Zibeline n° 73 en PDF

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Zibeline n° 73 en PDF
un gratuit qui se lit
N°73 du 16/04/14 au 21/05/14
Ce que
rapporte
la culture
Politique culturelle
Economie de la culture .......................................................4, 5
Événements
Entretien avec Macha Makeïeff ...............................................6
68e édition du Festival d’Avignon ...........................................7
MuCEM, Villa Méditerranée, carte Flux ................. 8 à 10
Venise à Marseille .......................................................11
Critiques
Théâtre ........................................................................12 à 25
Danse ............................................................................ 26, 27
Jeune public ................................................................... 28, 29
Musique ......................................................................30 à 35
Au programme
Théâtre .......................................................................36 à 40
Danse ............................................................................ 41, 42
Jeune public ................................................................44 à 46
Cirque/rue ...................................................................... 47, 48
Musique ......................................................................50 à 53
Cinéma .....................................................................54 à 59
Arts visuels
Marseille ...........................................................................60
La Friche ...........................................................................61
Arles .................................................................................62
Biennale des écritures du réel, la Compagnie ..........................64
Galerie d’Art CG ..................................................................65
Au programme ................................................................. 66, 67
Livres ...........................................................68 à 71
Rencontres
Paroles d’auteurs, Escapades littéraires, BD .............................72
Bibliothèque départementale, ABD Gaston Defferre ..................74
Sélection Prix littéraire, ARL .................................................75
Nouvelle lauréate de Lire Ensemble ........................................76
Journée Méditerranée, I2MP .................................................78
Austérité mortifère
Les victoires du Front national dans notre pays, dans notre région,
font froid dans le dos. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Quel va être le résultat des Européennes, puis des Régionales où
le FN peut gagner en PACA ? Quand nos responsables politiques
se rendront-ils compte de l’abandon où nous sommes ? Quand
proposeront-ils un candidat aux Régionales crédible à gauche, à
droite ? Leur lâche traficotage pour gagner en triangulaires nous
conduit année après année à la catastrophe, à la banalisation
du discours FN qui contamine les rangs de l’UMP, jusqu’aux élus,
jusqu’aux adjoints. Leur surdité et leur aveuglement aux souffrances
du peuple est effarant, et au soir des Municipales ils parlaient
encore de pédagogie… Ne savent-ils pas que, dans la 5e puissance
économique mondiale, la plupart des citoyens, et pas seulement
les plus pauvres, se demandent comment payer des études à leurs
enfants qui de toute façon n’ont pas d’avenir ? Que les classes
moyennes commencent à vendre, pour payer les maisons de retraite
de leurs parents, leurs biens acquis en 25 ans d’emprunt qui n’ont
enrichi que les banques ? Que les classes populaires sont à sec,
désespérées, et qu’il n’est plus temps d’imposer une austérité
qui ne pourra rien redresser, sinon le vote du désespoir ? Qu’il
est suicidaire de mener une politique si éloignée de celle pour
laquelle ils ont été élus, de signer un pacte de stabilité assassin,
de négocier en douce des accords commerciaux avec les États-Unis,
de laisser pourrir à ce point les affaires locales, de ne pas accorder
aux étrangers le droit de vote qu’ils ont promis ?
Comment agir aujourd’hui ? Les artistes et les intellectuels, après
cette campagne où les enjeux culturels ont disparu des discours
politiques, peuvent-ils porter une parole singulière qui ferait tomber
les masques des fascistes, les cataractes des politiques, les œillères
des journalistes ? Une parole qui donnerait aux citoyens l’impression
qu’on entend enfin leur voix assourdissante ? En appauvrissant
systématiquement les artistes et acteurs culturels, la presse et les
médias publics, les associations et centres sociaux, les enseignants,
les chercheurs et les intellectuels, les gouvernements de gauche et
de droite détruisent depuis 30 ans les forces vives qui ont permis
la cohésion de la Nation, et de la démocratie. Nous risquons fort
qu’ils en payent le prix.
AGNÈS FRESCHEL
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Édité à 32 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site
Édité par Zibeline SARL
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Dépôt légal : janvier 2008
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Collaborateurs réguliers :
Frédéric Isoletta, Yves Bergé,
Émilien Moreau, Christophe
Floquet, Pierre-Alain Hoyet,
Aude Fanlo, Laurence Perez,
Anne-Claire Veluire, Maurice
Padovani, Estelle Barlot,
Hélène Dos Santos
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3,2% du PIB :
c’est le chiffre
repris dans les
médias après
la diffusion en
décembre 2013
d’un rapport
commandé
conjointement
par l’inspection
générale des
finances et celle
des affaires
culturelles. Un
rapport qui
mesure l’apport
de la culture
à l’économie
française et
qui donne une
légitimité à
l’investissement
culturel, dans
une période où
des activités
considérées
parfois comme
improductives
sont de moins en
moins financées,
à la fois par
l’investissement
public et par le
mécénat
La culture,
question de PIB ?
La comparaison est pourtant explicite : les activités
culturelles représentaient en 2011 «une valeur
ajoutée de 57,8 M d’euros, l’équivalent du secteur de
l’agriculture et des industries alimentaires (60,4 M d’euros),
deux fois les télécommunications (25,5 M d’euros),
quatre fois l’industrie chimique (14,8 M d’euros) ou
l’assurance (15,5 M d’euros), sept fois l’industrie
automobile (8,6 M d’euros)». Malgré cela, et cet
aspect du rapport est nettement moins commenté
par les médias, la baisse de cette part des activités
culturelles dans la richesse nationale depuis 2005
est importante, et conséquente à la baisse des
investissements publics et privés dans ce domaine :
le secteur culturel représentait encore 3,7% du
PIB en 2005, et avait été en hausse constante
pendant une décennie entière, depuis le milieu des
années 1990. Malgré son importance en volume
dans l’économie, sa forte valeur ajoutée, le nombre
d’emplois non délocalisables qui en dépendent et la
forte attractivité territoriale qui en découle, le secteur
est en crise, et en recul, faute de financements.
Légitimer les dépenses publiques
Le rapport est politique, a-t-on lu dans la presse,
émanant de la volonté d’Aurélie Filippetti de défendre
le budget de son ministère qui a été revu à la
baisse dès son installation rue de Valois en 2012.
La cécité est patente : le gouvernement socialiste
ne comprend pas en quoi il est ridicule de mettre à
mal un secteur si important pour économiser des
bouts de chandelles : baisser de 20% le budget du
ministère de la Culture, comme certains socialistes
le préconisent, reviendrait à économiser environ
0.15 % du budget de l’État, mais tuerait un secteur
économique qui peut représenter, lorsqu’il est
suffisamment soutenu, 3.7 % du PIB, et n’est certes
pas pour rien dans le fait que la France demeure
le premier pays touristique du monde.
Car la collaboration avec Bercy permet aussi de
comprendre et d’évaluer l’imbrication des activités
culturelles dans le reste des activités économiques.
Les auteurs de l’étude signalent en effet l’utilisation
d’une méthodologie singulière s’appuyant sur les
cadres conceptuels utilisés par l’Unesco et l’Union
européenne, mais cherchant à les dépasser, non
seulement pour «saisir l’intégralité des activités
culturelles» mais aussi leurs «effets induits», c’està-dire l’activité qu’elles génèrent auprès d’autres
entreprises.
En termes d’emplois, cela représente 670 000
personnes qui travaillent dans des entreprises
culturelles, soit 2,5 % des actifs en France. En
tout, rajoute le rapport, 870 000 travailleurs sont
liés à la culture, relevant un certain paradoxe : «Il
existe plus de personnes ayant un emploi culturel
en dehors d’entreprises culturelles (par exemple un
photographe dans une entreprise agroalimentaire),
que de personnes ayant un emploi non culturel dans
une entreprise culturelle (par exemple un standardiste
dans une chaîne de télévision).» La culture irrigue
donc tous les secteurs de l’économie, et la mise en
danger des emplois culturels comporte un risque
certain d’augmentation brutale du chômage, bien
plus que la fermeture de certains sites industriels.
Impact sur les territoires
Plus notable encore, «une corrélation positive existe
entre les initiatives culturelles et le développement
local». Au cas où on en aurait douté, les deux
inspections générales concluent, après avoir comparé
des territoires aux caractéristiques socio-économiques
similaires, que ceux dotés d’implantations culturelles
(salles de spectacles, manifestations culturelles
régulières etc.) sont plus dynamiques que ceux
qui en sont dépourvus. Le rapport parle d’un «effet
substantiel» et illustre son propos avec, sur un
territoire donné, une retombée économique estimée
de 30 à 40 euros par visiteur grâce à l’organisation
d’un festival -un chiffre que l’on peut nettement
augmenter en comptant la diffusion indirecte dans le
tissu économique local. «Quand vous investissez un
euro dans un festival ou un établissement culturel,
vous avez 4 à 10 euros de retombées économiques
pour les territoires» peut ainsi affirmer la ministre
au moment où le Medef, en février dernier, veut
remettre en cause le statut des intermittents du
spectacle, indispensables pourtant en particulier
lors des festivals.
Tout rentable ?
C’est le spectacle vivant qui nourrit le plus le
«PIB culturel» français avec une valeur ajoutée
qui s’élève à 8,8 M d’euros, soit 15% de la valeur
ajoutée globale du secteur culturel (pour rappel,
57,8 M d’euros). Le spectacle vivant produit sa
richesse principalement en interne, sans impliquer
d’activité indirecte -une particularité partagée avec
les secteurs de l’audiovisuel, de la publicité, du
cinéma, de l’architecture et de l’accès aux savoirs
et à la culture. En revanche, des secteurs comme
le patrimoine nécessitent une forte intervention
d’activités externes, par exemple celle d’ouvriers
du bâtiment spécialisés dans la réhabilitation de
monuments historiques. La presse et l’industrie
du livre requièrent également -du moins encore
quelque temps- le concours des imprimeries.
Au-delà des enjeux politiques de valorisation du
secteur culturel, la lettre de mission adressée aux
inspecteurs généraux est claire. Il ne s’agit pas
uniquement de justifier la dépense publique, mais
-contexte économique oblige ?- de rechercher
l’efficacité de l’intervention ; l’objectif est de
«déterminer les leviers d’action qui permettraient
d’utiliser pleinement le potentiel de croissance des
industries culturelles». Dans ce contexte, une attention
particulière a été portée à la mode, au cinéma,
à l’audiovisuel et aux jeux vidéo, qui, fleurons
de l’industrie culturelle française, sont porteurs
d’enjeux commerciaux à l’international. Surtout, ces
trois derniers sont particulièrement affectés par les
bouleversements technologiques en œuvre, et les
ministères sont invités à «suivre et à anticiper les
mutations sectorielles» pour renforcer l’attractivité
du territoire français. Ces industries se développent
en effet via les nouveaux modes de diffusion et de
consommations numériques -des plateformes qui
captent une partie de la richesse créée.
On perçoit clairement le paradoxe d’une telle vision
de l’intervention de l’État dans le financement
culturel : le cibler vers les industries rentables, ou au
fort potentiel de croissance, détache l’intervention
de la notion de service public de la culture, pour
valoriser l’aspect marchand, très loin des idéaux
qui ont vu naître le ministère de la Culture et la
notion même de politique culturelle. L’État est-il là
pour financer ce qui rapporte, ou pour faire vivre
les œuvres de l’esprit ?
© Ministère de la Culture et de la Communication
Un budget de 13,9 M d’euros ?
Cette richesse produite par la culture nécessite un
investissement public conséquent : 13,9 M d’euros,
concède le rapport entérinant les chiffres du MCC,
«dont 11,6 M d’euros en crédits budgétaires, 1,4 M
d’euros en dépenses fiscales et 0,9 M d’euros en taxes
affectées». Mais ce chiffre est contestable en tant
que base de travail : les dépenses des collectivités
locales ne sont pas comptabilisées, or elles sont
aujourd’hui, en volume, plus importantes que celles
que le MCC consacre à la culture : en fait, en dehors
de l’audiovisuel et de la presse, le ministère de la
Culture ET de la Communication consacre moins de
7 M d’euros à la culture. Ainsi certains secteurs
sont très peu impactés par la puissance publique
(les arts visuels, les industries d’’image et de son,
l’architecture et le livre). D’autres en revanche
captent d’énormes crédits, notamment l’audiovisuel
(97,6% de sa valeur ajoutée, redevance comprise) et
l’accès au savoir et à la culture. L’État joue surtout
un rôle structurant pour le cinéma, le patrimoine,
la presse et le spectacle vivant, avec un apport
entre 9 et 15% de leur valeur ajoutée : il est loin,
contrairement à ce qu’il prétend, d’être le principal
financeur de la culture dite publique.
Et le qualitatif ?
S’il s’agit de justifier l’effort financier de l’État
à l’attention de la culture, en arriver à prouver
la nécessité de l’investissement culturel par sa
rentabilité a quelque chose de misérable, et risque
en fait de desservir les secteurs qui nécessitent
de l’investissement… à perte. Tout doit-il être
rentable ? On pourrait supprimer les théâtres, les
hôpitaux, les transports et les écoles, qui coûtent
bien trop cher et ne rapportent rien… La volonté
même de chiffrage doit donc aussi être critiquée,
elle va à l’encontre de l’idée d’exception culturelle.
La culture doit-elle rapporter ? Mais surtout, l’État
doit-il financer ce qui rapporte ou pourra le faire ?
On prend le risque d’un abandon
dès lors qu’il s’agit de justifier
par l’économie l’existence d’un
budget et d’un ministère de la
Culture…
Le rapport, d’ailleurs, tente
quelques intrusions qualitatives ;
«Les retombées économiques ne
sont pas la seule justification
d’une subvention publique»,
concèdent les inspecteurs, car
les résultats peuvent être autant
à attendre «en termes de prestige
et de positionnement culturel
que d’impact économique direct».
On se demande si ce sont les
retombées économiques ou le
prestige qui justifient les dépenses
de santé ?
En dehors de cette méconnaissance des enjeux réels de
la culture, le rapport introduit
une méthodologie opérationnelle
quant à l’incidence de la culture
sur les territoires. Pour l’étude,
l’échantillon était composé de
cinq manifestations culturelles
(Blues Passion de Cognac, les
Vieilles Charrues de Carhaix,
Django Reinhardt de Samoissur-Seine, Arts et traditions
populaires de Confolens, les
Médiévales de Provins). Cette
même méthodologie est en cours
d’application pour évaluer les
retombées économiques... de
Marseille Provence 2013. Que
Marseille veut remplacer par une
Capitale du Sport pour booster
à nouveau le territoire, preuve
même que l’impact économique
de la culture peut amener à la
sacrifier ! les retombées culturelles se font dans les esprits, leur
émancipation, qui passe par la
pérennisation du fonctionnement
des équipements nouveaux et
une attention sur le long terme
à la santé du secteur.
ANNE-CLAIRE VELUIRE et AGNÈS FRESCHEL
Le rapport L’apport de la culture
à l’économie en France a
été établi par Serge Kancel,
Inspecteur général des affaires
culturelles, Jérôme Itty, Inspecteur
des finances, Morgane Weil,
Inspectrice des finances, sous la
supervision de Bruno Durieux,
Inspecteur général des finances
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La Criée reste ouverte !
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Lorsqu’on a appris
qu’une fois encore
il y avait de l’amiante
à La Criée, l’impression
désespérante qu’on
n’en sortirait jamais
gagna… Mais pas
de fatalité, l’équipe
est sur le pont face
à l’adversité !
Zibeline : Que s’est-il passé ?
Pourquoi à nouveau de l’amiante ?
Macha Makeïeff : Dès que j’ai su
qu’il y avait des traces j’ai couru
à la mairie pour regarder avec eux
ce qu’il en était des travaux. Tout
a été fait, dans les normes et
au-delà… mais un désamiantage
n’est jamais total, un mur peut
avoir été imprégné, qu’on perce,
et dans les cages de scène les
techniciens percent les murs.
Oui, en 2009 les salariés avaient
émis des doutes sur l’efficacité du
désamiantage, et déjà il avait fallu recommencer.
Trois saisons avaient été perturbées, de 2009 à
2011…
C’est pourquoi cette fois-ci je veux non seulement un
désamiantage classique, mais aussi une protection
mécanique, c’est-à-dire une couverture des murs
pour ne plus percer le béton, et je veux associer
l’équipe technique de la Criée pour concevoir cette
protection mécanique en fonction, précisément,
de leur usage professionnel particulier.
Que va-t-il se passer concrètement dans les mois
qui viennent ?
Nous devions fermer en mai de toute façon pour
les travaux dans le hall, qui sont prévus jusqu’en
janvier. Nous allons essayer de dédoubler l’équipe
des travaux et tout mener en même temps : désamiantage et embellissement du hall. Jusque là le
théâtre fonctionne : le restaurant, la petite salle
dans laquelle nous allons accueillir Eva Doumbia.
Notre calendrier est inchangé, et pour l’heure nous
avons déplacé les grands spectacles sur le Plateau
de La Friche et au Parc Chanot (voir p 18). Le reste
de la saison était déjà, de toute façon, prévu au
Silo ou au Pharo, en raison des travaux du hall. Le
théâtre devrait rouvrir normalement, c’est-à-dire
en janvier, avec la saison nouvelle, et d’ici-là de
belles choses hors les murs, dont un grand temps
fort à La Friche dès septembre, une collaboration
avec la Gare Franche, avec le MuCEM, en mai… Nous
allons en profiter pour nous inscrire différemment
dans la ville.
Macha Makeïeff © France Keyser
Ces délocalisations imprévues engendrent-elles des
coûts supplémentaires ?
Evidemment, au Parc Chanot surtout, mais la Ville
suit. À La Friche nous n’avons pas pu accueillir
tout le public prévu, cela engendre des déficits
en termes de billetterie, de location… Mais le
public suit. J’adore mon public, patient, aimable,
à Paris les abonnés auraient râlé, ici on reçoit des
messages de soutien et de sympathie, et toute
l’équipe est formidable.
Pourtant cette équipe a souffert, gravement, des
problèmes liés à l’amiante.
Il y a eu un coût humain énorme, mais il semble
que cette fois l’adversité soude tout le monde, et
que mon projet, à long terme, de lutter contre
le danger de disparition de cette maison, en la
rendant saine et accueillante step by step, dans
la concertation et la convivialité… que ce projet
d’assainissement de cette maison soit compris et
partagé, par l’équipe, par le public, par la mairie.
Il n’y a pas de malédiction dans ce théâtre, pas de
fantôme malfaisant, et il ne faut pas que l’amiante
soit un prétexte à fermeture. Les millions consacrés
au désamiantage ne doivent pas impacter le budget
de fonctionnement de ce théâtre que les Marseillais
aiment et défendent.
Où en êtes-vous, d’ailleurs, de votre financement ?
La Ville a augmenté son financement, mais cela
reste un CDN (Centre Dramatique National ndlr)
peu doté. Parce que ni la région ni le département
ne nous financent, et que l’État ne veut pas aller
au-delà de 80%. Tout l’enjeu est de réussir le tour
de table, de faire entrer les collectivités territoriales
pour que cette barre des 80% soit plus haute…
Avez-vous l’impression aujourd’hui de remplir vos
missions ?
Oui ! Le public est présent, renouvelé, mêlé, nous
menons des actions pédagogiques, partout, des lycées
aux prisons, nous faisons venir des spectacles qui
jamais n’étaient venus, cette maison revit ! Mais
nous voulons aller plus loin : le public reconquis
nous permettrait aujourd’hui de prévoir des séries
de représentations plus longues, qui nécessitent le
bouche à oreille, nous voulons développer encore le
théâtre amateur, le théâtre musical… et continuer
à privilégier les compétences et talents autour
de nous.
On vous reprochait par ailleurs d’avoir plutôt une
programmation pluridisciplinaire, de scène nationale,
que théâtrale, de centre dramatique…
C’est fini, en épluchant la programmation tous se
sont rendu compte que la barre des 10% de musique
ou de danse était respectée. Ce reproche-là n’est
plus un sujet, on est dans les clous.
Et au niveau de votre travail de créatrice ?
Beaucoup de petites choses : je reprends les deux
volets des Âmes offensées, je prévois des lectures
en lien avec la programmation du MuCEM, un Pierre
et le Loup… et ma création de l’année, Trissotin et
les Femmes savantes… Mais vous saurez tout cela
quand nous dévoilerons notre saison dans un mois !
Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL
Olivier Py relance Vilar
Le premier Festival d’Avignon d’Olivier Py se veut
populaire, politique et branché sur la jeunesse.
Sans gros risques et avec un réel savoir-faire
Olivier Py, 20 mars 2014 © DE.M
Exit les performers, les installations, les
artistes associés. Place à la jeunesse, à
l’engagement et la parole politique, aux
poètes et la littérature -avec notamment
un Cycle de lectures consacrées à Lydie
Dattas, dont une de Guillaume Gallienne-,
et un focus sur la Grèce et le monde
Arabe. L’affiche jaune flamboyant de la
68e édition, d’Alexandre Singh, remet au
premier plan les trois clés de la ville. Vilar,
par son successeur, revient sur la place.
Et Avignon garde Olivier Py !*
Hormis le rapprochement avec les créateurs
d’Avignon, absents de l’avant-programme,
l’édition respecte ses vœux. Moins de
spectacles, joués plus longtemps (36
contre 40 en 2013, dont 21 créations),
une édition quasi alignée sur les dates du
Off, des tarifs révisés (4 pièces/40 euros
pour les moins de 26 ans, strapontins
réduits à la Cour, abonnement dès 5 spectacles), un lieu jeune public (Chapelle des
Pénitents Blancs). Autres nouveautés :
des retransmissions sur écrans géants et
une billetterie (place de l’Horloge) avec
accès aux dernières places libres. Avec
Les ateliers de la pensée, la Cour de la
faculté des sciences devient lieu de
débats et réflexions, faisant d’Avignon
«non seulement le plus grand Festival du
monde mais aussi la capitale européenne
de la pensée… Chaque été nous devons
prouver que culture égale politique et que
politique égale culture».
Jeunesse et territoire
Olivier Py veut ouvrir aux avignonnais, et
aux quartiers, affirmant que «le théâtre
est un vecteur de mixité sociale». Trop
souvent invisible au In. Depuis son arrivée,
il mène des actions sur le territoire de
Monclar, associe les ados de la ville au
projet 2014 comme possible de Didier Ruiz,
programme en itinérance Othello Variation
de Garraud et Saccomano. Sa comédie
sur le théâtre Orlando ou l’impatience sera
créée à La FabricA et, dans le gymnase
Paul Giéra en face, sera repris son Vitrioli
de Mavritsakis,
Cet appel du pied à la jeunesse se double
de 25 nouveaux artistes, dont 11 de moins
de 35 ans. Le jeune public découvrira la
langue de Novarina dans Falstafe par Lazare
Herson-Macarel, la question identitaire
par Matthieu Roy et un conte des frères
Grimm signé Py. Autres talents engageants :
Thomas Jolly et son intégrale d’Henry
VI en 18 heures, le «petit génie de la
nouvelle scène allemande» Antu Romero
Nunes dans Don Giovanni, Fabrice Murgia,
Antônio Araújo à l’Hôtel des Monnaies.
Mémoire et ouverture
Giorgio Barberio Corsetti ouvre l’édition,
à la Cour d’honneur, avec un symbole du
répertoire vilarien (retransmis au MuCEM
et dans la Cour du Louvre) : Le Prince de
Hombourg avec Xavier Gallais. Mémoires
ravivées aussi avec le Mahabharata, monté
en version courte par le japonais Satoshi
Miyagi à Boulbon ou Mai, juin, juillet par
Christian Schiaretti. Denis Guénoun
présentera Les Pauvres gens de Hugo et
Claude Régy un Intérieur japonisant.
17 pays et les 5 continents sont représentés,
le Chili avec Marco Layera, l’Australie avec
Lemi Ponifasio, l’Europe avec Marie-José
Malis, Emma Dante, Ivo Van Hove. La
danse promet des rendez-vous intenses :
Platel, Julie Nioche, Thomas Lebrun,
Roby Orlin, l’israélien Arkadi Zaides ;
de beaux espaces musicaux s’ouvriront
avec Josse de Pauw & Kriss Deffort,
cinq soirées produites par l’Abbaye de
Royaumont, et en clôture à la Cour, un
concert des Têtes Raides ! Et toujours les
Sujets à vifs, avec notamment Emmanuel
Eggermont, Lola Lafon, Benjamin Dupé…
DE.M.
* Le directeur du Festival a créé la polémique,
ou «fait tomber les masques» selon ses termes,
suite à l’évocation, largement commentée, de
son éventuel départ et de celui du Festival,
au lendemain du résultat du premier tour des
Municipales, et l’arrivée du FN en tête, ndlr
La présentation de l’avant-programme du
Festival d’Avignon s’est déroulée le 20 mars
à La FabricA
Il aura lieu du 4 au 25 juillet (le Off du 5 au 27)
Le grand charivari
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Comment parler du carnaval sans tomber
dans les poncifs qui l’accompagnent ? La
remarquable exposition du MuCEM, Le
monde à l’envers, carnavals et mascarades
d’Europe et de Méditerranée, offre une
approche qui s’intéresse aux pratiques
carnavalesques contemporaines dans
une perspective qui semble s’inspirer de
Mircea Eliade et de Frazer. Quatre années
de recherches, un parcours qui mène du
bassin méditerranéen à l’Europe, le recueil
des traditions actuelles, des escapades
dans l’histoire, une collaboration active
avec divers musées de France et de Belgique, se retrouvent condensés dans une
scénographie de Massimo Quendolo et
Léa Saito qui épouse le cheminement
multiple d’un défilé de carnaval. Esthétique
de l’éblouissement, de la surprise, certes :
l’exposition est merveilleuse, trois cent
quarante-neuf œuvres (on peut vraiment
employer ce terme pour des masques
et des costumes sur mannequin d’une
telle beauté !) sont présentées, mais une
véritable réflexion articule l’ensemble. De
grands panneaux donnent des pistes,
renvoient à des analyses et des points
que l’on pourrait avoir envie de développer
davantage parfois, mais qui renouvellent
indubitablement notre vision du carnaval.
Se refusant une approche chronologique
et par trop didactique, Marie-Pascale
Mallé, conservateur en chef du patrimoine
et commissaire générale de l’exposition,
décline cette dernière en trois amples
mouvements. Pour la première partie, elle
l’inscrit dans une idée du temps cyclique,
charivari initial préfigurant le renouveau.
C’est ainsi que la figure de la fileuse,
inquiétante héritière des Parques antiques,
ouvre l’univers des sonneurs qui chassent
Porosit
l’hiver et les mauvaises actions de l’année
précédente (Carnaval/bouc émissaire) et
réveillent la végétation endormie. L’espace
s’emplit des rythmes des sonnailles de
carnavals filmés, témoignant de la vivacité
et du caractère toujours contemporain de
ces fêtes archaïques. Archaïque encore et
surprenante, la survivance de rites agraires,
comme celui du marquage des animaux,
ou du labourage de la terre : la civilisation
et l’ordre s’imposent face au charivari originel. Quelques interprétations ouvrent de
nouvelles lectures, rapprochement avec
les Lupercales romaines ou les Dionysies
grecques, intrusion du diable et des sorcières… de la lutte entre Carnaval, gras et
réjoui, et la sombre dame carême, son triste
poisson et ses sept jambes. Le masque
en un second temps s’avère révélateur à
la mesure de ce qu’il dissimule, protecteur
aussi… bois, métal, cire, papier mâché,
tissu, dessinent, épurées ou baroques, les
formes les plus étonnantes. Enfin, la «fête
à l’envers» insiste sur l’ambivalence, déguisements de l’étranger, formes grotesques
ou rêvées, mise en scène de mouvements
protestataires. Si par le plus malencontreux
hasard vous ratiez cette superbe exposition,
un rattrapage possible et festif : le Musée
international du Carnaval et du masque
à Binche, qui coproduit cet évènement,
l’accueillera dans ses murs dès janvier
2015 dans le cadre de Mons, Capitale
Européenne de la Culture.
En projection Cayuco, Sillage Oudja-Mellila (2012) de Marcos
MARYVONNE COLOMBANI
Du monde à l’envers
Jusqu’au 25 août
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
Le Monde à l’envers - Scénographes Massimo Quendolo et Léa Saito © MuCEM - Agnès Mellon
Au MuCEM / Institut Méditerranéen des Métiers du
Patrimoine (I2MP) avait lieu le
21 mars le second volet du
séminaire «Musées de sciences
humaines et art contemporain»,
suivi de la présentation du livre
Géoesthétique.
Suivant la question «Pourquoi
les artistes se saisissent-ils des
sciences humaines ?», les intervenants issus de la recherche
en sciences sociales et de l’art
ont élargi la problématique au
comment, mais glissé un peu
vite sur le versant muséologique. Dans la suite des études
postcoloniales, avec la remise
en cause des modes usuels
d’investigation des phénomènes
humains et de leurs formes de
représentation, à travers des
prismes de l’histoire, géographie,
ethnologie, anthropologie, sociologie, force est de constater une
porosité grandissante et fertile
entre les champs de l’art et de la
science, avec l’interpénétration
des domaines d’exploration, la
proximité des démarches et
des méthodes. Plusieurs événements en attestaient récemment : L’artiste en ethnographe
(Musée du Quai Branly, 2012),
Atlas critique (CAC du Parc Saint
Léger, Pougues-les-eaux, 2012),
le cycle Anti Atlas des frontières
(Marseille, 2012-13). Après une
nécessaire recontextualisation
de ces questionnements par les
chercheurs Kantuta Quirós,
Aliocha Imhoff, le photographe
et ethnologue Ralf Marsault
apportait son témoignage très
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s Avila Forera © C. Lorin-Zibeline
CLAUDE LORIN
écouter la chronique d’Alain Paire sur
www.journalzibeline.fr
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Le séminaire «Musées de sciences
humaines et art contemporain»
s’est tenu au MuCEM, Marseille,
le 21 mars
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Eric Duyckaerts © Gaëlle Cloarec
concret à travers l’exposé de
son travail avec les punks du
Wagenburg de Berlin1. De
son côté, l’artiste Estefania
Peñafiel Loaiza commentait
sa démarche avec un travail plus
formel et symbolique inspiré de
la cartographie (série Parallèles
et méridiens, 2012). Exerçant
sa programmation dans ces
registres, le centre d’art et de
recherche Bétonsalon était
présenté par l’historienne de
l’art Garance Malivel. Sandra
Patron, l’ancienne responsable
de Triangle France Marseille et
actuelle directrice du Parc Saint
Léger faisait la présentation de
l’ouvrage collectif Géoesthétique
(éditions B42) publié à la suite
de l’exposition Atlas critique.
On y retrouve certains contributeurs à ce séminaire et de
très nombreuses informations,
analyses, traductions inédites
de géographes, théoriciens et
historiens de l’art, d’artistes et
commissaires d’expositions.
Un livre manifeste et critique
passionnant. Afin de prolonger
ces réflexions trois rendez-vous
sont à venir dont un portera sur
comment les sciences sociales
abordent l’art fin 2014. Juste
retour des choses.
Le belge Éric Duyckaerts est un artiste
doublé d’un savant, et ses performances
érudites autant que drôles ressemblent à
s’y méprendre à un cours magistral, donné
par un enseignant farfelu. Il arrive sur scène
discrètement, s’exprime d’une voix douce,
joue de sa -feinte ?- timidité, et installe en
peu de temps un climat propice à la plus
stimulante des curiosités intellectuelles.
Celle qui vagabonde, qui prend des chemins
de traverse, s’autorise les digressions les
plus acrobatiques. Au MuCEM, en cette fin
mars, il était invité à revisiter à sa manière
la toute nouvelle exposition Le monde à
l’envers - Carnavals et mascarades d’Europe
et Méditerranée. On l’a donc vu passer en
douceur des Saturnales romaines au tyran
d’Athènes Pisistrate (600-527 avant J.-C.),
piocher une anecdote marseillaise dans les
Mémoires de Casanova (lequel aimait la
cité phocéenne parce qu’elle lui évoquait
la diversité culturelle de Venise), et conclure
sur une démonstration de philosophie du
langage, en insistant pour que l’on n’utilise
plus le terme «performatif» mal à propos.
Éric Duyckaerts est capable de tenir à ce
rythme une conférence jusqu’à l’aube, il l’a
prouvé notamment lors de la Nuit Blanche
2009 à l’École Normale Supérieure de Paris.
Sa prestation au MuCEM fut de bien plus
courte durée, puisqu’en une quarantaine de
minutes elle était bouclée. De quoi laisser
sur leur faim les spectateurs enthousiastes
venus en nombre l’écouter, dont certains se
sont demandé, lorsqu’il a quitté le plateau de
l’Auditorium Germaine Tillon, s’il n’allait pas
revenir distiller encore quelques grammes
de culture dans ce monde de brutes, après
un faux-départ de comédie. Déçus sur ce
point, on retiendra tout de même de son
exposé coloré qu’il faut «descendre dans
le sub-lunaire pour mettre le monde sens
dessus-dessous, car un univers à l’envers,
cela ne veut rien dire». On retiendra surtout
que les traditions les plus ancrées peuvent
être factices, et qu’employer le mot juste
est toujours éminemment politique, en
matière de renversement d’autorité.
GAËLLE CLOAREC
La conférence d’Éric Duyckaerts
a eu lieu au MuCEM, Marseille,
le 28 mars
Les ressources
de la Méditerranée
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Folies d’avril
Si mars est le mois des fous, avril au MuCEM
n’en sera pas moins à l’heure des débordements, pour accompagner l’exposition Le
Monde à l’envers – Carnavals et mascarades
d’Europe et de Méditerranée, proposée
jusqu’au 25 août. Parades, transes, fêtes,
d’où viennent les rituels transgressifs et
quel est leur rôle dans la cité ?
On trouvera des éléments de réponse du
19 au 28 avril lors du temps fort Carnaval
de Printemps, plus particulièrement destiné
aux familles. Au programme, des ateliers
de fabrication de masques, une «fable pour
valise et marionnettes» de la compagnie
Auriculaire le 21, des visites de l’exposition
en compagnie de Marie-Pascale Mallé,
qui l’a conçue, et un grand bal masqué le
24 avec Les princesses de Tournai-enrond (compagnie La Rumeur). Le jeune
public sera décidément soigné pendant les
vacances de Pâques, puisque les 6-12 ans
se verront également proposer un atelier
centré sur le personnage de Polichinelle le
28 avril, et des initiations au cirque le 30.
Toutes générations confondues, on pourra
également envisager de... se perdre au
MuCEM, le 25 avril lors d’une soirée Nocturne
+ préparée par L’agence touriste et les
étudiants d’Aix-Marseille Université. L’accès
à toutes les expositions sera libre pour
les moins de 26 ans, et la désorientation
assurée !
Pas de concert prévu sur cette période, mais
si l’esprit de sérieux vous manque après
toutes ces festivités, vous pourrez assister
le 14 avril à la conférence de Marie-Claude
Souaid et Jihane Sfeir, respectivement
anthropologue et historienne, consacrée au
déclenchement de la guerre civile au Liban
en 1975. Les prochains épisodes du cycle
Civilisation et barbarie nous emmèneront
en Chine le 17 avril, avec Anne Cheng,
spécialiste de Confucius, et en Inde le
15 mai, avec Sanjay Subrahmanyam,
spécialiste de l’Asie du Sud aux XVIe et
XVIIe siècles. GAËLLE CLOAREC
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
concertée et durable des richesses du
monde sous-marin méditerranéen. Le
27 mai, à partir de 19h30, place au
cinéma avec une soirée Sur le vif ! : 3
courts métrages de Vittorio De Seta,
Le Temps de l’Espadon, Paysans de la
mer et Bateaux de pêche, précèderont
le film de Lucien Castaing-Taylor et
Véréna Paravel, Léviathan.
Un second cycle, Trésors et menaces (du
10 au 12 juin), fera une large place aux
trésors de la biodiversité, aux menaces
pesant sur le milieu sous-marin méditerranéen et aux solutions possibles.
Do.M.
Villa Méditerranée, Marseille
04 95 09 42 52
www.villa-mediterranée.org
Una Tazza di mare in tempesta © Lucia Baldini
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Anne Cheng © Anne Cheng
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Pour prolonger les interrogations du
parcours conçu par Alain Bergala,
Sous la mer, un monde (voir Zib 72), un
cycle de programmation interroge les
ressources et les possibilités d’une gestion durable des richesses sous-marines
méditerranéennes (du 21 au 27 mai).
Il sera question de baleine, et notamment
de Moby Dick, avec une installation qui
nous transporte dans la soute d’un
baleinier (Una Tazza di Mare in Tempesta le 22 mai) et avec le Moby Dick
du dessinateur, sculpteur et vidéaste
israélien Guy Ben-Ner (le 22 mai). Le
24 mai sera dévolu aux ressources
méditerranéennes en question avec une
table ronde (programmation en cours)
qui partira de la pêche pour élargir le
débat aux autres ressources pour envisager les enjeux appelant à une gestion
6 en une
La carte FLUX reprend du service pour la 5e année : au prix de 45 euros, et
non nominative, elle donne accès à une manifestation par festival parmi les
spectacles, concerts et projections proposés. Six festivals marseillais sont associés
dans cette manifestation, du 7 mai au 26 juillet : Les Musiques, du GMEM,
du 7 au 17 mai ; marseille objectif DansE du 30 mai au 29 juin ; Festival de
Marseille_danse et arts multiples du 19 juin au 12 juillet ; le Festival Mimi
du 2 au 6 juillet ; le FIDMarseille / Festival International de cinéma du 1er au 7
juillet ; le Jazz des Cinq Continents du 17 au 26 juillet.
La réservation est obligatoire auprès de chaque festival.
Carte FLUX
GMEM
04 96 20 60 10
www.gmem.org
marseille objectif DanseE
04 95 04 96 42
www.marseille-objectif-danse.org
Festival de Marseille
04 91 99 02 50
www.festivaldemarseille.com
Festival Mimi
04 95 04 95 50
www.amicentre.biz
FIDMarseille
04 95 04 44 90
www.fidmarseille.org
Jazz des Cinq Continents
04 95 09 32 57
www.FJ5C.com
Une soirée riche : un film, un concert.
La directrice Roberta Alberotanza était
très fière de présenter Serena Nono,
réalisatrice, fille du grand compositeur
contemporain Luigi Nono et petite-fille
d’Arnold Schönberg ! Son film Venezia
Salva (Venise sauvée) est une fiction
historique d’après la pièce de Simone
Weil, philosophe française morte à 34
ans. 1618 : l’Ambassadeur d’Espagne, le
vice-roi d’Espagne, aidé de mercenaires,
organisent une conspiration pour conquérir
la Sérénissime. L’extraordinaire puissance
du film vient d’un casting étonnant, issu
de la Casa dell’Ospitalità di Venezia e
Mestre qui accueille les sans-abris, avec
des comédiens amateurs qui campent des
personnages hauts en couleurs. Monteverdi
parcourt le film (très belle interprétation
des Scherzi Musicali (della belleza le dovute
lodi) par le Concerto Soave de Jean-Marc
Aymes. Luigi Nono est là dans les parties
plus sombres (Composizione 1 et Epitaffio
per Federico Garcia Lorca). Film intense,
théâtral : un prologue, 3 actes, noirs et
blancs pour les didascalies qui nous relient
à la réalité, entourant des tableaux ocre,
pourpre, or, d’une Venise sublime, sans
fard : la beauté, rempart contre la cruauté,
triomphe, la conspiration échoue, superbe
message de Serena Nono. «Les vainqueurs
vivent leurs rêves, les vaincus vivent celui
des autres.» Une œuvre admirable de
sincérité, mêlée d’expression populaire et
de raffinement envoûtant. Le concert qui
suivait réunissait un quatuor vénitien :
L’Ensemble Opera da Camera di Venezia ;
programme baroque, pointant quelques
traits vers le style galant naissant. Galuppi,
Vivaldi, incontournable, Hasse et les moins
connus Piatti et Anna Bon, dont la Sonata
en Fa Majeur est d’une grande beauté :
un flûtiste au souffle éternel (Pier Luigi
Maestri) plane au-dessus de ses compères,
violon, violoncelle, clavecin. Une Sonate
de Galuppi retrouvée récemment en…
Suède, étonne par son andante poignant.
Un très beau quatuor : mouvements rapides
incisifs et bondissants, précédant des
mouvements lents intenses et inspirés.
Deux très belles rencontres.
YVES BERGÉ
Ce programme a été donné le 27 mars dans
le cadre du cycle Venise à Marseille initié
par l’Institut Culturel Italien, Marseille
Ensemble Opera da Camera di Venezia © X-D.R
Double émotion
Durant cinq semaines, la Biennale des Écritures du réel a fait dialoguer les démarches artistiques
et scientifiques, les questions de société et les créations dans une démarche de partage,
de collaborations, de rencontres. Spectacles et expositions (voir p 12 à 16 et 64) en témoignent
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«Au début, je voulais juste raconter une histoire
d’amour.» Pour ce faire, Angélica Liddell et
trois de ses fidèles comédiens s’installent
autour d’une table de ping-pong. Car l’objet
de cet amour n’est pas un être, mais un pays :
la Chine. Comme dans un interrogatoire, les
questions fusent, poussant l’artiste espagnole
dans ses retranchements. Comment peut-elle
aimer ce pays parmi les plus liberticides au
monde ? Admettant que tout amour porte en
lui ses contradictions, Angélica Liddell fouille
aux tréfonds de son affection et nous entraîne
dans une Chine qu’elle sait, telle Eurydice,
condamnée aux ténèbres. À travers une
série de courtes scènes tantôt théâtrales,
tantôt chorégraphiques, tantôt picturales, elle
évoque les ravages de la Révolution culturelle,
la répression des intellectuels, la peur qui pousse
aujourd’hui encore une musicienne chinoise à
renoncer à jouer dans son spectacle... Cogner
contre cette Chine qui méprise ouvertement
les droits de l’homme pourrait sembler facile.
Mais cette condamnation prend le large et se
transforme en manifeste contre toute tentative
d’extermination du «monde de l’expression».
Cette charge, Angélica Liddell la mène loin
des performances explosives qui ont fait sa
réputation, sur le fil ténu d’un texte que l’on
entend jusque dans ses moindres souffles.
Cette descente aux enfers sonne comme un
retour à la vie, comme une croyance retrouvée
© Gerardo Sanz
China, mon amour
dans les gestes, même infimes, qui peuvent
ébranler les régimes, à l’image de quelques pas
esquissés devant un char d’assaut. Et Angélica
Liddell, comme Alain Resnais avec Hiroshima,
de basculer de l’amour à la politique, de l’intime
au collectif. Avec maestria.
Ping Pang Qiu a été joué les 2 et 3 avril
à La Friche la Belle de Mai, Marseille
LAURENCE PEREZ
Toute ressemblance avec des
personnes et des situations existantes ou ayant existé ne saurait
être fortuite. C’est à partir de son
expérience au collège Henri Wallon
de Marseille -notamment en tant
qu’animatrice théâtre- que Maude
Buinoud a écrit son spectacle,
Jusqu’ici tout va bien. Pendant deux
ans, elle a partagé le quotidien
de professeurs et d’élèves qu’elle
donne ici à voir, à la faveur de
tranches de vie bien senties. La
direction d’acteur de Michel André
maintient la comédienne, seule en
scène, dans une belle urgence. En
ce soir de première, elle confessera
au public avoir traversé un moment
de panique. Nous, spectateurs, n’y
avons vu que du feu, tant l’intensité
palpable du plateau transcrivait au
mieux la réalité. Une animatrice ne
peut-elle perdre pied face à des
élèves dissipés et se retirer afin
de boire un verre d’eau pour se
calmer ? Tout à fait plausible et ô
combien compréhensible. La vie
en ZEP n’est pas un long fleuve
tranquille : les élèves ne sont pas
© Sigrun Sauerzapfe
Sortie d’école
des anges et les professeurs des
êtres infaillibles. Drôle, féroce mais
toujours bienveillant à l’égard des
uns et des autres, le spectacle
ne le cache pas, à l’image de ce
fantasmatique match de boxe où
la figure du professeur et celle de
l’élève se jettent à la tête leurs
quatre vérités. Le ton est juste,
oscillant entre autodérision et
véritable constat. On aime moins
le côté mièvre et attendu de la fin,
qui fait entendre les mots d’une professeure et ceux d’un élève qui ont
compris ce que ce collège pouvait
communément leur apporter. On
lui préfère la scène d’avant, celle
de la comédienne lancée dans un
infernal pogo. Professeure ? Élève ?
Ou tout simplement elle-même ?
Peu importe, dans cette image se
joue le combat qui se mène sur
le front de l’éducation. Encore, et
plus que jamais.
L.P.
Jusqu’ici tout va bien a été joué le 19
mars à La Friche la Belle de Mai,
Marseille
Folie de
jeunesse
Ce pourrait être une toute petite chose dans
le parcours de Guillaume Vincent, jeune et
remarqué auteur et metteur en scène français.
Une pièce courte pour une seule interprète,
placée au centre d’une scène totalement
dépouillée. À l’issue des 55 minutes que dure
la représentation, on sort pourtant avec le
sentiment d’avoir assisté à quelque chose
de simple, mais de grand. Avec ce spectacle,
loin des univers fantastiques qu’il affectionne,
Guillaume Vincent s’est risqué à se saisir
du réel. Pendant six mois, il s’est rendu aux
rendez-vous gare de l’Est que lui donnait une
jeune femme atteinte de manico-dépression.
Des heures de discussion, de confession et
d’introspection qu’il a transformées, avec
beaucoup de pudeur et d’habileté, en un
poignant monologue théâtral. À cette histoire
forcément chargée, il a eu l’intelligence de ne
rien ajouter d’autre que la puissance évocatrice
d’une actrice. Et quelle actrice ! Très finement
dirigée, Émilie Incerti Formentini se glisse,
avec un naturel époustouflant, dans la peau
de cette tout juste trentenaire. De phases
dépressives en crises d’euphorie, de périodes
d’accalmie en séjours à l’hôpital psychiatrique,
elle s’efforce de verbaliser ce qui lui arrive, de
rattraper cette vie «normale» qui lui échappe,
considérant la parole comme une possible
planche de salut. Mais la maladie aura sa
peau -ou plutôt son esprit- et Émilie, malgré
sa lucidité et son humour dévastateur, finira
par s’évanouir dans les ténèbres, laissant
en nous une image trouble et troublante.
Héroïne d’un théâtre sans fard, où la partition
de l’acteur est véritablement tout un art.
LAURENCE PEREZ
Rendez-vous gare de l’Est s’est joué les 8 et 9
avril à la Criée, Marseille
© Elisabeth Carecchio
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Les autres…
C’est une belle ouverture sur des territoires
tout proches et même un peu plus lointains
que nous ont offert, entre autres, trois
spectacles proposés par la Biennale des
Ecritures du Réel : le continent Jeunesse
avec Seventeen monté par la compagnie
François Stemmer, le monde agricole de
Charles Culot et le pavillon de banlieue
parisienne pour une épopée rom de la
parole circonvolutive… Les jeunes d’abord,
les ados pas sérieux, ceux qui ont 17 ans
et vous lisent le bateau ivre la capuche sur
la tête comme Rimbaud pipe à la bouche,
rivalisent de prouesses en skate-board, se
découvrent le corps dans tous les sens ;
inégal, rythme à fouetter, boulons à resserrer
mais de l’émotion tout de même et deux
superbes moments à voir et à entendre :
une glissade folle sur sol mouillé où ça
dérape, vacille, tombe et repart droit ; un
solo de «fille» (espèce peu représentée)
accroupie en fond de scène qui chante a
capella le Ground control to Major Tom de
Bowie… à suspendre le temps.
Un tour chez les paysans avec ce titre magnifiquement terre à terre Nourrir l’Humanité,
c’est un métier ; quelques signes de piste :
table de ferme à parler les coudes sur la
toile cirée, bottes de paille et odeur de foin
(ou de fumier pour la scène ?) ; nos deux
acteurs Charles Culot et Valérie Gimenez
croissent et se multiplient pour donner
corps et parole, de manière surprenante
et rigoureuse, à une réalité qui n’a guère
droit de cité habituellement au théâtre ;
didactique, direct, le spectacle, car c’en
est un, ne pèse pas un gramme de trop, le
mimétisme des acteurs qui incarnent tel
ou tel agriculteur, accent compris, crée
une proximité troublante -mais aussi un
espace réflexif- avec les «vrais» conviés en
images à témoigner de leurs difficultés et
surtout peut-être de leur singularité dans
notre actualité. Réussi, efficace, un plaisir
plus qu’une leçon et que vivent les paniers
partagés !
Avec Mangimos (La demande en mariage)
c’est une table encore, à laquelle les spectateurs sont assis, formant donc tablée festive
de témoins réactifs sinon très actifs ; Xavier
Marchand poursuivant son travail sur les
communautés, leurs us et leur verbe ici,
convie au partage d’un moment décisif à tout
le moins chez les Roms -chez «les autres»
aussi ?- et accompagne du geste et de la voix
à travers le texte-documentaire de Patrick
Williams, le voyage plein de surprises, de
revirements, de découragement et d’allant
d’une demande en mariage ritualisée avec
un naturel confondant. Nous sommes là,
le temps d’une petite soirée, à partager un
long après-midi de palabres avec Sasha
Zanko et Nicolas Zanko et Guitsa Lorgua
aussi, le fiancé à venir… Émotion et surprise
de sentir évacué tout exotisme, de n’être
attentif qu’à l’avancée pas à pas d’une parole
dont on sait d’avance l’aboutissement,
dont on guette les effets sur les visages…
L’engagement de ces hommes qui jouent
leur propre rôle en miroir du texte lu, leur
intelligence à laisser filer les accrocs ou
à en sourire est un don inestimable pour
notre Kumpania d’un soir ; ni ethno ni socio
mais l’invention d’une circonstance qui
s’impose par sa justesse de ton et la liberté
laissée au jeu des différences. Fierté d’y
avoir participé …
MARIE JO DHO
Ces trois spectacles ont été donnés
à la Friche, à La Cité et au théâtre JolietteMinoterie, à Marseille, entre le 22 mars
et le 12 avril
suite p.14
PT
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Création collective
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© Sigrun Sauerzapfe
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Le projet Frontières mené par Karine Fourcy
est singulier : depuis deux ans une vingtaine de
jeunes gens, à l’orée de l’âge adulte, écrivent et
jouent à nommer les barrières qui les enferment.
Celles qui les séparent à la fois de l’âge adulte
et de l’enfance, mais aussi leurs frontières
mentales, les séparations sociales, la difficulté
du lien entre filles et garçons. Ces textes, très
personnels, très vécus, se gardent des images
d’Epinal que les jeunes transportent souvent
Othello
à trois,
à leur insu, incarnant la caricature que les
médias donnent d’eux-mêmes.
Découverte du corps, du plaisir, souffrance
d’être différent, de lire la peur dans les yeux
des autres parce qu’on est arabe, douleur de
ne pouvoir parler comorien au dehors, et puis
désaccord entre eux, sur l’homosexualité, sur
le rapport garçon/fille… tous ces thèmes sont
abordés par les jeunes comédiens qui sont
aussi auteurs de leur texte.
Frontières est un projet évolutif, certains dans
la «troupe» arrivent quand d’autres s’en vont.
Ainsi le spectacle a beaucoup évolué en un an,
parlant davantage des barrières mentales, moins
des inégalités sociales et d’intégration. Malgré
une ouverture et une clausule qui situent le
propos général, quelques faiblesses persistent
dans la construction globale. Mais l’essentiel
des scènes est fort, porté par la sincérité
évidente des comédiens/auteurs. Par leur
talent aussi : les textes sont bien écrits, et
tous parviennent à montrer sur scène leur
personnalité singulière. D’ailleurs les nombreux
ados présents dans les salles, à La Friche
et à Vitrolles, se sont immédiatement sentis
concernés par ce projet où les amateurs ont
travaillé comme des professionnels, tout en
gardant la force du témoignage direct. Que
de frontières abolies !
dont deux
femmes
AGNÈS FRESCHEL
Frontières a été joué à la Friche les 21 et 22 mars,
à Fontblanche, Vitrolles, le 28 marsl
Paroles d’égyptiennes
parviennent, avec leurs questions posées à ces
femmes qui n’ont rien d’exceptionnel hors leur
courage, à nous rendre ce pays proche. Car
ces paroles lointaines renvoient aux combats
de femmes d’ici et d’ailleurs, aux nôtres, et à
notre capacité d’éprouver ce qu’elles ressentent.
ALICE LAY
D’une rive à l’autre a été joué le 4 avril au MuCEM,
Marseille
© Sigrun Sauerzapfe
Sur scène, un écran suspendu à l’image d’un
cinéma de plein air improvisé. Sur l’écran, des
fragments de rencontres filmés avec des femmes
d’Alexandrie, et une comédienne qui incarne,
traduit leur parole ou dialogue avec elles. De
la salle, le spectateur se voit transmettre les
paroles précieuses de ces femmes harcelées
et humiliées sous le régime de Moubarak, et
d’autres textes dits du plateau par la comédienne.
Pendant la révolution, des femmes égyptiennes
ont osé sortir, d’autres se sont montrées à la
fenêtre en hissant leurs drapeaux. Or aujourd’hui
rien n’a changé, disent-elles. Les nouvelles
violences de 2013 ont interdit la poursuite du
projet sur place à Alexandrie comme prévu :
il a continué via Skype. Plus que des idées
politiques, c’est la place des femmes dans la
société égyptienne qui saute aux yeux et aux
oreilles depuis la rive française : éternelles
dominées vouées à la place de mère, contraintes
au mariage forcé… Cette histoire de l’Égypte
est transmise à notre rive de la manière la
plus simple qui soit : D’une rive à l’autre, sans
prétention et sans pathos, tente juste de nous
transmettre les sentiments des autres face à
l’instabilité d’un pays qui nous semble lointain.
Karine Fourcy et l’actrice Christel Fabre
On peut s’interroger sur l’opportunité pour le théâtre Massalia,
censé produire pour le jeune
public, ainsi que pour la biennale,
de programmer cet Othello qui
ne se destine ni aux enfants, ni
aux adolescents, et ne relève pas
d’une Écriture du réel… Le talent
de Nathalie Garraud ne pourrait-il
être visible à Marseille en dehors
de ce circuit qui ne lui convient
pas ? Heureusement Olivier Py à
Avignon l’a repérée, et son Festival
a prévu pour cet Othello en petite
forme des tournées hors des salles
de spectacle…
Car une des caractéristiques de
ce spectacle d’intervention est
sa légèreté technique, qui lui
permettra des représentations
tout terrain : pas de décors, des
chaises en cercle pour le public,
et trois acteurs pour incarner tous
les personnages… Ce qui ne revient
pas à faire de cette version un
digest succédané : un véritable
propos est à l’œuvre, resitué dans
le contexte d’une Méditerranée
d’échanges marchands, où le Maure
jusque-là accepté va subir rejet et
manipulation. Nathalie Garraud
montre comment le repli raciste et
l’invention du capitalisme sont liés
dans cette Méditerranée du XVIe
siècle, et persistent aujourd’hui
comme un système. La violence
que Shakespeare attribue à la
nature du Maure est ici entièrement
provoquée par Iago et les intérêts
économiques vénitiens.
Les trois comédiens passent d’un
rôle à l’autre avec une gravité cérémonieuse et efficace, et les rôles
d’hommes sont avantageusement
tenus par deux femmes. Preuve que
le travestissement Shakespearien
(voir p 18) peut jouer à rebours…
Il n’y a qu’une metteuse en scène
pour le mettre en œuvre !
A.F.
Othello a été créé le 29 mars à la
Friche la Belle de Mai, Marseille
suite p.16
16
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La vache ! pense-t-on en sortant
du spectacle écrit et mis en
scène par Catherine Zambon,
sûr qu’on ne croquera plus si
innocemment dans son morceau
de viande dorénavant ! L’auteure
s’est immergé trois mois dans le
monde agricole, de la Lozère au
Luberon, pour questionner l’image
des travailleurs de la terre. Emerveillée, heureuse, appliquée, elle le fut
auprès des éleveurs et agriculteurs
en devenant «stagiaire agricole
et sociologique», voire «apprentie
gynécologue» s’exerçant à traire et
fouiller la vache, bravant sa peur
des chiens, sa méconnaissance
naïve du métier, consignant dans
ses carnets chaque soir, après
l’étable et sa tenace odeur, ses
observations. Au fil des paroles -la
sienne introspective et celles des
agriculteurs/trices- rapportées par
trois comédiens doux comme des
agneaux mais dont la colère sourde
pourfend le cœur en s’épanchant,
court le bouleversement intense
qui s’est opéré en elle. Catherine
Zambon rend compte des conditions
de travail, du célibat, de l’endettement, des salaires injustes, de
l’industrialisation inévitable et des
subventions peau de chagrin, de la
délicate conversion au bio. Mais ce
qui éclot de son retranchement,
c’est le lien fort et inattendu avec
l’animal, et par-deçà avec le vivant et
© De.M
Pas folle la bête
la mort, omniprésente. Et son désarroi quant elle se trouve «confrontée
à l’absurde» à l’heure de vendre
deux «petits veaux» pour à peine
150 euros€, devant ces «saloperies
d’émotions» refoulées des éleveurs
le long du corridor vers l’abattoir
et ces cages où ne subsistent que
des surnoms sur des écriteaux. Ces
Gracieuse, Déesse, Bédelette ou
Marguerite, élevées avec tendresse,
dont la fin de vie -et les non-dits
qui l’accompagnent- suit le cycle
inéluctable et néanmoins cruel de
l’élevage/abattage. Un isolement
auprès des bêtes et au cœur de la
terre qui a sans nul doute continué
à lui frayer, et à nous ouvrir, un
plus grand chemin vers l’humanité.
DELPHINE MICHELANGELI
La voix de l’invisible
François Cervantes © Christophe Raynaud de Lage
Comment raconter la prison ? Comment fictionnaliser l’histoire de ces
détenus «amputés du monde» avec
qui François Cervantes, lors d’une
carte blanche, a correspondu ?
L’homme de théâtre, qui ne se
place ni en juge ou en frère, ni en
démagogue ou en avocat, choisit
de se faire «simple» passeur des
mots qu’on n’entend pas. Ceux
qu’il a échangés dans sa relation
épistolaire avec Erik, en particulier,
dont l’enfermement à la vie et au
monde nous assaille au fur et à
mesure. Immobile dans un carré
de lumière, à travers un monologue
continu, sans à-coups, sobre et
d’une justesse admirable, vibrant
d’une humanité palpable, il fait lien
entre sa vie et celle d’Erik. Sa venue
à l’écriture, son monde construit
«entre les corps et les mots», ses
voyages, ses spectacles. En face,
Erik, 15 années d’immobilité, de
cohabitation dans 9m2, d’évasions
à répétition «pour voir grandir les
enfants et retrouver la vie», de
mise au rebus et à l’isolement,
un «animal sauvage égaré au
milieu des hommes» plongé par
son inaptitude «à une vie normale»
dans le chaos, la folie, la maladie,
la violence. Quotidien limité à une
cellule, corps qui lâche, muscles qui
Les Agricoles a été joué du 26
au 31 mars, dans le cadre des
Nomade(s) de la Scène nationale
de Cavaillon et la biennale des
Ecritures du réel
fondent, mémoire qui s’effiloche,
déconnexion totale. La vie qui se
retire. «Une humanité de trop». Sans
mouvements, tout en émotions
contenues, Cervantes escalade
dans un long voyage de l’un à
l’autre, la montagne entre leurs
deux âmes. Il entrouvre la porte de
sa cellule, mentale et physique, et
le temps extraordinaire du théâtre,
offre à Erik la parole à travers sa
voix. Son corps flottant est là, au
plateau, grâce à la magie des mots.
L’homme n’est plus qu’une ombre
subliminale, vivant mais absent au
monde, et grâce au dédoublement
de l’écriture et de la représentation,
nous fait face : «C’est l’histoire
d’un homme qui s’est évadé dans
un texte… là où plus personne ne
pourra venir le chercher.» Une pièce
fascinante et humaniste, d’une
décence poignante, qui sans jamais
excuser ou victimiser, redonne du
lien et un espoir de dignité à un
être humain exclu de la société.
DE.M.
Prison possession a été créé du
10 au 12 avril, au théâtre des
Halles à Avignon, en partenariat
avec la Scène nationale de
Cavaillon
Shakespeare’s Boys band
visible à jouer ensemble, permet également
de s’interroger sur le travestissement : ces
jumeaux qui se croisent et se confondent,
ces couples qui s’entrecroisent et se défont,
cette Thisbée jouée par un homme, ces
humains qui se transforment en âne, jouent
une partition où l’identité est une donnée
floue, tributaire d’une fleur frottée sur les
paupières, d’une illusion. L’insistance sur
l’aspect comique met aussi en vedette
les valets, le peuple, les artisans, toujours
manipulés, battus, floués, et résistants
pourtant. On se demande néanmoins si cet
esprit ne serait pas transposable dans une
troupe mixte, qui s’amuserait des identités,
genrées ou non, dans tous les sens ?
Brutalisme
AGNÈS FRESCHEL
Le Songe d’une nuit d’été et La Comédie
des erreurs ont été jouées au Parc Chanot,
Marseille, dans le cadre de la programmation
de la Criée (voir p 6) du 9 au 13 avril
Le Songe... © Manuel Harlan
Quelle joyeuse troupe que ces Propeller !
On a beau se dire qu’il n’y a pas assez
de femmes sur les scènes ; que le travestissement des hommes à la période
élisabéthaine reposait sur un interdit et
une oppression qu’il est agaçant de voir
reproduits si fréquemment aujourd’hui ; que
le choix de Nathalie Garraud (voir p18) de
faire jouer des personnages masculins par
des femmes est autrement plus politique, et
rare, et du coup questionnant, à l’endroit du
genre ; on a beau savoir et défendre cela,
on ne peut s’empêcher de trouver cette
«all-male shakespeare company» brillante
et hilarante.
Depuis quinze ans cette troupe masculine,
mise en scène par Edward Hall, joue le
Songe d’une Nuit d’été, le Roi Lear, la Comédie
des erreurs… dans le monde entier. L’esprit
de troupe tel qu’il persiste en Angleterre est
ici, visiblement, à son top : ces acteurs-là
chantent, dansent (un peu), jouent de la
musique (beaucoup), s’amusent entre eux
et avec le public dans un élan constamment
jubilatoire. Sans chercher à éprouver ou à
incarner, à émouvoir ou à questionner, ils
«jouent» comédies et tragédies shakespeariennes avec une liberté de ton inédite, et
une fidélité constante au texte. Du coup on
entend la langue magnifique, les niveaux
de langage si différents entre princes et
artisans, les vers, les jeux de mots, la
poésie baroque. Sans pour autant aucune
révérence : la Comédie des erreurs, pièce
courte inspirée des Jumeaux de Plaute,
et maniant le quiproquo en surenchères
désopilantes, est déplacée de la Grèce
au Mexique, peuplée de joueurs de foot,
de mariachis et de policiers échappés de
Boney M.
Quant à la fantaisie féérique du Songe
d’une nuit d’été, elle se mâtine d’un
comique plus franc, qui éclate lors de la
représentation des artisans, en un moment
d’anthologie qui fait rire aux larmes. Le
pouvoir comique de la troupe, reposant
sur un sens du rythme hallucinant, des
individualités exceptionnelles, et un plaisir
© Marion Le Meut
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La Comédie des erreurs © Manuel Harlan
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À la russe ! Et si le samovar est froid sur la table,
c’est qu’il est inutile en effet de réchauffer les
signes d’un naturalisme doux que l’on prête
parfois paresseusement à Tchékhov. Christian
Benedetti, dont le projet est de monter l’intégrale
des pièces dans l’ordre de l’écriture, coule son
Oncle Vania dans le béton, tord le cou à l’âme
slave pour frapper fort et vite là où ça fait mal.
Frustrations amoureuses, tentatives à l’infini pour
donner ou prendre un peu de sens au temps
qui passe, ratages sans fin donc… tout cela est
connu, patrimoine intime peut-être de chacun,
qu’il faut réveiller, ranimer, faire remonter au
jour. La mise en scène, entre dépouillement
et radicalité, convie le spectateur, non sans
délicatesse néanmoins, à chercher son point
d’inconfort : les acteurs débitent à toute allure
(formidable, on comprend tout quand même..)
un texte puissamment incorporé dans un espace
qui pourrait être celui d’une répétition ; ils
manipulent table, bancs et chaises et trouvent
leur place avec une troublante fluidité, parfois
en gros chaussons à traîner sur les parquets ;
les corps à la présence sensible et forte portent
le temps qui passe : l’Astrov bien mûr joué
par Benedetti en blouson de cuir pourrait
avoir «à ma mère» tatoué sur la poitrine et la
Sonia bouleversante d’Alix Riemer, bottée
de caoutchouc, semble figée en vieille jeune
fille ; lorsqu’elle lit à son oncle Ivan les mots
de la fin, où il est question de travailler et de
renoncer, sur un papier sorti de sa poche, on
sait -beau désespoir- que tout est déjà écrit.
Que faire alors sinon chialer dur et rouler sous
la table ? Quelle joie de devoir tant d’émotions
essentielles à une mise en scène de théâtre !
MARIE JO DHO
Les trois Tchekhov ont été donnés à la Criée,
Marseille, du 14 au 22 mars
Les Cartoun Sardines disent
de leur dernière création qu’elle
témoigne d’«un monde qui a mal
tourné», s’est trompé de route. Au
lieu d’un paradis terrestre, c’est
un bonheur obligatoire qui est
imposé par le Bienfaiteur du 30e
siècle. D-503 (Bruno Bonomo),
mathématicien au service de l’État
Unique, invente une machine pour
être heureux dans un monde
aseptisé, surveillé par des gardiens
soucieux du respect des horaires
et des comportements. Les murs
des habitations sont transparents
puisque il n’y a rien à cacher, les
relations sexuelles sont soumises à
des horaires et des codes fixes. Mais
la mécanique s’enraye sur un simple
regard qui déstabilise D-503 quand
il croise la jeune I-330 (Catherine
Sparta) qui va l’emmener dans la
Maison antique, sorte de musée
archéologique qui montre comment
vivaient leurs ancêtres, donc nous,
spectateurs. Dans une maison avec
des murs opaques, des fenêtres,
des armoires qui renferment des
vêtements colorés... Dominique
Sicilia et Patrick Ponce ont adapté
le roman d’Eugène Zamiatine écrit
en 1920 pour en faire un spectacle
qui interroge les jeunes générations
sur ce que sont vraiment le bonheur
et la qualité des relations humaines.
Avec une scénographie rigoureuse,
des accessoires et des jeux de
lumière astucieux, des déplacements parfaitement chorégraphiés,
une bande-son intéressante le
© Pierre Baudin
Qu’ils restent entre eux !
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spectacle sucitera certainement
beaucoup de commentaires chez
les jeunes spectateurs.
Nous autres s’est joué au théâtre
Joliette-Minoterie, Marseille,
du 18 au 22 mars
CHRIS BOURGUE
Pour deux Voyage…
La même semaine, le Théâtre de
Nîmes et le Gymnase de Marseille
revisitaient Voyage au bout de la
Nuit. Avec Rodolphe Dana, ou
Jean-François Balmer
Monter Céline, même le Voyage, n’est pas
indolore. Parce que chez l’écrivain l’incontestable génie voisine avec la plus immense
pourriture, jusque dans ses phrases, jusque
dans la lâcheté revendiquée et la passivité
lasse de Bardamu, la veulerie de Robinson,
qui vont parfois jusqu’à ternir les étoiles. Les
deux mises en scène s’emparent différemment
de cette coexistence entre l’ange et la bête.
Rodolphe Dana en gardant très habilement
tout ce qui touche, sublime, n’abîme pas ;
Jean-François Balmer en s’appuyant sur le
pouvoir des images et des sons.
Sur la scène du Gymnase Ferdinand Bardamu
parle de ce qu’il découvre : les horreurs de la
Grande Guerre, les absurdités du colonialisme,
la misère sociale du taylorisme ou de la banlieue parisienne. Choc après choc, Bardamu
perd son innocence et découvre que le seul
moyen d’échapper à la débandade (le roman
est écrit en pleine crise de 1929) est la lâcheté.
Jean-François Balmer, seul sur le plateau,
restitue l’essentiel du texte, d’une voix remplie
d’énergie qui respecte et magnifie le roman et
son langage puissant. Incarnant par moment le
personnage, puis reprenant la narration pour
figurer plus discrètement le reste, il restitue les
quatre parties du roman de façon équilibrée,
sans autre choix que de construire à partir
d’une œuvre fleuve un spectacle d’une heure
quarante. Françoise Petit illustre sa mélancolie
sur un écran où sont projetés des nuages
peints qui inversent la descente aux Enfers
du personnage, qui semble ainsi échapper en
rêvant à sa «pourriture». Le tout baigne dans
une musique répétée, un violon qui lui aussi
recherche à sublimer mais n’est de fait pas
toujours en rapport avec le texte. Au-delà de
cela, le jeu de Balmer, fragile et fort, jamais
cynique, transcende Bardamu.
Le choix de Rodolphe Dana est très différent. Il
fait dans le Voyage des coupes sombres, même
si son adaptation, au final, dure plus de deux
heures. C’est qu’il garde des pans entiers en
intégralité : la guerre de 14, fondatrice, s’étale
pendant près d’une heure et le comédien, sans
autre accessoire que son corps et quelques
praticables noirs qu’il déplace, incarne les
personnages tour à tour, d’un geste, d’un ton :
il suit l’armée au pas, se jette dans la langue,
sans pose ni pause, sans excès non plus. Il
aime ce texte avec passion… et du coup en
supprime les aspects contestables -la scène
du deal avec les Noirs en Afrique, les passages
les plus glauques en banlieue, les trafics inavouables de Robinson, les scènes de violence
familiale ou de sexe triste- pour ne garder que
l’amour vrai de Lola, l’horreur véritable de la
guerre, du travail à la chaîne, et la splendeur
des couchers de soleil. Le regard dégoûté de
Céline sur l’humanité apparaît peu… et du coup
l’émerveillement de sa langue éclate, et l’aspect
décidément visionnaire de ce roman qui, en
1932, disait déjà tous les problèmes du siècle :
la guerre qui n’allait pas s’éteindre, la banlieue
qui s’enfonçait dans la misère, les colonies. Et
le corps et la danse, pour s’affranchir du réel.
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ALICE LAY et AGNÈS FRESCHEL
Jean-François Balmer a joué du 8 au 12 avril
au Gymnase à Marseille
Rodolphe Dana, du Collectif Les Possédés,
artistes associés au théâtre, a créé son Voyage
au théâtre de Nîmes du 1er au 4 avril
© Jean-Louis Fernandez
© Dunnara Meas
Être Noire, ici
Cet été-là…
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Que voulons-nous voir sur nos scènes ? Des
spectacles qui posent des regards nouveaux
sur notre société malade. Afropéennes donne
un nom aux femmes noires françaises, nous
fait entendre une parole essentielle, portée par
des comédiennes formidables qui nous jettent
au visage un monde insoupçonné. Non pas
la revendication de l’égalité, mais celle d’une
singularité invisible : les Afropéennes n’ont
pas d’histoire, sinon celle de l’esclavage ou de
l’immigration qui est celle de leurs ancêtres, ou
de la lutte féministe qu’elles vivent autrement.
Eva Doumbia s’empare des textes de Léonora
Miano pour construire un spectacle joyeux,
énergique comme la révolte, serein comme
le sentiment d’avoir raison. Les personnages
y parlent de leurs problèmes quotidiens, du
harcèlement au travail, de l’absence de solidarité
avec les femmes blanches, de l’embourgeoisement, du rapport entre Antillais et Africains,
de leurs relations de couples aussi, beaucoup,
de leur sexualité, des Afropéens qui ne les
comprennent pas, des mères noires exemplaires
et tyranniques, de cuisine, de goût, de corps,
de clichés. Légèreté et gravité se mêlent, chant
et danse interviennent à propos, désamorçant
quelques moments inoubliables : un cri de rage
sur le viol qui ouvre le spectacle –on ne se
fait pas violer, on ne fait rien, on est violée-, un
autre sur l’absence des pères qui le referme.
Au sortir, l’impression persiste d’être entré
dans l’intimité vraie de ces Afropéennes, qui
ne ressemble à aucune autre, mais nous donne
une clef d’exploration nouvelle pour toutes
les minorités : c’est par l’exposition sans fard
des spécificités qu’on atteint l’empathie, et la
compréhension véritable de l’autre. C’est-à-dire
de soi.
© Claude Bré
«tant de blondeur !» émeuve ? Tout est pesé,
mesuré et entre psychique et cosmique les
comédiens circulent bien ; ils savent que
le texte nomme «gouffre» un minuscule
glissement de terrain, et «désastre» une forme
minime de terrassement petit-bourgeois ; et
ils jouent du côté du secret avec la lenteur
nécessaire à la cristallisation de l’attention
et à la remontée des sentiments ; théâtre
de chambre, sonate en trio où se répondent
toutes les voix…
MARIE JO DHO
L‘après-midi de Monsieur Andesmas a été
présenté au Théâtre de Lenche, Marseille,
du 18 au 22 mars
Matins de jasmin
Tous les matins du monde devraient être
tranquilles. Tel ne fut pas le cas pendant
«les années noires» en Algérie, de 1991 à
2002, quand les victimes du «terrorisme»
se comptèrent par centaines de milliers.
Déplacées, exilées, massacrées. L’auteur,
metteur en scène et comédien M’hamed
Benguettaf l’a vécu dans sa chair alors
qu’il venait de fonder sa compagnie Masrah
El Kalaâ (Théâtre de la Citadelle). Décédé
à Alger le 5 janvier dernier, sa parole
porte encore plus fort, encore plus loin,
par la voix d’Yvan Romeuf qui interprète
et met en scène Matins de quiétude,
chronique douce-amère de la vie de
Salah, le cafetier du Café de la Paix.
Sans emphase ni pathos l’acteur prend
le temps de porter la tasse à ses lèvres
pour raconter l’indicible : le parcours du
© X-D.R
combattant de Moussa l’instituteur, les
docteurs qui donnent des médicaments même si les infarctus ont lieu à 4 heures du
matin, les lacrymogènes qui brûlent les jasmins… En quelques minutes à peine, Yvan
Romeuf nous transpose au Café de la Paix par les seules inflexions de sa voix, son
jeu de mains expressif, dans un décor a minima, loin des clichés folkloriques. Un seul
fauteuil inconfortable sur lequel il est vissé, terrifié ou conquérant, quelques verres
pour le thé à la menthe, une vieille table et son burnous aux couleurs chatoyantes.
Musiques et bruitages sont là qui soulignent l’intensité du texte : on vit l’intranquillité
du quartier, ses peurs, ses attentats à la bombonne de gaz… M’hamed Benguettaf dit
que «la lune ne sera plus chantée par les poètes» et on le croit, que la vie est faite «de
petits gestes et de grands drames» et on le croit.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Matins de quiétude a été créé le 1er avril au théâtre de Lenche, Marseille, dans le cadre de la 1ère
édition de Voyages en solitaire(s)
AGNÈS FRESCHEL
Afropéennes a été joué aux Bernardines,
Marseille, du 3 au 7 avril
© Laurent Marro
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Il n’y a peut-être que Duras pour savoir
avec tant de doigté nouer le proche et le
lointain, le flottant et le plombant, le plein
et le délié et ça s’appelle l’écriture… Tout à
plat sur la page, espace d’une scène sans
hauteur ni distance, trois rangs de sièges
pour la salle, deux bancs et le fauteuil de
Monsieur Andesmas car c’est son après-midi :
l’adaptation de Danielle Bré et l’intimité
de la Friche du Panier offrent un joli (?)
moment de distribution des mots qui est
aussi une petite leçon de théâtre sans
vanité… Musique lointaine, cris d’oiseaux,
cigales forcément, peut-être le Var nous
dit le maître du jeu -narrateur- assistant à
la mise en scène Mathieu Cipriani. Un
vieil homme -pas le roi Lear ou alors en
tout petit-, Maurice Vinçon en personne,
attend l’entrepreneur chargé du chantier de
la maison acquise pour sa fille Valérie ; ni
l’un ni l’autre ne sera jamais là et on parlera
d’eux tout le temps… ils valsent sans doute
ensemble, chez Duras c’est comme ça ! le
récit fait acte ; être présente c’est le rôle de
l’épouse et Peggy Péneau, un pied devant
l’autre, dans la banalité d’un corps d’actrice
à minima, partage la douleur diffuse de la
perte et de la destruction, de l’amour quoi !
Que se passe-t-il pour que la banalité d’un
L’ombre
et le reflet
boug es,
ça se
souffle !
La FNCTA (Fédération Nationale des Compagnies de Théâtre amateur) est née en
1954 et le CD 13 (Comité départemental)
lui a emboîté le pas. Pour fêter ces 60
années de pratique assidue, il inaugurait
le 16e Festival de Théâtre amateur avec
buffet convivial et monstrueux gâteaux ! Car
le théâtre amateur est une sorte de famille
choisie, sur laquelle veille Alain Sisco
qui s’y dévoue sans compter depuis des
années. Le festival se développe d’année
en année et est accueilli dans la plupart
des structures marseillaises et ce n’est
pas la moindre des fiertés d’Alain Sisco.
Inauguration réussie avec une pièce de
Jean-Luc Lagarce jouée par les Rest’Capés,
une toute jeune troupe d’Aix en Provence,
mise en scène par Stéphane Laffaille. Sa
particularité est de mélanger des comédiens
d’expérience et des jeunes en formation au
Théâtre Vitez et au Théâtre des Ateliers. Sur
un plateau occupé seulement de quelques
chaises et d’un vieux phonographe, des personnages caricaturaux et décalés surgissent,
se côtoient sans vraiment se rencontrer,
ébauchent des rapprochements sexuels.
Puis essaient de recoller les morceaux de
leurs vies d’avant la peste qui a ravagé
Londres et chassé ses habitants, retrouvent
des objets abandonnés dans leur fuite,
vagues échos de leur vie d’avant. Leurs
propos superficiels tournent en boucles
avec des accents différents sous le regard
d’une fillette dans sa robe à volants rose,
jeune Mermoz Melchior (15 ans) très
surprenant.
Le Festival continue à la Criée les 18 et 19
avril avec Le théâtre ambulant Chopalovitch
de Lioubomir Simovitch et la Cie La
Trappe, et Alpenstock de Rémy De Vos
qui sera là pour dédicacer ses livres ; au
Toursky le 19 mai, Débrayage de Rémy De
Vos encore à l’honneur par le Théâtre de
l’Éventail de Toulon ; au MuCEM le 23 mai
Paroles du Maroc, une lecture d’auteurs
marocains mises en espace par Frédérique
Fuzibet, Anny Perrot et Maurice Vinçon ;
au Théâtre l’R de la mer le 24 mai Le
berceau d’Hadjria Amara avec une troupe
marocaine La Cie Comédrama d’Oujda.
D’autres spectacles encore jusqu’au 7 juin.
Nous y reviendrons.
CHRIS BOURGUE
Vagues souvenirs de l’année de la peste
s’est donné le 29 mars
au Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille
Festival de théâtre amateur
jusqu’au 7 juin
Marseille
FNCTA/CD13
04 91 61 15 37
www.cd13.fnctasudest.fr
GAËLLE CLOAREC
Tabac rouge s’est joué du 9 au 12 avril au Grand
Théâtre de Provence, Aix
Tabac rouge © Richard Haughton
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Vagues souvenirs...© Jean-Pierre Daudon
James Thierrée va sur ses 40 ans et monte
en puissance. Son Tabac rouge est une grosse
machine, parfaitement huilée, dominée par un
mur de plaques métalliques -ou bien sont-ce des
miroirs au tain abîmé ?- roulant et basculant sur
scène. Autour gravitent des danseurs montés
sur roulettes, et lui, le Maître, dont on ne sait
jamais si, tel un roi de carnaval, il ne va pas
finir détrôné, mis à nu, démembré. Ses sujets
se prosternent, l’entourent, refluent comme
une houle sensible à la marée de ses humeurs.
Une contorsionniste impressionne dans le rôle
d’un animal «de compagnie», probablement
un chat (pour la souplesse), qui se love dans
son cou, sur son fauteuil, jusque dans sa
veste. Crinière léonine, vibrant même assis,
James Thierrée fume une pipe dont l’odeur se
répand dans l’immense salle du GTP. Il reçoit
des lettres, qu’il déchire en mille morceaux
et qu’une petite main raccommode avec une
machine à coudre. Son cœur bat sourdement
puis s’arrête, avant de repartir en chamade.
Même mort, même las, il renaît à la vie, sur
un choc électrique administré par ceux à qui il
est selon toute apparence aussi insupportable
qu’indispensable. À son commandement, le mur
de reflets tremble, jusqu’à se disloquer en un
gigantesque mobile, oscillant dangereusement
au dessus des danseurs. Il renvoie les éclats
du pouvoir, et la ternissure assortie : l’un ne
va pas sans l’autre.
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Sous les
masques
La langue sonne avec une familière étrangeté : c’est celle du québécois Marc-Antoine
Cyr, et ces adolescents perdus dans la neige
ne parlent pas tout à fait comme les nôtres.
La poésie n’en est que plus étrange et ce
verbe tantôt banal tantôt inusité rocaille
puis coule, laissant un sentiment d’insatisfaction… que la dramaturgie compense,
et que la mise en scène de Renaud Marie
Leblanc sublime. Fratrie met en scène
quatre garçons enfermés sans parents dans
une maison isolée par le froid. Le père est
malade, à l’hôpital, la mère étrangement
absente, et un autre secret couve, porté
par Léo, dont la différence s’affiche peu
à peu. Homosexualité, inadaptation, asocialité ?, Fratrie repose sur des révélations
distillées progressivement, des douleurs
niées, l’évolution des relations fraternelles,
de la domination, et sur quelques scènes
fantasmées, qui invitent au voyage comme
le Roi des Aulnes entraîne vers la mort. Les
quatre jeunes acteurs incarnent les quatre
garçons, plus jeunes qu’eux, sans singer
l’enfance, mais en captant sa naïveté et
sa fraicheur, ses souffrances aussi, qui
surgissent en vagues. La scénographie,
magnifiée par les vidéos simples -neige
blanche, neige noire- de Thomas Fourneau,
et par un choix musical constamment juste,
crée un rapport subtil entre l’espace intérieur
clos de la maison familiale, et l’extérieur
menaçant, froid, presque moins mortifère
pourtant que la salle commune. On reste
avec le sentiment étrange que tout n’a pas
été dit, ce qui ne gène pas les nombreux
adolescents présents à la création, et
visiblement portés par ce propos venu
du froid…
AGNÈS FRESCHEL
Fratrie a été créé les 18 et 19 mars
au Théâtre Vitez, Aix
Les mots de l’autre
© G. Parmentelas
Curieuse entreprise que celle de vouloir
rendre compte de l’autre, objet littéraire par
excellence lorsque la littérature n’explore
pas les méandres du moi. L’autre, c’est le
Barbare des Grecs et des Romains antiques,
c’est aussi le «je» rimbaldien, définitivement
autre. La Compagnie Emile Saar se prend
au jeu, et présente au sortir d’une résidence
au théâtre du 3bisf un spectacle inclassable
et attachant, Utopia (tous des barbares). Le
texte proposé est issu de collectes de mots,
de conversations (par Marie Lelardoux)
auprès de personnes non francophones
qui s’expriment en français et racontent
leur relation avec cette langue neuve pour
eux. Les cinq comédiennes, vêtues de longs
sarreaux bleus, nous donnent avec une infinie
délicatesse ces mots, ces phrases, avec leurs
hésitations, leurs rires, leurs charmantes
fautes de syntaxe, leurs accents. La langue
se fait musique, délicieusement chantante,
avec les précieuses retenues d’une partition
que l’on déchiffre. Les voix s’élèvent, tantôt
solitaires, tantôt polyphoniques. Le public
est réparti autour de cinq tables, laissant des
passages, des possibilités de contournement.
Le rapport traditionnel scène/spectateurs
est bouleversé. La frontière entre ceux qui
parlent, et ceux qui écoutent et regardent
s’amenuise, interroge ainsi chacun : le
discours prononcé pourrait être le nôtre,
dans une autre langue moins familière. Par
la grâce des lumières, de la finesse du jeu,
on est happé dans une bulle hors du temps.
MARYVONNE COLOMBANI
Utopia (tous des barbares) a été joué
les 21 et 22 mars au 3bif, Aix
M.C.
La Fausse suivante a été joué le 10 avril
au Jeu de Paume, Aix, dans le cadre de
la programmation des ATP
© Didier Grappe
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Quatre froids frères
© Didascalies and Co
22
C’est par une ambiance de carnaval
déjanté, ludique, inquiétant et festif que
débute, derrière un long voile de tulle, La
Fausse suivante de Marivaux (1724). Ce
n’est pas dans le texte ! diront les puristes.
Mais dans l’esprit, oh combien ! Nadia
Vanderheyden met en scène avec une
magnifique intelligence les jeux multiples
des travestissements des personnages.
Grands voilages qui découpent la scène,
dissimulant et exposant, tour à tour, lumières
qui réorchestrent les espaces, costumes
qui jouent de l’ambiguïté permanente,
déguisant et révélant, soulignant la porosité
des frontières entre les sexes et les classes.
L’argument est simple, laisse supposer au
départ une énième pièce où le marivaudage
serait roi, il n’en est rien : une jeune et
riche parisienne se déguise en chevalier
pour apprendre à connaître Lélio à qui
on la destine. Le bellâtre s’avère être un
coureur de dot volage. Il sera puni, perdant
et la Comtesse avec qui il avait conclu un
dédit, et les douze mille livres de rente de
la parisienne! Se mêlent à l’histoire les
valets qui cherchent eux aussi profits et
aventures. La pièce n’est ni féministe, ni
sociale, ni sentimentale, mais un peu de tout
cela. Il n’y a pas de «happy end», la vérité
triomphe avec son goût amer, chacun reste
seul. On assiste à la faillite d’une époque,
de ses codes, de son fonctionnement.
On pourra certes reprocher au texte ses
lourdeurs, ses longueurs, il aurait été sans
doute judicieux de ramasser l’ensemble,
mais les comédiens sont excellents, nous
entraînant dans un feu d’artifice virtuose.
Danse avec
les Clash
Il y a un théâtre réalité comme il existe
une télé-réalité. Dans cette perspective,
Immortels, écrit et mis en scène par Nasser
Djemaï, met nos nerfs à rude épreuve.
L’histoire tient à un fil mais dure 1h55 !
Joachim, 19 ans, a perdu son frère dans
des conditions tragiques et troublantes :
de là sa quête de la vérité qui le conduira à
fréquenter les copains de Samuel, à tomber
amoureux, à faire sienne certaines de leurs
idées contestataires… Les jeunes adultes
parlent «jeun’s» («putain, mec, fait chier»),
jouent «jeun’s» (avachis sur le canapé, les
mains scotchées au fond des poches ou
sur leur portable), dialoguent «jeun’s» (ils
textotent à tout bout de champ et croient à
l’amour virtuel), déblatèrent des banalités
«jeun’s» (les études ne servent à rien, les
parents ne comprennent rien, les profs
sont cons). Rebelles, forcément rebelles
et on les comprend, certains défendent le
principe de la non-violence quand d’autres
voudraient tout faire péter : les banques, la
finance, les entreprises du CAC 40, tous
ces maîtres chanteurs du monde… Le texte
est si lourd qu’il reste sur l’estomac, et le
portrait tristement réducteur. À part ça ? Le
bar des parents de la copine se transforme
en lit deux places, le banc d’extérieur glisse
côté cour pour disparaître côté jardin, et
inversement, la musique est dégoulinante
de tremolos et les images vidéo inutiles.
Bref, Immortels est une pièce chorale où
les héros stéréotypés sont sauvés par une
interprétation maladroite mais généreuse.
On en rirait presque, sauf qu’à se retrouver
au théâtre comme dans notre propre salon
ou chez les voisins d’à côté, on se dit qu’une
bonne soirée télé, c’est pas une si mauvaise
idée. M. G.-G.
Immortels a été joué le 4 avril
au théâtre Liberté, Toulon
© Mario Del Curto
Roulez, jeunesse !
C’est sur Should I Stay or Should I Go des
Clash qu’Alceste déboule sur scène en kilt !
Son démarrage en trombe augure une pièce
haletante qui pencherait vers le tragi-comique
plutôt que la pièce philosophique. On ne sera
pas déçu : Jean-François Sivadier se paye le
luxe de faire entendre toutes les circonvolutions
du texte tout en batifolant vers des formes
insolites, entre esprit baroque, faste royal et
Arte Povera. Bric-à-brac de chaises d’écoliers,
cendres noires et paillettes au sol (le noir du
désespoir d’Alceste), ballons luminescents, mini
fontaines versaillaises, dressing code décoiffant…
et ballet de balais qui déblaie le sol pour laisser
place au premier face à face entre Alceste et
Célimène ! Brillant Nicolas Bouchaud plus
schizophrénique que jamais ; formidable Norah
Krief dont la gouaille joyeuse alpague tous les
prétendants alentours. La troupe se fait plaisir
à jouer avec les alexandrins, les liaisons, la
diction, et, s’adressant frontalement au public,
l’invite à interagir, le faisant complice de ses
fourberies… La danse de cour se juxtapose aux
riffs des guitares, la gestuelle est mécanique ou
classique, le carrosse doré n’est qu’une vulgaire
carriole mais Sivadier garde le cap : la grâce de
Célimène est plus forte que ses défauts, Alceste
le colérique est désespérément misanthrope,
Philinte reste un indécrottable modéré, Oronte
un piètre faiseur de poésie. Morbleu, rien n’a
changé ! Les scélérats d’aujourd’hui ont la
tête de Berlusconi : «sa grimace est partout
bienvenue (…) on l’acclame…». Sivadier ne
pouvait trouver mieux.
Marie GODFRIN-GUIDICELLI
Aux 20e Rencontres d’Averroès, La Maison
de Bernarda Alba de Federico Garcia Lorca
prenait la forme d’un documentaire1 sur
l’aventure vécue par une poignée d’habitantes d’El Vacie. Huit gitanes apprenties
comédiennes à l’instigation du TNT-Centro
internacional de investigation teatral, récompensées par le Prix national du Théâtre 2008.
Au Théâtre Liberté, ce sont huit artistes
qui relèvent le défi de la crise de nerfs
permanente : toujours sur le fil du rasoir,
elles font entendre les saillies de la dernière
œuvre dramatique de Lorca, écrite en 1936
alors qu’éclate la Guerre civile espagnole.
Le parti pris de Carole Lorang et Mani
Muller est de démultiplier l’enfermement
imposé par la veuve Bernarda Alba à ses
quatre filles et à ses bonnes par un décor de
claustras en bois, hermétique aux rumeurs
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
1
A House for Bernarda Alba de Lidia Peralta Garcia,
Espagne, 2011, 52’, PriMed MPM/Averroès Junior
juin 2013
La Maison de Bernarda Alba a été joué le 8
avril au Théâtre Liberté, Toulon
Le Misanthrope a été joué les 3, 4, 5, et 6 avril
au CNCDC Châteauvallon, Ollioules
À Venir
Les 17 et 18 avril
la Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
© B. Enguérand
Femmes
au bord
de l’hystérie
de l’extérieur et à la propagation de leurs
propres rancœurs, conflits et affrontements.
La maison close servant de «décor sonore
au drame» et résonnant plus que de raison,
on se demande si la présence fantôme des
deux musiciens sur le plateau est d’une
réelle utilité… De cette mise en scène à la
sobriété classique, qui laisse la part belle à
l’interprétation des tempéraments fougueux
et à l’expression de la violence familiale
et sociale, on retiendra quelques percées
fulgurantes : les chants a capella comme
une respiration bienvenue, l’évocation des
animaux prétexte à des bruitages et à des
mimiques démesurées qui versent dans
la folie. Comme lorsqu’elles chantent en
chœur «O nuit limpide et sereine» avant
de commettre l’irréparable, avant que la
matrone tyrannique n’impose un terrible
«Silence !».
23
PT
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Salut à toi ô l’étranger
étranger» abandonnant ses rêves de
patriotisme. Les acteurs, intenses
Issam Rachyq-Ahrad, Gilbert
Laumord, Paul Camus, brûlants
des mots de Cohen, passent de
l’absurde beckettien au silence
éloquent, repoussent les murs de
la honte, lui donnent corps, autant
qu’au besoin d’exister, d’aimer et
d’être aimé. Ils tracent l’espace
mental de la solitude engendrée
par l’intolérance. Jusqu’au pardon
final, comme une claque de plus
à la bêtise humaine : «Ne plus
haïr importe plus que l’amour du
prochain».
DELPHINE MICHELANGELI
débarqué de son île grecque, traité
de «sale youpin» par un camelot
marseillais, le jour de ses 10 ans.
Jour de malheur, première rencontre
avec la haine et le rejet. Innocence
Souvenirs en technicolor
Rachid s’apprête à quitter le foyer
familial, heureux d’aller vivre sa
vie loin d’un environnement qu’il
commence à juger étouffant.
C’est simplement que tout, dans
l’appartement qu’il partage avec ses
parents, lui rappelle ces «jours où…»
qui ont été des points de repères
pour le petit garçon qu’il était, ces
premières fois qui marquèrent sa vie
à jamais, et qui ont tous un point
commun : la présence de sa mère à
tout moment, son amour indéfectible
et inconditionnel. La préparation de
sa valise devient alors prétexte à
l’éclosion de souvenirs très précis,
Rachid Bouali © X-D.R
auxquels Rachid Bouali donne vie,
interprétant tour à tour sa mère,
son père, les voisins, et tous ceux
qui, de près ou de loin, eurent un
rôle à jouer dans son enfance. Du
périple de ses parents -immigrés
algériens recrutés par la France
pour venir travailler dans des usines
de Roubaix- pour l’obtention de
leur carte de séjour, au premier
voyage en Algérie de la famille,
de la première machine à laver
de sa mère, curiosité dans le
voisinage, au groupe de réflexion
des mères venues chercher auprès
d’une «pissichologue» des réponses
au mal-être de leurs enfants nés
Français, Rachid Bouali fait mouche.
Sans oublier le fil conducteur du
spectacle, les rêves que sa mère
lui racontait chaque matin, qui
mélangeaient à sa propre vie le
feuilleton suivi la veille à la télé,
et la découverte de l’existence de
John Wayne dans un western (à
qui sa mère allait préparer un café
pour le remettre de ses cavalcades
épuisantes !), seul genre admis et
accepté à la maison.
Au-delà de l’hommage tendre qu’il
rend à sa mère, Rachid Bouali
convoque l’humour et l’émotion
pour faire de son vécu une histoire
universelle qui touche et concerne
chacun.
Do.M.
Le jour où ma mère a rencontré John
Wayne a été joué les 4 et 5 avril au
Forum de Berre
à jamais dévorée par la xénophobie.
Et l’humiliation qui se prolonge sur
les murs enfermant l’enfant dans
le mutisme, lui «le petit amoureux
de la France condamné à rester
© Stéphane Pau
vret
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© Manuel Pascual
24
En remontant Ô vous frères humains
d’Albert Cohen, programmé
avec un succès manifeste entre
les deux tours des municipales,
Alain Timar a eu une formidable
intuition. L’implication et l’accueil
enthousiastes du public, bouleversé
par l’acuité et l’universalité du propos, fut la preuve éclatante que
culture, littérature et théâtre, sont
les meilleures armes pour réveiller
les consciences. Le résultat du
premier tour, notamment à Avignon,
aura été la confirmation de cette
urgence qu’Alain Timar, en créateur
humaniste, a assumé pleinement.
Trois nouveaux acteurs, cosmopolites et rayonnants, incarnent
l’auteur à des âges différents,
et racontent à travers la finitude
d’un homme qui jamais n’oublia
son histoire, l’offense vécue par
ce jeune enfant d’origine juive,
Ô vous frères humains s’est joué au
théâtre des Halles, Avignon, du
27 au 30 mars.
Il sera repris au festival Off
d’Avignon
La liberté, quelle utopie !
San Francisco 1955Arles 2014. Si le
temps a passé entre
ces deux dates, c’est
pourtant bien à un
revival que nous convie
Bérangère Jannelle
en nous replongeant,
de par la structure
même de la scénographie, dans l’univers
d’Allan Ginsberg, et
plus généralement de la
Beat Generation. Car en
1955, à la Six Gallery de
San Francisco, Ginsberg déclamait
pour la première fois son
long poème culte Howl devant un parterre acquis à sa cause, parmi
lesquels ses amis Nick Cassidy et Jack Kerouac. Pour l’occasion
le théâtre d’Arles était transformé pour permettre cette immersion
progressive, lors d’un parcours déambulatoire, vers une scène
devenue lieu de prise de parole, pelouse incluse. La projection
de La Ballade des Squelettes, album de poésie de Ginsberg mis
en musique par Paul McCartney et Philipp Glass permettait la
mise en condition idéale avant ce hurlement de protestation
contre le conformisme américain d’après-guerre ; car alors la
parole était donnée à Douglas Rand, incroyable comédien et
performeur littéralement habité par les mots du poète. Le flow
saisissait dès les premiers mots, entre déclamation et incantation,
dans un discours halluciné dont la syntaxe déstructurée, le
rythme distendu rendaient plus prégnants encore ces mots qui
claquaient au nom de la liberté et de la tolérance. Une percussion
sonore que soulignait et approfondissait la partition musicale
expérimentale de Jean-Damien Ratel, rendue par un instrument
extraordinaire mêlant percussions, guitare, violoncelle… Que
reste t-il aujourd’hui de cet enragement poétique ? Plus qu’un
hommage rendu aux poètes engagés, il reste un plaidoyer vibrant
pour toutes les révoltes à venir…
DOMINIQUE MARÇON
66 Gallery a été proposé par le Théâtre d’Arles les 18 et 19 mars
Nous sommes tous
des revenants
Les dernières mises en scène de Thomas Ostermeier, co-fondateur de la prestigieuse Schaubühne de Berlin, étaient déjà des
pièces du norvégien Henrik Ibsen, son auteur fétiche. Mais Les
Revenants est sa première mise en scène en langue française.
C’est dire s’il maîtrise toutes les oscillations de sa pensée et
de son écriture, au point de fouiller au plus profond l’âme de
chaque personnage : la mère, rigide, fébrile et dévorante d’amour,
interprétée par l’excellente Valérie Dreville ; son fils rongé par la
figure du père absent, à l’hérédité si lourde, et par la maladie de
l’amour ; la fille «adoptive» moins naïve et plus fragile qu’elle n’y
paraît ; le Pasteur corvéable à merci et manipulateur ; Engstrand
le menuisier, faible et calculateur… tous remarquables de finesse
et de justesse. Tout ici est dense, opaque, troublant : le temps
qui s’écoule, les regards obliques, le froid nocturne, les non-dits
qui brûlent leurs lèvres, et même leurs corps qui s’enlacent. Pour
dire ce chapelet de drames intimes, Thomas Ostermeier a choisi
l’épure théâtrale, l’intensité du jeu d’acteur, un brouillard de
lumière cher aux paysages du nord, une scénographie minimaliste
et habile avec pour tout «effet» un plateau circulaire tournoyant
sur lui-même et quelques images vidéo d’un paysage frissonnant,
comme si le danger était tapi derrière les herbes hautes. De plus
en plus pesante et obsédante, la tragédie alourdit les corps et
glace les esprits. Difficile de respirer dans cet environnement
anxiogène ! Comme cette étrange «fratrie» prise dans les mailles
de ses secrets et de ses fantômes, nous sommes effrayés par
cette menace qui rôde tout autour, car connaître la vérité peut
conduire à la mort et abattre les survivants. Ostermeier ne
laisse-t-il pas un plateau dévasté comme un champ de guerre ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les Revenants s’est joué les 13 et 14 mars au CNCDC Châteauvallon
© Mario Del Curto
Le Ballet en fleurs
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Ou pas © Thierry Hauswald
26
Dans le cadre du Printemps du BNM, le Ballet
de Marseille expose au Château Borély une
vingtaine de costumes, témoins de l’histoire
du Ballet depuis l’arrivée de Roland Petit en
1972. Le chorégraphe a toujours eu le souci de
l’originalité pour les tenues de ses danseurs, aussi
avait-t-il collaboré avec de grands couturiers.
Yves Saint-Laurent a créé les costumes de
Notre Dame de Paris et de Carmen, dont on
apprécie les bustiers portés par Zizi Jeanmaire.
Il a aussi travaillé avec Versace, le peintre
Carzou, la costumière Franca Squarciapino.
Le costume de la Fée Carabosse de cette
dernière, tout de taffetas, dentelles, perles
et sequins, entièrement noir, est le négatif de
celui du clown blanc. On retrouve aussi les
costumes des créations de Frédéric Flamand
dont on connaît le plaisir à travailler avec des
architectes, comme Humberto et Fernando
Campana pour Les Métamorphoses d’Ovide
ou Zaha Hadid pour Metapolis.
Autre étrange rencontre à La Friche avec
l’exposition Ou pas. Caty Olive et Christian
Rizzo vous invitent à pénétrer dans un univers
enfumé et sombre, traversé parfois d’éclairs
lumineux. Le sol, entièrement jonché de 1700
costumes des 3500 de la collection du Ballet,
devient une sorte de terrain de jeu qui parfois
s’anime de la lente traversée d’un corps. Ce
sont les danseurs qui viennent improviser de
façon aléatoire dans ce décor de fin du monde.
Une bande-son électro de Scanner contribue à l’atmosphère quelque peu inquiétante.
Étrange dialogue entre les jeunes danseurs
et ces costumes chargés de mouvements et
de mémoire.
de ses Cahiers, écrits alors qu’il était en hôpital
psychiatrique, ponctuent la chorégraphie et
la bande-son très éclectique. Des spots, dûs
aux architectes Diller + Scoffino, s’inspirent
allègrement de ceux de la publicité et animent
régulièrement l’écran vidéo en fond de scène,
proposant un regard corrosif sur notre société
avide de confort, de réussite, faisant de nous
des cibles fragiles et faciles. Tour à tour sont
vantées avec beaucoup d’humour des pilules
qui rendent normal, heureux, ou développent
une appétence sexuelle. La danse est rapide,
rythmée, les quinze danseurs évoluent avec agilité
dans cet univers de compétition et de rivalité.
Des solos sont d’une beauté époustouflante,
mis en valeur par un ingénieux miroir en plan
incliné qui permet d’avoir deux points de vue
différents sur la chorégraphie. Un spectacle
original et multiforme qui a ravi le public et nous
fait regretter le départ de son chorégraphe.
CHRIS BOURGUE
Moving Target était donné à l’Opéra de Marseille
les 28 et 29 mars
Quinze autres danseurs étaient à l’Opéra de
Marseille pour donner Moving Target, une
recréation très remarquée de 2010. Le projet
de Frédéric Flamand était de collaborer pour la
première fois avec des architectes mais aussi de
proposer une vision du monde actuel à travers le
prisme du regard et de l’expérience de Nijinski,
le célèbre danseur et chorégraphe. Des extraits
Ou pas
jusqu’au 29 juin
La Friche Belle de Mai, Marseille
04 95 04 95 95
Mouvement perpétuel
jusqu’au 11 mai
Château Borély, Marseille
www.ballet-de-marseille.com
Petites leçons de décalage
© Laurent Ferraglio
Apparu au début des années 2000
à Paris dans les milieux ivoiriens,
le Coupé-Décalé, ce mix de rumba
congolaise, de zouk, de hip hop et
de variété française est bien plus
qu’une danse urbaine. Un véritable
mode de vie ; une façon de voir les
choses avec «sagacité», c’est-à-dire
en les mettant en scène. De fait,
le spectacle de Robyn Orlin et
de James Carlès a commencé
très fort dès le foyer quand une
troupe bariolée et forte en gueule
(les cinq danseurs de Carlès) est
venue harponner le public en évaluant (en rythme et en chansons)
les tenues de tel ou tel. Manière
de rappeler l’importance du look
et de la frime pour ceux qu’on
appelle les «sapeurs» (SAPE :
Société des Ambianceurs et des
Personnes Élégantes). L’acte 1
de la pièce, chorégraphié par la
Sud-africaine, tourne d’ailleurs
autour du personnage du Sapeur
qu’incarne, plus vrai que nature, un
James Carlès survolté. Passant de
l’appareil photo à l’Ipad, de la salle
à la scène, suivi par son «soleil» (le
projecteur qui l’éclaire), le Sapeur
veut qu’on ne voie que lui. Derrière le
comique de répétition et les délires
histrioniques du personnage, c’est la
notion de décalage qui est en jeu :
les musiques qui accompagnent les
vidéos, les danses traditionnelles, le
sac rouge dont il se fait un chapeau…
L’acte 2, une pièce de James Carlès
pour cinq danseurs, fait une large
place à la danse elle-même et à
la façon dont chaque danseur se
l’approprie selon son style, son
physique particulier. Les vidéos
de fond de scène, réalisées à Abidjan puis retravaillées, évoquent
l’arrière-plan sociologique de ce
mouvement venu des «maquis»
ivoiriens. Et lorsqu’à la fin du show
les danseurs jettent de vrais billets
de banque au public, perpétuant
la tradition de «travaillement»
chère à Douk Saga (l’inventeur
du décalé chinois), on se répète
que décidément le coupé-décalé
est bien plus qu’une danse.
FRED ROBERT
Coupé-décalé a été représentée
au Merlan, Marseille, du 26 au
28 mars
Attention
talents
à suivre…
27
The Hill, Roy Assaf © Gadi Dagon
Comme une parenthèse dans sa programmation,
le Pavillon Noir a réservé un «Temps fort
nouvelle scène contemporaine» à sept jeunes
talents internationaux qui ont chacun révélé une
forte personnalité. Comme Roy Assaf (Israël),
ancien danseur chez Emmanuel Gat, qui montra
son double visage dans le duo féminin-masculin
Six Years Later et le trio masculin The Hill. Deux
faces d’une même écriture fiévreuse construite
sur deux tempos différents. La valse à trois
temps (l’amour, la séparation, les retrouvailles)
pour le duo amoureux qui alterne enlacements
à fleuret moucheté et empoignades violentes,
tendre enchevêtrement et ruptures saillantes :
s’abandonner à l’autre avec la même fraîcheur
que «six years later» est-elle chose aisée ?…
La sarabande, comme au premier jour folle et
enragée, pour le trio qui développe une danse
de contact à l’état brut, liée, déliée, élastique,
qui ne cesse de tourbillonner, déraper, s’enlacer,
bondir, et fait montre d’une énergie à cent pour
cent. Trois fauves en cage derrière «the hill»,
leur corps tout entier aux aguets. Seul bémol
au plaisir de la découverte, l’éclectisme des
choix musicaux -de Beethoven, The Marmelade
aux Bee Gees- qui saucissonne les pièces
en mini tronçons sonores… Avec Qaddish du
nigérian Qudus Onikeku, le corps est en émoi,
il brûle et se consume de l’intérieur, habité
par la figure du père décédé, le passé fugace
de l’enfance. Quand Qudus Onikeku parvient
«à contempler la mort», le passé resurgit :
les bruits de Lagos, la mémoire de son père,
sa parole, leurs souffrances. Sur le principe
de l’évanescence, le dispositif scénique joue
sur l’apparition et la disparition de la soprano
Alessia Paolini et des musiciens Charles
Amblard et Diego Cardoso à l’interprétation
aussi fameuse que la création musicale. Ils
accompagnent, protègent, soutiennent un
Qudus Onikeku en transe, au jeu de mains
expressif, parcouru de frissons, d’émotions.
Comme une supplique vocale, musicale et
© Agnès Mellon
Leur Bohème
corporelle, Qaddish percute l’estomac sans
prendre de gants. Il est des douleurs de l’âme
qui tordent les corps de douleur.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le «Temps fort nouvelle scène contemporaine»
s’est déroulé du 11 au 28 mars au Pavillon Noir,
Aix-en-Provence
Après une semaine de résidence
au Merlan sous la houlette de
Yann Lheureux, les deux troupes
lauréates des dernières éditions
du Dance Groove 13 ont présenté
chacune une chorégraphie en première partie de Flagrant Délit, son
spectacle. Accueillie par un public
des plus enthousiastes, c’est tout
d’abord la compagnie Les Misérables qui a livré une prestation
inventive et bon enfant. Franckie
Tranchot et Marvin Mastroianni
forment un duo convainquant, et les
voir conclure sur l’air bien connu de
Charles Aznavour, Ma Bohème, était
un grand moment. Le Dirtysouth
Crew, pour être plus classique dans
son approche de la culture hip hop,
n’en est pas moins prometteur, et
son dynamisme collectif a chauffé
la salle en bonne et due forme avant
l’arrivée de la star sud coréenne
Lee Woo Jae. Premier solo d’une
série de trois créations de Yann
Lheureux en 2014, le projet Flag,
cette courte pièce voit l’interprète
apparaître comme un tourbillon
de chair qui surgirait du néant, et
soudain ne touche plus terre. Tour
à tour bonze circonspect, tortue
retournée oscillant sur scène, ou
déclamateur de poèmes, le danseur
virtuose déroute, fort loin de l’esprit
de performance qui prévaut souvent
au sein des cultures urbaines. On
attend avec impatience la suite
du travail du chorégraphe, qui ira
interroger les pratiques du BMX (vélo
acrobatique, très spectaculaire) et
du Yamakasi (art du déplacement
vertigineux en milieu citadin).
GAËLLE CLOAREC
Cette soirée a eu lieu le 4 avril au
Théâtre du Merlan, Marseille
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Amours éternelles
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© Tina Alloncle
avec Tristan, le philtre qui les lie à jamais alors
qu’elle est promise à un autre. «Et le monde
chavire.» Et le cœur de l’assistance chavire
avec eux, à bord de leur navire évoqué par une
simple voile, que le conteur ferle et déferle sur
le plateau. La mer est au début, la mer est à
la fin, et l’amour est partout.
La création de Tristan et Iseult a eu lieu à La Criée,
Marseille, le 21 mars
GAËLLE CLOAREC
Le temps d’un songe
Récit initiatique
Le titre du spectacle, Magic Dust, par la Cie AzHaR, pourrait prêter à
confusion, on s’attend à un mixage de The Queen et la piste aux étoiles,
avec débauches lumineuses et effets spéciaux. Certes, effets spéciaux,
imagerie 3D, ingrédients technologiques déclinent leur magie virtuelle,
mais la poésie prime, avec une délicieuse délicatesse. L’histoire suit
la construction d’un poème symphonique. Elle s’ouvre et se referme
sur monde proche de celui d’un conte d’Hoffman. Le personnage
principal se trouve dans un bureau-bibliothèque, visiblement il doit
être un apprenti, et range après le départ de son maître. Il s’empare
d’un livre souffle sur la poussière qui le recouvre, prend son haut-deforme s’enfonce dans la nuit. La magie éveillée par le livre dessine
de hautes grilles, puis une allée majestueuse dont les lampadaires
s’illuminent à chaque geste de notre apprenti-sorcier. Chapiteau de
cirque, vieilles rues, amours impossibles et pourtant… du cantonnier
Zéphir et de la «divine diva» Olga, marionnettes d’une expressivité plus
qu’humaine… Jean-Marie Ginoux seul sur scène orchestre l’ensemble
avec la fantaisie et l’ingénuité d’un enfant, comme étonné des miracles
poétiques qui naissent d’un mouvement de main, d’un hochement de
tête. L’émerveilleur s’émerveille dans les lumières rêveuses, avec juste
ce qu’il faut de distanciation ironique. On oublie qu’il y a du numérique
ou les éléments techniques très sophistiqués. Quel que soit l’âge, on
est transporté dans ce monde onirique où l’improbable encore arrive.
Sa naissance est une
joie dans cette famille
de pêcheur, les Fisher.
Bien sûr, il a la particularité d’avoir des pieds
et des mains palmés,
mais bon, cela peut
s’arranger n’est-ce
pas ! En fait, non,
Jérémy se transforme
inexorablement en
poisson… Exploiter
cette particularité
rare devient l’enjeu
des requins de l’espèce humaine (marionnettes, Franck
Libert, aux traits grotesques) qui voient en cette métamorphose
une source de profits. Heureusement, le protège l’amour de
ses parents, un amour qui n’étouffe pas, mais sait s’effacer
pour que l’autre se réalise. Ils lâcheront leur enfant poisson
dans la mer où il trouvera enfin le bonheur. Alice Mora (Jody
Fisher, la maman), Nader Soufi (Tom Fisher, le papa) et Sandra
Trambouze (Jérémy Fisher, le fils poisson) conquièrent le public
par l’expressivité de leur jeu, leur vivacité, leur délicatesse, et
une pointe de distanciation humoristique nécessaire pour ne pas
sombrer dans un pathos inutile… Quelle prouesse aussi de rendre
attachant un gros poisson rouge dans son bocal ! (un appel à
adoption est d’ailleurs lancé à la fin de la représentation, Jérémy
le poisson est au chômage !). Une toile de fond s’anime, ombres
des cauchemars de l’enfant, profondeurs de la mer… L’ensemble
est d’une infinie poésie. On pourrait sans doute reprocher au
spectacle de manquer un peu de rythme, de relief, marquant
les différentes étapes. On restera cependant sur la merveilleuse
fraîcheur et la leçon d’humanité de ce conte intemporel où les
enfants font grandir leurs parents.
MARYVONNE COLOMBANI
Magic Dust a été joué le 28 mars à l’Espace NoVa, Velaux
© X-D.R
28
«Puisqu’il faut un début, c’est la mer, le grand
commencement. Et si à la fin je n’ai pas dit
l’amour, alors je n’aurai rien dit.» Ainsi parle le
conteur Laurent Daycard lors de la création
à La Criée de son Tristan et Iseult, avant de le
donner au public ému de recevoir, vivante, avec
toute la chaleur de la voix humaine, la fleur de
la tradition orale médiévale. Une adaptation
travaillée avec le spécialiste du conte au
long cours qu’est Bruno De La Salle, et la
participation de Michel Cazenave. Au son
du dulcimer (instrument moyenâgeux de la
famille des cithares), l’artiste livre sa version
de la tumultueuse histoire de Tristan, neveu
du roi de Cornouailles, et de la belle Iseult,
princesse irlandaise. Sans s’arrêter à celle
qu’en ont proposé les romans courtois du
XIIe siècle, mais en puisant bien loin dans ses
origines celtes, il explore la puissance subversive du récit, subtil autant que cru, chargé de
personnages, de combats, revanches, ripailles,
passions, de jeux de pouvoir et de trahisons.
Dans son interprétation, c’est Iseult qui partage
délibérément son «breuvage d’amour liquide»
© Nicolas Rivoire
M.C.
Jérémy Fisher a été joué le 3 avril au Comoedia, Aubagne
Culture pour tous
12e édition pour le Festival Mon échappée belle, avec treize spectacles,
deux moments conviviaux de découverte de la littérature jeunesse et
deux expositions à la clé, le tout réparti sur l’espace de 5 semaines
et 4 villes du Pays d’Aix (Bouc-Bel-Air, Lambesc, Simiane-Collongue
et Venelles). De quoi régaler les enfants, certes, mais les parents
ne sont pas en reste. On connaît déjà la qualité des expositions
d’Artesens, accessibles à tous, voyants et non-voyants. Touches et
Notes de Lumière, fidèle à la belle démarche de cette association, offre
un parcours «synesthésique» où les sons, les couleurs, les formes, se
répondent. Quatorze tableaux, de Cézanne, Signac, Matisse, Picasso,
Kandinsky… sont mis en relation avec des musiques de Wagner,
Debussy, Satie, Schönberg… On regarde, on écoute, on reconstitue,
parfois les yeux fermés, les œuvres découpées en relief. Une approche
exceptionnelle d’un art qui souvent reste encore étranger.
Un bon spectacle est compréhensible par tous et apporte à tous. Ainsi,
les Cunti Caprese ou les Contes de la Chèvre de Luigi Rignanese
savent captiver le difficile public des enfants. Avant même le début
du spectacle proprement dit, des histoires naissent, répondant avec
humour aux questions enfantines. Apparaît ainsi la fée de la guitare
qui transforma un jour un enfant en crapaud pour l’avoir bousculée.
Le conte de la chèvre, avec une mise en abyme s’inspirant de L’histoire
de l’enfant et de l’œuf de Mourlevat, nous entraîne dans un récit
initiatique empli d’humanité, de courage, de tendresse, d’humour,
accompagné par la guitare, le bandonéon, le tambourin, dont on
apprend l’origine. Une bouffée de bonheur que l’on retrouve avec
Oh Boy !, le spectacle d’Olivier Letellier (théâtre du Phare), prix
Molière Jeune Public 2010, adapté du roman de Marie-Aude Murail
dans lequel les sujets les plus difficiles sont abordés avec finesse.
Seul sur scène, Lionel Erdogan passe par tous les registres, rend
vivants les objets du quotidien : une petite chaise, un canard à bascule
deviennent des personnages. Superficiel au début (la recherche de
définition du début ou du commencement vaut son pesant d’or !),
Barthélémy, 26 ans, se voit devenir responsable de toute une fratrie,
confronté à la leucémie de son frère. Tout est juste, du jeu, dynamique,
proche de la BD parfois, délicatement sensible, jusqu’au décor que
l’acteur module au gré des étapes de la pièce.
MARYVONNE COLOMBANI
Le Festival Mon Echappée belle se poursuit jusqu’au 22 avril
www.agglo-paysdaix.fr
Oh boy ! © Thibaut Briere
Au bout d’un festival débuté le 7 mars (voir Zib 72), Mars en baroque réservait encore
de belles surprises. Retours sur la fin de la manifestation à Marseille
Gilles Cantagrel à l’Alcazar © J.F
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La Dafne, à La Friche © J.F
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À
la source de l’opéra
Le 29 mars, en clôture du Festival sur le grand plateau de
Bach
à la fête
En partenariat avec Mars en quelques-unes de ses Danses au
baroque, la dynamique équipe du
département musique de l’Alcazar,
réunie autour de Marie-Anne
Baillon, a fait un cadeau aux
nombreux amateurs de Jean-Sébastien Bach en invitant, le 28
mars, un éminent spécialiste de
son œuvre. Gilles Cantagrel est
une encyclopédie vivante qu’on lit
à livre ouvert. Le septuagénaire
vestonné et cravaté, d’un débit
rapide, a digressé avec art et
décontraction sans jamais oublier
le fil de son sujet... un puits de
connaissances au naturel ! C’est
du «sens de la fête» chez Bach
et sa tribu dont il été question,
après que Benjamin Alard a joué
clavecin. On a pénétré, grâce au
talent éprouvé du conférencier, à
Köthen ou Leipzig, dans le quotidien du Kantor et la composition
de pièces de circonstances jouées
pour des anniversaires, noces,
visites du prince électeur de Saxe
par la famille Bach, fils et filles,
amis, musiciens du crû, lors de
concerts d’étudiants jouant dans
des cafés où l’on donnait parfois
des Cantates aux livrets cocasses.
C’est que chez ces luthériens-là, la
devise «Manger drû et boire sec»
prenait du corps… bien loin de
l’idée statuaire d’un père-Bach
et de son buste austère posé sur
une cheminée !
Accords à cordes
Au-dessus d’un simple arpège de guitare s’élève une douce mélodie,
souple et lascive au violoncelle. Quelque Nocturne d’un romantique
allemand, Friederich Burgmüller, ouvre le beau récital intitulé Schubert
Perspective que proposent Anja Lechner et Pablo Márquez à la Salle
Musicatreize le 14 mars. C’est autour de l’arpeggione et la célèbre
Sonate que Schubert composa pour cet instrument aujourd’hui
disparu (une espèce de guitare jouée comme une viole) que le duo
a bâti l’affiche du jour. La transcription du chef-d’œuvre pour la
guitare (originellement au piano) possède le bénéfice d’alléger la
matière sonore.
L’opus fut le climax de la soirée, tant la richesse mélodique, les
méandres du discours harmonique, la palette expressive, les respirations et surprises qui font le charme du Viennois ont été livrés
La Friche à la Belle-de-mai, l’ensemble Concerto Soave,
dirigé des claviers par Jean-Marc Aymes, a fait revivre un
formidable opéra contemporain de l’Orfeo montéverdien :
La Dafne de Marco de Gagliano (1608). Autant dire qu’on
est parti à la source de l’opéra «moderne» et ses premiers
feux au tout début du XVIIe siècle ! Ecrit selon un modèle
antique, l’argument inspiré d’Ovide a été porté par cinq
chanteurs (dans une version de concert mis en espace)
encadrés par un petit ensemble divisé de violons, viole
et claviers. On a goûté à la qualité de voix jeunes portant
le récit de la métamorphose de la Nymphe en arbre, à la
douloureuse déploration en forme de madrigal, aux vocalises
d’Apollon chantant la mémoire de la belle Daphné, comme
toute la poétique musicale du temps, ses délicieuses
images sonores soulignant, ici ou là, les mots du livret,
voire d’étranges glissandos figurant le serpent Python…
Avec aussi de vrais dialogues de théâtre, piquants, qui, mis
dans la bouche de Dieux décochant leur flèche d’Amour,
nous renvoient à notre simple humanité !
JACQUES FRESCHEL
La 12e édition du Festival Mars en baroque
s’est déroulée du 7 au 29 mars à Marseille
avec nuance, finesse et émotion. En regard la Sonate concertata
de Paganini, passée du violon au violoncelle, malgré un sens inné
du dessin mélodique, quasi-vocal, a paru bien «classique» du fait
de sa déclinaison bi-thématique conventionnelle et sa forme au
développement attendu. On a, au demeurant, goûté aux transcriptions
de Lieder de Schubert à la guitare seule ainsi qu’à un joli Cantabile de
Paganini, où la voix feutrée du violoncelle, ses sons filés, pianissimi
aériens figurant un chanteur belcantiste, ont fait planer sur la salle
bien remplie quelques suaves frissons.
J.F.
Ce récital a été donné le 14 mars à la Salle Musicatreize, Marseille
Ne remporte pas qui veut le Concours
International de Piano Chopin à l’unanimité ! Rafal Blechacz l’a fait, et a
réussi, dans son interprétation magistrale
de quelques œuvres du maître polonais,
Nocturne en lab majeur, Polonaises... et
surtout le troisième Scherzo op.39, à
séduire un public du GTP littéralement
emporté par le jeu de ce jeune prodige.
Alternant avec grâce les passages tout
en puissance et les lignes mélodiques
arachnéennes, puisant dans la palette
d’intensité et de dynamique pour faire
émerger le discours élégant historié de
sentimentalité du grand Frédéric, Blechacz,
fort d’une virtuosité très maîtrisée, a
été à la hauteur de son titre. La Pathétique, jouée dans la première partie du
concert, a dévoilé une autre facette de
son jeu : profond, large, ancré dans les
entrailles du clavier ; planait sur cette
sonate de Beethoven l’ombre d’Argerich...
Mais c’est dans la pièce qui a ouvert
le programme, la Sonate n°9 K 311 de
Mozart, que Rafal a fait la plus grande
impression ! Son toucher, d’une égalité
parfaite, sa musicalité, divine, nous a
transportés dans un jardin à la française,
Rafal Blechacz © Felix Broede
les lignes mélodiques topiaires de l’andante
sculptant délicatement l’espace sonore.
Ce n’était plus du piano, ce n’était pas
du pianoforte, c’était du Blachacz : le
Pianiste !
CHRISTOPHE FLOQUET
Concert donné au GTP, Aix, le 25 mars
Epique et sensuel
Le Grand Théâtre de Provence
fait le plein le 24 mars pour la
venue de l’Orchestre National du
Capitole de Toulouse. C’est un programme épique que dirige Tugan
Sokhiev, barrant son navire avec
une maestria impressionnante : un
geste clair, précis, efficace, épuré...
La grande classe ! On vogue des
coups tragiques et sombres de
l’Ouverture d’Egmont de Beethoven à l’orientalisme poétique de
Shéhérazade de Rimski-Korsakov,
Khatia Buniatishvili © Caroline Doutre long poème symphonique orné
de chatoyants solos d’orchestre,
comme celui, récurrent, du violon de Geneviève Laurenceau. Ce sont «Mille et une
nuits» qui défilent à l’oreille, au souffle marin de Simbad et des récits nocturnes,
comme une traîne de voiles hissées par un capitaine de vaisseau navigant sur des
mers familières.
Au cœur du programme, on installe un grand piano de concert. La jeune femme qui
s’y love, longue robe noire moulante libérant des épaules nues, élancée sur de hauts
talons, dégage un charme indéniable. Et lorsqu’elle plaque les puissants accords
introductifs du Concerto de Grieg, c’est une puissance fougueuse qu’elle impose
d’emblée, engageant un combat duquel on ne doute pas qu’elle sortira vainqueur.
Kathia Buniatishvili se moule dans le phrasé des violons, butine au-dessus d’eux
quelque alerte appoggiature, frappe du poignet des octaves martelées, glisse des
arpèges dans un solo de flûte... Les cheveux voilent son visage ou s’échappent
vers l’arrière d’un mouvement brusque, d’un geste d’une sensualité animale qui
s’incarne dans la sonorité du clavier, puissante et jamais brutale, féline, à l’image
des marteaux feutrés serpentant sur les cordes. La jeune Géorgienne se joue avec
grâce des difficultés techniques, femme-panthère jouant sur du velours.
JACQUES FRESCHEL
Ce concert a été donné le 24 mars au GTP, Aix
Passage
de témoin
C’était une belle journée dédiée au piano que
nous proposait La Chapelle du Méjan d’Arles le
23 mars : auditions successives de la génération
montante représentée par Guillaume Bellom
et Ismaël Margain, puis du pianiste consacré
et franco-chypriote Cyprien Katsaris. Les
deux jeunes pianistes de vingt-deux ans nous
ont régalés avec une prestation pleine de
fraîcheur et d’engagement dans un programme
de musique française pour deux pianos. Ils
nous faisaient notamment découvrir une
version transcrite de l’opéra méconnu Hulda,
réalisée par son compositeur César Franck.
Une interprétation pleine de verve révélait les
oppositions stylistiques des danses de cette
légende scandinave faisant contraste avec la
Sonate pour deux pianos, et Scaramouche des
deux représentants respectifs du Groupe des
Six Poulenc et Milhaud. L’après-midi, Katsaris
concluait cette journée avec un programme
surprise autour des compositeurs romantiques
Chopin, Liszt (transcriptions de concertos). Il
introduisait son programme par une séquence
d’improvisation citant successivement les
Danses Polovstiennes de Borodine, l’Ouverture
de Thannhäuser, le Concerto de Varsovie et la
Barcarolle de Rachmaninov et d’Offenbach…
dans un étalage d’arpèges, de fusées et des
vagues de chromatismes… N’en jetez plus :
il faut appartenir aux plus grands pour faire
néanmoins passer la musique dans une telle
débauche de virtuosité au risque de lasser
les oreilles les plus exigeantes. C’est le cas
de Katsaris qui a eu le bon goût d’intercaler
des plages plus calmes et reposantes (Bach,
Haydn, Schubert) pour nous laisser reprendre
notre souffle. Et soyons tranquilles, la relève
est assurée.
PIERRE-ALAIN HOYET
Journée Piano, Chapelle du Méjan d’Arles
le 23 Mars
Guillaume Bellom © X-D.R
La leçon de piano
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Fondue au noir et blanc
Lorsque Shani Diluka se présente
pour saluer, au creux du piano, on
sent en elle une émotion palpable :
c’est que la grande salle de La Criée,
noire de public, le soir du 1er avril, a
de quoi impressionner ! Un pupitre
l’attend. D’une voix au souffle un peu
court, la pianiste détaille l’ambition
du programme. Elle lira, entres des
pièces de musiques américaines, des
extraits du récit que Jack Kerouac tira
de ses notes de voyages à travers
les U.S.A. à l’orée des années 50 :
Sur la route, manifeste de la «Beat
Generation». Du coup, on embarque
avec elle, sur la Route 66, dans un
imaginaire mêlant la magie des mots,
nocturnes, aliénés, douloureux et
titubant, charnels, obsédants, à celle
des notes et des rythmes chaloupés,
obstinés, du jazz de Keith Jarret ou
Bill Evans à la sensualité de Gershwin,
au minimalisme de John Cage… En
fin de première partie, le public s’est
laissé emporter par deux pièces de
Philip Glass, ses vagues successives,
envoûtantes, itératives, jouées par
des doigts de feux. Un beau moment !
fervente et les pauses de son Prélude, de
l’épaisseur du Choral enrobé de pathos à
l’impressionnante Fugue... Brava !
JACQUES FRESCHEL
Ce récital a été donné le 19 mars au Jeu de
Paume, Aix
Violon diabolique
Avec Une nuit sur le mont chauve de
Moussorgski et L’Apprenti sorcier de Paul
Dukas, le concert du 23 mars à l’Opéra
de Marseille était placé sous le signe du
Diable. Cependant, alors que les appels
de cuivres de la tonitruante «Nuit de
sabbat» du Russe appelaient le Démon,
ce fut un autre animal qu’on vit surgir de
la coulisse : une bête de scène diabolique
et sa magie noire au violon. Pied botté
et ficelé frappant le sol, une jaquette
épinglée, asymétrique, tombant sur un
collant moulant, Nemanja Radulovic
arbore une vêture atypique de rockeur
gothique au sombre absolu… jusqu’à
sa longue crinière bouclée couronnant
un prince de l’archet ! La nouvelle star
couronnée aux «Victoires de la Musique
2014» est animée d’un brin de folie, celui
qu’il faut pour enflammer la foule… et
mettre le feu à l’une des plus célèbres
partitions de Khatchatourian : son Concerto
Nemanja Radulovic & Eun Sun Kim Opéra de Marseille © J.F
(1940), fleuron du répertoire pour violon,
puissant, virtuose…
Dans cet exercice, tout en suspensions,
expressions d’un lyrisme vigoureux, le
Franco-Serbe a établi un espace de complicité avec l’Orchestre Philharmonique
de Marseille dirigé par la jeune cheffe
Eun Sun Kim, des premières mesures à
la cadence échevelée.... jusqu’à de folles
Variations solitaires sur Paganini... à épater
plus d’un violoniste de métier !
C’est en marchant un peu sur des œufs que
les musiciens ont aussi joué, en création
mondiale, un très beau Concerto composé
par le jeune Avignonnais, formé au conservatoire Pierre Barbizet : Lionel Ginoux.
L’univers de ce compositeur, possédant un
sens de la largeur sonore, n’a rien de léger :
son unité de ton est sombre, tragique.
L’opus procède par phases successives,
dévoilant peu à peu une architecture
expressive à la texture colorée. Un lent
exposé thématique, chromatique, s’érige
sur une trame de cordes, roulement de
timbales en arrière-plan d’un tableau
aux contours douloureux. De là surgit un
chant ample ! On file de processus fixes,
sereins, inquiétants, vers des explosions
où les dynamiques pulsées et redondantes
soutiennent la montée en puissance d’une
danse macabre au climax bien amené,
jusqu’au cri du violon de Radulovic, dans
le suraigu, tentant en vain de survivre à
la poussée orchestrale : superbe !
J.F.
Ce concert a été donné le 23 mars à l’Opéra
de Marseille
J.F.
Récital donné le 1er avril à la Criée,
Marseille
Shani Diluka © J.F
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Célimène Daudet © J.F
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Si Célimène Daudet arbore une tenue noir
et blanc, c’est peut-être pour se fondre
dans les touches bicolores de son clavier,
un grand Steinway de concert, le 13 mars
à Aix sur la scène du Jeu de Paume. De
fait, la jeune musicienne a dû passer un
pacte avec Debussy tant elle fait corps avec
sa musique pour piano, en l’occurrence
le Livre 2 de ses Préludes (plus rarement
interprété que le 1er Livre). Elle déroule
un jeu tout en finesse et clarté, malgré
les brumes de façade. Le piano chante sur
un tapis chatoyant, arrière-plan lumineux
irradiant un sourire floral ou quelque
mystère statuaire, des couleurs picturales
à la féerie ondulant aux limites du système
tonal… Chez Liszt, la mélodie reprend
son droit souverain, mais les battements
en trémolos de son accompagnement
soulignent avec évidence combien le
compositeur des Harmonies poétiques et
religieuses annonçait Debussy. Au final,
Célimène Daudet râle, ahane, cherche
une vérité dans le souffle épique de César
Franck, son unité cyclique, l’expression
La nuit
américaine
Le génie
ukrainien
Opéra sur la genèse d’un ouvrage lyrique sous
la houlette d’un riche mécène, ou autrement
dit, œuvre d’art sur l’art, Ariane à Naxos est
une œuvre de Richard Strauss qui se prête
avec aisance aux mises en scènes les plus
inventives, le livret confondant habilement
le temps du spectacle et celui de l’histoire,
mais aussi la tragédie et la comédie sur fond
de fidélité ou d’infidélité… Opéra déroutant
à plus d’un titre, qui n’en demeure pas moins
un des derniers grands chefs-d’œuvre du
genre tant l’écriture y demeure exigeante.
Aidé par une direction ample et très précise
de Rani Calderon, l’orchestre de l’Opéra de
Toulon était transfiguré par cet espace de
liberté. Les instrumentistes y déployaient
une superbe sonorité, dense et homogène sur
l’ensemble du spectre, qui mettait en valeur les
innombrables subtilités d’écriture que recèle la
partition. Cette sublime orchestration servait
© L. Belhatem
Schizophrénie lyrique
de tapis idéal aux voix portées elles aussi
par un plateau d’exception, très homogène
et à la puissance bienvenue pour faire face
à l’abondance d’instruments. Pour parfaire le
tableau, la mise en scène confiée à Mireille
Larroche était idéalement transplantée dans
un décor évoquant l’architecture moderne
de Mallet-Stevens à la Villa Noailles, mais
aussi les grands à-plats de couleurs chers à
Mondrian ou Léger. Les couleurs riches des
costumes évoquaient plutôt Kandinsky, voire
Picasso : une manière on ne peut plus habile
de donner un aspect réaliste et familier,
contemporain du contexte de la création de
l’œuvre. Un sans faute.
EMILIEN MOREAU
Ariane à Naxos a été donné les 14, 16
et 18 mars à l’Opéra de Toulon
La théorie du genre
en musique
Fidèle à sa vocation première de mettre à
l’honneur les femmes musiciennes ou compositrices, le Festival Présences féminines s’est
offert le concours de l’orchestre de l’Opéra
de Toulon placé sous la direction inspirée
de Gwennolé Ruffet pour rendre grâce à
des compositrices injustement méconnues.
Pourtant en entrée libre, le concert n’affichait
pas complet : normal dirons les grincheux,
les auteures étaient d’illustres inconnues. Et
pourtant, sans à priori, il eût été difficile à
n’importe quel amateur de déceler çà ou là une
quelconque once de féminité dans les œuvres
jouées. Osons le dire, les ouvrages orchestraux
Romain Descharmes © Jean-Baptiste Millot
donnés auraient tous pu être attribués à des
compositeurs… connus. Dans le Concerto pour
orchestre à cordes de la polonaise Grazyna
Bacewicz (1900-1969), le travail sur les
timbres et la sonorité de l’ensemble évoquaient
à qui voulait bien l’entendre Britten pourquoi
pas, mais préfigurait également ce que l’on
entendra plus tard chez certains minimalistes.
Dans le Concerto pour piano n° 1 en Ré
mineur de Marie Jaëll (1846-1925), dont le
classicisme formel n’avait rien de surprenant,
la liberté d’écriture confiée aux parties de
soliste brillamment interprétées par le pianiste
Romain Descharmes lui fit même gagner le
titre de «Schumann français» à l’époque de sa
création (1877). Quant à la Symphonie N ° 5
d’Émilie Mayer (1812-1883), l’écriture aux
élans concertants, tout en ruptures métriques
et contrastes dynamiques, n’était pas sans
évoquer une version assagie de Berlioz…
Mais où sont les femmes ? E.M.
Le concert a eu lieu le 23 Mars à l’Opéra de
Toulon
Curieuse ironie du sort, Valeriy
Sokolov a remplacé Patricia
Kopatchinskaja, la soliste russe
qui devait se produire à l’Opéra
de Toulon le 28 mars au soir. Cet
artiste mérite tous les éloges tant
il est rare d’avoir la possibilité
d’écouter des prestations d’une
telle qualité. Au violon, il n’a
fait qu’une bouchée du réputé
difficile Concerto en Ré Majeur de
Brahms à l’écriture virtuose : son
jeu était d’une maîtrise inouïe
tant à l’archet, agile, qu’à la main
gauche d’une justesse absolue.
Cette prestation exceptionnelle
ajoutait un crédit certain à l’orchestre qui s’est lui aussi surpassé
avec une sonorité très nuancée
sous les doigts experts du chef
britannique Benjamin Ellin,
offrant aux spectateurs un pur
moment de bonheur. Les autres
œuvres inscrites au programme
furent elles aussi brillamment
interprétées, à commencer par The
Porazzi fragment de Gavin Bryars,
composée sur un thème de Wagner
où l’harmonie, bien que tonale
se révélait parfois dissonante au
détour de subtilités d’écriture très
minimalistes auxquelles s’ajoutait
des micro-événements provoqués
par l’émergence de soli issus de
la dislocation des pupitres. Pour
clore ce concert, la foisonnante
et lumineuse Symphonie n° 5 de
Jean Sibelius a offert à l’orchestre
un tremplin idéal : aux confins
de la tonalité cette œuvre à
l’écriture complexe, fourmillant
d’idées mélodiques, donnait à
chaque famille d’instruments une
vie autonome pour donner forme
à un ordre issu du chaos dans une
parfaite alchimie de timbres : un
concert au sommet.
E.M.
Le concert a été donné le 28 mars
à l’Opéra de Toulon
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Un géant
vivant
Nouvelles pépites
et vieilles étoiles
Marché professionnel le jour, mini Fiesta
des Suds la nuit. Au fil des ans, Babel Med
Music s’est ancré dans l’agenda marseillais
à dimension internationale. On y vient pour
découvrir des artistes émergents des cinq
continents, mais parfois aussi pour y croiser
des légendes des musiques du monde en quête
de renouveau. Pour cette 10e édition, plusieurs
musiciens prestigieux de cette catégorie étaient
à l’affiche : le crooner de la chanson italienne
Gianmaria Testa, l’icône reggae-folk issue
des Gladiators Clinton Fearon, le maestro du
jazz libanais Rabih Abouh-Khalil ou encore
Bassekou Kouyaté, héros de la musique
malienne et grand rénovateur du ngoni (petit
luth africain de tradition). Précis mais sans
surprise.
Egalement tremplin promotionnel de la scène
locale, Babel a mis en lumière deux projets
singuliers, celui d’Ahamada Smis et la formation
VéZouVia.
Rappeur marseillais évoluant vers le slam,
le premier explore ses racines comoriennes,
jonglant avec les mots et les musiques traditionnelles d’Afrique Australe. Son spectacle
«Origines», éponyme de son dernier album,
offre une poésie urbaine questionnant l’identité
culturelle. Des mots percutants sur des rythmes
qui mêlent hip hop et afro-ngoma, l’afro-beat
mélodique comorien, répondant en partie au
questionnement identitaire cité plus haut.
Fusion ponctuelle du quintet de polyphonies
occitanes Lo Còr de la Plana et de l’ensemble
napolitain Assurd, VéZouVia jette un pont
entre Marseille et Naples. Un chœur d’hommes,
un chœur de femmes, des percussions, un
accordéon, deux villes bouillonnantes, autant
d’ingrédients qui provoquent une irruption
de chants sacrés et de danses populaires.
Autre rencontre, celle du duo palestinien
Sabîl (oud et percussions) et du quatuor
à cordes français Béla à travers la création
Jadayel, qui avait illuminé de sa virtuosité
la dernière édition des Suds à Arles. Un
dialogue intimiste entre Orient et Occident,
oscillant entre répertoire contemporain et
improvisations jazzy.
Formé d’immigrés latinos débarqués chez l’ancien colonisateur sans-papiers, Che Sudaka est
l’un, sinon le meilleur, des dizaines de groupes
de la scène alternative barcelonaise. Cumbia,
ska, reggae, ragga, dub, rock, le cocktail de
ce collectif porte une musique sans frontières
ni visas. Le continent sud-américain avait
d’autres envoyés à Babel Med : Dengue Dengue
Dengue !, un duo de DJ péruviens déjantés et
masqués. Leur cumbia électro-psychédélique
a entrainé le cabaret dans une folie tropicale
jusqu’au bout de la nuit.
THOMAS DALICANTE
Babel Med Music s’est déroulé du 20 au 22 mars
au Dock des Suds, Marseille
D.W.
Ce concert a été donné le 3 avril au Gymnase,
Marseille
David Murray Infinity4tet © Dan Warzy
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Rabih Abou-Khalil © Agnès Mellon
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Le saxophoniste David Murray revient en terre
provençale. Le Festival de Jazz de CharlieFree
à Vitrolles l’y avait déjà accueilli en 2009, puis
le Festival de Jazz des 5 Continents en 2011 lui
avait offert l’auditorium du palais du Pharo :
deux concerts absolument extraordinaires que
l’on garde en mémoire de façon indélébile.
C’est au tour du Gymnase de le recevoir avec
son Infinity Quartet. On retrouve avec plaisir
Jaribu Shahid, son fidèle contrebassiste, qui
conserve sa chevelure du temps du Black Saint
4tet ! Le concert démarre par un thème très
hard bop. Une force enfouie se lève dès le
second morceau, le saxophone ténor triture
les sons suraigus, les relie par un phrasé en
ascenseur, puis cette énergie se transmet au
batteur Nasheet Waits. David Murray poursuit
avec une clarinette basse, un dialogue de
claquement d’anche s’instaure avec le pianiste
Orrin Evans pour aller vers un blues dont on
croit reconnaître la mélodie de Let’s get lost. Ni
l’engagement physique ni le souffle (continu)
ne lui manquent, ni d’ailleurs l’intrépidité
pour construire ses improvisations d’une
grande richesse. Quelle culture, quel talent
fabuleux côtoient ainsi les rythmes cubains,
une balade de Billy Strayhorn ou encore un
bel hommage à John Coltrane ! Un grand
bravo encore à ce musicien hors du commun.
Trois lignes, de cœur et d’esprit
Bienheureux vitrollais à qui on a offert une
nuit du blues dans la toute nouvelle salle de
spectacle Guy Obino. La soirée débute avec
le concert du guitariste et chanteur Adrian
Byron Burns. Il aime être proche de son
public, conquis par l’efficacité du trio guitare,
basse, batterie. Seconde partie de la nuit avec
Otis Taylor, bluesman talentueux, guitariste,
mais aussi harmoniciste et joueur de banjo.
Aujourd’hui âgé de 65 ans, il démontre que
le blues est une des racines prépondérantes
de nos musiques actuelles. L’introduction
de ses blues se développe souvent par un
motif à la sonorité saturée, qui éclot, enfle,
se complexifie. Dans cette alchimie, le talent
de chaque musicien est mis en avant. À la
guitare solo, Taylor Scott se surpasse dans
ses envolées d’impros à faire bouillir le sang.
Larry Thomson, à la batterie, imprègne cette
rythmique à quatre temps, carrée au possible,
soutenue par le bassiste Todd Edmunds qui
déclenche le gros son parfois jusqu’à la furie.
On dira peu de chose du violoniste Miles
Brett avec ses intermèdes inopportuns, pas
vraiment sur la même longueur d’onde que ses
acolytes. L’art d’Otis Taylor est imprégné du
Mannish Boy de Muddy Waters et de la guitare
d’un Jeff Beck. Impossible pour certains de
rester assis sur leur siège. La fin du concert
fut une réelle communion.
DAN WARZY
Cette nuit du blues a eu lieu à la Salle Obino,
Vitrolles, le 5 avril
Poésie, animaux
et compagnie
Comme à chaque printemps depuis une quinzaine d’années,
Marseille a pris son rendez-vous avec la chanson française.
Le Festival Avec Le Temps version 2014 n’a pas déçu. Au
programme éclectique, des têtes d’affiche, Jacques Higelin,
Barbara Carlotti, La Rumeur, Têtes Raides, ou des talents
(re)découverts, comme Kacem Wapalek, BATpointG, Armelle
Ita ou Oda.
Pour l’avant-dernière soirée, Thomas Fersen tient l’affiche.
En première partie, sur la scène de l’Espace Julien, Autour de
Lucie se démène pour chauffer l’ambiance. Cependant le son
pop rock et la voix de la chanteuse ne trouvent guère d’écho,
et après un set d’une quarantaine de minutes, la blonde en
veste à paillettes et ses deux musiciens quittent la scène pour
«laisser place à la poésie de Thomas Fersen.»
Ce dernier fait son entrée, pantalon rouge, chemise blanche,
chaussures à la main, comme sur la pochette de son dernier
disque. Un regard charmeur et complice vers les fans, une
touche d’érotisme, des animaux par-ci par-là, quelques histoires
remplies de poésie qui s’intercalent entre les morceaux. Thomas
Fersen fait le show, le clown, déclenche une mini-hystérie en
dégrafant à peine sa ceinture. Il chante sa phobie du brochet,
les escapades de Zaza la chienne, ou l’amour éperdu d’une
chauve-souris pour un parapluie. Il conte le récit tout en rimes
de ce dompteur, qui se fait croquer le bras par son lion. Et
demande poliment que les spectateurs (surtout les femmes) lui
montrent leurs fesses. Juste pour vérifier si personne d’autre
que lui ne porte de grain de beauté sur le postérieur.
Les six musiciens du Ginger Accident le suivent dans son
délire, accompagnent les mélodies de mouvements chaloupés.
Leur allure très sérieuse, pantalon noir et chemise blanche,
n’est qu’un leurre. Les deux cuivres font faire des pirouettes à
leur instrument, avant de laisser le chanteur conclure plus de
deux heures de concert seul au piano avec Félix le centenaire.
Et laisse le public reprendre en chœur «Je jouis, c’est inouï»…
JAN CYRIL SALEMI
Le Festival Avec le temps s’est déroulé à Marseille du 18 au 22 mars
Thomas fersen © Mathieu Zazzo
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© Julie Chaize
une conférence, à la demande de sa femme,
sur les méfaits du tabac. Il en sera finalement
peu question, tant ses lamentations d’homme
que sa femme tyrannise depuis trente-trois ans
prendront le pas…
Dans le cadre du temps fort Voyages en solitaire(s), Stéphane Torres met en scène un texte
de Tchekhov en un acte, avec Jean-François
Regazzi.
les 25 et 26 avril et 9 et 10 mai
Le Lenche, Marseille
05 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Poursuivant son travail sur la question de
la femme noire dans le monde d’hier et
d’aujourd’hui, Eva Doumbia, qui se revendique
avec force comme «afropéenne» (voir p.20)
-française et fille d’africain- réunit quatre textes
de Fabienne Kanor, Maryse Condé et Yanick
Lahens. Toutes ont en partage l’écriture, le
féminin, la couleur de peau, et des vies réelles
ou imaginées, brisées par la grande Histoire.
Les membres du Moustache Poésie Club,
Astien le romantique désillusionné, Ed Wood le
salace inoffensif et Mathurin le décalé sensible,
sont bien porteurs de moustache mais aussi
amoureux de la langue de Molière. À travers
des poèmes drôles et acides, ces virtuoses de
la parole font partager au public leur amour
des mots et de la scène.
La Traversée aux disparus
du 5 au 7 mai
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Le Grandiloquent Moustache Poésie Club
le 17 avril
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
© X-D.R
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Les
Méfaits du tabac Le Grandiloquent…
Nioukhine part dans un cercle de province faire
Le
Capital, Karl Marx
Sylvain Creuzevault développe une pratique Peter, Ronnie, Joe…
théâtrale originale. Vingt comédiens relisent L’histoire de Mary Barnes va bouleverser
l’histoire. Un pari fou ! «Le Capital ne me rapportera
jamais ce que m’ont coûté les cigares que j’ai
fumé en l’écrivant» écrit Paul Lafargue dans
ses Souvenirs personnels sur Karl Marx. Dans
le Capital, Livre I, Karl Marx écrit : «C’est un
opéra insolite […] qui met en scène le vampire
économique dans sa force historique, ses ruses
infinies […], sa prodigieuse aptitude à épouser,
jusque dans les catastrophes inconcevables
[…] à vivre si goulûment de la mort elle-même.»
Peter, Ronnie, Joe… and Mary
du 22 au 26 avril
Le Lenche, Marseille
05 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
du 21 au 24 mai
La Friche Belle de Mai, Marseille
(programmation «hors les murs» de la Criée)
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Les serments indiscrets
l’Angleterre des années 70. Diagnostiquée
schizophrène à 42 ans, cette infirmière, au
courant des méthodes coercitives des hôpitaux,
fondera à Londres la communauté de malades,
psychiatres et artistes Kingsley Hall, tous partageant le même désir d’émancipation et de
recherche. Entre récit, traversée intérieure et
performance, Véronique Widock rend compte
des émotions et de la vision poétique de cette
femme hors du commun.
© Macha Makeïeff
La
Robe rouge
Alors que notre ère est celle de la communication
à outrance, Claude-Henri Buffard a choisi de
traiter de l’incommunicabilité au cours d’un
monologue. Marie-Line Rossetti parle, mais
elle est seule, personne ne lui répond jamais.
Comment vit-elle cette solitude dans le langage ?
Est-ce la folie qui la guette, ou l’aspiration à
vivre quelque chose de neuf, de nouveau ?
du 29 avril au 4 mai
Le Lenche, Marseille
05 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
© Enguerands-cdds
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© X-D.R
La Traversée...
Ergaste et Orgon, vieillards égoïstes, veulent
marier Lucile et Damis. Les deux jeunes gens
disent oui à leurs pères sans se connaître, puis
se jurent mutuellement de faire échouer les
projets paternels. Petit problème, l’amour les
foudroie ! Christophe Rauck joue furieusement
avec le marivaudage dont la violence des mots
dévaste la scène comme les cœurs en une
bataille sanglante : les comédiens font mentir
les élans de leurs corps jusqu’au supplice.
Amour ou orgueil ? Lucidité ou immaturité ?
Chez Marivaux, il n’y a pas de voix de la raison…
du 20 au 24 mai
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
Ligitimi
Cendrillon
© Cici Olsson
le 25 avril
Espace Busserine, Marseille
04 91 58 09 27
www.mairie-marseille1314.com
celle de cette jeune femme, élégante, spirituelle,
fine, et de ce misogyne, bourru, fait partie du
compte. Elle tombe en panne de voiture dans
un «trou perdu» du Poitou ; «seule bicoque à la
ronde», celle de ce solitaire sans téléphone, sans
voiture, à la limite des bottes de pluie d’enfant,
récupérées on ne sait où. Le dialogue teinté
d’humour noir décalé emporte le spectateur
dans un bel exercice de zygomatiques, mais
pas que. Le texte de Marc Bassler, mis en
scène par Philippe Sohier, permet à la Cie
l’AZILE de déployer toute sa verve dans un
huis clos qui a enchanté Avignon en 2012.
Joël Pommerat réécrit le conte de Cendrillon.
Il ne s’agit plus de l’univers galvaudé par Walt
Disney, mais d’une plongée poétique et onirique
dans le substrat de nos émotions et de nos
peurs d’enfance. Le conte, ici, concerne autant
les enfants que les adultes. Le point central
est la mort, souligne le dramaturge. La mise en
scène soutient cette belle écriture par des jeux
de lumières et d’ombres, des voix déconnectées
des corps, des effets de miroirs, de silences…
le conte devient prétexte à une fantastique
plongée dans l’inconscient. Vertigineux !
du 13 au 17 mai
Jeu de Paume, Aix-en-Provence
08 2013 2013
www.lestheatres.net
À vol d’oiseau, ça fait combien ?
le 3 mai
Cinéma Les Lumières, Vitrolles
04 42 77 90 77
www.cinemaleslumieres.fr
Le Kojiki
L’annonce faite à Marie
le 14 mai
Théâtre Vitez, Aix-en-Provence
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
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Le
6
jour
Le clown Arletti, seule sur scène, rôde autour des
lieux publics, cherche à s’approcher des gens,
tente de comprendre comment au 6e jour de la
création l’aventure de l’homme a commencé.
Elle vole le cartable d’un conférencier endormi
au pied d’un arbre (est-ce un pommier ?) et le
remplace pour sa conférence sur la Genèse.
Un spectacle drôle et tendre, d’une inventivité
toute élastique par François Cervantès et
Catherine Germain (dans le rôle d’Arletti) à
partir des plus de onze ans.
les 17 et 18 avril
Bois de l’Aune, Aix-en-Provence
04 42 93 85 40
www.agglo-paysdaix.fr
© X-D.R
L’œuvre de Claudel est toute de passion, amour,
jalousie, charité. Il est question de conversion,
de retournement, de pardon, la vie et la mort
se conjuguent dans un cadre qui les dépasse.
La transcendance, la présence d’un mystère
(au sens du théâtre du Moyen Age qui déclinait
la vie des saints) emplissent la pièce. Actuelle
encore ? Le metteur en scène Ivan Romeuf en
prend le pari, qui «sans religiosité aucune» se
sent envahi par «une vague de mysticisme… un
amour extraordinaire de la vie». L’amour ici est
renoncement. Pour le spectateur, le bonheur
de retrouver un texte sublime, interprété par
la compagnie l’Egrégore.
Écrit mis en scène et joué par Yan Allegret,
Neiges prend le prétexte d’un personnage qui
s’arrête au bord d’une route, sous la neige, à la
sortie d’une ville, pour plonger dans un voyage
immobile et initiatique où seront évoquées
les étapes de l’existence, de la naissance à la
dissolution. Ce texte porté par la Cie (&) So
Weiter a été édité aux éditions Espaces 34.
Une expérience de la contemplation qui se
partage avec le public.
le 18 avril
Le Comoedia, Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
© Christiane Robin
C’est au retour d’un voyage au Japon que Yan
Allegret décide de mettre en forme pour le
théâtre le Kojiki, le plus ancien texte japonais
écrit (712 ap. JC), une compilation de mythes
concernant l’origine des îles qui forment le
Japon et des dieux. Parmi ces récits, Yan
Allegret s’est attaché à ceux qui mettent en
scène raconte les origines du monde, avec le
couple de dieux originels Izanagi et Izanami.
Par certains aspects, la légende se rapproche
de celle d’Orphée. L’histoire est racontée par
un père à son enfant qui ne peut pas dormir.
Les étudiants du secteur théâtre d’Aix-Marseille
Université s’en donnent à cœur joie dans ce
récit qui répond à nos pourquoi.
du 6 au 10 mai
Théâtre Vitez, Aix-en-Provence
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
© Christophe Raynaud de Lage
À
vol d’oiseau…
Le théâtre joue des rencontres improbables :
Neiges
© Pierre Planchenault
La Cie Théâtre et sociétés présente son
nouveau spectacle Ligitimi à l’Espace Busserine.
Théâtre et sociétés a déjà créé et mis en scène
plus de onze pièces dont Les Contes de l’insertion,
Le Ballet de Fatima, La Révolution des Chibanis,
Pata Negra. Ces «enfants de la Busserine» ne
cessent d’explorer avec humour et talent les
problèmes de société contemporains. Ligitimi,
encore dans son mystère, devrait entraîner les
spectateurs dans une nouvelle et percutante
approche.
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J’avais un beau ballon rouge
le 13 mai
La Colonne, Miramas
04 90 50 66 21
www.scenesetcines.fr
du 16 mai au 4 juin
Les Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Le Songe…
Shakespeare à l’heure des arts numériques
et de la pop éthérée ! La Cie L’Unijambiste,
dans une mise en scène de David Gauchard,
donne naissance à une féerie contemporaine
à l’aide de logiciels interactifs, de triturations
graphiques, de beatboxing… en détournant
les objets usuels (Smartphones, consoles de
jeux) qui deviennent objets théâtraux. Les
effets visuels se succèdent, séduisant l’œil et
engendrant le rêve…
les 27 et 28 mai
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
Cyrano de Bergerac
© Brigitte Enguérand
Le Songe d’une nuit d’été
le 18 avril
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
L’intrépide Cadet Cyrano de Bergerac prend vie
dans le corps de Philippe Torreton. L’homme
au nez si grand vit dans l’ombre du sot Christian,
offrant au bellâtre son inspiration poétique afin
de séduire la Précieuse Roxane que les deux
hommes aiment en secret. Dominique Pitoiset
délaisse le romantisme et l’ambiance de cape
et d’épée d’Edmond Rostand et transpose
l’action dans un hôpital psychiatrique. Pendant
que la pièce évolue de la comédie au drame,
les pauvres hères envahissent la scène tandis
que Cyrano se tient coi, attendant la mort.
du 16 au 18 avril
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
El
Cid
L’Agence de Voyages Imaginaires s’empare
avec fougue de la pièce de Corneille, dans
une version décapante réécrite par Philippe
Car et Yves Fravega. Le théâtre se retrouve
sur une scène de chapiteau, s’anime d’une
musique d’inspiration hispanique, joue entre
humour et action tout en gardant la trame
cornélienne et les alexandrins !
le 16 mai
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
© Agnes Mellon
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En 1965, dans une maison calme, le père fait
ses comptes pendant que la fille étudie. Elle
veut refaire le monde, il veut la protéger. Homme
mesuré, il dirige son petit commerce de son
côté mais tente malgré tout de la raisonner.
Elle suit des études en «sciences politiques» à
Milan et lutte pour que soit reconnu l’intitulé
«sociologie». Un an plus tard, un groupe d’extrême
gauche se crée à Milan ; la jeune fille le rejoint
vite avec son amant. Michel Didym met en
scène le texte d’Angela Dematté avec Richard
et Romane Bohringer dans les rôles titres.
© Agathe Poupeney
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© Eric Didym
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Depuis sa création en 2011, le spectacle de
Bartabas, Calacas, draine les enthousiasmes.
S’inspirant de la tradition mexicaine de la fête
des morts, le Théâtre équestre Zingaro offre
une fresque bruyante et colorée, dans cette
célébration où la mort célèbre la vie. À l’appel
des chinchineros, hommes orchestres (dont
le nom vient de la cymbale, chin-chin), une
cavalcade endiablée de vingt-neuf chevaux
et de squelettes entre en scène, menée par
la Catrina, résurgence de la déesse aztèque
Mictecacihuatl, la Dame de la Mort, épouse du
Seigneur de la terre des morts, Mictlantecuhtli
(les avis sont partagés, mais l’histoire est belle).
Le dispositif scénique complète la piste centrale
par une autre, comme aérienne qui entoure les
spectateurs, donnant l’illusion que les chevaux
volent littéralement au-dessus de nous. Le
cheval devient alors un animal psychopompe
(qui conduit les âmes dans l’au-delà) dans ce
requiem païen aux accents de Carnaval. Un
spectacle magique et endiablé, incontournable !
Songe © Thierry Laporte_Cie Unijambist
J’avais un beau ballon... Calacas
Les
Pieds Tanqués À Haute voix #2 et #3
Quatre joueurs de pétanque -un Pied Noir, un
le 23 mai
Forum des Jeunes, Berre-l’Étang
04 42 10 23 60
www.forumdeberre.com
Nuits
secrètes 4
Initiées par Catherine Dan, la directrice du
Sonia Chiambretto © X-D.R
Français d’origine algérienne, un Provençal de
souche et un Parisien- se retrouvent, s’opposent,
livrent leur vérité, chacun avec une déchirure
secrète et un lien avec la guerre d’Algérie. Un
jeu qui les unit au-delà de la simple partie de
boule, pour évoquer les blessures de l’exil, de
la culpabilité, des rancœurs, et des pardons.
L’auteure Sonia Chiambretto poursuit ses
apéros littéraires, délocalisant celui du 18 avril
à Manosque (théâtre Jean le Bleu), en invitant
Rémi De Vos pour la lecture d’un texte inédit
Le licenciement. L’artiste associée au Théâtre
Durance lira pour sa part un extrait de Zone
éducation prioritaire. Retour à Château-Arnoux
pour la 3e rencontre (9 mai), pour une lecture
musicale en compagnie du saxophoniste
Raphaël Imbert.
CNES La Chartreuse, les Nuits secrètes offrent
de découvrir les travaux des résidents et des
répétitions publiques, de la première lecture à
la création. À suivre, pour cette 4e nuit Les mots
qui dansent, les travaux de Geisha Fontaine,
Pierre Cottreau, Charles-Éric Petit…
le 17 mai
La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon
04 90 15 24 24
www.chartreuse.org
les 18 avril et 9 mai
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
Chienne de vie, Collectif Le Bleu d’Armand © X-D.R
Festival Emergence(s)
Territoire…
La comédienne dramaturge Sally Campusano
Torres, après un atelier-résidence au théâtre
du Briançonnais dans lequel elle a rencontré
des étrangers du territoire, rassemble dans
une histoire sans frontières la parole, intime
et universelle, d’immigrants. Du théâtre récit
choral autour de l’exil et du déracinement pour
découvrir d’autres paysages.
Pour la 4e édition du festival de la jeune création,
16 projets pluridisciplinaires ont été retenus
par Surikat Production, créatrice cet hiver de
l’outil de mutualisation La Plateforme. Dépassant le cadre originel d’artistes régionaux, ils
ont toujours la part belle : l’exposition Vies
silencieuses à l’Eglise des Célestins, la Cie
Rhizome à découvrir sur un texte de David
Harrower, deux créations jeune public par La
Locomotive et Jeux de mains Jeux de vilains,
les courts métrages de Clémence Demesme à
l’Utopia, le Ballet des Zigues à La Chartreuse
et l’électro pop d’Andromakers. Sans oublier,
le collectif imaginatif le Bleu d’Armand, la
Cie Protéiformes et son sensible Molly, et la
création burlesque dansée qui tombe à pic :
Intermittence par a2Compagnie.
du 8 au 18 mai
Divers lieux, Vaucluse et Bouches-du-Rhône
09 82 52 43 69
www.emergences-festival.com
© Sally Campusano
Territoire, itinérance intime de l’immigration
le 7 mai
Théâtre du Briançonnais, Briançon
04 92 25 52 42
www.theatre-du-brianconnais.eu
Comme s’il en pleuvait La fin du monde…
© Emmanuel Murat
© X-D.R
Music-Hall
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le 19 avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Une année sans été
le 18 avril
Théâtre du Rocher, La Garde
04 94 08 99 34
www.ville-lagarde.fr
Spectacle existentiel et surréaliste écrit et
interprété par l’ex-Deschiens François Morel,
chroniqueur radio (im)pertinent. Sa prose,
tendre et absurde, s’amuse avec les genres,
parle d’amour, de mort, et du temps qui passe.
«Promettez-moi de rire» annonce le comédien
qui nous entraîne dans la fin d’un monde autour
d’une galerie de personnages truculents.
La fin du monde est pour dimanche
les 3 et 4 mai
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
le 6 mai
Palais des Congrès, Saint-Raphaël
04 94 19 84 11
www.saint-raphael-congres.fr
le 7 mai
Théâtre Liberté, Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
Days of nothing
À partir du personnage de l’écrivain Rémy
Brossard, auteur en résidence dans un collège,
la pièce de Fabrice Melquiot (L’Arche éditeur),
montée par la compagnie L’Étreinte, raconte le
carambolage de deux générations, deux réalités.
D’un côté le corps enseignant coincé dans
un système obsolète, de l’autre l’adolescent
désenchanté qui veut s’en sortir. Entre les
deux, l’espoir d’un avenir meilleur.
les 25 et 26 avril
Espace des Arts, Le Pradet
04 94 01 77 34
www.le-pradet.fr
Imago
© Cie l’Etreinte
Pour accompagner et transmettre son expérience
à de jeunes comédiens, Joël Pommerat met en
scène une œuvre qu’il n’a, exceptionnellement,
pas écrite. Le texte de Catherine Anne, entre
noirceur et légèreté, raconte l’entrée dans
l’âge adulte, ce passage délicat et essentiel
incarné par cinq garçons et filles confrontés
aux grandes questions existentielles au début
du XXe siècle.
le 13 mai
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
le 16 mai
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Made in Cannes hors les murs (au Lycée Alfred
Hutinel) avec la projection d’un projet autour
de la place de l’art dans l’enseignement, mené
par Cyril Teste et joué par les étudiants de
l’ensemble 21 de l’ERAC. À partir de la pièce
ADN de Denis Kelly, le metteur en scène à
écrit le film Imago, réalisé en immersion dans
un lycée.
du 16 au 18 avril
Direction des affaire culturelles, Cannes
04 97 06 44 90
www.madeincannes.com
© R. Helle
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Témoignage de l’engagement de Jean-Luc
Lagarce dans le théâtre, la pièce Music-Hall
montée par Johanny Bert, directeur du centre
dramatique Le Fracas de Montluçon, rassemble
les désirs et désillusions d’une chanteuse, la
Fille, et ses deux Boys. La fragilité du métier de
comédien, les rêves de célébrité, les tournées
dans les salles polyvalentes et l’envers du décor
se dévoilent pour montrer le besoin viscéral
d’être en scène. Pour rester vivant.
© Elizabeth Carecchio
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Comédie de boulevard sur l’argent, écrite
par Sébastien Thiery et mise en scène par
Bernard Murat, Comme s’il en pleuvait révèle
d’humaines contradictions. L’argent fait-il le
bonheur ? Surtout s’il tombe du ciel ? Peut-on
renier ses idéaux pour un costume de luxe ?
Bruno et Laurence, petits bourgeois simples et
sans prétention, incarnés par le couple Arditi/
Buyle, s’efforceront d’y réfléchir. Loufoquerie
et multiples rebondissements à la clé.
© Manuelle Toussaint
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En partenariat avec le GMEM, La Criée accueille
Anne Teresa De Keersmaeker pour un
spectacle basé sur l’œuvre du compositeur
Gérard Grisey, maître de la musique spectrale
disparu en 1998. On retrouve dans leur travail
les mêmes obsessions : contractions et dilatations temporelles s’extraient d’une architecture
rigoureuse, toute en tension. Un travail sur la
rencontre du son et du mouvement, dans une
spirale hallucinatoire.
Programme mixte
L’Étranger
Le danseur Emio Greco et le chorégraphe-dramaturge Pieter C. Scholten, les deux nouveaux
directeurs artistiques du BNM, reprennent
au Gymnase leur chorégraphie adaptée du
roman de Camus, créée au Jeu de Paume en
novembre 2013. Au cœur d’une scénographie
multimédia prodigieuse -et notamment le cadre
de scène fait de centaines d’ampoules qui
dessinent les états intérieurs de Meursault-, la
danse d’Emio Greco suit pas à pas les étapes
clé du roman.
le 16 mai
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
© X-D.R
© Anne Van Aerschot
Vortex Temporum
Le Ballet National de Marseille sera à Rousset
avec trois pièces : Sixième Pas, duo créé en
2012 par Michel Kelemenis avec Katharina
Christl, puis Burn in Flames, solo de Gábor
Halász primé aux Hivernales d’Avignon il y a
deux ans. Et surtout Mayday Mayday Mayday, This
is..., opus toujours brûlant conçu par Yasuyuki
Endo au lendemain du tremblement de terre et
du tsunami survenus en mars 2011 au Japon.
le 13 mai
Salle Émilien Ventre, Rousset
04 42 29 82 53
www.rousset-fr.com
les 16 et 17 mai
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
© Alwin Poiana
© Eliane Bachini
Utsushi
Obsession
Inspiré par le chef-d’œuvre cinématographique
de Luis Buñuel, Un chien andalou, Saburo
Teshigawara poursuit inlassablement ce qui
au sein d’un couple s’échappe toujours, la
perfection inatteignable du duo. Il évolue avec son
interprète favorite Rihoko Sato dans un tango
surréaliste, privilégiant l’échec, les tentatives
de raccordement impossible, l’immémoriale
lutte entre amants obsessionnels.
les 21 et 22 mai
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
sens de l’ouverture, en invitant sa compagnie
professionnelle à travailler sur des chorégraphies aussi diverses que celles de Sun-A Lee,
Dominique Hervieu, Blanca Li, Germaine et
Patrick Acogny, Katharina Christl et Eun-Me
Ahn. Les danseurs de Grenade s’offrent à la
rencontre lors d’une sortie de résidence, dans
le cadre des Avant-Premières de la Maison
pour la danse.
du 5 au 7 mai
KLAP, Marseille
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
Créée en 1975 par Ushio Amagatsu, la
compagnie Sankai Juku -exclusivement
masculine- explore le genre Butô avec ses
danseurs au crâne rasé, enduits d’une poudre
blanche évoquant les cendres d’Hiroshima. Le
chorégraphe a rassemblé plusieurs extraits
de son abondant répertoire en un spectacle
exceptionnel, qui tente d’exprimer l’indicible
en repoussant les limites du corps et de l’âme.
les 9 et 10 mai
Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille
04 91 90 07 94
www.theatrejoliette.fr
© Emmanuel Valette
Welcome
Josette Baiz démontre encore une fois son
Bal chorégraphié
Itinérances
Nicolas Le Riche, danseur étoile du Ballet de Habitués du territoire vauclusien, Denis
l’Opéra de Paris, puise dans le répertoire de
différents chorégraphes : Russell Maliphant
avec Critical Mass et Shift, Le jeune homme
et la mort de Roland Petit, et L’Annonciation
d’Angelin Preljocaj. En y adjoignant sa propre
Odyssée, il compose un spectacle de duos
interprétés par des danseurs au sommet de
leur art.
les 20 et 21 mai
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
08 2013 2013
www.lestheatres.net
Plassard et sa compagnie lyonnaise Propos
vous invitent à entrer dans la danse lors de la
huitième soirée Escal’à’Thor ! Que vous soyez
expérimenté ou novice absolu, encore dans
l’enfance ou adulte depuis bien longtemps,
l’objectif est le même : se laisser guider, et
prendre un maximum de plaisir au partage du
mouvement et de la musique.
le 6 mai
Auditorium Jean Moulin, Le Thor
04 90 33 96 80
www.artsvivants84.fr
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Objet principal...
Elektro kif
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les 15 et 16 avril
Grimaldi Forum, Monaco
377 99 99 20 00
www.grimaldiforum.com
les 23 et 24 avril
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Il y a quelques années, Herman Diephuis
animait un atelier à Ouagadougou. Touché par
l’énergie et l’ouverture des danseurs burkinabés
malgré une situation géopolitique et économique
très tendue, il a créé une pièce pour poursuivre
cette aventure humaine. Son Objet principal
du voyage se veut un «territoire d’écoute et
d’attention» par delà les frontières, loin des
clichés imprégnant trop souvent l’exotisme
africain.
Objet principal du voyage
le 16 mai
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
Amoveo...
Trois pièces de Benjamin Millepied en une
soirée ! Voilà qui devrait ravir le public du Forum :
son propre Amoveo, créé en 2006 pour l’Opéra
de Paris (au sein duquel le chorégraphe exercera
bientôt les fonctions de directeur de la danse),
puis Le spectre de la rose et Les Sylphides,
deux ballets composés par Mikhaïl Fokine
avant la 1ère guerre mondiale, et qu’il revisite
avec impétuosité.
le 13 mai
Théâtre Le Forum, Fréjus
04 94 95 55 55
www.aggloscenes.com
East
shadow
Monaco accueille la première étape européenne
Le 4e souffle
© Lucie Jean
Amoveo, Le Spectre de la rose et Les Sylphides
le 16 mai
Théâtre Le Forum, Fréjus
04 94 95 55 55
www.aggloscenes.com
Blanca Li s’attaque à l’électro ! En enfermant
huit danseurs survoltés... dans une salle de
classe. La plus touche-à-tout des chorégraphes
poursuit son exploration de la culture urbaine, et
n’hésite pas à jouer de ses codes, en l’extrayant
de la simple performance, mais en conservant
son énergie pure. Un spectacle tout public à
partir de 3 ans.
© GTG/Gregory Batardon
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vingt-deux interprètes virtuoses du Ballet du
Grand Théâtre de Genève présentent deux
œuvres spirituelles, fruit du travail de jeunes
chorégraphes. Lux de Ken Ossola, variation
sur l’ombre et la lumière au rythme du Requiem
de Fauré, et Glory d’Andonis Foniadakis, sur
les airs baroques de Haendel.
Le Spectre de la Rose, Benjamin Millepied © GTG Vincent Lepresle
de ce spectacle créé au Japon par Jirí Kylián. Le
chorégraphe se confronte à l’univers de Samuel
Beckett, lui empruntant humour désespéré
et profond sens de l’absurde, pour faire face
aux terribles conséquences de la catastrophe
survenue à Fukushima en 2011. Une ombre
grandit à l’est... et elle n’a pas fini de contaminer
le monde.
les 17 et 18 avril
Grimaldi Forum, Monaco
377 99 99 20 00
www.grimaldiforum.com
Ils ont formé un collectif de clowns, musiciens,
danseurs, et composent à quatre (Hakim
Hachouche, Muriel Henry, Jérémie Prodhomme et P.Lock) une partition hilarante
sur fond de hip hop. N’hésitant ni à intervertir
les rôles, ni à dévoiler les petits moments de
faiblesse ou d’hésitation que l’on cèle d’habitude
au public, ils partagent avec lui toute leur fougue,
et l’extrême jubilation de créer.
le 15 mai
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
© Kylian productions
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© Patrick Fischer
© X-D.R
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Lux
et Glory
À l’invitation du Monaco Dance Forum, les
Le monde sans le tout Le Petiloquent…
© J. Chaize
© Christophe Loiseau
Cabaret
Grimm
Le Petit Chaperon rouge, Blanche-Neige et
compagnie, tout l’univers des Frères Grimm
se déploie dans la création de l’Atelier Théâtre
Actuel. En mêlant la magie, la musique, les
marionnettes, le Cabaret Grimm, adapté et
mis en scène par Ned Grujic, embarque son
public au pays des princes, des princesses,
des ogres et des loups.
le 7 mai
Salle Émilien Ventre, Rousset
04 42 29 82 53
www.rousset-fr.com
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Et si avant d’être «découverts» par Christophe
Colomb, les Amérindiens avaient découvert
l’Europe ? Le monde sans le tout (Il mondo senza
il tutto) conte cette histoire, celle d’un voyage
«à l’envers», d’ouest en est, d’un habitant du
Nouveau Monde qui débarque sur l’Ancien. À
partir d’un texte de l’Italien Norberto Cenci,
Fabrizio Cenci, son frère, joue cette version
des faits, portée par la compagnie Skappa et
mise en scène par Isabelle Hervouët.
Le Petiloquent Moustache Comédie Club
les 15 et 16 avril
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
du 17 au 19 avril
Théâtre Massalia, Marseille
04 95 04 95 75
www.theatremassalia.com
PetitOpus
La compagnie Éclats, spécialisée dans la création
© Corbaks
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Le Grandiloquent c’est pour les grands. Inévitablement, Le Petitloquent, c’est pour les
petits. Astien, Ed Wood et Mathurin des
Côtes du Nord sont les interprètes de ce
Moustache Poésie Club. Malgré leur pilosité
d’adulte, les trois compères sont revenus dans
la cour d’école. Ils invitent le jeune public à
jouer avec eux et à devenir des enfants-poètes.
Leur slam, posé sur des textes pleins d’humour,
de rythme et de poésie, embarque les enfants
dans un univers déjanté.
musicale, présente PetitOpus, où se mêlent
théâtre et musique. Avec ses deux harpes, la
petite et la grande, Eloïse Labaume joue trois
pièces musicales de Bernard Cavanna, mais
aussi de petites œuvres de théâtre musical de
Georges Aperghis et d’Aurelio Edler-Copes.
Un spectacle fait de voix, de sons, de mélodies,
de mouvements et d’émotions, à découvrir
au Théâtre Massalia ou en tournée du 5 au 9
mai dans les crèches et écoles de Marseille.
le 10 mai
Théâtre Massalia, Marseille
04 95 04 95 75
www.theatremassalia.com
Pantin Pantine
Mino
Mushi
Au milieu des dunes d’un désert, la compagnie Le
chat perplexe propose un voyage chorégraphié
et poétique. Le son du sable ou des bambous
accompagne cette création, aux frontières de
la danse, de la musique et du théâtre. Les trois
interprètes féminines passent d’un univers à
l’autre, avec des références asiatiques pour
point commun. Le spectacle sera présenté à
la salle des fêtes de Venelles dans le cadre du
Festival Mon Echappée Belle.
le 18 avril
Salle des fêtes, Venelles
08 99 02 43 98
www.venelles.fr
© Jean Radel
À force de tout faire trop vite, voilà que ce
petit enfant fait une grave chute de vélo. Dès
lors, plus rien ne sera comme avant. Créée
à partir du conte musical d’Allain Leprest
et Romain Didier, Pantin pantine est une
co-production entre l’Éducation Nationale et
la Mairie des 13e et 14e arrondissements de
Marseille. Les musiciens du groupe Présence
accompagnent le chœur, composé de classes
de l’école Vayssière et de l’école de La Viste.
Les danseurs viennent de l’école Malpassé
Les Lauriers. Clothilde Quin, intervenante
musicale en milieu scolaire, joue les chefs
de chœur, et Jean-Yves Lievaux, du groupe
Alcaz, est le conteur du spectacle.
du 16 au 18 avril
Espace Culturel Busserine, Marseille
04 91 58 09 27
www.mairie-marseille1314.com
© J.P. Vergonzanne
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© Mathias Glikmans
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Cyrano de Bergerac La
République des... Hansel et Gretel
Et si l’apprentissage de la citoyenneté commençait au théâtre ? Deux comédiens entrent
en scène et annoncent qu’une nouvelle nation
vient d’être créée. Mais il faut d’emblée fixer
des règles. Qui dirigera ? Les deux interprètes
se présentent aux élections et invitent le jeune
public à se transformer en peuple souverain.
C’est la naissance de La République des enfants.
En 2012, la compagnie italienne Teatro delle
Briciole, était accueillie en résidence au Pôle
Jeune Public du Revest. Deux ans plus tard, ils
présentent la version finale de leur spectacle.
Mauvaise
herbe
Ce vieil homme qui va bientôt mourir s’accroche
le 17 mai
Salle culturelle, Simiane-Collongue
04 42 22 62 34
www.simiane-collongue.fr
© Jean-Michel Echemaïté
Le Pop-up Cirkus
à son rêve éternel : voler. Son chemin croise
celui d’un enfant qui va partager avec lui les
derniers moments avant le grand saut. C’est
l’histoire de cette éphémère amitié que nous
conte Mauvaise herbe. Sur un texte de Raoul
Pourcelle et Serge Boulier, qui signe également
la mise en scène, les comédiens laissent parfois
place aux marionnettes et vice-versa. Création
de la compagnie Bouffou Théâtre, conseillée
à partir de 9 ans.
le 7 mai
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Cabaret
couleur
Les créations de la Compagnie À suivre
À la manière d’un livre pop-up, ces ouvrages
où les dessins se déplient en trois dimensions,
la compagnie Théâtre L’Articule propose une
création autour de l’univers du cirque. Dans Le
Pop-up Cirkus, Fatna Djahra, accompagnée à
la mise en scène par Titoune Krall du Cirque
Trottola, donne vie à un chapiteau et aux
personnages qui l’animent. Les marionnettes,
créées par Einat Landais, emportent les tout
petits et les plus grands dans ce tour de piste.
les 14 et 17 mai
Les Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
mêlent théâtre, arts du cirque, musique, conte
et marionnettes. Dans Cabaret couleur, les
artistes enchaînent les numéros jusqu’à ce
que la disparition de la chanteuse interrompe
brutalement le spectacle. Vingt ans plus tard,
les mêmes se retrouvent. Ils n’ont rien oublié
de leur art ni de leur complicité, le spectacle
reprend comme si de rien n’était. Ou presque.
Car il faut bien chercher à comprendre comment
tout cela a pu arriver.
le 29 avril
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
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© La Cordonnerie
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C’est la crise financière des années 70. Hansel
et Gretel, deux vieux magiciens à la retraite,
vivent dans une caravane avec leur fils Jacob,
au chômage depuis un an. L’argent manque
cruellement. Comment Jacob va-t-il pouvoir
continuer à nourrir ses parents ? Une version
revisitée du conte des Frères Grimm, qui
inverse les rôles et interroge notre rapport
aux personnes âgées. Une création de la Cie
La Cordonnerie, présentée sous forme de
ciné-spectacle, à voir dès 6 ans.
le 20 mai
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Hansel
et Gretel
Dans leur tout petit théâtre, les Frères Meren-
doni, descendants d’une fameuse famille de
marionnettistes italiens, jouent le classique
des Frères Grimm. Hansel et Gretel, piégés
par leurs parents, sont abandonnés dans une
terrible forêt. Les deux Turinois, Pasquale
Buonarota et Alessandro Pisci, présentent
ici leur dernière création, s’amusent à brouiller
les pistes et jouent le théâtre dans le théâtre.
Tout n’est pas vraiment vrai mais rien n’est
vraiment faux.
le 18 avril
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
© X-D.R.
© X-D.R.
L’œuvre d’Edmond Rostand est, paraît-il, la
pièce de théâtre la plus jouée au monde. La
compagnie Le Souffle propose sa version de
Cyrano de Bergerac, dans une mise en scène
signée Bruno Deleu. Incluant les codes du
cirque (jonglage, acrobatie), de l’art des masques
et de l’escrime, cette création présente une
particularité : celle de confier le rôle de Cyrano
à deux interprètes. Une manière de restituer
les contradictions et même la folie qui hantent
ce personnage légendaire.
La République des enfants
le 14 mai
Théâtre de Fos
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
le 17 mai
Théâtre La Colonne, Miramas
04 90 50 66 21
www.scenesetcines.fr
le 20 mai
Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.fr
le 23 mai
La Croisée des Arts, Saint-Maximin
04 94 86 18 90
www.st-maximin.fr
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Molin-Molette
IstanbulFestivalScènes… Monsieur, Blanchette…
Faudrait être un âne © X-D.R
Molin Molette © Jean-Pierre Estournet
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Un couple de chercheurs, moitié fous, moitié
clowns, élève des ressorts en laboratoire et
fabrique du silence. Mais les matières qu’ils
travaillent sont bien trop capricieuses. Comment maîtriser des ressorts, qui ne pensent
qu’à rebondir, et le silence, qui ne rêve que
d’être brisé ? Qu’importe, il en faut plus pour
décourager Molin et Molette, grands spécialistes
en indiscipline scientifique. Sur un texte de
Pierre Meunier, de la compagnie La Belle
Meunière, cette expérience hors norme est
à découvrir à partir de 6 ans.
Istanbul Festival Scènes Grand Écran
Le sort de Karagöz, Faudrait être un âne, Divines
Absurdités
le 16 mai
Théâtre Liberté, Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
le 14 mai
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
Le Petit Poucet
Ce petit Poucet-là n’a pas de frères, il est
l’enfant unique de ses parents. Mais l’argent
fait défaut, alors après tout, quoi de mieux
qu’une partie de cache-cache improvisée en
forêt ? Ses parents pourront enfin prendre
un peu de bon temps. Et Poucet découvrira
l’univers de confort et d’abondance de l’ogre
et de l’ogresse. Dans cette relecture décalée
du conte de Perrault, l’auteur et metteur en
scène Laurent Gutmann, dénonce les travers
de notre société de consommation et de loisirs
à outrance. Un spectacle grinçant et drôle, à
apprécier à partir de 8 ans.
le 7 mai
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
© Pierre Grobois
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Pendant la 9e édition du Festival Scènes
Grand Écran de Toulon, consacré cette année
à Istanbul, le jeune public sera également de la
fête. Programmés par le Pôle Jeune Public, les
spectacles se joueront au théâtre Liberté. C’est
le théâtre d’ombres traditionnel de Turquie qui
sera mis à l’honneur avec deux représentations
très différentes. Rûsen Yildiz, un montreur
d’ombres, et Pierre Blanchut, un musicien,
en seront les interprètes. Le sort de Karagöz,
à voir dès 6 ans, conte l’histoire de Karagöz
et d’Hacivat. Le premier n’a plus de langue,
le second n’a plus d’oreilles. Tous deux sont
condamnés à vivre comme des siamois pour
communiquer avec le monde et essayer de
faire fortune. Dans Faudrait être un âne, le
personnage de Nasr Eddin Hodja, héros des
légendes turques, est au cœur de l’action. Le
récit de ses aventures, à mi-chemin entre le
conte pour enfants et la philosophie, mène
à la réflexion sur la foi, le destin, l’amour ou
la mort. À partir de 12 ans.
Monsieur aimerait élever paisiblement son
troupeau de chèvres. Mais son voisin le loup est
bien trop gourmand pour lui laisser ce plaisir.
Que se passera-t-il si Monsieur ramène une
vache ? La belle Blanchette, n’est pas «comme
les autres». Elle est très curieuse et Monsieur a
bien du mal à contenir sa soif de liberté. Dans
son adaptation du récit d’Alphonse Daudet,
le dramaturge José Pliya transporte l’histoire
en Guadeloupe. Mais en Provence comme aux
Antilles, un loup reste un loup...
Monsieur, Blanchette, et le loup
les 23 et 24 avril
Théâtre Le Forum, Fréjus
04 94 95 55 55
www.aggloscenes.com
Babayaga
© Davide Venturini
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© Danielle Vendé
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La Babayaga, légendaire personnage des contes
russes, est une ogresse sauvage qui aime les
enfants quand ils sont bien cuits. Une petite
fille, contrainte de quitter sa famille, doit se
rendre dans la maison de la terrible sorcière. Ses
rencontres en chemin suffiront-elles à la protéger
du féroce appétit de Babayaga ? La compagnie
italienne TPO signe une chorégraphie adaptée
de cette fable traditionnelle. Les peintures de
Rebecca Dautremer, illustratrice de l’ouvrage
qui a inspiré le spectacle, projetées sur scène,
enrobent les danseuses d’un voile rougeâtre
ajoutant une dimension poétique à cet univers
inquiétant et mystérieux.
le 7 mai
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
Travellings
Tendance
Clown
Créé par le Daki Ling, le festival Tendance Clown continue
de rayonner et de mettre à l’honneur le clown contemporain
dans la cité phocéenne grâce à un réseau de partenaires, dont
l’implication historique de Karwan, qui s’enrichit année après
année. Sur 25 représentations proposées sur près de 3 semaines,
12 seront offertes gratuitement, au Parc Maison Blanche, au
Parc Longchamp et aux Halles Delacroix. Il sera ainsi possible
de découvrir, dès le 8 mai, Barbe Bleue assez bien racontée,
l’hilarant Out ! (Air Tennis), ou une tragi-comédie sur la fin des
comiques dans Les Démodés.
L’évènement débute le 1er et 2 mai avec Valérie Véril qui détourne
un conte africain, façon 26 000 Couverts dans Attifa de Yambolé,
accompagnée en première partie de la clown Carole Fagès.
La compagnie marseillaise Kitschnette présentera sa nouvelle
création Road Tripes, à La Friche (le 3 mai), au Parc Longchamp
(le 10) et, en partenariat avec Karwan, à la Cité des Arts de la
Rue (le 14 mai dans le cadre du Réseau Inter Régional Rue). Une
déambulation jubilatoire, philosophique (et gratuite) de Pierre
Pilatte, Be Claude, embarquera les spectateurs du Cours Julien
aux grilles du Conservatoire, où dans la cour intérieure ce 9 mai,
la Cie La Chouing poursuivra sa recherche sur l’humain dans
Ainsi soit-il ! Retour au Jardin des Muses avec les Pompes funestes,
une cérémonie clownesque à l’humour noir, et une conférence
drolatique dans le Gai savoir du clown. Dans Eliane, entrez dans
un tableau de maître avec quatre femmes qui redéfinissent un
visage de femme kaléidoscopique.
Le provocateur et anarchique Jango Edwards clôturera cette
9e édition au Théâtre Nono, pour une date unique en France,
accompagné par la clown catalane Cristi Garbo. Une légende !
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Crew © Eric Joris
du 1 au 18 mai
Divers lieux, Marseille
Réservations www.espaculture.net
Au Daki Ling dès le 1er avril
45 A rue d’Aubagne
Attifa © Véronique Hallard
Après Champ harmonique et Métamorphoses, temps forts conçus
dans le cadre de MP13, Lieux publics lance une nouvelle programmation,
invitant neuf compagnies et artistes européens pour des regards en
mouvement sur la ville dans le quartier Canebière-Belsunce-Réformés-Parc
Longchamp. En complicité artistique avec l’agence touriste et dans
le cadre du réseau européen pour la création en espace public In Situ,
dix spectacles déambulatoires offriront des manières différentes de
circuler et arpenter Marseille, à partir du haut de la Canebière, point
de départ de tous les parcours artistiques. En ouverture et clôture de
l’évènement, un diptyque de l’agence touriste autour de la marche
artistique et de la dérive dans la ville : Sirènes et midi net (le 7 mai
à midi) avec Go East (l’échauffement) pour préparer une échappée
urbaine pleine de sens et de détours (le 11 mai), Go East (le voyage).
Entre-temps, entrez dans un réseau social virtuel avec Like me de Judith
Hofland ; découvrez l’œuvre plastique de Maria McCavanna, Dot to
Dot, un parcours autour de la mémoire créé à l’échelle européenne ;
vivez la performance hybride C.a.p.e. de CREW, armés de lunettes
vidéo et d’écouteurs pour découvrir un ailleurs virtuel. Suivez également
l’émeute poétique Tape Riot, proposée par le collectif d’artistes Asphalt
Piloten, entre distorsion physique urbaine et intervention chorégraphique
qui ravivent le quotidien ; installez-vous dans une boîte noire mobile
pourvue d’une vitre sans taint et devenez le témoin d’un paysage urbain
expérimental dans Birdwatching 4x4 ; écoutez les récits recueillis autour
d’un immeuble du centre de Marseille dans Hello and Goodbye ; ou un
récital de pop-music en suivant les cinq artistes chanteurs hongrois de
HOPPart dans Scale 1/5 ; et enfin, à partir des répertoires des chorales
marseillaises, déambulez dans la galerie de tableaux en mouvement
offerts par la compagnie tchèque Stage code.
du 7 au 11 mai
Lieux publics, Marseille
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.com
Rien
n’est moins sûr…
Le Collectif de la Bascule porte bien son nom… car tout le spectacle
se construit autour de cet objet dont on déconstruit le fonctionnement
au fur et à mesure que le temps s’écoule ! Haute voltige, acrobaties
vertigineuses, portés inattendus, en haut, en l’air et en travers un saut
surgit… et ça redémarre ! Pas de répit, ni pour les yeux, ni pour le souffle !
Rien n’est moins sûr (mais c’est une piste)
le 30 avril
Forum de Berre
04 42 10 23 60
www.forumdeberre.com
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novatrice et pleine d’humour, nourrie par plusieurs
disciplines artistiques. Contorsion, équilibre
précaire sur les mains, l’artiste brouille les
repères, accompagné par la vidéo, la lumière
et une musique envoûtante qui font chavirer
les sens dans une rêverie qui devient évidence.
Dans le cadre des Nomade(s) de la Scène
nationale de Cavaillon.
le 16 mai
Espace Folard, Morières-les-Avignon
le 17 mai
Salle de l’Espacier, Noves
le 19 mai
Espace Jardin de Madame, Oppède
le 20 mai
Salle de l’Arbousière, Châteauneuf-deGadagne
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
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le 6 mai
Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.fr
La Vieille
le 13 mai
L’Homme du dehors
le 20 mai
Théâtre d’Arles (dans la ville)
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Happy
manif
Déambulation chorégraphique joyeuse et décalée
propice à la bonne humeur générale, le spectacle
est un jeu de rôle grandeur nature. Casque
sur les oreilles, les participants suivent des
indications loufoques et joyeuses de déplacement
et d’actions données par David Rolland, artiste
atypique qui transforme tout en piste de danse,
et deviennent interprète d’une partition urbaine
des plus originales sur des rythmes électro-pop.
les 16 et 17 mai
Théâtre d’Arles (dans la ville)
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Gramoulinophone
Ce drôle de nom est à la hauteur de l’expérience Qui-vive
Maître dans l’art de la magie nouvelle, Thierry
promise : trois personnages, mi clowns, mi
comédiens, et une tortue (!), invitent à s’acoquiner au merveilleux, à l’étrange, dans un
ailleurs peuplé de trucages, de phénomènes
optiques, sonores et mécaniques… La Cie
2 rien merci fait de sa baraque de foire un
espace de découvertes…
les 15 et 16 mai
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Collet, accompagné par l’italien Carmelo
Cacciato et le belge Kurt Demey, offre une
véritable expérience autour de la manipulation
des consciences. «Je ne fais pas de la magie
pour endormir les gens, mais pour les réveiller»,
explique le concepteur du projet. À nous de
rester sur notre qui-vive pour déjouer les effets
psychologiques, ou plonger dans l’art de l’illusion.
Bluffant !
le 13 mai
La Croisée des Arts, Saint-Maximin
04 94 86 18 90
www.st-maximin.fr
les 20 et 21 mai
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Lune
Air
Clown, mime, bruiteur, Julien Cottereau est
Azimut
Pyramides humaines, acrobaties en cercle,
tradition de la troupe du Groupe acrobatique
de Tanger, au Maroc, se frottent à la composition
contemporaine sous l’impulsion d’Aurélien
Bory. Un spectacle qui se fraiera un chemin
à travers un Tanger en pleine mutation, où les
acrobates diront «la fragilité de leur existence»
et leur inébranlable volonté de pratiquer leur art
ancestral en le confrontant au monde azimuté
qui les entoure.
le 17 avril
Théâtre Liberté, Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
tout cela à la fois et encore plus. Sa nouvelle
performance conduit le public dans un univers
onirique où l’invisible devient sensible, agrémenté
de vidéo et effets numériques utilisés à bonne
dose. Un illusionniste de talent qui utilise la
délicatesse, la démesure et le rire pour décrocher
la lune. La poésie se partage : une expérience
à voir en famille !
les 16 et 17 mai
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
© AFP
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La Cie de l’ambre présente à Arles deux des
épisodes du Grand ordinaire, des spectacles
déambulatoires sous forme de feuilleton théâtral, pictural et musical écrits et mis en scène
par Claudine Pellé, en peinture par Chris
Voisard et en musique par Olivier Migniot.
Dans ces portraits de vie ordinaire il y a La vieille
(impressionnante Mireille Mossé), dont la vie
s’expose dans ce récit qui dit l’urgence, les
souffrances et les joies de celle qui raconte ses
visites à son dernier fils emprisonné, sa poule
sous le bras. Cette histoire poignante, poétique,
reste comme suspendue dans l’air ambiant au
fil de la déambulation. Le deuxième volet de
ce feuilleton (la Cie présente-là une étape de
travail, la première aura lieu le 31 mai lors du
Festival Chaud Dehors à Aubagne) raconte
le fils de la vieille, L’Homme du dehors (Éric
Pécout). L’écriture magnifique et particulière
de Claudine Pellé remonte le temps, pour dire la
vie de ce chauffeur routier qui un jour «ramasse»
une fille de l’Est, sans papiers, et atterrit en
prison sans qu’on ne sache encore pourquoi...
© Jean-Pierre Estournet
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Les trois acrobates du Cirque Inextrémiste,
en équilibre sur un capharnaüm de planches
posées sur des bouteilles de gaz, embarquent le
public dans un monde perpétuellement menacé
d’effondrement. Quand solidarité et entraide
créent, malgré les obstacles improbables, un
nouvel équilibre qui défie les lois précaires.
© Do.M
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© Clément Martin
Le Grand ordinaire Intérieur nuit
Extrémités
Jean-Baptiste André crée une première œuvre
Supersonic
Le saxophoniste Thomas de Pourquery revient à Marseille, en bonne
compagnie, entouré de cinq musiciens de haut-vol, pour rendre, à sa
manière difficilement classable (jazz, musique du monde, chanson…),
un hommage à une figure illuminée et géniale de l’histoire du jazz. Sun
Ra était un chantre du freejazz, pianiste et compositeur, autant qu’une
espèce de gourou aux idées mystiques et farfelues. Tout un univers
familier à son disciple, tant stylistique qu’insolite, revisité avec force
et jubilation au goût électro-jazz !
Le Roi d’Ys
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Festival Les Musiques
Durant une dizaine de jours, le Gmem-Centre National de Création-Marseille, dirigé depuis 2011 par Christian Sébille, propose
une série d’événements qui, non seulement tracent des chemins
originaux en matière de recherche et de création contemporaines,
mais mettent également en jeu les domaines, fédèrent les potentialités
et talents régionaux pour un rayonnement national et international de
l’art d’aujourd’hui.
Ainsi on pourra écouter en ouverture, pour quatre concerts, les Orchestres
Régionaux de Cannes et Avignon Provence dans des concertos et
pièces symphoniques modernes (le 7 mai à partir de 18h30. La Friche),
des récitals de piano ou alto seuls au déjeuner (les 9 et 16 mai. Salle
Musicatreize à 12h30), découvrir un spectacle mêlant «musique et
design culinaire», (Sensitivexplosion, le 9 mai à 19h. La Friche), une
chorégraphie gémellaire aux sons de Luc Ferrari (Twin Paradox le 9
mai à 21h. La Friche), l’art de Bernard Cavanna décliné pour 18
instruments (le 10 mai à 20h30. Merlan), ou des Matins sonnants
recyclant mots et musiques (le 11 mai à 11h. Opéra).
Après un conte musical japonais par l’ensemble L’Instant donné (le
13 mai à 19h. Théâtre Joliette-Minoterie), on entre dans la seconde
partie de la manifestation avec de la musique de chambre d’aujourd’hui
pour électronique et dispositif technologique et un «opéra-chantier»
signé Eryck Abecasis & Olivia Rosenthal (le 14 mai à 19h et 21h.
La Friche), l’école «spectrale» par l’Ensemble Télémaque (le 17
mai à 18h. La Friche) et Vortex Temporum sextuor de Gérard Grisey
(les 16 et 17 mai à 20h30. Silo). Un cabinet moderne de «curiosités» !
MARSEILLE. Du 7 au 17 mai
04 96 20 60 10 www.gmem.org
Conversations musicales avec le Gmem : rencontre avec Bernard Cavanna
(le 3 mai à 17h) et Georges Bœuf pour (14 mai à 17h). Alcazar.
Salle de conférence (entrée libre)
© Cyrille Sabatier
MARSEILLE. Le 6 mai à 20h30. Gymnase
08 2013 2013 www.lestheatres.net
Edouard Lalo fait partie de cette pléiade de musiciens qui ont fait
la richesse de la musique française de la seconde partie du XIXe
siècle. Avec son Concerto pour violon, la Rhapsodie espagnole,
le ballet Namouna, ou son opéra Le Roi d’Ys, il laisse à l’histoire
musicale de beaux chefs-d’œuvre, originaux, mêlant une opulence
orchestrale (il fut comme beaucoup un grand admirateur de
Wagner) à un goût pour les folklores.
Son magnifique opéra, trop rarement joué, est de cette veine
romantique, au souffle épique. Le Roi d’Ys met en scène une
histoire d’amour (forcément) contrariée dans un Moyen-Âge
breton dont l’argument est tiré d’une légende rapportant que
la ville d’Ys, capitale de Cornouaille, aurait été engloutie par
les eaux. On loue à nouveau la direction artistique de l’Opéra
de Marseille qui, au fil des saisons, défend ce beau répertoire
national, souvent (et grossièrement, car il est très accessible au
grand public) négligé.
Les deux princesses Margared (Béatrice Uria-Monzon) et
Rozenn (Inva Mula) aiment le même homme, le chevalier Mylio
(Florian Laconi). De là naît une jalousie qui finira… en tsunami !
Et l’on se laisse emporter dès les premières mesures de la longue
Ouverture symphonique, des scènes de chœurs et de somptueux
airs dont le plus célèbre reste l’aubade pour ténor «Vainement
ma bien aimée…». Quant à la distribution dirigée par Lawrence
Foster : elle parle d’elle-même ! À ne pas manquer !
Christophe Desjardins © Eric Besnier
MARSEILLE. Les 10, 13, 15 mai à 20h
et le 18 mai à 14h30 Opéra
04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr
Rencontre à l’Alcazar en présence des chanteurs et du plateau technique
le 26 avril à 17h. Salle de conférence (entrée libre)
Sandrine Piau
Au sortir du Festival Mars en Baroque (voir article p. 30), Jean-Marc
Aymes et son ensemble Concerto Soave, qu’il dirige du clavier
(orgue ou clavecin) avec une efficacité toute de finesse discrète,
retrouve une belle partenaire que les Marseillais connaissent
bien. La réputation de la soprano Sandrine Piau dépasse pour le
moins les sphères locales puisqu’elle se produit, depuis longtemps
déjà, sur les scènes prestigieuses, de par le monde et au-delà
même du cercle baroque. C’est cependant dans ce domaine
qu’on l’entend pour un récital où elle chante Les héroïnes chez
Haendel. Amour & Pouvoir se mêlent dans de grands airs tirés des
opéras Giulio Cesare, Alcina, Tamerlano, Scipione où la splendeur
vocale, les prouesses techniques rivalisent avec le merveilleux
tapis instrumental que déroule sous les vocalises le maître saxon
de l’opéra italien.
MARSEILLE. Le 13 mai à 20h. Auditorium du Pharo
Réservation La Criée
04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
En partenariat avec Marseille Concerts (www.marseilleconcerts.com)
Impression soleil couchant
Après Bon anniversaire Max !, un ciné-concert dont la musique a
été composée par Raoul Lay en vue d’illustrer trois d’épisodes
muets de Max Linder (le 2 mai à 19h30. PIC à l’Estaque, 04 91 39
29 13 www.ensemble-telemaque.com), on retrouve l’Ensemble
Télémaque dans le cadre du Festival Les Musiques (voir annonce
ci-contre). Autour de l’œuvre de Tristan Murail, Impression soleil
couchant composée d’après la série de tableaux de Monet sur
la cathédrale de Rouen représentée aux différentes heures du
jour, s’articule un beau programme de pièces se référant à l’école
dite «spectrale» qui a fait date en France il y a une trentaine
d’années. Une façon de pénétrer par un jeu de composition sur
les harmoniques des sons (ou partiels) à l’intérieur du phénomène
acoustique ! De la physique appliquée aux sensations… physiques !
MARSEILLE. Le 18 mai à 18h. La Friche
04 96 20 60 10 www.gmem.org
Festival de la cornemuse
Eric Montbel © F.X. Rosanvallon
À la Cité de la Musique on explore les musiques du monde.
Après la musique des Balkans et une soirée festive en compagnie
du Collectif Balkan’ail (le 19 avril. La Cave), on retrouve au joli
mois de mai un instrument sur lequel on porte le regard (et les
oreilles !) le temps d’un festival : la cornemuse.
Cet instrument à vent constitué d’un réservoir d’air en peau
que l’on presse du bras, tout en manipulant les tuyaux qui en
débouchent, est souvent associé au kilt écossais… Cependant
il est répandu dans l’Europe entière. Les curieux et amateurs
suivent le parcours proposé en quelques étapes : Cornemuse
bulgare (Bulgar unplugged) et irlandaise (Triskells, le 20 mai
à 20h30), Musettes baroque et de cour avec l’indéfectible lien
entre répertoires populaire et savant (le 23 mai, conférence
de Jean-Pierre Van Hees à 18h et concert à 20h30), Désirs
chroniques et Etsaut pour des musiques métisses, innovant
entre jazz, traditions et world music (le 24 mai à 20h30). On
quitte alors l’Auditorium de la Porte d’Aix pour conclure par un
grand «Balèti» où le public est invité à danser, un dimanche en la
belle Bastide de la Magalone (le 25 mai à 15h30). J.F.
MARSEILLE. Du 20 au 25 mai
04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com
Hors-les-murs : conférence musicale d’Eric Montbel, chercheur et
sonneur de cornemuse : origines, «parcours» de l’instrument de l’antiquité
à nos jours… Le 22 mai à 17h30 à l’Alcazar. Auditorium (entrée libre)
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Les cloches sonnent au GTP lors du week-end
pascal (du 18 au 21 avril) avec les présences
annoncées de stars de plateaux musicaux comme
Myung-Whun Chung à la tête de l’Orchestre
Philharmonique de Radio France, les pianistes
Nicholas Angelich, Bertrand Chamayou ou
le chef charismatique Gustavo Dudamel, le
violoncelliste Yo-Yo Ma… Mais le Festival de
Pâques à Aix-en-Provence (en deux éditions il a
acquis une réputation d’excellence planétaire)
ne s’arrête pas en si bon chemin. Pendant la
semaine restante, on pourra entendre encore les
pianistes David Kadouch, Martha Argerich,
Mikhail Pletnev, les violoncellistes Henri
Demarquette, Ophélie Gaillard… sans oublier
le directeur artistique de la manifestation : le
violoniste Renaud Capuçon.
AIX. Jusqu’au 27 avril au Grand Théâtre de
Provence et Jeu de Paume
08 2013 2013 www.lestheatres.net
www.festivalpaques.com
François-Benoit Hoffmann (terminé par Léon
Halevy) ayant pour siège la Cité des papes où
se livre, au 19e siècle, une «guerre» récurrente
entre les opéras français et italien. Avec le
soutien du Palazzetto Bru Zane qui effectue un
travail remarquable en matière de re-découverte
de l’opéra romantique français (le 18 avril à
20h30. Opéra).
Un mois plus tard on retrouve la belle production,
vue aux Chorégies d’Orange et à l’Opéra
de Marseille, du diptyque vériste Cavalleria
Rusticana & Pagliacci. Place aux grandes voix
de Jean-Pierre Furlan qui joue (comme Alagna
dans ce mêmes emplois) Turridu et Canio,
Seng Youn Ko, Nino Surguladze, Brigitta
Kele… Larmes garanties !
Une douzaine durant, l’équipe du Méjan, dans
l’acoustique intime de sa chapelle, permet au jazz
d’aujourd’hui de dévoiler ses rythmes, mélodies,
au gré d’improvisations et de rencontres avec
des musiciens reconnus, et de découvrir de
nouveaux talents. Pour sa 19e édition, Jazz in
TOULON. Le 26 avril à 20h30. Temple
Protestant
Dans le cadre de MARSEILLE. Le 29 avril à 20h.
Temple Grignan
En partenariat avec Marseille Concerts (www.
marseilleconcerts.com)
Répétition ouverte au public de 16h à 18h au
Château Borély (entrée libre)
06 73 30 23 62 www.desequilibres.fr
«Mon cœur se
recommande à vous»
AVIGNON. Le 18 mai à 14h30 et le 20 mai à
20h30. Opéra
04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr
Macbeth
À Toulon, on célèbre Verdi et son Macbeth
(1847) shakespearien, drame à la fois fantastique et cruel, où le beau chant porté par
le souffle romantique du compositeur italien
(alors trentenaire) rayonne. C’est Jean-Louis
Martinoty qui signe la mise en scène de cette
coproduction des Opéras Nationaux de Bordeaux
et de Lorraine.
TOULON. Les 25, 29 avril à 20h
et le 27 avril à 14h30. Opéra
04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr
Jazz in Arles
et Edouard Sapey-Triomphe (violoncelle)donne un beau programme alliant les deux
classiques Mozart, Schubert et sans doute
une découverte pour la plupart des amateurs
musique de chambre : Erno Dohnányi.
LovingSuite © Cyril Crespeau
Arles propose des affiches variées.
On débute avec une lecture de l’écrivain Michel
Butor (récitant) en dialogue musical avec le
pianiste américain Marc Copland (le 12 mai
à 20h30), on poursuit avec un apéro-concert
en duo : Airelle Besson (trompette) & Nelson
Veras (guitare) (le 17 mai à 18h30. gratuit).
C’est ensuite Thrill Box et l’accordéoniste
Vincent Peirani en trio (le 20 mai à 20h30), la
Loving Suite pour Birdy So de Roberto Negro
avec la chanteuse Elise Caron (le 21 mai à
20h30), le couple «free» Sylvie Courvoisier
(piano) & Mark Feldman (violon) (le 22 mai
à 20h30), l’inclassable pianiste Carla Bley et
son trio (le 23 mai à 20h30), pour une clôture
en compagnie de Louis Sclavis et ses anches
moulées dans le clavier de René Bottlang (le
24 mai à 20h30).
Un festival qui ménage aussi une place aux
«petits oreilles» (scolaires le 19 mai) et une
rencontre gratuite à la Médiathèque avec le
groupe Wood (le 17 mai à 16h30).
ARLES. Du 12 au 24 mai. Méjan
04 90 49 56 78 www.lemejan.com
Les Voix animées © Cécilia Montesinos
Yo-Yo Ma & Kathryn Stott © Todd Rosenberg
Festival de Pâques… En Avignon
Trio à cordes
On découvre d’abord une rareté : un opéra-co- L’ensemble Des Equilibres, dans un trio
suite et fin
mique en un acte Le dilettante d’Avignon de -Agnès Pyka (violon), Blandine Leydier (alto)
Après la création Folia dans le cadre de la
Résidence d’artistes au Collège Frédéric Montenard à Besse-sur-Issolle et un Voyage musical
et poétique dans l’Europe de la Renaissance
à la suite d’Erasme (le 18 avril à 20h30), les
cinq voix a cappella de l’ensemble varois Les
Voix Animées (dir. Luc Coadou) reprennent
leur cycle de concerts Entre pierres et mer
(3e édition).
C’est dans le cadre historique de l’Abbaye du
Thoronet, unique et magnifique, dont l’acoustique
exceptionnelle est notoirement mentionnée
dans le moindre des guides touristiques, et à la
Cathédrale de Toulon (dans le cadre du Festival
Art et Foi) qu’ont lieu les deux premiers concerts
d’une série consacrée à l’œuvre de Roland de
Lassus, l’un des plus éminents musiciens de la
Renaissance qui parcourut l’Europe de Mons
(école franco-flamande) à Munich ou Rome…
Ce sont ces étapes de création qu’on découvre,
mises en perspectives avec des musiques du
temps. Au mois de mai on découvre donc de
la Musique sacrée à Munich, ses Motets et la
Messe (parodie) «Mon cœur se recommande
à vous» d’Eccard. JACQUES FRESCHEL
LE THORONET. Le 18 mai à 18h45
Abbaye 06 51 63 51 65
TOULON. Le 23 mai à 20h.
Cathédrale 04 914 89 41 70
www.lesvoixanimées.com (à voir : leur web-séries
originales et humoristiques !)
jusqu’au 6 juillet
Miossec
Miossec © Didier Olivré
Les Mercredis
de Montévidéo
Ces rendez-vous des mercredis soirs, de 19h30
à minuit (pile !), programmés autour des arts et
des écritures contemporaines, des musiques
improvisées et actuelles, sont aussi l’occasion de
partager un moment de convivialité entre amis,
autour d’un verre et d’une assiette. À suivre le
16 avril, une lecture du texte Des territoires de
et avec Baptiste Amann, Solal Bouloudnine,
Samuel Réhault, Lyn Thibault et Olivier
Veillon. Le 23 avril, DJ set de Philippe Petit, et
le 30, Nicolas Maury présentera le monologue
Le garçon cousu, de Liliane Giraudon, mis en
scène par Robert Cantarella.
Le chanteur breton, 20 ans de carrière au
compteur, présente son nouveau répertoire,
accompagné par cinq musiciens de différentes
nationalités. Avec son dernier album Ici-bas,
ici même (sortie 14 avril), composé chez lui
dans le Finistère Nord, «l’écorché de la chanson
française» continue d’allumer la mèche «sans
se cacher derrière l’électricité», un piano, une
contrebasse et un marimba accompagneront
sa voix chuchotante.
le 6 mai
Les Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Le garçon cousu, Nicolas Maury © Nhu Xuan Hua
Kadans Caraïbe
Après L’homme à la Caméra et Maciste, larguons
les amarres avec le nouveau ciné-concert
d’Archipass, sur le film muet La Croisière du
Navigator de Buster Keaton. Aguerri, l’inventif
duo (Nicolas Chatenoud et Guillaume Saurel)
promet une composition musicale inspirée et
enrichie par le jeu à multiples facettes d’un
Keaton milliardaire excentrique et amoureux,
qui manifeste un véritable génie de l’absurde.
Violoncelle, guitare, basse, sampler, bruitages,
fourniront la matière aux situations clownesques
et rebondissements effrénés, dont pourra se
réjouir le jeune public (mais pas uniquement),
le ciné concert ayant intégré le dispositif Ecole
et Cinéma. À revoir au festival Off d’Avignon.
le 14 mai à 18h30
Utopia Manutention, Avignon
04 90 82 65 36
www.archipass.fr
Meryem Koufi © X-D.R
Couleurs urbaines
Archipass, Navigator © DE.M
Archipass
les 16 et 17 mai
Cité de la Musique, Marseille 1er
04 91 39 28 28
www.kadans-caraibe.com
www.mamanthe.com
Du 8 au 11 mai, Avignon vivra au rythme de
l’art flamenco avec un premier festival dédié
essentiellement consacré aux racines du Cante
Jondo. Il sera ainsi possible de découvrir dans
quatre structures partenaires de référence
(Théâtres du Chêne Noir et de l’Oulle, salle
Benoit XII, le Délirium), Mayté Martin, Rosario
La Tremendita, Meryem Koufi, Eric Fernandez, Antonio Negro et Luis de la Carrasca.
Soirée poésie, concours de chant, tablaos,
apéros flamencos dans des lieux festifs de la
ville, égrèneront également ces quatre jours
de poésie solaire pour une ode bienvenue à
l’Andalousie gitane.
du 8 au 11 mai
Divers lieux, Avignon
06 22 01 06 79
www.nuitsflamencas.wix.com/lesnuitsflamencas
les 16, 23 et 30 avril
Montévidéo, Marseille 6e
04 91 37 97 35
www.montevideo-marseille.com
Immersion, échange et réflexion autour des
musiques traditionnelles de la Caraïbe, avec
la deuxième édition du festival Kadans Caraïbe
proposé par l’association Mamanthé à la Cité
de la Musique. Des concerts d’exception : le
pianiste Mario Canonge et le Trio Mitan,
le trompettiste Franck Nicolas et Jazz Ka
Philosophy ou encore le percussionniste Sonny
Troupé en quartet, mais également une table
ronde autour de l’histoire des Antilles françaises
à travers leurs musiques traditionnelles, des
ateliers de percussions et de danse traditionnelle,
une exposition et une conférence musicale
de Tony Savannah. Il sera aussi possible de
danser avec le Dj M.Oat et de se restaurer
grâce à de savoureuses recettes antillaises.
Les Nuits Flamencas
Fédérateur, convivial et solidaire, le Festival
Couleurs Urbaines ouvre la saison des festivals
azuréens et reste, grâce à sa diversité artistique
(5 disciplines de la culture urbaine, musique,
danse, cinéma, art graphique et sports urbains)
et son organisation citoyenne, un événement
incontournable de l’agglomération toulonnaise.
Une sixième édition, organisée par l’association
Culture Plus, où plus de 100 artistes, toutes
disciplines confondues, stars internationales
ou en devenir, interviendront, de Toulon à
Châteauvallon et La Seyne-sur-Mer : Arnaud
Rebotini, Grand Corps Malade, Tiken Jah
Fakoly, Naâman, Phases cachées, Ayo,
Winston McAnuff & Fixi, Anthony Joseph,
ou encore Khoya and Friends…
du 28 mai au 8 juin
Divers lieux, Var
www.festival-couleursurbaines.com
Mescla de Mai
Pour fêter la fin de la saison culturelle de l’Espace
des Arts, en partenariat avec l’association
Sarava, le Festival Scènes du Monde #3 accueille
concerts, stages de danse, marché artisanal
les 16 et 17 mai. Le Brésil (avec La Banda de
Pifanos, Rita Macedo Trio) invite les pays
latins à faire la fête : Cuba (avec le trio Picante
Combo), Espagne (Soniquete Flamenco) et
Italie (Gli Ermafroditi) pour une Mescla de
Mai énergique et communicative.
les 16 et 17 mai
Espace des Arts, Le Pradet
04 94 01 77 34
www.le-pradet.fr
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La Friche de la Belle de Mai, après les films
de Michel Gondry le 6 avril, propose le 20
avril, un nouveau Ciné Dimanche au Gyptis
autour des notions de héros et antihéros. À
11h, ce sera Demi-tarif d’Isild Le Besco, les
tribulations de trois frères et sœur livrés à
eux-mêmes. À 12h30, La petite vendeuse de
soleil de Djibril Diop Mambety, à 14h, Moonrise
Kingdom, une comédie de Wes Anderson et à
16h, un film d’action, d’épouvante, de science
fiction et aussi fable politique : The Host de
Bong Joon-Ho. Pour finir cette journée riche
en cinéma, à 18h, Les Petites Marguerites de
Vera Chytilova et à 20h Faust d’Alexandre
Sokourov.
La Friche, Marseille
04 91 11 45 63
www.lafriche.org
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Héros/Antihéros
Le MuCEM poursuit son cycle Folles Parades,
en écho à l’exposition Le Monde à l’Envers,
Carnavals et mascarades d’Europe et de
Méditerranée. Le 19 avril à 16h30 dans la
thématique À corps perdu, trois films : Flaming
creature de Jack Smith, qui fit scandale à
sa sortie en 1963. Dans Manhã de Santo
Antonio (2012), le Portugais Joao Pedro
Rodrigues décrit les déambulations de fêtards
au petit matin dans les rues de Lisbonne,
et dans Trash Humpers, Harmony Korine
filme à Nashville, une bande de détraqués,
qui sévissent masqués et agressent tous
ceux qui croisent leur chemin.
Le dernier week-end du cycle présente quatre
films sur le thème Ivresses : le 26 avril à
16h30, La Gueule que tu mérites du Portugais
Miguel Gomes ; à 19h, Les Idiots de Lars von
Trier. Le 27 à 16h30, La Bête lumineuse du
Canadien Pierre Perrault, présenté par la
critique Simone Suchet, suivi à 19h de La
grande bouffe de Marco Ferreri.
les 19, 26 et 27 avril
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
Cinéma fantastique
du 9 au 29 avril
Institut de l’Image, Aix-en-Provence
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
La Grande Projection
Le dessin animé sera à l’honneur, le 25 avril
à Vedène. L’association Ricoché propose
Grande Projection, une séance de 5 courts
métrages d’animation, destinée aux enfants
et à ceux qui ont réussi à le rester. La séance,
gratuite, commencera à 16h15 par Pierre
et le dragon Epinard d’Hélène Tragesser
suivi de Kjfg N°5 d’Alexei Alexeev, Panique
au Village de Vincent Patar et Stéphane
Aubier, Wind de Robert Loebel et, pour finir,
le fameux monstre que bien des enfants
connaissent déjà, Le Gruffalo de Jakob Schuh
et Max Lang.
Maison des Associations, Vedène
04 90 23 30 10
www.mairie-vedene.fr
Le Gruffalo de Jakob Schuh et Max Lang © Les Films du préau
Depuis le 9 avril et jusqu’au 29, l’Institut
de l’Image d’Aix-en-Provence propose de
revisiter l’histoire du cinéma fantastique.
Au programme, de grands classiques du
genre : Carrie de Brian De Palma, La Belle et
la bête de Jean Cocteau, Le Portrait de Dorian
Gray d’Albert Lewin, Les Yeux sans visage
de Franju ou L’année dernière à Marienbad
d’Alain Resnais. Le 17 avril à 14h30, un
rendez-vous «cinéma et littérature» avec
Jean-Pierre Andrevon et la projection de
Frankenstein de James Whale. À 20h30, le 18
avril, Guy Astic, directeur des éditions Rouge
Profond présente La Mouche de Cronenberg
et le 19, Julien Oreste de la revue Torso,
L’Exorciste de William Friedkin.
La petite vendeuse de soleil, de Djibril Diop Mambety © Les films du paradoxe
Satyajit Ray
Charulata © Les Acacias
Flaming creature de Jack Smith © Jack Smith Archive
Folles Parades
Du 7 au 27 mai, l’Institut de l’Image à Aix
propose de (re)voir l’œuvre du cinéaste
indien Satyajit Ray, qu’Akira Kurosawa
comparait à «un arbre immense dans les
forêts indiennes». Du Salon de musique (1958)
à Le Dieu éléphant (1978) en passant par La
Grande ville, Ours d’Argent Berlin 1964, Le
Héros (1966), Des Jours et des nuits dans la
forêt (1969) ou Les Joueurs d’échecs (1978).
Charulata, Ours d’Argent 1965, sera précédé
d’une rencontre autour de Satyajit Ray, le 7
mai à 18h30, avec Alok B. Nandi, auteur du
livre Satyajit Ray, 70 ans et Sharmila Roy,
chanteuse et danseuse bengali spécialiste
de Rabindranath Tagore. Rencontre suivie
par un buffet indien.
du 7 au 27 mai
Institut de l’Image, Aix-en-Provence
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Cinestanbul à Toulon
Du 13 au 17 mai aura lieu le Festival Scènes
Grand Ecran Istanbul, proposé par Le Centre
national du Théâtre et le Théâtre Liberté. Le
14 mai à 20h30 au Cinéma Le Royal, L’Istanbul
de Maurice Pialat : 6 courts métrages en
NB, réalisés en 1962 par le cinéaste, âgé de
32 ans, introduits par Cédric de Veigy, qui
présentera aussi le 15 mai à 20h30 Nuages
de mai de Nuri Bilge Ceylan, suivi d’une
conférence : Trois manières d’habiter un
lieu et un imaginaire. Le même jour à 18h,
au Théâtre Liberté, De l’autre côté de Fatih
Akin dont sera projeté aussi, le 16 à 19h,
Crossing the Bridge-The Sound of Istanbul.
Toujours au théâtre Liberté, le 17 mai à 19h,
Istanbul côté courts, 4 courts métrages dont
Chauffeur de Güldem Durmaz. Sans oublier
les docs en accès libre du 13 au 17 mai.
du 13 au 17 mai
04 98 00 56 76
www.scenesgrandecran.com
Changer le monde…
La Nouvelle Babylone de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg © Sovkino
Pour la première fois, le MuCEM
propose, du 3 mai au 22 juin, un
cycle de cinéma indépendant des
expositions, Un monde meilleur
ou le meilleur des mondes ? :
quinze films autour des «grands
moments où l’on a cru mettre
à bas l’oppression, l’injustice
et l’aliénation» ainsi que deux
ciné-concerts.
En ouverture, La Nouvelle Babylone de Grigori Kozintsev et
Leonid Trauberg (1929), un des
rares films sur la Commune de
Paris, accompagné en direct par
le pianiste Hakim Bentchouala-Golobitch. En clôture, un
autre film soviétique, Le Bonheur
d’Alexandre Medvedkine (1934),
accompagné par les musiciens
de l’ARFI et Ted Milton, ex-leader
du groupe Blurt.
D’autres moments où l’on a rêvé
de changer le monde sont évoqués à travers fictions et documentaires : le front populaire
avec Le Crime de Monsieur Lange
de Jean Renoir, et les luttes
colonialistes avec Le Rendez-vous
des quais de Paul Carpita dont
parlera Jean-Pierre Daniel,
à l’origine de la redécouverte
du film.
Sur la guerre d’Espagne, des
films produits par la CNT, jamais
montrés à Marseille, comme
Barrios bajos de Pedro Puche
(1937) ou Aurora de esperanza
d’Antonio Sau (1937), en présence d’Amado Marcellan, qui
a participé à la renaissance de
ces films ; ainsi que La Buena
nueva d’Helena Taberna (2008),
Visions sociales
Louves de Teona S.Mitevska © Urban Distribution
En marge du prestigieux Festival de Cannes,
du 17 au 25 mai, Visions sociales, organisé
par la CCAS (Caisse centrale d’activités
sociales), montre un cinéma d’auteur,
différent, qui questionne l’état du monde
et l’ordre social. Et pour sa 12e édition,
le festival rend hommage à l’Espagne,
mettant ainsi en avant la créativité d’un
pays fortement touché par la crise.
En ouverture le 17 mai à 21h, Louves,
suivi d’une rencontre avec la marraine
de cette édition, l’actrice Victoria Abril et
la réalisatrice Teona S.Mitevska.
Visions sociales propose une découverte
des cinématographies du monde : une
sélection de 24 films (courts et longs
métrages, documentaires et fictions) parmi
lesquels, Eka & Natia, chronique d’une jeunesse géorgienne de Nana Ekvtimishvili et
Simon Groß, Gloria de Sebastián Lelio ou
présenté par François Rodriguez
d’Horizontes del Sur. Enfin
autour de mai 68, Coup pour
Coup de Marin Karmitz, L’An 01
de Jacques Doillon, d’après la
BD de Gébé ; avec des séquences
filmées par Alain Resnais et
Jean Rouch ainsi que Mourir
à 30 ans de Romain Goupil.
En partenariat avec l’Institut
Culturel Italien, un documentaire d’Hugues Le Paige, Il fare
politica, chronique de la Toscane
rouge, 1982-2004 ; Nous nous
sommes tant aimés ! d’Ettore
Scola et Buongiorno notte de
Marco Bellochio, présenté par
Michel Ciment, rédacteur en
chef de Positif.
Pour rêver, réfléchir, et changer
le monde !
ANNIE GAVA
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
Of Horses and Men de Benedikt Erlingsson,
et des avant-premières des partenaires du
festival dont la Quinzaine des Réalisateurs,
la Semaine de la Critique, l’ACID ou la
Cinéfondation…
Le 18 mai, rencontres : à 10h avec Alain
Ughetto pour Jasmine et à 15h avec Victoria
Abril, autour d’Enfants des nuages, la dernière
colonie d’Álvaro Longoria.
Au programme aussi des rencontres métiers,
dont une avec le producteur Claude-Eric
Poiroux, autour des cinémas européens et
des jeunes talents, des ateliers dont un sur
l’art du maquillage avec Laurent Zupan.
En clôture, le 24 mai à 21h, un ciné-concert,
Le grand Cinémot de Minvielle et Cazo.
L’occasion de s’embarquer dans un voyage
intérieur avec l’envie de transformer le
monde et de le réinventer, à l’instar de
ce que font tous les cinéastes invités à
Visions sociales.
Entrée libre, sauf la soirée de clôture où
une participation symbolique de 5 euros est
demandée. L’intégralité de la recette sera
ensuite reversée à une association invitée.
ESTELLE BARLOT
Festival Visions sociales
du 17 au 25 mai
Château Mandelieu La Napoule, Cannes
www.ccas-visions-sociales.org
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Voyages,
voyages…
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2 avril : premier jour des 24e Rencontres
Cinématographiques de Salon et dès 10h15,
les spectateurs sont dans la salle du cinéma
Les Arcades et peuvent choisir entre 3 destinations, le Chili avec No de Pablo Larrain,
les rives du Mississipi avec Mud de Jeff
Nichols et l’Allemagne avec Guerrière de
David Wnendt. Et ce sera ainsi toute la
semaine. Le choix n’est pas toujours aisé !
Guerrière, premier long métrage de David
Wnendt, nous entraine dans le monde de
jeunes néo nazis et nous fait le portrait
glaçant d’une jeunesse haineuse en suivant Marisa, (superbement interprétée par
Alina Levshin), aussi brutale que fragile,
confrontée à la misogynie et à ses propres
contradictions. Quand on sait que c’est après
un long travail d’enquête que David Wnendt
a écrit le scenario de cette fiction, il y a de
quoi s’inquiéter…
À 14h, un ciné goûter pour les petits, Jean
de La Lune de Stephan Schesch, et pour
les grands, la Géorgie avec Keep Smiling de
Rusudan Chkonia (voir Zib’57) ou l’Islande
avec Survivre de Baltasar Kormakur.
Inspiré par l’expérience d’un pécheur qui
a survécu durant six heures dans une eau
glacée de l’Atlantique Nord -les images
d’archives, post générique, du vrai marin
sur son lit d’hôpital en attestent-, Baltasar
Viva la Liberta de Roberto Ando © Bellissima Films
Kormakur a choisi de filmer avec sobriété
la lutte de Gulli (formidable Ólafur Darri
Ólafsson) après le naufrage du petit chalutier,
le Breki. Ses cinq compagnons ont péri ; on
le voit, simple visage, perdu au milieu de
l’immensité marine, il parle à une mouette,
se remémore une éruption volcanique sur
son île natale et… nage…
Partir en Grèce avec Méteora de Piros Statoulopoulos, en Argentine avec El Premio
de Paula Markovitch ou l’Italie avec Viva
la Liberta, la comédie de Roberto Ando, le
choix est difficile : dans Viva la Liberta, Enrico
Olivieri (Toni Servillo), politicien habile et froid,
secrétaire du principal parti de l’opposition,
en perte de vitesse dans les sondages, décide
de disparaître et s’enfuit à Paris chez une
ex (Valeria Bruni Tedeschi), mariée à un
réalisateur renommé. Son assistant (Valerio
Mastandrea), ne trouve rien de mieux que
de le remplacer par son frère jumeau, un
philosophe, atteint de trouble bipolaire, assez
génial et ingérable ; il refuse de lire les
discours préparés, en improvise qui surprennent les journalistes, enthousiasment
les foules ou lit un poème de Brecht ! On rit
beaucoup dans cette fable sur la comédie du
pouvoir qui nous fait suivre deux hommes
qui changent radicalement de vie et l’on
aimerait croire qu’il suffirait de mots pour
transformer les habitudes et les hommes
politiques !
ANNIE GAVA
Les Rencontres Cinématographiques
de Salon se sont déroulées du 1er au 8 avril
04 90 17 44 97
www.rencontres-cinesalon.org
Une grâce de Modigliani
Les 2e Rencontres Internationales des Cinémas Arabes
se sont ouvertes le 8 avril à
La Villa Méditerranée. Des
discours officiels, on retiendra
le rappel de l’objectif premier
de toute rencontre : s’ouvrir à
l’autre, s’écouter, s’entendre,
se découvrir. Un rappel salutaire
dans le contexte politique actuel.
En lever de rideau, Girafada, un
film palestinien, en présence de
son réalisateur, Rani Massalha.
Mot-valise, Girafada contracte
girafe et intifada. L’univers imaginaire d’un enfant et la réalité
cruelle du conflit israélo-arabe.
En Cisjordanie, jouxtant Israël, se
trouve le dernier zoo du pays, un
îlot de paix pour son vétérinaire,
Yacine, et pour son fils de 10 ans,
Ziad, amoureux des girafes parce
qu’elles sont «fortes, douces et
que leur caca sent bon». Malgré
les murs élevés par Israël qui
barrent tous les plans, l’humiliation des fouilles aux check
Girafada de Rani Massalha © Pyramide films
points, les difficultés financières
qui conduisent entre autres à
nourrir de carottes les ours carnivores, Ziad pourrait connaître
une enfance plutôt heureuse,
auprès d’un père aimant qui «fait
des miracles». Mais le conflit se
radicalise, la ville est assiégée, le
couvre-feu imposé. Après un raid
aérien, le mâle du seul couple
de girafes que possède le zoo
meurt et la femelle, bien que
gravide, refuse de s’alimenter.
Avec la complicité d’un ami et
l’aide d’une journaliste française,
Yacine par amour pour son fils,
enlève une girafe aux voisins
israéliens qui en ont pléthore.
Le film inspiré d’un fait divers
de 2002, résolument allégorique
et ouvertement partisan, est
un hommage à la Vie qui n’est
d’abord qu’«un possible» puis
soudain s’impose comme prodige.
Tout ne finit pas au mieux dans
ce conte qui reste amer mais on
se souviendra longtemps de la
marche dansée, majestueuse,
légère de Roméo, la girafe volée,
sa traversée onirique des terres
bibliques, des rues de Qalqilyah
vers le zoo-arche pour sauver sa
congénère palestinienne. Une
figure mythique, entre Noé et
Moïse, fendant une troupe de
militaires israéliens désemparés,
opposant à la haine des hommes,
sa sérénité et une grâce de
Modigliani.
ELISE PADOVANI
Girafada sort en salles le 23 avril
Les Rencontres internationales
des Cinémas Arabes ont eu lieu à
Marseille du 8 au 13 avril
www.lesrencontresdaflam.fr
Au cœur des fictions
C’est en musique que les 16e Rencontres du Cinéma
Sud-Américain se sont terminées le 5 avril, à la
Cartonnerie sous la voix puissante de la Negra
dans le documentaire de Rodriguo H.Vila, Mercedes
Sosa, projection suivie d’une grande peña. Si
le Colibri d’or est allé à un film plutôt sombre
réinterprétant le mythe de Médée, la sélection
2014 nous a entraînés dans des voyages plutôt
solaires, libérateurs où les prises de conscience
se font le long des chemins par des rencontres,
des échanges et des aventures où le faux révèle
le vrai, où la fiction devient lecture du réel.
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Le long des chemins
Quelque soit le sens du voyage, dans tout road
movie, c’est le voyage lui-même qui fait sens. Ainsi
le Rincón de Darwin de l’Uruguayen Diego Fernández
Pujol, présente trois hommes de générations et
de milieux différents, embarqués dans une vieille
camionnette pour rejoindre ce «recoin» où le
célèbre savant, en 1833, découvrit des fossiles
déterminants pour sa théorie de l’évolution. Rythmé
par la lecture en voix off de passages du journal
de Darwin, sur une musique originale de Franny
Glass, le film capte les infimes métamorphoses
de ses protagonistes, démontrant que seuls ceux
qui apprennent à collaborer avec les autres et à
s’adapter aux changements, s’en sortent.
Ainsi, le subtil Que tan tejo de l’invitée d’honneur
Tania Hermida, croisant les chemins d’une
touriste espagnole pragmatique, Esperanza et
d’une étudiante équatorienne idéaliste, Tristezza.
Comme un Sancho Panza et un Don Quichotte,
version XX. Comme deux manières d’être face
aux mystères du monde. Voyage dans le temps,
l’espace, la littérature, le cinéma.
Le voyage du guinéen David Bangoura -dit Black
Doh- dans El gran Rio de Rubén Plataneo, n’a rien
de fictif mais ressemble bien à un rêve qui s’entête.
Premier immigré africain débarqué à Rosario
en Argentine, après un périple invraisemblable,
il rappe sa vie, ses racines, son exil, en français,
espagnol, soussou, sur une musique afro-argentine
et invente la voie qu’il suit. Il écrit du Nouveau
Monde, une lettre que le réalisateur apporte à sa
mère restée sans nouvelles. Ocres et bleus d’une
photo superbe. Le cinéma comme trait d’union
entre Afrique et Amérique latine.
Faux semblants
Le réel se fabrique par la fiction, soit comme dans
la glaçante Corporación de Fabián Forte pour une
manipulation généralisée. M. Mentor scénarise
sa vie, ayant passé un pacte avec une redoutable
entreprise de bonheur sur mesure, et devient le
sujet d’un autre scénario sans le savoir. Soit pour
rejoindre les clichés sur la prostitution cubaine,
attendus par les documentaristes autrichiens
dans La película de Ana de Díaz Torres. Mises en
abymes révélant le vrai par le faux.
L’éveil des consciences
Plébiscité par les jurys, Meu amigo Nietzsche de
Fáuston da Silva, met en scène un jeune Brésilien
qui apprend à lire avec Ainsi parlait Zarathoustra,
trouvé dans une poubelle. Il devient, à l’étonnement de tous, un petit philosophe sur pattes.
Ce court métrage très drôle rend hommage au
pouvoir de la lecture sur l’éveil des consciences.
La programmation l’a bien montré : rêver le réel
ce n’est ni le nier, ni s’en éloigner, mais l’explorer,
aller au-delà des évidences, des stéréotypes, des
définitions, c’est le mettre au cœur des fictions, des
images en multipliant les regards et les focales.
El gran Rio de Rubén Plataneo © TS Productions
ELISE PADOVANI
Les Rencontres du Cinéma Sud-Américain ont eu lieu du
28 mars au 5 avril à Marseille
www.cinesud-aspas.org
PALMARÈS
☞ Palmarès jury professionnel
• Colibri d’or : O lobo atras da porta de Fernando Coimbra
• Prix du jury ex æquo : El gran Rio de Rubén Plataneo
et Matar a un hombre d’Alejandro Fernández Almendras
• Meilleure actrice ex æquo : Leandra Leal (O lobo atras la porta)
et Rita Batata (De menor)
• Meilleur acteur : Daniel Antivilo (Matar a un hombre)
• Meilleur court métrage : Madera de Daniel Kvitko
☞ Palmarès jury jeune
• Meilleur long métrage : La corporación de Fabián Forte
• Mention spéciale pour le long métrage El gran Rio de Rubén Plataneo
• Meilleur court métrage : Meu amigo Nietzsche Fáuston da Silva
• Mention spéciale pour le court métrage Gallus Gallus de Clarissa Duque
☞ Prix du public
La película de Ana de Díaz Torres
Meu amigo Nietzsche de Fáuston da Silva
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Beau dimanche
à Rousset
Le soleil de ce dimanche de mars n’a pas
empêché les curieux de cinéma de venir
découvrir les films proposés par Silvia
Vaudano et son équipe des Films du delta.
Quatre longs métrages pour le dernier jour de
nouv.o.monde, le Festival Cinéma de Rousset.
Quand Claudia rencontre Martha
Le premier film, Les Drôles de Poissons-Chats
de Claudia Sainte-Luce, nous emmène au
Mexique où l’on va suivre Claudia (Ximena
Ayala), dont la vie monotone et solitaire est
bouleversée par une rencontre inattendue
dans un hôpital. Martha (Lisa Owen), gravement malade mais pleine de joie de vivre
lui fait connaître sa tribu et on va découvrir
peu à peu les habitudes, les failles et les
blessures de chacun des enfants, nés de
pères différents, partageant les repas, les
confidences et les séjours à l’hôpital. «Pourquoi
restes-tu avec nous ?» demande Wendy,
l’adolescente boulimique, qui a déjà tenté
de mettre fin à ses jours. Le spectateur
l’apprendra un peu plus tard. Claudia a aussi
ses blessures secrètes. Claudia Sainte-Luce
traite avec beaucoup de pudeur de thèmes
universels, la solitude, la maladie et la mort,
mais aussi l’amitié et la générosité. À travers
des personnages superbement interprétés,
elle met en évidence l’énergie de vie qui est
en chacun de nous
Le bon, la belle et le méchant
De l’énergie, il en faut aux protagonistes
de My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem,
western spaghetti sur les bords ! auquel
aucun ingrédient ne manque, Ford et Leone
en figures tutélaires. Le combat entre le
bien et le mal, le face-à-face entre «purs»
et «pourris», gâchettes faciles et chevauchées sauvages. Les paysages puissants en
panoramiques, un «saloon»-auberge, une
école, un poste de police où s’alignent au
My Sweet Pepper Land de Hiner Saleem © Memento Films
58
mur les photos des défunts «shérifs». On rit
«jaune» toutefois. La libération de Kurdistan
irakien après la chute de Saddam n’a rien
changé pour les femmes aux destins tracés
et il existe encore d’immenses zones de
non-droit, dominées par des chefs de clans.
C’est dans «ce triangle des Bermudes» entre
Iran-Irak-Turquie, dans un village isolé que
vont se croiser : le Bon, le commandant de
police Baran (Korkmaz Arslan), héros de la
guerre d’indépendance, fuyant lâchement
l’obstination de sa mère à le marier, la Belle,
Govend, l’institutrice (Golshifteh Farahani)
et le Méchant, le chef tribal Aziz Aga (Tarik
Akreyi)… Un film du mélange des genres,
un piment doux.
Dure galère
C’est le réel qui a inspiré Jean Denizot pour
La belle vie, son premier long métrage, un fait
divers, le procès de Xavier Fortin, jugé pour
«soustraction de mineurs par ascendant». Il
décide de raconter l’ultime cavale de ce père
au moment où ses fils vont choisir leur voie,
en particulier le cadet. Est-ce trahir que ne
pas suivre celui qui lui a donné cette «belle
vie» loin des contraintes de la société ? Et
le spectateur de se demander, si ce père
a offert à ses enfants une belle vie ou une
dure galère !
Et c’est sur la comédie de Christian Philibert,
Afrik’Aïoli, que s’est terminé nouv.o.monde qui
a offert à ses spectateurs de beaux moments
de cinéma. ANNIE GAVA et ELISE PADOVANI
Le festival nouv.o.monde
a eu lieu du 13 au 16 mars à Rousset
Les Films du Delta
04 42 53 36 39
www.filmsdelta.com
Déchets
en stock
L’environnement est un sujet d’inquiétude
majeur au sein de notre société, et pourtant nous ne sommes pas encore assez
informés. C’est pourquoi, chaque année
au printemps, l’association Image de ville
organise à Aix-en-Provence Les Journées
du Film sur l’Environnement.
Le thème de leur 9e édition, qui s’est tenue
début avril, était Gaspiller Recycler. Et comme
ces enjeux gagnent à être compris dès le plus
jeune âge, 500 élèves d’écoles maternelles
et primaires de la ville ont assisté à de
nombreux courts métrages. Le but étant
de les sensibiliser tout en les divertissant,
à travers par exemple Babioles, histoire
pleine d’humour d’un lapin perdu dans une
décharge, ou bien Mon drôle de grand-père,
dans lequel un vieil homme parvient... à
faire fonctionner son robot à l’aide du vent,
en reprenant le principe des éoliennes. Si
plusieurs oeuvres pointaient du doigt les
pays développés et leur grand gaspillage
(avec notamment le film Des montagnes
d’emballages), la plupart évoquaient des
solutions. La question des déchets était
également abordée du point du vue des pays
émergents, comme le montre le documentaire Painted Reality, qui décrit le quotidien
d’enfants vivant au milieu des ordures.
Des films percutants qui ont entraîné de
nombreuses réactions parmi les plus jeunes
lors des débats prévus à la fin de chaque
projection. Au-delà des séances, les enfants
ont effectué un parcours d’exposition autour
des déchets retrouvés dans la mer et sur
la plage. Ils ont également pu découvrir
une déchetterie «idéale» réalisée par des
élèves de primaire sur le thème de Charlie
et la Chocolaterie.
Le public adulte n’était pas en reste,
ayant lui aussi la possibilité d’assister à
de nombreuses tables rondes, conférences
et projections de documentaires de très
grande qualité. Mais le plus marquant,
parce que c’est une façon directe de prendre
conscience de la réalité, a été sans conteste
la visite du Centre de stockage des déchets
non dangereux de l’Arbois. Quand on voit
où atterrit le contenu de nos poubelles,
on réfléchit bien mieux à nos usages de
consommation.
ESTELLE BARLOT
Les Journées du Film sur l’Environnement ont eu
lieu du 3 au 6 avril en Pays d’Aix
© Gaëlle Cloarec
Leur trace, pour toujours…
«Je filme le lever du jour. C’est le 1er jour de
l’année 1995, j’ai décidé de filmer chaque jour
de l’année, cette année, essayer de faire le
point, d’y voir clair (…) filmer pour reprendre
contact avec le monde…» C’est par ces paroles,
en voix off, que débute Demain et encore
demain, le premier des longs métrages
autobiographiques de Dominique Cabrera
que Potemkine Films et INA Éditions ont
eu l’heureuse idée de sortir en DVD dans
Une Collection Documentaire (N° 7). Un
journal intime filmé avec une petite caméra
DV : on y voit le quotidien de la cinéaste,
son fils Victor, ses amis mais aussi ses
questionnements personnels et politiques.
En 2013, c’est Grandir (Ô Heureux jours !),
primé au festival du Réel : images de la
famille de la cinéaste, qu’elle a filmée durant
dix années (voir Zib’72), images du temps
qui passe, traces qu’elle fixe patiemment.
En suppléments, un court métrage en N&B,
Ici là-bas, sur «l’histoire difficile enfoncée
dans l’amnésie de la petite enfance», celle
des Pieds-Noirs et la culpabilité, monté
Aller-retour
D’un départ de la Joliette, tout en brouhaha,
sirènes et grincements, sacs plastique Tati
bleu-blanc-rouge qu’on bourre, ficelle,
scotche, à une arrivée à Marseille encore,
Bonne Mère et Palais du Pharo en vue, le
film d’Élisabeth Leuvrey, La Traversée, nous
embarque sur le ferry l’île de Beauté, entre la
cité phocéenne et Alger. Une intimité de huis
clos, dans le ventre et sur les ponts du navire,
où se révèlent les histoires de l’entre-deux,
celles de migrants dont l’identité se déchire
entre la France et l’Algérie. La réalisatrice
laisse les passagers dialoguer, s’interpeller,
les saisit dans l’abandon du sommeil, les
écoute dire leurs peurs, leurs espoirs, tandis
que le bateau creuse derrière lui un large
sillage. Outre ce très beau documentaire de
72 mn, dédié à Abdelmalek Sayad, le DVD
«pour rester à bord encore un peu», s’accompagne d’un livret de 68 pages : entretien
avec Elisabeth Leuvrey, photos, citations,
par Manuela Frésil (réalisatrice d’Entrée
du Personnel, ndlr) ainsi que Ranger les
photos, coréalisé avec Laurent Roth (qui
vient de finir Arcs Arceaux Arcades). On y
entend aussi Dominique Cabrera parler
de son travail avec Laure Adler et c’est
passionnant.
Les Films autobiographiques de Dominique
Cabrera, un DVD qui nous permet d’approcher
une cinéaste de l’intime, sensible, qui se
pose de vraies questions sur le monde et
qui à partir d’une histoire singulière touche
à l’universel. «Ce que j’aime dans le cinéma,
c’est le fait que l’on filme des êtres vivants
et qu’on conserve leur image […], leur trace,
pour toujours» (Dominique Cabrera).
ANNIE GAVA
Les films autobiographiques de
Dominique Cabrera
2 DVD
Une Collection Documentaire
textes, retranscription d’un long échange
écarté au montage. Et, en sus, un malus
de 85 mn, Alger mise en ombre, succession
de six séquences d’arrivées et de départs
d’Alger, absentes de la version finale du film.
En voix off, le psychanalyste Ghyslain Lévy,
parti d’Algérie en 62 pour n’y plus revenir,
commente les rushes, interprète le choix de
la cinéaste, de ne pas s’arrêter à Alger, de
rester sur le fantasme et l’inquiétude : est-ce
qu’on va me reconnaître ? Est-ce que je vais
reconnaître ? Le choix de suggérer quelque
chose qui se refuse à celui qui n’est ni l’un
ni l’autre, le choix de suggérer le lointain
familier et la proximité étrangère.
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ELISE PADOVANI
DVD La Traversée
Élisabeth Leuvrey
Les écrans du large/Shellac, 24,99 euros
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Journalzibeline.fr
Les dessins à dessein de Sedjal
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Vue de l’exposition de Mustapha Sedjal, galerie Karima Celestin, mars 2014, Marseille © MGG-Zibeline
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La page blanche ne fait pas peur à Mustapha
Sedjal. Le blanc non plus qu’il perfore, froisse,
filme dans ses dessins, ses sculptures, ses
vidéos, et qui sous-tend son travail plastique
attaché «à démonter les mécanismes de
l’entre-deux. Mémoire/Histoire-Espace/Temps».
Une couleur symbolique si forte qu’il cite
l’écrivain martiniquais Frantz Fanon : «Si
le Blanc me conteste mon humanité, je lui
montrerai, en faisant peser sur sa vie tout
mon poids d’homme, que je ne suis pas ce
Y’a bon banania qu’il persiste à imaginer»…
Mustapha Sedjal, né à Oran et installé en
France, expose à la galerie Karima Celestin
un ensemble d’œuvres produites in situ en lien
avec les espaces. Toutes liées muettement
par le blanc, la main, le papier poinçonné qui
crée des dessins en fragments. Un origami
en trois dimensions aux formes noires et
blanches, compactes ou étirées, molles
ou rigides qui se répondent ; une série de
dessins «chorégraphiques» d’où surgissent
des mains qui froissent, dansent, montrent
du doigt. Si sensuels que la surface du papier
est parcourue de frissons… Une vidéo qui
travaille sur la répétition, l’obsessionnel,
la délicatesse : le montage de à dessein… !
ressemble à une partition musicale ; des
Odalisques modernes à peine esquissées
qui nécessitent de ciller des yeux pour
les entrapercevoir. Notre être tout entier
est tendu vers son œuvre pour écouter sa
respiration. Dans cet ensemble cohérent,
unitaire, Mustapha Sedjal a glissé la vidéo
La maison du peuple comme on brandit un
brûlot, noire de fumée, aux antipodes des
œuvres immaculées. Après le papier froissé,
les livres brûlés. Au début la femme voilée,
en épilogue la femme démasquée. Et si
l’artiste nous lançait un avertissement : quand
on voile un visage, on interdit une parole ?
M.G.-G.
The System Needs An Update
jusqu’au 3 mai
Galerie Karima Celestin, Marseille 1er
06 28 72 44 24
www.karimacelestin.com
Ancône, encore !
Dernière étape à Marseille pour
la Biennale des Jeunes Créateurs
d’Europe et de la Méditerranée
(voir Zib’64 et 72). Retour et
réinventions de la sélection
française section arts visuels à
l’Espace Culture et à la galerie
du Château de Servières
Quand sur le sol transalpin les artistes
bénéficiaient en 2013 de la thématique bienveillante Errors allowed [les erreurs admises],
la sélection française pour ce retour 2014
était affranchie de toute contrainte. Pour la
galerie du Château de Servières, chaque
artiste a pu reformuler ou élaborer une
nouvelle proposition dans la suite italienne
ou bien conçue dans la prolongation de ses
problématiques en cours. Reprenant un tirage
à la chlorophylle évanescente, Aurélien David
interroge sous lumière verte la problématique
de la durabilité en art contemporain et rejoint
ainsi la photographie à ses balbutiements.
A. Sirignano_Le garçon, J.Balsaux / Ecologie humaine, M. Lewden W.A.S.E.#1, vue partielle de l’exposition © C. Lorin/Zibeline
Questions plus sociétales pour Julie Balsaux
sur les rapports genre/identité/apparence et
Léna Durr qui pointe l’instrumentalisation
de l’enfance via le trivial calendrier pour
adultes. Portrait et identité sont en jeu avec
Le garçon d’Arthur Sirignano, installation
«pauvre» et sculpturale. Sculpturale, monumentale et paradoxale la fusée/babel en
briques empilées à sec, bloquée entre sol
et plafond chez Martin Lewden. L’image en
mouvement relève de l’absurde en saynètes
pour Irène Tardif (dessin animé) comme pour
Kathialyn Borissoff (auto-performances
un poil déraisonnables). Trois installations
explorent matière et espace : Jane Antoniotti, Emilie Lasmartres réinventent des
topographies hypothétiques ; Elvia Teotski
déploie des écharpes de cierges magiques
soudés entre eux ; et de cette simplicité,
frêle et épineuse comme des oursins, émane
une poétique et troublante contamination
quasi organique. Les commissaires avaient
invité par ailleurs à l’Espace Culture l’artiste
libanais Charbel Samuel Aoun. Voice of
invisibles, vu et écouté à Ancône, restituait,
non sans émotion, via un dispositif composé
d’appareils téléphoniques obsolètes, la parole
des laissés pour compte au Liban et en Syrie.
Choix pertinent car universel, résonnant
étonnamment à Marseille.
C.L.
Retour de Biennale Mediterranea 16
jusqu’au 3 mai
Galerie Château de Servières, Marseille
04 91 85 42 78
www.bjcem.net
www.espaceculture.net
La Friche la Belle de Mai
branchée sur L.A.
T
Asco, Pseudoturquoisers (fotonovela), 1975 Photographie couleur par Harry Gamboa, Jr.
Tirage numérique, 2014, 54 x 80 cm © Courtesy Harry Gamboa, Jr. et UCLA Chicano Studies Research Center
riangle France, membre du Cartel à La
Friche la Belle de Mai, présente simultanément deux générations d’artistes
de Los Angeles jamais exposés à Marseille :
le groupe Chicano Asco et Erika Vogt
Pas de lien formel ni idéologique entre le groupe
d’artistes Chicano Asco, qui signifie «nausée»
en espagnol, et Erika Vogt, seulement une
mégalopole fantasmatique. Tout y est gigantesque, à l’instar du célèbre H.O.L.L.Y.W.O.O.D.
Mais les strass sont des miroirs aux alouettes
qui cachent une réalité plus sombre vécue par
la communauté Chicano, cible de la violence
policière et d’actes racistes. Dans les années
70, Harry Gamboa Jr., Gronk, Willie F. Herron
et Patssi Valdez décident, après avoir participé
aux mouvements sociaux et étudiants des
années 60, d’affirmer et revendiquer leur
identité, de se rebeller par le geste artistique.
Autour d’eux s’agrègent d’autres artistes qui, de
manière informelle, vont réinvestir les quartiers
chauds de East Los Angeles, là où ils vivent
et où les affrontements font rage. No Limit
pour ces «combattants» : leurs interventions
urbaines succèdent aux happenings, leurs
performances aux expériences filmiques et
aux photographies qui détournent les codes
de leur propre communauté ou mettent en
scène, en décor réel, des situations de violence
ordinaire. Rien ne leur échappe, même les
institutions comme le Musée d’art contemporain sont largement taguées ! Et aucune
question n’est évacuée : pas plus la drogue
que le racisme, la politique que le sexe et le
travestissement. Cela donne un ensemble de
portraits de rue et de portraits intimes au style
très rock, complètement «barré», qui a laissé
des traces dans la filmographie de Scorcese
et Tarantino. Les photographies noir et blanc
sont troublantes de contemporanéité, celles
flashy aux couleurs surexposées dignes du
London de Ziggy Stardust… Mais le socle est
plus profond qu’un effet de mode : dans les
saynètes tournées en vidéo avec des bouts de
ficelle, Asco interroge notamment les processus
de fabrication de l’image, sa promotion et sa
diffusion, mettant à mal l’industrie cinématographique dont L.A. est le temple. Décalée,
débridée, sulfureuse : la bande des quatre et
ses acolytes laissent une œuvre à lire comme
une nouvelle de Hubert Selby Junior ou une
enquête de Hunter Tompson.
«Un champ de débris»
Quarante ans après, Erika Vogt éclot sur la
scène californienne bardée de deux prestigieux
diplômes : un Bachelor of Fine Arts de New
York University et un Master of Fine Arts du
California Institute of the Arts, suivis de nombreuses exhibitions personnelles et collectives.
À l’invitation de Triangle France, elle investit la
salle vitrée de la Tour Panorama avec Speech
Mesh-Drawn OFF, une installation dont elle
est totalement l’architecte : œuvre sonore,
picturale, sculpturale, photographique et vidéo
que l’on traverse en tous sens. Ensemble
monumental composé d’éléments en dialogue
qui ouvrent de multiples perspectives et laissent
libre cours à la déambulation tête en l’air ou
yeux rivés sur les vidéos, regard échappé vers
les toits du quartier ou attentif aux objets en
suspension, plâtres légers repeints, statufiés
par les immenses poulies qui les arriment au
sol, statiques malgré les corps
qui les frôlent. On enjambe,
on contourne, on déroute les
trajectoires rectilignes dessinées
dans l’espace, a contrario, on
les affirme. Tout est possible.
C’est le choc des sensations, car
l’artiste floute les relations entre
objets et sons, et rend mouvant
les frontières entre les médiums.
Tels ces trois écrans vidéo exposés comme des sculptures, qui
se répondent les uns les autres
et diffusent les mêmes images
que les impressions jets d’encre.
Erika Vogt provoque une mise
en tension permanente entre
les compositions abstraites,
l’environnement sonore à flux
tendu et les objets préhensibles
facilement identifiables. Et s’interroge sur le sens à donner aux
objets coloriés : des sculptures
suspendues ? Des peintures en
3D ?…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À voir
à la Tour Panorama
Speech Mesh-Drawn OFF
Erika Vogt
jusqu’au 18 mai
Exiled Portraits
ASCO and Friends
jusqu’au 6 juillet
Pop-up
Œuvres réalisées par les artistes
résidents d’Astérides, exposition
en écho à la publication [Vingt ans
après]
du 18 avril au 6 juillet
au Petirama
Feat
Isaac Contreras, Éléonore False
et Thomas Koenig
Artistes en résidence à Triangle
France
2e étage des magasins
jusqu’au 20 avril
Friche la Belle de mai,
Marseille 3e
Triangle France
04 95 04 96 11
Astérides
04 95 04 95 01
www.lafriche.org
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Après une période oscillant entre programmation artistique et inclination commerciale, Le
Magasin de Jouets remise son concept store
pour renouer avec la passion photographique.
«On ne savait plus si c’était une galerie avec
une boutique ou une boutique avec des photos
sur les murs. Fallait recentrer, on repart sur
les expos et des objets d’artistes signés» se
confie avec enthousiasme Nicolas Havette,
responsable artistique de cette galerie initiée
par Pierre Hivernat et installée depuis 2009
dans l’ancienne boutique Joué Club. Au
moment où Arles amplifie considérablement son offre culturelle, c’est donc une
bonne nouvelle après une période où les
expositions sans démériter paraissaient
cependant secondaires. La ligne éditoriale
reste ouverte avec une orientation plus plasticienne et poétique. «J’essaie de mettre en
avant des artistes en rapport avec la pensée
magique» précise le galeriste-photographe
pour se démarquer de l’influence de la
photo distanciée à la suite des Becher et
consorts. Désormais, après un re-lifting
des espaces, la partie la plus en vitrine et
plus vaste accueillera des expos longues,
sur deux à trois mois, avec des artistes
confirmés ou reconnus. La seconde salle
Still alive ?
L’exposition inaugurale de la Fondation
Van Gogh Arles ne déçoit pas vraiment,
sans générer un enthousiasme à la
hauteur du mythe
Vu de la rue le «geste-signature» de Bertrand
Lavier empâte le portail d’un Vincent un peu
plastique mais cette communication visuelle
s’avère efficace. La peinture se lit ici d’emblée
et, par elle, l’art. Une fois passée la cour nette
comme une Suisse de référence, le visiteur
appréciera la transparence de l’extension
lumineuse puis une belle enfilade de salles
aux normes en vigueur jusqu’aux terrasses
tutoyant les toits arlésiens pour découvrir par
son dessus la verrière/installation de Raphael
Hefti, une des créations les plus réussies et
permanente (Zib’72). À l’intérieur, l’exposition
conventionnelle, muséale et didactique,
illustre la thématique du basculement des
couleurs du nord aux couleurs du sud. À
part un autoportrait et l’emblématique
Maison jaune peu de pièces marquantes (à
Orsay avec Artaud ?) dont les peintures de
jeunesse, de référence hollandaise, de l’École
de Barbizon, de ses amis artistes Gauguin,
Bernard et le Japon fantasmé via une série
d’estampes. Un contraste s’installe avec la
partie contemporaine dont on perçoit parfois
mal les échos avec Van Gogh (ou Vincent). Les
© Vanessa Santullo, série Roma Termini, 2008
Renouveau
en magasin
sera consacrée à des artistes émergents, des
découvertes. L’exposition actuelle rassemble
trois artistes autour du travail emblématique
de Michel Séméniako sur les rapports réel/
lumière/couleur. Un rapprochement pertinent
pour ses hallucinantes lucioles qui trouvent
un équivalent dynamique dans le vol des
étourneaux happés par Vanessa Santullo.
Les formes sculpturales en fil de fer de
Frank Dorat jouent avec la lumière projetée
et les couleurs primaires. Plus design que
poétiques, les propositions du duo marseillais
les Jnouns, impressions photos sur sièges
en formica qu’on aurait appréciées encore
plus décalées. Les résidences de création
«Arles vu par...» reprennent opportunément
avec Michel Séméniako pour une restitution
courant 2014. Affaires à suivre !
CLAUDE LORIN
Après les lucioles
jusqu’au 24 mai
Le Magasin de Jouets, Arles
06 60 74 19 45
www.lemagasindejouets.fr
la volée d’escalier,
m é t a p h o re d u
labeur du créateur.
Restera sûrement en
mémoire le foutoir
spectaculaire de
Thomas Hirschhorn habitué de la
récup’ propre (une
autre signature).
Et la collection
Yolande Clergue
semble maintenue
au secret : même pas
l’ombre d’un Bacon,
Rauschenberg. Quel
sera l’avenir d’un
Raphael Hefti, La Maison violette bleue verte jaune orange rouge, 2014 © C. Lorin/Zibeline
projet fondé sur un
manque : l’absence
dessins de Guillaume Bruère nous rappellent d’œuvres du premier intéressé lui-même
l’urgence du jaillissement artistique mais disparu ? À moins que la gageure ne se révèle
quid des portraits d’Elizabeth Peyton, des en un audacieux lieu d’expérimentations ?
bidouillages en jonc de Bethan Huws ? La Des expos Lavier et Yan Pei-Ming sont
poésie de Camille Henrot est ramenée à annoncées. Pourra-t-on espérer Vik Muniz ?
une sorte de showroom chic au lieu d’une C.L
invite à la contemplation vagabonde (se
poser, des coussins ?). Comme se perdent en
Van Gogh live !
terrasse les marbres de Gary Hume auteur
jusqu’au 31 aout
de la chromatique des salles. Comme on
Fondation Van Gogh, Arles
passera probablement à côté des discrets
04 90 93 08 08
grattages sonores de Fritz Hauser dans
www.fondation-vincentvangogh-arles.org
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épaisseur. Fragments d’un récit à
la première personne du singulier,
ils disent la souffrance : celle de
l’Afrique, dont nous n’ignorons pas
les maux, mais aussi et surtout
celle de l’auteur, qui nous confie
son désarroi, sa tentation de fuir
et, au final, son besoin de rester.
L’homme dit admirablement le
tiraillement entre les idéaux
et la préservation d’un certain
confort, entre la volonté d’agir
et le sentiment d’une immense
impuissance. Que l’on connaisse
l’Afrique ou pas, son expérience
entre en écho avec notre vécu,
nos combats, nos renoncements,
nos petites lâchetés, nos petits
«meurtres de l’oubli». Loin d’être
des finalités en soi, les photos
de Philippe Ducros se révèlent
être le décor d’un théâtre qui
prend pour scène notre intimité. Certains rejetteront cette
intrusion, d’autres l’accepteront.
Qu’importe, l’artiste n’est pas là
Au cœur du désastre
À La Compagnie, Pierre-Emmanuel Odin
émet l’hypothèse que Les os des pierres se
ressoudent plus vite que les nôtres et que
l’esprit est «têtu comme un caillou». De là à
considérer les œuvres de l’artiste marseillais
Boris Chouvellon1 et du réalisateur polonais
Marcin Malaszczak comme «des interstices,
une respiration, une vigilance accrue» au
cœur du désastre. Une double proposition
ancrée dans la réalité mais aux vocabulaires
formels incomparables. De ses pérégrinations
urbaines et périphériques, Boris Chouvellon
tire des sculptures-architectures de béton
et de métal qui emprisonnent le mouvement
et le souvenir. Démonstration faite avec
Un drôle de manège qui trône dans la salle
principale et capte le regard depuis la rue :
l’arc principal ne tourne plus, les poussettes
sont suspendues entre-deux, ni cris de joie ni
flonflons. C’est le manège de l’enfance perdue.
Avec son Vulcano en pneus, pas d’éruption
de cendres brûlantes mais une barbe à papa
de sucre noir, friandise ultime et morbide.
Décidément les enfants ne rêvent plus !
Tragique cette fois, son Trésor des naufragés
est un gilet de sauvetage en béton plaqué à la
feuille d’or, clin d’œil à la statuaire antique,
qu’aucun pirate ne viendra trousser au fond
des mers. Avec Boris Chouvellon la «mort
joyeuse» est plus lugubre qu’elle n’y paraît.
D’humanité il en est justement question dans
l’installation de Marcin Malaszczak mettant
en jeu l’épreuve de la vie, de la résistance.
The Recess nous plonge physiquement et
mentalement au cœur d’un asile d’aliénés
filmés en longs travellings : l’expérience
oppressante est durablement insoutenable,
même si l’on est prisonnier volontaire et
temporaire des deux murs d’images et des
deux hauts parleurs. Constat aussi troublant
face à son film Orbitalna, aux frontières de la
réalité, de la fiction et de la science-fiction :
un chantier industriel, une cabine de grutier,
une conductrice qui téléphone, attend, attend.
Soudain la machine infernale s’agite : aux
plans fixes succèdent des plans rapprochés
de plaques de béton, câbles, tuyaux, boulons… La réalité cède la place à un ballet
de formes abstraites et géométriques. Là
encore l’attente est vissée au corps, et le
désastre imminent.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
1
En octobre 2011-janvier 2012, le Mac Marseille lui
consacrait l’exposition monographique Running on
Empty (voir Zib’46)
Les os des pierres se ressoudent plus vite
que les nôtres
Dans le cadre de la Biennale des écritures du réel
jusqu’au 31 mai
La Compagnie, Marseille 1er
04 91 90 04 26
www.la-compagnie.org
Wiktor, photographies de Marcin Malaszczak, exposition à La Compagnie, 2014 © X-D.R
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La réalité face à laquelle Philippe
Ducros nous place est d’une
indéniable noirceur. Misère,
famine, exil, guerre, viol, enfants
soldats : les villes et les camps
de réfugiés qu’il a traversés en
Afrique regorgent d’histoires
plus terrifiantes les unes que
les autres. Artiste polymorphe
ayant choisi la route pour école,
ce globetrotter montréalais donne
à voir et à entendre cette réalité à
travers un dispositif d’une grande
simplicité et d’une redoutable efficacité. La découverte de La Porte
du Non-Retour est une expérience
qui se vit seul(e). Comme dans
un musée, le spectateur, muni
d’un audioguide, déclenche de
brèves séquences sonores devant
les quarante-neuf photos qui
constituent la partie picturale du
travail de Philippe Ducros. Des
images d’une grande beauté,
ni plus surprenantes, ni plus
dérangeantes que celles que l’on
a déjà vues par centaines. Jusqu’à
ce que les mots qui parviennent à
nos oreilles, telle une confidence,
leur donnent une toute autre
La porte du non retour © Philippe Ducros
Éclairage intérieur
pour juger, mais pour témoigner.
Jamais il ne se pose en donneur
de leçons : son geste est celui
d’un homme qui croit encore
en la capacité de s’émouvoir et
de s’indigner. «J’ai voulu, dit-il,
partager mes inquiétudes, mon
questionnement, ma déchirure.» Il
se trouve qu’il faut du noir pour
percevoir la lumière. En nous
confrontant d’une façon très
personnelle à la souffrance,
Philippe Ducros réveille en nous
des zones sensibles, souffle sur
les braises de nos engagements
et nous amène à reconsidérer les
petites luttes qui sont encore de
notre ressort. À commencer par
la bataille de l’indifférence, qui
se joue ici comme là-bas, à des
milliers de kilomètres comme
en bas de chez nous.
LAURENCE PEREZ
La Porte du Non-Retour a été
présentée du 18 mars au 6 avril à
La Friche la Belle de Mai, dans le
cadre de la Biennale des écritures
du réel
Pour l’amour
des livres
© Fernand Léger, Contrastes, 1959, lithographie-Fondation des Treilles, Tourtour
Anne Gruner Schlumberger,
mécène et visionnaire, ne se
contenta pas de fonder une
vingtaine de bibliothèques
pour enfants en Grèce ou La
joie des livres (en 1970) en
France à Clamart, elle fit de
son domaine du Haut-Var, Les
Treilles, une fondation. Tout ce
qui a compté dans le monde
artistique de son époque est
passé par là, Braque, Arp,
Picasso, Éluard, Aragon, Char,
Aguayo, Tanning, Tardieu,
Takis, Zadkine, et j’en oublie.
Bibliophile, elle collectionne,
découvre, conserve, préserve…
aujourd’hui, la fondation des
Treilles est une véritable mine
d’œuvres, d’ouvrages rares,
choix subjectifs, certes, liés
à des amitiés, des goûts, des
voyages, des rencontres, mais
quelle clairvoyance ! L’exposition actuelle de la galerie
du Conseil général à Aixen-Provence, Trésors cachés
d’une bibliothèque, permet de
découvrir des merveilles dont
n’importe quel musée national
s’enorgueillirait. En quatre
salles, on entre dans l’intimité
de cet univers ; des photographies tapissent certaines
parois, accordant l’illusion
d’une véritable bibliothèque,
couleurs chaudes du bois et
des livres, lumières tamisées,
renforçant le délicieux mystère
de la multitude des ouvrages
qui attendent le lecteur. Max
Ernst assis aux côtés de Dorothéa Tanning sur Le Capricone
nous sourient, les improbables
fleurs composées d’objets
industriels de Takis inclinent
rêveusement leur corolle de
boulons, une grenouille semble
en grande conversation avec
un mouton, œuvres de Lalanne
(pas le chanteur, le sculpteur),
l’Oiseau-tête en bronze de Max
Ernst veille sur un petit film
de Jean-Claude Bringuier,
Promenades et conversations
avec Anne G. Schlumberger…
évocation prenante de la
vie aux Treilles, anecdotes,
mots d’artistes (éblouissante
assemblée !). Et puis, surtout,
exposés dans des vitrines d’entomologistes, ou pendus aux
cimaises, des livres d’artistes,
déployés, page à page, eaux
fortes, lithographies, aquarelles… Cahier de Braque sur
un poème de Saint-John Perse,
Femmes et faunes, Bestiaire en
marge du Buffon de Picasso,
collages, Festin de Max Ernst,
C’est-à-dire de Fernand Dubuis
avec ses aplats de couleurs
primaires, illustrations de
Lucien par Henri Laurens…
près de quatre-vingt-dix œuvres
s’offrent ainsi à nous, sans
compter le livre Mes voyages
de Fernand Léger, que l’on
peut feuilleter en mettant
des gants blancs, lire ainsi le
poème hommage qu’Aragon
lui a consacré, «Marchons
Léger, légèrement»… «J’aime
l’œuvre de Tanning parce que le
domaine du merveilleux est son
pays natal» écrivait Ernst. On y
a accès ici ! MARYVONNE COLOMBANI
Trésors cachés d’une bibliothèque
jusqu’au 1er juin
Galerie d’Art du Conseil
général des Bouches-duRhône, Aix-en-Provence
04 13 31 50 70
www.cg13.fr
Ian Simms
Ian Simms développe une démarche critique/alternative interrogeant les questions de territoire. Le passage est conçu comme
une option possible face aux ruptures spatiales et temporelles.
Autre constat : la rupture sociétale entre capacité de représentation et capacité de fabrication. L’atelier public Establishing
Territory invitera le 20 mai à la réalisation d’un potager à partir
de semences anciennes comme tentative de résistance à la
privatisation de la nature. C.L.
Les espaces autres : passages
du 7 mai au 5 juin
3 bis f-Lieu d’arts contemporains
Hôpital psychiatrique Montperrin, Aix-en-Provence
04 42 16 17 75
www.3bisf.com
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Venises
Dans le cadre des manifestations dédiées à la sérénissime, l’Institut Culturel Italien
offre ses cimaises à deux photographes vénitiennes. Mirella La Rosa ausculte les profondeurs de l’eau avec la série Emozioni d’acqua. Pour Etta Lisa Basaldella, le travail
du souvenir hante quarante ans de photo dans les atmosphères brumeuses de son
Passeggiata nel Sogno. Deux parcours vécus entre rêve et réalité de la cité mythique.
C.L.
Vladimir Skoda, h. Constante de Planck I, 2004 © Massimo Lenzo
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Extrait de la vidéo JG Ballard Hollis Frampton © Ian Simms
du 15 avril au 16 mai
Institut Culturel Italien, Marseille
04 91 48 51 94
www.iicmarsiglia.esteri.it
Vladimir Skoda
© Etta Lisa Basadella
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Sculptures, objets, installations, dessins et gravures composent un regard sur une
dizaine d’années de création. Métal poli et sphères réfléchissantes constituent en particulier les modes d’expression privilégiés de Vladimir Skoda, une marque de fabrique
chargée aussi de réflexions symboliques. Un livre : Vladimir Skoda, de l’intérieur par
Evelyne Artaud, commissaire de l’exposition. C.L.
Constellations
jusqu’au 14 juin
Campredon Centre d’art, L’Isle-sur-la-Sorgue
04 90 38 17 41
www.islesurlasorgue.fr
Yo Bastoni, Trophy buffle black’n red velvet, 2014 © X-D.R
SMART 9#
Chaque édition du SMART, salon d’art contemporain mixte, se
veut une invite à la diversité et l’innovation artistiques. Cette
neuvième année donne la visibilité à 12 galeristes et 200 artistes
de toutes catégories avec un important focus sur le design et
l’art urbain en particulier. Invitée d’honneur, la galerie Berthéas
est spécialisée dans l’Urban Art. Performances de graffeurs
vendredi 2 mai dès19h. C.L.
du 1 au 5 mai
Parc Jourdan, Aix-en-Provence
www.salonsmart-aix.com
Ivana Boris
Installé dans un cabinet d’imagerie médicale en activité, le Cabinet d’Images à Draguignan mêle art et science sous la houlette de Justine Flandin, commissaire d’exposition.
Après Pierre Blanchard, Alain Boggero, Marc Girault, Laure Fermigier, Jean-Pierre
Nadau, Pascal Grimaud et Jean-Yves Rigole, la photographe Ivana Boris expose trois
séries au noir et blanc très contrasté. Des «bouts d’espace» où la terre, la mer et le sable
sont des variations de matières et de lumières. M.G.-G.
jusqu’au 17 mai
Cabinet d’images, Draguignan
04 94 68 09 67
© Ivana Boris
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Judith Bartolani
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C’est une Judith qui rit, Judith qui pleure que L’Art prend l’air
présente pour la première fois à La Ciotat à travers un foisonnement de sculptures explosives, de dessins récents, d’œuvres
inspirées de ses lectures, notamment Si c’est un homme de
Primo Levi. L’exposition souligne les va-et-vient incessants qui
relient ses écritures spatiales, plastiques et littéraires et fondent
son œuvre puissante : Judith Bartolani y exprime
«toute son humanité». M.G.-G.
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Judith qui rit, Judith qui pleure
du 2 mai au 8 juin
Chapelle des Pénitents bleus, La Ciotat
04 42 83 89 46
© Judith Bartolani
Laurent Dessupoiu
Crayon spatial, la tête dans les étoiles © Laurent Dessupoiu
Dans son imaginaire empreint d’images africaines, Laurent Dessupoiu réserve une place particulière à ses Gladiateurs des temps modernes aux visages composites qui semblent regarder le
monde avec un air toujours ébahi… ou effrayé ? Sait-on jamais avec cet artiste qui manie l’humour
avec le même talent qu’il découpe, tresse, visse, peint, recycle. Et revendique avec tonitruance de
marcher Sur les traces de la liberté. M.G.-G.
La sensation d’un voyage inachevé
jusqu’au 18 mai
Villa Tamaris centre d’art, La Seyne sur mer
04 94 06 84 00
www.villatamaris.fr
Présence animale
La 18e édition de L’Art renouvelle le lycée, le collège, la ville et
l’université se répand comme une trainée de poudre dans 18
établissements et 4 villes : Cassis, La Ciotat, Luynes, Marseille.
Ce réseau créé par Le Passage de l’art permet d’exposer simultanément 21 artistes choisis autour d’une thématique, cette
année Présence animale, de réaliser des ateliers, organiser des
résidences, des conférences et un colloque inaugural. Franck
Lestard est l’hôte du Passage de l’art. M.G.-G.
jusqu’à fin juin
04 91 31 04 08
www.lepassagedelart.fr
Hyène, peinture à l’encre de chine © Franck Lestard au Passage de l’art
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Kidnapping au Pharo
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Jean Contrucci livre aujourd’hui le onzième
épisode de ses Nouveaux Mystères de Marseille.
En digne descendant des feuilletonistes du XIXe
siècle, il ne lésine ni sur le titre, Rendez-vous au
Moulin du Diable (tout un programme…), ni
sur les en-têtes de débuts de chapitres («où,
au terme d’un périple nocturne à travers un
terroir inconnu, on se trouve face à face avec le
ravisseur», un exemple parmi d’autres), ni sur
les péripéties et rebondissements multiples,
ni sur le style volontiers hyperbolique, tous
ingrédients indispensables à ce genre de récit. Il
est question cette fois-ci du rapt d’un enfant. Et
pas de n’importe quel enfant. Le petit Paul est le
fils d’un des hommes d’affaires les plus puissants
de la cité phocéenne en ce début de XXe siècle.
Cet enlèvement met la police et les journalistes
en transe… Mais ce n’est pas tant pour l’intrigue,
somme toute assez convenue, qu’on dévore ce
nouveau mystère de Marseille. Outre qu’on y
retrouve avec plaisir Raoul Signoret, reporter au
Petit Provençal (sorte de Tintin du Vieux-Port),
et son oncle le commissaire Eugène Baruteau,
c’est l’évocation du Marseille des années 1900
qui séduit. Contrucci, en fin connaisseur de la
ville, parsème le récit d’anecdotes, de rappels
historiques. Et c’est un vrai bonheur que de
déambuler dans ce Marseille d’antan, où le
tramway roulait jusqu’à l’Estaque, où La Plaine
était agrémentée d’un bassin, où la jeunesse
allait au Chalet Sportif s’initier au skating…
FRED ROBERT
Rendez-vous au Moulin du Diable
Jean Contrucci
JC Lattès, 18 euros
L’historien et romancier marseillais était invité à la
librairie l’Attrape-mots (Marseille) le 27 mars
Aux quatre coins du mur
D’une écriture simple mais élégante, Kéthévane
Davrichewy morcelle le puzzle familial pour
mieux le recomposer, construisant son roman
comme une pièce de théâtre. Un prologue,
trois actes, un épilogue pour la narration ; une
mère toujours vivante, un père décédé, quatre
frères et sœurs apparemment irréconciliables
pour les personnages ; la maison familiale de
Somanges et une île grecque pour les lieux.
Et toujours ces Quatre murs qui réconfortent,
séparent, abritent ou terrorisent la fratrie qui
cache de douloureux secrets. Chaque personnage
développe sa pensée et ses tourments en un seul
acte, même les jumeaux, les parents apparaissant
et disparaissant en filigrane tout au long des
chapitres. Saul, Hélène, les jumeaux Elias et Réna
sont «le cœur même d’un chagrin qui ne finira
pas» et tentent, désespérément, de se retrouver
Habitare secum
En 2013, Lorette Nobécourt publiait conjointement Patagonie intérieure et La clôture des
merveilles. Rien de commun a priori entre les
deux ouvrages. Le premier, bref, a l’allure d’un
récit de voyage. Souvenirs d’un périple que la
romancière a effectué au Chili et en Terre de
Feu sur les traces du grand romancier chilien
Roberto Bolano, en quête aussi de lieux pour
son avant-dernier roman Grâce leur soit rendue
(2011). Le second, sous-titré Une vie d’Hildegarde
de Bingen, se présente comme une biographie
de la mystique du XIIe siècle, faite «docteur
de l’Église» par Benoît XVI en 2012. Rien de
commun ? Si. Et bien plus qu’on ne croirait. Outre
la parenté évidente d’une écriture tranchante,
débarrassée des scories de la langue, une même
démarche anime les deux livres : la lutte fervente
pour habitare secum (habiter avec soi), «être là
au monde, pleinement», comme le déclarait la
romancière récemment invitée à la librairie de
L’Arbre. Le voyage en Patagonie est avant tout
une quête de soi (comme l’indique d’ailleurs le
titre) : «Le bout du monde, le bord du monde, c’est
donc en dedans qu’il faut l’aller chercher», écrit
par-delà les séparations, les mensonges, les nondits, les réussites et les échecs de chacun…
Car l’intimité familiale est devenue «épineuse»
depuis longtemps déjà ! Kéthévane Davrichewy
saisit avec délicatesse et justesse des situations
communes, partagées sans doute par le lecteur,
sans à-coup stylistique ni effet de manche. Sa
langue fluide, douce, limpide permet d’énoncer
des situations dramatiques sans s’appesantir,
de pointer les perfides et les jalousies enfouies,
de recueillir les grands déballages… tout ce
chapelet de remords et de regrets qui colle aux
semelles des enfants qu’ils ne sont plus. Quatre
murs ressemble à un film doux-amer sur la perte
de l’insouciance, le cocon familial évanoui, le
déclin des amours…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Lorette Nobécourt. En soi, et dans la littérature,
«le seul lieu où l’ici et l’ailleurs sont enfin une
même et unique existence.» On comprend alors
mieux ce qui fascine la romancière dans la figure
d’Hildegarde de Bingen (H. comme elle la
nomme) : sa liberté, son insoumission, son
refus du dogmatisme, son amour de la vie, son
rapport au Verbe surtout (elle a même inventé
une langue). Dans la vie imaginée que le roman
retrace, peu de repères temporels, on est assez
loin d’une biographie classique, là n’est pas le
propos. Des scènes fulgurantes en revanche et
le récit au présent d’une existence tout entière
tournée vers le Verbe : «H. s’aperçoit qu’écrire
délivre. Écrire perce. Assainit. Nettoie. Fore. Met
à jour. Écrase la peur. Transporte hors de soi. Et
guérit. Ce n’est pas une vocation, c’est un destin.»
Comment ne pas reconnaître Lorette derrière
Hildegarde ? Elle aussi, l’écriture l’a guérie
(lire La démangeaison, son premier roman) et
derrière H. elle peut dire «des choses énormes»,
avoue-t-elle en riant.
F.R.
Quatre murs
Kéthévane Davrichewy
Sabine Wespieser éditeur, 18 euros
Lorette
Nobécourt était
à Saint-Rémy
de Provence
et à Marseille
les 8 et 9 avril
dans le cadre
des Escales
en librairies
proposées par
Libraires à
Marseille
Prochains RDV
les 17 et 18 avril avec Owen Matthews
www.librairie-paca.com
Patagonie intérieure et La clôture des merveilles
sont publiés aux éditions Grasset
(12,90 et 14,90 euros)
Lectures
Dans la nuit et le vent… le père et l’enfant…
et cette première de couverture où la tente du
bivouac éclairée de l’intérieur (photo de Daniel J.
Barr) semble une météorite fraîchement déposée
sur un monde bien noir… Les éditions Métailié
promettent «des livres pour vivre passionnément»
et le bandeau rouge affiche crânement «Attention
lecture dangereuse». On fonce et jusqu’à la dernière
ligne quelle histoire ! ou plutôt quelles histoires
car elles sont trois à filer pas doux du tout en
écho, en miroir et en catastrophe bien sûr : il
y a celle de la maternité, celle de la paternité et
surtout celle de la création littéraire… Chapeau
bas Rafael Reig ! Dans un roman vertigineux,
rigoureux et tragique se trament et se dévoilent
souffrances en cascades, frustrations, ratages qui
atteignent le lecteur de plein fouet. Carmen et
Carlos se sont déchirés, leur fils Jorge, adolescent
pataud, vit avec sa mère et accompagne son père
pour une course en montagne un week-end ;
rien que du déjà lu sur les rituels de passage
père/fils ? Point du tout car l’essentiel est dans
ce qui n’est pas écrit mais que fait vivre dans
sa tête Carmen, dépositaire à la sauvette du
manuscrit de son ex-mari, roman glauque,
poisseux remake de Pas d’orchidées pour Miss
Blandisch dont la lecture provoque l’effroi et la
nausée et pas seulement chez la maman ! Signes
biaisés de mort qui rôde, bombe à retardement
dont la mèche court d’un chapitre à l’autre avec
ses définitions de mots croisés dont la terreur
monte en puissance pour nourrir la fiction, piège
à interprétations abusives, chambre d’écho de
ses propres fantasmes… l’auteur (lequel ?) en
démiurge manipulateur comme «une ombre
qui se cache entre les lignes» ouvre les gouffres
diaboliques dans lesquels se fracasse la lectrice
(laquelle ?)… Bluffant, baroque, irrésistible.
MARIE-JO DHÔ
Ce qui n’est
pas écrit
Rafael Reig
Métailié Noir,
18 euros
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Rafael Reig est invité aux Escapades littéraires
à Draguignan le week-end du 17 et 18 mai
(voir p.72)
Délectables jardins
Un «chef-d’œuvre immense» comme le claironne
la dernière de couverture ? Un exercice de style
brillantissime ? Le énième représentant (très
digne au demeurant) d’un genre proliférant
dans la littérature de langue espagnole et même
catalane ? Phrixos le fou, premier volet traduit d’une
trilogie à venir, participe sans doute de tout cela
et s’inscrit dans une tradition littéraire qu’il ne
renouvelle guère... Son auteur Miquel de Palol,
solide entrepreneur et excellent architecte bâtit
un roman-forteresse aux mille et une portes par
lesquelles se faufilent autant de récits qu’il y a de
narrateurs à prendre la parole ; ça vous rappelle
quelque chose ? Hepta ou Décameron, Boccace,
Chaucer ou Calvino car dans ce château aussi
les destins se croisent et tel qui narre était sous
un autre regard objet de la narration. Résumons
-facétie de lecteur qui veut garder la main- ou
plutôt cadrons : une guerre nucléaire/Barcelone
pulvérisée/des grands de ce monde réfugiés
dans un sublime palais-jardin là-haut dans la
montagne/du temps à tuer/un jeune narrateur
auquel on va s’identifier puisqu’il nous prête ses
yeux et ses oreilles pour filtrer les récits-gigognes
de ces trois journées. L’artifice est revendiqué
comme un motif essentiel : dans cette «caverne»
il n’y a que des originaux et ce sont les copies qui
peuplent les musées ; Phrixos sorti du mythe, à
cheval sur son mouton, «entre» dans sa fresque
le visage tourné vers le narrateur qui frémit ; le
jardin métaphorique tient ses arbres aux essences
multiples et exhaustives comme Orion ses étoiles
dans sa constellation et les «personnages» dont les
portraits à l’infini relèvent de l’allégorie sont des
déclencheurs d’histoires, à partir d’une matrice
(la vertigineuse épopée de la banque Mir) qui
va générer rien moins qu’un vaste panorama
des formes romanesques existantes… Entre le
conte philosophique, la nouvelle policière, le
roman d’espionnage et le reste, la lecture zigzague
béate d’admiration mais sans aucune émotion !
M.-J.D.
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Phrixos le fou, premier volet de Le Jardin des Sept
Crépuscules
Miquel de Palol
Zulma, 22,50 euros
Résister, puis vivre
Comment survivre après la guerre et comment
vivre ensuite avec des souvenirs qui submergent
parfois le présent ? C’est la question que nous
pose Ingrid Brunstein dans le livre qu’elle a
qualifié de «document», voulant sans doute mettre
une distance entre elle et son discours. Mais la
petite Lotte qui naît en 1937 en Allemagne, puis
deviendra Charlotte en France où elle fera ses
études supérieures et épousera un français, n’est
autre qu’Ingrid avec laquelle elle partage la date
de naissance et le vécu. Le père, descendant d’une
famille de militaires prussiens entre naturellement
dans la Wehrmacht. La mère traversera toutes les
épreuves des bombardements, de la fuite, avec
Lotte et les deux enfants nés durant la guerre. En
45, la famille se retrouve dans ses ruines dans des
conditions de dénuement extrême. C’est alors
que commence l’entreprise de dénazification qui
concerne toute la population, et les jalousies des
femmes dont l’époux n’est pas revenu. Le père est
obligé de gravir tous les échelons du monde du
travail tandis que les enfants retournent à l’école.
Charlotte revit tout cela dans des passages où
sa parole est restituée à la première personne,
évoque leur éducation stricte et revoit des images
qu’elle essaie d’analyser avec le recul. Ingrid pose
la question du droit au bonheur, de la lente
reconstruction des corps et des âmes et offre la
performance d’une écriture à deux voix, mêlée
de références à des écrits historiques, archives
et analyses. Un témoignage qui ose parler des
traumatismes des enfants allemands.
CHRIS BOURGUE
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Ici pas de
survivants
Ingrid
Brunstein
Édition de
l’aube,
17,90 euros
Ce livre est présélectionné pour le Prix du Sénat du
Livre d’Histoire qui sera remis le 19 juin
Destins croisés
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Les garçons perdus, ce sont deux jeunes gens que
l’on suit du lycée à la fac, deux parcours inversés :
l’un est l’idole de l’autre, riche, brillant, assuré,
quand il est terne, pauvre et timide. Mais la
chrysalide du second va éclore, tandis que le
premier s’enfonce irrémédiablement dans l’échec,
la drogue et la schizophrénie. «On risque gros
avec les gens, surtout à n’exister que dans le regard
de l’autre.» L’écriture d’Arnaud Kathrine est
précise, prenante, lorsqu’il décrit la «puissance
conformiste», si importante à cet âge-là, qui peut
n’être qu’une façade mais devient bien vite une
prison. Il met admirablement en perspective les
deux environnements familiaux, la projection
des fantasmes de l’un sur l’autre, le processus
de dépendance affective qui s’enclenche entre
les deux héros, et l’évolution de cette amitié («il
devait bien s’agir d’une forme d’amour») qui ne
mène nulle part, mais les marque violemment.
Une série de photographies glaçantes d’Éric
Caravaca accompagne le récit : celles d’un
hôpital en déréliction, ponctuées de rouge sang,
noir excrémentiel. Cette collaboration est une
belle réussite des éditions Le bec en l’air, dans la
collection Collatéral qui entend croiser littérature
et photographie contemporaine, prenant l’image
comme texte et le texte comme image, sans
redondance.
GAËLLE CLOAREC
Les garçons perdus
Texte Arnaud Cathrine,
photographies Éric Caravaca
Le Bec en l’air, collection Collatéral, 14,90 euros
La mémoire des vaincus
Tant de larmes ont coulé depuis est un roman
complexe, choral, où les voix se croisent et se
succèdent. Écrit dans la continuité de Ces vies là,
qui racontait l’histoire de la mère du narrateur,
ce nouveau roman d’Alfons Cervera s’attache
aux personnages présents lors de l’enterrement
de Teresa. On comprend peu à peu qui ils sont,
et ils apparaissent à divers âges, en divers endroits
d’Espagne ou du Sud de la France. La plupart
sont des Espagnols venus travailler dans les
exploitations agricoles de Vaucluse, réfugiés
politiques de 1936, ou immigrés économiques
des années soixante. Certains sont repartis en
Espagne, dans un de ces petits villages désertés
par les vagues d’émigration successives. Tous
ont subi en France l’exploitation, le rejet, le
racisme, l’isolement, la misère. Tous au retour
connaissent la solitude, exilés partout, sans
mémoire. La narration suit ces récits brisés,
adoptant par analogie des phrases brèves, des
moments éclair qui se juxtaposent dans une
succession de présents sans passé. Les quelques
événements clefs y sont répétés, vus par bribes,
au travers d’une mosaïque de voix différentes
disséminées dans le roman, chaque narrateur
revenant d’ailleurs sur ses propres épiphanies
en les racontant lui-même différemment. La
lecture en est rendue difficile, les points de
vue variant au sein d’un même chapitre, sans
repère immédiat. Le décryptage ressemble à
celui d’une mémoire effacée, indéchiffrable
par endroits, net comme l’impression d’une
caresse, puis tournant autour du pot comme si
la scène primitive était inracontable. On ressort
de la lecture avec le sentiment d’avoir manqué
quelque chose, et l’envie d’y revenir, comme si
ces pages contenaient une vérité brute dont on
n’aurait pas réussi à percevoir l’éclat.
Tant de Larmes
ont coulé depuis
Alfons Cervera
La Contre Allée
18,50 euros
Alfons Cervera sera présent lors des Escapades
littéraires de Draguignan du 16 au 18 mai
(voir p. 72)
AGNÈS FRESCHEL
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sur notre site
Et venez
écouter des entretiens,
des débats, et des chroniques
sur notre webradio
Journalzibeline.fr
Avant la catastrophe
Les éditions Agone publient une série d’entretiens
menés par Laray Polk, artiste multimédia,
journaliste et écrivain, avec le linguiste Noam
Chomsky, professeur émérite au Massachusetts
Institute of Technology. Très accessible, l’ouvrage
retrace la manière effarante dont les grandes
puissances de l’économie mondiale épuisent
l’environnement, investissent dans l’atome,
et envisagent l’avenir de l’humanité. Noam
Chomsky peut difficilement être taxé d’anti-américanisme primaire, puisqu’il en est lui-même
citoyen, mais chiffres à l’appui, il dr esse un
tableau cauchemardesque des USA. Un pays
qui a soutenu de manière directe ou indirecte
l’armement nucléaire des principaux États en
conflit de par le monde, qui dévaste allègrement
ses espaces naturels, et dont les institutions
sont gangrenées par des lobbys convaincus que
le réchauffement climatique est un signe du
Avec eux
Pendant deux ans Kristine Thiemann a joué une
variante du jeu de l’ethnologue en immersion
participative. Ne se contentant pas d’un regard
extérieur et soi-disant objectif, la photographe
allemande a partagé des moments de vie avec des
Vitrollais(es) qui lui ont fait découvrir leur ville.
Ce séjour s’inscrit dans son projet Metropolen
entamé en 2002 qui s’intéresse aux petites villes
qui vivent à l’ombre d’une grande ville. Kristine
Thiemann procède le plus souvent selon une
méthodologie en quatre phases : Inspiration
(arpentage, découverte), Casting (repérage des
lieux de prise de vue, collecte des accessoires),
Prise de vue et répétitions, Exposition des photos
mises en scènes. Les images provenant de ces
Exil et écriture
Les 19 et 20 octobre 2012, la Maison de la Région à
Marseille accueillait des rencontres internationales,
organisées par Virginie Ruiz et Michel Gironde :
Villes méditerranéennes et exil au tournant du XXIe
siècle. Michel Gironde, chercheur à l’Université
Paris III Sorbonne Nouvelle et membre du
groupe RETINA International*, rassemble
dans l’ouvrage Méditerranée et exil aujourd’hui
les textes de ces rencontres. Universitaires et
écrivains y apportent leurs réflexions sur les
écritures de l’exil, celles de la Méditerranée
mais aussi de l’Amérique du Sud. Qu’est-ce
qu’écrire et penser l’exil ? Se retrouver user de
la langue du pays d’accueil en nouveau champ
d’appréhension du monde, se retrouver dans
une infrangible distanciation de soi, dans une
esthétique de la déchirure, de la découverte,
de l’acceptation, du reniement, de la révolte,
de la libération, de la confrontation des sens
et des habitudes… avec les grands modèles de
Cervantès, Kundera, Fuentes, les analyses
des œuvres d’Assia Djebar, Wajdi Mouawad,
mécontentement divin ! On peut totalement
abonder dans son sens, et cependant trouver
dommage que par contraste il semble presque
encenser... la politique de la Chine en matière
d’industrialisation «verte».
Bien que ces entretiens n’apportent aucun élément
réellement nouveau, on doit reconnaître à Noam
Chomsky le mérite de tenir ferme ses convictions,
et de savoir les faire connaître. Car le plus navrant
est de constater que l’opposition menée dans le
passé par des savants de l’envergure de Bertrand
Russell, Albert Einstein et bien d’autres, contre la
guerre et l’exploitation militaire des découvertes
scientifiques, n’a pas son équivalent de nos jours.
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Guerre nucléaire et catastrophe écologique
Noam Chomsky
Agone, 15 euros
saynètes réalisées en commun, parfois au hasard
des rencontres, sont ensuite présentées dans les
espaces publics de la ville au sein même de la vie
des habitants. Ce travail évoque celui de Martin
Parr sans la pointe d’acidité anglaise. Il en résulte
un bouquin qui se feuillette comme un carnet
de voyage ou un album de souvenir de vacances,
avec des scènes un tantinet décalées, souvent
enjouées voire cocasses à y regarder de près.
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CLAUDE LORIN
À Vitrolles
Kristine Thiemann
Éditions Wildproject, 18 euros
Abdelwahab Meddeb, Tahar Ben Jelloun,
Mohammed Dib, Alberto Ruy-Sanchez, Malika
Mokkedem, Roberto Bolano et Javier Cercas.
Deux récits d’expérience ouvrent et referment
l’ouvrage : Pascal Jourdana dans une préface
sensible évoque sa première lecture de Marelle
de Cortázar qui lui fit comprendre «intimement
ce que pouvait représenter, grâce aux personnages
d’Horacio et de Sybille, le désarroi de l’exil» ;
l’écrivain comorien Salim Hatubou rappelle
«qu’est-ce que l’exil sinon l’ombre de la terremère qui s’éloigne ?». L’ensemble compose une
mosaïque dense et passionnante où l’écriture
s’avère bien être le lieu privilégié de l’approche
et de la compréhension du monde.
MARYVONNE COLOMBANI
* RETINA International : Recherches Esthétiques
& Théorétiques sur les Images Nouvelles &
Anciennes
Méditerranée et exil aujourd’hui
sous la direction de Michel Gironde
L’Harmattan, Collection Eidos, Série RETINA,
20 euros
Talent précoce
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Cécile Coulon © Antoine Rozès
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À la voir, on a du mal à le croire. Silhouette
gracile, cheveux platine tirés en un chignon
haut, yeux clairs, vêtements sombres, Cécile
Coulon semble à peine sortie de l’enfance. Et
pourtant. À vingt-quatre ans, l’étudiante inscrite
en thèse après un cursus des plus classiques
(lettres sup’ puis la fac) en est déjà à son troisième
roman édité par Viviane Hamy. Avant ceux-là,
deux ouvrages avaient été publiés aux éditions
auvergnates Revoir. Cinq textes édités. Un beau
palmarès. Et une vraie découverte. Il n’est que
de la regarder chausser ses lunettes pour lire
un extrait de son dernier opus, ou de l’écouter
énoncer ses préférences littéraires et ses choix
narratifs, pour comprendre qu’un auteur est
né. La lecture de Méfiez-vous des enfants sages
(2010) et de Le roi n’a pas sommeil (2012) -tous
deux brefs mais fulgurants- le confirme. Il y
a là une voix originale, une écriture à la fois
brute et poétique qui vous suit longtemps.
Cécile Coulon n’est jamais allée aux États-Unis.
Les deux romans sonnent pourtant comme
des histoires américaines. Normal, elle en a
lu tellement. C’est la littérature américaine
(Steinbeck, mais aussi Stephen King dont elle
est fan absolue) qui l’a sortie de l’ennui profond
où l’avait plongée, durant ses années lycée, la
lecture des classiques français. Et si elle écrit, c’est
parce qu’elle a toujours beaucoup lu et qu’elle
a envie de transmettre cette passion à d’autres.
Des auteurs américains, elle admire l’efficacité et
la capacité d’embarquer le lecteur. C’est encore
une fois sur leurs traces qu’elle s’est lancée -mais
dans un registre nouveau- avec Le rire du grand
blessé, paru à la rentrée littéraire 2013. Ce conte
d’anticipation renverse l’idée première du célèbre
Fahrenheit 451 de Bradbury, en faisant du livre
une «arme de désinstruction massive», un moyen
d’asservissement des populations. Ce livre sur les
livres et la littérature (mais aussi sur la peur et le
plaisir de la transgression) répondait à un défi
majeur pour la romancière : comment rendre
dangereux un objet extraordinaire ? Elle l’a relevé
avec brio, dans un style clinique et percutant.
On attend avec impatience la parution du
quatrième roman, terminé, actuellement «en
phase de repos» avant d’être repris pour «enlever
tout le superflu».
FRED ROBERT
Cécile Coulon était invitée le 26 mars
à la BDP Gaston Defferre dans le cadre de
Paroles d’auteurs, un cycle organisé en partenariat
avec La Marelle
Le rire du grand blessé
Éditions Viviane Hamy, 17 euros
Désormais disponibles en poche (Points)
Méfiez-vous des enfants sages (5,20 euros)
Le roi n’a pas sommeil, sélectionné pour le Prix des
Lecteurs Points Romans 2014, (6,20 euros)
Espagnoles escapades
Un rendez-vous littéraire à ne pas rater. Du 16
au 18 mai prochains, la ville de Draguignan
accueillera en effet, dans le cadre superbe de
la Chapelle de l’Observance, la quatrième
édition des Escapades littéraires, un festival de
littérature contemporaine ambitieux et festif,
concocté par Libraires du Sud, en association
avec trois librairies varoises, Papiers collés et
Lo Païs (Draguignan) ainsi que Contrebandes
(Toulon). Avec les services culturels de la ville
également, qui avaient fait de l’édition 2013
une belle réussite. Après le Chili, l’Italie puis les
grands espaces américains, c’est sur l’Espagne
que la manifestation met l’accent cette année.
Durant tout le week-end, on pourra s’interroger
sur cette «société espagnole en mutation» que
les nombreux auteurs invités, leurs débats et
leurs ouvrages permettront d’appréhender
plus finement. Dialogues croisés d’auteurs,
d’illustrateurs, de traducteurs, lectures d’extraits,
bibliothèques de l’écrivain, séances de dédicaces,
autant d’occasions de rencontrer ceux qui font
la littérature hispanique d’aujourd’hui… et
dont nous vous reparlerons sous peu (voir p.69
et 70). F.R.
La 4e édition des Escapades littéraires se déroulera
à Draguignan (Var) les 16, 17 et 18 mai
Programme définitif à venir dans tous les lieux
culturels et sur www.librairie-paca.com
Renseignements auprès de Libraires du Sud
au 04 96 12 43 40 ou [email protected]
Rue de
la BD
Durant toute la journée du 15 mars, la
rue des trois frères Barthélémy (entre
Cours Julien et Plaine à Marseille) a été
investie par les amateurs du neuvième
art, auteurs, scénaristes, dessinateurs,
libraires, lecteurs, venus fêter dignement
la parution du numéro 3 d’AAARG ! La
revue bimestrielle de «bande dessinée
et culture à la masse» s’est installée au
numéro 76 de la rue, à l’ancienne adresse
de La réserve à bulles qui a migré pour
s’agrandir au 58. Toute la journée se
sont succédé tables rondes, séances de
dédicaces et apéros conviviaux, organisés
par la librairie en partenariat avec L’Autoportrait et Mars en ville. Sortir la BD
de ses lieux habituels, c’était le but. Les
rencontres ont donc eu lieu au «salon
d’art galerie de coiffure» L’autoportrait
(au 66 de la rue) ou dans les locaux
de l’agence Terrasse en ville (au 26).
Cette journée spéciale BD était aussi
l’occasion de lancer le numéro 3 de La
Revue Dessinée. Nous avons déjà parlé
de cette revue trimestrielle originale qui
vise «à raconter l’actualité par le biais de
la BD». Franck Bourgeron était venu
en présenter le premier numéro lors des
dernières Littorales (voir Zib’68). Il était
à nouveau là le 15 mars, accompagné
d’autres membres de son équipe et de
certains des auteurs. On a ainsi pu
découvrir quelques uns des articles qui
composent ce numéro de printemps. Une
assez terrifiante «guerre des mouches»
par exemple, suivie jusqu’au Mexique
par le journaliste scientifique Pedro
Lima et volontairement dramatisée
par le dessinateur J.P. Krassinsky. Et
une non moins glaçante plongée «en
plein Front», réalisée par Julien Solé. La
Revue Dessinée prévoit d’ailleurs, dans
les quatre numéros à venir, de faire le
point sur la montée des nationalismes
en Europe. À suivre donc…
FRED ROBERT
Le lancement des numéros 3 d’AAARG !
et de La Revue Dessinée a eu lieu
le 15 mars à Marseille
La Revue Dessinée n°3
printemps 2014, 15 euros
© Loïc Duquy-Nicoud
Alvaro et son double
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Anne Alvaro © Livia Saavedra
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Enfance, célèbre récit autobiographique de Nathalie Sarraute, repose
sur un dialogue entre l’auteur et
son double. À la recherche de ses
souvenirs enfouis, la veille dame
se revoit, enfant déchirée entre ses
parents divorcés, sa mère vivant
en Russie et son père en France.
Bien qu’Anne Alvaro soit pleine
d’émotions à la lecture du texte,
l’actrice semble hésiter à certains
moments de la lecture, notamment
lors des phases avec le double où
l’on ne distingue pas réellement
les réminiscences d’enfance et
les commentaires péremptoires
du double. Comme si ce double
n’était pas cette conscience qui
éveille les souvenirs et maîtrise les
débordements de l’auteur, mais un
obstacle pour l’actrice, peu concernée
par ses interventions. Anne Alvaro
semble s’investir davantage dans les
phases où le double est muet et où
l’auteur parle longuement de son
passé. Moments où la beauté du
texte transparait, se dilate, prend
place, et où on se sent réellement
concerné par l’histoire de Nathalie
Sarraute, enfant incomprise par
son père incapable de lui dire qu’il
l’aime, avouant à sa mère sa tristesse.
Alors le texte apparaît dans toute sa
beauté, même si Anne Alvaro laisse
le spectateur sur sa faim quant au
rendu de la spécificité formelle des
souvenirs d’enfance de Sarraute : le
cœur qu’elle a mis dans la lecture
est ailleurs…
ALICE LAY
Enfance a été lu le 31 mars à la
Bibliothèque Départementale
des Bouches-du-Rhône à
Marseille
Livres magiques
Quelques grammes de finesse pour contrebalancer l’épaisseur du monde... La Bibliothèque
Départementale des Bouches du Rhône accueille
pour trois mois encore une exposition à ne
manquer sous aucun prétexte si vous avez le
goût des œuvres de papier. Intitulée Drôles de
livres, elle rassemble toute une série d’ouvrages
«à système», recourant aux techniques du pop
up, du relief, de l’accordéon et bien d’autres
encore. On y apprend que les premiers sont
apparus au Moyen-Âge et qu’ils avaient un
caractère scientifique. Puis ils ont été destinés
aux enfants, dès que l’on s’est aperçu que leur
maniement favorisait l’apprentissage. Ceux qui
sont exposés là ont en commun une grande
délicatesse, beaucoup d’humour et une étonnante
profondeur.
Les plus spectaculaires sont peut-être les livres
tunnel, comme celui d’Edward Gorey, The tunnel
calamity, dans lequel on plonge par un petit trou
pour apercevoir des silhouettes victoriennes, les
hommes en chapeau haut de forme, les femmes à
manchon de fourrure. Ou encore celui qui vous
promène par les jungles du Douanier Rousseau.
Les qualités intrinsèques du papier conviennent
parfaitement aux imaginations les plus expérimentales, donnant accès avec une soudaine
acuité à l’univers follement mathématique de
M.C. Escher, qui prend tout son relief par la
magie du pop up. Certains des livres présentés
sont de réelles prouesses techniques, parfaits dans
leurs moindres détails, prometteurs d’infinis
délices à chaque prise en main.
Mais l’un des grands plaisirs de l’exposition
est sa capacité à provoquer des retrouvailles
émues avec ces joies de l’enfance qui n’ont pas
Alice au pays des merveilles Lewis Carroll Robert Sabuda © Seuil Jeunesse 2004
de prix : flotter en apesanteur avec Tintin, le
Capitaine Haddock, le Professeur Tournesol et
les Dupont-Dupond dans On a marché sur la
lune, courir avec Alice sous un envol de cartes à
jouer (chef-d’oeuvre de Robert Sabuda d’après
Lewis Carroll), ou bien trembler de crainte et
gourmandise mêlées devant la maison en pain
d’épices de Hansel et Gretel.
On y trouve également des ouvrages très simple
en apparence, et d’autant plus propices à la
méditation, si l’on se laisse saisir par leur poésie
digne d’un haïku. C’est le cas de Little tree, de
Katsumi Komagata : la simple silhouette d’un
arbre laissant courir son ombre sur une page
blanche provoque une impression mémorable.
Ou bien Pleine lune, d’Antoine Guillopé : ses
cerfs aux aguets semblent prêts à prendre vie,
leurs bois confondus avec le feuillage d’une
broussaille découpée en noir sur fond clair.
GAËLLE CLOAREC
Drôles de livres, jusqu’au 12 juillet aux ABD
Gaston Defferre, Marseille
D’une passion
à l’autre…
Deux BD et un roman sélectionnés pour le Prix littéraire
des lycéens et des apprentis de
la Région PACA
Le principe en est connu. Une histoire tourne
en boucle autour d’un objet qui circule
de main en main. Dans la BD de Birgit
Weyhe, il s’agit d’une médaille de baptême
qui part de Montréal en 1915 et y revient en
2011, après être passée par l’Allemagne, la
France, le Kenya, dans les mains de l’arrière
petite-fille de sa première propriétaire. C’est
un album superbe, extrêmement soigné, au
dessin rigoureux, et des pages de garde très
travaillées. Birgit Weyhe offre en dix histoires
individuelles un panorama de l’histoire de
l’Europe et de la lutte pour la démocratie au
Kenya. On passe des tranchées de la guerre
de 14, au bombardement de Hambourg en
43, à la France occupée. Les mariages, les
naissances, les abandons, les morts sont
évoqués. Des histoires simples et émouvantes.
La ronde
Birgit Weyhe (scénario et dessin)
Éd. Cambourakis, 24 euros
les pronoms de la narration. C’est enlevé.
On en redemande.
Viviane Élisabeth Fauville
Julia Deck
Éditions de Minuit, 13,50 euro
Le roman graphique de Jean-Marc Pontier
offre un mélange de réalisme et de fantastique
assez décapant. Il évoque la Peste Noire
de Marseille en 1720, et des écrivains de
la passion et de la fascination du mal. Sa
fiction met en scène l’amnésie générale qui
frappe les Marseillais retournés subitement
à l’état sauvage. Cette fable s’accompagne
du récit d’une passion et d’une addiction
à la drogue qui mène à la mort, puis à un
dernier acte d’amour du narrateur pour
Marie et le respect d’une promesse. Les
images dessinées d’un trait nerveux, dans
une sorte d’urgence en noir, gris et blanc,
avec des portraits à gros traits suppriment
souvent les regards. Un récit sur la mémoire
qui vibre comme une mise en garde contre
la capacité d’oubli. Prémonitoire ?
Peste blanche
Jean-Marc Pontier
Éd. Les enfants rouges, 16 euros
Ouvrage édité avec l’aide du CG 13 et le
Conseil Régional PACA
Vous venez de refermer le premier livre de
Julia Deck. Vous le feuilletez à l’envers pour
vous rappeler les moments forts de l’intrigue.
Le mari de Viviane Élisabeth, 42 ans, mère
d’une petite fille de douze semaines, l’a quittée.
Elle s’accorde depuis quelques temps, une
«petite sorcellerie viennoise» : les services
d’un psychanalyste. Le 17 novembre, elle a
la mauvaise sensation d’avoir, la veille, tué
son psy avec un couteau de cuisine offert
pour son mariage. Soupçonnée, elle se livre
à une enquête et agresse sexuellement un
patient du psy. Vous relisez avec intérêt
cette scène écrite avec brio sur un rythme
endiablé. Elle a du cran cette Julia Deck. On
s’amuse beaucoup quand elle vous invite à
suivre Viviane Élisabeth en endossant le rôle
du témoin, puis vous bouscule en variant
CHRIS BOURGUE
Les lauréats seront désignés le 22 mai
aux Docks des Suds, à Marseille
Le Prix littéraire
aPour10
ans !
fêter les 10 ans d’aventure littéraire et
graphiques du Prix littéraire des lycéens et
apprentis de la région PACA, le scénariste
de bande dessinée Kris, lauréat à deux
reprises pour Un homme est mort, 2007-2008
(dessin Étienne Davodeau) et Coupures
irlandaises, lauréat BD Prix 2009-2010
(dessin Vincent Bailly) livre son témoignage.
«J’’ai eu la chance de venir deux
fois dans le cadre du Prix Paca,
la première pour «Un homme est
mort,» la seconde pour «Coupures
irlandaises» que j’ai eu le bonheur
de voir remporter le prix en 2010.
En conséquence, les souvenirs et les
chouettes moments sont très nombreux
à affluer dès lors qu’on les convoque.
Toutes ces rencontres sont à l’origine
de mon amour pour Marseille, ville que
j’ai véritablement découverte lors de ces
séjours, et où se sont créées de solides
et nombreuses amitiés. Mais si je dois
garder un souvenir fort parmi tant
d’’autres, c’est certainement la première
rencontre «plénière» avec tous les
lycéens, dans un théâtre à Draguignan
en 2008. En rentrant sur scène,
annoncés un par un par l’’animateur, les
auteurs étaient applaudis et acclamés
comme des rock stars par les lycéens,
dont certains avaient carrément formé
des groupes de soutien à tel ou tel
album, le tout dans un esprit bon enfant
et un chahut indescriptible. Je n’avais
jamais connu ça auparavant... Je ne l’’ai
jamais reconnu depuis ! Et je ne parle
même pas de la cérémonie de Remise de
Prix, lieu de rencontres et discussions
sans façon durant tout l’’après-midi.
Bref, l’’implication des lycéens, leur
plaisir à participer au Prix et à débattre
des qualités de chaque histoire, étaient
particulièrement revigorants pour des
auteurs plus habitués à la solitude de
leur atelier qu’aux scènes publiques !
Bon, j’ai un album à terminer pour
revenir une troisième fois...»
Kris
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Lire Ensemble en Méditerranée, fête du livre intercommunale initiée par Agglopole Provence,
s’est tenue dans les 17 communes de ce territoire du 7 au 21 mars. C’est lors de la soirée
de clôture le 21 mars au Portail Coucou, à Salon-de-Provence, que furent remis les différents
Prix des concours de nouvelles. Le Grand Prix Agglopole Provence pour le concours de
nouvelles adultes, sur le thème (En)quête de Méditerranée, a été remis à Renée Sonnet pour
Massalia Connection dont nous publions ici le début.
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Massalia Connection
Par Renée Sonnet
Le bassin de la plaine grouillait du bruit des
minots et mon mal à la tête de la veille avait
du mal à s’estomper. Avec la chaleur estivale,
impossible de dormir fenêtre fermée.
Il est vrai qu’avec les collègues du bar des Treize
Coins, on avait fait rasade sur rasade hier soir.
En plus cette nuit j’avais dû ronfler comme le
moteur du Ferry-Boat car même mon chien
avait de tous petits yeux. Un café vite pris avec
une tartine de miel des Alpilles et j’enfourchai
ma moto direction l’Evêché ; pour les lecteurs
non provençaux, je vous arrête tout de suite, je
travaille à l’Evêché mais je n’ai rien à voir avec les
curés, c’est en fait ainsi que l’on nomme l’Hôtel
de Police de Marseille. Cela fait vingt ans que
je travaille dans la police, avec des hauts et des
bas, parfois des états d’âme mais toujours un
amour sans fin pour ma belle cité. Marseille, on
l’aime ou on la déteste, mais ce qui est certain
c’est qu’elle ne laisse personne indifférent ; ce
qui me fait rire, ce sont tous les néo-marseillais
qui, parce qu’ils ont eu les moyens de s’acheter
une adresse dans le huitième, chez les jambons,
se croient plus Marseillais que ceux qui sont
installés là depuis dix générations. Allez vaï,
Marseille est à la mode mais ça leur passera à
tous ces «fiolis». J’arrivais comme d’habitude
à mon bureau juste à l’heure, et je tombais sur
l’interminable discussion de début de journée
entre mon adjoint Patrick, policier émérite
mais marseillais avant tout, et le lieutenant du
quatrième, lyonnais d’origine :
- Si je te le dis que l’OM, ils vont faire signer
Gandolfi.
- Et comment tu le sais toi ?
- C’est parce que la sœur de ma concierge connaît
quelqu’un au centre de formation de
Lens et il paraît même qu’il a refusé de partir
au PSG pour venir chez nous.
Autre spécialité bien de chez nous, à Marseille
vous avez huit cent mille habitants et aussi huit
cent mille entraîneurs de football ; tous ces
braves gens savent évidemment ce qu’il aurait
fallu faire… Quand l’OM gagne on entend
de partout «nous avons gagné» et quand l’OM
perd, c’est plutôt «oh t’y as vu, ils ont encore
perdu» ; bref, un mélange de chauvinisme et
de mauvaise foi.
Mon adjoint avait débuté sa carrière comme
gardien des parcs de la ville de Marseille et
comme il travaillait bien et qu’il n’avait jamais
perdu un arbre, il s’était retrouvé promu à la
PJ. Le commandant nous convoqua dans son
bureau en criant, comme à son habitude ; son
surnom au sein du service était Aigle 4, en anglais
Eagle Four ou, si vous préférez, «il gueule fort».
- Le maire de Marseille a reçu, hier soir, une
lettre anonyme avec une demande de rançon
de trois millions d’euros.
- Eh bé, ils ne se mouchent pas avec le dos de
la cuillère.
- Pas avec le manche non plus, ils menacent
simplement, si la ville ne verse pas la rançon
sous 48 heures, de tuer la Méditerranée.
- Mais ils ne sont pas un peu fadas ceux-là,
comment veux-tu tuer la Mer ? s’exclama Patrick.
- Ça ce n’est pas votre problème, renchérit le
Commandant, je vous demande d’arrêter ces
plaisantins dans les meilleurs délais et de tout
mettre en œuvre pour travailler dans la plus
grande discrétion.
- C’est vrai que ça pourrait donner des idées
à d’autres, des fois qu’ils prennent en otage la
Bonne Mère.
- Foutez-moi le camp ! éructa Aigle 4.
C’est un peu mince de débuter une enquête
avec une lettre anonyme de quatre lignes, bien
évidemment les analyses du labo n’avaient rien
donné, ni empreinte, ni ADN ; le document
avait été glissé dans une enveloppe vierge, ellemême déposée directement dans la boîte aux
lettres de la Mairie.
- Tu as une idée Patrick ?
- ça doit être un coup des Lyonnais, avec leur
regard sournois, il faut être au moins lyonnais
pour inventer une mascarade pareille !
- Tu dis ça à cause de la conversation de ce matin ?
- Eh, c’est pas de ma faute à moi, si Gandolfi
veut venir à l’OM !
- Tu sais quoi, Patrick ? on se sépare pour la
journée et on fouine chacun de notre côté, moi
je vais faire un tour du côté de la Marronaise
voir s’il n’y a pas eu des gens qui cherchaient des
porte-flingues ces derniers jours, et toi va faire
un tour dans les bars d’Arenc et essaye de faire
parler les marins, les aconiers, les employés du
Port, pour voir s’ils sont au courant de quelque
chose.
À peine engagé dans le petit village des Goudes,
je vis deux nistons partir au loin, à fond les
ballons sur leur mobylette ; maintenant que les
éclaireurs étaient partis, je pouvais faire mon
entrée après avoir été annoncé. La Marronaise,
c’est un bar boîte de nuit situé dans une petite
calanque en face de l’île aux chèvres ; Doumé,
le patron, se tenait accoudé au comptoir et je ne
peux pas dire que son accueil fut particulièrement
chaleureux :
- Va bé Doumé ?
- 37° ce matin, ça te regarde ?
- Oh ! Doucement, je ne viens pas déclarer la
guerre, je viens juste aux renseignements.
- La dernière fois que je t’ai vu, en guise de
renseignements, tu as fait coffrer la moitié des
clients du bar.
- Reconnais qu’ils ne sortaient pas du patronage.
- C’est vrai, mais quand même, vous autres,
vous faites tout pour tuer le petit commerce.
- Arrête tes simagrées et dis-moi plutôt si ces
derniers jours tu n’aurais pas vu un employeur
offrant des emplois qualifiés ?
- Quel genre ?
- Genre 11.43.
- Pour quel travail ?
- Enlèvement, séquestration voire homicide.
- Ah non, c’est fini ce temps-là, faut aller au
Mexique ou chez les cowboys, là tu te trompes
d’adresse… et c’est qui la cible ?
- La Méditerranée.
- Alors là, tu tournes «jobi !»
C’est vrai que mon histoire était un peu bizarre,
mais tous mes contacts à la Pointe Rouge ou
aux Catalans me confirmèrent qu’ils n’étaient
au courant de rien. J’avais décidé de m’arrêter
au petit bar corse de la rue Pasteur, lorsqu’en
passant devant le marchand de journaux qui
fait l’angle, la une du Soir me sauta à la figure :
«Engambi à la Mairie, la Méditerranée menacée
de mort» :
- Putain Patrick, tu déconnes ou quoi ?
Ses explications, dans le portable, étaient plutôt
embrouillées : il jurait n’avoir parlé à personne,
puis avouait avoir bu l’apéro avec deux collègues,
deux bons amis dont l’honnêteté ne pouvait être
remise en cause, deux bons amis dont un était
vaguement journaliste dans un quotidien local
paraissant en soirée, et qu’il fallait que j’arrête
de le harceler, autrement il repartait garder ses
arbres… La colère de notre cher Aigle 4 fut
homérique, et ce d’autant plus que je n’avais
pas le moindre embryon de piste à lui fournir.
Impossible d’attendre la fin de l’ultimatum
pour voir de quoi l’auteur était capable, mais
en même temps qui pouvait prétendre vouloir tuer la Méditerranée. Comme mon nom
était paru dans le journal, je reçus un appel
du responsable du groupement des patrons
des Bouches-du-Rhône qui, sûr de son fait,
m’informa que c’était probablement les syndicats
qui étaient derrière tout ça car ils voulaient faire
péter, depuis longtemps, le Port de Marseille ;
plus de Mer, plus de Port, je vous le dis moi…
La suite est à lire sur notre site www.journalzibeline.fr...
Turbulences en Méditerranée
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post-révolutionnaire dans bien des
pays arabes. Jacques Ould Aoudia,
chercheur spécialiste en économie
politique du développement, proposait notamment de sortir des images
figées véhiculées sur ces sociétés,
expliquant que l’on ne peut pas
calquer notre laïcité à la française
sur les pays du Sud, et qu’il faudrait
«déchausser nos lunettes forgées par
300 ans de domination».
GAËLLE CLOAREC
Cimade © G.C
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La Villa Méditerranée accueillait
début avril une «Journée de décryptage des enjeux actuels», destinée à
comprendre les nombreuses barrières
qui entravent la circulation dans
l’espace méditerranéen, souvent
paradoxalement perçu comme un
lieu de partage et de mixité. Organisée par la Cimade et l’iReMMO,
cette manifestation intitulée
Méditerranée : espace de mobilités
et de turbulences s’est avérée dense
et très suivie. Lors de la première
table-ronde, Jean-Robert Henry,
du CNRS, a brossé avec précision
un tableau historique de «l’idée
méditerranéenne», permettant de
comprendre qu’au-delà de sa dimension géographique, la Mare Nostrum
est un concept. Après les soubresauts
de la décolonisation, et avec un statut
fluctuant selon les décennies, elle a
connu un retour en force dans les
années 80... l’accent étant mis sur
sa dimension économique (assez
éloignée des rêves humanistes des
précédentes générations). Les autres
intervenants sont entrés dans le
concret de la situation aujourd’hui,
La journée Méditerranée : espace de
mobilités et de turbulences a eu lieu
le 4 avril à la Villa Méditerranée,
Marseille
Le Fort Saint-Jean
à l’école
Le 2 avril dernier, avait lieu l’inauguration de
l’I2MP au Fort Saint-Jean. Qu’est-ce que ce
nouveau sigle barbare ? direz-vous. Il s’agit d’un
tout nouveau-né, issu du rapprochement du
MuCEM, (Musée des civilisations de l’Europe et
de la Méditerranée) et de l’Institut national du
patrimoine (INP). Le nom de baptême, I2MP,
désigne l’Institut Méditerranéen des métiers
du patrimoine. Il s’agit d’une reconnaissance
nationale et internationale de la qualité du
travail déjà effectué, grâce à la dynamique du
MuCEM, et de sa coopération active avec les
pays méditerranéens. Le Président du MuCEM,
Bruno Suzzarelli et le Directeur de l’INP, Éric
Gross, se félicitent de cette belle initiative qui
implante à Marseille un pôle scientifique international pour le réseau du sud-est de la France.
Les enjeux méditerranéens sont une des clés de
Bruno Suzzarelli, Président du MuCEM et Eric Gross, Directeur Institut National du Patrimoine © Agnès Mellon
cette nouvelle structure. Ainsi, l’I2MP propose
des séminaires, des rencontres, des accueils
privilégiés pour les professionnels. Dans ce
cadre, s’organise un programme de formation
continue qui leur est destiné avec des sessions de
formation de quatre jours sur des thèmes donnés
(celle qui inaugure 2014 s’intitule Mosaïques et
pavements, de l’étude à la mise en valeur). Cette
formule a déjà devancé l’inauguration, puisqu’elle
a permis dès septembre 2013 de fructueux partenariats. Ainsi, Sophie Marchegay, Directrice
du musée de la Préhistoire de Quinson, évoque
la belle expérience qu’a constitué l’échange
avec une équipe d’archéologues libyens sur
le thème Conservation et mise en valeur d’un
site archéologique. Le traducteur présent sourit
encore à ce souvenir, rappelant l’enthousiasme
des participants et la coopération passionnante
qui s’est opérée alors, le moment superbe où
l’on reconstitue les différentes méthodes pour
faire du feu... Les pratiques, les approches, les
techniques se comparent, s’enrichissent les unes
des autres, se réfléchissent. Travail sur le terrain,
moments de réflexion, de discussion alternent.
Un équilibre s’établit entre une approche très
technique et transposable, les études de cas, et
une compréhension plus globale des enjeux
patrimoniaux et des contextes culturels dans
lesquels ces pratiques professionnelles s’inscrivent.
Un réseau dense de partenaires privilégiés complète
ce maillage : CICRP, DRASSM, universités,
archives, musées, et à l’international, ICOM,
ICCROM… Tous souhaitent rendre pérenne
cette belle initiative de transmission des savoirs
et des savoir-faire, à laquelle on souhaite succès
et longue vie !
MARYVONNE COLOMBANI
L’inauguration de l’I2MP a eu lieu le 2 avril
au MuCEM-Fort Saint-Jean, à Marseille