Une viticulture durable

Transcription

Une viticulture durable
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Uneuveau défi pour les vigne
un no
SEPTEMBRE 2009
STAGE : « DÉVELOPPEMENT DURABLE ET QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE EN AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE, EN URBANISME, ARCHITECTURE ET CONSTRUCTION ». Cycle 2008-2009
Patrick BIDOT
Jean-Luc GOMEZ
Thierry PERRIER
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Ce mémoire est dédié
aux générations de
vignerons qui depuis
l’Antiquité cultivent la
vigne pour en extraire
« le sang de la terre ».
Château-Chalon : une cabane et des terrasses
(photo R Michaud, 23.11.2008).
« …Regarde bien ces hauteurs,
ces rochers, ces sentiers. Tes
anciens les ont vus bien des
siècles avant toi et maintenant
ils les regardent par tes yeux
et les admirent par ton âme ».
Emile Erckmann
et Alexandre Chatrian.
3�
Préambule
et remerciements
confier à la direction départementale de l’équipement et de
l’agriculture du Jura, et en particulier à Jean-Luc Gomez
qui a assuré la coordination de ce projet, la responsabilité
d’organiser les prolongements opérationnels dont il
pourrait faire l’objet.
Ce mémoire a été rédigé dans le cadre de la session
2008-2009 du stage «développement durable et qualité
environnementale en aménagement du territoire,
urbanisme, architecture et construction». Animée par
l’association AJENA Energie et Environnement en FrancheComté, cette formation de 9 modules de 2 jours est agréée
par la Direction de l’Architecture, du Patrimoine et de
l’Aménagement (DAPA) du Ministère de la Culture et de la
Communication.
Cette étude a été réalisée avec beaucoup d’humilité par 3
stagiaires qui ne sont pas des viticulteurs. Ce document est
donc simplement le fruit du travail de 3 amateurs éclairés
par les entretiens que quelques acteurs locaux ont bien voulu
leur accorder, par l’intérêt qu’ils portent au sujet, par leurs
lectures et par les recherches qu’ils ont effectuées. L’objet
de la démarche n’est bien évidemment pas d’apprendre
aux vignerons un métier qu’ils exercent quotidiennement,
et pour certains depuis plusieurs décennies. Il ne s’agit pas
de donner des leçons, et encore moins de pointer ceux qui
seraient les «bons» ou les «mauvais élèves».
«De la vigne à la table. Une viticulture durable : un
nouveau défi pour les vignerons du Jura ?» est le sujet qui
a été proposé et finalement retenu, car il s'inscrit dans le
cadre d'une démarche de développement durable. Il s'agit
en effet de s'intéresser à une filière économique, à son
volet (les vins c'est aussi, et peut-être en premier lieu, des
hommes et des femmes qui travaillent la terre), et enfin à
ses incidences sur 'environnement, voire sur la santé.
Les paysages viticoles remarquables constituent un
patrimoine naturel et culturel. Leur protection et leur
mise en valeur intéressent par conséquent directement
le Ministère de la Culture et de la Communication qui
a agréé la formation. Le document réalisé comporte
en outre un volet architectural consacré à l'étude des
villages et du bâti viticoles, et à la construction d'«écoexploitations» (présentation de réalisations achevées ou
en cours, préconisations en la matière, etc.) Les vignerons
sont en effet confrontés aux mêmes défis que l'ensemble
de la société, et il s'agit pour eux de construire des
locaux agricoles offrant des conditions optimales pour
l'élaboration, l'élevage et la conservation de leurs vins,
mais aussi de réduire leur facture énergétique et leurs
émissions de gaz à effet de serre, d'utiliser des matériaux
«écologiques» locaux,...
L'étude effectuée a enfin pour ambition d’être opérationnelle.
Elle devrait être présentée à l'ensemble des acteurs
concernés par l'exploitation, par la préservation et par la
mise en valeur du vignoble jurassien (professionnels de la
filière viti-vinicole et du réseau technique et scientifique,
chambre d’agriculture, élus locaux, représentants des
services de l'Etat et des collectivités territoriales, etc.)
L'objectif de la démarche est de mettre en œuvre les actions
proposées, ou au moins quelques unes d'entre elles. D’un
commun accord, les 3 auteurs du mémoire ont décidé de
�4
Ce mémoire a seulement pour ambition de recenser de
manière aussi exacte et précise qu’il est possible de le faire,
les évolutions qui permettent notamment aujourd’hui de
mieux concilier viticulture et développement durable. Nous
avons souhaité enfin proposer quelques actions possibles
permettant de bâtir ensemble un projet global de viticulture
durable dans le Jura. Les partenaires concernés seront bien
sûr entièrement libres de retenir et de mettre en œuvre ou
non les propositions figurant dans le document.
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
C’est aux lecteurs qu’il appartient de juger si ce mémoire
est un grand cru (ce qu’il n’est très certainement pas), un
millésime acceptable ou une horrible «piquette». Toutefois,
il n’aurait pas été envisageable de cultiver, d’élaborer,
d’élever et de proposer aujourd’hui à la dégustation ce travail,
sans les contributions des acteurs consultés, qui n’ont pas
ménagé leurs efforts pour aider ce projet à mûrir et pour
lui donner «un goût de terroir». Nous aurions dû solliciter
également de très nombreuses autres personnalités, mais
il n’a malheureusement pas été possible de le faire, en
raison des délais qui nous étaient impartis. Nous ne les
avons pas oubliées, et nous espérons simplement qu’elles
ne nous tiendront pas rigueur de ne pas les avoir associées
à la démarche. Nous adressons nos remerciements les plus
sincères et les plus chaleureux à mesdames et à messieurs
(par ordre alphabétique) :
- Régis Ambroise, chargé de mission «paysages» au
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche ;
- Alain Baud, vigneron au Vernois, président de la Société
de Viticulture du Jura ;
- Jean Berthet-Bondet, vigneron à Château-Chalon ;
- Chantal Berthet-Bondet, chargée de mission, Mission
Développement Durable, Direction Départementale de
l’Equipement et de l’Agriculture du Jura ;
- Jean-Philippe Bourdy, vigneron à Arlay, président du Syndicat
de l’appellation d’origine contrôlée «Château-Chalon»;
- Michel Campy, professeur émérite, Université de Bourgogne;
- Pascal Charlot, chargé de mission, Mission
Développement Durable, Direction Départementale de
l’Equipement et de l’Agriculture du Jura ;
- Cécile Claveirole, directrice du Comité
Interprofessionnel des Vins du Jura (CIVJ) ;
- Patrick Clavelin, vigneron au Vernois ;
- Pascal Collin, directeur du Conservatoire Régional des
Espaces Naturels (CREN) de Franche-Comté ;
- Daniel Cousin, directeur de la Société de Viticulture ;
- François Dehondt, directeur du Conservatoire Botanique
National de Franche-Comté ;
- Liliane De Léo, chef du bureau de la programmation et
des finances, Préfecture du Jura ;
- Béatrice Gaudillat, responsable du bureau « environnement
et filières », Service « Economie Agricole », Direction
Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture du Jura ;
- Michel Lapointe, responsable technique, Association
Départementale de Formation et de Perfectionnement en
Agriculture (ADFPA) ;
- Gilles Lemaire, inspecteur des sites, Direction Régionale
de l'Environnement de Franche-Comté ;
- Françoise Louis, chargée de mission, Mission
Développement Durable, Direction Départementale de
l’Equipement et de l’Agriculture du Jura ;
- Raymond Machard, association «La Dame verte» ;
- Jean Macle, vigneron à Château-Chalon ;
- Raymond Michaud, médecin au service des urgences
de l’hôpital de Lons-le-Saunier. Passionné de nature, de
paysages et de photographie, il a réalisé de très nombreux
clichés parmi ceux qui illustrent ce mémoire ;
- Jean-Louis Pavat, responsable du pôle «environnement–
aménagement», Chambre d’Agriculture du Jura ;
- Catherine Pernot, secrétaire, Mission Développement
Durable, Direction Départementale de l’Equipement et de
l’Agriculture du Jura ;
- Marc Pistoresi, chargé de communication, Direction
Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture du Jura ;
- Roland Sage, conseiller en agriculture biologique à la
Chambre d’Agriculture du Jura ;
- Evelyne Salin, secrétaire, Mission Développement
Durable, Direction Départementale de l’Equipement et de
l’Agriculture du Jura ;
- Frédéric Vandroux, dessinateur, Mission Développement
Durable, Direction Départementale de l’Equipement et de
l’Agriculture du Jura ;
- Christian Vuillaume, maire de Château-Chalon, président de
la Communauté de Communes des Coteaux de la Haute Seille.
- Jean-Pierre Vuillemot, chef de l'observatoire, Mission
Développement Durable, Direction Départementale de
l’Equipement et de l’Agriculture du Jura.
LES AUTEURS (par ordre alphabétique) :
Patrick Bidot, architecte DPLG installé à
Beaune, a rédigé le paragraphe du mémoire
intitulé «les villages et le bâti viticoles», ainsi
que l’annexe 3 dédiée aux «éco-constructions».
Jean-Luc Gomez, référent développement durable,
Mission Développement Durable, Direction
Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture
du Jura, a assuré la rédaction de l’ensemble du
document, à l’exception des contributions de
Patrick Bidot et de Thierry Perrier.
Thierry Perrier, chef de mission à la direction
des bâtiments départementaux du Conseil
général du Jura, est l’auteur de l’annexe 2 du
document consacrée au «cycle de l’eau dans la
viticulture».
5�
Sommaire
• INTRODUCTION 9
• PREMIÈRE PARTIE :
LES VINS DU JURA, LES HOMMES ET LA TERRE 11
I � La genèse du vignoble jurassien 12
II � Les vins du Jura, produits d’excellence 20
III � Les viticulteurs et leurs exploitations 32
IV � Les pratiques - Travaux de la vigne et du vin,
commercialisation et consommation 38
V � Les terroirs - Un patrimoine naturel et culturel 48
VI � Les démarches intégrées 62
A � La géologie aux sources de la viticulture
B � Un climat globalement favorable à la culture de la vigne C � Un vignoble vieux de près de 2 000 ans A � Les cépages B � Les vins du Jura C � Les appellations d’origine contrôlée A � Les sources - Les déclarations de récoltes B � Les exploitations C � Les fruitières et les négociants D � Le foncier E � Les viticulteurs A � La culture de la vigne B � L’élaboration des vins du Jura C � Des pratiques plus respectueuses de l’environnement D � La commercialisation des vins du Jura E � Les vins et la santé A � Les paysages B � Les villages et le bâti viticoles (contribution de Patrick Bidot) C � La biodiversité dans le vignoble jurassien D � L’œnotourisme A � La viticulture raisonnée B � La viticulture biologique C � La biodynamie �6
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De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
• DEUXIÈME PARTIE :
ENJEUX ET PROPOSITIONS POUR
UNE VITICULTURE DURABLE DANS LE JURA 71
I � Réduire les pollutions et l’érosion des sols 72
A � Promouvoir l’enherbement permanent de la vigne B � Maîtriser l’utilisation des intrants (engrais, herbicides et produits phytosanitaires) C � La ressource en eau et les effluents – La poursuite des efforts engagés D � La collecte et le traitement des déchets des exploitations E � L’inscription dans les décrets des AOC de quelques pratiques partagées 73
73
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II � Préserver et mettre en valeur le patrimoine naturel et culturel 76
A � Protéger les paysages B � Gérer les paysages C � Préserver et développer la biodiversité D � Promouvoir les éco-exploitations E � L’œnotourisme 77
77
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III � Promouvoir les démarches intégrées 80
IV � Mieux former et mieux communiquer 82
V � Fiches actions 84
A � La viticulture raisonnée B � La viticulture biologique A � La formation B � La communication Conclusion 81
81
83
83
103
ANNEXE 1 : notes
ANNEXE 2 : le cycle de l’eau dans la viticulture (contribution de Thierry Perrier)
ANNEXE 3 : les éco-constructions (contribution de Patrick Bidot)
ANNEXE 4 : les entretiens et les interviews
ANNEXE 5 : petit lexique de la vigne, du vin et de la dégustation
ANNEXE 6 : bibliographie sommaire
7�
�8
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
INTRODUCTION
Les vignes couvrent dans le Jura environ 2 000 hectares,
soit moins d'1% de la surface totale du vignoble français,
et c'est à peu près 80 000 hectolitres seulement qui
sont produits chaque année. Ces quelques données
peuvent paraître modestes, mais les vignerons marquent
cependant fortement de leur empreinte les paysages du
Revermont, qui font partie intégrante de l'identité locale.
Comme leurs confrères en France et à l'étranger, ils sont
confrontés aujourd'hui à de nouveaux défis que leur impose
la nécessaire prise en compte du développement durable.
Un état des lieux de la viticulture dans le Jura a été dressé
dans la première partie de ce mémoire. Il concerne tout
d'abord la genèse du vignoble (la géologie des terroirs, le
climat, l'histoire de la vigne et des vignerons jurassiens
depuis l'Antiquité), et bien sûr les vins qui sont localement
produits. Parce que le développement durable implique une
approche à la fois économique, sociale et environnementale,
le diagnostic établi d'une manière aussi exhaustive que
possible évoque aussi la commercialisation de la production,
les caractéristiques des exploitations, la sociologie des
viticulteurs, leurs pratiques et les incidences de celles-ci
sur la santé et sur l'environnement (la ressource en eau, les
sols, les paysages, la biodiversité...), etc.
D'une superficie de 2 000 hectares, le vignoble jurassien
représente moins d’1 % de la
surface totale du vignoble
français et produit environ
80 000 hectolitres chaque année.
En raison des délais impartis pour la rédaction de cette
étude, certains thèmes ont été moins développés que
d'autres qui concernaient plus directement le sujet qu'il a
été choisi de traiter : la viticulture durable dans le Jura.
Ainsi, l'histoire du vignoble, la commercialisation des vins
du Jura ou l’œnotourisme par exemple ont été traités de
manière plus synthétique que l'enherbement de la vigne,
l'utilisation des intrants, le traitement des effluents,
les démarches intégrées, la préservation des paysages
viticoles et de la biodiversité...
Enfin, la deuxième partie de ce mémoire est consacrée aux
actions qui pourraient compléter les efforts déjà consentis par
l'ensemble de la filière en faveur du développement durable.
Les propositions les plus significatives ont fait l'objet de fiches
présentant l'objet et le contenu des actions suggérées, les
maîtres d'ouvrage et les partenaires potentiels, ainsi que les
aides financières susceptibles d'être octroyées.
9�
� 10
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
PREMIÈRE PARTIE :
LES VINS DU JURA,
LES HOMMES ET LA TERRE
11 �
I · La genèse du
vignoble jurassien
� 12
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
A � La géologie
aux sources de la
viticulture
1
Dans le Jura comme partout ailleurs, c’est en premier lieu
la géologie qui a façonné les terroirs favorables au vignoble.
A l’ère secondaire, qui débuta il y a près de 250 000 millions
d’années, la région était submergée par les eaux. Au fond
de la mer se sont accumulées des couches de marnes
(composées de craie mélangée à de l’argile imperméable)
et de calcaires (des roches perméables formées à partir de
coquillages et de squelettes de poissons).
Il y a environ 65 millions d’années, à l’ère tertiaire, les forces
qui agissent sur l’écorce terrestre furent à l’origine des
plissements qui donnèrent naissance d’abord à la chaîne
des Pyrénées, et ensuite à celle des Alpes. Dans un premier
temps, le millefeuille de strates évoqué précédemment
s’inclina vers la plaine suisse, alors recouverte par une
immense nappe d’eau dont il subsiste aujourd’hui en
particulier le lac Léman, ainsi que ceux de Bienne et
de Neuchâtel. Le contrecoup de la surrection alpine se
traduisit ensuite par une forte pression qui s’exerça sur
les dépôts de la mer jurassique, qui se dressèrent à leur
tour. Comprimés entre les Vosges au nord-est, et le Massif
central au sud-ouest, les plis qui se formèrent s’incurvèrent
pour former un croissant, d’orientation générale nord-est/
sud-ouest.
Près des Alpes, dans la haute chaîne, les couches
sédimentaires plus épaisses se plissèrent pour former une
succession de chaînons et de creux, de monts et de vaux,
également dénommés anticlinaux et synclinaux. Plus à
l’ouest, les strates plus minces se cassèrent et formèrent
des plateaux. Entre ces derniers, et entre le premier d’entre
eux et la Bresse, la compression alpine a donné naissance
à des faisceaux, des zones plissées et faillées caractérisées
par des reliefs contrastés.
Depuis le début de l’ère quaternaire qui commença il y a
près de 2 millions d’années et qui se poursuit de nos jours,
l’érosion marque enfin de son empreinte les paysages que
nous connaissons aujourd’hui. Les glaciers par exemple ont
creusé les reculées2, ces vallées digitées qui entaillent les
plateaux et qui débutent pour les uns, ou s’achèvent pour les
autres par un cirque rocheux, le « bout du monde », au pied
duquel jaillit souvent à l’air libre la résurgence d’un cours
d’eau souterrain.
notes CONFER L'ANNEXE 1
Dans la partie du massif dénommée le Revermont, l’action
conjuguée des mouvements tectoniques et de l’érosion a
donné naissance aux reliefs dont la pente et l’orientation
sont favorables à l’implantation du vignoble. Elle est
également à l’origine de l’affleurement des marnes propices
à la culture de la vigne, en particulier au pied des versants
des reculées, et de ceux qui jalonnent les faisceaux situés à
l’ouest, notamment celui dit « lédonien ».
Ainsi par exemple, les marnes irisées du Trias (la période
géologique la plus ancienne et la plus courte de l’ère
secondaire) sont très présentes dans le vignoble, notamment
au nord de Lons-le-Saunier. Elles sont très favorables à la
culture des cépages jurassiens. Elles se désagrègent en effet
facilement, et elles permettent par conséquent une bonne
pénétration du système racinaire des ceps. Elles retiennent
enfin l’humidité nécessaire au développement des plants.
Elles conviennent particulièrement bien au Savagnin et au
Poulsard à Pupillin, au Trousseau à Montigny-les-Arsures,
mais aussi au Chardonnay lorsqu’elles sont recouvertes
d’éboulis calcaires.
Les marnes grises du jurassique inférieur, également
dénommé Lias, sont une autre illustration de l’influence
primordiale de la géologie sur la viticulture. Elles peuvent
être considérées en effet comme la terre de prédilection du
Savagnin. Elles affleurent à Château-Chalon notamment, et
elles ont ainsi contribué de manière déterminante à façonner
l’un des plus prestigieux terroirs du vignoble du Jura.
La plus ancienne mention
connue du vignoble jurassien
remonte à l’Antiquité.
Les vins de la région étaient
déjà réputés et exportés en
particulier en Italie.
13 �
Figure 1 – Le vignoble jurassien.
� 14
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
B � Un climat
globalement
favorable à la
culture de la
vigne
3
Dans le Jura, le climat est semi-continental. L’hiver peut
être froid avec de la neige même en plaine, l’été chaud et
sec. L’automne et le printemps sont souvent caractérisés
par des précipitations abondantes, et par des températures
plutôt douces, qui parfois peuvent baisser brutalement.
Equivalente à celle du vignoble de Savoie, la moyenne
annuelle des températures est de l’ordre de 10°C. Elle est
ainsi un peu au-dessus de la limite de 9,5°C généralement
admise pour la culture de la vigne.
Les nuages venus de l’ouest sont en partie arrêtés par
le rebord du premier plateau, et le Revermont est par
conséquent plutôt bien arrosé. Le volume des précipitations
est d’environ 1 400 mm d’eau par an à Salins-les-Bains et à
Poligny, et de 1 100 mm à Arbois, Voiteur et Lons-le-Saunier.
La pluviosité peut cependant varier parfois du simple au
double d’une année à l’autre, ce qui a bien évidemment des
conséquences sur le volume et sur la qualité de la récolte.
Malgré la localisation plutôt septentrionale du Jura, le climat
est donc globalement favorable à la culture de la vigne.
Celle-ci n’est toutefois pas à l’abri d’accidents comme le
gel, la sécheresse ou au contraire l’excès d’humidité, ou
encore la grêle. Cette dernière peut occasionner des dégâts
particulièrement graves, car lorsqu’elle est tardive et violente,
elle détruit parfois les feuilles, les rameaux et les bourgeons,
voire les grappes. C’est la récolte mais aussi malheureusement
parfois la pérennité des plantations qui sont alors menacées.
Les vignerons tentent de prévenir l’ensemble de ces calamités
par des aménagements spécifiques (fossés de drainage,
terrasses, etc.), par l’adoption de certaines pratiques comme
la taille tardive, ou par des interventions ponctuelles (par
exemple le recours autrefois à des fusées anti-grêle, qui ne
sont cependant en principe plus utilisées aujourd'hui,…).
Figure 2 – Le vignoble en hiver (photo R Michaud, 05.03.2006).
L’ensoleillement qui est d’environ 1 800 heures par an,
accuse un déficit d’un millier d’heures par rapport à celui
dont bénéficie le vignoble méditerranéen. L’exposition (à
l’ouest, voire au sud-ouest ou au sud, par exemple dans
les reculées) joue par conséquent un rôle essentiel. De
nombreux versants jouissent en effet d’un apport thermique
supérieur parce qu’ils sont bien exposés, mais aussi en
raison d’une topographie à l’origine d’un microclimat
favorable à la vigne.
L’exposition est particulièrement importante, car si les
vents dominants de secteur sud à ouest sont plutôt humides
et chauds, le vignoble orienté nord-sud subit toutefois
directement les assauts de la bise, qui souffle du nord et du
nord-est. Elle apporte le froid, et elle peut provoquer le gel
des bourgeons lorsque les températures sont inférieures
à –15°C. L’abri procuré en particulier par les versants des
reculées est alors primordial.
notes CONFER L'ANNEXE 1
C � Un vignoble
vieux de près de
2 000 ans
4
1 � Des vins renommés
dès l’Antiquité
La mention du vignoble jurassien la plus ancienne connue
aujourd’hui remonte à l’Antiquité. L’écrivain romain Pline
l’Ancien (23 - 79 après Jésus-Christ) le citait en effet dans
son « Histoire naturelle ». A l’époque, les vins de la région
étaient déjà réputés ; les nautoniers5 phocéens remontaient
la Saône avec leurs embarcations pour en prendre livraison,
afin de les exporter en particulier en Italie.
15 �
Au Ier siècle de notre ère, la viticulture locale connut
cependant des temps difficiles, car l’empereur Domitien
(51 - 96 après Jésus-Christ) fit planter des céréales à la
place de la vigne, afin de pourvoir à la subsistance des
légions romaines. Deux cents ans plus tard, les Séquanes
qui peuplaient la région obtinrent de l’empereur Probus
(232 - 282 après Jésus-Christ) « l’autorisation de replanter
les vignes autrefois arrachées ». Ce droit qui leur a été
accordé, peut-être parce qu’ils étaient restés fidèles
à Rome, est mentionné dans le texte le plus ancien à ce
jour parvenu jusqu’à nous, et qui concerne directement le
vignoble jurassien. Celui-ci était essentiellement localisé
dans la vallée de la Seille à la fin de l’empire romain.
production de Vin jaune. La mère abbesse fit un temps
garder les vignes par des hommes armés, afin d’obliger
les vignerons à vendanger plus tard, lorsque le raisin était
parfaitement mûr.
Le commerce du sel gemme favorisa dans le Jura celui du
vin. A la fin du XIIIème siècle, Othon IV, seigneur de Salins
et comte Palatin de Bourgogne, accorda aux habitants
d’Arbois et de Poligny le statut communal. A cette époque,
le vin d’Arbois était déjà connu en Artois, en Flandre et à
Paris. En 1298, Philippe le Bel en acheta 37 muids livrés à
Paris et plus tard, en 1315, la comtesse Mahaut en détenait
dans ses celliers d’Hesdin6.
2 � Un vignoble prospère
au Moyen Age et à la
période moderne
Figure 4 – Le Château du Pin (photo R Michaud, 21.06.2009).
Figure 3 – Toulouse-le-Château (photo R Michaud, 02.06.2009).
Le Moyen Age fut une période prospère pour le vin en
général, et pour celui du Jura en particulier. Il n’était plus
seulement le produit d’une activité agricole locale. Dans
l’Occident médiéval peu à peu converti au christianisme, il
était devenu le sang du Christ, indispensable à la célébration
de l’eucharistie.
Au Moyen Age et durant la période moderne, les seigneurs
de la région furent très attachés à la qualité et à la
réputation de leur vignoble. Jean 1er, comte de Chalon et
seigneur d’Arlay, décréta en 1276 que les fraudeurs qui
tricheraient sur les quantités des vins achetés ou vendus
seraient punis d’une amende de 60 sols. En 1293, Hugues
de Vienne accorda des franchises à la ville de Lons-leSaunier. Six articles, parmi les 65 que comptait la charte,
concernaient la viticulture qu’ils réglementaient.
Dédiée à saint Vernier, patron des vignerons, l’une des
premières églises de la région fut édifiée en 650 à Arlay. Cet
édifice cultuel fut bâti à l’initiative du seigneur des lieux, qui
devint plus tard saint Donat.
A la fin du VIIème siècle, son frère Norbert fonda l’abbaye
de dames de Château-Chalon, dont le vignoble était pour
les chanoinesses une source importante de revenus. Vers
1460, les moniales se consacrèrent principalement à la
� 16
Figure 5 – Les vestiges du Château d’Arlay (photo R Michaud,
17.08.2008).
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Près de deux siècles plus tard, lorsque Marie, fille de Charles
le Téméraire, épousa en 1477 Maximilien d’Autriche, la
Franche-Comté devint une possession des Habsbourg,
princes de la maison d’Autriche et rois d’Espagne. Elle le
demeura jusqu’au traité de Nimègue en 1678. Au XVIème
siècle, le vignoble s’étendait alors des environs de Besançon
et de Dole au nord, jusqu’à Sainte-Agnès au sud. Charles
Quint (1500-1558) appréciait particulièrement la production
des vignerons de cette province de son empire. Dans un édit
du 1er décembre 1576, le roi d’Espagne Philippe II (15271598) interdit la plantation de « gamez, melons », ainsi que
d’autres cépages jugés trop productifs.
Louis Pasteur est considéré comme le père de l’œnologie
moderne. Lorsqu’il décéda le 28 septembre 1895, les
vignerons d’Arbois confectionnèrent une énorme couronne
de raisins pour lui rendre hommage.
Il se dit qu’un peu plus tard, Henri IV (1553-1610) offrait les
vins du Jura à ses ennemis pour se réconcilier avec eux, et
que Sully (1560-1641), son conseiller et son ministre, les
faisait servir aux demoiselles de la reine.
En 1732 et en 1774, la liste des cépages autorisés fut fixée
par des textes, afin de garantir la qualité de la production.
Figure 6 – La vigne Pasteur à Arbois (photo Th Perrier, 08.07.2009).
3 � Louis Pasteur
et les vins du Jura
Louis Pasteur est né à Dole en 1822. Dans une lettre du
7 octobre 1855, il demanda à son père de lui envoyer
quelques bonnes bouteilles pour la rentrée solennelle de la
nouvelle faculté des Sciences de Lille, dont il était le doyen.
« Je désire faire boire à ces messieurs un des meilleurs
vins de mon pays et je crois que je ne puis mieux faire que
de leur donner un échantillon de vin d’or ».
A partir de 1863, il entreprit dans son laboratoire d’Arbois
des recherches consacrées aux maladies qui affectaient
la production vinicole locale. Il se procura du raisin afin
d’étudier l’évolution du moût7, et il analysa de nombreux
échantillons que lui fournirent ses amis vignerons. Il
consigna ses observations dans des cahiers qui ont été
précieusement conservés. Louis Pasteur ne réussit pas à
percer totalement les secrets de la vinification si particulière
du Vin jaune, de ses arômes et de son goût si caractéristiques.
Il fut cependant le premier à découvrir que des organismes
vivants, les microbes, étaient à l’origine des fermentations.
Il comprit que de chauffer des liquides permettait de les
stériliser. Si la pasteurisation, cette technique qui lui doit
son nom, a été abandonnée finalement pour les vins, elle
est aujourd’hui encore couramment utilisée, par exemple
pour les produits laitiers, les jus de fruits, etc.
notes CONFER L'ANNEXE 1
17 �
4 � Les crises de l’ère
industrielle et la
« renaissance »
du vignoble jurassien
André Jullien fut l’auteur d’une « Topographie de tous
les vignobles connus » et d’une « Classification générale
des vins », dont la première édition parut en 1816 et la
seconde, corrigée et augmentée, en 1822. L’œuvre qu’il
nous a léguée est la première étude statistique relative au
vignoble jurassien à ce jour parvenue jusqu’à nous8.
Au XIXème siècle, les petites villes de Salins-les-Bains,
Arbois, Poligny, Voiteur, Lons-le-Saunier, Cousance,
Beaufort et Saint-Amour qui jalonnaient le vignoble, lui
devaient une grande part de leur prospérité. La vigne
couvrait dans le département une superficie totale de 18
550 hectares en 1838, d’après les relevés cadastraux, et
de 19 384 hectares en 1888. A cette époque, la viticulture
jurassienne était à son apogée. Elle bénéficiait notamment
de nouveaux débouchés, car dans le Midi de la France la
production avait été très sensiblement réduite en raison
des ravages causés par le phylloxéra9.
La première attaque de celui-ci dans le Jura fut
officiellement constatée en 1879 à Montfleur, à la pointe
sud du département. Il progressa ensuite très rapidement,
en particulier pendant les années chaudes et sèches,
entre 1892 et 1895. Pour lutter contre ce fléau, Alexis
Millardet eut le premier l’idée d’hybrider les cépages
français et américains, et de traiter les vignes à la « bouillie
bordelaise »10. Cet éminent botaniste était jurassien (né
en 1838 à Montmirey-la-Ville, il décéda à Bordeaux en
1902). En 1900, la surface occupée par le vignoble était
réduite à 7 915 hectares, parmi lesquels 500 seulement
avaient été replantés avec des plants greffés. Ces derniers
remplacèrent à Château-Chalon les vieux ceps centenaires
arrachés entre 1897 et 1900, et ils ne donnèrent leurs
premiers fruits qu’en 1903.
Affectée au début du XXème siècle par des difficultés
économiques (mévente), la viticulture connut ensuite une
embellie qui perdura jusqu’au premier conflit mondial,
et qui fut caractérisée notamment par la création des
fruitières11 vinicoles les plus anciennes (celle d’Arbois
fut fondée en 1906, celle de Poligny en 1907, et celle de
Pupillin en 1912). A la veille de la Grande Guerre, les vignes
couvraient environ 11 000 hectares.
Le conflit priva toutefois de manière dramatique la profession
de sa main d’œuvre, et il fut ainsi à l’origine d’un nouveau
déclin que les vignerons tentèrent d’enrayer en améliorant
encore la qualité de leur production. Les viticulteurs d’Arbois
obtinrent ainsi le 15 mai 1936 la première appellation
d’origine contrôlée (AOC) délivrée en France. Plus tard,
pendant les « Trente Glorieuses », l’accélération de l’exode
rural frappa durement le vignoble. Moribond dans les
années 50, il fut véritablement sauvé par des initiatives
privées et par un plan de relance publique confié à la
Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural
(SAFER) de Franche-Comté.
Le Moyen Age fut une
période prospère pour le vin
en général, et pour celui du
Jura en particulier. Il n’était
plus seulement le produit
d’une activité agricole locale.
Figure 7 – La superficie du vignoble jurassien en 1816.
Arrondissement de Dole
Arrondissement de Lons-le-Saunier
Arrondissement de Poligny
Total
3 798 ha
8 652 ha
3 610 ha
16 060 ha
Source : « Topographie de tous les vignobles connus » d’André Jullien, cité dans « Vins et vignobles de France. Le Savour Club », éditions « Larousse – Bordas », 1997 (1987 pour la première édition), page 450.
� 18
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
notes CONFER L'ANNEXE 1
19 �
II · Les vins du Jura,
produits d'excellence
� 20
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
A � Les cépages
12
A l’instar de tous les vignobles anciens, celui du Jura
était riche jadis de très nombreux cépages. Ils étaient
une quarantaine en 1897 : Argant, Petit et Gros Béclan,
Chasselas, Corbeau, Enfariné, Fariné (Sacy), Foirard
blanc, Gamay noir, Gueuche noir, Melon, Meslier, Meunier,
Mondeuse, Pourisseux, Valais noir, etc. Ils ne sont plus que
5 aujourd’hui, et c’est au Savagin, cépage emblématique
du Jura, que revient l’honneur d’être évoqué le premier. Le
Chardonnay, le Pinot noir, le Poulsard, et enfin le Trousseau
le seront ensuite par ordre alphabétique.
1 � Le Savagnin
Figure 8 – Le Savagnin (photo CIVJ, 02.09.2007).
Le texte le plus ancien à ce jour parvenu jusqu’à nous et
qui mentionne ce cépage, date du XIVème siècle. D’autres
écrits permettent toutefois de supposer qu’il était déjà
cultivé au siècle précédent. D’après la légende, c’est vers le
Xème siècle qu’une abbesse de Château-Chalon originaire
d’une contrée lointaine, aurait apporté avec elle le Savagnin,
parent du Palomino fino andalou, du Sylvaner suisse, et
des Traminer alsaciens ? Il se dit aussi qu’à l’époque des
croisades, les moniales de l’abbaye auraient reçu des plants
que leur auraient envoyés des religieuses hongroises. Ces
deux hypothèses semblent accréditées par la comparaison
qui peut être faite entre le goût caractéristique du Vin
jaune, et celui par exemple du Jerez espagnol, ou du Tokay
hongrois. Toutefois, pour Jean Berthet-Bondet, vigneron
à Château-Chalon, c'est l'élevage « oxydatif » sous voile
qui rapproche ces vins et non les cépages. D’autres
supposent que le Savagnin aurait été importé plus tard,
au XVIème siècle, par les Granvelle et par les ChalonArlay. L’étymologie permet enfin une dernière hypothèse.
Sauvage et Savagin ont en effet la même racine, et celui-ci
n’est peut-être que le noble descendant des vieilles vignes
de la région, le Traminer des Lambrusques.
Les auteurs des « Parchemins du Vin Jaune » proposent une
description ampélographique13 très précise de ce cépage,
notes CONFER L'ANNEXE 1
dont le bourgeonnement tout d’abord est décrit comme
très duveteux, d’un blanc verdâtre teinté de rose sur les
bords. Le sarment est brun fauve ponctué de gris, assez
mince et noué court ; les vrilles sont courtes, duveteuses et
bifurquées. La feuille du Savagnin est quant à elle arrondie,
de taille moyenne, épaisse et rugueuse. Sa face supérieure
est d’un vert plutôt foncé, alors que l’envers est blanchâtre,
voire grisâtre. La feuille est en outre superficiellement
lobée, et les dents sont petites, arrondies et peu aiguës.
La grappe est courte, petite, un peu ailée et compacte. Le
grain est oblong, petit ou de grosseur moyenne. Sa peau est
épaisse et résistante. Il est jaune, plus ou moins bronzé à
maturité. Il est enfin charnu, croquant, juteux, très sucré et
d’une saveur délicate.
Ce plant emblématique du Jura se plaît particulièrement
lorsque les sols sont profonds, constitués d’argiles et
de marnes du Lias. Il représente actuellement 15 % de
l’encépagement, et il s’étend sur près de 300 hectares
(d’après Alain Baud, président de la Société de Viticulture,
ces données qui datent de 2004 sont aujourd’hui très
certainement inférieures à la réalité). Sa taille est dite en
courgée, le vigneron laissant 2 à 3 baguettes bien aoûtées14
et saines. Il supporte les hivers rigoureux. Il est cependant
assez sensible à la coulure15 et au millerandage16, des
accidents qui surviennent au moment de la floraison. Grâce
à sa peau épaisse, il résiste bien à la pourriture, ce qui
permet de le vendanger plus tard, lorsqu’il est bien mûr,
et que son degré est élevé (il peut atteindre jusqu’à 250 à
260 grammes de sucre par litre, soit 15% Vol. d’alcool). Son
rendement varie de 30 à 45 hectolitres par hectare. Il est
vinifié seul, notamment pour produire le prestigieux Vin
jaune, mais il peut être également assemblé au Chardonnay.
Le Savagnin rose est enfin une variété du cépage qui est
cultivée en particulier en Alsace. Il s’agit du « Traminer »,
ou « Klevener d’Heiligenstein ». C’est la variante « épicée »
de celui-ci, ou « Gewurztraminer » qui est la plus connue.
2 � Le Chardonnay
Figure 9 – Le Chardonnay (photo Ph Bruniaux, prêt CIVJ).
21 �
Diversement dénommé (il est également parfois appelé
Melon d’Arbois, Moular à Poligny, ou encore Gamay blanc
dans la partie sud du vignoble), il est cultivé dans le Jura
très probablement depuis le Xème siècle. Ses feuilles sont
minces et légèrement ciselées, orbiculaires (de forme
arrondie), tourmentées, bullées, d’un vert clair assez vif,
à bords révolutés, généralement entières ou faiblement
trilobées. Elles sont de taille moyenne, à l’instar de ses
grappes, également compactes, cylindriques, avec parfois
2 ailerons. Les grains sont sphériques et ils ont une fine
pellicule. Translucides, ils arrivent à maturité vers miseptembre.
Son système racinaire traçant (qui se développe
horizontalement à la surface du sol), permet à ce grand
cépage blanc du vignoble bourguignon et champenois de
s’adapter aux terroirs jurassiens plus difficiles, pierreux ou
graveleux (composés notamment de gravier). Il représente
50 % de l’encépagement, et les 1 700 hectares qu’il couvrait
à la fin du XIXème siècle ne sont plus aujourd’hui qu’environ
900. Son rendement moyen est approximativement de 55
hectolitres par hectare. Seul ou associé au Savagnin, le
Chardonnay contribue indéniablement à la renommée des
vins blancs du Jura.
3 � Le Pinot noir ou Noirien
Figure 10 – Le Pinot noir (photo Ph Bruniaux, prêt CIVJ).
Selon certains, ce cépage a été importé de Bourgogne
dès le Xème siècle par les comtes de Chalon-Arlay. Pour
d’autres c’est plus tard, au XVème siècle, que le comte
Jean de Chalon dit l’Antique, héritier du château d’Arlay,
l’aurait fait cultiver pour la première fois sur ses terres
jurassiennes. Les feuilles du Pinot noir sont orbiculaires,
vert foncé, épaisses, en entonnoir, très grossièrement
bullées, généralement entières ou faiblement trilobées,
de taille moyenne. Elles sont plus larges que longues, à
petites dents arrondies. Ses grappes sont plutôt petites
et cylindriques. Les grains sont serrés, très noirs et
assez petits. Son débourrement17 est précoce, et il craint
par conséquent les gelées printanières. Il est souvent le
premier cépage du Jura à parvenir à maturité.
� 22
Les sols argilo-calcaires, ferrugineux, pierreux, profonds et
qui s’égouttent bien, lui conviennent particulièrement bien.
Il représente aujourd’hui entre 8 et 10 % de l’encépagement.
Son rendement moyen est de 35 à 50 hectolitres pour chacun
des 185 hectares environ sur lesquels il s’étend aujourd’hui.
4 � Le Poulsard
Figure 11 – Le Poulsard (photo CIVJ, 06.09.2007).
Il était peut-être présent dans le Jura dès le XIIIème siècle.
Sa culture se développa toutefois très probablement à partir
du XVème siècle. Les feuilles du Poulsard sont grandes et
très découpées. Ses grappes sont peu serrées mais ailées et
volumineuses. Sucrés et juteux, ses grains à jus blanc sont
assez gros et ovoïdes. Leur pellicule est fine, avec des nuances
de violet et de noir. Son bourgeon précoce est sensible aux
gelées, et ses jeunes grappes coulent fréquemment.
Les terres grasses et bien exposées, argileuses ou
marneuses, sont favorables à son épanouissement,
particulièrement lorsqu’un début d’été ensoleillé a été
propice à sa floraison, et que ses raisins ont été préservés
par un automne doux et chaud. Il s’agit du deuxième plant
le plus répandu dans le vignoble jurassien. Il s’étend sur 20
à 25 % de la surface totale de celui-ci, soit sur à peu près
400 hectares, et il représente 80 % de l’encépagement en
rouge du Jura. Souvent vinifié seul à Arbois et à Pupillin où
il est également dénommé Ploussard, il est généralement
assemblé aux autres cépages pour l’élaboration des vins
rouges et rosés.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
5 � Le Trousseau
Les sols graveleux assez chauds et peu profonds,
constitués d’argiles ou de marnes irisés, conviennent bien
au Trousseau. Il ne représente que 5 % de l’encépagement
du vignoble, et il couvre à peu près 90 hectares. Vinifié
seul en particulier à Arbois, il est aussi assemblé aux
autres cépages pour produire des vins rouges, rosés, et du
Crémant.
Figure 12 – Le Trousseau (photo C Claveirole / CIVJ, 06.09.2007).
Probablement d’origine comtoise, ce cépage est cultivé
dans le Jura depuis vraisemblablement le XVIIIème siècle.
Selon Charles Rouget, célèbre ampélographe, il devrait son
nom à l’aspect « troussé » ou ramassé de son raisin. Ses
feuilles sont arrondies et leur couleur devient rougeâtre en
automne. Ses grappes sont de taille moyenne, et elles sont
presque cylindriques. Ses grains sont d’un noir intense. Le
Trousseau a besoin de plus de soleil que les autres plants.
Il craint les gelées, ainsi que l’anthracnose18 lorsqu’il est
cultivé par exemple dans des vallons brumeux.
90% de la surface viticole jurassienne produit aujourd'hui
des vins d'appellation.
Figure 13 – L’encépagement du vignoble jurassien en 2004.
Savagnin
Chardonnay
Pinot noir
Poulsard
Trousseau
Total
15 %
50 %
10 %
20 %
5%
100 %
300 ha
900 ha
185
375 ha
90 ha
1 850 ha
Source : « Vins du Jura. Histoire, terroirs et cépages », Comité Interprofessionnel des Vins du Jura (CIVJ), Arbois (39), conception et réalisation
Agence Dartagnan (Besançon), janvier 2004, pages 17 à 21.
Figure 14 – La gamme des vins du Jura (photo CIVJ).
notes CONFER L'ANNEXE 1
23 �
B � Les vins
du Jura
19
Le Jura a produit majoritairement des vins rouges jusqu’à la
fin du XIXème siècle. Il doit toutefois sa notoriété actuelle aux
« blancs » qu’il conviendra par conséquent de présenter en
premier, en débutant d’abord par le joyau d’entre eux : le Vin
jaune.
1 � Le Vin jaune
moins granité et mat. Le voile prive le vin de tout contact
avec l’air contenu dans la vidange, et il le préserve ainsi de
l’oxydation.
La production est conservée en fûts de chêne pendant au
minimum 6 ans et 3 mois, sans ouillage23 ni soutirage.
Afin de suivre l’évolution du Vin jaune, quelques rares
prélèvements sont cependant effectués, en règle générale
deux fois par an, au printemps et en automne. Quand la
durée légale de vieillissement est écoulée, le vigneron
procède à l’assemblage des différentes pièces en fonction
de leurs caractères organoleptiques24.
B – LE CLAVELIN, UNE BOUTEILLE DE 62 CL
A • UNE VINIFICATION PARTICULIÈRE « SOUS VOILE »
Le texte le plus ancien connu à ce jour, qui évoque
explicitement le Vin jaune, est assez récent, car il date de
1822. Il s’agit du « Mémoire sur l’agriculture du Jura » de
M.Gerrier. Les écrits plus anciens emploient les expressions
vin « de garde » ou « de gelée » pour désigner ce fleuron
de la production jurassienne, considéré comme l’un des
plus grands vins du monde. Celui de Château-Chalon est
très certainement le plus renommé, mais les appellations
géographiques « Arbois », « Côtes du Jura » et « l’Etoile »
produisent bien sûr également le leur.
Le Vin jaune est exclusivement issu du cépage Savagnin. Il
est vendangé tardivement, autrefois vers la mi-octobre en
règle générale, aujourd'hui le plus souvent à la fin du mois
de septembre en raison des bouleversements climatiques.
Avant l’amélioration variétale du plant, la récolte se faisait
à la Toussaint, ce qui explique pourquoi l’expression « vin
de gelée » était parfois employée. Autrefois foulé dans
les sapines au pied des vignes, le raisin est égrappé et
pressuré. Eclairci par débourbage20 et soutirage21, le jus
est tout d’abord mis à fermenter dans des cuves, parfois
jusqu’au printemps.
Figure 15 – Le Clavelin (photo Studio Lyet, prêt CIVJ).
Lorsqu’il a perdu son acide malique22, il est soutiré dans
des petits fûts de chêne déjà avinés. D’une contenance
de 228 litres, ils ne sont pas complètement remplis, afin
de ménager une poche d’air au contact de laquelle se
forme un voile composé de levures, principalement des
Saccharomyces bayanus. L'évolution de ce voile et son
aspect physique dépendent du nombre d’années qui se
sont écoulées, et des caractéristiques du milieu ambiant
(la température, l’hygrométrie et l’aération de la cave, etc).
Il se présente au début sous la forme de petites taches qui
se développent progressivement, pour recouvrir finalement
la totalité de la surface du vin. D’abord fin et de couleur
noir, il se veine ensuite de lignes brunes et il se pique d’îlots
blancs. Quand il est bien développé, il paraît enfin plus ou
Le précieux nectar est ensuite mis dans des bouteilles
particulières dénommées Clavelins. Leur contenance de
62 cl correspond à ce qu’il reste d’un litre de moût après
l’évaporation de « la part des anges », à l’issue des 6 ans et
3 mois d’élevage en fûts de chêne. Ce flacon spécifique au
Vin jaune était à l'origine fabriqué à la main par les artisans
de la verrerie de la Vieille-Loye. En vertu d'un privilège qui
leur a été accordé en 1506 par Marguerite de Bourgogne, ils
détenaient le monopole de la production de cette bouteille
« aux épaules carrées ». Celle-ci doit sa dénomination à
l'abbé Clavelin de Nevy-sur-Seille. Il en commanda une
centaine en 1914, et il fit graver son nom à la base du col.
Elle est aujourd'hui la seule dont le volume déroge aux
normes fixées par l'Union Européenne.
� 24
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Figure 16 – Le Vin jaune : quelques grands millésimes.
1921
1929
1947
1949
1952
1957
1964
1969
1973
1979
1982
1983
1985
1989
1967
Source : de BRISIS (Eric, Christian, Bruno et Hubert), BRUNIAUX (Frédérique et Philippe), PRIMOT (Damien), « Jura. Château-Chalon, prestige des
vins jaunes » (« Les parchemins du Vin jaune »), imprimerie Snilas à Salins-les-Bains, 1996, page 16.
C • UN VIN DE TRÈS GRANDE GARDE
Il s’agit d’un vin de très grande garde, qui peut être conservé…
plus de 100 ans ! A l’occasion d’une présentation pour le
« Gault et Millau », le docteur Millet offrit en juin 1992 une
bouteille qui datait de 1774. Son précieux contenu provenait
d’une vigne travaillée sous Louis XV, et vendangée pendant
le règne de son successeur. Ceux qui ont eu le privilège
unique de l’apprécier furent unanimes : il s’agissait de l’un
des meilleurs Vins jaunes qu’ils aient dégusté. 1893 fut
l’année du siècle (le XIXème). Quelques uns des très grands
millésimes sont répertoriés dans le tableau de la figure 16.
D • LA DEGUSTATION DU VIN JAUNE
L'éthanal tout d'abord figure en bonne place parmi ses
principaux constituants aromatiques. Naturellement
produit au cours de la fermentation alcoolique, sa teneur
peut atteindre pour le Vin jaune 600 à 700 mg/l. Le voile est
à l'origine de cette très forte concentration. Le sotolon est
également présent. Cette lactone a une odeur caractéristique
de noix mûre lorsque sa concentration est faible, et de curry
quand elle est plus élevée. L'association de l'éthanal et du
sotolon contribue à la typicité caractéristique du Vin jaune.
Sa robe est jaune, dorée, avec parfois des reflets verts ou
bronze. Elle est brillante et limpide. Son bouquet est un
feu d'artifice aromatique d'une incroyable richesse, qui
entremêle la noix, la noisette, l'amande, mais aussi les fruits
confits ou secs, la pomme, le céleri, la morille, le cacao,
le chocolat, le café, les épices et les condiments comme
le curry, le gingembre, la muscade, le poivre, le safran, ou
encore le foin et le tabac, etc. Les senteurs peuvent être
également à la fois florales, fumées ou torréfiées. Le Vin
jaune séduit le palais par un bouquet de noix qui fait la
« queue de paon » avec puissance et élégance. Sa fin de
bouche a la réputation d'être la plus longue au monde, sa
durée dépassant parfois une minute.
E • L'ACCORD PARFAIT
Il est recommandé d'ouvrir la bouteille, voire de laisser
le Vin jaune libérer ses arômes dans une carafe au moins
24 heures avant de le déguster. Il convient de le servir
presque chambré, entre 14 et 16°C. Au cours du repas, il
notes CONFER L'ANNEXE 1
est très difficile de choisir un autre vin pour lui succéder,
car même les plus grands crus risquent de paraître bien
ternes après une telle explosion de sensations et une telle
démonstration de puissance.
Il peut être apprécié à l'apéritif, avec des dés de comté et
quelques noix. En entrée, il accompagne merveilleusement
le foie gras, les escargots, ou une croûte aux champignons.
L'accord est ensuite parfait avec les charcuteries de la
région, comme la saucisse de Morteau, les mets cuisinés
avec de la crème et des morilles, les poissons (la truite,
mais aussi le brochet ou le thon), les crustacés (comme
l'écrevisse, la langouste ou le homard), les gibiers à plumes
à l'instar de la caille, le mouton, le veau, le porc, etc. Il doit
sa renommée culinaire à la célèbre recette du coq ou de
la poularde au Vin jaune et aux morilles, immortalisée par
de grands chefs jurassiens comme Léon Deloge, André
Jeunet, et tous ceux qui nous pardonneront, espérons-le,
de ne pas les avoir cités. Il peut être apprécié enfin avec un
soufflé glacé aux noix ou avec un dessert au chocolat. Un
célèbre pâtissier arboisien, « oenophile » averti, a composé
spécialement une recette de ganache aux noix et au curry,
en parfaite harmonie avec le Vin jaune.
2 � Les vins blancs floraux
et typés
A • LES BLANCS FLORAUX
Les blancs du Jura sont vinifiés de manière classique. Lors
de l'élevage, le vigneron choisit toutefois d'ouiller ou non
le tonneau. Lorsque le fût est complété au fur et à mesure
de l'évaporation, les vins, élaborés le plus souvent à partir
du seul cépage Chardonnay, sont préservés de tout contact
avec l'air, et donc de toute oxydation.
Leur robe est jaune clair, brillante et limpide, avec des
éclats argentés. Le nez perçoit un bouquet très floral
avec des notes de fruits (se mêlent l'aubépine, le tilleul, la
pêche, la poire et parfois quelques senteurs discrètes de
fruits exotiques). En bouche, l'attaque est vive est puissante
et le vin paraît équilibré et bien charpenté.
25 �
Servis entre 8 et 10°C, les blancs floraux du Jura
accompagnent harmonieusement un gratin, un poisson
grillé, des queues d'écrevisses ou de langoustines, des
coquilles Saint-Jacques, et bien sûr les fromages de la
région.
Ce vin qui se garde en moyenne de 6 à 10 ans s'apprécie à
une température comprise entre 14 et 16°C. Il accompagne
à merveille les viandes rouges et le gibier, un magret de
canard aux griottes de Fougerolles, un filet de pigeon aux
betteraves, ou encore de thon rouge.
B • LES BLANCS TYPES
Les vignerons peuvent décider également de ne pas
ouiller les tonneaux, afin d'obtenir des blancs plus typés.
Le contact avec l'air permet en effet une oxydation de
ces vins élaborés à partir du Chardonnay, du Savagin, ou
d'un assemblage des 2 cépages. Dans ce dernier cas, les
proportions sont arrêtées par chaque producteur (la part
du Savagnin oscille en général entre 10 et 40 %), et la cuvée
prend souvent le nom de « Tradition ». Le caractère de ces
blancs typés du Jura peut être également conforté par un
vieillissement prolongé de plusieurs années dans des fûts
imprégnés de levures qui ont contenu du Vin jaune.
B • LE POULSARD
Vinifié comme un rouge, le Poulsard est un vin à la robe rubis
clair et aux nuances orangées. Il développe des arômes de fruits
rouges et noirs sauvages, avec des notes épicées qui évoquent
le sous-bois. Les tanins s'imposent dès l'attaque en bouche, et
la complexité aromatique s'enrichit avec les années.
Leur robe est d'un jaune d'or éclatant, et son intensité
augmente avec les années. Ils développent des arômes
de noix fraîches, de noisettes, voire de pommes vertes et
d'épices douces. Le palais est séduit par un compromis rare
entre finesse et typicité, et les fruits secs d'abord identifiés
par le nez sont également perçus en bouche.
Ces vins peuvent être appréciés jeunes, mais ils gagnent
également à vieillir jusqu'à 10 voire 20 ans. Servis entre 14 et
16°C, ils peuvent être dégustés très simplement à l'apéritif,
accompagnés de quelques dés de Comté. Ils sont parfaits
avec la volaille et tous les plats à la crème, les crustacés, les
recettes exotiques, les fondues, et tous les fromages de la
région, en particulier le Morbier et le Mont d'Or.
3 � Les vins rouges et rosés
Il est souvent difficile de distinguer les vins rouges des
rosés. Leurs robes sont en effet très proches, en raison
des cépages cultivés dans le Jura, et des techniques de
vinification semblables mises en œuvre pour produire les
uns et les autres. Le Pinot noir, le Poulsard et le Trousseau
sont vinifiés seuls ou assemblés.
A • LE PINOT NOIR
Sa robe est généralement soutenue, d'un rouge rubis
foncé, avec des reflets de cerise. Son bouquet mêle les
senteurs de fruits rouges et noirs, allant de la framboise au
cassis, en passant par la cerise, la groseille et la myrtille.
L'attaque est vive en bouche, et les arômes perçus par le
nez sont très présents, avec une belle densité.
� 26
Une décantation dans une carafe plusieurs heures avant le
repas est recommandée. Entre 12 et 14°C, le Poulsard est
à bonne température pour être servi avec de la charcuterie
(de la saucisse de Morteau ou une terrine de champignons
au fumé du Haut-Doubs), des grillades, une quiche et de la
salade, etc. Il peut se garder une dizaine d'années.
C • LE TROUSSEAU
Sa robe est rouge rubis intense. Les fruits rouges et noirs
sauvages sont perceptibles, à l’instar de la cerise, de la
fraise, de la mûre ou de la prunelle, ainsi que des senteurs
d'épices, de poivre blanc et de sous-bois. Le bouquet
s'intensifie avec le temps. Les tanins s'affirment dès la mise
en bouche, et le palais retrouve les arômes préalablement
identifiés lors de l'examen olfactif.
Une bouteille de Trousseau gagne à être débouchée au
moins une heure avant le repas. Une décantation en carafe
n'est pas nécessaire, sauf peut-être si le vin est vieux de
quelques années. Servi entre 14 et 16°C, il accompagne
les grillades, un filet de bœuf aux cèpes, un dos de truite
cuisiné avec une sauce au vin rouge, ou encore un fromage
affiné comme la mimolette.
4 � Le Vin de paille
Le Vin de paille est un vin doux liquoreux élaboré à partir
des plus belles grappes de la vendange, sélectionnées avec
le plus grand soin. Les appellations d'origine contrôlée
« Arbois », « Côtes du Jura » et « l'Etoile » ont fixé son
rendement à 20 hectolitres par hectare.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Après la récolte, le raisin est suspendu ou déposé soit sur
des claies, soit sur un lit de paille (c'est à celle-ci que le
précieux nectar doit son nom). Les locaux de stockage sont
aérés, mais ils ne sont pas chauffés. Après une période de
séchage qui doit être de 6 semaines au minimum, et dont la
durée varie dans les faits de 2 à 3 mois, les fruits ont perdu
une partie de leur eau par évaporation.
Les baies déshydratées regorgeant de sucre sont ensuite
pressurées entre Noël et la fin du mois de février. 15 à 18
litres de moût sont ainsi obtenus pour 100 kilos de raisin.
Une fermentation lente et un vieillissement de 3 ans dans
des petits fûts de chêne permettent enfin d'obtenir ce vin
naturellement doux, qui titre entre 14,5 et 17 degrés d'alcool.
On lui prêtait jadis des vertus médicinales. Il était en effet
prescrit aux convalescents et aux jeunes mères, à raison
généralement d'un petit verre de 5 millilitres environ avant
chacun des 2 principaux repas.
Sa robe est le plus souvent jaune d’or, intense, ou de la
couleur du caramel blond. Elle peut être parfois acajou ou
ambre, mais elle est toujours brillante et limpide. Le Vin de
paille développe des arômes de fruits confits, de pruneau,
de miel, de caramel, de marmelade d'orange, de prune
et de coing, voire de fruits exotiques, comme l'ananas
ou les dattes confites, de thé et d'épices, etc. En bouche,
l'harmonie est parfaite entre l'alcool, le sucre et l'acidité.
Le palais retrouve les fruits qui avaient enchanté le nez,
avec une impression de richesse et de densité.
Servi frais, entre 6 et 8°C, le Vin de paille est un apéritif
capiteux, aromatique et subtil. Il accompagne également
avec bonheur les foies gras et les desserts, en particulier
ceux au chocolat.
5 � Le Macvin du Jura
Ses origines remontent au moins au XIVème siècle. Il doit
son nom à l'assemblage dont il est issu : deux tiers de jus
de raisin non fermenté, le moût, et un tiers de marc. Les
fruits des 5 cépages répertoriés dans l'appellation d'origine
contrôlée « Côtes du Jura » (le Chardonnay, le Pinot noir, le
Poulsard, le Trousseau et le Savagnin), peuvent être pressés
pour obtenir les moûts destinés à la production de Macvin.
Celui-ci peut donc être blanc, mais aussi parfois rouge, ce
qui est toutefois moins fréquent. Parmi les mistelles, ou
vins de liqueur, produits en France et bénéficiant d'une
AOC, il est le seul élaboré à partir d'une eau de vie de raisin
et non de vin, obtenue par la distillation du marc de raisin
égrappé. Après le mutage25, le Macvin du Jura est élevé
notes CONFER L'ANNEXE 1
pendant au moins 12 mois en fûts de chêne, et il titre entre
16 et 22°d’alcool.
Sa robe est jaune d'or, parfois rouge. Elle est intense, avec
des reflets brillants et limpides. Son bouquet mêle les
arômes de fruits confits, d'écorces d'orange, de coing, de
pruneau, de poire, de mirabelle, de marmelade, et d’épices
comme la cannelle, le clou de girofle ou l’anis. Il est d'une
belle complexité en bouche, et le palais retrouve les notes
fruitées et confites préalablement perçues par le nez.
Le Macvin du Jura s’apprécie très frais, entre 6 et 8°C, à
l'apéritif, en entrée accompagné d'un melon et de jambon
cru, voire d'un foie gras, ou au dessert, avec par exemple
une crème brûlée, du pain d'épices, un parfait glacé à la
nougatine, des raisins secs et une glace à la vanille, au
caramel ou au miel. A la fin du repas, il peut être aussi un
digestif très agréable.
6 � Le Crémant du Jura
Dans le Jura, la production de vins effervescents remonte
à la fin du XVIIIème siècle (à cette époque, les vignerons
maîtrisaient déjà la méthode traditionnelle). Produit à
partir des fruits des cépages Chardonnay, Pinot noir,
Poulsard, Trousseau et Savagnin, le Crémant peut être par
conséquent blanc ou rosé, mais aussi brut ou demi-sec. Les
raisins sont vendangés à la main. Ils sont transportés dans
des caisses percées, et pressurés par grappes entières. Le
Crémant est ensuite élaboré par seconde fermentation en
bouteille.
La robe est jaune d'or. Elle est brillante et claire, avec
quelques reflets argentés. Les bulles sont fines et
chatoyantes. Le bouquet est très floral : des senteurs
d'aubépine et de fleur de sureau sont perçues par l'odorat.
Au nez et en bouche, s'expriment également des arômes
de pomme, de prune, de noisette, de brioche et de biscuit
parfois toasté. L'attaque est immédiate grâce aux fines
bulles qui éclatent au contact de la langue et du palais.
Le crémant se déguste frais, autour de 8°C, à l'apéritif ou
au dessert.
27 �
C � Les appellations d’origine contrôlée
26
Figure 17 – Carte des AOC du Jura.
� 28
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
1 � Définition
2 � L'AOC « Arbois »
L'appellation d'origine contrôlée (AOC) a un double objectif.
Elle permet en effet de garantir aux consommateurs
la qualité de ce qu'ils consomment, et elle protège les
producteurs contre toute falsification éventuelle.
Selon l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO)
« la mention AOC identifie un produit agricole, brut ou
transformé, qui tire son authenticité et sa typicité de son
origine géographique ». Elle consacre par conséquent un
lien exclusif entre le produit et son terroir.
Pour les vins, des règles très strictes concernant la culture
de la vigne, les vendanges et la vinification sont ainsi
imposées. 90% de la surface viticole jurassienne produisent
aujourd'hui des vins d'appellation.
« Constitue une appellation d’origine la dénomination d’un
pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner
un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les
caractères sont dus au milieu géographique, comprenant
des facteurs naturels et des facteurs humains ». Article
L.115-1 du Code de la Consommation.
Figure 18 – AOC « Arbois » : le terroir (photo J-L Gomez, 08.05.2009).
« Les produits agricoles, forestiers ou alimentaires, bruts ou
transformés, peuvent se voir reconnaître exclusivement une
appellation d’origine contrôlée. Dans les conditions prévues
ci-après, ces produits peuvent bénéficier d’une appellation
d’origine contrôlée s’ils répondent aux dispositions de
l’article L.115-1 du Code de la Consommation, possèdent
une notoriété dûment établie et font l’objet de procédures
d’agrément. L’appellation d’origine contrôlée ne peut
jamais être considérée comme présentant un caractère
générique et tomber dans le domaine public.
Figure 19 – Les communes concernées par l'AOC « Arbois ».
Après avis des syndicats de défense intéressés et, le cas
échéant, de l’organisme de défense et de gestion visé
à l’article L. 641-25, l’Institut National des Appellations
d’Origine propose la reconnaissance des appellations
d’origine contrôlée, laquelle comporte la délimitation de
l’aire géographique et la détermination des conditions de
production et d’agrément de chacune de ces appellations
d’origine contrôlée ». Article L. 641-2 du Code Rural.
Instaurée par un décret du 15 mai 1936, elle est l'appellation
d'origine contrôlée la plus ancienne de France (dans l'ordre
alphabétique des AOC instaurées en 1936). Elle concerne
12 communes, et elle s'étend sur 843 hectares.
Abergement-le-Grand
Montigny-les-Arsures
Arbois
Les Planches-près-Arbois
Les Arsures
Pupillin
Mathenay
Saint-Cyr-Montmalin
Mesnay
Vadans
Molamboz
Vilette-les-Arbois
Sources : décret du 15 mai 1936 et « Vins du Jura. Histoire, terroirs
et cépages », Comité Interprofessionnel des Vins du Jura (CIVJ),
Arbois (39), conception et réalisation Agence Dartagnan (Besançon),
janvier 2004, page 11.
L'appellation d'origine contrôlée « Arbois » est également
aujourd'hui la première du Jura par son volume de production,
de l'ordre de 45 000 hectolitres par an. Les 5 cépages dont
la culture est autorisée peuvent prétendre à cette AOC, dont
bénéficie 70 % des vins rouges jurassiens et 30 % des blancs.
L'appellation d'origine contrôlée (AOC) permet de garantir
aux consommateurs la qualité de ce qu'ils consomment et
protège les producteurs contre toute falsification éventuelle.
notes CONFER L'ANNEXE 1
29 �
3 � L'AOC « Château-Chalon »
Figure 20 – AOC « Château-Chalon » : le terroir
(photo R Michaud, 17.08.2009).
Le Vin jaune de Château-Chalon peut être considéré comme
le grand cru du Jura. Sa notoriété remonte au Moyen Age.
A la période moderne, Henri IV en aurait fait servir deux
bouteilles pour célébrer le traité qu’il signa avec le duc
de Mayenne. Plus près de nous, Talleyrand aurait rendu
hommage à ce fleuron de la production jurassienne en
déclarant : « avant de boire un tel vin, on le regarde, on le
respire longuement, puis on le goûte ». Au XIXème siècle,
Napoléon III, reçu par le prince de Metternich, aurait
affirmé que le Johannisberg que celui-ci lui avait fait servir
était « le premier vin du monde ». Son hôte lui aurait fait la
réponse suivante : « sire, le premier vin du monde n’est pas
le Johannisberg ; mais il se récolte dans un petit canton de
votre empire : à Château-Chalon ! ». Il se dit enfin que le
tsar Nicolas II l’appréciait particulièrement, et que la reine
Juliana de Hollande en aurait dégusté à l’occasion de son
couronnement.
Le 14 mai 1933 fut créé le syndicat des producteurs de
Château-Chalon, à l’origine du décret du 31 mai 1936
instaurant l’appellation d’origine contrôlée. Cette dernière
est exclusivement attribuée au Vin jaune produit dans
les limites d’une aire qui, depuis le remembrement de
1984, couvre moins de 90 hectares. Celle-ci s’étend sur
le territoire de quatre communes : Château-Chalon,
Domblans, Menétru-le-Vignoble et Nevy-sur-Seille.
� 30
Figure 21 – Les communes et les superficies concernées par l'AOC
« Château-Chalon ».
Communes
Superficies
Château-Chalon
19 ha 64 a 88 ca
Domblans
21 ha 98 a 42 ca
Menétru-le-Vignoble
42 ha 66 a 57 ca
Nevy-sur-Seille
05 ha 21 a 06 ca
TOTAL
89 ha 50 a 93 ca
Sources : de BRISIS (Eric, Christian, Bruno et Hubert), BRUNIAUX
(Frédérique et Philippe), PRIMOT (Damien),
« Jura. Château-Chalon, prestige des vins jaunes » (« Les
parchemins du Vin jaune »), imprimerie Snilas à Salins-les-Bains,
1996, et « Château-Chalon. Prestige des Vins Jaunes », Syndicat des
producteurs de Château-Chalon (Voiteur),
Imprimerie Bernard Mourier (Lons-le-Saunier).
Pour les vignerons concernés, il ne suffit pas d’une part de
cultiver du Savagnin dans les limites de l’aire géographique
de l’appellation d’origine contrôlée et d’autre part de
produire du Vin jaune pour bénéficier automatiquement
de l’AOC. Dès 1952 (1958 selon une autre source), une
commission a été constituée en effet sous la haute
autorité de l’INAO. Elle est composée de représentants
du laboratoire départemental d’analyses agricoles de
Poligny, de la profession et du négoce, de la Chambre
d’Agriculture, de la Société de Viticulture, ainsi que des
Directions Départementales de la Concurrence, de la
Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF),
et de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF). Depuis le 1er
janvier 2009, cette dernière a changé de dénomination, car
elle a fusionné avec celle de l’Equipement, pour donner
naissance à la Direction Départementale de l’Equipement
et de l’Agriculture (DDEA).
Cette commission visite chaque année les vignes
susceptibles de bénéficier de l’AOC. Elle constate la
présence exclusive de Savagnin, elle évalue l’état sanitaire
de la parcelle ainsi que le rendement approximatif à
l’hectare. Elle octroie le bénéfice de l’appellation si le degré
alcoolique minimum requis de 12° est atteint, et elle arrête
la date d’ouverture du « ban des vendanges ». Si elle estime
que la qualité de la récolte sera insuffisante, la commission
peut prononcer un déclassement de celle-ci soit total (ce fut
le cas en 1974, 1980, 1984 et 2001), soit partiel (par exemple
en 1993). Elle peut enfin arrêter des sanctions individuelles
à l’encontre d’un vigneron, notamment s’il n’entretient pas
correctement ses vignes. L’INAO envisage depuis 2002
d’étendre cette pratique à l’ensemble des AOC de France,
afin de renforcer encore la qualité et la réputation des
produits français.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Depuis 1997, les viticulteurs concernés ont enfin décidé
d’ajouter à ce contrôle très sévère au moment de la récolte,
une dégustation d’agrément en fin d’élevage, avant la mise
en bouteille dans des Clavelins qui se distinguent par la
présence d’un sceau à la base du col, où figure le nom de
l’AOC « Château-Chalon ».
L’AOC « L’Etoile » autorise trois cépages, le Chardonnay, le
Savagnin, mais aussi le Poulsard pour l’élaboration du Vin de
paille.
4 � L'AOC « Côtes du Jura »
Figure 23 – AOC « L’Etoile » : le terroir (photo R Michaud, 07.06.2009).
Figure 22 – AOC « Côtes du Jura » - Maynal : le terroir
(photo R Michaud 27.06.2009).
Née d’un décret du 31 juillet 1937, l’AOC « Côtes du Jura » est la
plus étendue des appellations jurassiennes, et elle est riche
par conséquent de très nombreux terroirs différents. Elle
s’étend en effet du nord au sud du vignoble. Les communes
concernées qui n’étaient qu’une soixantaine à l’origine sont
aujourd’hui au nombre de 105. Celles dont les superficies
plantées en vignes sont les plus vastes sont Arlay, Beaufort,
Buvilly, Gevingey, Lavigny, Mantry, Passenans, Poligny,
Rotalier, Saint-Lothain, Toulouse-le-Château, Le Vernois,
Vincelles et Voiteur. L’AOC « Côtes du Jura » est la deuxième
appellation jurassienne pour le volume de sa production
(essentiellement des blancs et du Crémant).
5 � L'AOC « L’Etoile »
Egalement née d’un décret du 31 juillet 1937 comme celle
des « Côtes du Jura », l’appellation d’origine contrôlée
« L’Etoile » concerne quatre communes : L’Etoile,
Plainoiseau, Quintigny et Saint-Didier. Elle doit sa
dénomination au village du même nom. Celui-ci a été
appelé ainsi peut-être parce qu’il est entouré de cinq
collines formant les branches d’une étoile, ou encore parce
que la forme de cette dernière est aussi celle de fossiles
que recèle ce terroir. Au printemps, après les pluies, il est
en effet assez fréquent de trouver sur le sol des communes
concernées, notamment dans les vignes, des encrines,
derniers vestiges d’une espèce de lis de mer qui était
abondante au Trias.
notes CONFER L'ANNEXE 1
6 � L'AOC « Macvin du Jura »
Instaurée par un décret du 14 novembre 1991, l’AOC « Macvin
du Jura » couvre l’ensemble des aires des appellations
d’origine contrôlée des vins du Jura. Elle représente 3% de la
production totale des AOC jurassiennes. Il a déjà été rappelé
que les cinq cépages autorisés peuvent être pressés pour
obtenir les moûts nécessaires à l’élaboration du Macvin, qui
est par conséquent rouge ou blanc, mais aussi parfois rosé
(1er article du décret de 1991). Issue de la distillation du
Marc du Jura, l’eau de vie doit séjourner au moins 18 mois
en fûts de chêne avant d’être utilisée pour produire ce vin de
liqueur. Celui-ci doit être élevé au minimum 12 mois dans
des tonneaux également en chêne, et l’obtention de l’AOC est
subordonnée enfin à un pourcentage d’alcool compris entre
16 et 22°.
7 � L'AOC « Crémant du Jura »
L’AOC « Crémant du Jura » est la plus récente, car elle a été
créée par un décret du 9 octobre 1995. L’aire d’appellation se
confond avec celles des Côtes du Jura, d’Arbois, de ChâteauChalon et de l’Etoile. Les grappes doivent être transportées
dans des caisses percées et pressurées entières. Les cinq
cépages jurassiens peuvent être utilisés pour élaborer ce vin
effervescent, qui représente aujourd’hui environ 16% de la
production totale des AOC locales, soit 15 000 hectolitres en
moyenne par an, issus de vignes couvrant approximativement
210 hectares. La cuvée doit être composée de 50% de
Chardonnay pour le Crémant blanc, produit dans plus de 90%
des exploitations concernées, et pour moitié de Poulsard ou
de Pinot noir pour le Crémant rosé.
31 �
III · Les viticulteurs et
leurs exploitations 27
� 32
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
A � Les sources Les déclarations
de récoltes
Chaque année, les producteurs doivent déclarer leur
récolte à la Direction des Douanes et des Droits Indirects.
Pour rédiger son remarquable ouvrage dédié au vignoble du
Jura, Sylvaine Boulanger a obtenu l’autorisation d’exploiter
ces documents collectés entre 1990 et 2000 (ils constituent
la seule source exhaustive permettant de connaître de
manière assez précise les vignerons jurassiens et leurs
exploitations). En raison des délais impartis pour la
rédaction de ce mémoire, il n’a malheureusement pas
été possible de mettre à jour ce travail grâce aux données
concernant la période 2000–2009. Rédigé à partir du livre
précité, ce chapitre est toutefois très certainement toujours
d’actualité, car les évolutions identifiées sont très faibles,
et le contexte, par conséquent plutôt stable, n’a pas dû
beaucoup changer ces dernières années.
Les déclarations recueillies par l’administration livrent de
précieuses informations sur le volume de la récolte, la part
vendue à un négociant ou livrée à une fruitière, mais aussi
sur la superficie exploitée, le mode de faire-valoir, l’âge du
déclarant, etc.
B � Les exploitations
1 � Approche quantitative
Entre 1990 et 2000, le nombre des déclarations de récoltes
transmises chaque année à la Direction des Douanes
était compris entre 1 800 et 2 300, et le vignoble jurassien
comptait par conséquent à cette époque environ 2 000
exploitations. De l’ordre de 0,93 ha en 1995-1996, leur
superficie moyenne était supérieure par exemple à celle
enregistrée pour la Savoie (0,6 ha).
1 801 exploitations ont été dénombrées en 1997. Elles
étaient d’abord localisées au nord du Revermont, à Arbois
(232), Montigny-les-Arsures (74), Poligny (57), Pupillin
(56),… Un peu moins nombreuses dans la partie centrale
du vignoble (54 à Voiteur, 49 à L’Etoile, 41 à Nevy-sur-Seille,
etc.), elles étaient sensiblement plus rares au sud.
notes CONFER L'ANNEXE 1
2 � Les exploitations
familiales
La totalité de leur production est destinée à
l’autoconsommation. Les déclarants ne vivent donc pas de
leur vigne. Ils sont retraités, ou travaillent dans le secteur
secondaire ou tertiaire (ils sont artisans, fonctionnaires, par
exemple enseignants,…). Il serait intéressant de disposer à
leur sujet d'une étude récente qui préciserait en particulier
la superficie totale qu'ils cultivent et le volume de leur
production. Il conviendrait également de mieux connaître
leurs pratiques culturales, la formation viti-vinicole initiale
ou continue qu'ils ont éventuellement suivie, etc.
Sur les 1 801 exploitations recensées en 1997, celles qui
avaient un caractère familial étaient un peu plus d’un millier
(56%). Elles étaient proportionnellement plus nombreuses
au centre et au sud du vignoble.
3 � Les exploitations
« commercialisantes »
Les exploitations qualifiées de « commercialisantes » par
Sylvaine Boulanger génèrent un revenu, et elles permettent
aux viticulteurs concernés de vivre totalement ou
partiellement de leur activité. Elles étaient au nombre de 781
sur les 1 801 dénombrées en 1997, et elles représentaient
par conséquent 44% de ce total. Très présentes au nord
du Revermont, dans le secteur d’Arbois, les exploitations
« commercialisantes » sont moins nombreuses au centre
du vignoble (à Poligny, Menétru, Château-Chalon, etc.), et
encore plus rares au sud de celui-ci.
Figure 24 – La superficie des exploitations « commercialisantes »
en 1997.
Superficie
Moins
de 2 ha
% ou nombre 75,4%
d'exploitations
Entre 2
et 9,9 ha
Entre 10 et Supérieure
49,9 ha
à 50 ha
22%
18 exploitations
2 exploitations
Source : BOULANGER (Sylvaine), « Le vignoble du Jura », Presses
Universitaires de Bordeaux, collection « Grappes et Millésimes »,
Pessac, 2004, page 232.
Les vignerons « commercialisants » qui récoltent et vinifient
la totalité de leur production étaient moins de 300 en 1997,
et les superficies de leurs exploitations variaient entre 3 ha
pour les plus petites et 250 ha pour la plus vaste, celle de la
société Henri Maire.
33 �
Entre 4 et 5 ha de vignes sont en principe nécessaires dans le
Jura pour permettre à un viticulteur de vivre exclusivement
de son travail. D’après les statistiques de 1997 qui n’ont
pas dû sensiblement évoluer depuis, 80% des exploitations
dites « commercialisantes » sont donc exploités par des
producteurs qui sont des doubles-actifs, ou dont le conjoint
travaille ailleurs pour permettre au ménage de subvenir à
ses besoins. En règle générale, ils livrent leur récolte à une
fruitière ou ils la vendent à un négociant.
C � Les fruitières
et les négociants
1 � Les fruitières
de celle où se trouve le siège de la fruitière. 4 grandes
catégories de « sociétaires » peuvent être identifiées :
• des vignerons qui exploitent généralement plus de 5 ha de
vignes et qui vivent exclusivement de leur travail ;
• des agriculteurs-viticulteurs ;
• des doubles-actifs et des retraités ;
• des bailleurs à fruits qui ont perçu une partie de la
vendange de leurs métayers.
2 � Les négociants
En 1997-1998, le marché comptait 3 acheteurs importants.
Il s’agissait de la société « Henri Maire » à Arbois, de « la
Compagnie des grands vins » à Crançot et du « Cellier des
Tiercelines » à Montigny-les-Arsures.
Les principaux fournisseurs des négociants sont soit des
producteurs qui cèdent une partie de leur récolte parce
qu’ils ne peuvent pas la vinifier et la stocker en totalité, soit
des viticulteurs doubles-actifs ou retraités. Ces derniers
n’exploitent le plus souvent que quelques ares de vignes
seulement, et ils vendent l’intégralité du produit de leurs
vendanges. Un contrat garantit aux uns et aux autres une
rémunération un peu plus importante que celle consentie
aux vignerons qui vendent occasionnellement une partie de
leur récolte lorsqu’elle est trop abondante, afin d’éviter de
perdre ce surplus.
D � Le foncier
Figure 25 – La fruitière vinicole d’Arbois
(photo J-L Gomez, 08.05.2009).
En 1997, 184 des 781 exploitations dites « commercialisantes »
recensées adhéraient à l’une des 4 fruitières. La première a
été créée à Arbois en 1906. Elle est celle qui compte le plus
de « sociétaires », les autres étant, par ordre décroissant,
Voiteur, Pupillin et Le Vernois.
Chaque adhérent verse un droit d’entrée, achète une
part sociale, et livre l’intégralité de sa récolte à la cave
coopérative, à l’exception des raisins destinés le cas échéant
à son autoconsommation. Le vin est élaboré en commun.
Lorsqu’il est vendu, chaque viticulteur concerné perçoit une
rémunération proportionnelle à la récolte qu’il a livrée. Les
adhérents appartiennent à toutes les tranches d’âges, et ils
sont le plus souvent installés dans les communes limitrophes
� 34
1 � Des modes de
faire-valoir combinés
Figure 26 – Les modes de faire-valoir des exploitations viticoles
jurassiennes en 1997.
Exploitants exclusivement propriétaires
75%
Exploitants propriétaires et fermiers ou
métayers, ou les trois à la fois
16%
Exploitants exclusivement fermiers ou
métayers, ou les deux à la fois
9%
TOTAL
100%
Source : BOULANGER (Sylvaine), « Le vignoble du Jura », Presses
Universitaires de Bordeaux, collection « Grappes et Millésimes »,
Pessac, 2004, pages 238 et 239.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Le métayer verse au propriétaire du terrain une partie
de la récolte : la moitié de celle-ci jusqu’au XXème
siècle (métayage à mi-fruits), le tiers en règle générale
aujourd’hui. Le fermier paie quant à lui un loyer dont le
montant, précisé dans le cadre d’un bail, est fixe (il n’est
pas indexé sur les revenus de l’exploitation).
travail reste à faire, et le chapitre qui leur est dédié dans ce
document a été rédigé à partir d'une part des informations
disponibles dans la documentation consultée, notamment
dans l'ouvrage de Sylvaine Boulanger, et d'autre part des
interviews réalisées.
La durée des baux varie entre 3 et 99 ans. Ils sont écrits
pour la plupart, mais quelques uns sont oraux.
1 � Une population
très diverse
2 � Les droits de plantation
et les transactions
Une étude sociologique qui leur serait consacrée
démontrerait très probablement que les viticulteurs
jurassiens forment une communauté très diverse, en
particulier si les exploitations familiales sont également
prises en compte. Ils appartiennent sans doute à
toutes les tranches d'âges. Les jeunes qui s'installent
(vraisemblablement en moyenne 1 ou 2 par an seulement
selon Cécile Claveirole, directrice du CIVJ, interrogée à ce
sujet le 5 juin 2009), ne sont pas toujours suffisamment
nombreux pour assurer la reprise des exploitations dont
les producteurs cessent leur activité.
Chaque viticulteur qui souhaite planter une vigne
bénéficiant d'une AOC, doit préalablement obtenir une
autorisation. Entre 1987 et 1997, les droits octroyés pour
l'ensemble du vignoble jurassien autorisaient la plantation
de 260 ha seulement.
Dans son ouvrage, Sylvaine Boulanger a également mis en
évidence que le nombre des transactions effectuées chaque
année était faible. Elles sont plus fréquentes au nord et au
centre du vignoble, et elles concernent des superficies très
modestes (60 ares en moyenne).
Les écarts constatés entre les prix les plus bas et les
plus élevés peuvent être importants. Ils dépendent
essentiellement de l'AOC dont bénéficient les parcelles
concernées. Le coût du foncier peut fragiliser les domaines
les plus vastes. Quelques uns de leurs propriétaires, bientôt
à la retraite, ne trouvent pour le moment personne pour
reprendre leurs exploitations car elles sont trop chères
pour être achetées par des jeunes qui débutent. Elles
intéresseront peut-être des investisseurs étrangers, mais
avec tous les risques que cela présente. Si d'éventuels
acquéreurs de ce type estimaient que l'affaire n'était pas
suffisamment rentable, ils pourraient en effet décider du
jour au lendemain de cesser toute activité, comme cela
s'est déjà produit dans certains vignobles en France et sans
doute également à l’étranger.
Ce même travail mettrait très certainement en évidence des
revenus comparables à ceux de l'ensemble de la population.
Certains, notamment parmi ceux qui ne ménagent pas leurs
efforts depuis 35 ou 40 ans, vivent confortablement.
D'autres connaissent des conditions plus précaires. Un jeune
qui débute doit attendre un peu plus de 6 ans avant de vendre
sa première bouteille de Vin jaune. Lorsque le vignoble est
frappé par les aléas climatiques, il est ainsi plus vulnérable
que ses confrères installés depuis plusieurs décennies déjà.
Enfin, lorsque la superficie de leur exploitation est
inférieure à 4 ou 5 ha, nous savons que les vignerons ont
en principe un revenu insuffisant qui ne leur permet pas de
vivre uniquement de leur activité. Ils sont généralement des
doubles-actifs, et leur conjoint respectif est souvent obligé
de travailler ailleurs afin de compléter les ressources du
ménage par l'apport d'un salaire fixe et régulier.
E � Les viticulteurs
2 � La formation initiale et
continue des viticulteurs
Les délais impartis pour la rédaction de ce mémoire n'ont
malheureusement pas permis de procéder à des recherches
approfondies qui auraient permis de mieux connaître les
viticulteurs jurassiens : le pourcentage d'hommes et de
femmes exerçant la profession, les études qu'ils ont suivies,
leur répartition par tranches d'âges, leurs revenus, etc. Ce
D'après Michel Lapointe, responsable technique à
L'Association Départementale de Formation et de
Perfectionnement en Agriculture (ADFPA), les jeunes
viticulteurs qui s'installent aujourd'hui ont fait pour la
plupart 4 ou 5 années d'études après le baccalauréat. Ils ont
souvent effectué des stages à l'étranger au cours de leur
notes CONFER L'ANNEXE 1
35 �
formation (en Afrique du Sud, en Espagne, en Californie, en
Nouvelle-Zélande,...). Ils font preuve généralement d'une
bonne ouverture d'esprit.
certaines les valeurs comme l'entraide à l'origine de leur
création qui remonte souvent au Moyen Âge. A l'occasion de
fêtes généralement annuelles, elles animent également les
communes concernées.
Dans le Jura, la formation continue n'est pas organisée
de manière centralisée. Elle est assurée par divers
organismes comme le lycée agricole de Montmorot ou
l'ADFPA déjà citée. Cette association qui dépend de la
Chambre d'Agriculture propose depuis une quinzaine
d'années déjà des stages concernant les viticultures
raisonnée et biologique, la biodynamie, la lutte intégrée
contre les ravageurs et les maladies, etc. Le coût de ces
formations peut varier entre une trentaine et une centaine
d'euros, en fonction notamment de leur durée.
3 � L'organisation de la filière
Figure 28 – Château-Chalon : la confrérie « saint Vernier »
(photo R Michaud, 14.05.2006).
La Société de Viticulture tout d'abord est un syndicat créé
dans les dernières années du XIXème siècle afin de défendre
la qualité des vins du Jura, et aujourd'hui leurs AOC. Elle
est à l'origine de la création du Comité Interprofessionnel
des Vins du Jura (CIVJ), qui regroupe des représentants
des exploitants et des négociants, et dont la mission est
d'assurer la promotion des produits du vignoble. Annexés
à ce mémoire, les comptes-rendus des interviews d'Alain
Baud, président de la Société de Viticulture, et de Cécile
Claveirole, directrice du CIVJ, permettent d'en savoir un
peu plus au sujet de ces 2 structures.
certaines les valeurs comme l'entraide à l'origine de leur
création qui remonte souvent au Moyen Age. A l'occasion de
fêtes généralement annuelles, elles animent également les
communes concernées.
D'autres associations contribuent à la promotion des produits
locaux. C'est par exemple le cas de celle des Ambassadeurs
des Vins Jaunes qui supervise l'organisation de la Percée (il
s'agit d'une grande manifestation dédiée chaque année à ce
fleuron de la production jurassienne), de la Commanderie
des Nobles Vins et Gruyères de Comté, etc.
De nombreuses confréries, par exemple celle dénommée
« saint Vernier » à Château-Chalon, perpétuent encore pour
Figure 27 – Les formations proposées par l'ADFPA en 2008-2009.
Formations proposées par l’ADFPA en 2008-2009
Durées
Tarifs
Analyser mes coûts de production en viticulture
3 jours
Non précisé
Préparer son projet en agrobio
3 jours
49 €
Aménager mon caveau de vente
1 jour
30 €
Evaluer les vins pour les commissions d’agrément
2 jours
Non précisé
Maîtriser la mise en bouteille de mes vins
1 jour
Non précisé
Enregistrer mes pratiques en viticulture (registre de cave)
1 jour
Non précisé
Perfectionnement à la dégustation d’agrément (les défauts)
1 jour
45 €
Analyse sensorielle des baies de raisins
1 jour
Non précisé
Se perfectionner en viticulture biodynamique
3 jours
Non précisé
Vendre mes vins à l’export
3 jours
Non précisé
Source : Association Départementale de Formation et de Perfectionnement en Agriculture (ADFPA).
� 36
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Figure 29 – Les Ambassadeurs des Vins Jaunes (photo Studio Lyet, prêt CIVJ).
En 1997, un peu plus d'un millier
des 1 801 exploitations recensées
avaient un caractère familial.
Figure 30 – La Commanderie des Nobles Vins
et Gruyères de Comté (photo CIVJ, 05.02.2006).
Enfin, de nombreux autres organismes participent également à la structuration de la filière : le laboratoire départemental
d'analyses agricoles de Poligny, le lycée agricole de Montmorot qui dispose d'une exploitation viti-vinicole de 5 ha de vignes
bénéficiant d'une AOC, l'Institut Franc-Comtois des Vins et du Goût,...
Lorsque la superficie de leur exploitation est inférieure
à 4 ou 5 ha, les vignerons ont en principe un revenu insuffisant
qui ne leur permet pas de vivre uniquement de leur activité.
Ils sont généralement doubles-actifs.
notes CONFER L'ANNEXE 1
37 �
IV · Les pratiques -
travaux de la vigne et du
vin, commercialisation
et consommation
� 38
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
A � La culture de
la vigne
Les travaux de la vigne s’inscrivent dans un cycle qui se
répète chaque année. Au printemps, le sol est labouré et
éventuellement fertilisé. Les vignerons lient les baguettes
taillées aux échalas28, ou aux fils de fer du palissage29
collectif qui est d’un usage plus courant dans le Jura. Les
nouveaux ceps sont plantés et la vigne est traitée avant la
floraison.
Durant l’été et l’automne, le sol est à nouveau labouré.
Les branches sont relevées et effeuillées pour que les
fruits bénéficient d’une meilleure exposition au soleil. La
vigne est également éclaircie afin d’éliminer les grappes
excédentaires. Les branches sont rognées30 pour accroître
la vigueur de la plante, mais aussi et surtout pour aérer la
végétation. Les traitements se poursuivent jusqu’en août si
c’est nécessaire, et les mois de septembre, d’octobre voire
de novembre sont bien sûr consacrés aux vendanges.
A la fin de l’automne et pendant l’hiver les ceps sont taillés31
et buttés32, et le sol est travaillé.
1 � La préparation des sols
et la lutte contre l’érosion
A • LES TERRASSES
vigne, et donc pour une production de qualité. A ChâteauChalon par exemple, les vignerons ont dû par conséquent
aménager des terrasses, afin de créer des replats plus
faciles à travailler que les pentes naturelles, parfois de
l’ordre de 45°. Les murs de soutènement étaient érigés
avec les pierres extraites du sol, qui servaient également
à construire les « murgers » séparant les parcelles, ainsi
que les cabanes.
Ces aménagements permettaient de limiter l’érosion,
qui était en outre mieux maîtrisée grâce à un réseau de
fossés. Ils étaient creusés dans le sens de la pente, à
l’emplacement des thalwegs le long desquels s’écoulent
les eaux. Ils étaient remplis et recouverts de grandes
pierres plates, et ensuite de terre. Des ceps étaient enfin
plantés au-dessus de ces ouvrages.
Des fagots de sarments étaient parfois enterrés le long des
parcelles, dans la partie basse de celles-ci. Ils dépassaient
légèrement du sol afin de retenir la terre entraînée par
la pluie. A cet ensemble de mesures destinées à enrayer
l’érosion, s’ajoutait l’apport de matériaux prélevés dans
des carrières locales, par exemple des marnes, des argiles
schisteuses, etc.
Dans certains secteurs du vignoble comme à ChâteauChalon, les nouvelles pratiques viticoles se sont traduites
par des aménagements fonciers caractérisés notamment
par la création de larges chemins en béton permettant la
circulation des engins. De nouvelles terrasses soutenues
par des enrochements ont été également créées à ChâteauChalon à l'occasion du dernier remembrement.
B • LE DEFONÇAGE33
Une fois aménagé, le sol fait parfois encore aujourd'hui
l’objet d’un défonçage, c’est-à-dire qu’il est labouré sur
une profondeur de 60 à 80 centimètres, afin de le rendre
plus fertile en retournant et en enfouissant sa couche
superficielle. Cette pratique permet également d’enlever
les pierres, mais aussi les racines susceptibles d’entraver
le développement des nouveaux plants, et de favoriser leur
contamination par des maladies virales comme le courtnoué34, ou cryptogamiques35 : le pourridié des racines36, etc.
Figure 31 – Terrasses à Château-Chalon
(photo R Michaud, 13.12.2008).
Là où les sols sont propices à la viticulture, les versants
les plus favorables également hérités de la géologie
n’ont pas toujours le profil idéal pour la culture de la
notes CONFER L'ANNEXE 1
Ce labour profond était effectué en Franche-Comté avec
des outils spécifiques comparables à des bêches ou à des
houes qui, presque partout, ont cédé progressivement la
place à des charrues à défoncer tirées par un treuil ou par
un tracteur, et à des pelles mécaniques. Les vignerons sont
toutefois de plus en plus nombreux de nos jours à préférer
au défonçage un travail des sols un peu plus superficiel.
39 �
2 � La conduite de la vigne
37
Contrairement à la vigne sauvage, celle qui est cultivée est
conduite. Son implantation est en effet organisée et son
développement est maîtrisé par les viticulteurs.
A • LES PLANTATIONS, LEUR DENSITE
ET LEUR ORIENTATION GENERALE
Le défonçage du sol avant la plantation n’est devenu quasisystématique qu’à partir de 1860. Avant cette date, il était
fréquent de creuser, en règle générale tous les 2 mètres,
des fossés dont la largeur et la profondeur variaient entre
50 et 60 centimètres. Dans la tranchée, à l’angle de chacun
de ses deux côtés, les vignerons plantaient ensuite soit une
bouture, soit un plant enraciné. Au fur et à mesure que les
ceps se développaient, la terre prélevée lors du creusement
des fossés était utilisée pour leur comblement progressif.
Au bout de 3 ou 4 ans, un premier marcottage38 (provignage)
était effectué (un sarment était recourbé et enfoui dans le
sol, et le rejet donnait naissance à un nouveau plant).
Avant le phylloxéra, la vigne était plantée « en foule »,
et aucun ordonnancement particulier ne s’imposait
véritablement, ce qui n’est plus le cas de nos jours.
La densité imposée par les AOC est plutôt moyenne. De
l’ordre de 6 000 à 7 000 pieds à l’hectare, elle est inférieure
à celles d’autres vignobles septentrionaux. Elle permet par
conséquent aujourd’hui presque partout d’espacer d’1,5
mètre les rangs, le plus souvent orientés nord-est / sudouest suivant la pente, afin de bénéficier de l’ensoleillement
le plus favorable. L’écartement moyen entre les souches est
quant à lui de l’ordre d’1,1 mètre. Ailleurs, l’implantation
est identique, mais une bande enherbée de 3 mètres de
large est conservée soit tous les 5 rangs, soit entre chaque
ligne. Cette dernière pratique peut être observée presque
exclusivement dans les exploitations de la société Henri
Maire, dans les environs d’Arbois.
B • LE PALISSAGE
La vigne est pourvue de vrilles, qui lui permettent de
s’accrocher à tout ce qui se trouve à proximité, afin de
chercher l’air et le soleil, et de soutenir le poids de ses
rameaux et de ses fruits. Il s’agit par conséquent de
procurer aux ceps, de manière artificielle, les appuis dont
ils sont privés par la taille, et par l’absence notamment de
la végétation arbustive ou ligneuse qui pourrait leur servir
de support, comme c’est le cas lorsqu’ils sont à l’état
sauvage.
� 40
Jusqu’au XIXème siècle, la vigne était le plus souvent liée
à des tuteurs verticaux (échalas). Dans le Jura, des liens
d’osiers ou « avans » sont encore parfois utilisés, comme
jadis, pour l’attacher à des fils de fer tendus sur deux ou
trois niveaux entre des piquets en bois ou métalliques.
C • LA TAILLE
La vigne est une liane qui doit être palissée, mais aussi
taillée, afin de discipliner et d’équilibrer la production de
bois et de fruits. Effectuée de manière idéale au mois de
mars pour prévenir les gelées printanières, la taille est
toutefois généralement réalisée plus tôt par les vignerons. Il
s'agit d'une opération essentielle qui conditionne à la fois la
quantité de la récolte, sa qualité, et la pérennité de la vigne.
Elle implique de connaître parfaitement les cépages qui sont
cultivés, l’âge et la vigueur du cep, dont la vitalité dépend
également en partie de la nature et de la fertilité du sol. Cette
connaissance de chaque plant se traduit par des relations
quasi-affectives qui unissent le vigneron à sa vigne.
La serpe à tailler est encore de nos jours un outil
emblématique de la profession, même si elle a été
remplacée, depuis le XIXème siècle, par le sécateur et par
la scie égoïne, utilisée pour couper les bois morts. La taille
est aujourd’hui réglementée par les décrets concernant
les appellations d’origine contrôlée. Celle pratiquée dans
le Jura est dite « en Guyot », « double ou simple », ou
« en courgée ». Un ou deux longs sarments sont ainsi en
principe conservés.
3 � Les labours
Ils sont souvent réalisés au moyen de griffes ou de herses
horizontales. Leur fréquence dépend notamment de la
nature du sol et des conditions climatiques. En FrancheComté, la tradition est en règle générale de labourer les
vignes à 3 reprises durant l’année. Une première fois
au printemps tout d’abord, afin de favoriser l’entrée en
végétation en brisant la croûte formée pendant l’hiver. De
juin à août et en principe toujours avant la floraison, les 2
labours suivants sont plus superficiels que le premier. Ils
aèrent le sol et le débarrassent des plantes adventices39.
Celui-ci peut être enfin travaillé une 4ème et dernière fois
à la fin du mois d’août. Il s’agit alors plus particulièrement
de favoriser la maturation des raisins, mais aussi le
bon aoûtement des rameaux permettant aux plants
d’emmagasiner les réserves qui lui sont nécessaires afin
de mieux résister aux gelées hivernales.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Les labours sont peut-être moins fréquents aujourd'hui
qu'autrefois, de nombreux vignerons préférant simplement
« griffer » le sol en avril ou en mai, à 4 ou 5 reprises ensuite
durant l'été, et une dernière fois avant l'hiver.
fruits) est affectée, ce qui réduit les rendements. L’oïdium
qui se propage très rapidement lorsque les températures
sont comprises entre 20 et 25°C, fut lui aussi un véritable
fléau en 1999.
A la fin du XIXème siècle, la vigne était encore le plus
souvent labourée au moyen d’une houe. Cette pratique
perdura parfois jusqu’au lendemain de la deuxième guerre
mondiale, même si le recours à une charrue tractée par
un bœuf ou par un cheval s’imposa progressivement après
la reconstitution du vignoble rendue nécessaire par la
crise du phylloxéra. Les animaux furent ensuite peu à peu
remplacés par des engins agricoles. A partir des années 70,
l’utilisation quasi-systématique de désherbants chimiques
compléta le nettoyage du sol obtenu grâce aux labours.
D’autres maladies cryptogamiques sont également
observées localement. Connue depuis l’Antiquité,
l’excoriose est due à un champignon dénommé Phonopsis
viticola qui passe l’hiver dans l’écorce de la plante. Durant
la période de repos hivernal, des taches brunes ou noires
apparaissent sur les feuilles ou sur les pétioles41. Les
spores germent ensuite dès que la température atteint 8°C
et que l’humidité ambiante est importante, ce qui est le cas
dans le Jura lorsque les printemps sont frais et pluvieux.
Aucun cépage ne résiste à l’excoriose, mais le Chardonnay
et le Poulsard sont plus vulnérables que les autres.
4 � Les maladies de la vigne
et leur traitement
La pourriture grise se développe lorsque le temps est doux
et humide. Elle se manifeste sur les organes herbacés de
la vigne. Sa forme qualifiée de pédonculaire provoque le
flétrissement des pédoncules42 et des rafles43 des grappes,
et souvent leur chute avant la récolte. La pourriture grise
proprement dite affecte les grains de raisin entre la
nouaison et la maturité. Ils deviennent d’abord gris et ils
brunissent ensuite avant de pourrir.
40
Les printemps sont souvent pluvieux dans le Jura, et
cette humidité favorise le développement des maladies
cryptogamiques de la vigne. Importé d’Amérique du
Nord, le mildiou tout d’abord a été observé en France
pour la première fois en 1878. La partie supérieure des
feuilles infectées par le champignon Plasmopara viticola
se couvre de taches translucides dites « d’huile ». Des
plaques blanches qui ont l’aspect du coton se développent
sur la face inférieure. La maladie leur doit son nom, qui
vient de l’anglais « downy mildew », c’est-à-dire « mildiou
cotonneux ». Les jeunes feuilles finissent par tomber, ce qui
limite la photosynthèse, ralentit la maturation des fruits,
et affecte par conséquent les rendements. Les rameaux et
les vrilles sont également touchés, ainsi que les grappes.
Celles-ci sont colonisées par une poussière blanche
ainsi que par des taches qui brunissent progressivement,
et finalement elles s’assèchent. Le mildiou a été
particulièrement virulent en 1999 en France en général, et
dans notre région en particulier. Il est tombé cette année
là dans le Revermont entre 100 et 150 mm d’eau entre le
7 et le 22 mai, et ces pluies abondantes conjuguées à des
températures très douces, souvent supérieures à 14°C, ont
favorisé la contamination du vignoble.
La vigne est également attaquée dans le Jura par l’oïdium,
observé pour la première fois dans l’hexagone en 1845.
Certains cépages comme le Chardonnay sont plus
vulnérables que d’autres. Le Pinot noir par exemple résiste
mieux à cette maladie cryptogamique, qui se développe sur
tous les organes herbacés. Des taches semblables à une
poussière blanchâtre ou grisâtre apparaissent ainsi sur les
feuilles. La nouaison (l’évolution des fleurs fécondées en
notes CONFER L'ANNEXE 1
Enfin, le vignoble jurassien est également attaqué par
des maladies du bois comme l'Esca, ou physiologiques à
l'instar de la coulure, et par d’autres provoquées par des
insectes, comme par exemple les araignées rouges.
Ces très nombreuses infections obligent les vignerons à
traiter régulièrement leurs vignes. L’utilisation des produits
phytosanitaires est une source de pollutions diverses,
et elle a par conséquent un impact non négligeable sur
l’environnement et sur la biodiversité. Elle a aussi des
effets sur la santé des vignerons, et elle occasionne enfin
des dépenses qui peuvent être parfois importantes.
44% des volumes de vins du
Jura sont commercialisés
en Franche-Comté, la moitié
dans le reste de la France, et
6% sont exportés à l'étranger.
41 �
B � L'élaboration
des vins du Jura
La vinification a été abordée, au moins partiellement, dans
le chapitre consacré à la production locale, et en particulier
lorsque le Vin jaune, le Macvin et le Vin de paille ont été
évoqués. En raison des délais impartis pour la rédaction
de ce mémoire, il n'a malheureusement pas été possible
d'apporter plus de détails à ce sujet.
Il convient toutefois de souligner, dans cette étude dédiée
à la viticulture durable, qu'outre près de 200 levures
exogènes donnant aux vins des arômes particuliers (de la
framboise au cassis, en passant par la banane, etc.), l'Union
Européenne autorise près de 300 pratiques et traitements
œnologiques, auxquels s'ajoute ce que permet chaque Etat,
qui dispose également de sa liste complémentaire.
Nous verrons lorsque nous évoquerons les démarches
intégrées, qu'aucune réglementation, communautaire
ou nationale, ne précise à ce jour ce que devrait être une
vinification « bio », ce qui est étonnant. Seuls les raisins
peuvent être aujourd'hui certifiés « issus de l'agriculture
biologique ».
Tous les produits autorisés ne sont bien évidemment
pas utilisés par les vignerons jurassiens. Dans le Jura
comme partout ailleurs, l'adoption d'un cahier des charges
concernant la vinification est cependant un enjeu fort
pour l'ensemble de la filière, afin notamment d'offrir aux
consommateurs des garanties supplémentaires quant à la
qualité des produits qui leur sont proposés.
Les petits exploitants ne cultivent parfois que 2 à 3 hectares
de vigne. Ils assurent 98% de
leurs ventes au détail, dans
leurs caveaux ou à l'occasion
des marchés locaux.
� 42
C � Des pratiques
plus respectueuses
de l’environnement
1 � Des vignes parfois
labourées au moyen
de chevaux, et souvent
enherbées
Quelques vignerons utilisent aujourd’hui comme autrefois
des chevaux, le plus souvent comtois, pour labourer leurs
vignes. C’est notamment le cas de Benoît Royer à Arbois,
interviewé à ce sujet par les journalistes de « Détours en
France », dont le numéro 133 (janvier, février et mars 2009)
est dédié aux montagnes du Jura44. Dans l’article de la
revue qui lui est consacré, l’intéressé vante à juste titre les
mérites de sa jument Kigali, qu’il met également au service
de quelques uns de ses confrères. L’animal ne pollue pas,
il ne tasse pas et il n’érode pas les sols. A Montmorot,
c’est dans le cadre d’une convention passée avec le lycée
agricole que les quelques ares de vigne replantés par la
commune au hameau de Savagna sont labourés au moyen
de chevaux comtois45.
Figure 32 – Un cheval comtois pour labourer les vignes (photo CIVJ).
L’enherbement permanent de la vigne46 est en outre une
pratique de plus en plus répandue dans le Jura. Le système
racinaire de l’herbe présent dans les premiers horizons
du sol contribue à décompacter ce dernier et à l’aérer. La
perméabilité et la portance de celui-ci sont accrues. Le
ruissellement et l’érosion sont par conséquent réduits,
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
ainsi que le risque de transfert des produits phytosanitaires
vers les cours d’eau et vers les nappes phréatiques.
L’enherbement apporte en outre de la matière organique,
et il favorise le développement de la faune et de la flore.
Figure 33 – Château-Chalon : une vigne enherbée
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
le palissage est bas et que les premiers bourgeons ne sont
qu’à 10 ou à 20 centimètres de hauteur (en principe, ce
n’est pas le cas dans le Jura).
En revanche, il est avéré que l’herbe présente entre les
rangs est en concurrence avec la vigne, ce qui se traduit
par une réduction de la vigueur de celle-ci et de son
rendement. Cet impact s’atténue toutefois au bout de 4
à 5 années, comme l’a démontré une étude réalisée à ce
sujet dans le Val de Loire. Les plants s’enracinent en effet
plus profondément pour aller pomper plus bas l’eau et les
substances nécessaires au bon développement des ceps,
sauf quand la roche mère est trop près de la surface, ce qui
peut être dans ce cas un problème. Lorsque le rendement
est supérieur à ce que permet le cahier des charges d’une
AOC, il peut être ainsi maîtrisé de manière très efficace
par l’enherbement. La diminution de la vigueur qu’il
occasionne n’est pas aisée à expliquer. Il est en effet prouvé
qu’elle n’est pas due à un stress hydrique plus marqué.
Il est en revanche certain qu’elle est réversible, et qu’elle
occasionne une amélioration du microclimat des grappes
et de l’état sanitaire de la vendange, moins sujette à la
pourriture grise. Elle favorise également une augmentation
du degré potentiel et une baisse de l’acidité des moûts.
Il a été constaté que les vins rouges présentaient en outre
des caractéristiques organoleptiques plus intéressantes
lorsqu’ils étaient issus de parcelles enherbées. Ils sont
jugés plus fruités, plus aromatiques et mieux structurés,
et au nez comme en bouche ils sont mieux notés. Cette
amélioration de la qualité est cependant moins marquée
pour les vins blancs.
Toutefois, la présence permanente d’herbe entre les rangs
peut également entraîner une diminution de la teneur
azotée des moûts susceptible de ralentir la fermentation,
en particulier pour les cépages blancs, et d’occasionner
ainsi une augmentation de l’acidité, une réduction et / ou
une modification des arômes, des odeurs de vieillissement
atypique, etc. Ces carences en azote peuvent être corrigées.
Figure 34 – Chille : une vigne chimiquement désherbée
(photo Th Perrier, 17.05.2009).
Des études ont démontré qu’à partir d’une trentaine de
centimètres au-dessus du sol, la température n’est pas
plus froide lorsque le couvert végétal est conservé. S’il est
fauché avant le débourrement, celui-ci n’augmente pas par
conséquent le risque de gelées printanières, sauf lorsque
notes CONFER L'ANNEXE 1
Chaque parcelle doit faire l’objet d’une réflexion préalable.
Il s’agit notamment de définir le degré de concurrence
acceptable entre l’herbe et la vigne qui déterminera la
surface qui doit être enherbée (elle peut être par exemple
réduite à un rang sur deux). Le couvert végétal conservé est
soit « sauvage », c'est-à-dire d’origine naturelle, soit obtenu
par des semis d’espèces, nécessairement rustiques, dont
la liste doit être précisée en fonction du contexte local (raygrass anglais, pâturin, fétuque rouge ou ovine,…).
43 �
2 � Une utilisation plus
rationnelle des produits
phytosanitaires
47
Pour la plupart des exploitants, il n’est plus question
aujourd’hui d’éradiquer totalement les maladies de la
vigne, mais de contenir leurs effets. Des bulletins de santé
du végétal sont édités par la Société de Viticulture et par
la Chambre d’Agriculture, et ils peuvent être consultés
notamment sur le site internet du Comité Interprofessionnel
des Vins du Jura (CIVJ). Ils permettent aux vignerons de
ne traiter les plantations que lorsqu’il est effectivement
nécessaire de le faire.
Des viticulteurs jurassiens expérimentent également un
protocole défini en Suisse il y a près d'une vingtaine d'années
déjà. Il tient compte de la surface foliaire pour doser les produits
qui seront pulvérisés. La quantité de ces derniers autrefois
utilisée est réduite de moitié lorsque les feuilles sont petites.
Elle passe à 75 % les deux fois suivantes, et à 100 % lors du
dernier sulfatage. Les plants ne sont pas plus vulnérables que
par le passé aux attaques de champignons comme le mildiou
et l'oïdium. Les exploitants gagnent ainsi un traitement par an,
ce qui représente une économie importante, et les effets sur
les milieux naturels, terrestres et aquatiques, ainsi que sur la
santé des vignerons sont réduits d'autant.
« Le guide 2009 des bonnes pratiques de traitement »
publié en février dernier par la revue « La Vigne » cite
Jean-Luc Berger, directeur technique de l’Institut Français
de la Vigne et du Vin (IFV), qui affirme que : « sur les 10
dernières années, l’emploi de produits « phytos » a baissé
de 45 %. C’est énorme ». Les réglementations européennes
et françaises interdisent en outre régulièrement le recours
à certaines molécules dont l’impact sur l’environnement
est particulièrement néfaste, et elles imposent leur
retrait du marché. Durant la dernière décennie, les
contaminations des cours d’eau et des nappes phréatiques
ont enfin sensiblement diminué, notamment parce que
les pulvérisateurs sont mieux réglés, et qu’ils sont plus
soigneusement rincés que par le passé, de plus en plus
souvent sur des aires aménagées à cet effet et répondant
aux normes en vigueur.
Malgré d’indéniables progrès, des efforts supplémentaires
devront être cependant à nouveau consentis à court terme,
afin de respecter les prescriptions de la loi sur l’eau du
30 décembre 2006 et du « Grenelle de l’environnement ».
Les quantités d’intrants utilisés seront en effet réduites de
moitié d’ici à 2018. La filière aura l’obligation de recourir à
de moins en moins de matières actives, et d’éliminer toutes
� 44
les sources de pollution. Depuis le 1er janvier 2009, le
contrôle technique des pulvérisateurs est enfin obligatoire
tous les 5 ans, en application des dispositions de l’article
41 de la loi sur l’eau précitée. Ces vérifications permettront
de détecter les fuites et de diminuer ainsi la dispersion des
produits dans la nature. Toutefois, elles ne concerneront
pas les réglages, et elles n’éviteront pas par conséquent
les pulvérisations à côté de la vigne.
Les constructeurs et les organismes dédiés à la recherche
travaillent aujourd’hui à la mise au point de matériels
« intelligents ». Ils détecteront la présence de la végétation, pour
traiter uniquement là où c’est nécessaire. L’injection directe de
produits dans les plantes est également étudiée, mais elle n’est
pas encore maîtrisée dans le domaine de la viticulture.
3 � La gestion de la
ressource en eau et le
traitement des effluents
48
Les vignerons peuvent utiliser entre 0,2 et 10 litres
d'eau par litre de vin produit. Ils rejettent également des
effluents susceptibles de polluer les rivières et les nappes
phréatiques, car ils peuvent contenir :
• Des matières organiques ;
• Des éléments nutritifs minéraux (nitrates et phosphates) ;
• Des composés organiques de synthèse (engrais,
herbicides, produits phytosanitaires, etc) ;
• Des hydrocarbures ;
• Des métaux lourds (mercure, cuivre, cadmium,...) ;
• Des micro-organismes pathogènes.
Les eaux de lavage par exemple drainent des matières qui
proviennent directement des raisins (pellicules, rafles,
terre, sucres, acides, bourbes, alcools, levures, bactéries,
etc.), ainsi que des produits utilisés pour le nettoyage et
pour le détartrage, ou lors de la vinification.
Les rejets massifs de matières organiques pendant une
courte période, au moment des vendanges, peuvent
asphyxier les milieux aquatiques. Les micro-organismes
épurateurs privent en effet les poissons de beaucoup
d'oxygène, ce qui se traduit dans les cas les plus graves par
une mortalité piscicole importante.
Lorsqu'elles sont rejetées dans les réseaux d'assainissement,
ces quantités d'effluents ponctuellement importantes
perturbent en outre l'équilibre biologique des stations
d'épuration qui n'ont pas été dimensionnées pour traiter de
tels volumes. La flore bactérienne de ces dernières peut être
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
enfin détruite, par exemple par les produits phytosanitaires
qui souillent les eaux de rinçage des pulvérisateurs.
L'annexe 2 de ce mémoire (« le cycle de l'eau dans la
viticulture », contribution de Thierry Perrier) détaille
quelques uns des très nombreux dispositifs permettant une
gestion plus économe de la ressource, et un traitement des
effluents au moins conforme à la réglementation en vigueur
(lois sur l'eau des 3 janvier 1992 et 30 décembre 2006,
textes législatifs et réglementaires relatifs aux installations
classées pour la protection de l'environnement,...).
Avec l'aide de l'Union Européenne, de l'Etat, de l'Agence
de l'eau et des collectivités territoriales (la région et le
département), la Société de Viticulture a mis en œuvre depuis
2004 un programme de maîtrise des pollutions viti-vinicoles
(PMPVV). Celui-ci s'est traduit par l'édition d'un document
technique très complet et d'une plaquette d'information
destinée au « grand public ». Il concerne des sujets très
variés comme les effluents des caves ou le recours aux
intrants, mais aussi l'érosion des sols, car le ruissellement
de la pluie entraîne les produits phytosanitaires jusqu'aux
rivières et aux nappes phréatiques.
Le programme de maîtrise des pollutions viti-vinicoles a
contribué également à une gestion plus économe de la
ressource en eau. Lorsque le prix de celle-ci était dérisoire, les
vignerons se contentaient en effet pour la plupart « d'ouvrir le
robinet » pour refroidir, au moment des vendanges, les cuves
recevant les moûts. La température de ces derniers doit être
en effet abaissée afin d'éviter une fermentation trop rapide.
Cette eau potable était gaspillée, et lorsqu'elle n'était pas
rejetée ensuite dans la rivière, elle était acheminée jusqu'à
la station d'épuration où elle était traitée, alors qu'elle n'avait
pas besoin de l'être car elle n'avait pas été polluée. Cette
pratique augmentait ainsi sensiblement la consommation de
la ressource, et le coût du traitement des effluents.
Dans le cadre du PMPVV, des producteurs jurassiens, par
exemple Alain Baud déjà cité, se sont équipés de réservoirs
afin de récupérer l'eau de pluie. Celle-ci est refroidie et elle
circule en circuit fermé entre les deux parois des cuves qui
reçoivent les moûts. Elle retourne ensuite dans les réservoirs
où elle est à nouveau réfrigérée, et ainsi de suite. Ces
dispositifs dont l'installation a été encouragée par des aides
financières de l'Agence de l'eau, doivent vraisemblablement
diviser la consommation d'eau par 10 ou par 15.
Un état des lieux a tout d'abord été dressé pour chaque
bassin versant concerné (la Loue, la Cuisance, l'Orain, la
Brenne, la Seille, la Vallière). Les eaux des rivières ont été
analysées afin de déterminer la nature et le volume des
polluants d'origine viti-vinicole qu'elles drainaient.
Egalement inscrites pour certaines dans les contrats de
rivière « Loue » et « Seille », des actions ont été ensuite
arrêtées et mises en œuvre : l'enherbement permanent des
vignes, la modification de certaines pratiques culturales,...
Les stations d'épuration d'Arbois et de Lavigny notamment
ont fait l'objet de travaux dans le cadre du PMPVV. A Arbois,
les vignerons ont versé une contribution calculée en
fonction du nombre d'hectolitres produits chaque année, et
destinée au financement de la construction de bassins de
rétention. Ces derniers permettent d'étaler dans le temps
le traitement des pics de pollutions enregistrés au moment
des vendanges. Ils ont permis d'éviter de surdimensionner
la station qui aurait été dans ce cas sous-utilisée onze
mois par an, ce qui aurait affecté sensiblement ses
performances. Au Vernois, le coût des travaux similaires
qui ont été effectués a été partagé entre les viticulteurs, la
fromagerie qui s'installait sur le territoire communal, et les
maîtres d'ouvrage des extensions urbaines (le village n'est
pas situé très loin de Lons-le-Saunier, et il a accueilli ces
dernières années une population nouvelle importante).
notes CONFER L'ANNEXE 1
Figure 35 – Domaine Baud : récupération des eaux de pluie
(photo Th Perrier, 17.05.2009).
Figure 36 – Domaine Baud : le refroidissement des moûts
(photo Th Perrier, 17.05.2009).
L'objectif initial du programme était de traiter 60% des
effluents viti-vinicoles du département. Il a été largement
dépassé, car c'est aujourd'hui 90% des rejets qui le sont de
manière effective.
45 �
Figure 37 – Bilan du PMPVV.
Caves
raccordées
Volumes
raccordés
Caves équipées d’un
traitement autonome
Volumes traités de
manière autonome
Caves traitant
les effluents
Volumes
traités
2001
40%
48%
2%
1%
42%
49%
2006
64%
75%
11%
15%
75%
90%
Source : Société de Viticulture du Jura.
4 � La gestion durable des
sous-produits et des
déchets des exploitations
49
Les vignerons produisent des déchets très divers. Il s'agit
notamment :
• Des produits de la taille ;
• Des effluents de cave (eaux de lavage du matériel de
vendange, du pressoir, des cuves, etc.) ;
• Des sous-produits50 (marc, bourbes, lies, etc.) ;
• Des tartres et des solutions de détartrage ;
• Des emballages (l'adhésion à un organisme de recyclage
est obligatoire) : récipients en verre, bouchons, capsules,
palettes, emballages en carton ou en plastique, etc. ;
• De déchets domestiques ou industriels « classiques »
(aérosols, ampoules, batteries, pièces d'équipements
électriques et électroniques, piles, solvants, etc.) ;
• De produits phytosanitaires périmés ou interdits ;
• D'huiles usagées ;
• De pneumatiques ;
• De piquets et de fils métalliques ;
• De déchets verts ;
• etc.
Certains de ces rebuts, par exemple les sous-produits, les
tartres,..., ont déjà été pris en compte dans le programme
de maîtrise des pollutions viti-vinicoles. Aucun plan global
de traitement de l'ensemble des déchets produits par les
vignerons n'a été toutefois jusqu'à présent mis en place
dans le Jura.
D � La commercialisation des
vins du Jura
� 46
1 � Les volumes vendus en
2007-2008
Les statistiques publiées par le CIVJ précisent qu'après 2
années successives de hausse (+7% en 2 ans), les volumes
commercialisés pendant la campagne 2007-2008 (un peu
moins de 80 000 hectolitres) diminuent légèrement (-1,3%).
Seul le Macvin poursuit sa progression (+8,10%), alors que
tous les autres produits restent stables ou enregistrent une
baisse, notamment le Crémant, en recul après 3 années
consécutives d'augmentation.
Figure 38 – Part pour chaque produit des volumes vendus
(campagne 2007-2008). Source : CIVJ, bulletin « statistiques » n°6.
Ces données ne sont certes pas préoccupantes, mais il
convient toutefois de rester vigilant, car une viticulture
durable, dans le Jura comme partout ailleurs, dépend en
premier lieu de la bonne santé économique de l'ensemble
de la filière. Pour le CIVJ, la priorité est de conquérir de
nouveaux marchés en France (notamment dans la région
parisienne), ainsi qu'à l'étranger, et de profiter localement
des initiatives en faveur de l'œnotourisme, par exemple la
route des vins du Jura, pour séduire une nouvelle clientèle.
2 � L'enquête « marchés »
réalisée par le CIVJ
30 opérateurs consultés, commercialisant 75% des volumes,
ont répondu à l'enquête « marchés » réalisée par le CIVJ.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Figure 39 – Le marché, approche géographique. Source : CIVJ.
44% des volumes sont commercialisés en Franche-Comté,
la moitié dans le reste de la France, et 6% sont exportés
à l'étranger. Ces statistiques reflètent un bon équilibre
du marché. C'est près de 50% des ventes qui s'inscrivent
ainsi dans des circuits locaux, qui peuvent être qualifiés
de « courts », et qui contribuent par conséquent à une
viticulture durable dans le Jura.
Figure 40 – Les circuits de distribution. Source : CIVJ.
Les petits exploitants ne cultivent parfois, nous l'avons déjà
évoqué, que 2 à 3 hectares de vigne. Ils produisent environ
7% du total des volumes, et ils assurent 98% de leurs
ventes au détail, dans leurs caveaux ou à l'occasion des
marchés locaux. Ils contribuent à l'entretien des paysages,
et à la vie sociale en milieu rural.
Il est important pour la filière de préserver cet équilibre entre
les grandes entreprises dont elle a besoin pour exporter,
et les petits producteurs qui sont des acteurs des circuits
courts, l'une des priorités du « Grenelle de l'environnement ».
E � Les vins
et la santé
La santé, celle des consommateurs tout d'abord, est un
enjeu primordial pour les vignerons qui doivent respecter
une réglementation de plus en plus sévère (afin par
exemple d'informer des risques encourus la population
en générale, et les femmes enceintes en particulier, etc.)
Les producteurs jurassiens l'ont bien compris, car dans
une publication intitulée « Les vins du Jura dans tous leurs
sens... », le CIVJ consacre 4 pages sur 31 à ce sujet.
La vente directe concerne 41% du marché, ce qui est important,
car une viticulture durable dépend aussi de contacts directs et
réguliers entre le vigneron et ses clients. Le producteur peut
ainsi évoquer son travail, sa production, et les pratiques plus
respectueuses de l'environnement ou la démarche intégrée
qu'il a choisi le cas échéant de mettre en œuvre.
3 � Les opérateurs
commercialisant
les vins du Jura
Trois entreprises, Henri Maire, la fruitière vinicole d'Arbois
et la Maison du Vigneron assurent près de la moitié (48%) de
la commercialisation des vins du Jura. 20% des opérateurs
vendent 84% des volumes. Ces exploitations grandes et
moyennes à l'échelle du vignoble jurassien sont mieux armées
que les autres pour exporter, et pour compter parmi les
acteurs de marchés plus lointains. Il s'agit incontestablement
d'un atout, dont la contrepartie est cependant que cette relative
concentration pourrait fragiliser la filière en cas de défaillance
de l'une des sociétés ou de l'un des domaines de premier plan.
notes CONFER L'ANNEXE 1
Le « Jurabag », une « invention » locale, est une pochette que
les restaurateurs mettent à la disposition de leurs clients pour
qu’ils emportent les bouteilles de vin qui n’ont été qu’entamées.
Cette pratique est particulièrement appréciable pour les
automobilistes qui doivent reprendre la route après le repas.
Les chartes de vinification qui existent aujourd'hui, dans
l'attente d'une réglementation communautaire ou nationale,
seront évoquées ultérieurement dans cette étude. Elles
permettent de réduire sensiblement le nombre et la quantité
des produits nocifs présents dans les vins, à l'exception
bien entendu de l'alcool qui doit être « consommé avec
modération », pour reprendre une formule consacrée.
La santé, c'est aussi celle des viticulteurs qui inhalent
les intrants chimiques qu'ils utilisent. Les chercheurs
ont établi que certaines de ces molécules peuvent être à
l'origine de formes rares de cancers chez les exploitants.
Ils suspectent également d'autres substances dont la
nocivité n'est pas encore scientifiquement prouvée d'être
également toxiques. Les pratiques plus respectueuses
de l'environnement déjà évoquées permettent aussi
par conséquent de réduire les risques encourus par les
viticulteurs.
47 �
V · Les terroirs -
Un patrimoine naturel
et culturel
� 48
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
« Les pratiques qui contribuent à embellir les champs
les rendent le plus souvent non
seulement plus productifs,
comme lorsque l’on plante les
oliviers et les arbres en lignes,
mais encore plus vendables,
et ajoutent du prix au fonds ».
Varron, écrivain et savant romain (1er siècle avant Jésus-Christ),
« De re rustica libri » (I, 4, 2), cité dans « Appellations d’origine
contrôlée et paysages », Ministère de l’Agriculture et de la Pêche et
Institut National des Appellations d’Origine Contrôlée (INAO), 2006.
A � Les paysages
51
Selon le premier article de la convention européenne du
paysage ratifiée par la France le 13 octobre 2005 : « le
paysage désigne une partie du territoire telle que perçue
par les populations dont le caractère résulte des facteurs
naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».
1 � La genèse des paysages
viticoles jurassiens
Comme partout ailleurs, les paysages viticoles du Jura ont
été façonnés d’abord par la géologie, qui a donné naissance
à un relief et à des sols propices à la culture de la vigne.
Celle-ci est ainsi essentiellement implantée dans le
Revermont, au contact de la plaine de la Saône et du premier
plateau, le long d’un axe nord-est / sud-ouest. La pente
est presque partout omniprésente. A Château-Chalon par
exemple, le vignoble couvre les versants des deux petites
reculées encadrant le rocher au sommet duquel le village a
été bâti. Ailleurs, la vigne occupe des buttes et des collines
qui marquent une transition entre la plaine de la Bresse et
le premier plateau. C’est par exemple le cas à Montmalin,
Saint-Lothain, Toulouse le Château, Arlay, l’Etoile,…
Le vignoble a été modelé dans un deuxième temps par
le travail des vignerons. Ils ont d’abord plantés là où les
terroirs et le climat étaient les plus favorables. Ils ont ensuite
entretenu les paysages viticoles, qu’ils ont parfois modifiés
notes CONFER L'ANNEXE 1
au fur et à mesure qu’évoluaient les pratiques culturales, et
en particulier la conduite de la vigne par les viticulteurs, qui
privilégient une manière plutôt qu’une autre de l’implanter
et de la guider dans son développement. Le choix de certains
cépages, d’une taille courte ou au contraire plus longue,
d’une densité particulière (définie par un nombre minimal
de ceps par hectare, ou par un écartement imposé entre
les plants et entre les rangs), ont un impact important sur
l’aspect général d’un vignoble. Celui-ci dépend également
de la surface foliaire le cas échéant retenue afin d’assurer
une maturité optimale des raisins, ou encore du mode de
tuteurage. Les paysages peuvent être par conséquent en
partie façonnés par certaines prescriptions imposées par
les appellations d’origine contrôlée.
En raison du palissage collectif en vigueur dans le Jura, la vigne
trace des lignes régulières. Le plus souvent orientées nordest / sud-ouest, elles structurent très fortement le paysage.
Elles sont à l’origine d’un rythme qui varie d’un secteur du
vignoble à l’autre. Les quelques terrasses qui existent encore,
par exemple à Château-Chalon, contribuent également à la
diversité paysagère. Elles permettent en effet des plantations
parallèles aux courbes de niveau, qui contrastent avec celles,
majoritaires, qui suivent le sens de la pente.
Enfin, en raison de la taille dite « en Guyot », « simple ou
double », pratiquée par les vignerons jurassiens, la hauteur
des plants varie entre 60 cm en hiver, et 1,60 m en automne,
lorsque le feuillage est à son apogée. Ainsi, la végétation
reste suffisamment basse pour permettre à une personne
de taille moyenne de voir au loin, au-dessus des rangs, qui
ne « brisent » pas les perspectives et ne cloisonnent pas le
paysage.
2 � La physionomie du
vignoble dans le Jura Essai de typologie
Le vignoble n’occupe qu’environ 6 % de la surface agricole
utilisée du Revermont, qui est par conséquent une mosaïque
de prairies, de champs cultivés, de bois et de vignes. C’est
aux environs d’Arbois que ces dernières occupent des
superficies assez étendues, et que les paysages viticoles
sont les plus ouverts. A Poligny et sur le territoire des
communes concernées par l’AOC Château-Chalon, une
forte concentration du vignoble peut être observée, mais
uniquement dans certains secteurs précis de ces terroirs.
Dans le sud du Revermont enfin, les prairies ainsi que les
cultures céréalières et industrielles prédominent et la
vigne, moins présente, ne s’impose que rarement.
49 �
Figure 42 – Rotalier : vigne en « timbre-poste »
(photo R Michaud, 27.06.2009).
3 � Les motifs paysagers
caractéristiques des sites
viticoles du Revermont
Figure 41 – Château-Chalon : « marqueterie » de vignes
(photo R Michaud, 21.06.2009).
A l’état naturel ou employée pour la construction de petits
ouvrages, la pierre tout d’abord est très présente dans le
vignoble du Jura. Dans les reculées où elle est cultivée, par
exemple celle des Planches-près-Arbois, la vigne est en effet
très souvent couronnée par de très belles falaises. A ChâteauChalon, les plantations sont également dominées par
l’impressionnant rocher de couleur ocre, au sommet duquel
ont été bâtis le village et l’abbaye aujourd’hui disparue.
Fabienne Joliet (Institut National d’Horticulture d’Angers), a
établi une typologie des paysages viticoles fondée sur deux
critères principaux : la densité des plantations et le relief.
Les catégories qu’elle a identifiées se retrouvent pour la
plupart dans le Jura, mais à l’échelle soit des grands soit des
micro-paysages. Le vignoble d’Arbois évoque en effet parfois
les « mers » et les « vagues » de vignes qu’elle a décrites
(les lignes qui les caractérisent sont plutôt horizontales
pour les premières, verticales et perpendiculaires à la
pente pour les secondes). Les terrasses et la marqueterie
dont les lignes d’orientations différentes sont dues aux
plantations, sont présentes à Château-Chalon. Dans le sud
du Revermont enfin, le vignoble se présente plutôt sous la
forme de ces timbres-poste évoqués par Fabienne Joliet,
et qui sont caractéristiques des plaines, des coteaux et des
plateaux de polyculture.
Figure 43 – Château-Chalon : cabane au pied de la falaise
(photo R Michaud, 13.12.2008).
� 50
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Dans ce site viticole emblématique, des murs en pierres
sèches ainsi que des enrochements soutiennent à certains
endroits des talus et des terrasses, et le paysage est ponctué
de cabanes. Celles-ci ont été bâties le plus fréquemment en
pierre, plus rarement en bois. Leurs toitures, qui peuvent
comporter un ou deux pans, sont généralement faites de
tuiles, mais aussi parfois de plaques de tôle ou de « bac
acier ». L’eau de pluie tombée sur les toits de ces cabanes
est parfois collectée dans une citerne. Certains vignerons
l’utilisent encore aujourd’hui pour préparer la bouillie
bordelaise.
A Château-Chalon enfin, la desserte des parcelles est
assurée par des chemins en béton. Visibles depuis les
principaux belvédères du site, ils renforcent le caractère
minéral des lieux, nuancé cependant depuis quelques
années par l’enherbement permanent des bandes de terre
qui alternent avec les rangs de ceps.
La végétation arbustive et ligneuse est indissociable des
paysages viticoles du Jura, ponctués de bosquets, de haies,
ou d’arbres isolés. Au fond des vallées, les ripisylves52
soulignent le tracé des cours d’eau. Dans les reculées,
le pied et le sommet des falaises qui surplombent les
vignes ont été colonisés essentiellement par des feuillus,
notamment des hêtres et des acacias, qui envahissent très
rapidement les terres qui ne sont plus cultivées.
Figure 44 – Château-Chalon : une cabane et des terrasses
(photo R Michaud, 23.11.2008).
Ces petits ouvrages se retrouvent également ailleurs dans
le vignoble jurassien. Dans celui d’Arbois, des tours depuis
lesquelles des gardes surveillaient les vignes, ainsi que
des bâtiments agricoles, dont les volumes sont souvent
imposants, ont été construits il y a parfois longtemps.
Figure 46 – Château-Chalon : cognassier en fleurs
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
Enfin, les vergers sont très présents dans le vignoble
jurassien. Ils témoignent d’une économie rurale jadis
fondée sur une polyculture vivrière. Les ceps côtoient en
effet très souvent des amandiers, des cognassiers, des
pêchers, des noyers, etc., ainsi que des saules ou osiers
(localement dénommés « avanchers »), et des prairies où
paissent aujourd’hui des vaches, des chevaux et des ânes.
Figure 45 – Arbois : la tour de Curon (photo J-L Gomez, 08.05.2009).
Figure 47 – Arlay : viticulture et élevage
(photo R Michaud, 02.06.2009).
notes CONFER L'ANNEXE 1
51 �
4 � Des sites remarquables
parfois menacés
Le vignoble est menacé tout d’abord par la périurbanisation,
par la rurbanisation et par le mitage, mais aussi, de
manière plus insidieuse car moins visible, par une
banalisation et par une simplification de ses paysages. La
profession a été confrontée en effet au fil du temps à de
nombreux défis (la crise phylloxérique, la mécanisation,
la concurrence de productions étrangères etc.), à l’origine
de nouvelles pratiques. Celles-ci se sont traduites parfois
par des remembrements et donc par un agrandissement
des parcelles, et par de profondes modifications de
l’aménagement des coteaux. De nombreux motifs
paysagers auxquels les sites concernés doivent leur identité
et leur caractère pittoresque (haies, bosquets, arbres
isolés, terrasses, murs en pierres sèches et cabanes,…)
ont également disparu. En outre, la dimension esthétique
de certains aménagements n’a pas été suffisamment prise
en compte. C’est par exemple le cas de quelques chemins
d’exploitation et ouvrages hydrauliques : collecteurs,
rigoles, bassins, etc.
Figure 50 – Arbois : une cabane ? (photo J-L Gomez, 08.05.2009).
Des points noirs portent parfois ponctuellement atteinte à
la qualité et à la cohérence des paysages viticoles du Jura.
Il s’agit principalement de constructions très mal intégrées
dans leur environnement (habitations, bâtiments à vocation
agricole, artisanale ou industrielle), de lignes électriques et
téléphoniques aériennes, de dispositifs publicitaires, voire
de décharges.
Figure 48 – Arbois : des bâtiments agricoles dans les vignes
(photo J-L Gomez, 08.05.2009).
Figure 49 – Arbois : une exploitation viticole dans les vignes
(photo J-L Gomez, 08.05.2009).
� 52
Figure 51 – Arbois : lignes électriques aériennes
(photo J-L Gomez, 08.05.2009).
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Figure 52 – Château-Chalon : panneaux publicitaires
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
Figure 54 – Château-Chalon : renouée du Japon
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
Figure 53 – Château-Chalon : la décharge de Voiteur
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
Le vignoble est enfin confronté à la prolifération d’espèces
végétales invasives. La renouée du Japon se développe ainsi
à plusieurs endroits du site classé du Château-Chalon, et
en particulier à proximité de l’ancienne décharge de Voiteur.
Cette plante exogène a été très probablement importée par
des particuliers ou par des artisans, venus jeter là des déchets
verts ou de la terre contaminée prélevée dans des jardins.
« La Percée du Vin jaune » est
la plus importante et la plus
célèbre de toutes les fêtes
organisées localement par la
filière, à laquelle participent
en moyenne entre 40 000 et
50 000 personnes.
notes CONFER L'ANNEXE 1
5 � Les « outils »
réglementaires et
contractuels de la
protection des
paysages viticoles
Il existe en France un « arsenal » juridique très complet
qui permet de protéger Les paysages viticoles. Les plus
remarquables d’entre eux peuvent faire l’objet tout d’abord
d’un classement, en application des dispositions des articles
L. 341-1 à L. 341-22, et R. 341-1 à R. 341-31 du code de
l’environnement. Lorsque cette servitude réglementaire est
instaurée, les projets susceptibles d’avoir un impact paysager
conséquent doivent être préalablement autorisés. Ils le sont
soit par le préfet concerné, lorsque les travaux sont de moindre
importance, soit par le ministre compétent, après avis d’une
commission départementale composée d’élus locaux, ainsi
que de représentants des services de l’Etat et de la société
civile (paysagistes, architectes, membres d’associations de
protection de l’environnement et du patrimoine, etc.) Dans le
Jura, le vignoble bénéficiant de l’AOC Château-Chalon a été
classé par un décret du 16 janvier 2006.
53 �
Lorsqu’il présente un intérêt avéré, le patrimoine bâti des
villages viticoles peut bénéficier en outre d’un classement, ou
d’une inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments
historiques. A proximité des constructions et des petits ouvrages
(calvaires, oratoires, fontaines, lavoirs,…) ainsi protégés,
les projets immobiliers doivent obtenir un avis favorable de
l’architecte des bâtiments de France. Celui-ci est amené à
intervenir le cas échéant dans le cadre d’une zone de protection
du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), si
celle-ci a été créée (c’est notamment le cas à Arbois, ChâteauChalon et Poligny), voire d’un secteur sauvegardé.
Des directives de protection et de mise en valeur des
paysages peuvent être également adoptées, afin de préciser
les principes fondamentaux dont le respect permet de
protéger les sites viticoles. La préservation de ces derniers
peut être aussi prise en compte dans les trois types de
documents de planification instaurés par la loi solidarité et
renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 (il s’agit
des schémas de cohérence territoriaux (SCoT), des plans
locaux d’urbanisme (PLU), et des cartes communales).
D’autres « outils » juridiques sont susceptibles de contribuer
à la sauvegarde des paysages viticoles : les études
paysagères des aménagements fonciers, les zones agricoles
protégées (ZAP) créées par la loi d’orientation agricole (LOA)
du 9 juillet 1999, le volet paysager des permis de construire,
etc. La stricte application des dispositions des articles
L. 581-1 à L. 581-45 du code de l’environnement, permet
enfin d’éviter que des panneaux publicitaires illégaux ne
portent atteinte au caractère pittoresque des vignobles.
En marge de ces dispositifs réglementaires, il en existe
d’autres, contractuels, qui peuvent participer à la préservation
et à la mise en valeur des sites viticoles. Les chartes
paysagères tout d’abord sont définies en étroite concertation
par l’ensemble des partenaires concernés. Elles comportent
un diagnostic qui met en évidence les atouts, les enjeux, et les
menaces qui pèsent sur le périmètre étudié. Elles identifient
les orientations à mettre en œuvre, et elles les traduisent
en actions (travaux de restauration du petit patrimoine, par
exemple des murs en pierres sèches, des cabanes implantées
dans les vignes, effacement des lignes aériennes,…).
Dans le même esprit, les acteurs de l’aménagement du vignoble
de l’AOC Château-Chalon ont signé en février 2006 la Charte de
Fontevraud. Les signataires de celle-ci, qui représentent des
grands vignobles européens inscrits pour la plupart au patrimoine
mondial de l’UNESCO53 (les sites de Jerez en Espagne, de SaintEmilion et du Val de Loire en France, de Tokaj en Hongrie, du HautDouro au Portugal, etc.), s’engagent solennellement à protéger et
à mettre en valeur les paysages dont ils ont la responsabilité.
� 54
B � Les villages et
le bâti viticoles
54
(contribution de Patrick Bidot)
1 � Les villes et les villages
du vignoble
Le vignoble compte plus d'une centaine de communes. Six
d’entre elles au moins peuvent être qualifiées de villes,
car leur population dépassait en 2006 2 000 habitants.
L’agglomération de Lons-le-saunier constitue le pôle
urbain principal du Revermont.
Figure 55 – Les villes du vignoble et le nombre de leurs habitants en 2006.
Villes
Nombre d’habitants en 2006
Lons-le-Saunier
18 763
Poligny
04 693
Arbois
03 673
Salins-les-Bains
03 283
Montmorot
03 383
Saint-Amour
02 293
Source : INSEE, recensement de 2006.
Les villages comptent en majorité moins de 500 habitants et
leur morphologie varie. Ils sont en effet soit groupés, c’est
le cas de Menétru-le-Vignoble, Marnoz, Vincelles…, soit
perchés, par exemple Château-Chalon, soit enfin organisés
de part et d’autre d’une rue principale comme à Conliège,
aux Arsures, à Maynal, etc.
2 � Le bâti viticole
La vigne n’occupe qu’environ 6% de la surface agricole utilisée
du Revermont. Toutes les communes du « Bon Pays » disposent
cependant de maisons vigneronnes, même lorsqu’elles ne
comptent plus aucune exploitation depuis longtemps. Cette
spécificité du vignoble jurassien témoigne d’une viticulture
qui était autrefois une activité économique localement
importante. L’architecture qui lui est associée est par
conséquent toujours présente dans de nombreux bourgs.
La maison vigneronne jurassienne sépare distinctement
les fonctions. L’habitation se situe en effet dans une travée
particulière ou à l’étage. L’exploitation où sont élaborés et
conservés les vins se trouve au rez-de-chaussée ou en sous-sol.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
La partie dédiée à la vinification accueille le pressoir et les
cuves. Elle n’est utilisée spécifiquement qu’à l’occasion
de l’élaboration des vins, et sa température peut être
comprise entre 8° et 36°C. Ses dimensions dépendent de
l’importance de l’exploitation.
Les maisons vigneronnes se distinguent essentiellement
les unes des autres par les locaux où la production est
conservée. Leur température doit être comprise entre 8°
et 15°C. Des raisons économiques expliquaient également
à l’époque le choix de certains vignerons, qui préféraient
le cellier non enterré à la cave lorsque leurs vins n’étaient
destinés qu’à une consommation courante. Les caves sont
ainsi plus présentes au nord du Revermont, et les celliers
plus fréquents au sud.
Une typologie générale du bâti viticole peut être proposée
selon quatre critères :
• L’importance de la maison (la hauteur et la largeur de sa
façade était le reflet du statut social de celui qui l’habitait) ;
• L’accès à l’habitation (par un escalier intérieur ou extérieur);
• Le type de cave : enterrée ou semi-enterrée ;
• La présence d’une grange ou d’une étable attestant d’une
activité de polyculture.
Au Nord du « Bon Pays », la maison vigneronne dispose
généralement d’une cave entièrement enterrée, souvent
voûtée en plein cintre ou en anse de panier. L’habitation
se situe au rez-de-chaussée et à l’étage. La construction
est surmontée d’un grenier qui s’ouvre sur la rue par une
lucarne coupant souvent le débord de la toiture. Le foin
était généralement entreposé dans ces combles, comme
en témoigne la poulie fixée à l’extérieur qui permettait de
le hisser jusque là (lorsqu’elle a été conservée, elle est
encore visible aujourd’hui).
Figure 56 – Poligny : maisons vigneronnes avec caves enterrées
(photo P Bidot, 27.08.2009).
notes CONFER L'ANNEXE 1
Figure 57 – Poligny : une lucarne avec sa poulie
(photo P Bidot, 27.08.2009).
A l’instar de celles qui bordent la rue principale de Poligny, les
maisons de type urbain s’ouvrent directement sur le trottoir
par une trappe. Les escaliers que cette dernière dissimule
se prolongent souvent à l’intérieur de la cave. Ils permettent
parfois d’accéder à la cuisine par une autre trappe (« une
dérobée ») ouverte dans le plancher intérieur de celle-ci.
Ces maisons manquent souvent de clarté en raison de leur
faible largeur et de leur profondeur importante.
Figure 58 – Arbois : arcades et maisons vigneronnes « urbaines »
(photo P Bidot, 27.08.2009).
55 �
Dans les gros bourgs et dans les villes du Revermont, les
maisons mitoyennes sont accolées par de hauts murs
pignons. Parfois saillants et couverts de dalles calcaires
ou laves, ils sont alors dénommés localement « pas de
moineaux », ou encore « échelles à feu ». C’est par exemple
le cas à Château-Chalon. Les couvertures sont réalisées en
tuiles plates « petit moule ».
lorsque les vignerons pratiquaient une polyculture vivrière
(la culture de la vigne ne subvenait pas entièrement à leurs
besoins : ils élevaient du bétail et ils cultivaient des céréales).
Des rampes en fer forgé équipent dans certains cas les
escaliers en pierre, et des jardins, à l’époque exclusivement
potagers, étaient enfin parfois cultivés à l’arrière des
bâtiments (par exemple dans le quartier de Poligny situé
près de l’église de Mouthier-le-Vieillard).
Ce bâti viticole traditionnel subit au fil du temps de
nombreuses transformations, qui sont autant d’adaptations
aux modes de vie contemporains. Les portes des granges
deviennent ainsi souvent des baies vitrées, et les escaliers
extérieurs sont parfois supprimés (il ne subsiste que le
balcon). Les petites tuiles des toitures sont remplacées par
d’autres, dites « grand moule ».
Figure 59 – Château-Chalon : « pas de moineau »
(photo P Bidot, 27.08.2009).
Au Sud de Lons-le-Saunier, les maisons sont caractérisées
par un escalier en pierre. Depuis l’extérieur, il permet
d’accéder à l’habitation qui se trouve à l’étage, ainsi qu’à
un balcon. Parfois protégé par un auvent formé par le
prolongement du toit, celui-ci se trouve au-dessus de la porte,
généralement voûtée, du cellier situé au rez-de-chaussée.
Les constructions viticoles de ce type disposent enfin parfois
d’un grenier s’ouvrant sur la rue par une lucarne.
Figure 60 – Château-Chalon : escalier extérieur, balcon et cellier
(photo P Bidot, 27.08.2009).
Il existe des variantes aux maisons vigneronnes qui ont été
décrites. Leur cave par exemple peut être partiellement
enterrée, ce qui réduit ainsi la hauteur du niveau d’habitation.
Une grange ou une étable a été dans certains cas ajoutée,
� 56
Enfin, les villages et les villes du Revermont accueillent
toujours les sièges des exploitations et les caveaux de
dégustation « traditionnels », mais des bâtiments viticoles ont
été parfois construits à leur périphérie. Leur insertion dans leur
environnement n’est malheureusement pas toujours réussie.
C � La biodiversité
dans le vignoble
jurassien
L’observateur attentif qui se promène dans les vignobles
en général, et dans celui du Jura en particulier, est bien
souvent surpris de constater que la biodiversité est
incomparablement plus présente qu’il ne l’imaginait a
priori. Les haies, les vergers, les bosquets et les arbres
isolés permettent en effet à une flore et à une faune très
diversifiées de se développer. Les murs en pierres sèches
sont des habitats privilégiés pour les lichens et pour
de nombreuses espèces végétales (la capillaire noire,
le géranium Herbe-à-Robert, l’orpin blanc, différentes
sortes de mousses, la ruine-de-Rome, la saponairedes-mains, etc.), mais aussi pour les reptiles, ou encore
les insectes : l’abeille, la mouche, la punaise, rouge ou
écuyère, le thrips,... Comme c’est presque toujours le cas,
il existe ainsi un lien avéré entre la diversité des paysages
remarquables, en l’occurrence viticoles, et celle de la vie
végétale et animale. Ce n’est pas un hasard si de nombreux
sites classés sont également concernés par la directive
européenne « Natura 2000 ».
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
1 � La faune
Des promenades quasi hebdomadaires effectuées depuis
de nombreuses années déjà dans le vignoble de ChâteauChalon, ont permis de dresser un constat qui ne constitue
certes pas un inventaire scientifique, mais qui n’est
cependant pas dénué d’intérêt. Les grands ongulés comme
le chevreuil tout d’abord, ont été vus dans les forêts et dans
les prairies qui se mêlent aux vignes. En outre, quelques
chamois fréquentent peut-être également les lieux. Ils
sont en effet très nombreux aux Planches-près-Arbois ou
à Conliège. Dans ces deux sites viticoles comparables à
celui-ci qui nous intéresse (mais où la vigne est cependant
plus discrète), ils peuvent être régulièrement observés
au sommet des barres rocheuses qui dominent les ceps
plantés ici et là sur les pentes des reculées. D’autres
mammifères sont également présents à Château-Chalon,
à l’instar de l’écureuil, du hérisson, du renard, ou encore
de mustélidés55 comme la belette, le blaireau et la fouine.
L’avifaune est également très riche. De nombreuses
espèces de rapaces (des buses, des milans et des faucons
par exemple), survolent régulièrement le site, et certains
d’entre eux nichent dans les falaises qui surplombent le
vignoble.
Les reptiles, en particulier le lézard mais aussi la couleuvre,
sont également très présents, notamment dans les murs
en pierres sèches et dans les éboulis.
Figure 61 – Château-Chalon : la flore des éboulis
(photo J-L Gomez, 30.04.2009).
Les ancolies, les onagres, les roses trémières bordent
les sentiers qui desservent le site. De petites fleurs roses
et mauves semblables à celles du serpolet, se plaisent
particulièrement dans les éboulis. Les giroflées s’accrochent
aux falaises, ainsi qu’aux murs des cabanes, des maisons, et
des ruines de l’ancienne abbaye encore visibles au belvédère
de La Rochette. Les terrasses situées au pied de celui-ci
sont régulièrement défrichées depuis quelques années
par les équipes vertes de réinsertion employées par la
Communauté de Communes des Coteaux de la Haute-Seille.
Elles accueillent des iris et des lilas, qui se sont sans doute
« échappés » des magnifiques jardins du village.
2 � La flore
L’enherbement permanent de la vigne, de plus en plus
courant à Château-Chalon comme ailleurs dans le Jura,
permet à une flore diversifiée de se développer. Ces fleurs
très communes (le bouton-d’or, l’euphorbe, le pissenlit,
la véronique, la violette, etc.), n’ont certes pas, pour la
plupart, une très grande valeur patrimoniale, mais elles
sont indispensables à la survie des abeilles. Nous savons
aujourd’hui que celles-ci souffrent peut-être au moins
autant de la raréfaction de la flore, en raison notamment
de fauches trop précoces, que de l’utilisation par les
agriculteurs de certains intrants particulièrement toxiques.
Figure 62 – Château-Chalon : des onagres au pied des vignes
(photo R Michaud, 21.06.2009).
notes CONFER L'ANNEXE 1
57 �
Enfin, les espèces ornementales sont parfois volontairement
plantées dans le vignoble. C’est notamment le cas des rosiers,
en particulier à Arbois. Leurs fleurs embellissent le site, et il
leur était prêté en outre semble-t-il un rôle d’indicateur, de
« marqueur » biologique. De nombreux vignerons pensaient en
effet que lorsque les plants étaient attaqués par des parasites
et par certaines maladies, ils devaient traiter leurs vignes,
susceptibles de souffrir des mêmes maux dans les jours
qui suivaient. Nous savons aujourd’hui que cette corrélation
n’est pas scientifiquement avérée, car les rosiers et la vigne
sont sujets à des maladies et à des parasites différents, à
l'exception semble-t-il de l'oïdium.
est odorante et jaune. Son envergure varie entre 3 et 5 cm,
et elle comporte 3 pétales et 3 sépales58.
La tulipe de vigne est présente dans les pays méditerranéens
de l’Europe, ainsi que dans l’est des Etats-Unis, où elle
aurait été introduite. Elle a peut-être été importée, car des
plantes très proches de cette espèce protégée peuvent être
observées en Asie centrale et orientale. On la trouve en
France dans 22 départements, situés à l’est et au sud d’une
ligne qui relie les Landes et les Ardennes, en passant par
le Puy-de-Dôme.
27 des 35 stations recensées en Franche-Comté sont
localisées dans le vignoble jurassien, notamment à Salins-lesBains au nord, à Arbois et à Poligny plus au sud. Ces grands
sites viticoles du Jura accueillent ainsi 77 % des stations, et
très probablement près de 90 % de la population totale,
soit plus de 10 000 pieds dans ce secteur, en particulier à
Poligny et à Salins.
Figure 63 – Arbois : un rosier planté près des vignes
(photo Th Perrier, 08.07.2009).
3 � La tulipe de vigne, un
hôte prestigieux et protégé
du vignoble jurassien
La tulipe est une monocotylédone56 à l’instar des
graminées, des lis, des orchidées, des iris, des joncs, des
bananiers, etc. Elle appartient à la famille des liliacées57 au
même titre que les ails (les aulx), les colchiques, les crocus,
les oignons,… Protégée par un arrêté du 20 janvier 1982
modifié en 1995, celle dite « de vigne » (Tulipa sylvestris
L.), figure parmi la quinzaine d’espèces et de sous-espèces
recensées en France par les botanistes.
Les germinations sont exceptionnelles, et cette plante
bulbeuse se propage essentiellement par voie végétative
(bulbe). Elle mesure de 20 à 50 cm de haut et ses feuilles,
glauques (de couleur vert bleuâtre), étroites, très allongées
et pliées en gouttière, sont généralement au nombre de 3
par pied. La tige est dressée, glabre (dépourvue de poils, de
duvet), et mince. Le fruit est une capsule plus longue que
large. La floraison se produit en avril ou en mai, et la fleur
� 58
Figure 64 – Poligny : une station de tulipes de vigne
(photo CREN, 25.04.2009).
Les vignes peu désherbées, mais aussi celles qui ne sont
plus entretenues et que les acacias ont peu à peu colonisées,
sont des habitats privilégiés pour cette tulipe sauvage. Celleci se plaît également dans les vergers, les champs cultivés,
les prairies et quelques friches. Encore assez présente en
Franche-Comté, elle est toutefois en forte régression en
France. Elle est en effet menacée par le désherbage chimique
et par la cueillette, parfois à des fins commerciales.
A Poligny, les membres de l’association « La Dame verte »
fondée en 2000 ont notamment pour ambition de faire
connaître cette plante protégée. Il s’agit de permettre au
grand public de mieux l’identifier, et ainsi de ne pas la
cueillir. Une fête est organisée en principe tous les deux ans
en l’honneur de cet hôte prestigieux du vignoble jurassien.
En 2009, elle a eu lieu le dimanche 19 avril.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
D � L’œnotourisme
1 � Une viticulture festive
Les confréries déjà citées organisent des fêtes, par exemple
à l’époque de la Saint Vernier à Château-Chalon. Ces
manifestations se traduisent par des processions dans les
rues des villages, l'intronisation de nouveaux confrères,...
Figure 67 – Arbois : la fête du Biou
(photo Ph Bruniaux, prêt CIVJ, 15.08.2004).
Figure 65 – Confrérie Saint Vernier : intronisations 2006
(photo R Michaud, 14.05.2006).
Au mois d'août, le Trousseau et le Poulsard sont célébrés,
respectivement à Montigny-les-Arsures et à Pupillin.
Depuis janvier 2009, le Vin de Paille est lui aussi à l'honneur
à l'occasion d'une « Pressée » qui devrait être programmée
tous les ans. Le premier dimanche de septembre à Arbois,
les vignerons fêtent le Biou. Ils réalisent une grappe
géante qu'ils transportent en procession jusqu'à l'église,
et qu'ils suspendent sous la voûte de celle-ci à l'issue
d'une cérémonie religieuse et d'une bénédiction. Par cette
offrande, la bienveillance de Saint Just est sollicitée afin
qu'il protège la suite des vendanges.
Créée en 1996, la « Percée du Vin jaune » est
incontestablement la plus importante et la plus célèbre de
toutes les fêtes organisées localement par la filière. Elle a
lieu tous les ans, le premier week-end de février, dans un
lieu chaque fois différent (Poligny accueillera la prochaine
les 6 et 7 février 2010). Près de 800 bénévoles contribuent
chaque année à la réussite de cette grande manifestation,
à laquelle participent en moyenne entre 40 000 et 50 000
personnes.
Figure 68 – Percée du Vin jaune 2006 : Jean-Robert Pitte
(photo CIVJ, 05.02.2006).
Figure 66 – Arbois : la procession de la fête du Biou (photo Ph
Bruniaux, prêt CIVJ).
notes CONFER L'ANNEXE 1
59 �
2 � Deux grands musées
dédiés à la vigne, aux
vignerons et aux
vins du Jura
3 � La route des vins du Jura
Le Château Pécauld tout d'abord accueille à Arbois, dans
une très belle bâtisse des XIIIème et XVIème siècles, le
musée de la vigne et du vin, mais aussi le siège du CIVJ et
de l'Institut Franc-Comtois des Vins et du Goût. Il propose en
particulier aux visiteurs de découvrir le travail des vignerons,
notamment depuis le XIXème siècle jusqu'à aujourd'hui, mais
aussi de participer à des séminaires, à des dégustations de
produits locaux, à des stages d'analyse sensorielle, etc.
Elle a été élue en 2008 « destination touristique européenne
d'excellence ». Le jury a souhaité récompenser ainsi la
qualité du patrimoine, de la gastronomie et des savoir-faire
liés à l'artisanat qui peuvent être découverts en parcourant
cet itinéraire.
Longue d'environ 80 km, la route des vins du Jura permet
de découvrir le vignoble, depuis le sud du Revermont
jusqu'à Arbois au nord, en passant par l'Etoile, ChâteauChalon, Poligny,...
4 � Quelques autres facettes
de l'œnotourisme
Des ballades vigneronnes sont organisées en été, par
exemple à Château-Chalon. Les promeneurs découvrent
ainsi le vignoble à pied, à l'écoute des commentaires de
la personne qui les accompagne, et qui leur parle des
paysages viticoles, de la géologie, etc. A l'issue de ces
randonnées, des dégustations de produits du terroir sont
proposées aux promeneurs.
Figure 69 – Arbois : le château Pécauld (photo Ph Bruniaux, prêt CIVJ).
A Château-Chalon, « la maison de la Haute Seille » a été
installée dans le « Froid Pignon », l'un des deux seuls
bâtiments hérités de l'ancienne abbaye de dames (il s'agissait
sans doute de l’hôtellerie, peut-être de la résidence du
confesseur). Equipé de supports pédagogiques à la pointe de
la technologie actuelle (livres sonores, écrans multimédias,
maquettes interactives,...), ce centre culturel inauguré le 5
avril 2009 est notamment dédié aux paysages viticoles, à
leur géologie et à leurs terroirs, ainsi qu'à la mystérieuse
alchimie du Vin jaune. Il est également un lieu d’exposition
d’œuvres artistiques et de dégustation des vins du Jura.
La contribution des vins du Jura aux arts de la table est
également un autre aspect de l'œnotourisme, évoqué dans
les rubriques intitulées « l'accord parfait » du chapitre de
ce mémoire consacré aux produits locaux.
La route des vins du Jura a
été élue en 2008 « destination touristique européenne
d'excellence », un titre
récompensant la qualité du
patrimoine, de la gastronomie et des savoir-faire liés à
l'artisanat à découvrir le
long de cet itinéraire.
Figure 70 – Château-Chalon : « la maison de la Haute Seille »
(photo CIVJ, 05.06.2006).
� 60
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
notes CONFER L'ANNEXE 1
61 �
VI · Les démarches
intégrées
� 62
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
Les viticultures raisonnée
et biologique ainsi que
la biodynamie sont des
démarches qui peuvent être
qualifiées d’intégrées, car
elles s’efforcent de prendre
en compte l’ensemble des
composantes
de
notre
environnement : la ressource
en eau, les sols, la biodiversité,
les paysages, etc.
A � La viticulture
raisonnée
1 � Les principes généraux
et les textes en vigueur
L’agriculture raisonnée, qui n’est pas exactement synonyme
d’agriculture intégrée, un concept plus précis en vigueur à
l’étranger, se traduit par une démarche globale de gestion
de l’exploitation. Elle a pour objet de réduire l’impact des
pratiques agricoles sur l’environnement, sans nuire à la
rentabilité de l’entreprise.
Les agriculteurs qui le souhaitent peuvent solliciter
l’obtention d’une qualification dont les modalités d’attribution
ont été fixées par le décret n°2002-631 du 25 avril 2002.
Le premier article de celui-ci précise le référentiel auquel
doivent se conformer les exploitants. Il porte sur le respect de
l’environnement, la maîtrise des risques sanitaires, la santé et
la sécurité au travail, ainsi que sur le bien-être des animaux.
La qualification est attribuée pour une durée de 5 ans après
un audit de l’entreprise par un organisme certificateur agréé.
notes CONFER L'ANNEXE 1
2 � Les 103 exigences
du référentiel national
Les arrêtés du 30 avril 2002 et du 25 avril 2005 définissent les
103 exigences du référentiel national. Ce dernier concerne
notamment (premier article du décret de 2002 précité) :
• L’accès de l’exploitant et de ses salariés à l’information et la
formation nécessaires à la conduite de l’exploitation agricole;
• La mise en œuvre d’un système d’enregistrement et de
suivi des opérations effectuées et des produits utilisés pour
les besoins des cultures et des animaux ;
• La maîtrise des intrants agricoles ainsi que des effluents
et des déchets produits par l’exploitation ;
• L’usage justifié de moyens appropriés de protection des
cultures et de la santé des animaux de l’exploitation ;
• L'équilibre de la fertilisation des cultures ;
• La mise en œuvre de pratiques culturales permettant la
préservation des sols et limitant les risques de pollution ;
• La participation à une gestion économe et équilibrée des
ressources en eau ;
• La prise en compte de règles dans les domaines de la
sécurité sanitaire et de l’hygiène ;
• La prise en compte des besoins des animaux en matière
d’alimentation et de bien-être ;
• La contribution de l’exploitation à la protection des
paysages et de la diversité biologique.
3 � Les nouvelles instances
créées par le décret de 2002
Instaurée par l’article 12 du décret de 2002, la Commission
Nationale de l’Agriculture Raisonnée et de la qualification
des exploitations (CNAR) a en particulier pour mission
de donner aux ministres chargés de l’agriculture et de la
consommation des avis concernant les projets de modification
du référentiel, ainsi que les demandes d’agrément des
organismes certificateurs. Des instances similaires ont été
créées à l’échelon régional (article 16 du décret de 2002).
Elles répondent à toute question posée par les préfets des
régions. Elles identifient les enjeux environnementaux locaux,
et elles proposent le cas échéant les exigences territoriales
susceptibles d’être ajoutées à celles déjà évoquées dont la
portée est nationale. Le réseau FARRE (Forum de l’Agriculture
Raisonnée Respectueuse de l’Environnement) assure quant à
lui la promotion de la démarche.
Enfin, le décret n°2004-293 du 28 mars 2004 précise les
conditions d’utilisation de la mention « agriculture raisonnée »,
et les premiers organismes certificateurs ont été également
agréés le 28 mars 2004 pour une durée de 4 ans, par arrêté
des ministres chargés de l’agriculture et de la consommation.
63 �
4 � Les débats suscités par
la démarche
herbicides, alors que toutes les chartes précitées relatives
à la viticulture raisonnée définissent des conditions
restrictives d’utilisation de certaines matières actives.
Pour certains de ses opposants, l’agriculture dite
raisonnée impose un cadre trop sévère, et elle préfigure
des réglementations encore plus draconiennes qui seront
imposées aux exploitants.
En étroite concertation avec les représentants de la
profession, l’Office National Interprofessionnel des Fruits,
des Légumes, des Vins et de l’Horticulture (Viniflhor), qui
s'est regroupé en 2009 avec 5 autres offices pour former
FranceAgriMer, a engagé une réflexion portant sur la
conduite raisonnée de la vigne. Cette démarche débouche
sur des conclusions plus contraignantes que les règles
fixées par le décret de 2002, en particulier en matière
d’entretien des sols, de pulvérisation (efficacité et sécurité),
de recours aux intrants, de rejet des effluents, de gestion
des déchets, de traçabilité et de contrôle, etc. L’office
Viniflhor participe également à des travaux collectifs qu’il
finance afin de définir des référentiels nationaux pour la
production de raisins et pour des pratiques œnologiques
intégrées.
Pour d’autres, elle ne remet pas suffisamment en
cause l’agriculture intensive, car elle n’interdit pas les
Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), et si elle
préconise d’optimiser le recours aux intrants, elle ne limite
pas les quantités qui chaque année peuvent être utilisées.
Ces mêmes détracteurs soulignent que parmi les 103
exigences du référentiel national, 45 ne sont que des rappels
de réglementations en vigueur, qui devraient être par
conséquent déjà appliquées (par exemple l’obligation d’une
part de n’utiliser que des intrants dont la commercialisation
et l’usage sont autorisés, et d’autre part de disposer de locaux
phytosanitaires répondant aux normes imposées, etc.).
Ces opposants qui souhaiteraient une démarche plus
ambitieuse, regrettent en outre que 19 exigences ne soient
pas directement applicables. L’exploitant s’engage en effet
simplement à les respecter dans les 2 ans qui suivent
l’obtention de la qualification. Un organisme certificateur
indépendant s’assure toutefois qu’elles ont bien été prises
en compte avant l’expiration de ce délai.
Enfin, pour ces partisans d’une politique plus volontariste
en la matière, les 39 autres exigences ne sont que la
vulgarisation de bonnes pratiques agri-environnementales.
5 � Les chartes collectives
Avant la publication au Journal Officiel du décret de 2002,
la viticulture disposait déjà de plusieurs chartes collectives,
comme Terra Vitis, la Charte Conduite Raisonnée du
Vignoble Languedoc-Roussillon ou Vitéalys, ainsi que
quelques autres qui relèvent de la grande distribution : la
Filière Qualité Carrefour, Terres et Saveurs chez Casino, ou
la Filière Agriculture Raisonnée chez Auchan.
Les prescriptions de ces documents divers que les
vignerons qui le souhaitent s’engagent à respecter sont
généralement plus contraignantes que celles imposées par
le décret de 2002. En matière d’utilisation des intrants par
exemple, la qualification exige simplement le respect des
réglementations en vigueur concernant l’achat, le stockage
et l’emploi des fongicides59, des insecticides et des
� 64
En revanche, le décret de 2002 comporte des exigences
générales concernant l’enregistrement et le suivi des
opérations, le respect des règles de sécurité alimentaire
et d’hygiène, la formation et l’information des exploitants
agricoles. Ces dispositions étaient souvent absentes
des chartes qui existaient déjà, et celles-ci ont été par
conséquent modifiées dans ce sens.
A très court terme, la viticulture raisonnée sera très
certainement un standard incontournable pour toute la
filière. Dans le Jura, c’est près de 30% de la superficie
du vignoble qui sont cultivés en respectant les exigences
du référentiel national, qui devrait s’imposer à tous très
rapidement.
Selon les viticulteurs qui
pratiquent la biodynamie, le
développement des plantes
est soumis à des influences
cosmiques. Ils établissent
par conséquent un calendrier de leurs interventions
qui tient compte des rythmes
solaires et lunaires.
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
B � La viticulture
biologique
60
1 � Les principes généraux
et les textes en vigueur
En France comme dans l’ensemble des pays de l’Union
Européenne, la culture biologique des végétaux en général
et de la vigne en particulier est régie par le règlement
communautaire CE 834/2007, qui a remplacé depuis le 1er
janvier 2009 le règlement CE 2092/91. Les produits qu’il
autorise pour le traitement et la fertilisation figurent sur
des listes dites positives. Ceux qui ne sont pas mentionnés
sur celles-ci sont par conséquent interdits. Les engrais, les
herbicides et les pesticides de synthèse sont ainsi proscrits,
ainsi que les OGM.
Le respect du cahier des charges défini par la réglementation
européenne est contrôlé par des organismes certificateurs
agréés par l’Etat. Il donne aux exploitants concernés le droit
d’utiliser la mention « agriculture biologique » ainsi que le
logo « AB », à l’issue d’une période de reconversion de 3
ans nécessaire à l’élimination de l’essentiel des polluants
contenus dans les sols.
Pour la viticulture, la certification ne concerne cependant
que la production des raisins, et seule la mention « vin issu
de raisins biologiques » peut être apposée sur l’étiquette.
Une charte nationale précisant le cadre d’une vinification
« bio » est toutefois en cours d’élaboration.
2 � La fertilisation
et le travail des sols
« Nourrir le sol pour nourrir la plante » est l’un des
principes de base de l’agriculture biologique. Il convient de
fournir à la vigne les éléments nutritifs nécessaires, et de
permettre un développement racinaire harmonieux afin de
produire des raisins de qualité.
Pour entretenir voire pour améliorer la fertilité du sol, ne sont
autorisés que les engrais et les amendements organiques, et
quelques uns d’origine minérale naturelle. Il s’agit :
notes CONFER L'ANNEXE 1
• De composts61 d’origine animale (sauf issus d’élevages
hors-sol) et/ou végétale ;
• De fumiers et de déjections animales (sauf issus
d’élevages hors-sol) ;
• De sous-produits d’origine animale (poudre de corne) ;
• De guano (excréments d’oiseaux marins très riches en
phosphates et en azote) ;
• D’algues et de produits d’algues ;
• De sous-produits de scierie (bois sans traitement
chimique après abattage) ;
• De carbonates de calcium et de magnésium d’origine
naturelle ;
• De sulfates de potassium, de calcium et de magnésium
d’origine naturelle ;
• De vinasse (liquide restant après la suppression par
distillation de l’alcool des liqueurs alcooliques), et
d’extraits de vinasse ;
• D’oligo-éléments (éléments chimiques qui existent à
l’état de traces dans les organismes à la vie desquels ils
sont indispensables).
L’agriculture biologique interdit l’usage des herbicides,
et la maîtrise de l’enherbement est mécanique, plus
rarement thermique. Ce travail du sol permet en outre de
lutter contre la compaction, et donc contre le ruissellement
et l’érosion. Il favorise un développement équilibré du
système racinaire, et il régule par conséquent la vigueur
de la vigne. Il contribue également à l’enfouissement et à la
décomposition des amendements organiques, ainsi qu’à la
protection des ceps contre le gel.
L’enherbement du vignoble permet aussi d’entretenir
voire d’améliorer la fertilité du sol, en favorisant l’activité
des organismes de celui-ci, et la formation de l’humus62.
Ce couvert végétal, naturel ou semé, conservé entre les
rangs et autour de la parcelle de manière temporaire ou
permanente, améliore la structure et la portance du sol. Il
limite efficacement le ruissellement et l’érosion.
3 � Préserver la biodiversité
pour mieux lutter contre
les ravageurs
63
Un vignoble est une monoculture. Un déséquilibre est
artificiellement entretenu, car une seule espèce végétale
est cultivée au détriment de toutes les autres, ce qui est
favorable à la prolifération des maladies et des ravageurs.
L’approche biologique de l’agriculture en général, et de
la viticulture en particulier, préconise d’entretenir une
certaine biodiversité qui empêche la prolifération durable
65 �
d’une espèce au détriment d’une autre, et limite par
conséquent les risques de propagation des ravageurs et
des pathogènes.
L’enherbement permanent de la vigne, la conservation de
bandes fleuries, des haies, des arbres isolés, des vergers,
des fossés, favorisent la diversité animale. Cette végétation
est un refuge et une source d’alimentation pour les
insectes, les oiseaux, les reptiles et les petits mammifères,
et en particulier pour les auxiliaires. Ces derniers sont
des animaux, le plus souvent des insectes. Naturellement
présents ou introduits, ils régulent les populations de
ravageurs. Il s’agit soit de prédateurs, soit de parasites qui
pondent dans les œufs ou dans les larves des ravageurs et
se développent à leurs dépens, entraînant ainsi leur mort.
Les traitements insecticides obligatoires afin d’éradiquer
par exemple la cicadelle de la flavescence dorée64, peuvent
être fatals pour les auxiliaires. Ceux-ci recolonisent
cependant progressivement la parcelle à partir des zones
enherbées ou arbustives situées à sa périphérie. Il est par
conséquent primordial de conserver cette végétation qui
est un abri essentiel pour la faune.
Entretenir la biodiversité, c’est aussi préserver les
organismes du sol, microscopiques comme les bactéries
ou certains champignons, ou de plus grande taille à l’instar
de divers arthropodes65, des lombrics66, ou de quelques
mammifères. L’enherbement de la vigne et une bonne
maîtrise de l’utilisation des intrants contribuent ainsi
au développement des mycorhizes. Ces champignons
qui vivent en symbiose avec les racines améliorent les
prélèvements par la plante de l’eau, des minéraux, et des
éléments peu mobiles tels que le phosphore, le zinc, le
cuivre, etc.
4 � La prophylaxie et les
traitements contre les
maladies cryptogamiques
67
Si la préservation des populations d’auxiliaires permet
de limiter efficacement les dégâts occasionnés par les
ravageurs, la lutte contre les maladies repose en priorité
sur une prophylaxie performante, car les traitements
autorisés par le cahier des charges de l’agriculture
biologique sont très limités. Il s’agit tout d’abord de veiller
au bon équilibre de la vigne, dont l’état général doit être
durablement satisfaisant. Une bonne maîtrise de la vigueur
des plants permet ainsi de prévenir les attaques du mildiou
et du botrytis68.
� 66
Les opérations comme l’épamprage69, le palissage ou l’effeuillage,
qui favorisent la circulation de l’air et qui accélèrent par conséquent
le séchage du feuillage et des grappes après un épisode pluvieux,
sont également efficaces contre les pathogènes.
Il convient en outre de brûler systématiquement les sarments
et les ceps qui ont été coupés ou arrachés parce qu’ils étaient
contaminés par des maladies du bois, par exemple l’esca et
l’eutypa70. Les outils de taille utilisés doivent être désinfectés
avant d’intervenir sur le plant suivant.
Lorsqu’un traitement contre les maladies cryptogamiques
est indispensable, seuls le cuivre et le soufre sont autorisés.
Le premier est efficace contre le mildiou notamment, et
le second permet de lutter contre l’oïdium. Depuis le 31
décembre 2005, les apports de cuivre sont limités à 30 kg
par hectare pendant une période de 5 ans, ce qui permet
aux vignerons de s’adapter aux variations des pressions
exercées par les pathogènes d’une année sur l’autre.
Enfin, il n’existe aucune méthode directe autorisée en
viticulture biologique contre le botrytis. Des épandages de
lithothamme, une poudre de roche calcaire, ont toutefois
un effet asséchant et cicatrisant, et ils contribuent par
conséquent à créer des conditions peu propices au
développement de ce champignon.
5 � La viticulture biologique
dans le Jura
10 à 12% de la superficie du vignoble jurassien sont aujourd’hui
cultivés en respectant les clauses du cahier des charges de la
viticulture biologique. En France, c’est dans le Jura que celleci a progressé le plus ces dernières années (+66%), d’après
une enquête réalisée par la revue « La Vigne ».
A l’occasion de l’entretien accordé le vendredi 5 juin 2009
dans le cadre de ce mémoire, Cécile Claveirole, directrice du
Comité Interprofessionnel des Vins du Jura (CIVJ), rappelle
que contrairement à certaines idées reçues, l’agriculture
biologique en général est très technique. Elle est aux
antipodes de pratiques un peu dilettantes qui consisteraient
à laisser faire la nature. Elle nécessite au contraire d’être
très rigoureux, méticuleux et observateur. En raison du rôle
essentiel que joue la prophylaxie, il convient en effet d’être à
l’affût du moindre déséquilibre, du plus infime signe avantcoureur annonçant les prémices d’une maladie. En outre,
lorsqu’il est nécessaire de traiter, les vignerons « bio » doivent
le faire plus souvent que ceux dont les méthodes sont restées
« traditionnelles », car les produits qu'ils utilisent ne sont pas
les mêmes (ils protègent la vigne moins longtemps).
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
La viticulture biologique demande par conséquent plus de
travail, pour des rendements inférieurs d’à peu près 40%
selon Jean-Philippe Bourdy, président de l’AOC ChâteauChalon, qui a bien voulu accorder une interview le 16 octobre
2008 pour le numéro 1 de « La feuille », le journal électronique
du développement durable de la direction départementale
de l’équipement et de l’agriculture (DDEA) du Jura.
Les vins issus de raisins biologiques sont donc un peu
plus chers que les autres. Interrogé à ce sujet par Roland
Sage, conseiller en agriculture biologique à la Chambre
d’Agriculture du Jura (bulletin « SAJ » n°44 de juillet
2008), Jean-Etienne Pignier a reconnu que le GAEC
du « Cellier des Chartreux » qu’il exploite en famille
avec sa sœur Marie-Florence et son frère Antoine, a
probablement perdu quelques clients en raison d’une
hausse des tarifs consécutive à la conversion au « bio ».
Toutefois, celle-ci s’est accompagnée d’une mutation de la
clientèle, composée aujourd’hui en particulier d’adeptes
de l’agriculture biologique qui ne discutent pas les prix.
D’autres, qui ne sont sensibles qu’à la qualité, n’hésitent
pas à payer un peu plus cher pour acheter les vins de
l’exploitation, plus régulièrement primés que par le passé
à l’occasion de concours, de dégustations, etc. Enfin, la
conversion au « bio » a permis à l’entreprise familiale
de conquérir de nouveaux marchés dans des pays où
les habitants sont peut-être un peu plus sensibles qu’en
France à une agriculture plus durable (en Allemagne, en
Belgique, en Norvège, à Singapour,…).
Les principes de la biodynamie ont été précisés en 1924
par l’anthroposophe72 Rudolf Steiner. Afin de favoriser une
biodiversité améliorant la qualité de la terre, ainsi qu’un
meilleur enracinement de la plante, un développement des
feuilles et des fleurs plus harmonieux, le sol est labouré et
griffé sans recourir à des engins agricoles qui le tasse. Il est
valorisé, ainsi que la vigne, grâce à des préparations issues
de matières végétales, animales et minérales, appliquées à
certains moments du cycle de l’année.
Contrairement à l’agriculture raisonnée et à celle dite « biologique »,
la biodynamie n’est pas encadrée par un règlement européen ou
national. Les exploitants concernés peuvent toutefois bénéficier
s’ils le souhaitent du label « AB » déjà évoqué, car ils respectent
le cahier des charges de l’agriculture « bio ».
La biodynamie fait également l’objet de chartes diverses,
comme par exemple le « Label Demeter », ou celui
dénommé « Biodyvin » pour la viticulture. Pour obtenir
ce dernier, le vigneron doit être certifié « AB » pour
l’intégralité de son exploitation, et respecter le cahier des
charges fourni par le Syndicat International des Vignerons
en Culture Biodynamique (SIVCB). Le domaine fait l’objet
d’un contrôle annuel par un organisme indépendant
« ECOCERT ».
2 � Les différentes préparations
Le compost de bouse MT tout d’abord, est employé afin
de conforter le processus de décomposition de la terre.
Selon les viticulteurs qui pratiquent la biodynamie, les
sols bénéficient ainsi d’une biodiversité plus riche, ils sont
moins tassés, et les mottes qui se brisent plus facilement
ont une structure grumeleuse.
C � La biodynamie
71
1 � Les principes généraux
Comme l’agriculture biologique, celle qualifiée de
biodynamique proscrit en particulier l’utilisation d’engrais,
d’herbicides et de pesticides de synthèse. La démarche va
toutefois un peu plus loin, et certains la qualifient parfois
d’ésotérique, car elle prend en compte des influences
astrales et un rythme prêté à la nature, qui déterminent
à quels moments précis doivent être utilisées des
préparations végétales de type homéopathique.
notes CONFER L'ANNEXE 1
La préparation 500 est confectionnée à partir d’une bouse
de vache de qualité. Elle est introduite dans une corne qui
est enterrée durant un laps de temps assez long. Elle se
transforme ainsi en humus naturel, qui est pulvérisé ensuite
sur le sol et sur la vigne, afin notamment de renforcer le
système racinaire de celle-ci.
La préparation 501, à base de silice de corne, est utilisée
quant à elle afin de contribuer au développement des
feuilles et des fleurs, et pour favoriser une fructification
harmonieuse.
Numérotées de 502 à 507, les autres préparations sont
élaborées à partir d’achillée, de camomille, d’ortie, d’écorce
de chêne, de pissenlit et de valériane. Ces fleurs sont
transformées à l’issue d’une fermentation, pour quelques
67 �
unes d’entre elles en présence d’organes d’animaux. Les
préparations ainsi obtenues enrichissent les composts,
afin d’améliorer l’équilibre du sol et de la plante. Lorsque
celui-ci est atteint, la vigne n’est en principe pas sujette aux
agressions des maladies cryptogamiques et des ravageurs
(insectes, acariens, etc.). Si c’est nécessaire, elle peut être
cependant traitée avec des produits naturels comme la
bouillie bordelaise ou la fleur de soufre.
3 � Les rythmes
terrestres et lunaires
Selon les viticulteurs qui pratiquent la biodynamie, le
développement des plantes est soumis à des influences
cosmiques, qui dépendent de la position de la lune, du
soleil et des planètes par rapport aux constellations.
Ils établissent par conséquent un calendrier de leurs
interventions qui tient compte des rythmes solaires,
caractérisés par l’alternance du jour et de la nuit, des
saisons, mais aussi des rythmes lunaires. Ils estiment par
exemple qu’un binage n’a pas les mêmes vertus lorsqu’il
est réalisé au printemps ou à l’automne lunaire, et qu’il
vitalise la plante lorsqu’il est effectué le matin, alors que
l’après-midi il contribue plutôt à garder l’eau dans le sol.
4 � La vinification
La culture biodynamique favorise, sur la peau du raisin, le
développement de levures qui contribuent à l’élaboration
de vins typés. Il n’est pas nécessaire en principe d’ajouter
soit des levures étrangères qui modifient les arômes et
standardisent la production, soit des adjuvants œnologiques
qui changent l’équilibre initial des moûts (chaptalisation,
acidification / désacidification, enzymes, colles, azote,…).
Enfin, si l’obtention d’un vin sans anhydride sulfureux
(SO2) peut sembler souhaitable, il n’existe toutefois à ce
jour aucune alternative crédible à une utilisation modérée
de ce dernier. Les chartes relatives à la vinification « bio »
réduisent pour la plupart de 50% environ les quantités de
SO2 autorisées par la réglementation européenne.
� 68
notes CONFER L'ANNEXE 1
De la vigne à la table.
Une viticulture durable : un nouveau défi pour les vignerons du Jura ?
notes CONFER L'ANNEXE 1
69 �
� 70