Lire les articles parus dans la presse

Transcription

Lire les articles parus dans la presse
À ciel ouvert, c’est l’air… libre, l’oxydation qui façonne les œuvres
d’art, l’émouvante cosmogonie, le voyage vers les façades des
plus beaux châteaux du monde, l’expiration énigmatique de sept
soupirs, les plantes et les parcs, les cloches de Pâques traversant
les jardins où cacher les œufs : c’est le printemps du mois d’avril
célébré par Belles Demeures.
Le temps et Rodin
© Bruno
Raoux
> Le gazon anglais du
palais de Monserrate
La romantique Sintra accueille les âmes torturées de
Lord Byron et de William Beckford, la folie des grandeurs
du cousin de Louis II de Bavière et de sir Francis Cook.
Le palais de Monserrate, presque aussi fantasque que
le Palais de Pena, émerge à travers glycines, camélias
et chênes immenses à l’ombre desquels fleurissent
rhododendrons de l’Himalaya et oiseaux de paradis !
Volutes, arabesques et dômes de pierre rose inspirés
de la coupole de la cathédrale de Florence par Filippo
Brunelleschi : voici une folie néo-mauresque moins
extravagante que ses propriétaires parmi lesquels
l’homme le plus riche d’Angleterre. William Beckford,
le scandaleux exilé banni de son pays pour s’être épris
d’un jeune homme, et fait surprendre en sa compagnie
dans une position compromettante, arrive sur les rives
du Tage avec son escorte : médecin suisse, cuisinier
français, clavecin, etc. Ce précurseur du romantisme
façonne sa quinta à sa fantaisie, y faisant couler une
cascade. L’érudit William Beckford importe également
un troupeau de moutons des terres du Wiltshire et de
sa célèbre folie gothique : Fonthill Abbey.
Le fortuné sir Francis Cook veut quant à lui pour ce palais
des Mille et Une Nuits du… gazon anglais ! Le maître des
lieux fait pousser le vert grâce à un réseau souterrain de
tuyaux d'arrosage en céramique, et aux quatre coins
du monde d’où il importe une flore exubérante, une
jungle à la Douanier-Rousseau : cèdres et bambous,
plantes aquatiques et succulentes.
© Rodin - Sugimoto February 11th - March 25th 2011 Gagosian Gallery 4, rue de Ponthieu, Paris
>
Trois fois recalé aux Beaux-Arts, le sculpteur provoque la controverse, moins à cause de ses corps-à-corps
érotiques ou de sa sulfureuse réputation de vieux faune que pour sa façon de donner vie aux chairs. On
reproche au visage mutilé de son « Homme au nez cassé » trop de trivialité. « L’Age d’airain », nu troublant de
vérité, déclenche la polémique : l’admirateur de Michel-Ange est accusé de « moulage d’après nature », sa
perfection remettant en cause son authenticité. Les « Bourgeois de Calais » de Rodin, commande officielle
visant à célébrer l’héroïsme d’Eustache de Saint-Pierre, de Jean d'Aire, de Jacques et Pierre de Wissant,
de Jean de Fiennes et d’Andrieu d'Andres qui acceptèrent durant la guerre de Cent Ans de porter au roi
d’Angleterre Edouard III les clefs de la ville, de sacrifier leur vie pour sauver la cité, n’ont pour la municipalité
ni les bons traits ni le bon piédestal. Les notables sont représentés, presqu'au ras du sol, comme une longue
procession de corps décharnés, où la douleur se lit plus que le courage, en marche vers la mort. Le « Balzac », commandé à la mémoire de l’écrivain par la Société des gens de lettres, ne perturbe pas moins. La
silhouette massive aux membres recouverts par la redingote, censée magnifier le visage creusé symbolisant
le génie créateur, inspire au public déconcerté un fœtus obèse.
À la galerie de Larry Gagosian, la confrontation entre le naturalisme puissant des bronzes monumentaux
de Rodin et l’art dépouillé des clichés du photographe japonais Hiroshi Sugimoto n’a pas manqué de surprendre, mais ombre sensuelle et clair-obscur fantomatique ont éveillé l’émotion.
À la Fondation de Coubertin, subtil mariage de l’esprit et de la main et pôle d’excellence connu dans le
monde entier, point de mannequins en robes de Madeleine Vionnet, Mademoiselle Chanel ou Yves Saint
Laurent à l’air de sculptures fluides, mais d’autres tirages et un regard original sur Auguste Rodin et sur le
métier de fondeur. À travers différents modes d’expression (photographies, vidéos, oxydations, etc.), Jean
Yves Cousseau, qui préfère montrer le temps plutôt que de le défier, propose aux visiteurs une véritable promenade initiatique, de la Galerie d’exposition au Château-Musée du Domaine de Coubertin, en passant par
le Jardin des Bronzes. Cette vision, pleine de cette sensibilité poétique et de ce Temps qui passe, érode et
façonne, aurait sans doute beaucoup plu à celui qui méprisait les normes académiques ou aux échappées
de la série Stylized Sculpture de Sugimoto immortalisant des vêtements de grands couturiers.
Selon Jean-Louis Poitevin, pour l’artiste contemporain, « photographier, ce n’est pas enregistrer la réalité,
c’est travailler un matériau, l’image, qui nous échappe et porte les traces de nos errances, de nos peurs, de
choix, de nos vie d’hommes. ». Alain Madeleine-Perdrillat voit dans le regard sur Rodin de Jean Yves Cousseau la « (…) réalité matérielle et, par la suite, [l]a vulnérabilité dans le temps, (…) l’épiderme cruellement
écaillé, fissuré, du dos de La Terre, qu’il observe, ou le visage informe, sans yeux ni bouche, d’un personnage
© Jean-Baptiste Leroux
Chrysanthèmes d’avril et fête des plantes de
l’Arboretum de Balaine
À l’exposition Monet qui s’est achevée fin janvier au Grand Palais, les
chrysanthèmes rouges ont été du choc artistique. Ces fleurs en forme
de pompons originaires d’Asie, symbole de l’éternité en Chine, ne
fleurissent pas que dans les musées ou sur les tombes. Cette « fleur
d’or », selon l’étymologie grecque, à la généreuse floraison automnale
et aux multiples couleurs, s’admire au clos normand de Giverny.
L’empire insulaire présenté aux Occidentaux lors de l’Exposition
universelle parisienne de 1867 révèle de nouveaux horizons picturaux
au père de l’impressionnisme. Madame Chrysanthème de Pierre
Loti, Les Frères Goncourt, Baudelaire, etc. : c’est la grande vague
au large de Kanagawa comme la vague artistique du japonisme.
Sous le charme du « monde éphémère », des images du monde
flottant ou ukyo-e, Claude Monet fait l’acquisition d’estampes japonaises, dont celle de Katsushika Hokusai dans le cabinet de toilette
du peintre, au premier étage, représentant des chrysanthèmes très
stylisés et une abeille. Courtisanes, grues, carpes, chrysanthèmes
et abeilles figurent un ailleurs…, une rêverie poétique.
Flottant du miroir liquide, parfum de rosée, bruissement des saules
pleureurs : le Japon est à l’intérieur de la maison de Monet, mais aussi
dans le jardin d’eau. Cerisiers, pommiers, érables, azalées ou iris : le
maître commande des espèces rares au pépiniériste Georges Truffaut.
Les bambous se mettent à former le bois du paysage aquatique et
la glycine de l’empire du Soleil-Levant et du pont japonais peint en
vert rejoint les eaux de nénuphars.
Les chrysanthèmes ne sont pas que pour la Toussaint. Avec les
bambous, les roses, les orchidées ou les plantes aquatiques, ils
sont à l’honneur les 16 et 17 avril, de 10 heures à 18 heures, aux
« Journées des Plantes Aglaë Adanson », à l’Arboretum de Balaine,
qui regroupent une cinquantaine d’exposants dans plusieurs catégories du domaine végétal et permettent de découvrir notamment
des accessoires pour le jardin ou des productions culinaires à base
de… plantes !
Journées des Plantes Aglaë Adanson Arboretum de Balaine
03460 VILLENEUVE-SUR-ALLIER
de La Porte de l’Enfer (…). Tantôt il nous montre l’œuvre portée par des mains vivantes, tractée par des machines, des cordes et des chaînes, réduite à son humble condition d’objet inerte, humiliée presque – grandie
pourtant par ce traitement qui, par contraste, fait mieux ressortir son incomparable présence. Tantôt encore,
il cadre serré un visage ou un geste – celui d’Andrieus d’Andres – pour en résumer toute la force expressive,
en accentuer la troublante humanité. Et toujours il nous rappelle que la sculpture ne se ramène pas à la belle
éternité froide du bronze et du marbre, qu’elle n’a pas vocation de célébrer les morts mais d’exalter la vie et
qu’elle rêve inlassablement non pas à suspendre le temps, mais à surprendre sa réalité insaisissable, dans
le mouvement et le vieillissement des êtres. Sans doute Cousseau rejoint-il là, en profondeur, sans effets,
l’inquiétude même de Rodin. »
Installant limailles, louches et creusets dans la Galerie d’exposition de la Fondation qui abrite une fonderie
d’art réputée réalisant depuis plus de trente ans des bronzes pour le Musée Rodin, Jean Yves Cousseau
transmet ses impressions sur la célèbre fonderie qui a réalisé la Porte de l’Enfer : « Au sol, dans la lueur
vacillante des flammes, une langue de feu lèche les parois d’un creuset, chauffe le cratère avant d’y accueillir
la substance ignée du bronze liquéfié. Posées sur le flanc d’un creuset taciturne, happes, tringles et pinces,
en attente. Le fondeur prodigue ses ultimes soins, remarquable de minutie et de délicate attention. Maintenant c’est lui qui commande ! Le feu. Le four. La fonte. La fusion… L’imminence de la coulée cause un émoi,
une tension latente qui vibre dans l’air. Bien que tout ait été mis en œuvre pour l’accomplir avec bonheur,
mener à terme son heureux dénouement, le doute prend possession des esprits : une calamité demeure
toujours possible… » avec Vulcain !
© jola58 - Fotolia.com
Dans les bassins du Jardin des Bronzes, espace de verdure, d’eau et de rochers aménagé en contrebas du
château par l’architecte Robert Auzelle, sorte d’échiquier de pierre où la Jeune femme aux tresses de Joseph
Bernard ou les chefs-d’œuvre de Bourdelle et de Gargallo se laissent admirer au son de la petite rigole d’eau,
l’artiste plonge ses photographies. Les Oxydations de Jean Yves Cousseau renferment dans leur altération,
selon les mots d’Alain Madeleine-Perdrillat, « l’idée d’une inversion puisque le développement d’une pellicule
impressionnée vise à faire apparaître, à rendre lisible une image, quand au contraire le bain prolongé auquel
Cousseau soumet ses tirages les brouille un peu, leur cause des dommages irréversibles (…). On pourrait
parler aussi d’un développement second, où le réel – le temps qui passe, le temps qui use, - fallacieusement
tenu à distance et figé sur la photographie, viendrait se rappeler à notre bon souvenir. »
L’exposition est l’occasion idéale pour redécouvrir ce paisible lieu de Saint-Rémy-lès-Chevreuse où Chronos,
parmi allée d’arbres et rangée de buis, château Louis XIII et Hameau, ferme et métallerie, semble s’arrêter de
dévorer. Au cœur des ateliers de cette institution philanthropique formant des artisans d’art et conservant les
savoir-faire exceptionnels se mêlent passé et futur, scie à pierre guidée par ordinateur et chemin de fer, petit
outil manuel en bois et lame d’acier, inchangé depuis le XIXème siècle, pour réaliser les commandes des plus
grands architectes et décorateurs comme Alberto Pinto ou Jacques Garcia.
Un regard sur Rodin
Photographies, vidéos, installations de Jean Yves Cousseau
Du 7 mai au 10 juillet 2011
Visite de l’exposition, du jardin des Bronzes, du musée et de ses collections permanentes
Horaires : vendredi, samedi et dimanche, de 13h30 à 18h30
Tarifs :
- Plein tarif : 4 euros ;
- Tarif réduit : 2,50 euros ;
- Gratuit pour les moins de 26 ans
Domaine de Coubertin - 78470 Saint-Rémy-lès-Chevreuse
© Jean Yves Cousseau
Camps cigarettes et Normandie
Le 12 mars dernier, France 3 a diffusé « Cigarettes et bas nylon ».
Le téléfilm réalisé par Fabrice Cazeneuve revenait sur ces « camps
cigarettes » qui furent implantés en Normandie pendant la Deuxième
Guerre Mondiale comme camps de repos pour les militaires américains
venant du front, et hâtivement transformés en camps transitoires pour
recevoir les « French war brides », les épouses françaises, avant leur
départ pour les USA. Assistées dans leurs démarches administratives
par l’armée américaine, les jeunes femmes apprenaient à devenir des
épouses américaines, des « ladies », en prenant des cours d’anglais
et d’histoire de la Nation.
Les camps-cigarettes, c’est aussi les familles havraises. À l’occasion
du « Happy Birthday Normandie » célébrant les 1 100 ans du traité
de Saint-Clair-sur-Epte qui marque la naissance de la Normandie,
pourquoi ne pas redécouvrir cette histoire de la Normandie, joyeuse
malgré le froid et la promiscuité pour les enfants qui la vécurent et
qui s’en souviennent ?
Les camps cigarettes sont les camps que le général Eisenhower
décida, trois mois après la déroute du IIIe Reich, de faire implanter
sur le plateau du Pays de Caux afin d’accueillir les soldats américains
venant du froid. Herbert Tareyton, Philip Morris, Weed, Wings, Home
Run : ils portent tous des noms de marques de l’industrie du tabac.
Les camps délaissés par les Américains en 1946 deviennent des
cités de fortune pour les sinistrés de la guerre, les habitants de la
ville du Havre complètement rasée en 1944 par l’aviation anglaise.
Après la libération du Havre, 3500 personnes dont 2000 enfants sont
relogées au camp Herbert Tareyton. La forêt de Montgeon devient
alors un véritable village, où le provisoire finit par durer des années,
avec ses baraquements en tôle avec eau courante et tout-à-l’égout,
ses commerces, ses classes, son église, son temple protestant ou
son cinéma.
© photo Hughes Dubois
> Jodphur,
bleu majesté
Castelnaud, Sigiriya, Rosenborg, Okayama, Jodphur, etc. Tous ces lieux marqués par la silhouette
d’un château, palais raffiné, imprenable nid d’aigle
ou forteresse acérée saisis par l’objectif de JeanBaptise Rabouan, sont exposés au parc du château
de Langeais, parmi les cèdres et la lumière du Val de
Loire. Le photographe-reporter ouvert sur le monde
s’imprègne des lieux et attend que tout concorde
pour appuyer sur le déclencheur. Pour la forteresse
de Meherangarh, Jean-Baptise Rabouan, au milieu
des singes et des chiens errants, ne parvenait pas à
trouver le point de vue idéal jusqu’à ce qu’il trouve
une citerne installée sur le toit d’un temple hindou.
Jaipur, la ville rose. Jodhpur, la ville bleue, d’autant
plus saisissante avec le contraste de la citadelle en
pierres de grès rouge qui se fond dans la roche. Il
y a dans le cliché de la poésie de Rudyard Kipling
décrivant l’édifice construit au XVème siècle comme
une création « des anges, des fées et des géants » !
© Jean Claude Braun - Fotolia.com
Dogon : les dieux sont tombés sur la statuette
>
Dans les années 30, le ciel s’est ouvert pour une révélation : la Mission Dakar-Djibouti ne conclut pas que les
dieux sont tombés sur la tête, mais qu’en pays dogon existe une véritable mythologie de la création du monde.
L'harmattan, vent rouge et chaud venu du désert, jette sur les falaises nigériennes de Bandiagara aux villages
fortifiés et labyrinthiques un voile mystérieux. Pourquoi des cacahouètes ont-elles été déposées sur le sol ?
Pour attirer le renard, animal sacré selon la cosmogonie des Dogons :
Au commencement était Amma, qui dessina les quatre éléments (l’eau, l’air, le feu et la terre) et créa l’œuf
du monde contenant la parole de dieu. Au sein du placenta, matière vivante, Amma conçu les premiers êtres
animés, deux paires de jumeaux mâles à qui il destinait une épouse parfaite : leur sœur jumelle. Le monde
était ordonné jusqu’à ce que l’une des créatures décide de devenir le maître. Ogo, en se lançant dans le
vide, arracha un morceau de son placenta, lequel forma la terre, et introduit le chaos. Amma le rendit alors
muet et le transforma en renard pâle. L’obscurité régnait toujours et Amma décida de réorganiser l’univers
en sacrifiant Nommo, le frère jumeau du Renard. Le sang coula et la première étoile, Sirius, se mit à briller.
Selon le rite du renard pâle, au coucher du soleil, les vieux initiés préparent la table de divination : sur le sol,
il dessine un rectangle qu'il divise en cases symboliques à l'intérieur desquelles il place ces graines d'arachide-appât, ainsi que des cailloux et des brindilles disposés en fonction des questions qu'ils veulent poser.
La nuit, le renard passe dessus et change la configuration des bâtonnets. Le lendemain, le devin lit l’avenir
dans les traces déchiffrables laissées par le quadrupède, les pattes de l’être perturbateur qui a perdu la voix
divulguant les desseins d’Amma.
On retrouve dans le très large éventail des motifs zoomorphes ou anthropomorphes parmi lesquels oiseau
et cavalier à cheval, la gémellité des ancêtres du mythe fondateur.
Dans cette société très complexe semblant un autre monde perdu dans les terres ocres où certains gestes
sont tabous, les représentations humaines suivent un principe de simplification des formes tendant à la
recherche de l’essentiel : têtes rondes, bustes quadrangulaires ou ventres cylindriques. L’architecture des
villages dogons, sorte de cascade de formes serrées les unes contre les autres, est également géométrique.
Dans les rouges, les jaunes et les orangés, l’on distingue les greniers aux chapeaux de paille coniques, les
cases rondes réservées aux femmes qui doivent s'isoler pendant leur menstruation et les cases d’habitation
rectangulaires.
La statuaire Dogon se retrouve sur les piliers de la toguna, « case à palabres » où sont prises les décisions
importantes concernant les affaires du village, sculptés de femmes et d’hommes ou d’androgynes figurant
fertilité et fécondité. La faible hauteur sous plafond de la maison de la parole prévient contre emportement et
agitation, favorise le calme bénéfique à la juste réflexion.
© Rodin - Sugimoto February 11th - March 25th 2011 Gagosian Gallery 4, rue de Ponthieu, Paris
Le Couvent
des Capucins et
du mont de la
Lune
Du 8 avril au 14 mai 2011, les Dogons s’invitent à la Galerie Alain Bovis spécialisée dans les arts premiers, la
galerie accompagnant l’exposition DOGON du musée du quai Branly qui présente l’histoire de l’art et de la
culture dogon, depuis le Xe siècle jusqu’à nos jours, à travers plus de 330 œuvres exceptionnelles issues de
collections du monde entier rassemblées pour la première fois en France.
En ce printemps, une vingtaine d’œuvres rares, souvent issues des plus fameux découvreurs de cet art
majeur, sont présentées à la vente. Ces trésors de bois sculptés incarnent, même loin des autels familiaux et
des sanctuaires des sources, le mythe des origines. Ces sculptures religieuses, ce personnage qui étire les
bras, comme pour implorer le ciel sans le regarder, semble aussi bien témoigner des cultes passés que de la
réalité de l’eau nourricière au Mali. Si l’ampleur du répertoire iconographique (différents styles correspondent
à des peuples différents ou à des zones géographiques spécifiques) n'a d'égal que son extrême difficulté
d'interprétation, l’émotion devant l’impressionnante dignité est élémentaire.
Dogon, Art Majeur
GALERIE ALAIN BOVIS
Arts d’Afrique, d’Himalaya, d’Indonésie et d’Océanie
8 rue de Beaune
75007 Paris
Du 8 avril au 14 mai 2011
DOGON
Musée du quai Branly
37 quai Branly
75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche : de 11h à 19h
Jeudi, vendredi et samedi : de 11h à 21h
Du mardi 5 avril au 24 juillet 2011
© Jean-Baptiste Rabouan
>
>
Partageant le même ciel : la folie des grandeurs
et la modestie. À Sintra, au Convento dos Capuchos perché sur le mont de la Lune, la mousse
qui couvre les roches semblables à des bêtes endormies fait écho aux brumes vertes atlantiques
marquant l’entrée d’un monde à part.
Le minuscule ermitage perdu dans la serra fait passer les capucins pour des lilliputiens. Vœu d’humilité oblige, les cellules taillées dans la roche sont si
basses qu’elles contraignent l’homme à vivre courbé. Dans l’exiguïté du sommeil en chien de fusil et
la mince aération prodiguée par les meurtrières, le
seul luxe est le liège qui, comme dans le réfectoire
et la chapelle, tapisse les parois. La vue plus vaste,
depuis le patio, porte jusqu’à l’océan.
Au sommet, les petites grottes sont les dernières
demeures de ces ascétiques moines jouissant
pour l’éternité d’une vue magistrale.
Palais des Sept Soupirs,
palace cinq étoiles
Sintra, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, regorge
de belles villas, de quintas, de palais, parmi lesquels le
Palacio de Seteais, surnommé « palais des Sept Soupirs ». La raison de l’appellation de la noble demeure de
l’ambassadeur de Hollande diverge selon les légendes. Il
pourrait s’agir des soupirs (« seteais ») arrachés au général
Junot par la signature du traité mettant fin à l’occupation
napoléonienne. Selon une autre tradition, le riche propriétaire des lieux se serait exclamé « Aïe ! » à sept reprises
à la présentation de la facture de la construction de la
résidence. Les soupirs pourraient aussi être ceux des
Portugais regrettant une « convention de Sintra » trop
douce avec les vaincus. La convention d’armistice du
30 août 1808 est en effet avantageuse pour les Français :
« L’armée française se retirera avec armes et bagages…
Elle ne sera pas prisonnière de guerre et, rendue en France,
elle sera libre de combattre… »
Désormais, dans ce palais du XVIIIe reconverti en hôtel
cinq étoiles, la clientèle de palace… soupire d’aise !
© Hughes Dubois Galerie Alain Bovis Dogon art majeur Statuette
>
Le Palais de Pena : appétissant château de mariage !
J’avais quitté, voilà déjà quelques années, le temps arrêté du palais national de Sintra aux deux énormes
cheminées blanches, aussi coniques que les couvercles de plats à tajine, pour rejoindre, plongé dans la
brume, le Palais de Pena, pièce montée aux couleurs de glaces au citron et vanille ou framboise évoquant
un château de conte de fées des frères Grimm revisité par Walt Disney.
Les coupoles, les bulbes, les minarets et les donjons de l’appétissant château de mariage ne sont pas
gardés par des dragons, mais par des crocodiles paraissant échappés du Pays imaginaire de Peter Pan.
En regardant l’instant saisi par l’objectif de Jean-Baptiste Rabouan, exposé du 12 mars au 30 septembre au
Château de Langeais parmi les « Châteaux du monde », me revient cette sensation de passage de l’autre
côté du miroir au fur et à mesure de l’ascension vers le sommet de la colline boisée où se juche ce mélimélo d’architecture néo-gothique, indo-islamique et néo-renaissance, citation de tous les styles du royaume
imaginée par Ferdinand, surnommé « le roi artiste ». Pour Jean-Baptiste Rabouan qui collabore au magazine
Grands Reportages, la photographie a justement quelque chose d’initiatique : C’est sans doute pour rencontrer l’homme que je n’étais pas encore que je me suis engagé très jeune sur les routes de l’Asie », confie-t-il.
Apparition magique d’une frénésie ornementale puisée dans les contes et légendes de la tradition orale que
les intellectuels de l’époque redécouvrent, mais ne nous trouvons-nous pas ici à l’ancien mont de la Lune
vénéré par les druides ?
Sensation de vertige aussi devant ce cliché du Palácio da Pena au-dessus des remparts du Castelo dos
Mouros (château des Maures) plongeant dans le vide du panorama infini cascadant jusqu’à l’océan Atlantique !
© Mathieu Ferrier Galerie Alain Bovis Dogon art majeur Masque
Également réminiscence poétique des chants du Pèlerinage de Childe-Harold à la vue de cette forteresse
d'opérette coiffée de tuiles vernissées. Cette folie romantique dédiée à la reine Marie II m’évoque, malgré son
air de repas de noces ou de pastiche délirant, le « glorieux Eden » de lord Byron emballé par son bref séjour
à Sintra : « avec ses palais et ses jardins nichés au milieu des rochers, ses cataractes et ses précipices, ses
couvents perchés sur des hauteurs vertigineuses... ».
“Poor, paltry slaves ! yet born ’midst noblest scenes — / Peuple d’esclaves, nés sous le plus beau climat ! —
Why, Nature, waste thy wonders on such men ? / Pourquoi, Nature, as-tu doué de tant d’éclat ce sol, pour
y placer des hommes si serviles ?
Lo ! Cintra’s glorious Eden intervenes / Regardez ! C’est Cintra, dont les coteaux fertiles
In variegated maze of mount and glen. / Semblent d’un autre Eden le magique berceau.
Ah, me ! what hand can pencil guide, or pen, / Quelle main saisiroit la plume ou le pinceau
To follow half on which the eye dilates, / Pour suivre l’oeil ravi sur ces plaines riantes,
Through views more dazzling unto mortal ken / Sur ces beautés sans nombre et plus éblouissantes
Than those whereof such things the bard relates, / Pour le regard mortel, que ces pompeux jardins
Who to the awe-struck world unlock’d Elysium’s gates?”/ Décrits par le poète aux Champs élyséens.
© Jean Yves Cousseau
En s’approchant du fantasque bâtiment, n’entendons-nous pas Richard Strauss s’émerveiller fortissimo ? :
« C'est la chose la plus belle que j'aie jamais vue. C'est ici le véritable jardin de Klingsor et là-haut se trouve
le château du saint Graal ».
Parmi vestiges sarrasins et fougue créatrice surgit une jungle apprivoisée : le vaste parc planté d’essences
exotiques venues des colonies du prince bâtisseur. Jean-Baptiste Rabouan souhaite, par les ombres et les
lumières, « faire partager l’émotion vraie d’un bout à l’autre de la terre entière entre un acteur et un spectateur ». Sur la route des châteaux du monde, ce déclencheur d’empreintes intimes n’a pas perdu le sens de
son métier !
© Rodin - Sugimoto February 11th - March 25th 2011 Gagosian Gallery 4, rue de Ponthieu, Paris
Merci
Au photographe-reporter Jean-Baptiste Rabouan et à Catherine Bonamy pour l’exposition « Châteaux du monde »
au château de Langeais,
à Emilie Jean, pour l’exposition « Dogon, Art Majeur » à la Galerie Alain Bovis,
à Adélaïde Demerville, pour l’exposition « Un regard sur Rodin. Photographies, vidéos, installations de Jean Yves
Cousseau » à la Fondation de Coubertin,
à Constance Gounod, pour l'exposition « Rodin-Sugimoto », présentée à la Gagosian Gallery
à Louise Courteix-Adanson de l’Arboretum de Balaine,
© Jean-Baptiste Rabouan
pour leur précieuse collaboration dans l’élaboration de ce cahier spécial « À ciel ouvert »
Hélène BARATTE
© Jacques de Givry
© Jean-Baptiste Rabouan