a été élu un maire russe : les Lettons ne sont pas allés voter écœurés par les affaires de malversations et de gaspillage. Les russophones avec les naturalisations ont pu peser sur les élections. La Lettonie : arriver à un état avec une identité nationale claire ; le rôle de la langue Elle n’a jamais été un pays unifié avant 1919 avec des minorités d’origines différentes. En fait l’unité lettone tient à la langue qui constitue son identité. 9 fig. 141 à 143 22