et si mon père était n`importe qui d`autre? - Bernard Leblanc
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et si mon père était n`importe qui d`autre? - Bernard Leblanc
E T S I M O N P È R E … • ET SI MON PÈRE ÉTAIT N’IMPORTE QUI D’AUTRE ? par Bernard Leblanc-Halmos Vous m’avez posé une véritable colle en me demandant : « Qu’est-ce que cela aurait changé si, au lieu d’être peintre, votre père avait été contrôleur des impôts ? » Pour ma défense, je ne peux répondre à cette question sans avoir recours aux routes bordées d’arbres cathédrales, aux buissons d’aubépine en fleurs, aux allées circulant parmi les sous-bois, ainsi qu’aux plages désertes et sauvages où jamais personne ne va… Cette liste sans fin des paysages de mon enfance me poursuit comme un ciel de traîne. Ces lieux secrets, je les ai personnellement rencontrés en accompagnant l’homme des bordures de rivière, de mer, de champs et de bois. Mon peintre de père a tellement transformé mes yeux en les plongeant dans des itinéraires peu ordinaires que je ne puis m’imaginer n’avoir jamais battu les chemins, fouillé les buissons et exploré monts et merveilles comme à l’ordinaire. Un vrai peintre paysagiste aime la nature parce qu’il s’en revêt corps et âme. Il sait perdre son temps et revenir le lendemain et les jours suivants. Il tente peu à peu de gagner le difficile combat de la lumière, l’inexorable lutte avec l’ange. Pourquoi fait-il cela ? Pas pour lui. Sa peinture est un manifeste en l’honneur de la Nature, une œuvre de salubrité publique dédiée à… Tous les gens. • Gens de l’art Je conçois que l’épluchage d’une déclaration fiscale dans laquelle se dissimule une fraude est capable de procurer à l’inspecteur du fisc un plaisir qu’on pourrait qualifier d’esthétique. D’ailleurs, l’intelligence de l’accueil, l’élégance des solutions de compromis, toutes ces délicates subtilités dont font preuve la majorité des contrôleurs qu’ils soient du ciel, des chemins de fer ou des impôts, démontrent qu’il n’y a pas de sots métiers et que pour en être inspecteur, surveillant, audit, on n’en est pas moins homme de l’art. Qui dit que parmi ces accompagnateurs de voyageurs en transit, de personnes en difficulté et de contribuables en cours de vérification fiscale, on ne recense aucun poète, aucun amoureux de la lumière, aucun enfant qui n’ait eu pour mère une fine cuisinière et pour père un artiste haut en couleurs. • Gens de goût Si mon père avait été un facturier ou un caissier, aurions-nous été pris sous l’épaule champêtre des contrées flamandes, sous la protection de la Côte d’Opale, sous les bons auspices de la Bourgogne et de la Champagne ? Serions-nous devenus ce que nous sommes, si nous n’avions jamais enfilé les bottes de sept lieux sur les grands chemins du royaume de France. Je dis « nous » car je ne peux pas séparer parents, enfants, chiens 1 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … (régulièrement notre chienne faisait ses petits) et l’ensemble des créateurs associés, les amis, les voisins, les passants qui ont fait partie de l’aventure de la peinture. Ceux qui ont été élevés tout bambins près d’une étable ou d’une écurie savent de quoi je parle. Ils gardent leur vie durant non seulement une sensibilité aux bêtes mais aussi de la paille dans leurs sabots (que n’ont pas ceux qui parcourent des livres de compte). En la présence de ma mère, fille de vigneron, détentrice de qualités culinaires exceptionnelles et du grand art de recevoir, et de mon père, artiste « peigneron », découvreur de trésors, « révélateur » de beautés, nous fûmes retournés comme du limon sous le double ensemencement des saveurs et des couleurs. • Gens de voyage « On va prendre l’auto pour chercher un endroit pour peindre… » Cette phrase rituelle ouvre la battue, un peu comme le cor de chasse qui enclenche l’entrée de la meute dans les taillis et les fourrés. Nous partons en vadrouille. On s’entasse dans la carriole: famille, matériel de peinture et chiens, à la découverte d’un lieu hors du commun. Mon peintre préféré est en réalité un simple servant parmi les herbes folles dans un jardin négligé, devant un vallon que sillonnent les vignes, dans un ancien verger abandonné où les oiseaux nichent en confiance, autant qu’au cœur d’un petit village sur la place du marché ou à la ducasse en pleine ville. Toute la tribu s’installe autour du chevalet. Le chien, cabot comme pas deux, sait mieux que quiconque ce dont il s’agit et c’est nonchalamment qu’il prend la pause. Nous les enfants, nous ne jouons pas loin. Maman lisotte. Papa demande : « Nadine, ne bouge plus ! » Chacun à notre tour, nous entrons dans la toile pour la postérité. Le vieil Indien qui, tous les matins, lance sa prière au soleil, sait qu’en priant ainsi, il aide l’astre des cieux à poursuivre sa course. Sans lui, le soleil ne resplendirait plus. Nous, sans le savoir, autour de ce peintre impénitent, nous entrons dans l’adoration des environs. Nous ne nous doutions pas que ces lieux de prédilection que nous contemplions, tableau après tableau, risquaient de disparaître un jour. • Gens de nature Les paysages de la douce France, le pays de mon enfance, nous semblaient autrefois éternels. Mais aujourd’hui avec la « banlieusardisation » généralisée et l’industrialisation des parages, ces prières sur toile demeurent des appels à témoin qui constituent un véritable trésor collecté sur site. Le monde qui nous entoure nous ressemble. Il devient ce qu’on en fait. Un beau paysage, un beau village, un bel entourage sont autant d’hommages rendus par l’ensemble des habitants d’une contrée. La peinture comme mon père la conçoit, salue la beauté à l’état nature. Elle vénère l’alliance de la vie et de l’humaine exigence. L’environnement, il ne suffit pas de le défendre, il faut aussi l’honorer. L’existence nous a comblés de ses bienfaits. Ne sachant pas comment les lui rendre, on en est comme écrasé par une sorte d’indifférence standard, une froide insensibilité, un mépris dédaigneux. Peut-être devient-on des gens modernes avec des métiers normaux et des résultats chiffrés parce qu’on ne sait plus remercier. Peut-être que la course à la consommation ou aux armements, ici comme ailleurs, est une habitude. La nature animale 2 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … est avilie. La nature végétale est abîmée. La nature humaine est maltraitée. Par conséquent, notre environnement est défiguré. Mais, me direz-vous, pourquoi ces dégradations ? Par pure ignorance ? Par erreur ? Par manque de gratitude ? Le monde reprend figure humaine dès lors qu’un seul de ses enfants, debout, s’en va regarder autour de lui avec admiration. Comment s’y prend-il ? Il clame que le monde est beau à qui sait le voir. Certaines œuvres, pour un peintre d’après nature, sont des incantations formées de paroles chaleureuses, de chants, de musiques et de couleurs qui l’enchantent. En exprimant ainsi comment la campagne, la montagne et les bords de mer peuvent resplendir, il célèbre à sa façon les excellents paysagistes méconnus qui, partout, au cours des siècles et des siècles ont élaboré des paysages à vous couper le souffle. Nos « arrière-parents » nous ont légué de multiples chefs-d’œuvre dont nous sommes les héritiers. Chaque tableau rend compte d’un vaste patrimoine collectif et ancestral. Manifester sa reconnaissance, en somme, c’est chercher une issue qui soit à la fois digne de nos prédécesseurs, de nos successeurs et de nous. • Gens de pays J’ai donc commencé à naître dans le paysage dès que j’ai débarqué dans cette famille pleine de peintures et de régalades inégalées. Cela ne s’est jamais arrêté depuis. L’existence qui m’a été accordée est naturellement entourée par la beauté de ces lieux où avec ma sœur Nadine et mon frère Olivier nous étions de la noce. Ces continuelles retrouvailles avec la nature, nous ont prodigué d’immenses bienfaits dont il est impossible de mesurer la portée. Personnellement, je ne parviens pas à réaliser combien je suis redevable aussi bien à mes parents, qu’à ma sœur et mon frère, et également à tous les habitants de ces endroits de bonheurs passagers, pour ce don universel de bonne humeur. La bonne humeur est un immense jardin mitoyen qui se cultive avec soin de génération en générations Une place ordinaire sous un regard quelconque ne se transforme pas en tableau sans une certaine adresse et une profonde ténacité et surtout une nécessaire bonne ambiance. Un bon peintre, l’air de rien, va pincer sur le vif d’imperceptibles nuances, décontenancer les apparences et restituer avec force la joie qui se cache là parce qu’il sait créer un climat favorable. Cette façon de traiter un sujet rejoint les secrets de tambouille de l’art culinaire. Quand la cuisinière rassemble autour d’elle ses matières premières, des légumes tout ce qu’il y a de plus courant, ce ne sont déjà plus des tomates, des carottes, des navets et des patates qui passent entre ses mains, mais des succulences à venir. Les ingrédients qu’elle incorpore à sa sauce pour l’épaissir et la rendre onctueuse embaument la cuisine. Ainsi va la vie lorsqu’on s’attache à bien « liaisonner » les éléments disparates. Un plat délectable qui provient de trois fois rien. Les invités se réjouissent du résultat lorsque le plat est exposé sur la table. Ensuite avec délicatesse, ils en apprécient les délices. Nul véritable artiste, quel que soit son domaine, n’a jamais chanté ou peint, cuisiné ou modelé, construit, inventé, délivré, que pour obliger les amateurs à sortir de leurs têtes et rejoindre un je-ne-sais-quoi de l’au-delà. • Gens de cœur Mes parents, dans le fond, sont des boursicoteurs d’un genre excessivement particulier, ils 3 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … profitent de toutes les richesses à la ronde pour les redistribuer au monde. Très peu de spéculateurs connaissent cette façon originale de réaliser de telles plus values. À dire vrai, lorsque le mot « richesse » est accolé à une œuvre littéraire, musicale ou picturale, ce terme n’a pas du tout le même sens que placé dans la bouche d’un obsédé du chiffre et de la rentabilité. Entendons-nous bien les mots : profit, valeur, titre…n’entretiennent pas avec nous des rapports uniquement financiers mais d’impayables richesses, des fortunes inouïes que personne ne peut laisser enfermées dans des banques. Le spectacle vagabond de la lumière est offert en abondance sans discontinuer. Cette immense somptuosité n’a pas de prix. Chacun des titres des toiles d’Abel Leblanc est l’expression même de cette richesse naturelle qui, sans les soins appropriés de l’artiste, resterait dans l’oubli. Papa a de l’or dans ses mains parce qu’il n’est absolument pas un faux-monnayeur. Il ne se copie pas lui-même. Il ne cherche pas à gagner de l’argent. Il fait valoir l’âme profonde d’un paysage en allant sur place en dévoiler les attraits sans oublier au premier plan du tableau ces deux vélos enlacés que des amoureux en goguette ont abandonné sur le bas-côté avant de se réfugier derrière les buissons. À propos de cette idée de richesse, je n’ai jamais vu s’appauvrir papa en avançant en âge. Non, je ne l’ai jamais vu vieillir. Comme les bons vins, il se bonifie avec le temps. Il ne devient pas vieux mais mieux. Sa peinture est comme lui. Elle aussi rajeunit. À quatrevingt-cinq ans passés, il continue à se lancer ses défis. Chaque nouveau tableau attaque une nouvelle énigme. Ses œuvres sont regardées, appréciées, au fil des années, par un plus grand nombre d’admirateurs. Les toiles ainsi dispersées prennent de la valeur. Les spéculateurs y retrouvent leurs comptes. Sa côte augmente. • Braves gens Le ciel gris s’étire à l’infini, brumeux, chargé, pommelé pour cause d’arrivage de gros nuages menaçants qu’il va falloir braver. La pluie reprend du service. Certains prétendent qu’il fait mauvais. Le peintre semble tomber des nues. Il n’accuse jamais le temps d’être vilain. Le temps fait « ce qu’il pleut ». Il faut lui rendre son embellie. On n’est pas là pour se plaindre mais pour mettre en valeur le monde. Quand « ça pluie dans la vie », il y a toujours une échappée, une trouée, une percée à créer. Le brouillard va se lever. Lorsqu’on s’approche de lui sans a priori, le gris reprend des couleurs. En y regardant de plus près, on voit chanter l’averse le long des gouttières et on entend ruisseler les pavés. Elle est bien plus amicale qu’on ne le croit. Elle n’arrête ni le pèlerin du matin et surtout pas le peintre qui, un bouquet de pinceaux à la main, accourt vers elle. Il la reçoit sans lui faire grise mine. Elle est son amie. Il va se mettre à l’abri sous le hayon arrière grand ouvert de sa voiture et le tour est joué. On peut toujours s’arranger. Cette affirmation qui prétend mordicus que le sublime se dissimule derrière les apparences, est une excellente philosophie de vie. • Gens dans la solitude Dans sa célébration des offices du matin, mon pérégrinateur de père, pour quelqu’un de soi-disant nonchalant, est un irréductible lève-tôt. Il se revêt d’une robe de bure bariolée, d’un gros pull plein de tâches qui lui descend jusqu’aux genoux et lui ceint les reins. Il s’emmitoufle de part en part. Il se coiffe même, pour parfaire son allure, d’un inimitable 4 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … galurin waterproof à l’épreuve des intempéries. En s’habillant ainsi en épouvantail champêtre, je le suspecte de vouloir se fondre dans le paysage. S’il avait été ascète, il se serait aiguisé le tempérament en se levant de la même façon à des heures indues. Il aurait, certes, non sans un certain panache, bravé la paresse afin de glorifier les petites aurores, toutefois, il ne se serait pas privé des joies de ce monde. C’est donc en ermite intermittent qu’il se retire quelques heures en solitaire parce que les lumières de l’aube sont les plus réjouissantes. • Gens d’âme en joie Peindre la joie : imaginez-vous la noblesse de cette vocation ! Ils ne sont pas nombreux les peintres dans le secret de la grande filiation, qui, depuis les fresques rupestres des maîtres du paléolithique jusqu’à ce jour, sont les « magnificateurs » d’une vie haute en couleurs et d’une joie qui prend essor hors de la caverne. Il serait bien plus facile de jouer le rabat-joie en besognant à grands traits, en bombant à mort et en bâclant son travail. Enclin à la tristesse, il pourrait assombrir le tableau sous le coup d’un assommant désespoir, mais Abel refuse de céder à la facilité. Il serait plus facile de peindre en pénitence plutôt que de s’élever en allégresse. Même quand il est triste pour cause de coup dur, et Dieu sait que les coups durs ne manquent pas, le peintre offre un peu de joie aux alentours en compensation. C’est un remède universel. Il peut d’ailleurs également, en demeurant à l’abri dans la petite chambre du haut, saluer la lumière en l’observant danser sur les carreaux de la fenêtre devant laquelle est posé un petit vase bleu pervenche d’où s’épanouissent en catimini quelques jonquilles jaune d’or. Il n’y a pas bien loin où aller. L’instant est accueilli comme une grâce des cieux. Parfois, une flaque d’eau sur le trottoir où se reflètent les lampions de la ville fascine le regard. Un pan entier de l’existence est niché là au détour de l’étincellement de l’instant. Les endroits pour peindre ne se trouvent pas en arpentant les sites pittoresques sur des cartes touristiques où sont inscrits les lieux classés. Il faut quitter les chemins tout tracés et se dégager de l’inattention qui nous pend aux yeux. La toile à peindre, où ne va-t-elle pas se nicher ? • Gens du coin Avant même de savoir où il va planter sa toile, le peintre a pressenti que l’inconnu l’attendait là, dans un coin. J’ai toujours été captivé par cette attirance quasi somnambule qui le propulse vers un site indiscutable. La voiture roule en maraude au milieu de nulle part, quand, tout à coup, on vire de bord pour s’engager sur un sentier. Immanquablement, nous nous retrouvons dans un trou qui se prénomme toujours du même joli surnom de : « C’est là ! » Et c’est tellement bien là qu’une fois arrivé, on ne s’imagine pas remettre en question la légendaire idée qui veut qu’au pied d’un arc-en-ciel se trouve un trésor. Nous y sommes. En quittant la logique linéaire au profit du louvoiement, l’inventeur de paysages est immanquablement attiré par le « C’est là ! » avec lequel il a rendez-vous. Le bon endroit, à la bonne saison, l’invite pour un brin de causette. Le « C’est là ! » n’a absolument rien de spécial au premier abord. Il faut commencer par l’honorer par une visite amicale pour qu’il reprenne vie. Il se peut qu’à la première rencontre le peintre ne sorte même pas sa 5 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … boîte à peinture. Il contemple le virage du canal le long des peupliers formant comme un large sourire de bienvenu. Ce sourire, personne ne l’aurait vu si un tableau ne nous l’avait pas rendu. • Gens simples J’ai souvent aperçu le peintre cligner du regard afin de saisir une flopée de contrastes à la volée. Il faut soulager l’œil de ses visions coutumières pour accompagner la métamorphose : l’envers des décors qui se remet à l’endroit. L’envers, c’est quoi ? Ce sont les œillères habituelles qui nous bouchent la vue. L’endroit, par contre, c’est le « déjà-là » que nous ne voyons pas. Le royaume est en nous mais nous ne le reconnaissons pas. Nous vivons à l’endroit mais sans nous en rendre compte. La toile est vierge mais, ne nous y trompons pas, c’est de but en blanc un inextricable fouillis d’innombrables possibilités. À se demander comment un si grand paysage va pouvoir se faufiler dans un si petit cadrage. Face à l’immensité, avec un mètre carré, il n’est pas grand-chose. La main hésite. Le peintre va et vient comme un amoureux transi. Soudain, le fusain, ainsi qu’une nuée de noires sauterelles, saute à grands traits contre la toile pour s’y écraser avec pertes et fracas. Des lointains s’esquissent. Des premiers plans surgissent. Il ne s’agit pas de remplir le tableau mais plutôt d’ébaucher, d’invoquer et surtout de vider les trop-pleins et de dégager les déliés. Maintenant, les pinceaux entrent en lice. Ils se bousculent les uns contre les autres telles des muses touffues qui s’apprêteraient à capter l’imprévisible. Le spectateur est affolé. Il a peur. Souvent, il ne reste pas. C’est trop risqué. On ne voit plus rien. Le fusain est avalé. Des couleurs s’escriment, puis s’estompent, puis s’escortent. Puis s’estompent à nouveau. Peu à peu, de ce méli-mélo, comme d’une décalcomanie, comme ci comme ça, quelque chose surgit. • Gens de qualité De près on n’y comprend plus rien. Le nez collé sur le tableau, on ne voit qu’un affreux mélange d’enthousiasmes. Il faut faire trois grands pas en arrière pour que le miracle se produise. Quelque chose qui nous échappait survient. Le peintre se perd toujours dans la lumière pour mieux s’y retrouver. Aucun moment ne se ressemble. Tous ceux qui ont été formés à cette bonne école de la magie buissonnière savent qu’on doit constamment s’attendre à être surpris. Pour mon humble part, j’ai tellement été invité à d’étranges repas et à d’insolites visites sur sites que, sans le vouloir, sans même en avoir réellement conscience, je plonge dans le quotidien comme dans un livre d’or qu’on ne peut lire qu’à cœur ouvert. Je ne me vois pas vivre une seule journée où je ne puisse pas dire : je n’ai jamais vu chose pareille. • Gens de cirque Pour ne prendre qu’un seul exemple compréhensible de cette triviale subtilité, de cette originalité même de l’impertinence des choses, disons que, suivant la qualité des fourrages, un fromage de chèvre est incomparable. Goûtez-moi ça ! N’est-ce pas délicat ? Il en est de même pour toute tranche de vie savourée en commun. D’un côté, il y a les reproductions à la chaîne et de l’autre le tableau peint à la main dans le chaos du moment, le vent ardent, l’intuition en mouvement, la forme qui prend vie, la toile qui 6 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … n’est qu’impensables jaillissements. Une fois au mur, le « C’est là ! » accrochera à son tour les regards des particuliers qui possèdent cette sorte de vénération pour ce qui illumine le regard. Leurs yeux sont comme les grains d’un grand rosaire. Ils aiment célébrer la vie par surprise. Ils adorent chanter cette nature qui se met en beauté pour nous accompagner. Tous ces gens sont comme des trapézistes, des voltigeurs d’impondérables. • Gens hospitaliers Voici un autre atout maître du grand jeu de l’existence : depuis la nuit des temps, les nomades offrent la loi de l’hospitalité au monde. Cet accueil fait partie de la nécessité du tableau. On ne peut séparer l’art des paysages de passage et l’art d’accueillir les passants qui s’y trouvent. Venez les amis ! la porte au fond du jardin, il suffit de la pousser pour entrer. La grille sur le devant est peut-être fermée mais c’est uniquement par précaution, si vous sonnez, vous serez reçu à bras ouverts. Midi et demi viennent de sonner au clocher, la table est déjà mise sous la « tollenda ». Cela ne fait rien, on va rajouter un ou plusieurs couverts supplémentaires. Vous êtes les bienvenus. Le grand art, c’est l’art d’accommoder les restes sans faire de chichi. S’il fait trop froid, on ira se mettre à l’intérieur autour d’une flambée dans la cheminée. Combien de toiles racontent ces instants sans pareil, ces histoires à la bonne franquette qui n’ont rien d’exceptionnel puisqu’elles sont toujours extraordinaires. Des personnes, connues ou inconnues, d’ici ou d’ailleurs, appartenant à un milieu huppé ou populaire, toutes sont accueillies en amies à la maison. On va mettre les petits plats dans les grands. Faire marcher le piano mécanique. Sortir la guitare. Maman va déterrer un récit de derrière les fagots, une anecdote incroyable qui nous est arrivée. Papa va pousser la chansonnette, des chansons de son cru. Le lierre grimpe au mur pour décorer le « vivoir ». Les tableaux se montent les uns sur les autres afin d’avoir accès aux regards. Tout va si vite que personne ne sait jamais si l’on n’est pas en train de manquer quelque chose. Bien mieux qu’un appareil photo, les pinceaux ripostent à ces manques de temps en entourant de reconnaissance ces quelques instants parmi les plus précieux au monde. Quelqu’un, plus tard, regardera par cette lucarne ouverte. D’autres gens de passage aborderont ces moments glanés à la sauvette. Vous qui lisez ce livre et feuilletez ces images, vous découvrez la palette amicale du peintre et de son épouse qui insistent avec leurs enfants pour que vous soyez personnellement leur invité. • Gens de courage Aucun obstacle ne semble insurmontable. Papa repeint à 86 ans après avoir arrêté quelques mois à la suite de la mort de maman. Il s’insurge à nouveau. IL avance comme dans la neige quand les jours sont plus courts. Ne vous inquiétez pas monsieur l’hiver, vous aurez votre tableau. Le peintre avance sur le sol gelé. La glace crisse sous ses pieds. Il a enfilé ses godillots et rajouté quelques couches supplémentaires de pulls pour accentuer sa dégaine de bonhomme de neige multicolore. L’haleine fumante s’ajoute au brouillard givrant. Les couleurs ne meurent pas. Il faut sans cesse réapprendre à vivre. S’intéresser aux plus petites promesses offertes par quelques lueurs malicieuses dans la pâleur du jour, un seul jour à la fois. La patience de l’œil se réconcilie avec le temps qui passe. Ça va se lever. 7 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … • Gens de banlieue Et si mon père… et là, c’est la supposition la plus impensable dans ce jeu du portrait chinois, avait été un peintre abstrait ? Lorsque l’on s’adresse aux jeunes des banlieues pour leur demander leur position face à la violence dans les quartiers, ils vous expliquent que chez eux il y a deux types de réaction devant les difficultés actuelles : les casseurs et les danseurs. Cette vérité mérite d’être méditée. On retrouve cette même double réaction dans toutes les strates de la société ainsi que parmi les peintres. La fracture ne se situe pas entre les figuratifs et les abstraits, mais entre les danseurs et les casseurs. Un écrivain est dénoncé comme trop abstrait lorsqu’on l’accuse de manquer de représentation sensible. Le peintre abstrait n’est peutêtre pas qu’un imposteur ou qu’un « art-n’hacker », mais quelqu’un comme vous et moi qui, ayant été élevé hors sol, tente d’exorciser l’outrage de la dénaturation et de la déculturation dont il a été victime. Il tague sa détresse. Hurle la dislocation. Pousse à bout la disparition des frontières naturelles et l’absence de vie à l’air libre. Danse-t-il malgré tout pour faire cesser la malédiction ou proclame-t-il la déstructuration totale ? Quand on exprime ainsi sa douleur et qu’on prétend à juste titre faire table rase, est-il indispensable de tout défoncer, même la table ? Faut-il en vue d’épater la galerie, taper dans le tas et faire gicler les couleurs à la « n’importe comment » ? N’y a-t-il que la violence pour répondre à la violence ? Doit-on tout massacrer pour être consacré Artiste ? « Transfiguratif », abstrait-extrait, jeté-battu, retrait-soustrait, sauté-relevé, trait-portrait, jaillissements sans réserve, hors cadre et sur toile, comme tous les danseurs du monde, un vrai peintre utilise toutes les figures de style. Vous pouvez en faire l’expérience en vous approchant de très près, vous découvrez que la peinture est d’abord abstraite lorsqu’elle émerge de la mêlée confuse des masses, des traits et des couleurs. Puis, comme par miracle, lorsque vous vous reculez, vous remarquez que l’abstraction vacille, le rythme engendre le rythme, des formes et des couleurs gambillent. Le peintre proclame la paix. On a aujourd’hui besoin essentiellement de gens de paix. • Gens d’humilité Sur quelle branche nous appuyons-nous ? Sur la branche artistique ou sur la branche armée ? Sommes-nous sur terre pour contribuer à la création ou pour participer à l’immense opération de la destruction à laquelle participent tous les spéculateurs qui ne pensent que fric, théorie dominante, idée, abstraction ? Les créateurs, les vrais, les danseurs de ce monde s’élancent à travers les pervertissements vers la sublimation. Ils remontent le courant à la source. Ils sont comme ces fleurs qui s’épanouissent à discrétion dans le sens de l’éclosion et puis qui s’effacent devant le naturel de l’état nature. Pour le véritable peintre, chaque giclée de pinceau, chaque geste du poignet, la tête, le corps entier, en toute humilité, la conscience comme éblouie, s’immergent à l’intérieur d’une profondeur qui le transcende. Ce n’est pas la fleur qui éclôt, ni le danseur qui danse, ni l’écrivain qui s’exprime, ce n’est pas non plus mon père qui peint, mais ce sont les paysages et les visages qui utilisent l’un d’entre nous pour une opération de soulèvement et d’élévation. Si mon père avait voulu devenir un peintre, il aurait cherché la gloire et se serait gonflé dans l’opinion exagérée de sa valeur personnelle aux dépens de la simple 8 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … considération due à autrui. Il aurait oublié qu’il n’était qu’un modeste serviteur. Il serait devenu bouffi d’orgueil. Le pire qui pourrait arriver à tout artiste, quel que soit son art, serait d’être vaincu par ce sentiment de sommité, par cette arrogance insolente, par ce dédain dont quelques mystificateurs, qui font honte à la profession, se couvrent. Se couvrent de quoi ? De ridicule. Demandez donc aux vaches ce qu’elles en pensent. Elles qui, avec leurs grosses têtes de candides candidates, sont souvent venues voir le peintre lorsqu’il installait son bazar au milieu de leur pâture. Elles ont vite compris qu’il n’était qu’un adorable adorateur. Elles voulaient tellement participer à l’événement qu’elles finissaient toujours par être pleine de couleurs parce qu’elles broutaient les tubes comme s’ils contenaient du lait concentré. • Gens d’art en tout genre La toile, le peintre, les paysages, la danse, la joie de servir, tout se tient et disparaît au fur et à mesure que l’œuvre avance et que le peintre se languit de plus en plus de ses pinceaux. Un autre tableau s’en va comme il est venu. Un autre s’en vient. Si cette création est juste, il ne reste nulle trace de vanité ou d’amour-propre. C’est naturel d’aller peindre en se levant de bon matin. Lorsqu’on s’étend sous un arbre, en portant son regard on s’aperçoit rapidement que chacune des feuilles frissonne comme si elle était exactement à sa place. Le ciel en est couvert. Pour nous, les humains, feuillage d’un immense arbre où les talents de chacun et tous les métiers ont leur place, cette superbe répartition n’est peut-être pas aussi visible. Tout se tient. Il n’y a pas de contrôleur sans producteur, pas de peintre sans encadreur, pas d’abstrait sans figuratif, pas de margoulin sans gens de bien, pas de contemplatif sans actif, pas de spontanéité sans rigueur… Quand bien même l’un d’entre nous changerait de branche, il ne quitterait jamais l’arbre de la vie. C’est la même destinée qui nous réunit dans le creux de sa main. Nous vivons de concert. Il n’y a d’ailleurs pas plus de différence entre les peintres et les encadreurs qu’entre les contribuables et les contrôleurs du fisc. Certains encadreurs ont choisi ce métier pour se rapprocher d’une passion qu’ils nourrissaient en secret. Le peintre de son côté, choisit ses châssis. Il présage que dans ce « 5 paysage », le cadrage officiel qui mesure 35 cm par 24, il va parvenir à y encastrer la trouée immense d’un troupeau de coteaux. Si l’on y pense bien tout le monde concourt à la naissance d’une performance picturale : les chimistes producteurs de couleurs, les fabricants d’essence de térébenthine, le garagiste qui a permis que notre vieille guimbarde parvienne à transporter le matériel et s’il fallait compter le nombre de personnes qui ont participé peu ou prou à la mise au monde d’un seul tableau, il n’y aurait jamais assez de chiffres ni assez de comptables pour achever ce calcul. Ne serait-ce qu’en ce qui concerne les inventeurs de paysages, imaginez-vous un peu combien d’années il faut pour sécréter un « C’est là ! ». Combien de belles âmes pour fonder une civilisation ? • Gens à ciel ouvert « Vous connaissez le café “à la braise” ? » Cette phrase rituelle vous sera posée si vous passez par notre maison de Loches. Si vous répondez non, mon père va d’abord vous expliquer la chose avant de se lancer dans le 9 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … rituel. Si vous répondez oui, vous n’y échapperez pas, on vous préparera à nouveau le café « à la braise ». C’est une ancienne coutume de vignerons. Sur un petit feu de sarments, ceux-ci faisaient le café au milieu de leurs vignes en utilisant des braises rougeoyantes. D’abord, il faut un coquemar, c’est un pot de terre cuite spécial, évasé vers le haut et capable d’aller au feu. Vous le remplissez d’eau jusqu’à la limite du faux col et vous posez sur l’eau une bonne dose de café moulu, surtout sans rien mélanger. Ensuite, vous posez le coquemar ainsi affrété au-dessus des braises rouges et vous laissez chauffer jusqu’à ce que l’eau se mette à frissonner. Le café moulu ainsi imprégné de vapeur va alors former une croûte compacte et commencer à respirer. C’est à ce moment précis que, muni d’une pince, vous capturez une grosse braise bien rouge dans le feu et vous la plongez vivement dans la croûte. L’eau va gicler et la croûte sera précipitée au fond. Le café est prêt, limpide, sans résidu de marc, prêt à l’emploi. Goûtez-le. Il est bien meilleur qu’un café ordinaire et bien meilleur pour la santé car la braise produit son effet. Ce café « à la braise » représente en concentré ce que le peintre ne cesse de faire par ailleurs, un signe de bonne intelligence avec la nature, avec l’inventivité, avec les anciens, avec les nouveaux, avec notre temps, avec l’au-delà et avec le tout à l’avenant. Une consécration, une façon d’exorciser une croûte en lui mettant le feu. • Gens à l’âme généreuse Qui a posé cet œil bienveillant dans la vision du peintre ? Il ne faudrait certainement pas mésestimer les pénuries de la guerre, pas la peine d’insister non plus sur les ennuis en tout genre et les difficultés qui ne manquent jamais d’arriver. La course le matin, je m’en souviens comme si c’était hier, catapultait mes parents vers leurs métiers de professeurs. L’horaire devait être respecté et il l’était ; comme quoi on peut mener une vie d’artiste et, parallèlement, de fonctionnaire. Quant au fameux problème de la poule et de l’œuf, il est impossible de choisir un côté plutôt que l’autre ! Les fonctionnaires, les artistes ; le haut, le bas ; le bien, le moins mal ; l’avant, l’après ; les parents, les enfants ; le réglo, le relax ; la peine, la joie… Ce sont les pôles du « Grand Aimant » d’une existence. Si moi-même en tant qu’œuf, j’avais été conçu par une autruche ou par un crocodile, c’est sûr que je n’aurais pas eu les mêmes attirances ni les mêmes répulsions. Aurais-je eu les dents longues, serais-je resté la tête dans le sable ou dans mes livres de compte. Si je n’avais pas été un crapoussin élevé dans une famille d’artistes… Si j’avais été pondu sous intelligence artificielle… Si je n’avais jamais mis le nez dehors… Si je n’avais pas eu Mère Nature comme nounou… Si nous, les enfants, nous n’avions pas été entourés d’amour et de tableaux… Alors quoi ? Peut-être que mon petit frère n’aurait pas avalé tant de livres, que ma sœur n’aurait pas eu cette passion des voyages autour du monde et que moi je n’aurais rien « écribouillé ». La solution du problème de la poule et de l’œuf se trouve dans les poussins. Il y a le jardin dans lequel on est planté, mais il y a aussi ce qu’on choisit d’y faire pousser. En fin de compte, est-ce qu’on décide comme de nombreux membres de la grande famille des gens de cœur de faire pousser la bonne humeur ou préfère-t-on participer à la relance d’une croissance économique qui s’avère être contre nature ? Comment nous mettons-nous au monde ? Certains parents parviennent à élever leurs enfants, l’inverse est également vrai. 10 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005 E T S I M O N P È R E … Nous sommes mutuellement responsables de notre venue au monde. Cette naissance est continuellement imminente. Le monde, quel monde ? L’avenir, quel avenir ? La vie, quelle vie ? Que jardinons-nous ? Quels artistes choisissons-nous de reconnaître comme étant nos défenseurs d’humanité ? Qu’accrochons-nous sur nos murs pour nous aider à ouvrir l’œil et le bon ? • Bonnes gens amoureuses Le destin est fragile. Il dépend de nos choix. Je ne peux m’empêcher de penser à la vulnérabilité des pétales du coquelicot qui recèlent d’immenses forces secrètes. Cette fleur rouge clame en silence sa ferveur : « s’ouvrir sans retenue ». Le coquelicot dans sa façon d’accomplir sa mission ne se sert pas de sa célébrité en vue de faire parler de lui. Il se présente comme une simple fleur parmi d’autres… Il rit aux éclats. Pour conclure momentanément ce portrait chinois je m’interroge : « Et si mon père était un coquelicot ? Ses accointances avec les parages seraient compréhensibles ». La toile une fois terminée et signée est exposée à la maison ou dans une galerie et elle part. Elle fait sa vie. Bien des années plus tard, un couple d’inconnus s’avance vers moi et me dit : « Ah, vous êtes le fils d’Abel Leblanc ? » Ils n’ont pas besoin d’en dire beaucoup plus long. Je connais déjà la suite. Je devine une immense satisfaction. Comme pour un secret à garder, ils vont m’avouer en toute sincérité : « Nous avons chez nous, une toile de votre père ! » Ils ont l’air si heureux en disant cela qu’ils ne savent rien ajouter d’autre. Je les comprends. C’est important pour le présent et pour l’avenir de s’entourer de belles perspectives. Au fait, vos pères et vos mères à vous, qui ne sont-ils pas ? Bernard Leblanc-Halmos pratique depuis plus de 30 ans l’art d’entraîner les équipes et les personnes par la mise en valeur des talents. Praticien en santé sociale, conseiller en communication d’entreprise et coach de dirigeants, il anime également les séminaires « Sérénité & Efficacité ». Il a publié de nombreux ouvrages aux Éditions l’Être Image, parmi lesquels : • L’Élan Créateur - 2004 - N’écartez pas l’hypothèse que vous êtes génial. • Les Apprentis-sages - 2003 - 33 bonnes nouvelles. • Perles de Risée - 2003 - Proverbes inédits d’aujourd’hui • Quoi de Neuf ? - 2003 - L’art et la manière de briser les routines. • Le Manuel du parfait Con et de sa part féconde - 2002 • Déclic, des claques et des clés - 2002 - Pour se botter l’entrain. • Où trouver le temps ? - 2002 • Comment sortir de son trou ? - 2001 • Ce que les mots veulent dire - 2001 - Le jardin étymologique. Catalogue sur demande : L’ÊTRE IMAGE – 05 53 51 66 28 11 BERNARD LEBLANC-HALMOS — JUIN 2005