Prise de position - Chambre genevoise immobilière

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Prise de position - Chambre genevoise immobilière
Conseil d’Etat de la République et
canton de Genève
Rue de l’Hôtel de Ville 2
Case postale 3964
1211 Genève 3
Genève, le 28 novembre 2012
P1.3.4/CA
Avant-projet de loi abrogeant les droits d’enregistrement et de timbres
Avant-projet de loi relatif à un impôt sur les gains immobiliers
Avant-projet de loi relatif à un impôt sur les successions et les donations entre
vifs
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Conseillers d’Etat,
Nous tenons à vous exprimer nos remerciements pour avoir sollicité notre point de vue
dans le cadre de la consultation ouverte et relative aux trois avant-projets de loi que
vous nous soumettez.
La Chambre genevoise immobilière est l’association d’importance cantonale, sans but
lucratif, qui défend les intérêts des propriétaires immobiliers du canton de Genève.
Active depuis 1920, elle compte actuellement quelque 6'600 membres répartis en
propriétaires de villa, d’appartement, de domaines ruraux, d’immeubles locatifs et
d’immeubles industriels et commerciaux.
Dès lors, les membres de notre association sont directement touchés par les avantprojets de loi dont il est question.
I. Position de principe
La Chambre genevoise immobilière constate que la fiscalité genevoise est
extrêmement lourde. Elle est l’une des plus lourdes de Suisse. Elle l’est encore plus
tant par le biais de l’impôt sur la fortune que de la valeur locative et de l’impôt
immobilier complémentaire.
[
Secrétariat général : Rue de la Rôtisserie 4 – Case postale 3344 – 1211 GENEVE 3 – T 022 715 02 00 –
F 022 715 02 22 [email protected] www.cgionline.ch
Dès lors, nous constatons un épuisement de la ressource fiscale.
En conséquence de ce qui précède, notre association s’opposera à toute hausse de la
fiscalité immobilière. Elle usera, si nécessaire, de toutes ses ressources pour combattre
les hausses fiscales envisagées.
II. Principe de neutralité des recettes fiscales
Il suit de ce qui précède que les seules mesures acceptables, à nos yeux, sont celles
qui respectent le principe de la neutralité de recettes fiscales des propriétaires existants
pour autant qu’une majorité d’entre eux ne voit pas leur fiscalité être augmentée.
Ce principe semble, pour autant que nous ayons bien compris toutes ses dispositions,
respecté pour l’avant-projet de loi relatif à un impôt sur les successions et les donations
entre vifs.
Le lien qui est fait entre une abrogation des droits d’enregistrement et de timbres et une
hausse de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers ne semble manifestement pas
respecter cette neutralité fiscale tant les hausses proposées sont massives.
L’impact ne serait pas compensé pour les propriétaires actuels qui ont déjà réglé des
droits d’enregistrement. Ainsi, l’ensemble des propriétaires actuels serait très
lourdement pénalisé. Pour ces raisons, ce paquet, tel que présenté, n’est pas
acceptable. Il semble, en outre, contrevenir à la volonté populaire telle qu’exprimée ces
dernières années.
III. Bref historique
En date du 11 mars 2012, le peuple genevois a accepté par 53.5% l’initiative Epargnelogement.
En date du 23 septembre 2012, le corps électoral genevois a à nouveau accepté à
raison de 52.7% l’initiative populaire pour la Sécurité du logement à la retraite.
Ces deux votations populaires successives démontrent, s’il le fallait, l’attachement de la
population genevoise à l’accession à la propriété d’une part et à des conditions cadres,
singulièrement fiscales, favorables à la propriété d’autre part.
En 2000, aboutissait l’IN 115 Casatax qui demandait la suppression des droits
d’enregistrement pour l’acquisition de sa résidence principale : le logement familial.
Cette proposition a débouché sur l’entrée en vigueur d’un contre-projet allant nettement
dans le sens de l’initiative mais introduisant des conditions trop strictes pour une large
application.
Ce contre-projet a été adopté par 59.43% de la population le 8 février 2004.
Le 12 mars 2000, le peuple a refusé par 59% une modification des droits
d’enregistrement qui souhaitait soumettre à ceux-ci les transferts de parts de sociétés
immobilières.
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Enfin, la détermination populaire la plus significative concerne la tentative de porter le
taux de l’impôt sur les gains et bénéfices immobiliers de 10% à 18% après dix ans de
détention et sans limite dans le temps.
Cette tentative a été sanctionnée le 7 juin 1998 par un référendum populaire qui a
accueilli 37‘000 signatures et une votation avec 66.3% de refus.
L’avant-projet aujourd’hui proposé d’impôt sur les gains immobiliers va bien plus loin en
augmentant fortement le taux d’imposition et en allant jusqu’à 21.6% sans limite dans le
temps…
IV. Barème envisagé pour les bénéfices et gains immobiliers
Le barème de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers actuels se différencie
essentiellement de celui de l’avant-projet par un doublement respectivement un
triplement de l’imposition envisagée, sans même tenir compte du taux actuel de 0%
après 25 ans !
Nous ne sommes pas favorables à l’introduction de l’alibi d’un barème progressif,
singulièrement pas d’un barème nominal qui nous semble inique. Très subsidiairement,
nous pourrions envisager une progression qui soit fonction de pourcentage du prix de
vente.
En outre, le barème tel que proposé est totalement inacceptable.
Il double, voire triple l’imposition actuelle tout en prévoyant une imposition indéfinie
avec un pourcentage inacceptable de près de 22%. Voici deux exemples :
Canton
Genève
actuelle
Genève
proposée
Vaud
Canton
Genève
actuelle
Genève
proposée
Vaud
Montant de l’impôt
Plus-value nette imposable de 200’000
Durée de possession en ans
15 ans
20 ans
″-1an"
5 ans et 10 ans
1 jour
et 1 jour et 1 jour et 1 jour
25 ans
et 1 jour
30 ans
et 1 jour
0
0
100’000
60’000
20’000
20’000
20’000
104’100
69’400
60’378
49’968
39’558
37’476
37’476
60’000
36’000
28’000
24’000
18’000
14’000
14’000
Montant de l’impôt
Plus-value nette imposable de 500’000
Durée de possession en ans
″-1an"
5 ans et 10 ans 15 ans 20 ans 25 ans 30 ans
1 jour
et 1 jour et 1 jour et 1 jour et 1 jour et 1 jour
250’000
150’000
50’000
50’000
50’000
0
0
284’100
189’400
164’778
136’368
107’958
102’276
102’276
150’000
90’000
70’000
60’000
45’000
35’000
35’000
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Nous sommes extrêmement dubitatifs, parce que l’imposition telle que suggérée par
l’avant-projet est trois fois plus importante que dans le canton de Vaud. A l’heure où il
s’agit de maintenir les contribuables actifs sur le territoire genevois comme propriétaires
de leurs logements familiaux et, ainsi, de garantir une certaine substance fiscale, cette
imposition totalement démesurée irait à l’encontre des intérêts du canton.
Le Conseil d’Etat pose la question de savoir s’il serait préférable que le barème actuel,
contenu à l’article 84 de la loi générale sur les contributions publiques, soit repris et que
le taux à partir de dix ans de possession soit modifié pour le rendre compatible avec le
droit fédéral.
Nous pourrions accepter une baisse progressive du taux à partir de dix ans de
possession tout en indiquant qu’un taux plus élevé que 1 ou 2% est inacceptable après
une durée de possession de vingt-cinq ans.
V. Taxer lourdement les propriétaires actuels et dissuader les candidats à la
propriété
Outre la question du barème, il faut ici venir sur la question des dispositions transitoires
qui ne figurent pas dans l’avant-projet de loi mis en consultation. Dès lors les
propriétaires actuels se verraient taxer sur la base d’un nouvel impôt sur les gains
immobiliers avec un taux d’imposition très élevé alors qu’ils ont déjà payé les droits
d’enregistrement dont la suppression est proposée comme mesure de compensation…
De plus, la valeur d’acquisition, si elle est généralement égale au prix payé pour
l’acquisition (art.14), peut aussi être déterminée, suivant les cas, en fonction de la
valeur fiscale.
Dans la logique présentée des trois avant-projets, de nouvelles valeurs fiscales (bien
plus élevées) devraient entrer en vigueur en 2017 avec une utilisation possible pour
l’impôt sur les bénéfices immobiliers en 2027 seulement. La nouvelle loi sur les
bénéfices et gains immobiliers serait susceptible de déployer des effets en 2013 déjà.
La situation des propriétaires vendeurs entre 2013 et 2027 serait peu enviable. L’avantprojet tel que rédigé est inacceptable.
Comme nous l’avons vu précédemment, une imposition trois fois supérieure au canton
de Vaud rejettera une fois encore les candidats à la propriété en dehors de Genève.
Le Conseil d’Etat pose la question de savoir si pareille situation est susceptible
d’entraîner, peu de temps avant l’entrée en vigueur de la loi, une accélération des
ventes immobilières. A cet égard, nous n’osons pas imaginer que les déclarations
rassurantes du Conseil d’Etat visant à indiquer que la fiscalité des propriétaires ne
serait pas alourdie puissent générer de telles inquiétudes. Nous ne pensons pas qu’il
faille présumer que des dispositions insupportables et iniques seront prises à l’encontre
des propriétaires immobiliers les forçant ainsi à mettre leurs objets sur le marché de
manière rapide et massive.
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VI. Autres critiques de l’avant-projet relatif à un impôt sur les bénéfices et gains
immobiliers
Outre le fait que l’avant-projet de loi propose un barème et un taux totalement
inacceptables qui impliquent une imposition trois fois supérieure à Genève que ce
qu’elle est dans le canton de Vaud, nous formulons encore les critiques suivantes :
Article 2 lettre e
Assimiler la vente de participations minoritaires d’une société à une vente immobilière
n’est pas opportun.
Dans ce contexte, il manque également une disposition relative aux fonds de
placements dont l’aliénation de parts ne doit pas être soumise à l’impôt sur les gains
immobiliers, puisque la plus-value est déjà imposée en cas de vente d’immeuble.
Article 4
La définition d’une société immobilière est plus large que celle qui est préconisée tant
par le Tribunal fédéral (ATF 2C 641/2009 du 21.01.2012. cons. 5.1) que par
l’administration fédérale des contributions dans le cadre de l’application des
dispositions de la LIFD codifiée dans la circulaire n°17 du 15 décembre 1994, ce qui est
inacceptable.
Article 9 alinéa 3
La solidarité proposée est inopportune et certainement contraire au droit.
Article 10 alinéa 2
Le différé d’impôt ne devrait pas avoir de limite dans le temps et, en outre, la rédaction
de cette disposition pose problème pour les transactions qui auraient lieu sans l’être à
titre onéreux. Par exemple, se pose la question, à teneur de la rédaction actuelle, de
savoir si une donation à des enfants d’un immeuble hérité serait soumise à taxation, ce
qui est tout à fait inenvisageable.
Article 11 alinéa 3
Genève serait le seul canton à refuser les remplois successifs, ce qui est contraire à la
LHID.
En outre, le changement d’affectation est admissible, et le différé d’impôt sans limite
dans le temps également.
Dès lors, le libellé actuel de l’article 11 alinéa 3 est contraire à la LHID.
VII. Conclusions
La Chambre genevoise immobilière a toujours été pour favoriser l’accession à la
propriété par une suppression des droits d’enregistrement. Notre initiative Casatax le
démontre d’ailleurs.
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Cela dit, nous rejetons sans hésitation le paquet tel que présenté qui lie une abrogation
des droits d’enregistrement et de timbres à un impôt sur les bénéfices et gains
immobiliers plus compliqué et qui génère une imposition disproportionnée.
La hausse fiscale massive toucherait les propriétaires actuels, sans aucune
compensation. Elle dissuadera les candidats à la propriété sur sol genevois puisqu’elle
correspondrait à trois fois celle applicable dans le canton de Vaud.
S’agissant, enfin, de l’avant-projet de loi relatif à un impôt sur les successions et les
donations entre vifs, nous relevons, sous réserve des commentaires de détail, des
points positifs qui visent à améliorer les textes existants.
Vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous d’agréer, Monsieur le
Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers d’Etat, l’expression de nos sentiments
respectueux.
Etienne Nagy
Président
Christophe Aumeunier
Secrétaire général
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