m Rédigez en prose la lettre du Roi, ami de Marot, en réponse à la

Transcription

m Rédigez en prose la lettre du Roi, ami de Marot, en réponse à la
m Rédigez
en prose la lettre du Roi, ami de Marot, en
réponse à la requête de son poète, qui considère qu’il a été
injustement emprisonné. Vous écrirez en français moderne et
soutenu un texte argumenté.
Vous pouvez vous appuyer sur les textes du corpus pages suivantes.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Imaginez que le Roy demande à un des « trois grands pendards »
(document A, v. 8) qui a arrêté Marot de lui donner sa version de l’arrestation. Racontez en tenant compte des éléments fournis sur les
événements et sur la personnalité des différents personnages dans
l’Épître au Roy.
2. Composez la plaidoirie du « beau procureur » (= avocat) de Marot
(document A, v. 34), dans laquelle il tente d’obtenir la clémence du tribunal,
puis le dialogue qui le met face à Marot après l’échec de ses tentatives
(v. 38).
3. « ce vieillard, en mourant sur la roue, prit Dieu à témoin de son innocence, et le conjura de pardonner à ses juges » (document B, l. 28-30).
Composez la supplique du « vieillard » Calas à Dieu. Vous pourrez tirer
profit des détails donnés dans le texte et adopter un ton pathétique ou de
« piété attendrissante » (l. 43).
4. Un des « juges qui étaient décidés pour le supplice de Jean Calas »
(document B, l. 25), quelques mois après le « second arrêt » (l. 31) est pris
de remords et, après avoir lu le texte de Voltaire, veut faire part de ses
regrets et soulager sa conscience pour rétablir la vérité et réparer ce déni
de justice. Écrivez ce texte, qui pourra prendre la forme
– d’une lettre qu’il envoie à Voltaire ;
– d’une confession qu’il a l’intention de faire publier dans un journal de
l’époque ;
– d’une page de son journal intime.
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« Coupable ou innocent ? »
Documents
A – Clément Marot, Épître au Roy, 1527.
B – Voltaire, Traité sur la tolérance, chapitre I, 1763.
C – Albert Camus, L’Étranger, 2e partie, chapitre IV, 1942.
m Comment s’exprime la présence du narrateur dans chaque
texte et quel rôle joue-t-elle dans la satire de la justice ?
Document A
Encore une fois emprisonné pour avoir tenté de délivrer un prisonnier,
Marot, poète de la cour, s’adresse au roi François Ier, son protecteur, afin
d’obtenir sa libération.
Au roi, « pour le délivrer de prison »
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Roi des Français, plein de toutes bontés,
Quinze jours a1, je les ai bien comptés,
Et dès demain seront justement seize,
Que je fus fait confrère au diocèse
De Saint-Marry, en l’église de Saint-Pris2.
Si3 vous dirai comment je fus surpris,
Et me déplaît qu’il faut que je le die4.
Trois grands pendards5 vinrent à l’étourdie6
En ce palais me dire en désarroi7 :
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« Nous vous faisons prisonnier, par le Roi. »
Incontinent8, qui fut bien étonné ?
Ce fut Marot, plus que s’il eût tonné.
Puis m’ont montré un parchemin écrit,
Où n’y avait seul mot de Jésus-Christ :
Il ne parlait tout que de plaiderie,
De conseillers et d’emprisonnerie.
« Vous souvient-il, ce me dirent-ils lors,
Que vous étiez l’autre jour là-dehors,
Qu’on recourut9 un certain prisonnier
Entre nos mains ? » Et moi de le nier !
Car, soyez sûr, si j’eusse dit oui,
Que le plus sourd d’entre eux m’eût bien ouï,
Et d’autre part, j’eusse publiquement
Été menteur : car, pourquoi et comment
Eussé-je pu un autre recourir,
Quand je n’ai su moi-même secourir ?
Pour faire court, je ne sus tant prêcher
Que ces gaillards me voulsissent10 lâcher.
Sur mes deux bras ils ont la main posée,
Et m’ont mené ainsi qu’une épousée,
Non pas ainsi, mais plus raide un petit11.
Et toutefois j’ai plus grand appétit
De pardonner à leur folle fureur
Qu’à celle-là de mon beau procureur12 :
Que male mort les deux jambes lui casse !
Il a bien pris de moi une bécasse,
Une perdrix, et un levraut aussi,
Et toutefois je suis encore ici !
Encor je crois, si j’en envoyais plus,
Qu’il le prendrait. […]
Si vous supplie, Sire, mander13 par lettre,
Qu’en liberté ces gens me veuillent mettre ;
Très humblement requérant votre grâce
De pardonner à ma trop grande audace
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D’avoir empris14 ce sot écrit vous faire ;
Et m’excusez, si pour le mien affaire
Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n’ai pas eu le loisir d’y aller.
Clément Marot, Épître au Roy, 1527.
1. A : il y a.
2. Vers 4 et 5 : « Que je fus fait confrère au diocèse/De Saint-Marry, en l’église de SaintPris » : Marot file une métaphore où l’église de Saint-Pris signifie la prison.
3. Si : donc.
4. Die : dise.
5. Pendards : désigne les sergents.
6. À l’étourdie : sans réfléchir.
7. Désarroi : confusion.
8. Incontinent : immédiatement.
9. Qu’on recourut : « lorsqu’on tenta de délivrer ».
10. Vers 27 et 28 : « En résumé, je n’ai pas su par mes paroles obtenir que ces gaillards
veuillent me lâcher. »
11. Plus raide un petit : un peu plus rudement.
12. Procureur : il s’agit ici de son avocat.
13. « Aussi je vous supplie, Sire, de demander. »
14. Empris : entrepris.
Document B
Le 12 octobre 1761, on découvre Marc-Antoine Calas pendu dans le
magasin de son père, Jean Calas, un négociant protestant. Ce dernier est
accusé d’avoir tué son fils pour l’empêcher de se convertir au catholicisme, seule religion autorisée alors. Jean Calas est condamné à mort et
roué. Voltaire entreprend de réhabiliter sa mémoire.
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Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de soixante-huit
ans, qui avait depuis longtemps les jambes enflées et faibles, eût
seul étranglé et pendu un fils âgé de vingt-huit ans, qui était d’une
force au-dessus de l’ordinaire ; il fallait absolument qu’il eût été
assisté dans cette exécution par sa femme, par son fils Pierre Calas,
par Lavaisse1 et par la servante. Ils ne s’étaient pas quittés un seul
moment le soir de cette fatale aventure. Mais cette supposition était
encore aussi absurde que l’autre : car comment une servante zélée
catholique aurait-elle pu souffrir que des huguenots assassinassent
un jeune homme élevé par elle pour le punir d’aimer la religion de
cette servante ? Comment Lavaisse serait-il venu exprès de Bor©HATIER
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deaux pour étrangler son ami dont il ignorait la conversion
prétendue ? Comment une mère tendre aurait-elle mis les mains
sur son fils ? Comment tous ensemble auraient-ils pu étrangler un
jeune homme aussi robuste qu’eux tous, sans un combat long et
violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout le voisinage,
sans des coups réitérés, sans des meurtrissures, sans des habits
déchirés ?
Il était évident que, si le parricide avait pu être commis, tous les
accusés étaient également coupables, parce qu’ils ne s’étaient pas
quittés d’un moment ; il était évident qu’ils ne l’étaient pas ; il était
évident que le père seul ne pouvait l’être ; et cependant l’arrêt condamna ce père seul à expirer sur la roue.
Le motif de l’arrêt était aussi inconcevable que tout le reste. Les
juges qui étaient décidés pour le supplice de Jean Calas persuadèrent aux autres que ce vieillard faible ne pourrait résister aux
tourments, et qu’il avouerait sous les coups des bourreaux son
crime et celui de ses complices. Ils furent confondus, quand ce
vieillard, en mourant sur la roue, prit Dieu à témoin de son innocence, et le conjura de pardonner à ses juges.
Ils furent obligés de rendre un second arrêt contradictoire avec
le premier, d’élargir2 la mère, son fils Pierre, le jeune Lavaisse, et
la servante ; mais un des conseillers leur ayant fait sentir que cet
arrêt démentait l’autre, qu’ils se condamnaient eux-mêmes, que
tous les accusés ayant toujours été ensemble dans le temps qu’on
supposait le parricide, l’élargissement de tous les survivants prouvait invinciblement l’innocence du père de famille exécuté, ils
prirent alors le parti de bannir Pierre Calas son fils. Ce bannissement semblait aussi inconséquent, aussi absurde que tout le
reste : car Pierre Calas était coupable ou innocent du parricide ;
s’il était coupable, il fallait le rouer comme son père ; s’il était
innocent, il ne fallait pas le bannir. Mais les juges, effrayés du
supplice du père et de la piété attendrissante avec laquelle il était
mort, imaginèrent de sauver leur honneur en laissant croire qu’ils
faisaient grâce au fils, comme si ce n’eût pas été une
prévarication3 nouvelle de faire grâce ; et ils crurent que le ban-
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nissement de ce jeune homme pauvre et sans appui, étant sans
conséquence, n’était pas une grande injustice, après celle qu’ils
avaient eu le malheur de commettre.
Voltaire, Traité sur la tolérance, 1763.
1. Lavaisse : ami du fils.
2. Élargir : libérer, relaxer ; élargissement : mise en liberté.
3. Prévarication : acte de mauvaise foi, manquement aux devoirs d’une charge.
Document C
Sur une plage écrasée de soleil, Meursault a tué un homme ; acte nullement prémédité, conséquence d’une succession de hasards. Le personnage
de ce roman va se trouver pris dans l’engrenage judiciaire.
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Et j’ai essayé d’écouter encore parce que le procureur1 s’est mis
à parler de mon âme.
Il disait qu’il s’était penché sur elle et qu’il n’avait rien trouvé,
messieurs les jurés2. Il disait qu’à la vérité, je n’en avais point, d’âme,
et que rien d’humain, et pas un des principes moraux qui gardent le
cœur des hommes ne m’était accessible. « Sans doute, ajoutait-il,
nous ne saurions le lui reprocher. Ce qu’il ne saurait acquérir, nous
ne pouvons nous plaindre qu’il en manque. Mais quand il s’agit de
cette cour, la vertu toute négative de la tolérance doit se muer en
celle, moins facile, mais plus élevée, de la justice. Surtout lorsque le
vide du cœur tel qu’on le découvre chez cet homme devient un
gouffre où la société peut succomber. » C’est alors qu’il a parlé de
mon attitude envers maman3. Il a répété ce qu’il avait dit pendant les
débats. Mais il a été beaucoup plus long que lorsqu’il parlait de mon
crime, si long même que, finalement, je n’ai plus senti que la chaleur
de cette matinée. Jusqu’au moment, du moins, où l’avocat général4
s’est arrêté et, après un moment de silence, a repris d’une voix très
basse et très pénétrée : « Cette même cour, messieurs, va juger
demain le plus abominable des forfaits : le meurtre d’un père. » Selon
lui, l’imagination reculait devant cet atroce attentat. Il osait espérer
que la justice des hommes punirait sans faiblesse. Mais il ne craignait
pas de le dire, l’horreur que lui inspirait ce crime le cédait presque à
celle qu’il ressentait devant mon insensibilité. Toujours selon lui, un
homme qui tuait moralement sa mère se retranchait de la société des
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hommes au même titre que celui qui portait une main meurtrière sur
l’auteur de ses jours. Dans tous les cas, le premier préparait les actes
du second, il les annonçait en quelque sorte et il les légitimait. « J’en
suis persuadé, messieurs, a-t-il ajouté en élevant la voix, vous ne trouverez pas ma pensée trop audacieuse, si je dis que l’homme qui est
assis sur ce banc est coupable aussi du meurtre que cette cour devra
juger demain. Il doit être puni en conséquence. »
Albert Camus, L’Étranger, 1942.
1. Procureur : représentant du ministère public, chargé de l’accusation.
2. Jurés : citoyens faisant partie du jury.
3. Meursault a beaucoup choqué parce qu’il a fumé et bu du café au lait pendant la veillée
funèbre de sa mère, et parce qu’il a commencé une liaison amoureuse le lendemain.
4. Avocat général : synonyme de procureur.
D’autres pistes / Pour aller plus loin
1. Quels sont les points communs entre ces trois textes ? Appuyez votre
réponse sur des références précises aux textes.
2. Quels détails dans le récit permettent de dater approximativement ces
textes ?
3. Relevez, classez et commentez le vocabulaire de la justice. Quelle
image de la justice proposent ces textes ?
4. Quel(s) type(s) de personnages le narrateur, dans ces trois textes, metil en scène ? Étudiez le rôle de chacun de ces personnages dans le récit.
5. Relevez les passages qui comportent des paroles rapportées. Indiquez
s’il s’agit de paroles rapportées directement ou indirectement. Quels sont
le rôle et l’intérêt de ces paroles rapportées ?
6. Quels sont les registres de chacun de ces textes ? Justifiez votre
réponse.
7. Mesurez le degré d’implication du narrateur, puis du lecteur. Donnez
les indices de cette implication.
8. Précisez, pour chacun des textes, quelle modalité de phrases domine.
Indiquez la valeur de chacune de ces formes de phrases et l’effet qu’elles
produisent.
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5. « C’est alors qu’il a parlé de mon attitude envers maman. […] Mais il a
été beaucoup plus long que lorsqu’il parlait de mon crime […] »
(document C, l. 12-15). Composez la partie du discours du procureur à
laquelle ces lignes font allusion.
6. Composez le plaidoyer qu’un éventuel avocat de Meursault
(document C) aurait pu prononcer après le réquisitoire du procureur. Tout
en défendant Meursault, il montrerait avec passion et véhémence que le
procureur ne respecte pas les principes élémentaires d’une justice équitable et se laisse mener par des a priori déshonorants pour un magistrat
digne de ce nom. Vous tiendrez compte des éléments fournis dans
l’extrait de L’Étranger.
7. Composez un discours en faveur de la tolérance.
8. Un juge écrit à Camus pour lui reprocher le mal que son roman
L’Étranger – et plus particulièrement cette scène – a pu faire à l’image de
la justice parmi les lecteurs. Il souligne les dommages que le roman peut
faire à certaines institutions en travestissant la vérité dans le seul but de
plaire aux lecteurs. Camus lui répond qu’au contraire c’est intentionnellement qu’il a inventé cette scène du procès et qu’il considère le roman
comme un moyen très efficace d’intervenir dans la vie sociale et politique. Écrivez ces deux lettres.
9. « Cette même cour, messieurs, va juger demain le plus abominable
des forfaits : le meurtre d’un père » (document C, l. 18-19). Composez, à
la manière de Camus, le passage d’un roman où l’homme accusé de parricide rend compte du procès qui lui a été fait par « cette même cour ».
Vous avez le choix de donner à ce narrateur-accusé le même ton indifférent que celui de Meursault ou au contraire un ton indigné.
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