Maître SUY BI Gohoré Emile - Tribunal de Commerce d`Abidjan

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Maître SUY BI Gohoré Emile - Tribunal de Commerce d`Abidjan
KF/AN
REPUBLIQUE DECÔTE D’IVOIRE
--------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
-------------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
-------------------RG N° 553/2014
JUGEMENT CONTRADICTOIRE
du 24/04/2014
-----------------Affaire :
La Société Matériels Equipements et
Construction dite MEC
(Maître SUY BI Gohoré Emile)
Contre
La Banque Nationale d’Investissement
dite BNI
(Maître OBENG-KOFI Fian)
---------------------------DECISION :
AUDIENCE PUBLIQUE DU 24 AVRIL 2014
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience
publique ordinaire du jeudi vingt-quatre avril de l’an deux
mil quatorze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle
siégeaient :
Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ;
Messieurs KACOU BREDOUMOU Florent, SILUE
Daoda, DELAFOSSE René et TALL Yacouba,
Assesseurs
Avec l’assistance de Maître KOUTOU Aya Gertrude,
Greffier
Avons rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause
entre :
La Société Matériels Equipements et Construction dite
MEC, SARL au capital de 10.000.000 de francs CFA, dont
contradictoire
le siège social à Abidjan Cocody, Deux Plateaux Aghien,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Immeuble Emeraude, RDC, 22 BP 304 Abidjan 22,
la Banque Nationale d’Investissement dite représentée par son gérant, Monsieur DAGO KOUASSI
BNI ;
Jean Pierre ;
Reçoit la société Matériels Equipements et
Constructions dite MEC en son action ;
Demanderesse, représentée par son conseil, Maître SUY
BI Gohoré Emile, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y
Dit la société MEC mal fondée en son
demeurant Cocody Deux Plateaux, les Vallons, derrière la
action ;
pâtisserie chez Pako, Rue J 60, Résidence Valérie,
L’en déboute ;
Bâtiment C, porte 01, 25 BP 2248 Abidjan 25 ;
Constate la non conciliation des parties ;
La condamne aux dépens.
D’une part ;
Et
La Banque Nationale D’Investissement dite BNI, dont le
siège social est sis à Abidjan Plateau, Immeuble SCIAM ;
Défenderesse, représentée par son conseil, Maître
OBENG-KOFI Fian, Avocat, demeurant à Abidjan Cocody
Canebière, Route du Lycée Technique, Rue B7, 01 BP
6514 Abidjan 01 ;
D’autre part ;
Enrôlée pour l’audience du 06 mars 2014, l’affaire a été
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appelée. A cette date, le tribunal ayant constaté la non
conciliation des parties a ordonné une mise en l’état
confiée au juge KACOU BREDOUMOU, puis renvoyé la
cause à l’audience publique le 10 avril 2014. L’affaire étant
en état de recevoir jugement, elle a été mise en délibéré
pour décision être rendue le 24 avril 2014.
Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré
comme suit :
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs demandes ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
DES PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 26 février 2014, la Société
Matériels Equipements et Construction dite MEC a assigné
la Banque Nationale D’Investissement dite BNI à
comparaître le 06 mars 2014 devant le tribunal de ce siège
à l’effet d’entendre :
-
dire que la BNI a commis une faute d’imprudence
qui a provoqué l’insolvabilité de la société GOLD
2000 et entraîné le non-paiement par elle de sa
créance ;
-
condamner la BNI à lui payer la somme totale de
deux cent trente-sept millions (237.000.000) de
francs CFA à titre de dommages-intérêts, toutes
causes de préjudices confondues ;
-
ordonner l’exécution provisoire de la décision à
venir, nonobstant toutes voies de recours ;
- condamner la défenderesse aux entiers dépens.
A l’appui de son action, la société MEC expose qu’elle est
spécialisée dans les travaux de bâtiments et de travaux
publics ;
Que dans le cadre de relations d’affaires qu’elle avait avec
la BNI, elle s’est retrouvée débitrice de cette banque de la
somme de quatre-vingt-cinq millions (85.000.000) de
francs CFA ;
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Que courant année 2002, la société GOLD 2000 lui a
confié, par des contrats de sous-traitance, la réalisation de
plusieurs ouvrages d'art financés par la Banque Ouest
Africaine de développement ;
Que pour garantir le paiement des sommes qu'elle devait
à la BNI, elle a domicilié les paiements attendus de la
société GOLD 2000 à la BNI ;
Que toutes les sommes payées par la société GOLD 2000
à son profit devaient donc être portées au crédit de son
compte courant unique ouvert dans les livres de la banque
sous le numéro 98.01.01.84 ;
Qu’à l'issue de la réalisation des travaux, la société GOLD
2000 a instruit sa banque, la BNI, de lui payer la somme
de quatre-vingt-sept millions (87.000.000) de francs CFA ;
Que le paiement attendu de la BNI, pour le compte de la
société GOLD 2000, n'interviendra jamais à cause d'une
insolvabilité notoire de la société GOLD 2000 provoquée
par des fautes professionnelles de la BNI ;
Que la faute de la BNI réside dans le fait que cette
banque a provoqué l'insolvabilité de la société GOLD
2000, ce qui a rendu impossible le paiement de la dette de
cette société envers elle ;
Qu’en effet, les ouvrages réalisés par elle dans le cadre
des contrats de sous-traitance avec la société GOLD 2000
étaient financés par la Banque Ouest Africaine de
Développement dite BOAD ;
Que tous les paiements attendus par la société GOLD
2000 à cet effet ont été domiciliés par cette société dans
les livres de la BNI ;
Que seulement, la BNI, pour des raisons qui lui sont
propres, en considération des marchés de travaux publics
liant la société GOLD 2000 à la BOAD, a accordé des
facilités surréalistes de crédit à cette société, au point où
GOLD 2000 s'est retrouvée débitrice de la BNI de près de
deux milliards (2.000.000.000) de FCFA ;
Que lorsque la BNI s’est rendue par la suite compte que le
montant de la dette de la société GOLD 2000 était si élevé
que cette société ne pourra certainement jamais y faire
face, elle a mis fin à ses concours ;
Que la société GOLD 2000 a été aussitôt en proie à des
difficultés financières et s’est trouvée dans l'impossibilité
d'exécuter ses marchés ;
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Que la BNI a eu alors l'ingénieuse idée de constituer un
Groupement d'Intérêt Economique avec la société GOLD
2000 pour la reprise des activités de cette société ;
Que le Groupe d'Intérêt Economique « LEV-Cl-GLOD
2000» ainsi constitué, le 31 mai 2005, était une société
appartenant à la BNI, et avait pour Président de Conseil
d'Administration (PCA) le Président Directeur Général
(PDG) de la BNI ;
Que la BNI n'était également plus seulement la banque de
la société GOLD 2000, mais s'est associée, à travers la
société LEV-CI à cette société pour en reprendre toutes
les activités ;
Qu’à la banque professionnelle, appréciant objectivement
la situation de sa cliente, s'est substituée une
commerçante à la recherche effrénée de profit ;
Que lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle avait mal
accompagné la société GOLD 2000, la BNI a,
contre toute logique, continué de financer les activités de
cette société ;
Que la BNI ne s'est pas comportée en une professionnelle
avertie
et
prudente,
mais
a
plutôt
facilement et imprudemment accordé à la société GOLD
2000 des découverts qui ont aggravé son passif et causé
son insolvabilité;
Que plus tard, lorsque les paiements faits par la BOAD ont
été entièrement absorbés par le passif de la société
GOLD 2000 dans les livres de la BNI, cette banque a
refusé de lui payer la somme à elle due par ladite société
en dépit des instructions de celle-ci ;
Que les paiements qu’elle attendait de la BNI devaient
servir à apurer le passif de cette société dans les livres de
la banque; ce qui ne fut évidemment pas le cas.
Que par la suite, la BNI a décidé de céder sa créance visà-vis d’elle à l'Etat de Côte d'Ivoire qui lui réclame à
présent, le paiement de la somme en principal de quatrevingt-cinq millions (85.000.000) de francs CFA, majorée
de quinze millions cinq cent mille (15.500.000) francs CFA
à titre d'intérêts de retard ;
Que par la faute de la BNI, elle n'a pas été en mesure de
payer à cette banque une dette de quatre-vingt-cinq
millions (85.000.000) de francs CFA dont le recouvrement
est à présent poursuivi par l'Etat de Côte d'Ivoire ;
Que le préjudice souffert par elle est grave, et entièrement
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consécutif à la faute de la BNI ;
Qu’il s'agit de condamner la BNI à réparer le préjudice
souffert par elle, de sorte à ce qu’elle retrouve une
situation, sinon similaire, au moins semblable à celle qui
aurait été la sienne si la BNI n'avait pas, par son
imprudence, provoqué l'insolvabilité de la société GOLD
2000 et, par voie de conséquence, le non-paiement de sa
créance ;
Que pour ce faire, elle sollicite la condamnation de la BNI
à lui payer la somme totale de deux cent trente-sept
millions (237.000.000) de francs FCFA, à raison de :
-
quatre-vingt-sept millions (87.000.000) de F CFA au
titre de la dette de la société GOLD 2000 ;
-
cent cinquante millions (150.000.000) de F CFA à
titre de dommages intérêts ;
Qu’en effet, depuis plus de neuf ans, elle n'exerce plus
d'activités ;
Que pire, un immeuble personnel de son gérant fait l'objet
d'une hypothèque légale inscrite par l'Etat de Côte
d'Ivoire ;
Que la condamnation de la BNI au paiement de
dommages intérêts ne sera donc que justifiée ;
Qu’en effet, elle n’a jamais recherché la responsabilité de
la BNI envers la société GOLD 2000 ;
Que l’action, exercée en son nom et pour son compte, vise
seulement à obtenir la condamnation de la BNI à réparer le
tort que lui a causé l’insolvabilité de la société GOLD 2000
provoquée par ladite banque ;
Que la responsabilité recherchée est celle de la BNI
envers elle ;
Que la faute ayant été commise à l’occasion de ses
rapports avec la société GOLD 2000, c’est à bon droit
qu’elle fait référence à la relation BNI-société GOLD 2000 ;
Qu’il est de jurisprudence constante et établie que le tiers
qui subit un dommage en raison de la mauvaise exécution
ou de l’inexécution d’un contrat, peut engager la
responsabilité du débiteur du contrat ;
Qu’elle a donc qualité pour agir et intérêt pour agir, de
sorte que la BNI n’est pas fondée à invoquer l’irrecevabilité
de son action ;
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En réplique, la BNI relève que la société MEC tente de
démontrer une prétendue faute qu’aurait commise la
banque dans sa relation avec la société GOLD 2000 ;
Qu’en application de la règle « nul ne plaide par
procureur », la société MEC ne peut se substituer à la
société GOLD pour rechercher la responsabilité de la BNI ;
Que la demanderesse n’a pas qualité pour agir puisqu’elle
plaide la responsabilité de la banque au nom et pour le
compte de la société GOLD 2000 ;
Que la société MEC n’a pas non plus d’intérêt légitime
juridiquement protégé direct et personnel étant entendu
que celle-ci n’est pas en relation d’affaires avec la banque ;
Que son action doit être par conséquent déclarée
irrecevable ;
Que la société MEC était en relation d’affaires avec la
société GOLD 2000 et non avec la BNI ;
Que n’ayant jamais été le cocontractant de la société MEC,
aucun manquement et aucune faute ne peut lui être
reprochée par la demanderesse ;
Qu’en outre, la société MEC ne rapporte pas la preuve du
lien de causalité entre cette prétendue faute et
l’insolvabilité de la société GOLD 2000 ;
Que la demanderesse n’établit pas non plus le lien de
cause à effet entre cette insolvabilité et le fait que la
société MEC n’ait pas été rémunérée par la société GOLD
2000 ;
Que la société MEC prétend qu’à l’issue des travaux, la
société GOLD 2000 a instruit la BNI de lui payer la somme
de quatre-vingt-sept millions (87.000.000) de F CFA ;
Qu’en réalité, dans le courrier produit par la demanderesse
pour étayer ses allégations, celle-ci soumet une kyrielle de
doléances au PDG de la BNI, pris en sa qualité de
Président du Groupe LEV-CI pour lui permettre de payer
ses fournisseurs ;
Que ces doléances ne peuvent s’analyser en une
délégation de créance contrairement à ce que la société
MEC prétend ;
Que les prétentions de la demanderesse n’ont aucun
fondement juridique, de sorte que celle-ci doit être
déboutée de son action ;
SUR CE
En la forme
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Sur le caractère de la décision
La BNI a conclu et fait valoir ses moyens. Il y a lieu de
statuer par décision contradictoire.
Sur la recevabilité de l’action
La BNI soutient que sa responsabilité est recherchée par la
société MEC sur la base d’une prétendue faute qu’elle
aurait commise dans sa relation avec la société GOLD
2000, sa cliente.
Elle affirme qu’en application de la règle « nul ne plaide par
procureur », la société MEC ne peut se substituer à la
société GOLD 2000. De plus, selon elle, la société MEC
ne justifie pas non plus d’un intérêt légitime juridiquement
protégé direct et personnel étant entendu que celle-ci n’est
pas en relation d’affaires avec la banque.
Aussi, la BNI soulève-t-elle l’irrecevabilité de l’action de la
société MEC pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir.
Il ressort toutefois de l’analyse du dossier que la société
MEC demande que la responsabilité délictuelle de la BNI
soit retenue sur le fondement des articles 1382 et 1383 du
code civil au motif que la banque a accordé à la société
GOLD 2000 de trop grandes facilités de crédit qui ont
provoqué l’insolvabilité de cette société, de sorte que la
société GOLD 2000 qui est la débitrice de la société MEC
s’est trouvée dans l’impossibilité de rembourser la créance
de celle-ci.
Il s’ensuit que l’action de la société MEC est exercée en
son nom et pour son compte et tend à la réparation du
préjudice à lui causé, selon elle, par la faute de la BNI
commise dans ses rapports avec la société GOLD 2000.
La société MEC a donc initié une action qui lui est propre
et n’agit pas au nom de la société GOLD 2000.
Ainsi, ladite société a qualité et justifie d’un intérêt pour
agir en la présente procédure contrairement à ce que la
BNI prétend.
Il y a lieu, dès lors, de rejeter la fin de non-recevoir
soulevée par la BNI.
L’action de la société MEC ayant été par conséquent
régulièrement introduite. Elle est donc recevable.
Au fond
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Sur la responsabilité
La société MEC soutient que la BNI a commis une faute
dans ses relations avec la société GOLD 2000 en
octroyant des facilités de crédit à celle-ci au-delà de ses
capacités de remboursement et a ainsi provoqué
l’insolvabilité de ladite société.
Estimant que cette insolvabilité provoquée par la BNI lui a
causé un préjudice en ce sens qu’elle a empêché la
société GOLD 2000 de lui payer sa créance de quatrevingt-sept millions (87.000.000) de F CFA, la société MEC
demande que la responsabilité de la banque soit retenue
sur le fondement des dispositions des articles 1382 et
1383 du code civil.
Il est constant que les textes susvisés nécessitent pour
leur application, la réunion de trois conditions, à savoir :
une faute intentionnelle ou non intentionnelle, un préjudice
et un lien de causalité.
En l’espèce, la société MEC reproche à la BNI d’avoir
manqué à son obligation de prudence en dispensant des
facilités de crédit à la société GOLD 2000 au point où
celle-ci s’est retrouvée débitrice de la banque d’un montant
de près de deux milliards (2.000.000.000) de F CFA.
Elle invoque ainsi la responsabilité du banquier pour
fourniture d’un crédit excessif ou abusif. Pour que cette
responsabilité soit retenue, la preuve de ce crédit doit être
rapportée ainsi que celle de son caractère abusif.
Il ressort toutefois de l’examen des pièces du dossier que
la société MEC ne produit aucune pièce attestant de la
réalité des crédits octroyés par la BNI à la société GOLD,
ni du montant de la dette de celle-ci vis-à-vis de la banque.
De plus, elle ne fournit pas d’éléments de nature à
permettre de juger de la situation financière réelle de la
société GOLD 2000 et d’apprécier son taux d’endettement
auprès de la BNI et ses capacités de remboursement.
Il s’ensuit que la société MEC se borne à affirmer que la
BNI a commis une faute d’imprudence en sa qualité de
banquier dispensateur de crédit sans pourtant rapporter la
preuve de cette faute.
A défaut d’une telle preuve, la responsabilité de la BNI
invoquée par la demanderesse ne peut être engagée.
Il convient, dès lors, de la débouter de sa prétention et du
surplus de sa demande.
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Sur les dépens
La société MEC succombe à l’instance. Il y a lieu de la
condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier
ressort ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Banque
Nationale d’Investissement dite BNI ;
Reçoit la société Matériels Equipements et Constructions
dite MEC en son action ;
Constate la non conciliation des parties ;
Dit la société MEC mal fondée en son action ;
L’en déboute ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et
an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /.
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