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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AVIS ET RAPPORTS DU
CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL
ET ENVIRONNEMENTAL
LES ENJEUX
DES ACCORDS
DE PÊCHE
UNION EUROPÉENNE/
PAYS AFRICAINS
2010
Avis présenté par
M. Gérard d'Aboville
Année 2010 - N° 07
NOR : C.E..S X10000107V
Mercredi 5 mai 2010
MANDATURE 2004-2010
Séance des 27 et 28 avril 2010
LES ENJEUX DES ACCORDS DE PÊCHE
UNION EUROPÉENNE/PAYS AFRICAINS
Avis du Conseil économique, social et environnemental
présenté par M. Gérard d’Aboville, rapporteur
au nom de la section des relations extérieures
(Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son Bureau
en date du 12 janvier 2010 en application de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 modifiée
portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental)
III
SOMMAIRE
AVIS adopté par le Conseil économique, social et
environnemental
au
cours
de
sa
séance
du 28 avril 2010 ................................................................. 1
Première partie - Texte adopté le 28 avril 2010 .......... 3
INTRODUCTION ...............................................................................................7
I - LES ACCORDS DE PÊCHE : UN INSTRUMENT DE
PARTENARIAT ....................................................................................9
A - LA PÊCHE : UN SECTEUR CLEF POUR LES DEUX PARTIES....9
1. L’importance économique et sociale des activités de pêche.............9
2. Deux enjeux majeurs à relever .......................................................12
B - LES ACCORDS DE PARTENARIAT, COMPOSANTE
MAJEURE DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LA PÊCHE....15
1. L’évolution des accords vers une logique de développement
durable ...........................................................................................15
2. Une renégociation complexe des accords.......................................18
II - REPENSER LES ACCORDS ..............................................................20
A - RÉAFFIRMER L’INTÉRÊT DES ACCORDS DE
PARTENARIAT POUR LES DEUX PARTIES ...............................20
B - PRÉSERVER LA RESSOURCE.......................................................21
1. Mettre l’accent sur l’évaluation scientifique de la ressource..........21
2. Investir davantage dans la surveillance des pêches et le contrôle
des captures....................................................................................24
3. Ébaucher une gouvernance mondiale des mers et océans ..............26
C - PLACER LES ACCORDS DE PÊCHE DANS UNE STRATÉGIE
DE DÉVELOPPEMENT....................................................................29
1. Assurer la cohérence des accords de pêche avec la politique de
développement de l’UE..................................................................29
2. Dessiner une vraie stratégie de partenariat .....................................32
CONCLUSION..................................................................................................35
Deuxième partie - Déclarations des groupes.............. 37
ANNEXE À L’AVIS..........................................................................................61
SCRUTIN............................................................................................................61
IV
DOCUMENT ANNEXE ...................................................................................63
Les accords de pêche bilatéraux UE-pays tiers (volet sud) .................................65
LISTE DES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES...................................67
TABLE DES SIGLES .......................................................................................69
AVIS
adopté par
le Conseil économique, social et environnemental
au cours de sa séance du 28 avril 2010
Première partie
Texte adopté le 28 avril 2010
5
Le 12 janvier 2010 le Bureau du Conseil économique, social et
environnemental a confié à la section des relations extérieures la préparation
d’un projet d’avis intitulé Les enjeux des accords de pêche Union
européenne/pays africains1.
La section a désigné M. Gérard d’Aboville comme rapporteur.
*
*
*
Pour son information, la section a entendu les personnalités suivantes :
- M. Lucien Chabason, directeur délégué de l’Institut du
développement durable et des relations internationales ;
- M. Denez L’Hostis, responsable de la mission Mer et littoral au sein
de la Fédération France nature environnement ;
- M. Philippe Mauguin, directeur des pêches maritimes et de
l’aquaculture au ministère de l’Alimentation, de l’agriculture et de la
pêche, accompagné de MM. Ludovic Schultz, chef du bureau des
affaires européennes et internationales et Pierre Tribon, chargé de
mission affaires internationales ;
- M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet administrateur supérieur des terres
australes et antarctiques françaises ;
- M. Yvon Riva, président d’Orthongel, organisation des producteurs
de thon congelé.
Par ailleurs, le rapporteur et M. Pasty, président de la section des relations
extérieures, se sont rendus à Bruxelles où ils ont rencontré :
- Mme Carmen Fraga Estévez, députée au Parlement européen,
présidente de la commission de la pêche ;
- M. Alain Cadec, député au Parlement européen, vice-président de la
commission de la pêche ;
- M. Philippe Musquar, chef d’unité, commission de la pêche, direction
générale des politiques internes, Parlement européen ;
- M. Andrea Matteo Fontana, chef d’unité adjoint accords bilatéraux et
contrôle des pêches dans les eaux internationales, direction des
affaires internationales et des marchés, direction générale des affaires
générales maritimes et de la pêche, Commission européenne.
1
L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public à l’unanimité des votants
(voir le résultat du scrutin en annexe).
7
INTRODUCTION
L’Union européenne, de par ses activités de pêche, est un acteur de premier
plan avec une flotte parmi les plus puissantes du monde et présente sur tous les
océans. Très tôt, elle a su tirer les conséquences de cette position avantageuse et
la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP), intervenue en 2002,
comporte un important volet externe dont un des principaux objectifs est la
promotion d’une pêche durable et responsable.
Les Accords de partenariat dans le secteur de la pêche (APP) conclus
notamment entre l’Union européenne et des pays africains revêtent, à cet égard,
une importance stratégique. Ils n’ont d’ailleurs cessé d’évoluer et de se
transformer au fil du temps dans le but de maintenir une industrie de la pêche
solide en Europe et d’aider simultanément les pays partenaires à se doter de leurs
propres capacités de pêche.
En vue de la réforme de la PCP de l’après 2013, la Commission, dans le
Livre vert qu’elle a produit sur ce sujet et qui vient de donner lieu à une vaste
consultation publique ouverte à tous les citoyens européens, pose d’ailleurs la
question du devenir de ces accords. Nombre d’entre eux sont précisément en
renégociation ou le seront au cours des années 2010, 2011, 2012. De plus,
l’année 2010 marque le début d’un long processus de discussions au sein du
Conseil et du Parlement européen qui sera suivi d’âpres négociations pour
aboutir à leur terme, sur le mode de la codécision, à l’adoption de la prochaine
réforme de la PCP.
Le Conseil économique social et environnemental (CESE) estime le
moment opportun pour apporter, avec cet avis, sa contribution sur les voies et
moyens de tirer le meilleur profit du cadre partenarial dessiné par les APP. À
cette fin et partant des atouts et des insuffisances de ces accords, notre assemblée
entend toutefois replacer son analyse dans un contexte plus large, à l’aune des
grands enjeux mondiaux auxquels les activités de pêche elles-mêmes sont
directement confrontées : appauvrissement des écosystèmes et des stocks,
exacerbation de la concurrence entre flottes, développement de la pêche illicite,
menace sur la sécurité alimentaire, lutte contre la pauvreté...
9
I - LES ACCORDS DE PÊCHE : UN INSTRUMENT DE PARTENARIAT
A - LA PÊCHE : UN SECTEUR CLEF POUR LES DEUX PARTIES
1. L’importance économique et sociale des activités de pêche
1.1. L’expansion mondiale du secteur des pêches
La pêche joue un rôle essentiel pour des millions d’hommes et de femmes
dans le monde. La FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et
l’agriculture) évalue à 43,5 millions le nombre de personnes se livrant
directement à la production primaire de poissons en milieu naturel ou dans
l’aquaculture et elle estime que plus de 125 millions d’individus sont
employés dans la transformation, la commercialisation et les autres
industries liées au poisson. Et, si l’on tient compte des personnes à charge, ce
ne serait pas moins de 520 millions de personnes, soit 8 % de la population
mondiale, qui seraient dépendantes de ce secteur. On ajoutera que l’emploi dans
cette branche d’activités a enregistré, au fil des trois dernières décennies, des
taux de croissance supérieurs à ceux de la population mondiale et de la
population occupée dans l’agriculture traditionnelle. 86 % des pêcheurs et des
aquaculteurs exercent en Asie.
La production mondiale issue de la pêche et de l’aquaculture a elle aussi
régulièrement augmenté pour atteindre les 140 millions de tonnes annuelles dont
près de 80 % sont destinés à l’alimentation humaine. La hausse ininterrompue de
la consommation moyenne de poisson par habitant - passée de 9,9 kg dans les
années 60 à plus de 16 kg aujourd’hui -, conjuguée à une diversification de
l’offre sous l’effet des innovations technologiques enregistrées dans le traitement
des produits, de la logistique et des modes de transport, ne saurait cependant
masquer la réalité : alors que sur la planète, le poisson est pour plus d’un milliard
d’individus une denrée de base vitale, cet accroissement ne bénéficie pas - et loin
s’en faut - à toutes les parties du monde ; l’explosion de la consommation en
Asie et singulièrement en Chine - qui est devenue le premier producteur de
pêches de capture et d’aquaculture - ainsi que le maintien d’une demande forte et
toujours plus diversifiée dans les pays développés expliquent largement
l’augmentation constatée. Mais, dans le même temps, les Africains, toujours loin
d’atteindre leur souveraineté alimentaire, consomment deux fois moins de
poisson que la moyenne mondiale et plus préoccupant encore, leur
consommation enregistrerait un recul. En tout état de cause, au vu des
projections démographiques, ce sont quelque 37 millions de tonnes
supplémentaires qu’il conviendrait de dégager d’ici 2030 pour maintenir ne
serait-ce que le niveau actuel de consommation. On mesure l’enjeu.
10
Conséquence de la très forte demande, les exportations et les importations
de poisson et de produits dérivés n’ont cessé de s’intensifier, et singulièrement
depuis les années 2000 : les exportations, qui représentent 40 % de la production
mondiale totale, ont crû, durant la période 2000-2006, en termes réels, de 32,1 %
pour atteindre un montant de près de 90 milliards de dollars en 2006 et plus
éloquent encore, les exportations à destination de la consommation humaine ont
augmenté de 56 % depuis 1996. S’agissant des importations effectuées pour
l’essentiel par les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, les ordres de
grandeur sont similaires : elles se sont montées à près de 90 milliards de dollars.
Et, en dépit de la crise économique actuelle, le développement du commerce
international en la matière devrait se prolonger au cours des années à venir.
Parmi les nations exportatrices, la Chine occuperait la place de
premier exportateur mais l’ensemble des Pays en développement (PED), y
compris les pays à faible revenu et à déficit vivrier, progressent. Comptant,
en 2006, pour 79 % de la production halieutique mondiale, leurs exportations,
d’un montant de 42,5 milliards de dollars, équivalent à 49 % du total
exporté en valeur et à 59 % en volume. Les pays développés constituent leurs
principaux débouchés. Quant aux échanges entre pays en développement, ils
n’excèdent pas les 25 % de la valeur de leurs exportations.
1.2. L’Afrique et l’Europe, deux continents à vocation maritime
Dans ce panorama, la filière halieutique et aquacole représente, sur le
continent africain, une part non négligeable du Produit national brut (PNB) de
pays côtiers qui, à l’image de la Mauritanie, du Maroc, de la Tunisie ou du
Sénégal disposent de grandes richesses halieutiques. D’une part, la pêche
artisanale est très prégnante dans nombre de ces pays. Partie intégrante de leurs
économies, elle participe sans conteste de la structuration de la vie
socio-économique car il s’agit d’une activité à forte intensité de main d’œuvre.
On évaluerait, en Afrique subsaharienne, entre 6 et 9 millions le nombre de
personnes travaillant à temps partiel ou à temps complet dans le domaine de la
pêche et à quelque 30 à 45 millions de personnes tributaires de cette activité pour
leur subsistance sans que pour autant, leur sécurité alimentaire soit assurée. Les
femmes sont également très actives et tiennent très souvent un rôle clef dans les
activités de transformation, de commercialisation et de distribution du poisson.
Rappelons que dans de nombreux pays très pauvres, comme la Guinée
équatoriale, le Ghana, la Sierra-Leone, le poisson demeure la source principale
de protéines d’origine animale. Et comme le relève la Swedish Society for
Nature Conservation, « la pêche occupe une place plus importante en Afrique de
l’Ouest que dans beaucoup d’autres parties du monde, à la fois comme moyen de
subsistance et comme source d’alimentation des populations. Dans cette région
du monde, la consommation de produits halieutiques est souvent plus élevée que
sur le reste du continent ». Mais, avec l’accroissement démographique attendu
d’ici 10 ans, il apparaît acquis que les prises locales ne permettront pas de
11
répondre à la demande locale. L’Afrique subsaharienne, d’ores et déjà
importatrice nette, risque de voir son déficit commercial s’approfondir.
Dans ce contexte, les exportations, par les devises, les emplois et les
recettes fiscales qu’elles procurent, sont donc un enjeu de taille pour le
développement de ces pays. À ce jour, l’Afrique reste un acteur qui pèse peu en
comparaison d’autres continents : 2,40 % des exportations mondiales en 2007
contre 47,7 % pour l’Europe, 30,1 % pour l’Asie et 18,51 % pour les Amériques.
Mais, ces échanges ont néanmoins crû de près de 38 % entre 2004 et 2007
s’agissant des exportations, tandis que les importations bondissaient de 54 %.
L’exemple du Maroc, premier exportateur du continent, est à cet égard
significatif : le secteur de la pêche équivaut à 55 % de ses exportations
agroalimentaires, 10 % de ses exportations nationales avec à la clé, plus de
400 000 emplois directs ou indirects. La Mauritanie, avec 750 kms de côtes sur
la façade atlantique, mise également largement sur ses recettes d’exportation ;
elles ont augmenté de 30 % entre 2008 et 2009 et plus globalement, le secteur de
la pêche compte pour près de 5 % au Produit intérieur brut (PIB).
Quant à l’Europe, qui affiche le territoire maritime le plus vaste du monde
grâce à ses régions ultrapériphériques, elle demeure sur ce créneau un acteur
de premier plan en se situant au second rang derrière la Chine. Disposant de
1 200 ports et de quelque 88 000 navires de tailles et de capacités très variées,
elle produit annuellement environ 7 millions de tonnes de poissons provenant de
la pêche et de l’aquaculture. Et bien que le secteur de la pêche et de la
transformation ne contribue qu’à moins d’1 % du PNB des États membres et
qu’il soit confronté à de sérieuses difficultés liées entre autre aux surcapacités de
la flotte, à la diminution de rentabilité et à la raréfaction des ressources, son
impact doit être évalué de façon plus large. Le nombre d’artisans pêcheurs
européens certes diminue mais l’industrie de la pêche et du poisson emploie
encore plus de 400 000 personnes. Et plus fondamentalement, il participe de la
vie économique et de la cohésion sociale des régions côtières, périphériques et
ultrapériphériques comme le soulignait le CESE, en 2005 et 2007, dans ses
avis sur La pêche, acteur de la vie du littoral métropolitain : l’heure des choix et
La pêche et l’aquaculture en Outre-mer. Aux revenus directement tirés de la
pêche s’ajoutent en effet ceux précisément de la transformation et de la
commercialisation des produits de la pêche, de la production dans les chantiers
navals, de la fabrication d’engins de pêche ou encore de l’approvisionnement des
navires et de leur entretien... Reste que les marchés européens sont très
dépendants des importations : si l’Union européenne (UE) exporte chaque
année plus de 2 millions de tonnes de produits de la pêche, elle doit en importer
plus de 6 millions pour couvrir ses besoins.
12
2. Deux enjeux majeurs à relever
Aussi déterminés que l’Union européenne et les États africains puissent
l’être pour soutenir, au travers des APP, un développement durable des activités
de pêche, il ne peut être fait abstraction de l’environnement international plus
vaste dans lequel ils s’insèrent et qui pèsera nécessairement sur leur devenir : à
l’échelle de la planète, la précarité du milieu marin et l’enjeu d’une esquisse de
régulation des mers et océans.
2.1. L’inquiétante raréfaction des ressources
Experts et scientifiques s’accordent sur le constat d’un appauvrissement
des mers et océans auquel n’échappe bien sûr pas le Sud-Est de l’océan
Atlantique et qui réside notamment dans la surpêche.
Pour ce qui concerne ce phénomène, le sombre tableau de l’état de la
ressource halieutique, dessiné par la FAO dans son dernier rapport sur la
situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, est éloquent. Plus de 80 % des
stocks de poissons, pour lesquels des résultats d’évaluation sont disponibles, sont
déclarés pleinement exploités ou surexploités. La plus grande partie des stocks
des 10 principales espèces, qui ensemble représentent 30 % de la production
totale des pêches de capture, est dans cette situation. En somme, conclut la
FAO, « le potentiel maximal de prélèvement sur les stocks naturels des océans
de la planète a probablement été atteint ».
Plusieurs facteurs, qui interfèrent les uns sur les autres, se combinent pour
rendre compte des proportions prises par l’épuisement des stocks de poissons et
de la biodiversité marine. Le développement à grande échelle de la pratique
industrielle de la pêche, dans un contexte de concurrence exacerbée par la
montée en puissance de nouveaux acteurs, en particulier asiatiques et de
techniques de pêche toujours plus sophistiquées, a permis une exploitation
toujours plus intensive des Zones économiques exclusives (ZEE) mais également
des zones de pêche de haute mer. En 1992, 5 % des captures totales provenaient
de ces dernières. Aujourd’hui, ce pourcentage est de l’ordre des 15 % et certains
prédisent une disparition des stocks des grands fonds à l’horizon 2025.
Les subventions accordées aux flottes sont également pointées comme
pouvant inciter à la surpêche ; le directeur général de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) ne déclarait-il pas lui-même, le 8 juin 2009, à l’occasion de
la journée mondiale des océans que « pour avoir accordé, chaque année, au
secteur de la pêche, près de 16 milliards de dollars de subventions, les
gouvernements ont leur part de responsabilité » dans le problème de la surpêche.
Inscrites à l’agenda des négociations du cycle de Doha et discutées autour d’une
feuille de route au sein du groupe de négociation sur les règles, force est de
constater que la question de leur réduction cristallise des oppositions marquées
entre pays riches et pays en développement et explique l’enlisement actuel: pour
les premiers, le point focal des discussions ne doit pas être tant les subventions
13
que la mise en place de systèmes de gestion efficaces des pêches ; pour les
seconds, compte tenu de l’importance du secteur de la pêche pour leur croissance
et la sécurité alimentaire de leurs populations, un distinguo doit être établi entre
subventions dédiées aux pêcheurs artisans des pays du Sud et celles destinées
aux grandes sociétés internationales de pêcheries avec pour revendication, la
reconnaissance, au profit des pays en développement, de flexibilités et
d’exemptions.
Le fléau de la pêche illicite non déclarée et non réglementée (INN), dont
l’ampleur ne se dément pas, est également très préoccupant. Selon la FAO,
moins de 50 % des États du pavillon sont en mesure de procéder à des contrôles
efficaces de l’activité des navires de pêche placés sous leur juridiction. Et le
tableau resterait très largement incomplet sans faire mention de la pratique des
pavillons de complaisance par des opérateurs, y compris européens, qui savent
habilement tirer bénéfice de la complexité des flux commerciaux, des conflits
d’intérêts entre États et de la position peu regardante de certains États quant à
l’immatriculation, sous leur juridiction, de navires.
Même s’il est, par définition, impossible d’en mesurer l’exacte portée, la
Commission européenne l’évalue à 10 milliards d’euros, ce qui en ferait la
deuxième source de revenus tirés de la pêche. Des estimations effectuées sur
des zones géographiques précises ou des espèces particulières concluent à cet
ordre de grandeur. Pour illustrer le propos, M. Philippe Mauguin, directeur des
pêches maritimes et de l’aquaculture au ministère de l’Alimentation, de
l’agriculture et de la pêche, auditionné devant la section des relations extérieures,
soulignait, par exemple, que le volume des prises illégales de légine autour des
Terres australes atteignait probablement sept fois le volume des pêches
autorisées, avant que la France, responsable de la ZEE, n’intervienne. En tout
état de cause, la pêche illégale ferait perdre 2 milliards de dollars par an au
continent africain, un milliard pour la seule Afrique de l’Ouest où elle atteint un
niveau jugé « endémique » par la FAO. Plus d’un tiers des bateaux pêchant dans
les eaux de la Guinée y exerceraient illégalement leur activité. Au large de la
Somalie, ce serait chaque année l’équivalent de plus de 300 millions de dollars
de thon, crevettes, homards et autres espèces qui seraient irrégulièrement
capturés. Les pêcheurs locaux sont les premiers pénalisés par les
conséquences de cette concurrence déloyale, avec un amenuisement de leur
champ d’activité et de leurs moyens de subsistance.
En outre, on ne saurait éluder les conséquences - dont on commence à
percevoir les effets négatifs sans en connaître encore toutes les implications - du
changement climatique sur l’équilibre des écosystèmes : augmentation du
niveau de la mer et des températures, modification des courants, acidification des
eaux..., qui viennent s’additionner à d’autres perturbations telles que les
pollutions telluriques et les effets induits du trafic maritime.
14
Enfin, à ces difficultés, s’ajoute, dans l’océan Indien, la réapparition de la
piraterie entretenue par des réseaux mafieux, conséquence sur les mers de la
situation politique déliquescente qui prévaut dans un certain nombre d’États
riverains limitrophes tels que la Somalie.
2.2. Une gouvernance peu opérationnelle
Sans remonter dans le temps où pendant des siècles a prévalu le principe de
« liberté des mers » et pour s’en tenir au siècle dernier, deux étapes dans
l’ébauche d’un droit de la mer méritent d’être relevées : la première conférence
des Nations-Unies sur le droit de la mer de 1958 qui s’est clos par la signature
de quatre conventions sur la mer territoriale et la zone contiguë, la haute mer, la
pêche et les ressources de la haute mer, le plateau continental ; la troisième
conférence des Nations-Unies qui a abouti en 1982 à la signature de la
convention de Montego Bay, entrée en vigueur en 1994 et qui repose sur trois
grands principes : l’affirmation des droits souverains des États riverains sur leur
zone économique exclusive, le régime de la liberté dans la haute mer sous
réserve d’un pouvoir de juridiction des États sur les navires placés sous leur
pavillon ; la protection et la préservation des milieux marins.
Si cette convention a marqué en soi un début de prise de conscience de la
nécessité « d’une gouvernance » de la haute mer, l’ensemble dense et complexe
de textes et d’instruments qui l’a, pour son application, complétée, n’a toutefois
pas permis, faute de mécanismes de contraintes, l’émergence d’une réelle
ébauche de gouvernance efficace des mers et océans. Partant de cette
convention, ce sont en effet, « deux édifices juridiques séparés » qui coexistent,
pour reprendre l’expression de M. Lucien Chabason, directeur délégué de
l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui,
devant la section des relations extérieures, a déploré non seulement la
persistance d’un cloisonnement artificiel entre la réglementation des
opérations de pêche et la protection de la biodiversité, mais également
l’extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer,
propice à l’expansion de la pêche illégale.
D’un côté, la régulation des pêches se fonde sur deux types d’outils :
des textes comme l’accord de 1993 visant à favoriser le respect par les navires
de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion
ou encore l’accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs
et, par ailleurs, des Organisations régionales de gestion des pêches (ORGP)
qui progressivement recouvrent toutes les mers du monde. Contrepartie du
principe de liberté de pêche dans la haute mer, la convention de 1982 édicte, en
effet, l’obligation, pour les États côtiers et les États de pêche opérant dans
l’espace couvert par une ORGP, de coopérer aux fins de s’assurer de la durabilité
des ressources halieutiques. Si leur intervention était initialement limitée à la
formulation d’avis en matière de gestion et de conservation des stocks, elle
s’étend désormais à la gestion et la réglementation du secteur : fixation de
quotas de pêche, contingent de navires autorisés, zones et périodes ouvertes à la
15
pêche, édiction dans le cadre de la lutte contre la pêche illégale de mesures
d’interdiction des importations de produits de la pêche en provenance de pays
qui ne respecteraient pas les mesures de protection des espèces prises par les
ORGP, réalisation d’études d’impact sur l’état des stocks... Dans son dernier
rapport, la FAO note cependant la faible efficacité des ORGP qu’elle attribue à
un mode de fonctionnement reposant d’abord sur la recherche du consensus, à la
défense des intérêts nationaux, à des investissements insuffisants en appui de la
gestion et dans la recherche, à une lenteur dans les prises de décisions....
De l’autre, la protection de la biodiversité qui relève de tout un
ensemble de conventions et d’accords destinés à encadrer, à sauvegarder ou
à prohiber la capture et le commerce d’espèces menacées : Convention sur le
commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées
d’extinction (CITES), Convention sur la conservation des espèces migratrices
appartenant à la faune sauvage (CMS), conventions régionales au nombre de
17 animées par le Programme des Nations-Unies sur l’environnement (PNUE) et
déclinées en protocoles spécifiques applicables à certaines parties de l’espace
marin - Méditerranée, Caraïbes, Atlantique Nord-Est...-.
Et, ce maquis réglementaire s’épaissit et se complexifie encore avec de
multiples initiatives internationales plaidant certes pour une gestion durable de la
ressource, mais qui ne laissent guère entrevoir, à ce jour, l’esquisse d’une
approche globalisante. La liste ne saurait être exhaustive. Outre le Code de
conduite pour une pêche responsable adopté par la Conférence de la FAO, en
novembre 1995, on se bornera à mentionner le plan international d’action de la
FAO contre la pêche illégale de 2001, les objectifs du Sommet mondial pour le
développement durable de 2002, dont celui de ramener, d’ici 2015, l’exploitation
des stocks halieutiques à un niveau compatible avec une « production maximale
équilibrée »...
B - LES ACCORDS DE PARTENARIAT, COMPOSANTE MAJEURE DE LA POLITIQUE
EXTÉRIEURE DE LA PÊCHE
1. L’évolution des accords vers une logique de développement durable
1.1. Les premiers accords de pêche
L’évolution du droit international maritime, en étendant la souveraineté des
États côtiers à une zone économique exclusive de 200 milles, a contraint les pays
européens à conclure, afin de conserver un accès à des eaux jusque là libres
d’accès, des accords avec ces États. Les premiers accords de coopération dans le
domaine de la pêche ont ainsi été signés, en 1980, avec le Sénégal et la
Guinée-Bissau puis se sont étendus les années suivantes, à d’autres États côtiers
d’Afrique de l’Ouest, de l’océan Indien et de l’océan Pacifique. L’économie
générale de ces accords se fonde sur deux principes : l’octroi d’autorisations
aux entreprises de pêche de l’Union européenne d’opérer dans les ZEE des
États signataires, dans le but d’y exploiter les seules ressources halieutiques
16
excédentaires « dans des conditions de durabilité éprouvées » comme l’a
exposé M. Philippe Mauguin, précédemment cité ; et le paiement, en
contrepartie, de compensations financières au prorata des tonnages réalisés
par la Communauté européenne ainsi que de droits de licence par les
armateurs. En permettant le maintien d’une flotte communautaire au delà des
eaux européennes, ils avaient avant tout vocation à garantir l’approvisionnement
du marché communautaire - structurellement déficitaire - et aussi de concourir au
maintien d’un secteur économiquement et socialement essentiel pour un certain
nombre de régions européennes fortement dépendantes de ces activités.
À l’aune de ces considérations et d’une raréfaction croissante de la
ressource halieutique, ces accords de pêche ne vont cependant cesser, au fil du
temps, de gagner de l’importance et leur durée initialement brève - le plus
souvent deux ans - a été rapidement portée à 5 ans en moyenne dans le milieu
des années 1990. Dès 1990, on dénombrait environ 800 navires européens
pêchant dans les eaux des pays en développement, assurant
l’approvisionnement de près de 25 % du marché communautaire. En 1997,
la contrepartie versée par la Communauté européenne dépassait les 295 millions
d’euros.
1.2. Le tournant de la réforme de la politique commune de la pêche
Annoncée par le Livre vert sur l’avenir de la politique commune de la
pêche du 20 mars 2001, l’année 2002 marquera une étape importante avec le
remplacement progressif, à l’occasion du renouvellement de leurs protocoles
pluriannuels, des accords de coopération par des accords de partenariat
dans le secteur de la pêche. Quinze protocoles d’accords de ce type sont
actuellement en vigueur, dont les plus importants - en termes de poids financiers
et de quotas de pêche -, concernent la Mauritanie pour la période 2008-2012
(80 millions d’euros par an), le Maroc pour 2007-2011 (36,1 millions d’euros par
an), la Guinée-Bissau pour 2007-2011 (7 millions d’euros par an) et les
Seychelles pour 2005-2011 (5,35 millions d’euros par an).
Au delà de ce nouvel intitulé, le passage aux APP traduit un changement
d’approche dans la conduite du volet extérieur de la PCP. C’est d’abord
l’objectif d’une gestion plus responsable de la ressource qui est affiché. Le
Livre vert de 2001 l’annonçait sans détours : « Dans les pays où il apparaît
nécessaire de réduire la capacité de la flotte, il est inconcevable de solliciter un
accroissement des possibilités de pêche au profit des navires européens [...] ». Il
s’agit pour l’Union européenne de tirer les conséquences de ses engagements
internationaux sur le développement durable et la protection des stocks
halieutiques.
Tandis que, jusqu’en 2002, le nombre de navires communautaires en
opération augmentait, la réforme de la PCP a entraîné une contraction de la
taille de la flotte européenne, aussi bien dans les eaux communautaires qu’à
l’extérieur. Conséquence de cette réduction des capacités de pêche, la
contrepartie financière globale versée annuellement par l’UE et les
17
armateurs a diminué. Alors qu’elle s’élevait encore à 270 millions d’euros en
2000, elle ne dépasse pas aujourd’hui 160,5 millions d’euros dont 150 millions
d’euros à destination de l’Afrique de l’Ouest. Il n’en reste pas moins qu’elle est
d’un apport essentiel à des États confrontés à des difficultés budgétaires
chroniques. Il faut d’ailleurs noter que plusieurs pays souhaiteraient vendre
davantage de droits de pêche que ce que l’UE est prête à acheter, soit parce que
l’état de la ressource ne le permet pas, soit parce qu’il n’y a pas d’armateurs
réellement intéressés pour des raisons de rentabilité de ces pêcheries.
Concrètement, le principe, posé dès les premiers accords, d’une pêche
communautaire autorisée et limitée aux seules ressources inexploitées par
l’État côtier - le « stock excédentaire » -, est réaffirmé. Et, pour une meilleure
gestion de la ressource - à l’exception des accords « mixtes » conclus avec le
Maroc, la Mauritanie et la Guinée-Bissau qui couvrent plusieurs espèces -, la
majorité des protocoles en vigueur, établis selon un « accord type » négocié par
la Commission européenne avec les États membres concernés et les armateurs,
sont désormais circonscrits aux seuls stocks de thonidés. Cet accord type
comporte une augmentation de la part de redevance payée par les armements (de
25 à 35 euros la tonne) et un certain nombre de mesures liées à l’embarquement
de marins issus des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), d’observateurs ou
d’équipements de suivi satellitaire (VMS) des navires autorisés.
Quant aux modalités de définition des quotas de pêche accordés à la
flotte communautaire - et l’évaluation de leur contrepartie financière - et de
calcul des redevances payées par les armateurs, elles ont été également revues.
Fondées sur des études de marché et sur la valeur réelle des captures de
différentes espèces, elles se veulent plus équilibrées.
Le second point saillant de ces accords est la revalorisation des
notions de partenariat et d’aide au développement, avec à la clé une révision
des modes de gestion des compensations financières. Cette évolution était
annoncée, dès novembre 2000, par la communication Pêcheries et réduction de
la pauvreté qui concluait, au terme d’une analyse de l’utilisation sur place de
sommes, qu’elle « n’avait pas contribué à un développement de l’activité de
pêche locale en proportion avec les montants alloués ».
Aux actions ciblées pré-affectées qui figuraient dans la précédente
génération d’accords, c’est donc une gestion plus « souveraine » qui prévaut,
suivant une matrice d’appui à la politique sectorielle de la pêche des pays tiers
signataires, définie conjointement avec l’UE et qui recouvre une part variable de
la contrepartie financière. Ce sont dorénavant sur des obligations de résultats,
et non plus de moyens, que les deux parties doivent s’accorder. L’accord
signé avec la Guinée-Bissau, pour les années 2007-2011, réserve 39 % de la
contrepartie, soit 2 950 000 euros, au secteur de la pêche de ce pays. Pour la
Guinée, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, les accords posent le principe d’une
utilisation de l’intégralité de la contribution financière annuelle de l’UE à cette
seule finalité. En moyenne, pour l’ensemble des APP actuellement en
18
vigueur, entre 20 % et 25 % de la contrepartie sont conventionnellement
affectés au soutien à la politique sectorielle de la pêche. En outre, certains
accords prévoient plus spécifiquement des provisions pour la surveillance des
côtes ainsi que pour le suivi et le contrôle des activités de pêche. Enfin, chaque
accord institue une commission mixte qui est chargée du contrôle de son
exécution, voire de son interprétation.
2. Une renégociation complexe des accords
En premier lieu, force est de constater que les pourparlers qui se sont
engagés ou qui vont se tenir jusqu’en 2013, en vue de la renégociation des
accords Union européenne/pays africains, s’inscrivent dans un climat
politiquement et économiquement délicat.
Déjà en 2001, le Maroc avait refusé de reconduire la convention qui le liait
à l’UE avant d’accepter finalement de signer un APP dans des conditions
renouvelées et en excluant plusieurs espèces de son champ d’application. De
même, les discussions sur la reconduction du protocole conclu avec le Sénégal
patinent depuis 2006. Et, l’entrée en vigueur de l’accord renégocié avec la
Guinée-Conakry, a été suspendue suite au massacre d’opposants politiques.
De façon plus générale, et face à la raréfaction des richesses de la mer, les
revendications formulées par chacune des parties se font plus pressantes : les
pays africains souhaitent se doter de leurs propres filières de produits de la mer
et n’hésitent pas à mettre en concurrence l’Union européenne avec des
opérateurs - en particulier chinois, coréens...- avec lesquels ils concluent des
accords privés de pêche lointaine. Parallèlement et afin de tisser un « maillage
d’accords » suffisant pour assurer une continuité maritime et ainsi permettre aux
flottilles de pêche thonière européennes de mener des activités de capture des
thonidés d’une ZEE limitrophe à une autre sans discontinuité, les professionnels
européens de la pêche exercent aussi de très fortes pressions auprès de la
Commission pour l’ouverture de négociations avec d’autres pays : Libéria,
Sierra Leone, Ghana, Guinée équatoriale...
En second lieu et en arrière plan, se profile, à l’horizon 2013, l’entrée en
application de la prochaine réforme de la politique commune de la pêche qui,
bien évidemment, concernera également son volet externe.
Dans son Livre vert publié le 22 avril 2009, la Commission dresse un bilan
sans concession de la PCP et suggère une réforme « globale et en profondeur »
pour « venir à bout des raisons profondes qui sont à l’origine du cercle vicieux
dans lequel la pêche européenne est emprisonnée depuis plusieurs années » :
surexploitation des stocks, surcapacité des flottes, fortes subventions...
Et, si le Livre vert reconnaît une contribution positive des accords de
partenariat à la gouvernance des pêches dans les eaux des pays en
développement, le jugement n’en reste pas moins mitigé s’agissant de leur
impact sur la réduction de la pauvreté.
19
En tout état de cause, il insiste pour que la réforme, qui vient de faire
l’objet d’une ample consultation publique et qui sera adoptée selon la procédure
de la codécision, veille à la cohérence entre sa composante extérieure et les
politiques de l’Union en matière de développement et d’environnement : « Il est
dès lors crucial de revoir et de redéfinir les objectifs de ce volet extérieur afin
qu’ils répondent aux besoins du XXIè siècle ».
Enfin, il convient de tenir compte de la seconde révision quinquennale
en cours de l’accord de Cotonou dont certaines des dispositions sont destinées
au financement, via le Fonds européen de développement, d’initiatives dans le
secteur de la pêche, et des épineuses discussions qui se déroulent actuellement
autour des APE. Appelés à se substituer au système de préférences
commerciales non réciproques arrivé à expiration le 31 décembre 2007 et
qui accordait à la production des pays ACP un accès préférentiel au marché
européen, ces discussions organisées en Afrique au niveau de quatre grands
ensembles régionaux, Afrique australe, Afrique de l’Est, CEDEAO
(Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et CEMAC
(Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), progressent
difficilement compte tenu des réticences et des inquiétudes que suscite en
particulier dans les pays africains la perspective d’une plus grande ouverture de
leurs marchés.
L’exonération de droits de douane a effectivement contribué au
développement dans plusieurs États africains d’une industrie fortement
exportatrice vers l’Europe de produits transformés, en particulier de thon.
Finalement, les pays ACP craignent, en devant abaisser leurs propres droits de
douanes à l’importation, une diminution significative de leurs ressources fiscales
et une déstabilisation de leurs économies déjà fragiles. À ce stade, très peu
d’accords complets ont été signés mais un certain nombre d’APE intérimaires
sont entrés en vigueur. Ils prévoient un libre accès au marché européen de la
production des pays signataires tout en accordant à ces derniers le bénéfice d’une
période de transition avant l’ouverture de leur propre marché.
Reste que ces négociations, qui visent à mettre en conformité, avec les
règles de l’OMC, les relations commerciales entre l’Union européenne et les
pays africains, vont entraîner une reconfiguration complète du dispositif
juridique régissant le commerce entre l’Afrique et l’UE. À ce stade, il n’est
pas encore possible d’en mesurer finement les conséquences précises sur le
secteur de la pêche en Afrique. C’est assurément une ère nouvelle mais aussi
plus difficile qui s’ouvre, d’autant que les négociations en cours au sein de
l’OMC aboutiront nécessairement à une érosion progressive des avantages
comparatifs dont bénéficient les exportations des pays ACP vers l’Europe.
Les pays concurrents, en particulier d’Asie, tirent déjà profit de la diminution
progressive des droits de douane à l’entrée sur le territoire de l’UE. Sous la
pression internationale, l’Union a, en effet, été amenée à faciliter l’accès des
produits asiatiques à son marché, en accroissant leurs contingents d’importation
20
à droits réduits. Et il en va de même pour les pays d’Amérique latine, grâce au
régime de préférences généralisées (SPG+).
II - REPENSER LES ACCORDS
A - RÉAFFIRMER L’INTÉRÊT DES ACCORDS DE PARTENARIAT POUR LES DEUX
PARTIES
Face à l’accroissement du nombre d’accords de pêche privés, signés
directement entre les pays africains et des armateurs et quelles que soient leurs
insuffisances et leurs limites, les APP ont le mérite d’exister et de constituer
une forme d’organisation et de régulation, aussi perfectible soit elle, des
activités de pêche. Parce qu’ils sont fondés sur une approche intégrée de
codéveloppement et de versement de compensations financières destinées à
l’appui des filières locales de production, ils doivent voir leur place confirmée
et même consolidée dans le cadre de la réforme de la PCP. En effet, un retrait
de l’Union européenne se traduirait aussitôt, sous la pression des armements à
dimension industrielle d’Asie, voire d’Amérique du Sud, par une multiplication
des conventions privées peu soucieuses d’encadrement des conditions de travail,
de protection sociale et de sauvegarde de la ressource. Comme le faisait
remarquer le directeur des pêches maritimes et de l’aquaculture, les accords
Union européenne/Afrique comportent des dispositions sur le recrutement local
de marins dans les équipages des navires essentiellement français et espagnols, la
formation, et l’implantation d’activités de transformation en aval. À ce propos il
ajoutait : « Ce sont des accords assez équilibrés. Il peuvent certainement être
améliorés, rediscutés sur des bases financières nouvelles, mais c’est
probablement plus sérieux que ce que pourraient faire certains intérêts privés
taïwanais, malais ou chinois si l’Union européenne disparaissait de ces zones ».
Dans une même logique, ce retrait serait aussi très rapidement comblé
par une élévation du nombre de navires européens passant sous pavillon de
complaisance et qui échapperaient ainsi au registre communautaire des
pêches. Par ailleurs, la conséquence de ce mouvement porterait indéniablement
préjudice au rôle et à l’influence que l’Union européenne est susceptible de tenir
sur les questions internationales relatives aux mers et océans. Et ce, alors qu’il
est impératif, à une étape charnière de sa construction, que l’Union
européenne s’affirme plus fortement et plus clairement sur la scène
mondiale.
Sous réserve d’un recadrage de ces accords, les États africains, malgré des
négociations plus âpres, sont demandeurs. Comme le souligne le directeur des
pêches maritimes et de l’aquaculture, outre l’apport des contributions financières
aux budgets des États, « le secteur local de la pêche est parfaitement conscient
du rôle structurant de ces accords pour la pêche artisanale locale et pour le
secteur de la transformation ». Les organisations professionnelles de la pêche
artisanale d’Afrique de l’Ouest se situent dans le même sillage en témoignant
21
d’une volonté similaire dans la déclaration de Nouakchott qu’elles ont adoptée le
11 novembre 2009. Pour ce qui les concerne, elles insistent particulièrement, sur
la nécessité d’une part d’inscrire les actions futures dans une perspective de
pêche durable et structurante pour les pêcheries locales, d’autre part de donner
plus d’assise au volet « Aide au développement » de ces accords.
On ne peut davantage éluder, point important pour l’Union européenne,
l’intérêt économique et stratégique d’un accès aux eaux des pays tiers et en
particulier de l’Afrique occidentale pour la garantie de ses approvisionnements.
Le tissu des entreprises européennes qui vivent de ces activités de pêche reste
dense et il est évident que dans un contexte d’extrême concurrence, la fragilité
économique et sociale de ce secteur d’activités ne pourrait, au sein de grands
pays européens de pêche, que s’en trouver accentuée.
En tout état de cause, c’est avec vigueur et conviction que le CESE
affirme la nécessité de renégocier les accords en veillant à garantir les
intérêts des populations concernées. Il souhaite toutefois faire remarquer qu’au
delà de l’introduction de dispositions plus favorables à la promotion d’une pêche
responsable, ils ne pourront, dans les faits, porter leurs fruits si les États et plus
généralement la communauté internationale ne se mobilisent pas de façon
décisive en faveur de la préservation des richesses des mers.
B - PRÉSERVER LA RESSOURCE
Au fil des ans, sous l’impulsion des mouvements environnementalistes et
d’experts internationaux, se sont multipliés les appels et manifestes en faveur de
la protection des mers et océans qui, rappelons-le, occupent les deux tiers de la
surface de la planète. En dépit d’une prise de conscience de la communauté
internationale et des sociétés civiles, celle-ci reste encore trop diffuse et
l’appauvrissement des océans ne cesse de s’aggraver et ce, d’après tous les
constats effectués, plus rapidement que les écosystèmes terrestres.
Il est donc urgent d’agir et pour le CESE, les négociations en cours ou en
voie de l’être en vue de la conclusion de nouveaux accords sont une opportunité
à saisir pour corriger les faiblesses des dispositions actuelles en ce qui concerne
précisément les actions d’évaluation scientifique, de contrôle, de suivi et de
surveillance des ressources halieutiques. Pour l’Union européenne, ces
pourparlers doivent, par ailleurs, être mis à profit pour convaincre les autres
gouvernements sur l’échiquier mondial de la nécessité d’avancer sur le chantier
d’une gouvernance maritime.
1. Mettre l’accent sur l’évaluation scientifique de la ressource
Aux termes de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, les
pays côtiers ont compétence pour la gestion des ressources situées dans leur
espace maritime : à chacun de déterminer le potentiel d’exploitation de sa ZEE et
dans l’hypothèse de surplus, d’octroyer des contingents de pêche à des États
tiers. Dans le cadre des APP, l’exercice est éminemment sensible puisque de
22
l’identification d’un surplus, dépendent et les volumes de pêche ouverts aux
navires communautaires et le niveau des contreparties financières servies aux
pays parties prenantes.
Or, il faut bien le constater et, le CESE le déplore, que faute d’appréciation
préalable et fiable de l’état de la ressource, les discussions entre l’Union
européenne et les États côtiers s’engagent à l’heure actuelle sur la base de
données trop souvent obsolètes ou parcellaires sur les stocks mais aussi sur les
prises accessoires, les rejets, les déchets... Sans compter que les modes de calcul
des droits de pêche en tonneaux de jauge brute ou en nombre de navires, selon
les espèces, peuvent prêter à confusion et aboutir à de possibles minorations des
prises effectuées et au delà, influer en faveur de la délivrance de droits de pêche
supérieurs à ce que ce qu’une gestion responsable de la ressource imposerait.
Dans l’esprit de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer qui
dispose en son article 62 que la gestion de la ressource et l’évaluation des
excédents disponibles doivent reposer sur des conseils scientifiques et techniques
sûrs, la dimension « recherche, connaissance et coopération scientifique » est
à placer au cœur même des discussions autour du renouvellement des APP.
En effet, seules la recherche et la connaissance scientifique peuvent
apporter, comme le recommande la FAO dans le code de conduite pour une
pêche responsable, l’information et l’expertise nécessaires à l’estimation et au
suivi des stocks ainsi qu’à une juste appréciation des effets des modifications des
écosystèmes. Leur contribution est à cet égard essentielle pour déceler
d’éventuelles situations de surexploitation et identifier les mesures susceptibles
d’y remédier.
Reste que les pays africains tiers ne disposent ni des capacités financières,
ni des compétences humaines pour s’engager en ce sens dans des conditions qui
répondent aux normes scientifiques internationalement reconnues. Et, au regard
des coûts très élevés de la collecte des données, de leur exploitation, de leur
publication et de leur diffusion au sein de la communauté des chercheurs et
auprès des décideurs et des instances internationales, les sommes affectées, dans
le cadre des compensations financières, à ces objectifs, apparaissent dérisoires.
Notre assemblée ne peut donc qu’insister sur la nécessité de déplacer le
curseur afin de reconnaître un caractère de priorité à la recherche, en
misant sur l’institution ou la consolidation, en la matière, des partenariats
scientifiques UE/Afrique. Dans ce but, il est important que les instituts
scientifiques français impliqués, l’Institut de recherche pour le
développement (IRD) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation
de la mer (IFREMER), dont l’expertise est internationalement reconnue,
soient dotés de moyens suffisants pour être en mesure de pérenniser leurs
actions de coopération.
23
Un certain nombre d’initiatives positives - dans des budgets, il faut le
souligner, extrêmement contraints - ont été conduites dans le passé ou sont en
cours de réalisation. On se bornera à évoquer quelques expériences qui peuvent
constituer d’utiles références et qui devront être facilitées par l’introduction
de dispositifs plus incitatifs dans la nouvelle génération d’APP. Tel est le cas
de l’opération conduite en Mauritanie, avec l’appui financier et technique de
l’Allemagne et qui a consisté en la mise en place de processus de circulation en
flux continu d’informations statistiques destinés à évaluer l’impact des captures
sur les stocks de poissons. De même, les actions de coopération menées entre
l’IRD très présent en Afrique de l’Ouest et certains instituts en Afrique à l’instar
de l’Institut mauritanien de recherches océanographiques et des pêches (IMROP)
s’inscrivent dans le même sillage. Le centre de recherche océanographique de
Dakar Thiaoye, par les projets utiles qu’il avait engagés à la croisée des sciences
sociales, humaines, environnementales et juridiques, était également exemplaire
dans sa démarche mais on regrettera qu’il ait vu disparaître 90 % de son budget
de fonctionnement à l’expiration de l’accord de pêche avec le Sénégal.
Au travers des prochains protocoles d’accord, il est impératif de tendre vers
une multiplication de ce type de démarches afin de créer de solides réseaux
associant de part et d’autre centres de recherche, universités, chercheurs et
experts indépendants aptes à monter des programmes structurés axés sur la
collecte et l’agrégation des informations, la formulation de diagnostics sur la
conservation et l’aménagement des pêches ainsi que sur la diffusion des analyses
vers les autorités compétentes. À ce sujet, le CESE sera particulièrement attentif
à ce que les négociations en cours sur le volet « recherche » prennent pleinement
en compte l’objectif d’une valorisation des communautés scientifiques du Sud en
faisant explicitement référence à l’objectif d’un développement sur le moyen
terme d’une expertise scientifique de qualité.
En tout état de cause, s’il est primordial de connaître l’évolution de la
ressource, il est tout aussi nécessaire d’être en mesure de tirer les conséquences
d’une réduction des stocks en réévaluant le niveau des pêches autorisées. Rien
n’est immuable dans les océans : les facteurs qui ont une influence sur l’état de la
ressource sont nombreux et leur poids respectif reste difficilement identifiable.
Les décisions relatives aux autorisations de pêche doivent pouvoir être
réexaminées à intervalles réguliers et leur mise en œuvre adaptée en
conséquence. Dans ce contexte, les évaluations ex-ante et ex-post réalisées dans
le cadre des accords apparaissent insuffisantes et, sans prôner des révisions trop
fréquentes des quotas, notre assemblée estime que des mécanismes
d’ajustement à la situation de la ressource devraient être mis en place et
activés sur la base d’un constat scientifique solide et régulièrement actualisé.
À cette fin, il conviendrait que les comités scientifiques conjoints, institués par
les APP, trouvent pleinement leur place dans les dispositifs d’exécution et
d’évaluation des accords. Ils ont, en effet, vocation à identifier et à traiter de
toute question scientifique susceptible d’améliorer la connaissance de l’état
des ressources et l’évolution des écosystèmes.
24
2. Investir davantage dans la surveillance des pêches et le contrôle des
captures
La promotion d’une pêche responsable requiert une appréciation aussi
fine que possible de l’état des richesses des mers et océans et une recherche
bien conduite doit y contribuer. Ce ne serait cependant être en soi suffisant
si dans le même temps, des mesures rigoureuses portant sur la surveillance
des eaux et le contrôle des prises ne sont pas arrêtées.
Or, force est de constater que, dans la pratique, les APP, dont les plus
récents comportent des dispositions relatives à la surveillance des navires par
satellite, ne sont pas réellement opérationnels et ce, sur plusieurs plans.
En premier lieu, si les accords avec l’UE ont permis la mise en place de
services de contrôle et de surveillance, la formation d’inspecteurs ou l’achat de
matériels dans plusieurs pays africains, il n’en reste par moins encore très
démunis pour déployer des moyens d’appui et procéder en direct à des contrôles
des prises au débarquement. Ainsi, un État comme la Guinée-Bissau ne possède
ni avion, ni radar et détient en tout et pour tout trois navires - le plus souvent
bloqués à quai, le gazole étant trop cher - pour l’observation de l’intégralité de
l’espace placé sous sa juridiction et la poursuite des navires en infraction.
Parce que les États côtiers sont en premier ligne pour la surveillance, le
CESE plaide pour un renforcement notoire de ce chapitre au sein des
accords à venir avec des investissements revus très nettement à la hausse en
ce qui concerne l’amélioration de la gestion administrative et du contrôle
des pêches, ainsi que la formation et l’élévation des qualifications des
personnels administratifs et techniques qui en ont la charge. Ce dernier point
revêt toute son importance au regard de la place qu’occupent et qu’occuperont de
plus en plus les technologies modernes dans la surveillance des pêches. Le
CESE insiste également sur l’impérieuse nécessité qui s’attache à
l’introduction de plus de transparence et de rigueur dans l’utilisation des
contreparties financières mobilisées à cette fin.
En second lieu, les accords prévoient la présence d’observateurs de pays
tiers sur les navires. Mais là aussi, les dispositifs se révèlent peu opérants. Le
CESE est conscient de la complexité de la question mais il lui semble
souhaitable que ce dossier soit, dans un esprit d’ouverture, repris à la table des
présentes discussions dans le but d’aller vers une harmonisation, entre accords,
des normes relatives aux conditions d’embarquement : principe de
l’obligation de la présence d’observateurs, modalités de la gestion de leur
rémunération par l’éventuelle institution d’un fonds spécifique, qualifications
requises...
Enfin, et plus particulièrement dans les cas des accords mixtes, les
prescriptions des APP portant sur l’obligation de déclaration des captures ne sont
pas plus appliquées avec rigueur que les sanctions à l’encontre des navires qui ne
délivrent pas d’informations sur leurs opérations. Au demeurant, on voit mal
comment il pourrait en être autrement dans des États aux administrations et aux
25
systèmes judiciaires défaillants. En tout état de cause, les conditions dans
lesquelles les produits sont débarqués - souvent directement dans les ports
européens -, l’absence de données sur les rejets et les prises accessoires, et de
façon plus technique, l’intrication et la faible visibilité des critères et unités de
mesures utilisés mettent les États africains dans l’impossibilité pratique d’évaluer
la ponction réelle sur les stocks et de corriger les sous-estimations trop
systématiquement inscrites aux registres de déclarations des captures. Le CESE
retient comme un pas positif le règlement adopté en 2008 qui dessine un
cadre pour la collecte, la gestion et l’utilisation des données dans le secteur
de la pêche et qui prévoit progressivement le passage d’une gestion
« comptable » des stocks et des flottes à une approche plus qualitative.
Concernant les navires opérant hors des eaux communautaires, cette nouvelle
réglementation pourrait à terme participer d’une meilleure appréciation des
volumes des captures et à tout le moins d’une réduction des sous-déclarations. Le
CESE se félicite également de l’entrée en vigueur le 1er janvier dernier, du
règlement en date du 29 septembre 2008 de lutte contre la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée qui devrait concourir, par un ensemble de mesures
plus strictes à un meilleur ciblage de l’origine des stocks commercialisés. Ce
nouveau cadre réglementaire, qui comporte un règlement plus spécifique
sur les autorisations de pêche dans les eaux extracommunautaires, introduit
notamment un système global de certification des captures complété d’un
mécanisme d’identification des navires engagés dans des opérations illégales
plus performant ainsi qu’un dispositif d’inspections et de sanctions
renforcé. L’entrée en vigueur d’une réglementation communautaire imposant
progressivement l’emport de journaux de pêche électroniques à bord des navires
européens s’inscrit elle aussi dans la même logique. Elle permettra de sécuriser
et d’accélérer la communication des données de captures.
Cependant, dans un contexte de pénurie et de menace sur la viabilité des
écosystèmes, il ne saurait y avoir de pêche durable et plus responsable sans
que chacune des deux parties, au delà de déclarations de bonnes intentions
et de textes négociés pied à pied, ne s’engage de façon volontariste et
coopérative dans une démarche réciproque de plus grande transparence.
L’Union européenne doit pour sa part être attentive à faciliter l’échange des
informations en sa possession et en assurer la diffusion auprès de ses partenaires.
Quant aux pays ACP, ils doivent, malgré les difficultés auxquelles ils sont
confrontés, faire montre de plus de détermination dans les déclarations de stocks
capturés par les pêcheries locales. Selon certaines études, il semblerait que des
sous-estimations de captures soient effectuées pour justifier de l’octroi d’un
nombre plus élevé de permis de pêche d’espèces à haute valeur ajoutée.
26
3. Ébaucher une gouvernance mondiale des mers et océans
Patrimoine commun de l’humanité, les enjeux de la protection des mers et
océans sont globaux et se posent à l’échelle de la planète tout entière. Les océans
ne connaissent pas de frontières et les écosystèmes interagissent les uns sur les
autres. Et si les efforts entrepris par l’Union européenne en faveur d’une
régulation de ses activités sont, à l’évidence, perfectibles, l’impact des accords
de pêche UE/Afrique restera intrinsèquement limité s’ils ne s’adossent pas à
des mesures plus globales prises à l’échelle internationale. Or, à ce jour, il est
vrai qu’il n’existe ni mécanisme de régulation de portée générale, ni d’institution
internationale à compétence générale mais un éparpillement de textes et d’outils
de gestion qui, faute d’articulation, vont à l’encontre de toute notion de
développement durable.
Dans le droit fil de ses préconisations antérieures en faveur d’une action
globale et cohérente dans le domaine de l’environnement, le CESE rappelle son
attachement à une approche environnementale intégrant les dimensions
économique, sociale et écologique. Face au caractère partiel et à la relative
inefficacité de mesures prises jusqu’à présent indépendamment les unes des
autres - interdiction de certaines pratiques de pêche, quotas, réglementation de la
commercialisation de certaines espèces, délimitation d’aires marines... -, le
CESE fait sien le concept d’approche écosystémique de la pêche. D’une part,
il a l’avantage de s’inscrire, au regard de l’actuel entrelacs réglementaire et
institutionnel, dans une vision globale des milieux marins en cherchant à
conjuguer conservation des écosystèmes et gestion des activités humaines en
mer. D’autre part, il devrait reposer sur des modes de concertation et
d’association aux délibérations élargis à un plus grand nombre d’acteurs
participant ou non directement à l’exploitation des écosystèmes marins.
L’approche écosystémique conforte, par ailleurs, le CESE dans sa
conviction qu’il a, à maintes reprises, exprimée de la nécessité de la création
d’une organisation internationale de l’environnement. En effet, le domaine
de l’environnement dans toutes ses composantes ne saurait s’accommoder plus
longtemps d’une dispersion de l’action entre l’actuel PNUE et les multiples
accords multilatéraux existants. De plus, la mise en place d’une telle institution
permettrait, face en particulier à l’OMC, une meilleure prise en considération de
la dimension environnementale et in fine, un rééquilibrage entre normes
commerciales, sociales et environnementales.
En tout état de cause, l’Union européenne et, en son sein, la France, qui
dispose d’une influence considérable grâce à ses régions ultrapériphériques,
doivent faire entendre leur voix dans les enceintes régionales et
multilatérales où se nouent les débats pour une gouvernance des mers et des
océans. Les défis sont majeurs et les oppositions que révèlent les discussions
témoignent de clivages marqués entre États sur nombre de questions au cœur
même de l’organisation d’une ébauche de gouvernance maritime. Pour le CESE,
27
il ne pourra toutefois y avoir d’avancée sensible sans un début de consensus
autour des problématiques de fond suivantes : la nature du modèle de
gouvernance à esquisser - global ou décliné à l’échelle d’ensembles régionaux - ;
l’introduction d’une régulation des activités humaines et la protection de la
biodiversité dans la haute mer ; l’encadrement des nouvelles activités appelées à
se développer à l’avenir : accès aux ressources génétiques de la haute mer,
captage du carbone dans les fonds marins...
Sur toutes ces problématiques, l’Union européenne a une expérience, des
arguments, des points de vue à faire valoir, à promouvoir, singulièrement à
l’ONU (Organisation des Nations-Unies) et à la FAO. En ce qui concerne les
eaux communautaires, elle a adopté, en faveur d’une politique de pêche tendant à
concilier composantes économique, sociale et écologique, tout un ensemble
d’instruments et de leviers d’action à l’instar du Fonds européen pour la pêche.
Et, sur la scène mondiale, l’Union européenne se montre très active sur les
thèmes précités. Elle a indéniablement une carte à jouer : il lui faut pousser
son avantage en particulier sur la mise en place de structures régionales de
gouvernance. Aussi incomplète soit-elle, la Convention de Barcelone adoptée en
1976 et complétée de protocoles, dont le dernier en avril 2004, témoigne d’un
réel engagement dans cette voie.
Compte tenu des enjeux et des intérêts en cause, la perspective d’un
rapprochement des institutions et des instruments relevant des champs de la
pêche et de la biodiversité demeure encore très éloignée. Réalisme et
pragmatisme doivent présider à l’action de l’Union européenne et c’est
pourquoi notre assemblée renouvelle à ce stade son attachement à la
construction ou à la consolidation de structures régionales. Le CESE
recommande d’inscrire les APP dans une stratégie de renforcement de la
coopération dans le secteur de la pêche, en s’appuyant sur les institutions et
instances existantes.
Tout d’abord, il est primordial de conforter l’assise des organisations
régionales de gestion des pêches, dans le cas présent de la Commission
internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT) et
de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI). Présentées par la FAO
comme « la pierre angulaire de la gouvernance internationale des pêches » ou
encore comme « les meilleurs instruments de gouvernance des pêches,
notamment pour ce qui est des stocks chevauchants et des stocks de poissons
grands migrateurs des ZEE et de la haute mer » par le Livre vert de la
Commission, il convient de poursuivre et d’accentuer le processus de
modernisation de leurs méthodes de fonctionnement et de leur gouvernance
ainsi que maintes instances n’ont eu de cesse de le demander : Comité des
pêches de la FAO, Comité des pêcheries de l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE), Conférence d’évaluation de l’accord des
Nations-Unies sur les stocks chevauchants, grandes Organisations non
gouvernementales (ONG) telles que Greenpeace, le Fonds mondial pour
l’environnement...
28
Pour le CESE, il s’agit de conférer à ces instances l’impulsion politique
et l’efficacité qui leur font actuellement défaut et ne les mettent en situation ni
de remplir les missions qui leur sont reconnues et qui sont appelées à prendre de
l’envergure, ni de se projeter, au delà de leurs limites, pour bâtir des réseaux de
coopération avec d’autres instances présentes dans la même zone géographique.
En mai 2009, à la suite de la réunion commune des ORGP de thonidés, un
ensemble de critères d’évaluation des performances de ces ORGP a été diffusé.
Notre assemblée demande donc à l’Union européenne, en synergie avec les États
européens membres de l’ICCAT et de la CTOI, de s’impliquer très fortement
pour faire en sorte, qu’à partir de cette grille, les recommandations et les
meilleures pratiques édictées en matière de bonne gouvernance se traduisent
par la mise en place de mécanismes de gestion plus performants au service
de l’accomplissement de leur mandat. En écho, elle fait siennes les priorités
arrêtées lors de la deuxième réunion conjointe des ORGP thonières, de juin
2009, à San Sebastián : gérer la capacité de pêche thonière au niveau mondial ;
harmoniser leurs pratiques et mutualiser leurs actions.
En second lieu, le CESE observe qu’au fil des ans, se sont créées de
nombreuses instances qui toutes affichent comme but la promotion de politiques
et de programmes orientés sur la préservation, la mise en valeur et l’exploitation
rationnelle des ressources halieutiques, sans que pour autant il ne soit apporté de
« correctif » à la trop grande segmentation des zones de pêche : conférence
ministérielle sur la coopération halieutique entre les États africains riverains de
l’océan Atlantique instituée par la convention de Dakar de 1991 et qui rassemble
la totalité des États riverains des côtes de l’Afrique de l’Ouest ; Comité des
pêches pour le golfe de Guinée Centre-Ouest, Commission sous-régionale des
pêches, Comité régional des pêches du golfe de Guinée...
Cette multiplicité de structures qui pourrait être perçue comme manquant
de lisibilité et de visibilité, doit au contraire être saisie comme une opportunité
par l’Union européenne pour inciter l’ICCAT et la CTOI à élargir les
champs de coopération possibles, avec certaines d’entre elles, sur des questions
d’intérêt interrégional : évaluation, suivi et contrôle des stocks, surveillance des
navires, systèmes de suivi des captures et du commerce, contrôles des
transbordements et des débarquements, en particulier des cargaisons illégales
largement impunis à ce jour. Pour être plus précis, cette ouverture mutuelle, que
souhaite encourager le CESE, doit favoriser l’éclosion de projets partenariaux
porteurs et réalisables à moyen terme. Dans le domaine de la surveillance, le plan
régional de surveillance des pêches créé dans le cadre de la Commission de
l’océan Indien et financé par l’UE est un exemple pertinent susceptible d’être
repris. De même, dans le champ de la recherche scientifique, il serait
particulièrement opportun, s’agissant des accords portant sur des grands
migrateurs ou des stocks partagés par les différents pays riverains, d’œuvrer à la
création de structures de coopération au niveau sous-régional dans le but de
mutualiser les moyens, d’harmoniser les pratiques et de mettre en cohérence des
méthodes d’évaluation avec ce qui est fait au niveau régional au sein des ORGP.
29
C - PLACER LES ACCORDS DE PÊCHE DANS UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT
1. Assurer la cohérence des accords de pêche avec la politique de
développement de l’UE
Déjà en 2000, la Commission, dans sa communication Pêcheries et
pauvreté, déclarait « la pêche fait partie de la politique de développement ». Et
le Conseil dans une résolution du 8 novembre 2001, s’engageait à veiller à
« tenir compte des objectifs de développement durable et de lutte contre la
pauvreté » dans « la mise en œuvre des interventions réalisées au titre de la
politique commune de la pêche qui sont susceptibles d’affecter les pays en
développement ».
Pourtant, presqu’une décennie plus tard, le bilan sur le terrain demeure
encore très en retrait par rapport aux intentions alors affichées et surtout
aux résultats enregistrés : surexploitation des stocks, déclin des industries
locales de la pêche, baisse des revenus des pêcheurs, aggravation de la
dépendance économique des pays d’Afrique à l’égard de l’Europe - tant pour
leurs exportations que pour leurs recettes publiques -, autosuffisance alimentaire
non garantie...
Avec l’achèvement du renouvellement des instances de l’Union
européenne, la revalorisation décisive des pouvoirs du Parlement européen et
l’imminence de la réforme de la PCP, le moment semble propice pour
négocier des accords plus équilibrés fondés sur une réévaluation du volet
« Aide au développement ». Compte tenu des contraintes et des intérêts propres
à chacune des deux parties, de l’amenuisement susmentionné des stocks et d’une
concurrence de plus en plus forte, on ne saurait certes éluder le caractère
particulièrement délicat de l’exercice. Mais, il en va de la crédibilité de l’Union
européenne vis-à-vis de ses partenaires africains et au delà sur la scène
internationale alors qu’elle prône une politique ambitieuse et cohérente en
matière d’aide au développement.
Il s’agit donc de conférer à ce volet la consistance qui lui fait actuellement
défaut en s’appuyant sur les grands axes de la communication de l’Union
européenne du 8 avril 2009 intitulée : Aider les pays en développement à
surmonter la crise et en plaçant au premier rang la réalisation des Objectifs du
millénaire pour le développement (OMD). En dépit des retards accumulés, le
CESE considère qu’ils n’ont rien perdu de leur actualité et de leur pertinence
comme cadre de référence pour progresser.
La pêche artisanale, qui tient une place centrale dans la vie économique et
sociale de nombreux PED, peut à l’évidence permettre d’avancer dans cette
direction. Indispensable à la sécurité alimentaire de plusieurs millions de
personnes, elle a une contribution à apporter non seulement à la réduction de
l’extrême pauvreté et de la faim - le 1er des OMD -, mais également à
l’amélioration de la santé maternelle, à la lutte contre la mortalité infantile, à
l’élévation des taux d’alphabétisation et de scolarisation, à l’égalité entre les
30
hommes et les femmes... Notre assemblée demande que, conformément à l’esprit
des engagements de l’Union européenne en faveur d’une pêche responsable et
durable, la sauvegarde et plus encore le développement de la pêche
artisanale relèvent de dispositions précises dans les APP eux-mêmes et, principe
de cohérence oblige, dans les documents de stratégie nationale pour la
réduction de la pauvreté. Mais, au delà du développement, c’est un meilleur
encadrement des conditions dans lesquelles s’exercent ces pêcheries artisanales
qui doit être visé : modernisation et mise aux normes des navires et matériels de
pêche et des infrastructures de débarquement pour une plus grande sécurité,
création de filières de commercialisation adaptées, formation professionnelle,
meilleure structuration des organisations de pêcheurs...
Reste que dans un contexte de mondialisation, l’indispensable
consolidation des activités de pêche artisanale ne saurait pour autant occulter la
nécessité de préparer le secteur halieutique africain à une meilleure
insertion dans les courants d’échanges internationaux. De ce point de vue,
notre assemblée note que la présence de l’industrie européenne n’a pas eu les
retombées positives que l’on aurait pu en attendre sur les économies locales
et en termes de créations d’emplois. Si des sociétés mixtes ont été constituées,
le CESE constate que leur contrôle échappe, dans une large mesure, aux pays
côtiers. Ce sont des partenariats plus à parité entre entreprises africaines et
européennes et plus structurés à partir d’objectifs convenus en commun
qu’il conviendrait de bâtir. Toutefois, ces alliances, tout comme des entreprises
purement locales en plus grand nombre, ne pourront s’ancrer dans le tissu
économique sans qu’au préalable, il ne soit remédié à deux handicaps majeurs :
le manque d’infrastructures et la faiblesse des compétences administratives
et techniques pour soutenir la concurrence et s’adapter aux normes sanitaires et
phytosanitaires ainsi qu’aux exigences actuelles et à venir de qualité, de
traçabilité et de labellisation des produits. Sur ces aspects, il est essentiel que les
négociateurs parviennent à définir des axes forts en matière d’assistance
technique, de formation et d’investissements au profit de l’édification
d’infrastructures modernes de débarquement, de conditionnement et de
transformation.
Mais, au delà, c’est à une démarche de cohérence d’ensemble et de
complémentarité entre politiques menées en direction des pays en voie de
développement qu’il convient de s’atteler. Les actuelles discussions autour de
la conclusion d’une part de nouveaux accords dits Accords de partenariat
économique (APE), d’autre part du cycle de Doha pour le développement sont
au cœur de cette problématique d’une meilleure articulation entre notamment
politique de développement et politique commerciale.
Sur ces sujets, le CESE ne peut que réitérer l’inquiétude qu’il avait
exprimée dans son avis Construire l’avenir par une France plus forte et plus
solidaire adopté en plénière le 10 février 2010, quant au blocage des
négociations sur les APE. Alors que ces accords étaient censés favoriser
l’intégration régionale et à travers elle, l’intégration dans l’économie mondiale
31
des pays de l’Afrique subsaharienne, priorité a été donnée à la libéralisation des
échanges au nom de la clause de la nation la plus favorisée. Aussi, c’est avec la
plus grande vigueur qu’il se prononce en faveur d’une relance des
pourparlers sur les APE, dont l’articulation avec les règles générales de
l’OMC doit tenir compte de la situation économique et sociale des pays
susvisés. Il est également urgent, comme le recommande le Comité
économique et social européen dans l’avis qu’il a rendu, le 24 novembre 2009,
sur la communication du 8 avril 2009 susvisée, de relancer, au sein de l’OMC,
sous une impulsion forte de l’Union européenne, les négociations commerciales
internationales. Le CESE relève et regrette que les discussions conduites par le
« groupe de l’OMC sur les règles » en ce qui concerne l’éventuelle diminution
des subventions au secteur des pêches et l’octroi en contrepartie, au bénéfice des
PED, d’un traitement spécial et différencié piétinent et pâtissent de ce climat
général d’impasse dont on ne pourra envisager de sortir sans une volonté
politique forte affirmée par les principaux groupes de protagonistes.
De façon plus générale et pour conclure sur ce point, le CESE souhaite
mettre l’accent sur l’importance et l’intérêt qui s’attachent à la réalisation
d’évaluations régulières de l’impact, pour les populations, des accords de
pêche. Il est d’ailleurs significatif que les organisations professionnelles de la
pêche signataires de la déclaration de Nouakchott soient elles-mêmes
demandeuses de telles évaluations « afin de pouvoir mieux apprécier leurs coûts
et bénéfices économiques, sociaux, environnementaux ». Bien que prévue par la
Commission en 2002, dans le cadre de la réforme de la PCP, cette procédure ne
demeure encore qu’exceptionnellement mise en pratique. Notre assemblée
recommande, en association étroite avec les acteurs concernés dans les États
africains, de rendre plus systématiques ces études d’impact et, dès lors
qu’elles existent, d’en assurer une diffusion qui ne se cantonne pas, comme
trop souvent, aux institutions de l’UE et aux cercles qui gravitent autour. De
plus et afin que ces analyses gagnent en crédibilité, le CESE suggère qu’elles
traitent de la cohérence des accords de pêche avec les grandes lignes
directrices de la politique européenne d’aide au développement et qu’elles
prennent en compte la dimension sociale. Pour sa part, l’Union européenne
s’est engagée à intégrer, dans ses politiques commerciales et de développement,
les principes énoncés dans l’agenda pour un travail décent. Et si les APP
comportent des dispositions relatives à l’emploi d’une main d’œuvre locale ainsi
qu’à l’application de plein droit de la déclaration de l’Organisation internationale
du travail (OIT) sur les principes et droits fondamentaux au travail, la
Commission, dans son rapport de 2009, n’en indique pas moins que « les
conséquences sociales des accords de pêche restaient une source de
préoccupation ». Ses observations ne justifient que plus un élargissement à
l’avenir des évaluations aux deux thématiques susmentionnées.
32
2. Dessiner une vraie stratégie de partenariat
2.1. Consolider l’assise des politiques de pêche des pays tiers
La réforme de la PCP de 2002 s’est traduite par une révision des modes
d’intervention de l’Union et, dans cet esprit, les APP sont fondés sur le principe
d’un transfert en cours, au profit des pays tiers, de la définition des objectifs de
leur politique sectorielle de la pêche. En pratique cependant, les conditions
d’une définition réellement partenariale des priorités demeurent difficiles à
réunir. Ne disposant pas ou que partiellement des capacités d’expertise et des
outils de gestion nécessaires, les autorités des pays africains partenaires ne sont
pas en mesure, le plus souvent, d’en analyser de façon exhaustive les
implications économiques et sociales et d’en assurer la pleine mise en œuvre. De
surcroit, plusieurs de ces pays sont malheureusement minés par des conflits
internes ou fragilisés par une grave instabilité politique. Et, le secteur halieutique
- pas plus que d’autres - n’échappe ni à la corruption, ni aux trafics qui
gangrènent les économies africaines, ni aux conséquences paralysantes d’une
gestion administrative défectueuse.
Quels que soient les difficultés et les obstacles, le CESE considère le
processus de responsabilisation des pays partenaires comme une avancée
positive. En revanche, il faut que l’Union européenne accompagne ce
mouvement. Il en va de l’instauration d’un dialogue plus équilibré entre les deux
parties. Elle doit épauler ces pays à cibler, en toute connaissance de cause et à
l’aune des particularités de leur contexte local, leurs priorités. Elle doit, par
ailleurs, les aider à se doter d’instruments de gestion et d’indicateurs de suivi
indispensables à la mise en œuvre et au contrôle des actions engagées. Si les
contreparties financières versées par l’Union européenne ont précisément
vocation à leur apporter un appui en ce sens, force est de reconnaître que les
dispositions des accords sur ce sujet restent très générales et que leur destination
est perçue comme manquant de transparence. Dans ce contexte, le CESE ne
verrait donc que des avantages à ce que l’on s’interroge sur la pertinence de la
dévolution de cette aide sous la seule forme de financements susceptibles de
plus de s’entrecroiser, de se superposer à d’autres dispositifs budgétaires
émanant de l’Union ou d’autres institutions internationales : Fonds européen de
développement, prêts bonifiés de la Banque européenne d’investissement,
interventions de la Banque mondiale, du Programme alimentaire mondial... Faute
d’être parvenu, à ce jour, à une meilleure coordination d’une aide
intrinsèquement fragmentée et éparpillée, il suggère, pour plus d’opérationnalité,
que soit posée, dans le cadre de la renégociation des accords, la question de la
transformation d’une partie des compensations financières en des
opérations concrètes et précises, définies de concert et qui seraient l’objet
d’une évaluation au terme de leur réalisation.
33
En revanche, cette responsabilisation des pays signataires des accords sur
un plan plus général, ne pourra revêtir tout son sens sans la promotion, par
ailleurs, d’une bonne gouvernance, le respect des droits de l’Homme,
l’édification d’un État probe doté de solides institutions administratives et
judiciaires. Dans son avis Les objectifs de développement du millénaire : quels
financements innovants ? adopté en 2006, le CESE soulignait que cela reposait
notamment sur un service public de qualité et bien géré pour enclencher et
réaliser les indispensables réformes internes. Il écrivait : « Il est en effet avéré
que les pays dont la gouvernance s’est améliorée ont une croissance économique
plus importante et obtiennent des résultats très encourageants en matière de
réduction de la pauvreté ».
En tout état de cause, le CESE se déclarerait à tout le moins favorable à
la reprise, dans le volet « Coopération et aide au développement »des APP, des
principes généraux relatifs à l’aide au développement et plus
particulièrement des « éléments essentiels et fondamentaux » mentionnés à
l’article 9 de l’accord de Cotonou du 23 mai 2000 se rapportant au respect des
droits de l’Homme, aux principes démocratiques et à l’État de droit ainsi qu’à la
bonne gestion des affaires publiques.
2.2. Donner toute sa place aux organisations de la société civile
Si la responsabilisation des États tiers est étroitement dépendante de
l’existence d’un État de droit, elle est tout aussi indissociable d’un
renforcement du rôle des acteurs de la société civile et de leur association à
l’élaboration des APP. De par leur connaissance du terrain, mais singulièrement
aussi des besoins et des attentes des communautés locales des pêcheurs, elles
peuvent utilement contribuer à la réflexion et aux débats sur l’avenir et le
contenu de ces accords. Dans cette perspective, le CESE encourage l’UE à
mettre toute son expérience et son savoir-faire au service d’un soutien actif
à l’émergence et à l’enracinement, dans le tissu local, de structures
représentatives des organisations professionnelles des pêches mais
également des populations de pêcheurs en mettant l’accent sur : leur création
lorsqu’elles n’existent pas ou, le cas échéant, sur la nécessaire consolidation
des organisations présentes ; l’appui à l’institution et à l’animation de
réseaux à partir des structures en place dans le but de faciliter les échanges
d’expériences et de connaissances entre communautés et de bâtir des projets de
développement ; l’extension de la participation des femmes dans toutes les
organisations compte tenu de leur forte implication économique dans la
transformation et la commercialisation des produits de la pêche...
Le CESE rappelle, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, que c’est en
grande partie sur l’implication et les initiatives de leurs sociétés civiles que
le développement des pays pauvres peut trouver son appui, en amenant plus
de citoyens à veiller, à contrôler les pouvoirs publics, en favorisant les processus
de démocratisation et en luttant contre les dérives, les gaspillages et les méfaits
de la corruption.
34
Quant aux organisations professionnelles, elles ne disent pas autre chose
dans la déclaration de Nouakchott en interpelant sur la nécessité « de sensibiliser
les gouvernements des sous-régions à l’importance de la participation des
professionnels à travers le partenariat ainsi qu’au travers des institutions
régionales... ». Le CESE se félicite de cette prise de position étoffée d’une
proposition de « mise en place d’un mécanisme permanent de participation
visant à l’information et à la participation des professionnels de la pêche
artisanale dans tout le processus d’élaboration et de mise en œuvre du
partenariat ».
Ainsi que l’UE et les 16 pays des Caraïbes parties prenantes à l’APE
Cariforum ont su le faire au travers de l’institution d’un comité consultatif, notre
assemblée demande que les instances européennes et les gouvernements des
pays tiers signataires d’un APP apportent la plus grande attention à la
participation des sociétés civiles à la préparation et aux modalités de
cadrage et d’exécution des accords. En tout état de cause, une des priorités
immédiates reste leur information par la mise en place de canaux
appropriés, en particulier en Afrique. Si on ne peut que saluer la très large
consultation lancée par l’Union européenne sur le Livre vert de la Commission
relatif à la réforme de la politique commune des pêches, il est évident que ce sont
des formes de consultations plus en prise directe avec les populations qu’il
convient d’envisager dans les États de l’Afrique de l’Ouest.
Enfin, le Comité économique et social européen, et les conseils
économiques et sociaux africains doivent ensemble se mobiliser pour donner
plus d’écho à la parole des sociétés civiles sur les aspects qui leur apparaissent
les plus déterminants : le développement des pêcheries locales, la destination de
la contrepartie financière, la sécurité alimentaire...
35
CONCLUSION
L’Union européenne a opté dès les années 1980 pour une démarche de
coopération avec les États africains dans le domaine de la pêche avec une
évolution progressive vers une logique partenariale des accords conclus.
Cette finalité partenariale n’a en rien perdu de sa pertinence et pourrait
justifier à elle seule le renouvellement de ces accords si ce n’est que
l’environnement dans lequel ils s’inscrivent s’est modifié : menace sur la
pérennité de la ressource halieutique, exacerbation de la concurrence avec la
multiplication d’armements en provenance notamment d’Asie, extension de la
pêche illégale, crise du secteur halieutique en Europe, persistance de la très
grande pauvreté.
Dans ce contexte, les APP offrent à l’évidence l’inestimable avantage
d’exister et de présenter à leur échelle une forme de régulation des activités de
pêche. S’il ne peut y avoir d’autre voie que celle de la reconduction de ces
accords, le CESE n’en estime pas moins qu’il faut, en cette phase de
renégociation, faire montre de plus d’ambition et de volontarisme en faveur
de la consolidation de leur assise et du recadrage de certaines de leurs
dispositions. L’Union européenne est, par ailleurs, à une étape charnière de sa
construction et il est primordial qu’elle s’affirme plus fortement sur la scène
internationale. Des accords de pêche revalorisés dans leurs objectifs ne
pourraient à cet égard que l’aider à se rendre plus audible.
Les négociations en cours ou à venir sont donc une opportunité unique à
saisir afin de recentrer les accords de pêche UE/pays africains autour de quelques
axes déterminants dans le but de faire bouger les lignes et de s’engager
résolument dans une perspective bénéfique aux deux parties intégrant les piliers
économique, social et environnemental du développement durable. Il ne s’agit
donc pas de se cantonner à poser et à réaffirmer des objectifs en faveur d’une
exploitation raisonnée de la ressource que personne au demeurant ne conteste
mais bien - et le défi est d’une autre dimension - de faire de ces accords
d’efficaces leviers d’intervention en ciblant les priorités d’action : le
renforcement des processus d’évaluation scientifique, de contrôle et de suivi
de l’état des ressources halieutiques, l’intensification des coopérations avec
les ORGP et les autres instances régionales existantes, l’établissement de
davantage de cohérence et de complémentarité entre les APP et les autres
politiques de développement de l’Union européenne, l’encouragement à une
meilleure information et au delà à une plus grande association des
organisations de la société civile.
Tel est l’esprit dans lequel le CESE a souhaité se placer pour formuler un
certain nombre de préconisations et contribuer ainsi à la réflexion sur les voies et
moyens de raffermir les accords de pêche Union européenne/pays africains.
Deuxième partie
Déclarations des groupes
39
Groupe de l’agriculture
Le groupe de l’agriculture partage l’opinion selon laquelle il est nécessaire
de maintenir des accords de pêche. Il s’agit là d’un moyen que peut utiliser
l’Union européenne pour partager sa vision et son modèle économiques et aussi
démontrer, concrètement, sa solidarité avec les pays du sud.
Il est absolument indispensable que l’Europe continue à mener une
politique de coopération avec les États africains. Les accords de pêche en sont
une expression. Il faut les renégocier, en accordant plus d’attention aux questions
sociales et environnementales, mais il faut les maintenir.
Sur la création d’une organisation internationale de l’environnement, il
n’est pas certain que pour l’instant, une telle structure améliorerait véritablement
la gouvernance en matière de pêche. En revanche, il serait opportun d’utiliser les
structures régionales actuellement existantes et qui montrent un engagement en
faveur de la préservation des ressources halieutiques.
Il est essentiel de mettre sur pied des ensembles régionaux cohérents qui
permettront, à terme, de construire des politiques plus solides. Si l’Union
européenne s’implique dans un partenariat actif avec les différents comités et
conférences régionales de l’Afrique, cela permettra certainement de mieux
prendre en compte les dimensions environnementale et sociale.
Par ailleurs, la raréfaction de la ressource est un sujet fréquemment abordé
mais qui ne bénéficie pas d’une évaluation suffisamment fiable. Les causes de
l’évolution de la ressource sont multifactorielles. Il faut donc encourager les
actions en faveur d’une coopération scientifique entre États africains et Union
européenne et même, plus précisément, avec les instituts français. La dimension
« recherche, connaissance et coopération scientifique » est à placer au cœur
même des discussions autour du renouvellement des accords de pêche.
Le troisième et dernier point qui a attiré notre attention est le
développement consacré aux organisations de la société civile. La représentation
de la société civile est une chance pour toute démocratie. Les corps
intermédiaires pourront faire entendre la voix des pêcheurs et de tous ceux qui
travaillent pour la filière. Ils seront ainsi un des éléments fondamentaux pour
mettre en œuvre et faire respecter les accords, en particulier dans leur dimension
sociale.
Le groupe de l’agriculture a voté l’avis.
40
Groupe de l’artisanat
Dans la lignée des travaux précédents du Conseil économique, social et
environnemental sur la pêche, cet avis a le double mérite de s’inscrire très en
amont dans le débat sur la réforme de la politique commune de pêche et surtout
de replacer l’avenir des accords de partenariats dans une approche plus globale
de l’écosystème marin.
Même si aujourd’hui, le moment semble moins propice du fait des tensions
politiques dans certains pays d’Afrique, le bilan mitigé de ces accords, inscrit
dans les conclusions du livre vert sur la politique commune de la pêche, plaide
en faveur d’une analyse approfondie et sans a priori.
Au-delà de la perte d’influence politique de l’UE sur la scène internationale
en cas de multiplication de conventions privées peu soucieuses des conditions de
travail et de la préservation de la ressource, se pose à terme l’avenir de la filière
pêche dans les ZEE. C’est la raison pour laquelle le groupe de l’artisanat partage
l’orientation de l’avis de renégocier ces accords.
Au regard de leur rôle structurant pour la pêche artisanale locale et le
secteur de la transformation, cette renégociation doit, en premier lieu, redéfinir
ce que l’on entend par « ressources excédentaires » et surtout préserver
l’approche intégrée du co-développement et de versement de compensations
financières affectées à l’appui de cette filière locale.
La décision récente de l’Union européenne d’encadrer davantage les
importations en exigeant l’origine des produits et des navires mais également le
respect des pratiques sociales et de la ressource, conforte l’intérêt pour les pays
africains de maintenir ces partenariats.
Compte tenu de la concurrence accrue et surtout désordonnée sur cette
partie du monde, l’avis a raison d’appeler à un certain nombre d’améliorations à
apporter au contenu de ces accords.
Les négociations à venir devraient veiller à mieux protéger les intérêts des
populations concernées par leur mise en œuvre, notamment en les associant le
plus en amont possible comme le prévoient les études d’impact. Cela suppose de
leur donner les moyens d’apprécier l’ensemble de ce dossier complexe. À cette
fin, l’idée de mettre en synergie et en réseau les organismes de recherche est
intéressante sur le plan financier et technique car elle devrait conduire à un
diagnostic objectif de l’état de la ressource, sous réserve d’être régulièrement mis
à jour. Pour permettre aux entreprises locales de répondre aux exigences de la
demande de plus en plus forte en matière de sécurité sanitaire, il faudra les aider
à améliorer la qualité, la traçabilité et la labellisation des produits de la pêche. À
cet effet, il faudra s’assurer que les compensations financières aillent bien à la
modernisation de la filière mais également à la surveillance des eaux et au
contrôle des prises.
41
Dans le contexte général d’un écosystème menacé, le groupe de l’artisanat
est conscient que ces engagements réciproques de coopération et de transparence
seront vains sans la création d’une institution internationale pour peser sur le
rééquilibrage des normes économiques, sociales et environnementales.
Ces arguments ont conduit le groupe à voter l’avis.
Groupe des associations
Comme l’a souligné le rapporteur, la flotte de l’Union européenne, présente
sur tous les océans, est l’une des plus puissantes du monde. Le groupe des
associations est sensible au principe selon lequel cette force ne peut que
s’accompagner d’une proportionnelle responsabilité. Au cours de ces trente
dernières années, la politique commune de pêche et les partenariats avec
l’Afrique n’ont pas permis d’éviter l’appauvrissement de la ressource
halieutique, l’augmentation de la pression concurrentielle, le développement de
la pêche illégale et le maintien de la grande pauvreté. Pour autant, il s’agit d’une
forme minimale de régulation en soi indispensable. Le groupe des associations
rejoint le rapporteur pour souhaiter que la renégociation des accords de
partenariat dans le secteur de la pêche soit l’occasion de plus d’ambition et de
volontarisme pour préserver les ressources naturelles et se placer dans une réelle
stratégie de développement. Ces deux axes sont d’ailleurs intimement liés.
En ce qui concerne les ressources, face à l’appauvrissement croissant des
océans, la communauté internationale et les sociétés civiles doivent réagir. Il faut
aider les pays émergents à renforcer leurs capacités de recherche, pour une
évaluation précise de la ressource et un suivi des modifications des écosystèmes.
La coopération scientifique doit trouver les moyens de sa pérennisation pour
poursuivre la recherche et doter les communautés scientifiques du Sud d’une
expertise de qualité.
L’aide au développement est le second point primordial d’une politique
commune de pêche vertueuse et, l’avis le rappelle, ce volet manque jusque ici de
consistance. Le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon, le
martèle : « Nous ne pouvons pas décevoir les milliards de personnes qui
attendent de la communauté internationale qu'elle réalise les engagements pris
dans la Déclaration du Millénaire pour un monde meilleur ». C’est à raison que
l’avis propose de faire de ces objectifs le cadre de référence d’une future
politique commune de pêche et invite à évaluer sa cohérence avec les grandes
lignes de la politique européenne d’aide au développement. L’évaluation de
l’impact économique, social et environnemental des accords en cours de
renégociation se pose avec une particulière acuité. Le groupe des associations
rejoint le rapporteur pour souligner la nécessité de renforcer la société civile des
États tiers pour l’associer pleinement à l’élaboration et au suivi des accords en
soutenant l’émergence de structures représentatives des organisations de
pêcheurs et des populations et notamment en y favorisant la participation des
femmes.
42
En poursuivant ce double objectif, les accords actuels seraient remplacés
par un cadre qui constituerait le volet extérieur d’une gouvernance mondiale de
la pêche. Ce volet s’attacherait à évaluer comment une politique commune de la
pêche peut effectivement aider les pays tiers à atteindre leurs objectifs en matière
de sécurité alimentaire, de durabilité des pêches, de développement des
communautés côtières, de création de valeur ajoutée... Toutes questions qui
n’étaient jusqu’alors pas posées. C’est seulement ainsi que ces accords
deviendraient, selon les vœux du rapporteur, des leviers efficaces d’intervention
dans une perspective bénéfique aux deux parties.
Le groupe des associations partage ce souhait ; il a voté l’avis.
Groupe de la CFDT
Les importations de produits de la pêche en France et en Europe posent
question au regard de la préservation de la ressource mondiale, souvent
surexploitée, et de sa répartition. Les pays du Sud ont une consommation de
poisson très inférieure à celle des pays du Nord, alors qu’elle représente pour eux
la première source de protéines animales.
Des accords fixent pour les pays européens les modalités de pêche des
ressources non exploitées par les pays africains, faute de flottilles adaptées. Ils
visent à une gestion contrôlée des ressources halieutiques, tout en établissant un
partenariat économique Nord/Sud.
Coté européen, les principaux exploitants sont l’Espagne et la France. Pour
cette dernière, les captures réalisées dans les zones économiques exclusives des
pays concernés représentent près de 20 % des captures nationales, toutes espèces
confondues, pour une redevance inférieure à 3 % du chiffre d’affaires et une
commercialisation des produits sans droits de douane en Europe. Les armements
embarquent plus de 300 marins bretons qui, comme leurs collègues d’autres
nationalités, relèvent des normes sociales nationales.
Pour les pays d’Afrique, il est difficile, faute d’informations précises,
d’évaluer la réalisation des objectifs poursuivis. Ces accords contribuent de
façon importante aux budgets des États concernés. Toutefois, les analyses
provenant des instances européennes, d’organisations professionnelles locales ou
d’ONG, soulignent les défaillances de ces accords, que ce soit en matière de
développement économique, de réduction de la pauvreté ou d’insécurité
alimentaire.
Sans masquer ces critiques et selon une approche pragmatique, l’avis
formule des propositions pour améliorer ces accords à l’occasion de leur
renégociation.
43
La CFDT, qui partage cette démarche, insiste sur la nécessité d’approfondir
les connaissances scientifiques pour une meilleure évaluation de la ressource et
d’améliorer sa gestion selon une approche écosystémique. Ceci nécessite de
doter l’IFREMER de moyens suffisants et d’organiser, sur le moyen terme, le
développement d’une expertise scientifique locale.
Nous partageons également les propositions visant à développer une
gouvernance mondiale des mers et océans car une gestion responsable de la
ressource n’a de sens que si elle est partagée par tous les opérateurs sur la zone.
Il faut donc conforter les organisations régionales de pêche et les aider pour
qu’elles se dotent des moyens de surveillance adaptés.
Pour se renforcer, les partenariats doivent répondre aux attentes des
pêcheurs locaux telles qu’exprimées dans la déclaration de Nouakchott,
fin 2009 : investissements dans les infrastructures de débarquement pour traiter
localement toutes les captures effectuées dans la zone économique exclusive,
investissements en matière de formation professionnelle des pêcheurs.
La CFDT considère que les entreprises bénéficiaires de ces accords
relevant de groupes internationaux du secteur alimentaire se doivent d’intégrer
ces objectifs de développement local au titre de leur responsabilité sociale. De
même, des initiatives locales telles le jumelage, entre les ports de Concarneau et
de M’Bour, visant à la modernisation des installations portuaires et à la
formation des pêcheurs, contribuent à une coopération décentralisée.
Enfin, en termes de méthode, la CFDT souligne l’intérêt de cet avis qui,
bien qu’arrivant après la clôture de la procédure formelle de consultation de la
Commission européenne, permet de compléter le mémorandum du
gouvernement par une appréciation de la société civile française. Il serait bon
qu’à l’avenir, notre assemblée s’inscrive, en amont et plus fréquemment, dans
ces procédures de consultation européenne.
Compte tenu de ces convergences tant sur les analyses que sur les
préconisations, la CFDT a voté cet avis.
Groupe de la CFE-CGC
L’avis dresse un panorama de la situation et des évolutions marquantes de
la pêche dans le monde et présente le poids économique et social de ce secteur,
tant pour l’Afrique que pour l’Europe.
La pêche doit faire face à de nombreux défis. Elle affronte à la fois un
problème de raréfaction de la ressource et de surcapacité des flottes de pêche au
regard de cette même ressource.
Dans un tel contexte, les Accords de partenariats dans le secteur de la
pêche (APP) constituent une forme d’organisation et de régulation des activités
de pêche, car ils sont fondés sur une approche intégrée de codéveloppement. Ils
doivent être même consolidés dans le cadre de la réforme de la Politique
commune de la pêche. En effet, un retrait de l’Union européenne entraînerait,
44
sous la pression des armements à dimension industrielle d’Asie, des conventions
privées peu scrupuleuses des conditions de travail, de protection sociale et de
sauvegarde de la ressource. En outre, ce retrait serait aussi comblé par une
augmentation du nombre de navires européens passant sous pavillon de
complaisance et qui échapperaient ainsi au registre communautaire des pêches.
Les négociations sont une opportunité à saisir pour corriger les faiblesses
des dispositions actuelles en ce qui concerne précisément les actions
d’évaluation scientifique, de contrôle, de suivi et de surveillance des ressources
halieutiques.
Nous devons ainsi investir davantage dans la surveillance des pêches et le
contrôle des captures. Des mesures sévères portant sur la surveillance des eaux et
le contrôle des prises doivent être arrêtées. Ces contrôles sont indispensables.
Concernant la lutte contre le braconnage et la commercialisation du poisson
illégalement pêché, nous réclamons que tous les moyens puissent être mis en
place afin d’éradiquer ces pratiques.
La pêche est un secteur qui présente un grand nombre d’accidents de
travail. Elle peut être définie comme un métier très dangereux du fait que cette
activité s’exerce loin de la terre, dans l’équilibre précaire d’un navire, à la merci
d’un milieu hostile et de conditions de travail difficiles, où l’application des
normes de sécurité reste très relative. Des aides à l’amélioration de la sécurité et
des conditions de travail sont plus que nécessaires.
Il faut penser à une gouvernance mondiale des mers et océans.
Actuellement, il n’existe ni mécanisme de régulation de portée générale, ni
d’institution internationale à compétence générale. Juste une accumulation de
textes, d’accords et d’outils de gestion sans liens entre eux qui vont à l’encontre
de toute notion de développement durable. Une Organisation mondiale de
l’environnement pourrait organiser les divers accords et mieux suivre leur
application. Une telle institution aurait de plus pour mission d’exiger des
différents acteurs le développement de comportements responsables dans
l’ensemble du système international.
La pêche artisanale tient une place centrale dans la vie économique et
sociale des pays en développement, l’avis mettant l’accent sur la nécessité de
sauvegarder ce secteur mais aussi de contribuer à son développement.
Un renforcement du rôle des acteurs de la société civile et de leur
association à l’élaboration des APP est indispensable. De par leur connaissance
du terrain, elles peuvent utilement contribuer à la réflexion et aux débats sur
l’avenir et le contenu de ces accords
Ce projet d’avis propose des solutions pertinentes.
Le groupe de la CFE-CGC a voté l’avis.
45
Groupe de la CFTC
Le groupe de la CFTC approuve les orientations de l’avis, particulièrement
les propositions sur la mise en place, concernant la pêche, d’une vraie stratégie
de partenariat axée sur le développement. Cela est d’autant plus indispensable
dans le cadre d’accords de pêche avec des pays très pauvres, pour lesquels la
pêche est un moyen indispensable pour nourrir les populations et assurer une
activité économique indispensable.
Notre groupe approuve évidemment la proposition formulée de
responsabiliser les États tiers et de renforcer le rôle des corps intermédiaires,
c'est-à-dire les structures professionnelles et syndicales.
Le thème de la pénurie de ressources halieutiques est abordé sous un angle
indispensable : la nécessité d’une évaluation scientifique, suffisamment
rigoureuse pour être incontestable et partagée.
C’est un préalable à la recherche de solutions efficaces proposées par l’avis
pour le repeuplement en espèces considérées comme menacées.
Enfin, nous insistons particulièrement sur un point, abordé dans l’avis, qui
est fondamental. Dans les problèmes de la pêche, (comme de la finance ou du
social), on ne pourra pas indéfiniment avoir un monde où certains pays ou
groupes de pays (comme l’Europe) se donnent des règles et les respectent, et un
immense non-droit international, où certains pays pillent les ressources en totale
impunité et presque toujours au détriment des plus faibles ou des plus vertueux.
Notre groupe soutient donc totalement l’exigence, même si elle est
considérée comme non réaliste, de vraies régulations internationales avec les
moyens appropriés, pour en faire respecter les règles, en particulier dans le
domaine de la pêche.
Le groupe de la CFTC a voté l’avis.
Groupe de la CGT
Cet avis permet de faire un constat sur la situation du secteur de la pêche
dont dépend 8 % de la population mondiale, secteur qui s’est régulièrement
développé durant les trois dernières décennies, se traduisant par une
consommation moyenne, par habitant, passée de 9,9 kg dans les années 60 à
16 kg aujourd’hui.
Malheureusement cette hausse de la consommation montre aussi les
inégalités car si elle a crû en Asie, en Chine et dans les pays développés, dans le
même temps, les Africains consomment deux fois moins de poisson que la
moyenne mondiale : leur consommation serait en recul et ils seraient toujours
loin d’atteindre leur souveraineté alimentaire. En Afrique subsaharienne, 30 à
45 millions de personnes seraient tributaires de cette activité pour leur
subsistance sans que pour autant leur sécurité alimentaire soit assurée.
46
L’avis pointe deux enjeux majeurs : l’un concernant l’inquiétante
raréfaction des ressources, l’autre concernant une gouvernance peu
opérationnelle.
Concernant le premier, le dernier rapport de la FAO souligne que le
potentiel maximal de prélèvement sur les stocks naturels des océans de la planète
a probablement été atteint. À juste titre, l’avis pointe le développement à grande
échelle de la pratique industrielle de la pêche, dans un contexte de concurrence
exacerbée par la montée en puissance de nouveaux acteurs et de techniques de
pêche toujours plus sophistiquées, qui ont permis une exploitation toujours plus
intensive, entraînant, selon des prévisions, une disparition des stocks de grands
fonds à l’horizon 2025. S’il est évident que le secteur de la pêche est un élément
de développement économique et social, il ne peut l’être que dans un cadre
maîtrisé, dans une perspective de développement durable et de réponse aux
besoins des peuples. Malheureusement, on pointe ici l’antagonisme existant entre
cette conception et celle de recherche de créneaux financiers juteux au détriment
de peuples entiers.
L’avis évoque également le fait que les subventions accordées aux flottes
pourraient inciter à la surpêche. Mais un distinguo doit être établi entre
subventions dédiées aux pêcheurs artisans du Sud, dont dépend la sécurité
alimentaire de la population ainsi qu’une part de leur croissance, et celles
destinées aux grandes sociétés internationales de pêcheries. La pêche illégale et
la pratique des pavillons de complaisance par des opérateurs, y compris
européens, sont de véritables fléaux qui autorisent de confortables profits pour
les uns et un véritable pillage pour les pêcheurs locaux dont le champ d’activité
et la subsistance s’amenuisent.
La question de la gouvernance et du contrôle est posée et l’avis relève
qu’elle est peu opérationnelle mais la CGT regrette que la question sociale, en
général et particulièrement la place des salariés dans cette gouvernance, soit
sous-estimée dans l’avis. La persistance d’un cloisonnement artificiel entre
réglementation des opérations de pêche et protection de la diversité, mais
également l’extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer,
sont propices à l’extension de la pêche illégale.
L’avis insiste sur la nécessité de repenser les accords et souligne que les
APP constituent une forme d’organisation et de régulation, aussi perfectible
soit-elle, des activités de pêche. Nous partageons ce point de vue et surtout
l’indispensable perfectibilité dont ils doivent faire l’objet, mettant au centre un
partenariat véritablement équitable pour les parties, tant en matière sociale,
économique, qu’environnementale, à rebours des seules lois du marché que
préconise actuellement l’OMC.
47
Par exemple, une note du 13 juillet 2009, émise par le service juridique du
Parlement européen, donne son avis sur le partenariat dans le domaine de la
pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc. Elle met en
évidence la nécessaire mise en conformité, avec les principes du droit
international, du droit du peuple sahraoui sur les ressources naturelles des eaux
du Sahara occidental. On voit donc la perfectibilité des APP et la responsabilité
du gouvernement français et de l’Europe, afin de faire respecter le droit
international en la matière.
La préservation des ressources doit faire l’objet d’évaluations scientifiques
de haut niveau et la recherche doit avoir un caractère prioritaire en misant sur
l’institution ou la consolidation des partenariats UE/Afrique. Dans ce but, la
CGT soutient qu’il est important que les instituts scientifiques français
impliqués, IRD (Institut de recherche pour le développement) et IFREMER
(Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) soient dotés de
moyens suffisants pour être en mesure de pérenniser leurs actions de
coopération.
La question de la surveillance des pêches et le contrôle des captures
nécessitent des mesures rigoureuses. Or, dans la pratique, les APP, dont les plus
récents comportent des dispositions relatives à la surveillance des navires par
satellite, ne sont pas réellement opérationnels.
S’il est indéniable que les APP doivent être placés dans une stratégie de
développement durable, le bilan demeure très insuffisant : surexploitation des
stocks, déclins des industries locales de la pêche, baisse des revenus des
pêcheurs, aggravation de la dépendance économique des pays d’Afrique à
l’égard de l’Europe, tant pour leurs exportations que pour leurs recettes
publiques, autosuffisance alimentaire non garantie.
Il importe donc de négocier des accords plus équilibrés fondés sur une
réévaluation du volet « Aide au développement », s’appuyant sur la réalisation
des objectifs de développement pour le millénaire, qui n’ont rien perdu de leur
pertinence et de leur actualité dans un contexte de crise dont les peuples ne sont
en rien responsables. Cela implique de réaliser plus régulièrement des
évaluations de l’impact, pour les populations, des accords de pêche.
Enfin, l’avis prône un renforcement du rôle de la société civile, un soutien
actif à l’émergence et à l’enracinement, dans le tissu local, des populations de
pêcheurs mais également des structures représentatives des organisations
professionnelles des pêches.
La CGT partage bien évidemment ces propositions, en veillant à s’appuyer
réellement sur les propositions de l’ETF contribuant ainsi à la lutte contre le
dumping social.
Le groupe CGT a adopté l’avis.
48
Groupe de la CGT-FO
Le groupe de la CGT-Force ouvrière tient tout d’abord à féliciter le
rapporteur pour cette initiative. Cet avis du Conseil économique, social et
environnemental est en effet de pleine opportunité : tant du point de vue du
moment, en regard de la réforme de la politique commune de la pêche de l’Union
européenne, que de celui des questions qu’il soulève, liées aux enjeux que
recouvre l’activité économique de la pêche.
Comme l’avis le souligne, cette activité est de première importance étant
donnée la population concernée directement ou indirectement en termes
d’emplois mais en premier lieu parce l’on touche aux besoins alimentaires
essentiels.
Les modalités de la pêche, l’exploitation et le commerce de ses produits
doivent impérativement respecter les politiques de développement et la durabilité
de la ressource.
Ces pratiques mettent ainsi en lumière les contradictions insoutenables
pour la CGT-FO des modalités actuelles de la mondialisation, gouvernée trop
souvent par des intérêts mercantiles ou par les règles souveraines du marché au
détriment des politiques d’aide au développement des populations les plus
fragiles. Elles ne prennent pas en compte la préservation et le développement de
l’emploi, dans des conditions respectueuses de la santé, de la sécurité et des
normes générales du travail.
De ce dernier point de vue, la CGT-FO estime que cet avis devrait conduire
le gouvernement à mettre l’accent, dans le cadre de la réforme de la PCP et d’une
organisation de la pêche à l’échelon global - la « gouvernance mondiale des mers
et océans » - sur le volet social, et, en particulier, sur la mise en œuvre et le
respect de la dernière convention de l’OIT sur le travail dans la pêche. En effet,
celle-ci, adoptée lors de la Conférence internationale du travail de juin 2007, a
mis à jour un ensemble de normes précédentes afin « d’assurer que les pêcheurs
bénéficient de conditions décentes pour travailler à bord des navires de pêche en
ce qui concerne les conditions minimales requises pour le travail à bord, les
conditions de service, le logement et l’alimentation, la protection de la sécurité
et de la santé au travail, les soins médicaux et la sécurité sociale ».
Rappelant la position déjà exprimée par notre Conseil en faveur de la
création d’une organisation internationale de l’environnement, le rapporteur
souligne très justement la nécessité, face à l’OMC, d’un rééquilibrage entre
normes commerciales, sociales et environnementales.
Plus qu’un rééquilibrage, pour la CGT-FO, la question doit être posée du
bien fondé du traitement de la production et des échanges des produits
alimentaires, ceux de la pêche en l’occurrence mais plus largement de
l’agriculture, comme contrepartie au commerce de produits industriels et de
49
services dans le cadre de l’OMC dont la logique demeure celle de la moindre
règle !
Dans l’avis du Conseil sur L’Union européenne et ses relations de
voisinage, il était déjà souligné que, dans un contexte d’asymétrie importante des
niveaux de développement, le seul levier de la libéralisation des échanges
comporte des effets de dumping (normatifs, sociaux, environnementaux,
fiscaux), ainsi que des risques de déséquilibre accru des économies et des
situations locales. Ce commentaire vaut, en particulier, pour la renégociation des
Accords de partenariat économique entre l’Union Européenne et les pays ACP
(Afrique, Caraïbes, Pacifique), point sur lequel il est également mis l’accent dans
le présent avis: ces effets et ces risques devraient être pris en compte de la même
façon pour ce qui concerne la réforme de la Politique commune de la pêche et
l’élaboration des Accords de partenariat dans le secteur de la pêche.
Le groupe FO ne peut, en lien avec ces considérations, qu’appuyer la
nécessité d’évaluations régulières de l’impact de la prise en compte de la
dimension sociale et bien sûr de la consolidation d’organisations représentatives,
et indépendantes, représentant de manière distinctes les employeurs et leurs
différents échelons - question importante dans un secteur souvent organisé
autour de structures artisanales - les salariés et les populations directement
concernées.
Le groupe de la CGT-FO a voté l’avis.
Groupe de la coopération
Cet avis permet de resituer l’avenir des accords de pêche entre l’Union
européenne et les pays africains, dans un contexte plus large, à l’aune des grands
enjeux mondiaux : avenir de la filière pêche en Europe et en Afrique,
exacerbation de la concurrence entre flottes, développement de la pêche illicite,
menace sur la sécurité alimentaire, appauvrissement des écosystèmes, lutte
contre la pauvreté. Le groupe de la coopération soutient l’ensemble des
préconisations et souhaite insister plus particulièrement sur trois points.
• Positionner les Accords de Partenariat dans une stratégie de
développement des pays africains, est essentiel : ces accords sont
fondés sur une approche intégrée de co-développement et de versement
de compensations financières destinées à l’appui des filières locales de
production. Le groupe de la coopération est convaincu que dans un
marché mondial dérégulé, l’aide européenne doit être mise au service
de l’organisation de la production et de la structuration du tissu
économique local dans ces pays. Il faut préparer le secteur halieutique
africain à une meilleure insertion dans les courants d’échanges
internationaux par le biais d’assistance technique, de formation et
d’investissements au profit de l’édification d’infrastructures modernes
de débarquement, de conditionnement et de transformation. Il est donc
nécessaire de mettre l’accent fortement sur le volet « Aide au
50
développement » indispensable à la sécurité alimentaire de plusieurs
millions de personnes, à l’amélioration de la santé maternelle, à la lutte
contre la mortalité infantile, puisque le poisson demeure la principale
source de protéines d’origine animale dans les pays les plus pauvres.
L’Union européenne doit se battre pour défendre la comptabilité de ces
accords avec les négociations commerciales en cours à l’OMC.
• Il faut réguler les activités liées à cette filière et promouvoir une réelle
gouvernance des mers au niveau mondial. L’avis souligne bien que les
accords de partenariat ont le mérite d’exister et de constituer une forme
d’organisation et de régulation, aussi perfectible soit-elle, des activités
de pêche. Si l’UE se retirait, elle serait aussitôt remplacée par des pays
nettement moins regardants sur la préservation des espèces, les
conditions de travail des équipages, les règles sanitaires, etc. Il faut
avancer vers une gouvernance efficace des mers et océans, au regard de
l’extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer,
propice à l’expansion de la pêche illégale. L’UE doit faire entendre sa
voix dans les enceintes régionales et multilatérales où se nouent les
débats pour une gouvernance des mers et des océans (ONU, FAO, etc.).
• Enfin, ces accords doivent être mis au service d’un juste équilibre entre
protection de la ressource et préservation d’une activité économique
essentielle
pour
garantir
l’approvisionnement
du
marché
communautaire, et déterminante pour de nombreuses régions côtières.
L’évolution de ces accords vers une logique de développement durable
doit être renforcée : il s’agit de mettre l’accent sur l’évaluation
scientifique et le suivi de la ressource et sur la surveillance des pêches
illégales. Dans un contexte marqué par l’arrivée en force des armateurs
asiatiques, l’aggravation de la pêche illégale ou encore l’apparition du
phénomène de la piraterie, une démobilisation de l’UE serait contraire à
l’objectif d’une gestion plus responsable de la ressource et d’appui au
développement de ces pays. Pour autant, des progrès restent à
accomplir afin, en particulier, de favoriser une plus grande
responsabilisation des pays signataires selon une approche davantage
régionalisée, pour laquelle l’Union européenne peut faire partager son
expérience.
Le groupe de la coopération a voté en faveur de l’avis.
Groupe des entreprises privées
Alors que les appels en faveur de la préservation des ressources
halieutiques mondiales et la protection des mers et océans ne cessent de se
multiplier, le rapporteur nous a permis, à travers cet avis, d’appréhender les
enjeux et les défis auxquels est confrontée la Politique commune de la pêche
(PCP). L’industrie de la pêche se situe aujourd’hui à la confluence
environnementale, sociale et économique de notre temps.
51
Le secteur de la pêche constitue une source importante des recettes
publiques pour de nombreux pays africains. L’Union européenne a noué, dès les
années 1980, des accords de coopération avec les États africains dans le domaine
de la pêche qui ont contribué de manière sensible à l’amélioration de la gestion
locale des pêches. Les anciens régimes d’accès assortis d’une contrepartie
financière ont été remplacés par de véritables partenariats en faveur de
l’instauration d’une pêche durable et responsable, dans le cadre des Accords
de partenariat de pêche (APP) conclus avec les pays tiers.
À l’heure de la révision de ces accords, la Commission gagnerait à
renforcer le cadre opérationnel de gestion des compensations financières en
faveur des pays africains. Celui-ci doit comporter des objectifs chiffrés en
matière de soutien aux pêcheries locales. Ainsi, une part des sommes collectées
pourrait servir à financer l’émergence d’une industrie locale de transformation du
poisson. Il s’agit là d’une démarche œuvrant pour la promotion des
investissements et la création des emplois qui pourrait profiter aux entreprises
européennes à travers la création de co-entreprises, les transferts de savoir-faire
et de technologie et les investissements dans les industries de transformation.
Le groupe des entreprises privées soutient la proposition de rendre la
politique communautaire d’aide au développement cohérente avec les objectifs
des accords de partenariat de pêche. Il est donc important de veiller à ce que ces
accords soient conformes aux objectifs des stratégies de développement des pays
concernés et du document cadre de partenariat conclu entre ces derniers et la
Commission européenne.
La recherche d’une concurrence équitable pour tous les acteurs de
l’économie maritime mondiale doit figurer au cœur de la politique commune de
la pêche. Face à la montée en puissance de la concurrence émanant de certains
intérêts privés, notamment d’Asie, il faut conserver la place des armements
industriels de l’Union européenne sur les côtes africaines. Le groupe des
entreprises privées préconise en la matière de militer sur la scène internationale
en faveur du respect des accords internationaux de préservation des ressources
halieutiques en sanctionnant notamment les importations de poissons en
provenance de pays ou d’armements peu soucieux des règles environnementales
et sociales.
L’absence de moyens de surveillance des côtes et de vérification des stocks
dans certains pays africains ressort nettement comme une contrainte majeure au
développement d’une filière locale de la pêche. Les APP pourraient contribuer au
renforcement des moyens de contrôle, de suivi et de surveillance des eaux des
pays africains, dans le cadre d’une démarche partenariale. Une coopération
étroite entre pays voisins en la matière doit être encouragée, notamment dans le
cadre des organisations régionales de la pêche, de nombreuses zones de pêche
dépassant les frontières maritimes nationales. La revalorisation des notions de
partenariat et d’aide au développement pourrait tout à fait constituer un effet de
levier pour le financement de la capacité d’évaluation scientifique, de contrôle et
52
de suivi de l’état des ressources halieutiques notamment au niveau régional,
d’autant plus qu’elle pourrait contribuer à lutter contre la pêche illégale
non-déclarée, non-réglementée (INN).
Par ailleurs, dans un contexte d’explosion de la demande et de l’épuisement
des stocks halieutiques, la politique de la pêche ne peut se dissocier de la
question primordiale de la préservation de l’environnement. La question d’une
pêche durable et responsable doit rester prioritaire dans la négociation des APP.
À cela s’ajoute la prise en compte des conséquences de la pêche industrielle, du
trafic maritime et du changement climatique sur l’équilibre des écosystèmes
marins. Il convient donc de trouver un juste équilibre entre le risque de
surexploitation et le maintien d’une flotte de pêche communautaire compétitive
et adaptée aux besoins de l’industrie. À ce titre, notre groupe partage la
préconisation d’appliquer le code de conduite et l’accord de la FAO pour une
pêche responsable et d’assurer la conformité des règles internationales de
conservation et de gestion des stocks dans une approche globale.
En outre, les zones côtières accueillent un autre secteur économique
important : le tourisme. Il est donc impératif d’exploiter les ressources de la mer
de façon responsable et de conserver la biodiversité marine. Les pays africains
pourraient rallier d’autres pays riverains et côtiers autour d’une position
communautaire en faveur d’une gouvernance mondiale des mers et océans. C’est
pourquoi, les APP constituent, pour l’Union européenne, un outil indispensable à
la constitution d’une architecture mondiale de gestion des ressources marines.
En conclusion, le groupe des entreprises privées, soutenant l’essentiel des
propositions du rapporteur, a voté l’avis.
Groupe de la mutualité
Le sujet des accords de pêche entre l’Union européenne et l’Afrique
dépasse largement le cadre économique pour poser à la fois des questions
sociales et environnementales.
L’importance du secteur de la pêche, tant pour l’Union européenne que
pour l’Afrique, est cruciale : la pêche apporte à la fois une contribution à
l’alimentation mais aussi à l’emploi et à l’économie.
La réfaction des ressources, les projections démographiques et la hausse de
la consommation de poissons interrogent directement la gestion mondiale et le
développement de la pêche.
Si le constat dressé sur les Accords de pêche (APP) entre l’Union
européenne et les pays africains est loin d’être parfait, il n’en demeure pas moins
que l’absence d’accords serait une porte ouverte aux accords privés qui
n’auraient pas les mêmes exigences vis-à-vis des populations locales et de la
sauvegarde des ressources.
53
Ces accords de partenariat, actuellement en cours de renouvellement,
doivent permettre un appui plus fort au développement responsable et durable de
filières halieutiques locales. Il faut instaurer un dialogue réel sur les intérêts des
populations locales et sur l’orientation des financements, parallèlement à une
évaluation et à un contrôle accru des captures face à une raréfaction des
ressources et à une demande croissante.
Les futurs APP devront ainsi établir de façon plus formelle des évaluations
régulières de l’impact économique, social et environnemental, particulièrement
en matière de sécurité sanitaire et de gestion des ressources.
L’avis insiste sur le rôle primordial de la pêche artisanale qui participe de
la réalisation des ODM à la fois en termes de réduction de la pauvreté car elle
offre, en Afrique subsaharienne un emploi à près de 10 millions de personnes
mais aussi parce qu’elle demeure, dans de nombreux pays, la source principale
de protéines d’origine animale. En effet, les produits à base de poisson
constituent la forme la moins chère et la plus accessible (poisson séché
notamment) de protéines animales pour les catégories les plus pauvres, jouant
ainsi un rôle crucial pour leur sécurité alimentaire.
C’est pourquoi le groupe de la mutualité partage, avec le rapporteur, la
nécessité de « négocier des accords plus équilibrés fondés sur une réévaluation
du volet « Aide au développement ».
Enfin, si la question de la sécurité sanitaire des produits halieutiques
préoccupe surtout la pêche dans les mers fermées (changements climatiques
globaux, bio toxines marines, métaux lourds...), le groupe de la mutualité insiste
pour que des évaluations régulières soit réalisées afin d’éviter tout problème de
santé en émergence.
Comme le souligne l’avis, l’Union européenne, aidée en cela par la société
civile, a un rôle important à jouer dans la gouvernance mondiale de la pêche.
L’avis, qui nous est présenté, au-delà de ses aspects techniques et
juridiques, participe à la prise de conscience de la nécessité d’une régulation des
activités de pêche, régulation qui doit adopter une approche éco systémique qui
englobe les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Le groupe de la
mutualité apporte son soutien à l’avis.
Groupe de l’Outre-mer
En se penchant sur la problématique et l’avenir des relations en matière de
pêche, entre l’Union européenne et les pays africains, la section des relations
extérieures a abordé une question qui intéresse au plus haut point les
départements et collectivités d’Outre-mer, et le groupe a été très attentif aux
termes de l’avis.
Il se sent, en effet, concerné de plusieurs manières. D’abord, par certains
aspects de l’analyse qui coïncident parfaitement avec les constats faits
Outre-mer, mais aussi parce qu’il est extrêmement vigilant à ce que les termes de
54
certains accords ne soient pas contraires aux intérêts des populations
ultramarines et notamment des professionnels de la pêche.
L’avis dresse un tableau détaillé des accords de pêche existants en
soulignant combien ils permettent un partenariat efficace et productif pour les
deux parties. Pour l’Europe, qui dispose du territoire maritime le plus étendu du
monde grâce à ses régions ultrapériphériques, mais aussi pour l’Afrique où la
filière halieutique et aquacole représente une part non négligeable du Produit
national brut. Il souligne, à juste titre, que ces accords ne valent que parce qu’ils
concernent directement l’activité de millions d’individus en Europe et sur le
continent africain. Il rappelle notamment que selon les statistiques de la FAO, ce
sont 43,5 millions de personnes qui se livrent directement à la production
primaire de poissons et 125 millions qui sont employées dans la transformation,
la commercialisation et les autres industries liées au poisson. Les enjeux sont
donc de taille et le Conseil économique, social et environnemental convient,
comme beaucoup, que même si ces accords ne sont pas parfaits, il conviendrait
tout de même de les reconduire, au moins en l’état.
Mais, l’objectif de l’avis est précisément de conduire le CESE à préconiser
un certain nombre d’améliorations ou d’innovations lors de la renégociation qui
va s’ouvrir prochainement. Quand on sait que certains accords bilatéraux sont
passés directement avec des pays comme les Comores, Madagascar, Maurice ou
les Seychelles, le groupe de l’Outre-mer pense qu’il convient que la France soit
vigilante lors de cette renégociation.
Le groupe pense, comme le rapporteur, qu’il faut rappeler quelques
exigences fortes à l’occasion de cette renégociation :
- réaffirmer combien ces accords constituent une forme d’organisation
et de régulation des activités de pêche en insistant, comme c’est déjà
le cas, sur le recrutement local dans les équipages de navires ;
- garantir les intérêts des populations concernées ;
- œuvrer pour que la communauté internationale se mobilise en faveur
de la préservation des richesses des mers ;
- mettre en place des dispositifs d’évaluation scientifique de la
ressource ;
- s’orienter délibérément vers une gouvernance mondiale des mers et
des océans.
Certes, le groupe de l’Outre-mer soutient ces préconisations mais
l’expérience sur le terrain, dans les collectivités ultramarines, le conduit à
formuler à son tour une recommandation majeure. Il ne sert à rien dans de telles
circonstances d’affirmer haut et fort ses convictions et sa volonté si, dans le
même temps, ne sont pas prises concrètement des décisions et si ne sont pas mis
en place des moyens pour les faire aboutir.
55
Ainsi l’avis rappelle, fort justement, qu’il est important que les instituts
scientifiques français impliqués comme l’IRD (Institut de recherche pour le
développement) et l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation
de la mer) dont l’expertise est internationalement reconnue, soient dotés de
moyens suffisants pour être en mesure de pérenniser leurs actions de
coopération. Or, que constate-t-on? Qu’au contraire, l’un de ces instituts installé
Outre-mer vient de fermer ses portes, sans doute faute de moyens suffisants.
L’avis souligne l’importance des collectivités d’Outre-mer en rappelant
qu’au sein de l’Union européenne, la France dispose d’une influence
considérable grâce à ses régions ultrapériphériques et qu’elle doit utiliser cette
influence pour faire entendre sa voix dans les enceintes régionales et
multilatérales. Ceci donne donc l’occasion de demander à nouveau que, dans ces
négociations, notre gouvernement associe plus étroitement les représentants de
son Outre-mer. C’est déjà le cas dans les instances régionales où la France est
souvent représentée par des élus régionaux ou territoriaux. Ce pourrait être aussi
le cas au niveau européen. Il est, en effet, paradoxal que des accords soient
passés avec des pays étrangers, sans que l’on se préoccupe des conditions de
développement durable de la pêche dans les collectivités d’Outre-mer.
Le groupe a voté l’avis.
Groupe des personnalités qualifiées
M. Sylla : « L’importance économique et sociale des activités liées à la
pêche ne fait aucun doute et il s’agit aujourd’hui à la fois de réaffirmer la
nécessité de maintenir une industrie de la pêche solide en Europe et d’aider
simultanément les pays partenaires à se doter de leurs propres capacités de
pêche. Cet avis met ainsi bien en évidence l’articulation entre les domaines
économique, social et environnemental à travers l’industrie de la pêche, d’autant
qu’il s’appuie sur le vécu des gens. Mais, il apporte aussi une intéressante
contribution dans le contexte plus large des grands enjeux mondiaux auxquels les
activités de pêche sont directement confrontées, à savoir le développement
solidaire, le respect des travailleurs et des artisans, la lutte contre la précarité. En
outre, on ne saurait oublier que 2010 marque le début d’un processus de
discussion au sein de l’UE dans lequel l’intervention du Parlement européen
donnera une dimension plus opérationnelle et moins technocratique aux
négociations, puisque depuis le traité de Lisbonne, la Commission n’est plus la
seule à décider des futures Politiques communes de pêche.
L’avis montre que la pêche est un miroir grossissant des énormes
difficultés d’un continent comme l’Afrique : érosion des côtes due aux
changements climatiques, appauvrissement des écosystèmes et des stocks,
exacerbation de la concurrence entre flottes, développement de la pêche illicite,
menaces sur la sécurité alimentaire, lutte contre la pauvreté. La FAO évalue à
43 millions le nombre de personnes se livrant directement à la pêche primaire du
poisson, que ce soit en milieu naturel ou dans l’aquaculture, et à 125 millions
56
ceux qui travaillent dans la transformation et la commercialisation. Au total, si
l’on tient compte des personnes à charge, ce seraient 520 millions d’individus,
soit 8 % de la population mondiale qui dépendraient de ce secteur. Les chiffres
sont encore plus parlants en Afrique où la pêche artisanale est très prégnante,
notamment en Afrique subsaharienne, et participe à la structuration de la vie
socioéconomique car il s’agit d’une activité à forte densité de main-d’œuvre. Le
rapporteur l’a rappelé : 6 à 9 millions d’Africains travaillent dans le domaine de
la pêche et 45 millions d’entre eux en dépendent, sans que leur sécurité
alimentaire soit pour autant assurée. Les femmes, notamment, jouent un rôle
déterminant dans les activités de transformation, de commercialisation et de
distribution du poisson, et leur apport à l’économie et à la cohésion est
important. Or, faute d’un véritable accord, elles seront pénalisées d’autant qu’un
accroissement démographique se profile d’ici dix ans, que la raréfaction des
stocks ne permettra pas de répondre à la demande locale et que le déficit
commercial ne fera qu’augmenter.
En outre, comme l’a fait le rapporteur, il faut insister sur la nécessité
d’inscrire la sauvegarde, et plus encore le développement de la pêche artisanale,
dans des stratégies nationales de réduction de la pauvreté. Les négociations
doivent, à cet égard, définir des axes forts en matière d’assistance technique, de
formation et d’investissements au profit de l’édification d’infrastructures
modernes de débarquement, de conditionnement et de transformation.
Enfin, sans maugréer contre les pays émergents, car, après tout, les pays
africains ont le droit de passer des accords avec qui ils veulent, il existe quand
même une concurrence déloyale entre eux et ceux qui, aujourd’hui, organisent un
véritable pillage de leurs ressources avec des flottes puissantes qui pénètrent en
pleine nuit dans leurs eaux territoriales. Outre le fait que ces concurrents
transgressent les lois en vigueur et agissent donc en toute illégalité, c’est souvent
la bataille du pot de fer contre le pot de terre, car face aux énormes chalutiers
venus notamment de Corée, les pirogues font très peu le poids. En Guinée, le
centre national de surveillance n’a qu’une vedette en activité, pas très puissante,
qui ne peut aller très loin des côtes et sans équipement pour sortir la nuit : la
pêche nocturne reste donc sans surveillance. Le pillage se passe dans les zones
réservées à la pêche artisanale le jour et, au cours de ces dernières années, des
dizaines de pêcheurs sont morts à cause de l’incursion de ces flottilles coréennes
et chinoises de pêche d’espèces à très haute valeur commerciale.
Or, il existe des solutions. Dans les années 2000, on a ainsi muni des
pêcheurs de moyens de communication à haute fréquence et ces pratiques de
prévention ont permis de réduire les incursions dans les zones artisanales de 450
à 80, le nombre de conflits en mer de 240 à 35, le nombre d’accidents et de
collisions entre bateaux industriels et piroguiers de 200 à 15 et le nombre de
décès suite à ces accidents de 20 à zéro.
57
Cet avis est tout à l’honneur du rapporteur. Comme le disaient MM. Pasty
et Gentilini, écrire une histoire humaine, c’est aussi pouvoir partir de choses très
simples, et, en effet, c’est au cours d’un voyage au Sénégal qu’est née la belle
idée de travailler sur le sujet. Quoi qu’il en soit, la nécessité impérieuse
aujourd’hui est de réaffirmer les attentes en matière de partenariat, de préserver
les ressources et de donner une dimension sociale aux accords. Vous l’avez
compris, je voterai cet avis ».
Groupe de l’UNAF
Ce nouvel avis complète la réflexion du Conseil économique, social et
environnemental sur les politiques de la pêche, qui se saisit ainsi du sujet, en
amont des échéances de renégociation de la Politique commune de pêche, à
partir de la question des accords de pêche entre l’Union européenne et des pays
africains. Le groupe de l’UNAF se félicite de cette initiative du rapporteur et
soutient l’ensemble des préconisations de l’avis.
En effet, la préoccupation constante de préserver la richesse halieutique,
par l’organisation « d’une pêche responsable et durable », emporte une adhésion
sans réserve du groupe de l’UNAF.
Les familles, notamment celles directement concernées par cette activité
dans nos régions métropolitaines et ultramarines, souhaitent autant la promotion
et la conservation d’une filière professionnelle indispensable pour la vie de ces
régions, que la garantie d’un approvisionnement suffisant des marchés tant en
produits frais qu’en produits transformés, offrant toutes les garanties
d’accessibilité économique et de sécurité alimentaire. Mais, toutes portent
également la préoccupation de l’avenir, dans le souci de transmettre à nos
enfants les mêmes conditions d’accès à ces richesses naturelles,
et donc d’en assurer la « durabilité » et ce, dans un monde plus interdépendant
où la solidarité entre tous les hommes et dans toutes les régions du globe, devient
non plus seulement une valeur à partager mais une nécessité.
Au-delà de cette affirmation de soutien général, le groupe de l’UNAF attire
l’attention sur quelques points.
En premier lieu, il faut souligner et appeler à la responsabilité de l’Union
européenne dans la promotion d’une « pêche » plus responsable et d’un partage
plus équitable des richesses halieutiques et de la préservation de la ressource
nécessaire à tous. Il faut que l’Union, avec la légitimité que lui confèrent ses
zones ultrapériphériques, assume pleinement cette responsabilité et que, parlant
d’une voix unique et concertée, elle « accepte de s’affirmer plus fortement et
plus clairement sur la scène mondiale ». Lors d’une audition en section, un
intervenant a rappelé : « Le pavillon européen constitue un gage de respect de
normes élevées en matière de sécurité sanitaire, de sécurité des navires et de droit
social ». Il appelait à le faire flotter haut et sur toutes les mers.
58
Ensuite, malgré leurs insuffisances, les accords de partenariat en matière de
pêche constituent des instruments de régulation et de contrôle de la ressource
dans l’intérêt de tous, tout autant que des outils d’aide au développement pour
les pays concernés. Il convient de prendre le temps de renégocier des accords
plus ambitieux en matière de partenariat, appuyés sur une connaissance toujours
plus fine du milieu marin et de ses richesses et sur des évaluations partagées. Il
faut mieux en préparer les contenus en prenant appui sur une plus large
consultation des sociétés civiles, notamment celle des communautés côtières, et
en organiser avec elles la mise en œuvre en prévoyant les moyens de contrôle et
d’évaluation nécessaires.
Un dialogue encore à construire entre les différents Conseils économiques
et sociaux africains entre eux et avec le CESE de Bruxelles et les CES des pays
européens pourrait éclairer les instances européennes et les gouvernements
concernés tant pour la construction de ces accords que pour en assurer
l’exécution et le suivi.
Enfin, au-delà de ces aspects, dans un contexte de concurrence exacerbée,
où l’absence de régulation et de volonté politique encouragent la pêche illicite et
le pillage des richesses de la mer, de tels accords doivent permettre des avancées
significatives pour toutes les parties, notamment les pays africains.
Des mécanismes incitatifs, soutenus par les gouvernements signataires,
permettent déjà aux populations côtières d’accéder aux voies du développement.
Le groupe de l’UNAF soutient la préconisation de les renforcer. Conserver, voire
améliorer les conditions de la pêche artisanale nécessaire à la survie des familles,
garantir l’accès aux zones de pêche et à la ressource et leur sécurité, soutenir les
économies locales traditionnelles, etc. Mais plus encore, et certains accords l’ont
montré, on peut assurer la formation professionnelle aux métiers de la pêche et la
structuration de leurs organisations, favoriser par des infrastructures modernisées
une meilleure commercialisation des produits, développer les filières de
transformation sur place dans le respect des normes et de la sécurité alimentaire
tout en permettant à la main-d’œuvre locale, souvent féminine, d’accéder à
l’emploi reconnu, aux formations et au progrès social et humain.
De telles orientations sont proposées afin de faire de la pêche durable et
responsable, une activité au service des hommes et des femmes d’abord et du
développement humain, avant d’évoquer la nécessaire préservation de
l’environnement dans lequel ils doivent pouvoir vivre en sécurité, ou les
exigences impérieuses du monde économique. Le groupe de l’UNAF y est
particulièrement sensible et a adopté l’avis.
59
Groupe de l’UNSA
Les enjeux des accords de pêche Union européenne/ Pays Africains sont au
cœur de la gestion des ressources et des objectifs d’une pêche durable et de la
lutte contre la pauvreté, et participent d’une politique d’aide au développement
chère à l’UNSA.
Dans ce contexte, nous sommes globalement en accord avec les
propositions de l’avis telles que :
- le renforcement des processus d’évaluation scientifique, de contrôle
et de suivi de l’état des ressources halieutiques,
- l’intensification des coopérations avec les Organisations régionales
de gestion des pêches et les autres instances régionales existantes,
- l’établissement de davantage de cohérence et de complémentarité
entre les Accords de partenariat dans le secteur de la pêche (APP) et
les autres politiques de développement de l’Union européenne,
- l’encouragement à une meilleure information et au-delà à une plus
grande association des organisations de la société civile.
Néanmoins, l’UNSA a attiré l’attention du Conseil économique, social et
environnemental sur un point particulier : les conditions de travail des
travailleurs de la pêche de certains pays.
L’avis relève bien que « Pour sa part, l’Union européenne s’est engagée à
intégrer, dans ses politiques commerciales et de développement, les principes
énoncés dans l’agenda pour un travail décent. Et si les APP comportent des
dispositions relatives à l’emploi d’une main-d’œuvre locale ainsi qu’à
l’application de plein droit de la déclaration de l’OIT (Organisation
internationale du travail) sur les principes et droits fondamentaux au travail, la
Commission, dans son rapport de 2009, n’en indique pas moins que « les
conséquences sociales des accords de pêche restaient une source de
préoccupation ».
Mais, une référence plus explicite à la stratégie globale de l’OIT en matière
de sécurité et de santé au travail de 2003, à la convention n° 187, sur le cadre
promotionnel pour la sécurité et la santé au travail de 2006, à la norme de l’OIT
sur le travail dans la pêche ainsi qu’à la convention 188 de 2007, aurait été la
bienvenue.
L’agenda du travail décent en Afrique, 2007-2015 est également
fondamental : celui-ci « est un plaidoyer en faveur d’un renforcement du
tripartisme, de sa capacité d’expression, de son organisation, de son potentiel
d’action afin qu’il soit mieux à même de montrer la voie en Afrique car le
tripartisme est un élément central de tout système de gouvernance ».
60
La représentation des salariés n’est jamais facile à établir et la référence
officielle à ces normes internationales doit aider à cimenter les fondations de
cette représentation ou servir à conforter les structures représentatives existantes.
L’UNSA est globalement en accord avec les propositions de l’avis qu’elle
a voté.
61
ANNEXE À L’AVIS
SCRUTIN
Scrutin sur l’ensemble du projet d’avis
Nombre de votants...............................176
Ont voté pour.......................................176
Le Conseil économique, social et environnemental a adopté.
Ont voté pour : 176
Groupe de l’agriculture - MM. Bailhache, Baucherel, de Beaumesnil,
de Benoist, Boisson, Mme Cornier, MM. Ducroquet, Giroud, Lépine, Lucas,
Marteau, Pelhate, Rougier, Thévenot.
Groupe de l’artisanat - MM. Alméras, Dréano, Duplat, Griset, Lardin,
Martin, Paillasson, Pérez, Perrin.
Groupe des associations - Mme Arnoult-Brill, MM. Da Costa, Leclercq,
Pascal, Roirant.
Groupe de la CFDT - M. Blanc, Mmes Boutrand, Briand, M. Honoré,
Mme Houbairi, MM. Le Clézio, Legrain, Malterre, Mme Nathan, M. Nau,
Mmes Nicolle, Pichenot, Prévost, MM. Vandeweeghe, Vérollet.
Groupe de la CFE-CGC - MM. Labrune, Saubert, Van Craeynest,
Mme Viguier, M. Walter.
Groupe de la CFTC - M. Coquillion, Mme Courtoux, M. Louis,
Mme Simon, MM. Vivier.
Groupe de la CGT - Mme Bressol, M. Delmas, Mme Doneddu, M. Durand,
Mmes Geng, Hacquemand, Kotlicki, MM. Larose, Lepaon, Mansouri-Guilani,
Rozet, Mme Vagner.
Groupe de la CGT-FO - MM. Bécuwe, Bilquez, Mme Boutaric,
MM. Daudigny, Devy, Hotte, Lemercier, Mme Medeuf-Andrieu, M. Mazuir,
Mme Perray, M. Porte, Mme Pungier, MM. Reynaud, Veyrier.
Groupe de la coopération - MM. Budin, Dezellus, Fritsch, Grallet,
Lenancker, Mme Lienemann, MM. Prugue, Verdier, Zehr.
Groupe des entreprises privées - Mme Bel, M. Bernardin, Mme Clément,
MM. Creyssel, Didier, Gautier-Sauvagnac, Gorse, Jamet, Kessler, Lebrun,
Lemor, Marcon, Mariotti, Mongereau, Pellat-Finet, Placet, Roubaud, Salto,
Simon, Talmier, Tardy, Veysset, Mme Vilain.
Groupe des entreprises publiques - MM. Ailleret, Blanchard-Dignac,
Brunel, Chertier, Duport, Mme Duthilleul, M. Marembaud.
62
Groupe des Français établis hors de France, de l’épargne
et du logement - Mme Bourven, MM. Cariot, Feltz.
Groupe de la mutualité - MM. Caniard, Davant, Laxalt,.
Groupe de l’Outre-mer - Mme André, MM. Fuentes, Ledee,
Mme Moustoifa, MM. Omarjee, Paoletti, Penchard, Radjou.
Groupe des personnalités qualifiées - MM. d’Aboville, Aillagon, Aurelli,
Baggioni, Boisgontier, Cannac, Mme Cuillé, MM. Decagny, Dechartre,
Mme Douvin, MM. Duharcourt, Figeac, Gentilini, Geveaux, Mme Grard,
M. Hochart, Le Gall, Mandinaud, Marseille, Masanet, Massoni, Pasty, Roulleau,
Slama, Sylla, Mme Tjibaou, MM. Valletoux, Vigier.
Groupe des professions libérales - MM. Capdeville, Maffioli,
Mmes Riquier-Sauvage, Socquet-Clerc Lafont.
Groupe de l’UNAF - Mme Basset, MM. Brin, Damien, Édouard, Fresse,
Guimet, Laune, Mmes Lebatard, Therry.
Groupe de l’UNSA - MM. Duron, Grosset, Martin-Chauffier.
DOCUMENT ANNEXE
65
Les accords de pêche bilatéraux UE-pays tiers (volet sud)
Pays
Dates de validité
du protocole en
vigueur
Angola
Cap-Vert
Comores
Côte
d’Ivoire
Gabon
4 ans et 5 mois
(30.3.200731.8.2011)
6 ans (1.1.200531.12.2010)
6 ans (1.7.200730.6.2013)
6 ans (3.12.20052.12.2011)
Gambie
République
de Guinée
GuinéeBissau
4 ans (1.1.200931.12.2012)
4 ans (16.6.200715.6.2011)
Guinée
équatoriale
Iles Salomon
Kiribati
6 ans (16.9.200615.9.2012)
6 ans (1.1.200731.12.2012)
Maroc
4 ans (28.2.200727.2.2011)
Maurice
Micronésie
Mozambique
São Tomé e
Principe
4 ans
renouvelables
(1.8.200831.7.2012)
3 ans (26.2.200725.2.2010)
5 ans (1.1.200731.12.2011)
4 ans (1.6.200631.5.2010)
Sénégal
Seychelles
Contrepartie financière
communautaire par an
Pas de protocole en vigueur
Accord de
385 000 €
pêche bilatéral:
thon
Accord de
pêche bilatéral:
thon
Accord de
pêche bilatéral:
thon
% consacré au
soutien à la
politique sectorielle
de la pêche (APP)
100 %
390 000 €
60 %
595 000 €
100 %
Accord de
860 000 €
pêche bilatéral:
thon
Pas de protocole en vigueur
Accord de
1 050 000 € la première
pêche bilatéral:
année, en baisse les
thon
années suivantes
Accord de
7 500 000 €
pêche bilatéral
mixte
60 %
100 %
2 950 000 €
Pas de protocole en vigueur
3 ans (9.10.20068.10.2009)
Madagascar
Mauritanie
Possibilités de
pêche
6 ans (18.1.200517.1.2011)
Source : Commission européenne
Accord de
pêche bilatéral:
thon
Accord de
pêche bilatéral:
thon
400 000 €
30 %
478 400 €
30 % puis 40 % la
deuxième année;
jusqu'à 60 % les
années suivantes
80 %
Accord de
1 197 000 €
pêche bilatéral:
thon
Accord de
36,1 millions €
13,5 millions €
pêche bilatéral
mixte
Pas de protocole en vigueur depuis le 3.12.2007
Accord de
86 millions € la
11 millions € par an,
en hausse les années
pêche bilatéral
première année, en
mixte
baisse les années
suivantes
suivantes
Accord de
559 000 €
18 %
pêche bilatéral:
thon
Accord de
900 000 €
100 %
pêche bilatéral:
thon
Accord de
663 000 €
50 %
pêche bilatéral:
thon
Aucun protocole en vigueur depuis le 1.07.2006
Accord de
5 355 000 € (à partir du
pêche bilatéral:
17.01.2008)
thon
56 % (à partir du
17.01.2008)
67
LISTE DES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Commission européenne, Rapport au Conseil, au Parlement européen, au Comité
économique et social européen et au Comité des régions, Rapport UE 2009 sur
La cohérence des politiques pour le développement, COM (2009) 461 final,
17 septembre 2009.
Commission européenne, Livre vert, Réforme de la politique commune de la
pêche, COM (2009) 163 final, 22 avril 2009.
Commission européenne, Communication au Parlement européen, au Conseil, au
Comité économique et social européen et au Comité des régions, Aider les pays
en développement à surmonter la crise, COM (2009) 160 final, 8 avril 2009.
Commission européenne, Communication au Conseil et Parlement européen,
Pêcheries et réduction de la pauvreté, COM (2000) 724, décembre 2001.
Courrier de la Planète, Biodiversité, La haute mer oubliée, n° 86, avril-juin 2008.
FAO, Département des pêches et de l’aquaculture de la FAO, La situation
mondiale des pêches et de l’aquaculture, Rome 2009.
FAO, Code de conduite pour une pêche responsable, Rome 1995.
OCDE, Renforcement des organisations régionales de la pêche, éditions OCDE,
2009.
Parlement européen, Rapport sur La cohérence des politiques au service du
développement et les effets sur le développement de l’Afrique de l’Ouest de
l’exploitation par l’UE de certaines ressources naturelles biologiques,
(2007/2183 (INI)), 8 avril 2008.
Politique africaine, Gouverner la mer, États, pirates, sociétés, Paris, Éditions
Karthala, n° 116, décembre 2009.
Swedish Society for Nature Conservation, Rapport sur les accords de pêche de
l’Union européenne en Afrique de l’Ouest, Menés en bateau, Stockholm 2009.
Zekeria Ould Ahmed Salem, Le partenariat Union européenne-Afrique dans
l’impasse ? Le cas des accords de pêche, ASC Working Paper 78/2008,
Université de Nouakchott, février 2008.
69
TABLE DES SIGLES
ACP
APE
APP
CEDEAO
CEMAC
CESE
CITES
CMS
CTOI
FAO
ICCAT
IDDRI
IFREMER
IMROP
INN
IRD
OCDE
OIT
OMC
OMD
ONG
ONU
ORGP
PCP
PED
PIB
PNB
PNUE
SPG
UE
VMS
ZEE
Afrique, Caraïbes, Pacifique
Accord de partenariat économique
Accord de partenariat dans le secteur de la pêche
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
Conseil économique social et environnemental
Convention sur le commerce international des espèces de faune et
de flore sauvages menacées d’extinction
Convention sur la conservation des espèces migratrices
Commission des thons de l’océan Indien
Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture
Commission internationale pour la conservation des thonidés de
l'Atlantique
Institut du développement durable et des relations internationales
Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer
Institut mauritanien de recherches océanographiques et des pêches
Pêche illicite non déclarée et non réglementée
Institut de recherche pour le développement
Organisation de coopération et de développement économiques
Organisation internationale du travail
Organisation mondiale du commerce
Objectifs du millénaire pour le développement
Organisation non gouvernementale
Organisation des Nations-Unies
Organisation régionale de gestion des pêches
Politique commune de la pêche
Pays en développement
Produit intérieur brut
Produit national brut
Programme des Nations-Unies sur l’environnement
Régime de préférences généralisées
Union européenne
Équipement de suivi satellitaire des navires
Zone économique exclusive
CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
L’Union européenne, de par ses activités de pêche,
est un acteur de premier plan avec une flotte parmi les
plus puissantes du monde. À cet égard, les accords de
pêche conclus avec des pays africains revêtent une
importance stratégique.
Dans le contexte économique actuel de leur
renégociation, le Conseil économique, social et
environnemental estime le moment opportun pour
apporter sa contribution sur les voies et moyens de
mettre ces accords au service d’une exploitation
raisonnée de la ressource halieutique et plus largement
d’un développement durable, bénéfique aux deux
parties.