Entretien profond avec Sheila Jordan, par Christian Steulet, 2001

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Entretien profond avec Sheila Jordan, par Christian Steulet, 2001
Entretien avec Sheila Jordan
Genève, le 21 octobre 2001
Quand avez-vous commencé à écouter du jazz ?
Sheila Jordan : J ai découvert le jazz à l âge de treize ans, à Detroit dans le Michigan.
J ai été élevée par mes grands-parents en Pennsylvanie jusqu à l âge du collège et, à
chaque été, je rendais visite à ma mère qui vivait à Detroit. J y suis retournée plus tard
pour terminer ma scolarité. Un jour, j ai été bouleversée par un disque qu un gamin qui
vivait à côté de ma mère écoutait. C était un disque de Duke Ellington. Ma mère avait un
ou deux disques de Benny Goodman, et aussi quelques autres dont je ne me souviens
plus. Ces disques m ont accompagné à mon retour en Pennsylvanie. J ai grandi pour la
plus grande partie là-bas, dans les Summerhill. On n avait ni chauffage ni électricité, et
on était très pauvres. Mais on avait un vieux phonographe ‒ alors je mettais des disques
et je chantais. Ce fut ma première introduction au jazz Beaucoup de choses se
passaient à cette époque. Je faisais trois kilomètres à pied pour aller voir des films, par
exemple ceux de Fred Astaire, dont j aimais la musique. Ce n était pas du jazz, mais de
la bonne musique pour ce qui concerne les parties chantées. Plus tard, le jazz est
devenu populaire grâce aux standards que certains musiciens essayaient de jouer avec
leur propre feeling. La première fois que j ai entendu Charlie Parker, j étais encore
relativement jeune. C était à Detroit et je devais avoir quatorze ans. Je me revois, allant
à l école pour y chercher mon certificat. Il y avait un juke-box au restaurant, en bas de
l escalier. C est là que j ai entendu Bird pour la première fois. Et cela a complètement
bouleversé ma vie ! J ai toujours chanté, depuis l âge de trois ans déjà. Mais je ne
savais pas vraiment ce que je voulais chanter, jusqu à ce que j entende la musique de
Charlie Parker. Dès lors j ai su que c était à cette musique-là que j allais consacrer toute
ma vie. Et c est ce qui s est passé !
Etes-vous issue d une famille de musiciens ?
Sheila Jordan : Pas vraiment. La musique a surtout été un don. Ma grand-mère était une
merveilleuse chanteuse. Mon arrière grand-père, qui était Cherokee, avait une très belle
voix et chantait des airs traditionnels. J ai aussi eu une grande tante qui était professeur
de piano. Je pense être une musicienne « naturelle », même si quelques gènes ont
peut-être joué un rôle.
Quelles étaient les principales possibilités d écouter ce qui vous passionnait ?
Sheila Jordan : Les films et les disques. Ecouter Bird n était pas facile, tout comme
écouter du jazz en général. Déjà comme écolière à Detroit, j essayais à tout prix de
savoir où on jouait cette musique. C est ainsi que j ai rencontré Tommy Flanagan, Kenny
Burrell et Barry Harris, ainsi que d autres gens du même âge que moi qui étaient attirés
par le jazz. Ensuite j ai rencontré deux gars, Skeeter Spight et Leroy Mitchell, avec qui je
voulais chanter parce que c étaient eux aussi de grands fans de be bop. Nous allions
dans les endroits où on pouvait entrer, parce qu on y vendait pas d alcool. On était trop
jeunes pour aller dans des bars ou des night-clubs. L âge limite était 21 ans. Dans cet
environnement afro-américain, une jeune femme blanche qui voulait chanter avec en
compagnie d hommes noirs devait s attendre à avoir quelques démêlés avec la police
La bataille a été dure, mais cela en valait vraiment la peine ! Je m arrangeais toujours
pour aller à la rencontre du jazz, parce que mon attirance était tellement forte. Nous
n avions pas d école pour apprendre le jazz. On apprenait en écoutant des vieux
disques 78 tours. On chantait, on jouait J ai essayé de chanter tous les solos de
Charlie Parker, et aussi les solos de batterie ! C est ainsi que j ai appris, d oreille.
Les groupes de jazz était-ils mixtes à cette époque ?
Sheila Jordan : Oh oui ! En ce temps-là on s entendait tous à merveille à Detroit ‒ pour
ce qui est des musiciens en tous cas. C était plutôt la police qui faisait problème ! On
était un groupe mixte de jeunes gens qui essayaient de jouer ensemble. On se foutait
bien de la couleur de votre peau ‒ vous pouviez tout aussi bien être pourpre ! Tout le
monde vous acceptait, pour autant que vous étiez sérieusement intéressés par la
musique et que vous vous efforciez d apprendre et d improviser. On a vraiment passé de
grands moments ensemble.
Dans quels endroits pouviez-vous vous produire ?
Sheila Jordan : Dans quelques endroits publics, et aussi dans des cadres privés. Par
exemple, il nous arrivait d aller chez une artiste peintre, une femme de notre âge, et
nous faisions des sessions dans sa maison. Elle ne réalisait pas vraiment ce qui était en
train de se passer ! Ce qui l intéressait c était tout ce monde autour d elle, et tous ces
jeunes gens qui tentaient de jouer du jazz. Et puis, il y avait les boîtes où les gens
dansaient. Tommy Flanagan y jouait parfois. Il y avait plein d endroits où on pouvait
aller, par exemple le grand Draystone Ballroom. Vous pouviez y écouter Charlie Parker,
et tout le monde dansait sur sa musique, parce qu il y avait une sorte de danse be bop à
cette époque. Je me souviens aussi d un club down town, tenu par un couple de blancs
venus de Winsor, au Canada, de l autre côté de la rivière. Dans ce temps-là, Detroit était
une ville horrible, régulièrement secouée par des émeutes raciales. C est était très dur
d y vivre, et de faire ce que vous vouliez faire. Mais il demeurait toujours des lieux pour
jouer de la musique. A un certain âge, j ai essayé de me déguiser, pour faire plus âgée
afin d entrer et d écouter de la musique ‒ mais c était en fait un gag avec le tenancier du
club ! (elle rit).
Quand vous êtes-vous établie à New York ?
Sheila Jordan : Je suis partie pour New York en 1952. J ai suivi Bird, en fait. A Detroit, je
m étais déjà attachée à Duke Jordan, le pianiste de Charlie Parker. J ai fini par me
marier avec lui à mon arrivée à New York, où j ai trouvé un travail dans un bureau.
J avais l habitude de me débrouiller seule depuis l âge de dix-sept ans Vivre avec ma
mère n avait pas été facile parce qu elle avait de gros problèmes d alcool et se mettait
parfois en ménage avec des types très mal en point. Mon indépendance m a aidé à
m établir à New York, où Bird et Duke Jordan m ont présentée à Charlie Mingus, qui m a
ensuite fait connaître Lennie Tristano.
Quelle a été l importance de Lennie Tristano pour vous ?
Sheila Jordan : Je pense que Lennie Tristano m a montré une certaine liberté
d expression. Je connaissais déjà une partie de ce qu il voulait m enseigner, par
exemple à travailler les solos de Bird. Il m a demandé aussi si je connaissais Lester
Young, et j ai dit non. Donc j ai appris quelques solos de Lester Young. Lennis Tristano
m a beaucoup épaulée. Il m a permis de trouver ma confiance en moi, et de savoir que
ce que je faisais était bien ! Car je ne chantais et ne m exprimais pas comme les autres
chanteuses. Jamais ne n aurais voulu imiter Ella Fitzgerald ou Billie Holiday. Elles
étaient les meilleures chanteuses de scat à cette époque. Même si je l avais pu, je
n aurais pas voulu les copier. J ai mon petit son à moi, et la raison pour laquelle j ai ce
son-là est que j ai grandi en écoutant avant tout les instrumentistes, et non pas les voix.
Quelle valeur ont les textes pour vous ?
Sheila Jordan : Ils sont très importants ! Le texte est et reste essentiel à mes yeux. Je
sais que de nos jours, beaucoup de souffleurs ne se soucient plus du tout des textes.
Mais Bird connaissait toutes les paroles des morceaux qu il jouait ‒ s il y en avait ! Bien
sûr, si je chante sans paroles, c est une autre histoire. Mais si les textes sont présents,
je suis très attentive à leur signification et à leur rythme. J écoute toujours les mélodies
en premier, et ensuite le texte. Au cas où une des parties ne semble pas jouer, j essaie
d y apporter quelques petites variations. Vous savez, si vous adhérez à une forme préétablie, la musique ne va nulle part ! Vous pouvez y coller les plus beaux textes du
monde Aujourd hui, je suis très ouverte aux nouvelles combinaisons entre la mélodie
et le texte, ce qui n était pas le cas quand j étais une jeune chanteuse. En ce temps-là,
c était le be bop ou rien ! Entre nous, on disait : « si tu n es pas bop, laisse tomber ! »
(elle rit).
Quel a été votre cheminement à New York ?
Sheila Jordan : Je crois que j ai choisi de me donner les moyens d exprimer mes
sentiments, mes émotions et les expériences vécues J ?ai travaillé à insérer mon
feeling dans la musique. Cela était rarement accepté, parce que certaines personnes
trouvaient que c était trop lourd. Elles me demandaient pourquoi je chantais cela, et je
leur expliquas que c est ainsi que je ressentais les choses, que c était ma vie ! Voilà en
fait de quoi il était question Charlie Parker m a ouvert la voie, et après lui j ai regardé
un peu en arrière. J ai eu envie de reprendre des morceaux de Fred Astaire, dont j avais
été vraiment fan. L enseignement de Bird résidait dans une certaine ouverture au
monde. On prend ici et là ce dont on a besoin, et on fait ensuite son propre travail avec
tous ces éléments. Une autre rencontre importante a été George Russell, qui m avait
entendu chanter et qui voulait savoir pourquoi je chantais de cette manière. Je l ai
emmené aux mines de charbon de Pennsylvanie, et nous sommes allés dans le bar où
ma grand-mère et moi avions l habitude de prendre un verre. Et là, un mineur au
chômage m a demandé de chanter You are my Sunshine. Ma grand-mère pensait que
nous étions célèbres, maintenant que nous vivions à New York. George Russell l était,
mais moi pas du tout ! J ai répondu au mineur que je ne me sentais pas de chanter ce
morceau, mais George m a invitée à le faire pour les mineurs qui sortaient du travail.
Beaucoup de mines cessaient leurs activités en ce temps-là, et les gens avaient la vie
dure. Vous savez, j ai assisté à des scènes terribles dans cette région durant mon
enfance. Beaucoup de pauvreté, des explosions dans les mines Finalement j ai dit :
« OK, je vais la chanter ! ». Une fois rentrée à New York, George m a rappelée pour me
demander d enregistrer cette chanson pour les mineurs. J ai chanté la première partie
seule, ce qui n était pas très commun dans le jazz, à ce moment-là. Il m a demandé de
commencer seule, et ensuite il y a insufflé toutes ces couleurs J ai aussi effectué
quelques enregistrements avec Roswell Rudd. Mais en ce qui concerne la poésie et la
musique, je n ai jamais rien fait qui soit identique au travail effectué dans Home de Steve
Swallow et Robert Creely.
Quel a été votre travail spécifique dans ce projet ?
Sheila Jordan : J adore ce disque ! Mais Home a été l enregistrement le plus difficile que
j aie jamais fait ! Et aussi le plus court. C était très délicat de phraser, de trouver le bon
feeling pour les poèmes de Robert Creely. J ai vraiment dû les étudier à fond et travailler
longtemps avec Steve Swallow. Il m a beaucoup aidée à rapprocher le texte et la voix.
Le problème était que j avais eu la « chance » d entendre Robert Creely réciter ses
propres poèmes, juste avant que nous enregistrions le disque. Et je dois dire que cela
m a tiré des larmes ! J ai pensé que je ne serais jamais capable de chanter ces poèmes.
Il fallait que je m en dégage, parce que je ne voulais ni être influencée, ni être rejetée.
J ai lu récemment dans un magazine que depuis que Sheila Jordan avait chanté ses
poèmes, il n y avait plus de nécessité de les réciter C est le plus grand compliment
que j aie jamais reçu dans ma vie !
Comment avez-vous concilié musique et vie de famille à cette époque ?
Sheila Jordan : Cela n a jamais été facile pour une femme comme moi, car j ai toujours
refusé d être rangée dans une catégorie. En fait, je n ai jamais vraiment été acceptée
aux Etats-Unis, sur aucun plan. J ai eu la chance de me produire au festival de Newport
et au festival JVC à deux reprises. Une fois avec George Russell et une autre fois avec
une grande réunion de chanteurs. D ailleurs, je ne travaille pas très souvent aux EtatsUnis. Je me produis un peu plus à New York, mais comme je ne fais pas de musique
commerciale, je ne suis pas acceptée. Je ne m en plains pas puisque j ai beaucoup
travaillé en Europe. Ici, il me semble qu on accepte et qu on comprend ma musique. Je
ne vais pas jusqu à dire qu on ne m aime pas du tout à New York ‒ c est seulement que
les New-yorkais n ont pas beaucoup l occasion de m écouter parce que les clubs ne sont
pas très intéressés. Je me produis au Birdland une fois par an. Je me suis produite
aussi une fois à la Knitting Factory, et dans un petit pub, le Cornelius Street Café. Mais
je ne passe pas mon temps à tourner aux Etats-Unis. Comme je n ai pas d agent, je
travaille directement avec les musiciens. Je suis sûre que si j avais un agent, je
voyagerais dans tous les Etats-Unis pour donner des concerts ! Mais ce n est pas une
question de choix. Simplement, les personnes qui traitent la musique comme un
business considèrent que je ne représente pas un produit suffisamment lucratif. Et de
toute façons, je ne veux pas demander des milliers de dollars pour ce que je fais
Est-ce que vous enseignez ?
Sheila Jordan : J enseigne au City College de Harlem depuis 1978. J ai commencé par y
donner quelques ateliers et je continue à le faire à temps partiel, quand je suis en ville.
J ai aussi été invitée en 1988 à aller à Graz, en Autriche. J ai donc commencé à donner
des stages dans leur école de jazz. Durant l été, je participe au Jazz in July de
l université du Massachussets. J aime beaucoup donner des stages ‒ c est mon credo,
je me produis sur scène quand c est possible, et quand cela ne l est pas, j enseigne le
chant. J essaie d être à l écoute des jeunes et de leur apporter des choses qu ils sont
prêts à entendre. Je désire rester simple, afin qu ils puissent aborder et comprendre la
musique. Je commence par les bases, et leur montre comment ressentir le feeling, les
émotions contenues dans la musique, et ensuite le son. Pour moi, enseigner le jazz,
c est indiquer une voie. Je n interfère jamais dans l individualité ou dans le son de la
personne. J essaie de l aider à se développer. J enseigne avec le cœur, et je regrette
que beaucoup de professeurs ne transmettent rien avec le cœur aujourd hui. De
nombreuses écoles de jazz ‒ pas toutes, mais certaines ‒ ne proposent plus que des
exercices. Cela m inquiète vraiment, d autant plus que nombre d enseignants ne jouent
tout simplement plus ! J ai un peu peur qu à cause de leur manque de pratique en
concert, ils ne rentrent dans un rapport de pouvoir avec les jeunes. J en vois qui
s enferrent dans ces rapports de pouvoir. Quand vous êtes dans ce genre de trip, vous
risquez de casser l esprit de vos élèves ‒ ce qui arrive parfois. Pour ma part, je me
casse encore la figure parce que je ne veux pas rester là où la sécurité est garantie. Si
j entends quelque chose qui me parle émotionnellement, je vais essayer de le travailler.
Et si ça ne marche pas, je vais me remettre en question, et cela aura été une autre
occasion d apprendre quelque chose !
Vous avez des relations privilégiées avec les bassistes. Quel est l apport spécifique de
la basse à votre travail ?
Sheila Jordan : J aime le son de la basse, et j aime la liberté que j ai quand je chante
seule avec la basse. J ai commencé à chanter dans ce contexte en 1951. Le premier
bassiste avec lequel j ai chanté en public était Charlie Mingus. Il m avait demandé de
faire quelque chose dans un club de Toledo en 1952. Il manquait un pianiste dans son
groupe et il m a simplement demandé de tenter l expérience. Après cela, j ai voulu voir
jusqu où je pouvais aller en duo. Mon idée était de raconter quelques petites histoires,
uniquement avec une basse et la voix. Par la suite j ai continué de rechercher des
partenaires et le premier que j ai trouvé était Steve Swallow. On avait l habitude de jouer
une heure dans un petit club du Village. Après cela, Steve s est mis à la basse
électrique, mais j ai préféré continuer de chanter avec un contrebassiste. J ai chanté
avec beaucoup d autres bassistes, et cela n a pas toujours été un succès. La formule du
duo nécessite qu on y consacre beaucoup de temps et de répétitions, afin de trouver les
bonnes combinaisons.
Vous êtes-vous aussi impliquée sur la scène free, avec des musiciens comme Ornette
Coleman par exemple ?
Sheila Jordan : J ai continué en effet avec le free jazz, comme une suite au mouvement
initial. J étais à peu près partout où je pouvais chanter ! J ai toujours essayé d adapter ce
que je ressentais et ce que j entendais dans cette musique. L approche a toujours été
libre, parce que la musique est musique quand elle me fait ressentir quelque chose. J ai
travaillé avec Perry Robinson il y a des années, et aussi avec le Cameron Brown Band,
qui avait l habitude de jouer free. Il travaillait avec ceux qu on appelait les « artistes
d avant-garde ». George Russell était profondément « avant-garde » lui aussi. J aime la
musique d Ornette Coleman et aussi celle de Don Cherry. Don a écrit une très belle
composition, Art Deco. George Gruntz m a demandé, il y a longtemps, de participer à un
opéra jazz qui avait ce caractère avant-gardiste.
Avez-vous aussi composé de nouveaux thèmes ?
Sheila Jordan : Pas vraiment. J ai écrit une ou deux chansons il y a quelques années,
mais j ai toujours été beaucoup plus intéressée par l écriture de nouveaux textes. Il y a
toujours des mélodies dans ma tête. Chaque fois que je chante une chanson, je
découvre de nouvelles choses. Et je découvre parfois qu elles pourraient être de
nouvelles compositions, dans la forme, dans la mélodie ‒ et parfois pas ! Il existe de si
belles chansons à chanter que je n ai pas eu l ambition de créer de nouveaux morceaux.
Je préfère chanter les chansons des autres. Je suppose que ce n est pas vraiment ma
vocation de composer. En revanche, j aime bien faire des improvisations amérindiennes.
Je le fais depuis que je suis enfant. Mais ce qui est plus récent, c est que je les intègre
de plus en plus dans le contexte du jazz. Je pourrais chanter pendant une heure, en
improvisant sur un chant traditionnel amérindien, en changeant le rythme et les sons. Je
le fais en concert parce que cela fait partie intégrante de mon passé et de ce que je suis.
Ma voix a d ailleurs toujours été teintée par des influences indiennes.
Quels sont vos projets à venir ?
Sheila Jordan : Je vais continuer à me produire sur scène ou ailleurs. C est toujours une
nécessité. Je suis aussi en train de travailler à un nouveau disque chez High Note, et
ensuite, je pense que je vais enregistrer avec Roswell Rudd. J ai aussi quelques
engagements en Europe. Je donne un stage à Séville en mars 2002. Je participe aussi
à un atelier dans le Vermont, qui a été créé par Attila Zoller, un fantastique guitariste
hongrois. Où que mon chemin me mène, si les gens aiment ce que je fais, je prends ce
qu on me propose. Je veux juste maintenir la musique en vie, et en faisant cela, je ne
suis pas découragée. C est ce que je souhaite aux jeunes musiciens qui arrivent sur la
scène. Parce que si vous consacrez réellement votre vie à la musique, vous serez payé
en retour. Peut-être pas en argent comptant, mais en vous révélant ce que l argent ne
peut pas acheter ! La musique doit rester vivante Je ne pense pas que le jazz meure
un jour. Il apparaît, disparaît et réapparaît à nouveau. Il y a trop de gens qui sont
touchés. C est une musique merveilleuse, qui m a très certainement sauvé la vie ‒ et à
plusieurs reprises ! (Elle rit).
Propos recueillis par Christian Steulet