André Marescot Il est Jurassien d`abord et pas
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André Marescot Il est Jurassien d`abord et pas
André Marescot Il est Jurassien d’abord et pas question de chipoter sur ce minuscule trait qui sépare la Suisse de la France sur les cartes de géographies. D’autant plus que la ville d’Audincourt qui l’a vu naître est située dans le département du Doubs, où la rivière éponyme prend sa source avant de louvoyer selon son bon plaisir de part et d’autre de la frontière, voire de la marquer. Il est imposant, pas tant par sa stature, quoique solide, que par ses forces. Celle, intérieure, que l’on devine et celle, physique, que l’on constate. Toutefois, André Marescot est un colosse aux pieds – et aux mains – d’argile. Parce que la maladie est passée par lui, qu’elle l’a ébranlé, il considère que chaque jour qui passe est un bonus, un supplément de vie qu’il entend bien rentabiliser au maximum. Définir André Marescot, c’est le situer entre Christian Barbier, le héros de « L’homme du Picardie », célèbre feuilleton télévisé de la fin des années 1960 et Bernard Lavilliers, l’auteur de la chanson « Les Mains d’or ». Le premier parce qu’il a aussi cette voix rocailleuse et moelleuse à la fois, sans toutefois cette pointe d’accent franc-comtois qui ajoute une certaine langueur aux voyelles. Sans compter que le destin l’a amené à croiser le chemin de Brigitte, une Picarde pure souche. Une vie à la fonderie Quant à Bernard Lavilliers, le lien se trouve dans le refrain de la chanson: «Je voudrais travailler encore, travailler encore, forger l’acier rouge avec mes mains d’or. Travailler encore - travailler encore, acier rouge et mains d’or». Cette chanson, sans doute l’a-t-il eue dans la tête lorsqu’une année durant il fut condamné à l’inactivité. La fonderie, c’est toute la vie professionnelle d’André Marescot. Un parcours qu’il a débuté à l’âge de 14 ans, par un apprentissage de mouleurnoyauteur en France, et qu’il a achevé l’an dernier à 65 ans. Cinquante et un ans au service de la fonte, 45 ans chez Von Roll à Delémont, dont près de 25 ans en qualité de responsable de la fusion… Acier rouge et mains d’or. Au départ, en 1966 donc, il pense travailler quelques mois en Suisse. Son grand projet, avec son épouse de l’époque, c’est d’émigrer au Canada. Une intention contrariée une première fois à la naissance de l’aîné des enfants, Thierry. Quelques soucis de santé du bébé et le décès de la mère d’André retiennent les jeunes parents. Mais le rêve des grands espaces canadiens revient, quelques années plus tard, avec insistance. La décision du départ est prise et le contrat, signé à Paris, est dans la poche. André est attendu à Montréal, le 1er avril 1970, à la porte de la plus grande fonderie d’Amérique du Nord, la Canadian Steel Foundry. Mais, durant le voyage de retour de la capitale française, le doute s’installe : « Il fallait laisser ma belle-famille, le salaire n’était pas mirobolant, le chômage faisait son apparition et les contraintes étaient nombreuses. Nous avons décidé que si nous ne partions pas, nous allions envisager un second enfant. Et Sandra est arrivée… » Churg et Strauss, duo maudit Les années passent, avec leur lot d’aléas heureux et malheureux. Un divorce, puis une rencontre. André charme Brigitte la Picarde à grand renfort de framboises à la crème, à Gruyères. Elle quitte son job au Ministère de la défense à Paris pour rejoindre le Jura. André junior naît en 1986. Et la vie continue jusqu’en 1998, où un mal rare et imprévisible frappe André, une vascularite au nom barbare, le syndrome de Churg et Strauss. D’emblée on sent que ce nom ne présage rien de bon. «C’est une l’inflammation des vaisseaux qui gêne l’arrivée du sang vers différents organes, qui présentent alors des signes de souffrance», explique-t-il. De douleurs aussi, importantes, continuelles, semblables à des brûlures, notamment dans les extrémités, voilà pourquoi il est un colosse aux pieds et aux mains d’argile. Une maladie au traitement lourd constitué de corticoïdes et d’immunosuppresseurs. En un mot et pour rester élégante, une saleté, aux conséquences imprévisibles. L’Europe, de Saint-Jacques à Delémont Mais André Marescot n’est pas homme à se laisser abattre : « Quand j’ai des baisses de régime, je me retourne et cela va tout de suite mieux. Il y a infiniment pire. Je marche et c’est un vrai bonheur. Il ne faut pas oublier ce plaisir-là. Justement, Brigitte a démissionné et nous partons en mai suivre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, à pied et à vélo, aller et retour. C’est quelque part une forme de remerciement pour tout ce que j’ai reçu. Si je regarde ma vie, elle est magnifique, ma famille, mes enfants et petits-enfants, ma femme. Je n’ai pas envie de les laisser tous. » Effectivement, le lieu de vie de la famille Marescot est aménagé pour accueillir une tribu, créé et bichonné par le pater familias. Ensuite, ce sera le tour de l’Europe en camping-car. Au programme: visites, flâneries, gastronomie et… retrouver le temps. Le Jura restera bien sûr le port d’attache et le lieu des fêtes familiales, entre Audincourt où il fut conçu, sourit-il, dans la joie et l’allégresse qui fit suite au débarquement allié de 1944, et Delémont, où il plut la liberté en 1974, pour son plus grand bonheur de patriote jurassien, fût-il français. Désormais, il est temps de se mettre en route. Jacqueline Parrat