Courant mystique,le soufisme veut donner une autre
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Courant mystique,le soufisme veut donner une autre
12 RELIGIONS Courant mystique,le soufisme veut donner une autre image de l’islam RENCONTRE • L’Association internationale soufie Alâw iyya organise ce w eek-end un congrès à Genève. Cet islam m ystique et éclairé invite à la paix et à la tolérance. Le cheikh Khaled Bentounes ne veut pas d'un «dogmatisme paralysant»: «Je souhaite créer des ponts, organiser des rencontres interreligieuses, car je pense qu'il existe des valeurs partagées par tous les hommes.» CATHERINE TOUAIBI/LDD RACHAD ARMANIOS «L’islam est un e religion de la liberté et de la fratern ité un iverselle, p as de la violen ce et de l’extrém ism e!» Le cheikh Khaled Ben toun es, p résiden t de l’Association in tern ation ale soufie Alâwiyya, estim e qu’on n’a p as en core p ris la m esure des con séquen ces n égatives des atten tats du 11 sep tem bre 2001 p our l’im age de l’islam et la p aix dan s le m on de. C’est p ourquoi les rep résen tan ts de «l’islam de la toléran ce» on t p our devoir d’ap p orter leur tém oign age, affirm e-t-il. Don n er «un e autre im age de l’islam », «tisser des lien s» son t don c les buts du con grès «Gen ève 2010 – un islam sp irituel libre et resp on sable» organ isé ce week-en d à Palexp o p ar la section suisse de l’association soufie. Islam mystique Le cheikh Ben toun es se dit issu d’un e voie de l’islam m ystique et séculaire, qui a com p té p arm i ses fidèles l’élite du m on de m usulm an . C’est au n om de cet islam de la raison qu’il in vite les m usulm an s à sortir du com m un autarism e et à ap p orter à la société les fruits de leur citoyen n eté exem p laire. Quan t aux m édias, p eu en clin s à relayer les voix de l’islam toléran t, à eux de parler «des train s qui arriven t à l’heure», in vite le soufi, en con féren ce de p resse. Fort bien , m ais le devoir des m usulm an s toléran ts n’est-il p as aussi de susciter le débat in tram usulm an en con fron tan t leurs coreligion n aires qui en ferm en t l’islam sous un e chap e de p lom b ou du m oin s dan s le dogm e? «On s’y efforce», rép on d le cheikh Ben toun es. Pas forcém en t avec succès: p resque p as de rep résen tan ts de l’islam in stitution n el p arm i les in vités du con grès ou les m em bres du com ité d’hon n eur... Des p erson n alités diverses et d’autres religion s p rom etten t toutefois des débats p assion n an ts. Ecologie et spiritualité L’Algérien m ilite aussi dep uis lon gtem p s p our le resp ect de la n ature, lian t écologie et sp iritualité, un thèm e aussi au cœ ur du con grès. Pour en p arler, Philip p e Roch, an cien directeur de l’Office fédéral de l’en viron n em en t qui, com m e le m usulm an , réfléchit dep uis lon gtem p s à ces question s. «J’an alyse la cap acité de l’hom m e à détruire la n ature p ar l’idéologie m atérialiste et p ositiviste qui a exp ulsé la sp iritualité de n os vies», observe-t-il. «Dan s l’Algérie de m on en fan ce, les p aysan s n ous disaien t de n e p as m archer en chaussures sur le blé, car sur chaque grain est écrit le n om de Dieu», se souvien t p our sa p art le cheikh Ben toun es. Un islam écolo p our tirer la barbe à Ben Laden : qui dit m ieux? LE COURRIER > www.aisa-suisse.ch «Nous prônons la liberté et la responsabilité» PROPOS RECUEILLIS PAR MELISSA LLORENS Guide sp irituel de la Voie soufie Alâwiyya, écrivain , p édagogue, con féren cier, m em bre fon dateur du Con seil fran çais du Culte m usulm an , le cheikh Khaled Ben toun es p arcourt le m on de en s’efforçan t de tran sm ettre un idéal d’hum an ité basé sur des valeurs com m un es, au-delà des ap p arten an ces religieuses. Il se fon de sur la liberté et la toléran ce qui p révalen t dan s cette bran che de l’islam . A l’occasion d’un p assage récen t à Martign y, il livre sa vision de la voie soufie et de sa p lace dan s la société. Quel est le rapport du soufisme à l’islam traditionnel? Khaled Bentounes: Il fait p artie de l’islam tradition n el dep uis sa création et m êm e avan t. Il corresp on d à un e sagesse qui a toujours habité l’être hum ain . En ce qui con cern e l’islam p olitique, c’est un e autre p aire de m an ches. Les religion s, et p as seulem en t l’islam , son t trop souven t orchestrées p ar ceux qui son t au p ouvoir. En vous approprian t votre liberté, vous cham boulez l’ordre éta- bli. C’est en cela que le soufism e est déran gean t. En effet, c’est un e voie qui p rôn e la liberté et la resp on sabilité. Nous n e voulon s p as d’un dogm atism e p aralysan t. Et quels liens avec les autres religions? Je souhaite créer des p on ts, organ iser des ren con tres in terreligieuses, car je p en se qu’il existe des valeurs p artagées p ar tous les hom m es: solidarité, resp ect, liberté. Avec les jeun es scouts (il est p résiden t fon dateur de p lusieurs association s culturelles et sociales en Algérie et en Fran ce com m e les scouts m usulm an s de Fran ce, n dlr), n ous essayon s de cultiver l’altérité, de la p ercevoir com m e un e richesse. Nous en courageon s ces jeun es à dévelop p er un e citoyen n eté p artagée et resp on sable, au-delà de leur ap p arten an ce religieuse. Nous ten ton s de les p rép arer au m on de globalisé de dem ain . Comment se positionne le soufisme entre tradition et modernité? Il correspon d à un e m odern ité, m ais à un e m odern ité hum an isée et p as faite un iquem en t de valeurs boursières. C’est p our cette raison que n ous n ous accrochon s à des valeurs un iverselles. Il faut n ourrir la con scien ce de l’être hum ain qui va vers de gran ds défis, qu’ils soien t écon om iques ou écologiques. Nous souhaiton s p réserver l’aven ir, m ais p as un iquem en t sur un asp ect m ercan tile. Nous souhaiton s voir s’y in tégrer des valeurs p hilosop hiques et hum ain es ain si qu’un e p luralité de coutum es et de croyan ces. Il n ous faut recon n aître cette p luralité com m e un e richesse. Vous avez mentionné un défi écologique, quel est votre point de vue sur ce défi? Selon l’éducation soufie, la n ature p ossède un caractère sacré et n ous la resp ecton s, dan s un e relation de vivan t à vivan t. Pourtan t, ce qui p révaut aujourd’hui, c’est un e relation de dom in ation qui rep résen te un dan ger p our l’aven ir. Nous devon s n ous question n er sur l’im p act de n os action s dan s n otre en viron n em en t. C’est en ce sen s que je dis qu’il faut n ourrir la con scien ce de l’être hum ain . Par exem p le à Cop en hague (duran t le Som m et m on dial sur le cli- m at, n dlr), les gran ds de ce m on de on t fait le con stat que la situation était grave, m ais on t p ris la décision de n e rien faire. Nous n ous op p oson s à ce couran t défaitiste. Votre discours pourrait être perçu comme utopique? Je n e p réten ds p as à un m on de idéal, m êm e si j’estim e qu’un e utop ie p artagée p ar des m illion s de p erson n es p eut deven ir un e réalité. En revan che, j’estim e que n ous p ouvon s et devon s œ uvrer chacun à n otre échelle. Comment percevez-vous le débat récurrent en Suisse sur l’interdiction de la burqa? Ce que je con state, c’est qu’un e fois en core, ce son t les fem m es qui trin quen t! Eveillon s les con scien ces et dép asson s ces p roblèm es n arcissiques. Ce débat frise le ridicule face aux défis én orm es qui atten den t n otre m on de. Certain es p erson n es n’on t m êm e p as accès au m in im um vital. En regard, le débat sur la burqa se situe au ras des p âquerettes. LE COURRIER