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Enseignants, Chercheurs, Experts sur l’Asie orientale, centrale, méridionale, péninsulaire et insulaire / Scholars,
Professors and Experts on the North, East, Central and South Asia Areas (Pacific Rim included)
Communication
Analyse des interactions homme - animal au Quaternaire en Indonésie :
détermination de faunes anciennes et étude de marques anthropiques
< Analysis of human – animal interactions during the Quaternary in
Indonesia: determination of fossil faunas and study of anthropic markers >
Anne BOUTEAUX
Doctorante, Département de Préhistoire du Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN)
Kasman SETIAGAMA
Centre de la Recherche Archéologique d’Indonésie et Etudiant Master « Quaternaire et Préhistoire » du
Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN)
2ème Congrès du Réseau Asie / 2nd Congress of Réseau Asie-Asia Network
28-29-30 sept. 2005, Paris, France
Centre de Conférences Internationales, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Fondation Maison
des Sciences de l’Homme
Thématique / Theme : Savoirs, milieux et sociétés / Knowledge, Milieu and Society
Atelier 27 / Workshop 27 : Un réseau sur les origines de l’homme en Asie du Sud-Est / A network
on humans’ origins in Southeast Asia
© 2005 – François SEMAH et Ganjar KURNIA
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Introduction
Depuis très longtemps des fossiles de vertébrés ont été découverts à Java où ils étaient
considérés comme des restes des victimes de batailles mythiques. Les premières études
paléontologiques ont débuté, sur cette île, dans la seconde moitié du XIXème siècle en même
temps que l’intérêt porté à l’étude des sites préhistoriques dans le monde à cette époque
augmentait. Depuis cette période de très nombreux sites ont été mis au jour et par conséquent de
très importantes collections de fossiles.
La mise en place de la Mission Quaternaire et Préhistoire en Indonésie (M.Q.P.I.), en 1984,
a permis la collaboration d’équipes franco-indonésiennes pour l’étude des restes paléontologiques
de différents sites javanais allant du Pléistocène moyen à l’Holocène. Deux sites principaux seront
présentés ici : le dôme de Sangiran (Pléistocène moyen) et la grotte de Song Terus (Pléistocène
moyen à l’Holocène).
L’analyse des restes fauniques apporte de nombreuses informations. Tout d’abord, les
fossiles permettent de mieux connaître les phases de migration des mammifères depuis le
continent asiatique vers Java. Ensuite, il nous donne des indications sur les paléoenvironnements
où Homo erectus puis Homo sapiens ont vécut. Enfin, l’analyse des traces anthropiques laissées à
la surface de ces ossements nous permet de mettre en évidence la mise en place du lien homme animal et donc de déduire le comportement de subsistance de ces hommes préhistoriques selon
les sites et les époques.
I-Les migrations de mammifères
Dans cette zone du globe, les variations eustatiques, liées aux phases glaciaires et
interglaciaires, ont permis l’émersion des terres dans des zones de mer peu profondes du Pliocène
à l’Holocène. Ces variations n’ont pas été constantes au cours de cette période [8]. Plus l’intensité
des phases glaciaires a été importante plus l’abaissement du niveau marin a été élevé. Par
conséquent, les abaissements successifs du niveau marin ont permis des émersions de terres qui
ont formé des ponts et ont donc permis la colonisation des îles de la Sonde par les mammifères
[14].
Suivant les périodes les mammifères ont migré à partir de l’Inde ou de la Chine vers les
îles de la Sonde. Trois épisodes ont pu être mis en évidence :
- à la fin du Pléistocène inférieur : une migration indo-malaise,
- pendant le Pléistocène moyen : une migration indo-malaise,
- au Pléistocène supérieur : une migration sino-malaise.
Ces voies de migration ont pu être reconstituées d’après l’étude des fossiles et des
répartitions des espèces actuelles. En effet, la plupart des espèces fossiles javanaises ont une
origine indienne, malaise ou chinoise. La découverte d’assemblages de différentes époques a
permis de reconstituer une succession de faunes à Java [13].
Sept unités fauniques ont été mises en évidence depuis le Pléistocène inférieur jusqu’à
l’Holocène [13]:
- Wajak
- Punung
- Ngandong
- Kedung Brubus
- Trinil H.K.
- Satir.
- Cisaat
Ces résultats ont été obtenus à partir d’anciennes collections dont le contexte
stratigraphique était mal connu. Les récentes données sur les sites de Sangiran et de Song Terus
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permettent d’affiner ce cadre biostratigraphique. En effet, les fossiles proviennent de niveaux
stratigraphiques bien identifiés et pour certains datés.
La composition de ces faunes nous indique quel type de migration s’est effectué et si Java
était isolée ou rattachée au continent. En effet, suivant la nature des espèces nous pouvons savoir
si de véritables ponts terrestres s’étaient formés ou si des bras de mer étaient encore présents.
Les ponts terrestres ne se formaient pas entre chaque île à chaque glaciation et les migrations
étaient possibles pour certains animaux ayant des facultés pour nager ou flotter et pour se
déplacer en troupeau [3]. En effet, le système digestif des hippopotames, des éléphants et des
cerfs produit de nombreux gaz, ce qui leur permet de bien flotter dans l’eau. La présence de ces
espèces dans une faune fossile suggère la possibilité de migrations en milieu insulaire.
Sangiran :
Quatre formations sédimentaires ont pu être individualisées à Sangiran durant le
Pléistocène : Kalibeng, Pucangan, Kabuh et Notopuro.
Nous avons étudié les sites de Ngebung 2, Tanjung, Sendang Busik, Ngrejeng, Grogol,
Bukuran et Dayu. La majorité des assemblages fauniques étudiés sont issus de la formation
volcano-sédimentaire de Kabuh en contexte fluviatile.
D’après l’étude de nos sites, dans la partie inférieure de la formation de Kabuh (≥ 0,83 Ma),
les familles suivantes sont représentées : les stégodontidés (Stegodon sp.), les rhinocérotidés
(Rhinoceros sp.), les hippopotamidés (Hexaprotodon sivalensis), les cervidés (Cervus (Rusa) sp.
et Axis lydekkeri) et les bovidés (Duboisia santeng, Bubalus palaeokerabau et Bibos
palaesondaicus). Un carnivore a été déterminé : une hyène, Pachycrocuta brevirostris. Des restes
de reptiles (tortue et crocodiles) ont également été déterminés. Cette association se rapprocherait
de celle de Trinil H.K.
Dans la partie supérieure de la formation de Kabuh (< 0,83 Ma), les familles suivantes sont
représentées : les éléphantidés (Elephas sp.), les rhinocérotidés (Rhinoceros sp.), les cervidés
(Axis sp.), les bovidés (Duboisia santeng et Bubalus palaeokerabau) et les suidés (Sus sp.). Des
restes de reptiles (tortue et crocodiles) ont également été déterminés. Cette association se
rapprocherait de celle de Kedung Brubus.
Song Terus :
La faune du niveau Terus datée de la fin du Pléistocène moyen (300 000 à 80 000 BP) est
composée de restes de vertébrés mis au jour dans des dépôts fluviatiles. Ces conditions n’ont pas
permis une bonne conservation des ossements c’est pourquoi ils sont peu nombreux. Les familles
d’herbivores représentées sont les tapiridés (Tapirus), les rhinocérotidés, les bovidés et les
cervidés (Axis lydekkeri). En outre, des fossiles de carnivores, de rongeurs, de poissons et de
reptiles ont été mis au jour [10].
La faune du niveau Tabuhan datée du Pléistocène supérieur (80 à 40 000 BP) est
caractérisée par la présence de restes de grands herbivores comme les éléphantidés, les suidés,
les bovidés, et les cervidés (Axis). Les restes de cervidés sont les plus nombreux suivis de ceux
des bovidés. Des ossements de carnivore (Panthera tigris) ont également été retrouvés [10].
La faune de Keplek datée de l’Holocène (12 à 5 000 BP) est constituée de familles
d’herbivores comme les éléphantidés (Elephas), les rhinocérotidés (Rhinoceros sondaicus), les
bovidés (Bubalus et Bos), les suidés et les cervidés (Axis et Cervus timorensis). Mais la majorité
des restes de ce niveau appartiennent à la famille des cercopithécidés (Macaca et Presbytis)
absente des autres niveaux. Des ossements de carnivore ont également été retrouvés et ont été
attribués à des félidés, des canidés (Cuon javanicus) et des viverridés (Paradoxurus) [10].
La détermination des espèces dans ces deux sites nous a permis de proposer une
reconstitution du paléoenvironnement suivant les niveaux.
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II- Les paléoenvironnements
Les niches écologiques des espèces existantes encore à l’heure actuelle sont présumées
n’avoir pas changé. On peut avoir une idée de celles des espèces disparues en prenant en compte
les éléments suivants :
- Analogies avec les formes actuelles les plus proches,
- Données de l’anatomie fonctionnelle : hypsodontie ou brachyodontie des dents jugales,
port de tête haut ou bas, rapports des segments de membres, robustesse des os des
extrémités, etc,
- Données fournies par les faunes et les flores habituellement associées aux espèces
considérées [2].
À Java, la plupart des espèces du Pléistocène moyen ont disparu et il est donc plus difficile
de tenter de reconstituer leur milieu de vie. Néanmoins, si nous essayons de rapprocher ces
espèces fossiles des espèces actuelles sauvages et du milieu de vie de ces dernières, nous
pouvons tenter une première approche des paléoenvironnements en suivant une démarche
actualiste.
En conclusion, la majorité des espèces actuelles de mammifères de Java qui nous
intéressent, exceptée la hyène, caractérisent un milieu forestier plus ou moins ouvert. De plus, les
éléphantidés, et les reptiles sont de bons indicateurs de la présence d’un cours d’eau, d’un lac ou
d’un marais à proximité. Les espèces de très grande taille comme les éléphantidés, les
hippopotamidés, les grands bovidés, les rhinocérotidés (masse > 500 kg) caractérisent plutôt un
milieu ouvert.
Sangiran :
A Sangiran au Pléistocène moyen dans la formation de Kabuh, le paysage devait être
assez proche d’un milieu forestier ouvert avec des cours d’eau car on constate la présence
d’animaux de grande taille comme les stégodontidés, les éléphantidés et les rhinocérotidés et la
présence d’animaux aquaphiles comme les hippopotamidés, le Bubalus, les crocodiles et les
tortues. Ceci est confirmé par les données palynologiques [9].
Song Terus :
Dans les niveaux de Terus et de Tabuhan, la présence de grands herbivores reflète un
paysage ouvert. Les espèces végétales retrouvées dans le niveau de Tabuhan confirment ceci car
elles sont caractéristiques d’un climat sec [10].
Dans le niveau Keplek, la présence des cercopithécidés reflète un paléomilieu plus boisé
que dans les niveaux précédents et donc proche de la forêt tropicale. Néanmoins, nous observons
des alternances de paysages de type forestier avec des paysages plus ouverts [10].
III- Le comportement des hominidés
Après la détermination de ces espèces, il nous a paru indispensable d’étudier les
interactions possibles entre les hominidés et les mammifères pour mieux comprendre le
comportement de subsistance de ces hominidés.
La présence des restes humains
Sangiran :
A Sangiran de nombreux restes d’Homo erectus ont été découverts. Environ une
soixantaine d’individus ont été retrouvés dans cette zone s’étendant sur une période de 1 million
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d’années. Ceci représente 65 % des hominidés fossiles d’Indonésie et 50 % de tous les Homo
erectus découverts dans le monde [11]. Ce site est donc d’un intérêt majeur, en particulier, pour la
compréhension de la migration et de l’évolution des Homo erectus à Java et, en général, pour la
compréhension de l’évolution humaine.
Deux des trois formes d’Homo erectus connues à Java sont présentes à Sangiran :
- Une forme archaïque, provenant de la formation de Pucangan de Sangiran (1,7 à 0,7
Ma), comme Sangiran 4 et 6,
- Une forme classique, caractérisée par les fossiles de Trinil et de Sangiran, dans la
formation de Kabuh (0,7 à 0,4 Ma).
En général, les découvertes anthropologiques de Sangiran sont très difficiles à replacer
dans un cadre stratigraphique précis. Ces fossiles ont été le plus souvent trouvés dans des
champs par des paysans.
Song Terus :
Dans les niveaux Terus et Tabuhan aucun reste d’hominidés n’a été découvert. Dans le
niveau Keplek, une sépulture d’Homo sapiens a été découverte associées à des restes fauniques.
Dans ce niveau, des restes isolés d’Homo sapiens ont également été découverts [4].
La présence d’outils
A Sangiran, les outils sont rares sur l’ensemble des sites étudiés hormis des éclats à
Tanjung 63-64 et une bola à Tanjung 82. Des outils ont pourtant été découverts sur le dôme de
Sangiran tout d’abord à Ngebung par von Koenigswald [6], dans les années 70 Soejono a
également retrouvé un chopping tool sur ce site [12] puis dans les années 90, à Ngebung 2,
l’équipe franco-indonésienne de la Mission Quaternaire et Préhistoire en Indonésie (M.Q.P.I.) a
mis au jour des outils associés à des restes fauniques : bolas, polyèdres, choppers, racloirs et un
hâchereau [10].
Depuis 1995, de nouvelles recherches sur l’industrie lithique ont été entreprises dans cette
zone par Widianto. Il a pu mettre en évidence la présence d’outils dès la base de la formation de
Kabuh. Par conséquent, des outils sont présents à Sangiran au Pléistocène moyen ancien bien
que les matières premières soient rares.
Song Terus :
Niveau Terus :
De nombreux outils lithiques sur gros éclats ont été retrouvés dans ce niveau. Ces outils
caractérisent l’ « industrie Terus ». La plupart de ces éclats ont été transformés en racloirs et
denticulés [10].
Niveau Tabuhan :
Les outils sont assez rares dans ce niveau. Cette industrie est composée d’outils sur galets
aménagés et d’outils sur éclats. Les outils sur galets sont majoritaires. Les outils sur éclats sont
d’une taille inférieure à ceux du niveau Terus [10].
Niveau Keplek :
Les outils sur éclats sont majoritaires. Ils sont très divers : racloirs, denticulés, couteaux à
dos, perçoirs et grattoirs. Des outils sur os ont également été observés : pointes et biseaux. Des
éléments de parure telles que des dents percées ou des coquilles de mollusques ont aussi été
retrouvées parmi le matériel du niveau Keplek [10].
Les traces anthropiques
Sangiran :
Si les outils sont présents dans cette zone, alors de la même façon pourquoi les traces
anthropiques liées à leur utilisation sont-elles très rares ? Le transport fluviatile et l’évolution
géochimique post-dépositionnelle sont probablement à l’origine de la sous-estimation du nombre
de ces traces. Cette rareté des traces anthropiques a également été remarquée par Choi [1], qui
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n’a trouvé que cinq restes présentant des stries sur un total de 30 000 ossements étudiés
provenant de Java. Ces cinq restes proviennent néanmoins de ramassages de surface effectués à
Sangiran. Des stigmates anthropiques ont été observés sur des fossiles de Ngebung 2 mais en
faible quantité (stries, impacts de fracturation intentionnelle). À partir de ces résultats, il est difficile
de conclure que le comportement de subsistance d’Homo erectus était basé sur la consommation
de viande comme le propose Choi [1].
L’action anthropique au Pléistocène semble bien avoir existé mais il n’est pas aisé de la
mettre en évidence sur le dôme de Sangiran compte tenu du transport fluviatile et de l’action
diagénétique importante.
Song Terus :
Niveau Terus :
Des traces de fracturation intentionnelle ont été observées sur des esquilles de grands
mammifères ainsi que des pierres brûlées.
Tous ces résultats suggèrent une action anthropique dès la fin du Pléistocène moyen dans la
grotte de Song Terus.
Niveau Tabuhan :
De nombreux restes d’herbivores présentent des traces de fracturation intentionnelle et
des stries de découpe. Ces traces d’origine anthropique se situent principalement à la surface
d’os des membres au niveau des articulations. Nous pouvons penser que les stries sont
caractéristiques de la désarticulation et que la fracturation des os longs est caractéristique de la
récupération de la moelle osseuse.
Quelques esquilles présentent des retouches et des enlèvements suggérant une probable
utilisation de l’os comme outil.
Niveau Keplek :
De nombreux restes d’herbivores et de cercopithécidés présentent des traces de
fracturation intentionnelle et des stries de découpe. Ces traces d’origine anthropique se situent à la
surface des mandibules, des vertèbres et des os longs. Nous pouvons penser que les stries sont
caractéristiques de la désarticulation et que la fracturation des os longs est liée à la récupération
de la moelle osseuse.
Comportement de subsistance :
Sangiran :
Homo erectus a dû choisir le dôme de Sangiran, pour sa situation proche des cours d’eau
et l’abondance des espèces de mammifères. Le nombre d’espèces présentes semble faible par
rapport à la biodiversité d’un écosystème tropical actuel. Nous pouvons nous interroger sur ceci.
Est-ce que cela est dû à une chasse sélective ou à la conservation, à la fragmentation et à une
altération géochimique trop intenses ou tout simplement à une diversification des sources
alimentaires ? L’hypothèse d’une chasse paraît peu probable mais une activité de charognage a
très bien pu avoir lieu. Huffman [5] défend la thèse de la diversité des sources alimentaires. Pour
cet auteur, la diversité actuelle des milieux géographiques (volcans, côtes, plaines…) reflète la
diversité des habitats et des sources d’approvisionnement pour Homo erectus.
Song Terus :
Niveau Terus :
Il est assez difficile de reconstituer le comportement de subsistance de l’Homo erectus à
partir des restes fauniques. En effet, les traces (stries ou points d’impact) à la surface des
ossements ne sont pas visibles car les restes de grands herbivores sont assez rares et leur
conservation est mauvaise. Mais, nous avons pu mettre en évidence une association d’outils sur
éclat avec des pierres brûlées et des esquilles d’herbivores fracturées intentionnellement.
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Niveau Tabuhan :
Quelques foyers sont observés dans ce niveau, ils sont caractérisés par des structures de
pierres (brûlées ou non) dans lesquelles de nombreux os brûlés sont présents et ont été utilisés
comme combustible.
Les hommes ont exploité les ressources du milieu ouvert proche du site. Par conséquent, dans ce
niveau, les premiers sols d’occupation de la grotte de Song Terus ont été mis en évidence entre 80
et 40 000 BP.
Niveau Keplek :
On observe dans ce niveau une intense diversification des ressources animales et lithiques
locales mais aussi plus lointaines caractérisées par la présence de coquilles de mollusques
marins. L’Homo sapiens a probablement chassé les espèces de petite taille telle que Macaca,
Presbytis…puis il a traité les carcasses à l’intérieur de la grotte. Les espèces de grande taille ont
probablement été chassées et rapportées en quartier dans la grotte. Dans le niveau Keplek, nous
avons constaté l’une des premières manifestations rituelles javanaises avec la présence d’une
sépulture d’Homo sapiens. Cette sépulture nous donne des informations sur les rites funéraires de
l’époque avec la présence de plusieurs crânes de macaque et une partie de la colonne vertébrale
d’un grand bovidé sur le squelette d’Homo sapiens.
Conclusion :
Homo erectus était donc capable de s’adapter à différents milieux au centre et à l’est de
Java qui étaient composés de divers types de forêt ouverte. Il a employé des séquences de
réduction pour produire des bolas, des galets aménagés et des éclats. Néanmoins, les outils
restent rares ainsi que les traces anthropiques sur le site de Sangiran. A Song Terus, il était
probablement présent dans le niveau Terus comme l’atteste l’industrie « pacitanienne » même si
aucun reste humain n’a été retrouvé. La matière première lithique était beaucoup plus abondante à
Song Terus qu’à Sangiran.
En ce qui concerne Homo sapiens, sa présence est avérée dans le niveau Holocène de Keplek à
Song Terus. Son comportement de subsistance est mieux connu grâce aux nombreuses traces
anthropiques laissées à la surface des os. Son comportement culturel est aussi mieux appréhendé
avec l’étude de la sépulture et des éléments de parure présents.
A la suite de tous ces résultats nous pouvons nous demander s’il existe une continuité
culturelle entre Homo erectus et Homo sapiens à Java.
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Références :
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taphonomic approach, PhD, University of Wisconsin-Madison, 2003, 302 pp.
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Patou-Mathis M. (eds.), Les Grands Mammifères Plio-Pléistocènes d’Europe, Paris, Masson, 1996,
243-253.
[3] DERMITZAKIS M., SONDAAR P.Y., DE VOS J. & VAN DEN BERGH G.D., “Colonisation of Islands
by man with special reference to Crete”, Anthropologia, 4, 1997, 5-26.
[4] DÉTROIT F., Origine et évolution des Homo sapiens en Asie du Sud-Est : Descriptions et
analyses morphométriques de nouveaux fossiles, Thèse de doctorat, M.N.H.N., I.P.H., Paris,
2002, 444 pp.
[5] HUFFMAN O. F., Plio-Pleistocene environmental variety in eastern Java and early Homo
erectus paleoecology - A geological perspective, in : T. Simanjuntak, B. Prasetyo et R. Handini
(eds.), Proceedings of the International Colloquium on Sangiran – Sangiran : Man, Culture, and
Environment in Pleistocene Times, 2001, 231-256.
[6] KOENIGSWALD VON G.H.R., “Early Palaeolithic stone implements from Java”, Bulletin of the
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[7] LEINDERS J.J.M., SONDAAR P.Y. & DE VOSJ., “The age of hominid-bearing deposits of Java :
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[8] PRENTICE M.L. & DENTON G.H., Deep-sea oxygen isotope record, the global ice sheet system,
and hominid evolution, in: Grine F. (ed.), The evolutionary history of the robust Australopithecines,
de Gruyter ed., New York, 1988, 383-403.
[9] SÉMAH A.M., Le milieu naturel lors du premier peuplement de Java, Thèse de doctorat d’Etat
ès Sciences, Université de Provence Aix-Marseille I, 1986.
[10] SÉMAH F., SÉMAH A.M. & SIMANJUNTAK T., More Than a Million Years of Human Occupation
in Insular Southeast Asia - The Early Archaeology of Eastern and Central Java, in: Julio Mercader
(ed.), Under the Canopy - The Archaeology of Tropical Rain Forests, 2002, 161-190.
[11] SIMANJUNTAK H.T., Sangiran site: problems and the balance of research, in: T. Simanjuntak,
B. Prasetyo et R. Handini (eds.), Proceedings of the International Colloquium on Sangiran Sangiran: Man, Culture, and Environment in Pleistocene Times, 2001, 3-15.
[12] SOEJONO R.P., New data on the paleolithic industry in Indonesia, 1er congrès international de
paléontologie humaine, Nice, colloque l’Homo erectus et la place de l’homme de Tautavel parmi
les hominidés fossiles, II, 1982, 578-592.
[13] SONDAAR P.Y., “Faunal evolution and the mammalian biostratigraphy of Java”, Courier
Forshungs Institut Senckenberg., 69, 1984, p219-235.
[14] VORIS H.K., “Maps of Pleistocene Sea Levels in South East Asia: Shorelines, River Systems,
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[15] WIDIANTO H., The perspective on the evolution of Javanese H. erectus based on
morphological and stratigraphic characteristics, in: T. Simanjuntak, B. Prasetyo et R. Handini
(eds.), Proceedings of the International Colloquium on Sangiran - Sangiran: Man, Culture, and
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