Louis-Alphonse BIRON (1861-1947) Parmi les quelque trois cents

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Louis-Alphonse BIRON (1861-1947) Parmi les quelque trois cents
Louis-Alphonse BIRON (1861-1947)
Parmi les quelque trois cents journaux de langue française parus en
Nouvelle-Angleterre depuis la seconde moitié du XIXe siècle, L’Impartial
de Nashua, New Hampshire (1898-1964) et L’Étoile de Lowell,
Massachusetts (1886-1957) doivent leur existence à un Québécois de
naissance, Louis-Alphonse Biron, descendant direct d’un Poitevin, Pierre Biron, originaire de
Sainte-Hermine en Vendée, venu travailler pour les jésuites de Québec au XVIIe siècle.
Louis-A. Biron est né dans une famille de cultivateurs le 28 juillet 1861. Fils d’Étienne
Biron et de Marie-Louise Laroche, il a vu le jour à Saint-Louis-de-Lotbinière sur la rive sud du
Saint-Laurent. Sa mère meurt jeune et les dix enfants Biron sont élevés par leur grand-mère.
Louis-A. n’est qu’un adolescent quand il perd son père. L’éducation de l’orphelin n’est pas pour
autant abandonnée car le curé de Lotbinière décide de prendre en main son instruction jusqu’à
l’âge de treize ans. Louis-A. fréquente ensuite le Séminaire de Nicolet où, pendant sept ans, en
plus d’acquérir une solide base scolaire et culturelle, il développe les qualités de persévérance et
de patience qui baliseront sa vie.
Issu d’une famille marquée par les métiers de la plume—les poètes Pamphile Lemay et
Apollinaire Gingras sont ses cousins—Louis-A. Biron choisit le journalisme et débute sa carrière
dans la ville de Québec. Il trouve de l’emploi dans les maisons d’édition et fait un peu de
reportage. Malgré ses attaches au pays natal, il se sent attiré vers les États-Unis, poussé par le
goût de l’aventure et stimulé par la perspective de servir les siens, ces Canadiens français
émigrés en Nouvelle-Angleterre par centaines de milliers, à la recherche de travail et de
meilleures conditions de vie. Il échange des lettres avec sa sœur Lumina, déjà installée comme
fileuse dans les usines de coton de Manchester, New Hampshire. Il s’établit alors « aux États »
et arrive à Manchester, New Hampshire en 1890 où il travaille au quotidien L’Avenir national. Il
devient le bras droit de son fondateur, Joseph-Édouard Bernier. Il s’installe ensuite à Lowell,
Massachusetts où il collabore au quotidien de Maxime Lépine, L’Étoile, fondé en 1886 par le
Cercle canadien de cette ville.
À cette époque, la population canadienne-française croissante de Nashua, New Hampshire,
une ville voisine, souhaite bénéficier de sa propre publication francophone. En 1898, Louis-A.
Biron fonde donc un hebdomadaire, L’Impartial. Il le cédera à son neveu, Armand Biron, en
1917. N’aspirant jamais à une diffusion importante, L’Impartial dessert tout de même les
quelque douze mille compatriotes d’origine canadienne-française des trois paroisses francoaméricaines de Nashua, jusqu’en 1965.
En 1910, Louis-A. Biron épouse Marie-Annette Thibodeau, jeune Québécoise diplômée de
1’école normale des Ursulines de Québec. L’heureux ménage aura trois enfants : Louis, Jeanne
(Mme Léon Lavallée) et Marthe (Mme Laval Péloquin).
1910 est également l’année où Louis-A. Biron et son collègue Paul Chaput, fondateur et
éditeur du Courrier de Salem, se portent acquéreurs de L’Étoile de Lowell. Le journal
hebdomadaire devient quotidien et sa réorganisation le rend prospère. Il gagne rapidement
l’estime de la Nouvelle-Angleterre francophone. Louis-A. Biron devient l’unique propriétaire de
L’Étoile et gère son journal avec succès. C’est un quotidien dynamique, reflétant les faits et
gestes français de Lowell et de sa région, défendant sans répit les intérêts du groupe ethnique
franco-américain sans ignorer pour autant les événements d’importance nationale et mondiale.
Mais l’atout principal de L’Étoile est son habileté à capter la vie franco-américaine en NouvelleAngleterre. L’Étoile représente une source documentaire considérable sur la « FrancoAméricanie » de son époque.
Il est important de souligner que sous l’égide de Biron, L’Étoile devient l’œuvre d’une
équipe judicieusement choisie et constamment renouvelée. Arthur Smith and Charles Daoust,
figures de proue du journalisme français, y apportent leur expertise.
L’impétueux Wilfrid
Beaulieu y fait un stage avant de fonder son Travailleur à Worcester, Massachusetts en 1930.
Edmond Turcotte préside à la rédaction de L’Étoile pendant huit ans. Parmi les collaborateurs
qui rehaussent la qualité littéraire de L’Étoile mentionnons aussi Yvonne LeMaître, LouisAlphonse Nolin, o.m.i. et Joseph Laferrière. Le poète lauréat franco-américain Rosaire DionLévesque utilise aussi les colonnes de L’Impartial et de L’Étoile. Le rédacteur des dernières
années, Antoine Clément, se distingue par la force de ses plaidoyers pour la cause de
l’inviolabilité de l’identité franco-américaine.
L’Étoile célèbre son jubilé d’or en 1937 et la Société historique franco-américaine (SHFA)
remet au journal et à son éditeur-propriétaire sa médaille Grand Prix. Pourtant Biron, « un
humble parmi les humbles » selon son biographe Rosaire Dion-Lévesque, décline
respectueusement de devenir Officier des Palmes académiques. Son geste, en l’occurrence,
évoque les paroles que prononcera Antonine Maillet : « Chacun d’entre nous n’a qu’une seule
parole avec sa vie et cette parole doit être celle d’un peuple ». Sa mission porte en soi sa
récompense.
Les contraintes imposées par la Seconde Guerre mondiale frappent L’Étoile très fort dans les
années 1940. Demeuré quotidien jusqu’en 1943, le journal paraîtra dorénavant trois fois par
semaine. Malgré tout, L’Étoile continue « p’tit train » et atteint son jubilé d’or. Le feu sacré,
comme la petite espérance de Péguy, refusait de s’éteindre. « Le vieux et grand chêne » de la
presse franco-américaine, Louis-A. Biron, travaille sans relâche à la direction de son journal
jusqu’à ce qu’une pneumonie le terrasse en quelques jours, à l’âge de 86 ans, le 23 février 1947.
Avec trente-sept années passées à la direction de L’Étoile, Louis-A. Biron est alors le doyen des
éditeurs-propriétaires franco-américains. La communauté franco-américaine entière ressent la
perte d’un de ses plus vaillants artisans ethniques. Antoine Clément, rédacteur en chef de
L’Étoile, rend hommage à son patron en affirmant : « Par sa simple conservation du journal
franco-américain, Monsieur Biron a fait un bien incalculable à l’avancement culturel de la
population franco-américaine lowelloise…. Sa recommandation souvent répétée fut de faire un
journal local, répondant aux besoins des nôtres tout en leur offrant les nouvelles les plus utiles ».
Louis-A. Biron survit à travers son œuvre, L’Étoile.
Il laisse à son fils, fraîchement
démobilisé, et à ses deux filles la recommandation de continuer l’œuvre déficitaire aussi
longtemps que possible. Ceux-ci persévèrent pendant dix ans. De 1943 à 1952, le journal est
publié trois fois par semaine et ensuite deux fois, jusqu’en 1957. C’est le 17 août 1957 que
L’Étoile cesse pour toujours, ce qui n’empêchera point cependant les descendants de Biron de
continuer à participer activement aux mouvements francophones de la région.
En 1977, la ville de Lowell rend officiellement hommage à Louis-A. Biron. Le 19 juin 1977,
dans le cadre des manifestations culturelles de la Semaine franco-américaine, la Bibliothèque
municipale de Lowell dédie une partie de ses locaux à la mémoire de Louis-A. Biron. Désormais,
la Salle Louis-A. Biron de la Bibliothèque municipale de Lowell accroît sa collection de milliers
de livres, de périodiques, de disques et d’archives en français. De nombreuses ressources sur la
francophonie locale et mondiale sont ainsi placées à la disposition du grand public.
L’œuvre de Louis-A. Biron se perpétue également par l’action culturelle francophone de sa
progéniture. Mme Marthe Biron-Péloquin, décédée le 12 mars 2012, fut rédactrice du Bulletin de
la Fédération féminine franco-américaine (FFFA) pendant quatorze ans ainsi que présidente de
cette association francophone. Elle fut aussi présidente de la Société historique franco-
américaine et très active, tout au long de sa vie, dans de nombreuses manifestations de promotion
de la Franco-Américanie. En juin 1985, c’est le premier ministre du Québec, René Lévesque luimême, qui lui présente la décoration de 1’Ordre des Francophones d’Amérique. Ensuite le
gouvernement français l’honore à deux reprises. Elle devient Officier des Palmes académiques
en 1989 et Officier de l’Ordre national du mérite en 1990.
Au moment d’accepter ces
distinctions du consul général de France à Boston, elle pensait à son père et dit qu’elle les
acceptait pour honorer sa mémoire. Sa fille, Louise, en 1981, consacra sa thèse de doctorat à
Paris au phénomène de la survivance culturelle franco-américaine, cinquante ans après que
Josaphat Benoit le fit pour la première fois en France avec L’Âme franco-américaine. Louise fut
décorée de la médaille d’or de l’Étoile civique en 1997 et nommée Chevalier des Palmes
académiques en 2007 pour ses nombreuses publications et conférences sur la communauté
franco-américaine. Ces deux femmes témoignent de la permanence de la langue et de la culture
françaises que Louis-A. Biron ne cessa de promouvoir au cours de sa longue carrière
journalistique.
Louise PÉLOQUIN d’après Marthe BIRON-PÉLOQUIN
BIBLIOGRAPHIE
- Biron-Péloquin, Marthe. « Documentation inépuisable du ‘phénomène franco-américain’ dans
les journaux de langue française de la Nouvelle-Angleterre ». Dans Cesbron, Georges, dir.
L’Ouest français et la francophonie nord-américaine. Actes du colloque international de la
francophonie tenu à Angers du 26 au 29 mai 1994. Angers, France : Presses de l’Université
d’Angers, 1996. p. 531-543.
- Dion-Lévesque, Rosaire. Silhouettes franco-américaines. Manchester, NH : Association
canado-américaine, 1957. Supplément, p. 1-3.