L`INVESTISSEMENT EN RESSOURCE HUMAINE DANS LE

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L`INVESTISSEMENT EN RESSOURCE HUMAINE DANS LE
L’INVESTISSEMENT EN RESSOURCE HUMAINE DANS LE
CADRE DE LA MISE A NIVEAU : CAS DE DEUX
ENTREPRISES PUBLIQUES ECONOMIQUES
ALGERIENNES
OUKACI D. & MAHMOUDIA M.
OUKACI Dahbia
MAHMOUDIA Mehenna
Maître de conférences à la faculté
Chargé de cours à la faculté des
des sciences économiques,
sciences économiques,
commerciales et de gestion,
Commerciales et de gestion,
université Mouloud MAMMERI
université Mouloud MAMMERI de
de Tizi-Ouzou
Tizi-Ouzou
E-mail : [email protected]
E-mail :[email protected]
Tél : +213 550 35 17 07
Tél : +213 559 45 02 01
L’investissement en ressource humaine dans le cadre de la mise à
niveau : cas de deux entreprises publiques économiques
algériennes
Investment in human resources under the upgrade: case two
Algerian public enterprises economics
Résumé : Avec la globalisation et l’accélération de l’innovation, le facteur humain est de
plus en plus reconnu comme étant un facteur indispensable au développement économique.
Les notions et / ou concepts, capital humain, investissement immatériel annoncent une
réelle révolution afin de permettre l’adaptation aux mutations économiques et technologiques
qu’a généré le phénomène de l’ouverture économique. Les évolutions récentes semblent
indiquer une prise de conscience, de plus en plus grande, des nouveaux enjeux du capital
humain pour les pouvoirs publics algériens. Mais si la volonté politique parait présente, la
place réservée à la formation, dans le cadre des plans de mise à niveau, est loin de répondre
aux besoins de la nouvelle économie.
Mots clés : Capital humain, mise à niveau, entreprise algérienne, économie de la
connaissance, formation
Abstract:
With globalization and the acceleration of innovation, a consensus was
established to underline the weight of the human factor in productive new paradigm.
The notions and / or concepts of human capital, intangible investment announces a real
revolution to enable adaptation to economic and technological changes that the economic
openness generated. Recent developments suggest an increasingly awareness of the new
challenges of human capital by the Algerian authorities. However, if the political will seems
present, the place reserved for training, as part of the upgrade plans, is far to answer the needs
of the new economy.
Keywords: Human Capital, upgrade, Algerian company, knowledge economy, education
1
Introduction
Le rôle du capital humain a de tout le temps été prépondérant dans la dynamique
économique. Avec l’élargissement des marchés et leur intégration dans un cadre mondial, les
entreprises cherchent de nouvelles sources de compétitivité leur permettant de survivre à la
concurrence. L’incontournable source est l’innovation dont le vecteur principal est l’Homme.
Aujourd’hui, l’accès au marché international et la pérennisation des avantages sont
conditionnés par la maîtrise technologique. Mais, si l’innovation constitue un avantage
compétitif, elle ne se développe que dans les économies qui donnent la priorité à la formation
et aux qualifications. Ce sont les cadres bien formés et un personnel qualifié et productif qui
créent les richesses au sein des entreprises.
En Algérie, la formation du facteur humain a été souvent considérée comme un
élément peu déterminant dans la gestion des ressources humaines. Avec l’ouverture du
marché les entreprises renouvellent leur conception de l’effort de formation et comprennent,
de plus en plus,
son rôle déterminant dans la performance de l’entreprise. L’objectif
d’alignement de l’industrie algérienne sur un positionnement compétitif, au moins comparable
à ses pays voisins, a incité les pouvoirs publics à mettre en œuvre des actions de formation au
profit des salariés à travers des plans de mise à niveau.
Pour comprendre ce qu’en font les entreprises publiques de l’effort de formation,
nous avons enquêté auprès de deux d’entre elles, qui par leur taille, le poids salarial, le budget
alloué à la formation et leur manque de performance nous sont parues représentatives pour
élaborer un diagnostic
du facteur humain, évaluer sa performance
à travers certains
indicateurs financiers et apprécier le budget destiné à la formation dans le cadre du plan de
mise à niveau 2010/2014.
I. Le rôle du capital humain dans la croissance de l’entreprise à l’ère de
l’économie de la connaissance
Pour avoir un avantage compétitif via la mise à niveau du capital humain, il est
important d’abord d’éclaircir certains préalables en matière, notamment, de contexte
d’intégration et de la conception de l’entreprise.
I.1. Le contexte d’économie de la connaissance
I.1.1. Les bases conceptuelles
La notion d’économie basée sur la connaissance et la compétence est née avec la
perception du rôle croissant de la création, la distribution et l’utilisation du capital immatériel
2
dans la gestion des entreprises et des économies (Créplet F. 2004). Ce nouveau mode de
fonctionnement économique se caractérise par la baisse des coûts de codification, de
transmission et d’acquisition des connaissances et une augmentation des externalités de
connaissances.
I.1.1.1. L’économie de la connaissance
Le capital humain est désormais considéré comme une nouvelle source de richesse et
un « nouvel » actif au sein des firmes. Cette dimension est au cœur de l’école « évolutionniste
» dans laquelle la connaissance est considérée comme un actif immatériel fondamental dans la
croissance de l’entreprise, et comme une de ses principales ressources stratégiques. Sa gestion
pose cependant de nombreux problèmes en raison de ses caractéristiques : la connaissance est
difficilement contrôlable. C’est une ressource inépuisable (Prahalad & Hamel, 1990). Elle
s’accumule dans l’organisation, et c’est à travers ce processus d’accumulation et en corollaire
avec son exploitation et sa diffusion que se joue le développement de l’entreprise.
I.1.1.2. La gestion du capital intangible
Dans une perspective plus managériale, la gestion du capital intangible est une
discipline en pleine expansion dans le monde des entreprises dont les objectifs visent la
formalisation et le transfert des savoirs spécifiques (métier) à l'organisation, la capitalisation
et l’exploitation de ces savoirs en vue d’améliorer la performance organisationnelle.
Autrement dit, l’objectif ambitieux du Knowledge Management est de mettre en place des
dispositions (organisation, méthode et outil), qui favorisent, dans un sens très large, le
patrimoine immatériel que toute organisation sociale (et plus seulement une entreprise)
accumule en propre durant son cycle de vie.
I.1.2. Les facteurs déterminants l’émergence de la nouvelle économie
La nouvelle économie correspond à une période de l’activité économique mondiale
récente. Cette économie basée sur le capital immatériel est donc le fruit de deux
facteurs essentiels:
I.1.2.1. La globalisation des marchés
La globalisation est un processus dont le rouage principal est le développement des
échanges internationaux (Détrie J.P, 1997). Celle-ci va entraîner une déréglementation et un
élargissement des territoires des commercialisations et de la production des entreprises. De
plus, la spécialisation, en termes productifs, qui en découlera permettra l’efficacité puisque
chaque pays se concentrera sur ses meilleures compétences. De ce fait, une augmentation de
3
la qualité des produits et un abaissement des coûts de production permettent de considérer
cette globalisation comme élément favorable. Dans une économie mondialisée, le facteur
humain est devenu plus mobile, ce qui rend le maintien des compétences au sein de
l’entreprise une préoccupation majeure des entreprises.
I.1.2.2. La révolution des nouvelles technologies de l’information
La connaissance est qualitativement et quantitativement plus importante en tant que
facteur de production et cela largement par le biais de la diffusion des NTIC. De plus, ce
développement a entraîné la pérennité des secteurs industriels qui sont devenus d’importants
pourvoyeurs d’emploi. Toutefois, les NTIC jouent un rôle de premier ordre dans cette
dynamique. Elles permettent des gains de productivité importants et l’adaptation de nouveaux
modèles organisationnels fondés sur une meilleure exploitation des connaissances et des
compétences, donc, du capital intangible.
I.2. La Place du capital humain dans l’entreprise
L’économie axée sur la connaissance et la compétence n’a pas seulement irrigué
l’économie mondiale et la société civile mais également l’entreprise. D’où apparaissent les
exigences d’adaptation à la nouvelle économie.
I.2.1. La montée en puissance du capital intangible
Alors que le progrès au 19è siècle se caractérise par un accroissement de la part du
capital tangible au sein des facteurs de production, la croissance a changé de nature dans les
dernières décennies. Celle-ci s’explique, désormais en grande partie par le développement du
capital immatériel ou intangible, dont le stock en volume a dépassé celui du capital matériel
depuis les années 1970. Pour D. Plihon et D. Flacher (2007) ce capital immatériel est
composé « d’un ensemble d’actifs qui incluent le capital humain (éducation, formation,
compétence, savoirs), les dépenses de R&D, les droits de propriété intellectuelle, les logiciels
ou encore les dépenses organisationnelles ».
I.2.2. La connaissance au cœur du capitalisme moderne
En 1993, Peter Drucker, identifie les savoirs (maîtrise des connaissances et des
compétences) comme la base nouvelle de compétitivité dans une société et/ou un
environnement de connaissance. Il souligne que « De plus en plus, la productivité du savoir
va devenir pour un pays, une entreprise, le facteur de compétitivité déterminant. En matière
de savoir, aucun pays, aucune industrie, aucune entreprise ne possède un avantage ou un
4
désavantage naturel. Le seul avantage qu’il ou elle puisse s’assurer, c’est de tirer du savoir
disponible pour tous un meilleur parti que les autres ».
I.2.3. Le management du capital immatériel
Le troisième effet auquel sont confrontées les entreprises concerne le management de
l’actif immatériel que celles-ci mobilisent et sont amenées à produire. Pour D. Plihon et D.
Flacher (2007), manager un capital immatériel signifie : « identifier, expliciter et valoriser les
ressources cognitives, les capacités d’apprentissage et les compétences de l’entreprise ».
Cette fonction de l’entreprise, devenue stratégique, concerne les biens immatériels dont les
propriétés sont particulières.
I.3. La mise à niveau du capital humain : Source de compétitivité de l’entreprise
Les choix stratégiques d’une entreprise dépendent de la qualification du personnel et
de ses capacités managériales. En effet, la capacité managériale conditionne les orientations
stratégiques, d’où la nécessité de désigner les dirigeants compétents, capables de mobiliser
l’ensemble du personnel afin de conduire et réussir les stratégies de l’entreprise. C’est ainsi
que les compétences managériales conditionnent le redéploiement stratégique et la croissance
de l’entreprise, d’où la nécessité de coordonner et de mobiliser l’ensemble des ressources au
profit de l’entreprise et de sa pérennité. Il est évident que la mobilisation collective nécessite
des moyens de motivation, même si les motivations peuvent être hétérogènes.
Avec la mondialisation, l’Algérie ne peut ignorer ce facteur clé, qui est le capital
humain, pour relancer son industrie. Le phénomène de la mondialisation impose aux
entreprises algériennes de s’adapter aux mutations économiques et technologiques afin de
réaliser un positionnement compétitif dans la zone de libre-échange et plus tard dans l’espace
OMC. Le redéploiement industriel ne peut se faire sans celui des ressources humaines. Le
socle du renouveau industriel est le capital humain, ensemble des connaissances, des
compétences, des qualifications, des habitudes et des relations investies dans le cadre du
travail. Le développement de ce capital humain constitue la base pour la compétition
économique et commerciale et permet la réception des nouvelles technologies et les nouveaux
modes de gestion. Dans un contexte économique où l’innovation tire la production et le
marché, le capital humain devient le vecteur stratégique de la modernisation industrielle.
L’importance de la formation se perçoit dans les nouveaux standards internationaux des
systèmes d’éducation qualifiants. Il faut plus de 50% de Bac +2, 30% de Bac +4, et 20% de
Bac +7,
pour atteindre les niveaux de compétitivité internationales dans l’industrie.
Aujourd’hui, on tend vers le Bac pour tous dans les réformes des systèmes d’enseignement
5
dans le monde. L’Algérie est loin d’atteindre ces standards internationaux quand on sait que
30% de la population active est analphabète, seulement 5% des étudiants terminent leurs
études universitaires, 15% ont un niveau primaire et 50% ont un niveau secondaire. Ces
indications confirment l’inefficacité du système éducatif algérien, qu’on peut apercevoir à
travers un diagnostic des ressources humaines dans deux entreprises publiques.
Aujourd’hui, les diagnostics réalisés dans le cadre de la mise à niveau soulignent le
déficit majeur qui relève non pas des ressources matérielles et financières mais principalement
des ressources humaines. Mise à part quelques timides actions de mise à niveau (comme nous
allons le constater dans le diagnostic de la filière Bois/Ameublement), l’Algérie reste démunie
par rapport aux pays de l’UE et même du Maghreb, aucune réforme n’a été effectivement
engagée pour palier à ce déficit. Le Maroc et la Tunisie ont lancé les premières opérations à
travers, notamment, les contrats spéciaux de formation (CSF-Maroc) et programme national
de formation continue (PRONAFOC-Tunisie). Ces deux programmes sont lancés avec le
concours de la banque mondiale et prévoient des subventions, allant de 80% pour le Maroc à
100% pour la Tunisie, des coûts de la formation. Les premiers bilans de ces programmes
annoncent des perspectives de mise en place d’instruments de régulation concurrentielle de la
formation et du conseil en gestion.
En revanche, les pouvoirs publics algériens sont, aujourd’hui, de plus en plus
impliqués dans les programmes de promotion et de formation, vu les nouveaux enjeux. Il va
de soi que la réussite d’un pays, en général, et d’une entreprise en particulier, soit fondée sur
ses avantages concurrentiels bâtis sur les compétences et le savoir-faire qui permettent
l’émergence d’innovation et la traduction plus efficace des idées en actions, deux dimensions
fondamentales pour la flexibilité, l’efficacité et la compétitivité de l’entreprise.
II.
Le capital humain dans le cadre du programme de mise à niveau dans
la filière Bois/Ameublement
L’objectif de cette étude réalisée sur les deux entreprises de la filière
Bois/Ameublement, à la fin de leur programme de mise à niveau 2010-2014, est de mettre en
exergue les résultats dérisoires des programmes d’investissement en capital humain dans le
cadre des plans de mise à niveau. Pour cela nous avons procédé à une analyse mixte des
données (qualitatives et quantitatives) résultant du diagnostic de la ressource humaine.
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II.1. Contexte de mise à niveau
Après plusieurs décennies d’une économie protégée, l’ouverture du marché génère
plusieurs défis pour les entreprises algériennes qui doivent affronter une concurrence de plus
en plus âpre sur leur propre marché, d’où la nécessité d’une mise à niveau
multidimensionnelle.
II.1.1. Présentation des deux entreprises et de la filière bois/ameublement
La filière Bois /Ameublement du groupe Wood Manufacture est composée des filiales :
1. ADECOR est une société d’ameublement et de décoration. Son statut d’entreprise
publique est légalisé en la forme d’une société par action (SPA) au capital social initial
de 1 000 000 de dinars. C’est une filiale à 100% du groupe Wood manufacture.
2. Leader Meuble est une entreprise publique économique sous forme d’une société par
action (SPA) au capital social de 239 750 000 de dinars. C’est une filiale à 100% du
groupe bois (Wood manufacture).
II.1.2. Caractéristiques de la Filière
II.1.2.1. La culture de la filière
L’identité de toute entreprise est constituée de trois paramètres principaux :
A. La politique générale de la filière : Les filiales ont évolué, depuis leur création,
dans un système où la contrainte budgétaire n’existait pas et l’objectif de rentabilité n’a
jamais était une priorité. Les objectifs sociaux ont de tout le temps dominé et la législation
avantageait les valeurs sociales (le maintien de l’emploi, l’augmentation des salaires, le
transport, etc.…). Cet état de fait a conduit les entreprises à une situation de déséquilibres
financiers et d’inaptitude à faire face à l’ouverture de l’économie.
La filière a connu un certain nombre d’assainissement, sans toutefois pouvoir se
redresser. Aujourd’hui, elle fait l’objet d’une mise à niveau afin de lui permettre d’améliorer
sa compétitivité et faire face à la concurrence des produits importés.
B. Les valeurs et normes de comportements : Durant plusieurs années, les entreprises
publiques n’ont pas connu la menace des liquidations, le licenciement était interdit par le
statut général du travailleur et les primes de rendement auraient été distribuées malgré les
déficits successifs. Aujourd’hui, l’entreprise doit réfléchir d’une manière nouvelle et instaurer
de nouvelles valeurs afin d’incarner le changement des comportements.
C. Le système de management : La filière ne maîtrise pas assez les outils de gestion
moderne. Son système d’information n’est pas adapté au nouvel environnement dans lequel
elle évolue. Toutefois, la filière maîtrise la tenue de la comptabilité générale grâce à une
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bonne maîtrise de logiciel et à l’expérience acquise par le personnel. Quant à la comptabilité
des coûts, elle n’est pas appliquée selon ses principes. A l’heure des NTIC, la filière n’a
toujours pas mis en place un système intégré de gestion pour l’ensemble des fonctions de
l’entreprise avec un réseau intranet. Il est évident que le manque de cadres expérimentés dans
les fonctions administratives obère et handicape sérieusement les filiales qui ne peuvent,
raisonnablement, poursuivre l’évolution de l’environnement, ni mettre en œuvre une politique
de modernisation et de croissance.
II.1.2.2. Le contexte concurrentiel de la filière
La concurrence nationale s’est rapidement développée vers la fin des années 90, aussi
bien pour la menuiserie bâtiment que l’ameublement, grâce au développement du microcrédit
et des politiques d’aide à l’emploi des jeunes. Les activités se sont développées en raison de
faibles barrières à l’entrée (investissement peu élevé) et un savoir-faire relativement
accessible. En 2001, le nombre des industries du bois et papiers (PME/PMI) était de 8 054, il
passe en 2006 à 10 300 entreprises. La concurrence des importateurs de meubles pèse
lourdement sur la compétitivité des filiales.
Selon Porter (1986), les principales forces concurrentielles, exerçant une intensité
concurrentielle sur l’entreprise, sont les fournisseurs, les clients, des nouveaux entrants et le
risque de produits ou services de substitution. L’intensité concurrentielle sur le marché du
meuble est donc importante, elle peut être résumée dans le tableau suivant
Tableau N°1 :
Intensité
concurrentielle
Produits
Produits domestiques
(Tous
styles
confondus)
Produits bureautiques
L’intensité concurrentielle sur le marché du meuble
Rivalité Menace des
interne
nouveaux
entrants
Menaces
des prix des
substituts
Pouvoir de
négociation
des clients
Pouvoir de
négociation
des
fournisseurs
Forte
Forte
Existe
Fort
Fort
Forte
Forte
Existe
Fort
Fort
Tableau établi à partir de l’étude du contexte concurrentiel
II.1.2.3. Le marché de la filière
A. Les caractéristiques du marché de la filière : Le marché de l’ameublement présente
les caractéristiques suivantes :
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 Le marché est national de par la nature des produits fabriqués, de leur valeur d’usage
et de la couverture nationale de sa clientèle.
 Le marché est durable, il relève des besoins sociaux fondamentaux des ménages et des
collectivités. Mais les différentes activités évoluent de manière non linéaire en raison des
contraintes de financement, des retards en matière d’approvisionnement et l’absence de réseau
commercial performant.
 Le marché est peu différencié, bien que chaque gamme comporte un certain nombre
de produits, la clientèle reste peu différenciée, dans la mesure où on distingue les ménages
pour l’ameublement domestiques, les ménages collectifs pour l’ameublement et mobilier
collectif et la clientèle institutionnelle pour l’ameublement de luxe.
B. Les perspectives de croissance du marché d’ameublement : Les données relatives
aux importations nous renseignent sur l’existence d’une demande croissante des meubles en
bois. Cette demande est soutenue par une demande sociale, institutionnelle et une demande
touristique. Mais, aujourd’hui la filière peine à faire face à la concurrence des produits
étrangers en raison d’un manque d’innovation et de créativité, deux dimensions liées au
facteur humain.
II.2. Diagnostic de la fonction RH et plan de mise à niveau 2010-2014
II.2.1. L’entreprise ADECOR
II.2.1.1. Diagnostic
Pour analyser cette entreprise, nous avons utilisé les données de l’entreprise sur trois
années à savoir de 2009 à 2011.
A. Structure et évolution des effectifs : Durant plusieurs années, le nombre d’effectif
a constitué l’une des contraintes majeures de la filiale. La baisse des contractuels de 2009 à
2011 est de -58% mais en 2010, une opération de confirmation a inversé la tendance puisque
le personnel permanent passe de 43 en 2009 à 105 agents en 2011.Ce recrutement constitue
un facteur qui affecte la compétitivité de l’entreprise en raison de la lourdeur des charges
salariales.
B. Structure de l’emploi par catégories socioprofessionnelles : Cette structure fait
ressortir un taux d’exécution de 70% et un taux d’encadrement de 30%. L’entreprise se trouve
avec un cadre et/ou maîtrise pour deux agents d’exécution ; ce qui est relativement élevé en
raison de la nature de l’activité de l’entreprise.
9
C. Pyramide des âges : La moyenne d’âge qui domine se situe entre 45 et 60 ans, soit
54%. Le personnel majoritaire est relativement âgé, sa moyenne est de 55%, ce qui peut
constituer un avantage compétitif en termes d’expérience et de savoir-faire, mais cette tranche
est plus difficile à assimiler les nouvelles techniques de production et fait plus de résistance
aux changements.
D. Structure des effectifs par qualification et niveau de formation : La structure fait
ressortir, sur 159 personnes, seulement 13 ont un niveau universitaire. Ce sous encadrement
constitue un handicap majeur pour la filiale qui évolue dans un contexte concurrentiel
relativement intense. Pour les autres catégories, le manque de qualification et de formation est
un frein dans l’évolution du processus technologique de l’entreprise et dans l’assimilation des
nouvelles techniques de gestion.
E. Performance et productivité du potentiel humain : Nous allons essayer d’analyser
la performance et la productivité du potentiel humain à travers certains indicateurs et
paramètres de rentabilité sur les trois années.
Tableau N°2 : Evolution de la performance du potentiel humain
Ratios
2009
2010
2011
Tx 2011/2009
CA/effectif (Kda)
434
869
184
-58
VA/effectif (Kda) (1)
207
344
23
-89
Frais de Personnel/CA
91%
48%
226%
+148
FP/VA
191%
122%
1 816%
+851
FP/effectif (Kda) (2)
395
421
417
+5
Taux de productivité(1)/(2)
0,52
0,82
0,06
-88
Source: Calculs effectués à partir des documents de l’entreprise
L’ensemble des indicateurs affichent une détérioration, le chiffre d’affaires par agent a
baissé de 58% et la valeur ajoutée par agent a chuté de 89% en 2011 par rapport à 2009. En
2011, Les frais de personnel par rapport au chiffre d’affaires représentent 226% et 1816% par
rapport à la valeur ajoutée. Ces taux sont au-delà de toutes normes admissibles et cette
situation remet en cause les équilibres fondamentaux de gestion.
II.2.1.2. Plan de mise à niveau de l’entreprise ADECOR pour la période 2010/2014
Les réalisations du plan de mise à niveau, au 31/09/2013, sont résumées dans les
tableaux ci-après:
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Tableau N° 3 : Synthèse des réalisations du plan de mise à niveau au 30/09/2013
Désignation
Montant (kda)
Part en %
163127
93,06%
Matériel roulant
9583
5,46%
2/ MISE A NIVEAU
1178
0,67%
3/ FORMATION (Inscription en Master)
1400
0,79%
1/ MODERNISATION des équipements
Source : ADECOR
Le défi à relever est le repositionnement de l’entreprise sur le marché national pour
conquérir des parts de marché mais la part consacrée à la mise à niveau des ressources
humaines (0.79% ) reste dérisoire et loin de répondre aux besoins de l’entreprise.
II.2.2. L’entreprise LEADER MEUBLE
II.2.2.1. Diagnostic
Pour analyser cette entreprise, nous avons utilisé les données de l’entreprise sur trois
années à savoir de 2009 à 2011.
A. Structure des effectifs par catégories socioprofessionnelles : Au 31/12/2011,
Leader Meuble emploie 444 travailleurs dont 327 permanents et 117 contractuels. Le taux
moyen des cadres se situe entre 7 et 8% alors que seulement 1% ont un niveau universitaire.
Cette vulnérabilité, au niveau de la qualification, met l’entreprise en difficulté et l’empêche
d’être compétitive. Aujourd’hui, le personnel de la filiale se trouve dans l’incapacité de faire
fonctionner des nouvelles machines à commande numérique, d’où la nécessité de procéder à
la formation des techniciens. Cette situation devient préoccupante au niveau du personnel
technique qui nécessite des actions de formation afin de répondre à l’impératif technologique.
B. Pyramide des âges : En rapport avec le niveau d’ancienneté, la moyenne d’âge du
personnel de la filiale qui est dominante se situe entre 35 et 50 ans, soit 52% du personnel
dont 24% ont plus de 50 ans. Ce qui en fait, un personnel relativement âgé qui pourrait être un
avantage compétitif en terme d’expérience, mais malheureusement, il ne maîtrise ni les
nouvelles technologies, ni les techniques de gestion qui deviennent impératives pour répondre
aux besoins du marché.
Cette structure fait ressortir une pyramide d’âge décalée vers les tranches d’âge de plus de
40 ans, ce qui présente un avantage de professionnalisme mais, au même temps, un handicap
pour l’assimilation des nouvelles techniques.
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C. Turn-over : Le turn-over sur la période 2007-2011 a atteint un taux moyen de 3%
qui se situe en deçà de la norme admissible de 5%, à noter que les départs enregistrés ne
concernent que les départs légaux et statutaires.
D. Performance et productivité du potentiel humain : La productivité du potentiel
humain est un déterminant de la compétitivité de l’entreprise. Pour apprécier ce facteur, nous
allons étudier la rémunération des facteurs de production par la valeur ajoutée.
Tableau N° 4: Performance et productivité du potentiel humain
Ratios
2009
2010
2011
Tx 11/09
570 909
506 547
527 282
-8%
1 406
1 415
1 187
-15%
VA/effectif (Kda) (1)
600
615
492
-18%
Frais du personnel (FP)/ CA
29%
40.5%
34.4
18%
FP/VA
68%
92%
82%
20%
FP/effectif (Kda) (2)
408
571
408
00%
Taux de productivité (1) / (2)
1.47
1.07
1,20
-6
CA en (Kda)
CA/effectif (Kda)
Source : Calculs effectués à partir des documents de l’entreprise
La part des frais de personnel par rapport à la valeur ajoutée passe de 68% en 2009 à
92% en 2010, de 2009 à 2011 elle a connu une hausse de 20%. Ce qui constitue un élément
pénalisant la compétitivité de l’entreprise, voire, sa pérennité. Quand la quasi-totalité de la
valeur ajoutée est consacrée à la couverture des frais de personnel, le taux de productivité
reste très bas, ce qui explique les résultats négatifs de la filiale.
II.2.2.2. Le plan de mise à niveau 2010-2014
Le plan de mise à niveau 2010/2014 est résumé dans les tableaux suivants :
Tableau N°5 : Financement des investissements
Montant Kda
Part en %
Investissements de base
350 000
91,14%
Mise à niveau des installations
25 000
6,51%
Formation
9 000
2,34%
Désignation
Ce plan de financement nous paraît insuffisant pour mettre à niveau l’entreprise qui
souffre de difficultés structurelles multiples en l’occurrence la formation de la ressource
humaine à laquelle seulement 2.34% lui sont consacrés.
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II.3. Les grandes tendances du diagnostic des ressources humaines
Le diagnostic des ressources humaines a fait ressortir les grandes tendances
suivantes :
II.3.1. Un manque d’encadrement et de flexibilité
Sur le plan de la qualification et au niveau de la formation, en moyenne, huit
éléments ont un niveau universitaire. Les effectifs de ces filiales se caractérisent par une
formation insuffisante pour la grande majorité d’entre eux (plus de 50% des effectifs n’ont
aucune formation), ce qui crée des difficultés d’adaptation et de compréhension à toute
introduction technologique ou de processus nouveau de fabrication et surtout une grande
résistance au changement.
En termes d’expérience, plus de 50% des effectifs ont une ancienneté de plus de 20
ans, ce qui pourrait constituer un avantage pour transférer progressivement l’expérience
capitalisée et le savoir-faire acquis afin de perpétuer la culture d’entreprise. Mais cette
expérience professionnelle est plus portée par le personnel d’exécution, que par le personnel
de l’administration et de la logistique, ce qui ne favorise pas l’adaptation aux nouvelles
technologies.
II.3.3. Performances et productivité du potentiel humain
La productivité est un indicateur de performance et de compétitivité. Pour les filiales,
le taux de productivité reste
très faible et ne cesse de décroître. Le ratio frais du
personnel/valeur ajoutée a atteint des proportions invraisemblables, en 2011, il est de 1816%
pour ADECOR et de 83% pour Leader Meuble, ce qui a accéléré la déstructuration financière
et peut remettre en cause la pérennité des filiales. Avec les graduations d’évolution des
salaires et l’absentéisme, les filiales trouvent d’énormes difficultés à rétablir leurs équilibres.
Si ces filiales ont comme objectif d’améliorer leur compétitivité il serait impératif
de mettre en place un programme de mise à niveau centré le facteur humain, élément
déterminant de la compétitivité.
Conclusion
La mondialisation a engendré des transformations multiples au niveau des différents
secteurs. Une mise à niveau de ces secteurs ne peut se faire sans la mise en place d’une
stratégie de développement des offres de formation adaptées aux besoins du marché. Cette
stratégie aura pour but de mettre en œuvre une démarche de participation à la mise en place
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d’une trajectoire de développement économique et social par l’orientation des profils de
formation et leur mise en adéquation avec les besoins immédiats et futurs de l’environnement
socio-économique.
Les filiales étudiées sont caractérisées par l’absence de stratégie de ressources
humaines, alors que dans une économie en perpétuel mouvement, les critères de réussite sont
étroitement liés à la performance des Hommes. Les dirigeants doivent gérer avec efficacité
leurs ressources humaines (former, motiver, rémunérer, évaluer, mesurer, fidéliser,
dialoguer…). Pour faire face aux multiples enjeux, la filière bois/ameublement doit mettre en
place une stratégie des ressources humaines afin de développer et renouveler les compétences
des salariés, répondre à l’évolution des métiers et s’inscrire dans une démarche d’amélioration
des performances économiques.
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