La Baule+
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24 mai 2015 la baule + littérature Alcool, drogues, orgies, transgressions… La vie incroyable de Richard Descoings au cœur des cercles du pouvoir raphaëlle bacqué : « C'est une histoire moderne avec cette émancipation sexuelle et cette provocation. » tant, des grandes fêtes alcoolisées jusqu'au petit matin, avec des relations éphémères, des partenaires multiples, cela se produit aussi au sein des milieux hétérosexuels... Or, cette photographie du milieu gay semble entraîner un sentiment de gêne chez certains commentateurs… L e nouveau livre de Raphaëlle Bacqué, journaliste et grand reporter au Monde, figure dans le classement des meilleures ventes. En découvrant «Richie», le lecteur n’ignorera plus rien de la personnalité complexe de Richard Descoings. On se souvient que l'ancien directeur de Sciences-Po avait été retrouvé mort le 3 avril 2012 dans une chambre d'hôtel de New York. Disparu à l'âge de 51 ans, il était proche de de tous les pouvoirs et avait des amis dans tous les milieux. Il était notamment proche de Dominique Strauss-Kahn, de Nicolas Sarkozy, mais aussi d'Alain Juppé. En effet, ce dernier lui avait confié la direction de l'école la plus prestigieuse de France La Baule+ : Quand on lit votre livre, on comprend pourquoi la vie de Richard Descoings méritait un roman. Son parcours est digne d'un scénario hollywoodien… Raphaëlle Bacqué : Effectivement, c'est une vie très romanesque. C'est un personnage tumultueux, haut en couleur, qui traverse plusieurs milieux, celui des élites françaises, le milieu de la nuit gay, le milieu des militants, celui lorsqu'il était Premier ministre, malgré les passages de l'intéressé dans des cabinets mitterrandiens. En 2009, Nicolas Sarkozy lui avait proposé le ministère de l'Éducation nationale, mais Richard Descoings avait refusé. L 'ouvrage de Raphaëlle Bacqué nous permet surtout de découvrir un personnage hors du commun, qui n'avait pas de limites : alcool, drogues, orgies… Le soir de sa mort, après une soirée chez le joueur d'échecs Gary Kasparov, il était rentré à son hôtel avec deux gigolos qu’il avait trouvés sur un site d'escort boys. Mais, selon les enquêteurs, cet élément ne serait pas lié à son décès. La journaliste dresse le portrait des étudiants… À travers lui, on peut retrouver un bout de notre époque et de la société française. C’est la génération des «Nuits fauves», trente ans plus tard, lorsqu’ils ont réussi leur vie… C'est vrai, il y a les «Nuits fauves», mais aussi pas mal de grands sujets balzaciens, avec ces ambitieux qui traversent Paris et qui utilisent les d'un homme charismatique et paradoxal : il fréquentait les couloirs de l'Élysée et les associations gays dans les bars du Marais... Homosexuel revendiquant le titre de «premier pédé de Sciences-Po», il était marié à une femme qu’il aimait... Il abusait de l’alcool et de la cocaïne... Mais tout cela n’empêchait pas Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Christine Lagarde de considérer Richie - tel était son surnom - comme le plus brillant de tous… Raphaëlle Bacqué était l’invitée de Yannick Urrien, lundi 20 avril 2015 sur Kernews, pour présenter son livre « Richie », publié chez Grasset. codes sociaux des élites. Ce sont des gens qui comprennent parfaitement les clés de la réussite, qui jouent, qui transforment parfois la société, mais qui s'y brûlent aussi. Richard Descoings était quand même le directeur de l'école du pouvoir, l'école d’où sont sortis des présidents de la République, la moitié des ministres du gouvernement, des avocats, des patrons, des journalistes… Il a également fait entrer les Les gens sont peut-être un peu pudibonds... Mais c'est quand même un milieu qui existe, il est intéressant de le raconter, Marcel Proust en parlait déjà. Évidemment, ce milieu a évolué, il est beaucoup plus visible qu'avant et l’histoire de Richard Descoings est aussi celle de la visibilité des homosexuels. Je trouve intéressant de raconter comment a évolué ce milieu, mais ce n'est pas vraiment un milieu, il faut surtout parler des milieux… Richard Descoings a traversé plusieurs communautés : celle qui se cache au Conseil d'État, jusqu’aux gays militants qui luttent contre le sida, en passant par le flamboyant qui s’affirme «premier pédé de Sciences-Po ». C'est aussi celui qui épouse une femme à la mairie en grande pompe… Ce sont des milieux que Richard Descoings a traversés, c'est passionnant, c'est notre société. C'est une histoire moderne avec cette émancipation sexuelle et cette provocation. Il prend de la cocaïne, il boit et il est très transgressif prend de la cocaïne, il boit et il est très transgressif. Mais, en même temps, il est aussi cet énarque policé, conseiller d'État... C’est l’entrechoquement de ces milieux qui surprend parfois. Effectivement, ce conseiller d'État le voit arriver, alors qu'il a lui-même perdu son fils du sida, et il observe Descoings dépenaillé, qui a passé la nuit à boire et à danser... Cet homme est réellement outré. C'est aussi la pénétration de deux mondes. Descoings fait arriver un monde de débauche dans un univers incroyablement policé. Personne n'était indifférent à Richard Descoings, beaucoup de gens l’adulaient. C'est un homme qui a été aimé, par les hommes, par les femmes, par les étudiants… Cela lui a permis d'être parfois protégé, d'accompagner son ambition, d'être créatif, mais cela ne l'a pas retenu sur le chemin assez morbide et autodestructeur qui était le sien. Il y a les nuits gays, mais aussi cette transversalité entre tous les courants politiques. Il avait des amis au PS et à l’UMP, mais c’était un génie de la provocation ! Il avait appelé avec humour l’association des gays de Sciences-Po « Plug n’Play » et, avant de prendre l'avion pour New York, il avait envoyé un SMS à ses amis en envisageant ses obsèques : «Rien pour le cancer, tout pour les fleurs !» jeunes gens de banlieue à Sciences-Po. Il y a aussi cette facette méconnue, celle de ce gay flamboyant qui a milité à Aides au moment de la lutte contre le sida… Tout cela en fait un personnage assez universel. Vous racontez la colère d'un conseiller d'État qui voit arriver Richard Descoings ivre, un matin. Ce magistrat projette sur le jeune Descoings ce qu'il a vécu avec son fils, qu'il a perdu en raison du sida. Il s'énerve en disant : «Je ne veux pas revivre cela… » Il y a de l'humour, il y a aussi la volonté de choquer le bourgeois, il y a aussi une provocation plus créative. Il disait souvent que pour créer, il faut être déviant. Il n'a cessé de l'être. C'est sans doute grâce à cela qu'il a pu révolutionner une institution aussi classique que cette école du pouvoir qu’est Sciences-Po. Le livre peut déranger, surtout au regard de cette institution que constitue Sciences-Po car il nous emmène dans les coulisses du milieu gay parisien. Pour- Ils en viennent presque aux mains ! Il faut bien voir que Richard Descoings provoque très volontiers. Il n'y a pas simplement le fait qu'il hante les nuits gays parisiennes. Il Il serait difficile de contester cette analyse : pour créer, il faut être déviant ou être dans l'adversité, la souffrance…