Vivre ensemble le handicap

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Vivre ensemble le handicap
VIVRE ENSEMBLE LE HANDICAP
LE COLLECTIF HANDICAPS EST UNE FÉDÉRATION D’ASSOCIATIONS
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CET OUVRAGE A ÉTÉ ÉDITÉ AVEC LE SOUTIEN DE...
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BP 3739 - 98846 Nouméa Cedex
Nouvelle-Calédonie
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Sous la direction pour le Collectif Handicaps de
Catherine Poëdi et Stéphanie Vigier
VIVRE ENSEMBLE LE HANDICAP
DES PREMIERS ÉTATS GÉNÉRAUX DU HANDICAP
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
À LA MISE EN ŒUVRE DES LOIS PROGRAMME
Conception et coordination éditoriale, rédaction des textes de synthèse
et mise en forme des documents : Anne Bihan
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
« Vous dites qu’il faut intégrer les personnes
en situation de handicap. Mais qui les a exclues ?
Vous dites qu’il faut les accueillir.
Mais qui les a exilées ? »
Paroles d’un participant à la Journée de synthèse
des premiers États généraux du handicap
en Nouvelle-Calédonie, 10 novembre 2007.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
AVANT-PROPOS
« Le défi à relever est celui de chaque citoyen. L’action du politique, même déterminante, ne peut à
elle seule garantir la réussite de l’entreprise sans une révolution des consciences et des
représentations individuelles ».
Voix sereine et déterminée du Collectif Handicaps, Catherine Poëdi aura par cette parole dessiné en
2007 l’horizon d’une longue traversée dont ce livre entend témoigner non dans son intégralité, mais
en s’attachant à en dire et relire les principales escales jusqu’à ce jour, à en nommer les temps forts
sans en oublier le tempo plus intime, celui qui rythme chaque jour la vie d’hommes et de femmes
confrontés à la fragilité, la leur, celle des aimés, des amis, des semblables. La nôtre.
Le voyage est loin d’être terminé. Il n’est pas de fin à l’aventure d’être humain. Mais il est possible
de nommer ce qui empêche de le devenir, de fixer les règles intangibles permettant de s’en
approcher.
Ce livre tentera donc aussi, pour les temps qui viennent, de définir les rivages qu’il s’agit d’aborder,
de tracer la route qui demeure à parcourir au lendemain de l’adoption des décrets de mise en œuvre
des premières lois cadre sur le handicap pour la Nouvelle-Calédonie.
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Charles Gardou1
Refonder une société plus humaine,
toute humaine, rien qu’humaine
L’Océanie aura été un jour cette porte par laquelle l’irréductible diversité, la fragilité de la vie fit
irruption au point de changer à jamais la trajectoire de la mienne. Il est de ce fait particulièrement
émouvant pour moi d’être invité aujourd’hui à co-préfacer cet ouvrage, que le Collectif Handicaps
de Nouvelle-Calédonie a souhaité pour marquer l’étape qui vient, ici, d’être franchie dans la prise
en compte des personnes en situation de handicap.
Lorsqu’avec Julia Kristeva, le 20 mai 2005, nous avons organisé les premiers États généraux
nationaux du handicap à la Maison de l’UNESCO à Paris, de ce côté-ci du monde déjà, et sans
attendre aucunement ce signe, des femmes et des hommes engagés bien souvent sans moyen ou
avec ceux du bord, dans un mouvement de désinsularisation du handicap, rêvaient déjà à la tenue
d’un événement du même type. Ils en rêvaient avec le sentiment d’un gouffre à franchir pour passer,
comme le rappelait alors justement Catherine Poëdi, d’une culture de la charité à une culture de
l’effectivité des droits pour tous et pour chacun. Car, selon les mots de Julia Kristeva, « la personne
handicapée n’est pas seulement un objet de soins, la personne handicapée est un sujet politique, qui
a tous ses droits et des capacités insoupçonnées. N’ayez pas peur de ce nouveau sujet politique ! » 2
Nos routes se sont ainsi croisées. Mes cheminements professionnels m’avaient, quelque temps
auparavant, ramené vers l’Océanie, la rencontre ne pouvait qu’avoir lieu. À travers l’implication
professionnelle et personnelle qui était la mienne, j’ai volontiers accompagné la démarche mise en
œuvre. L’équipe du Collectif Handicaps a conforté une conviction ancienne et profonde : c’est par
le divers, par la diversité des chemins empruntés pour résoudre les problèmes de notre humanité,
qu’il nous est possible de mettre en mouvement un monde autre, fait non de domination, non de
supériorité de l’un sur l’autre, mais d’interactions, d’échanges, et d’abord d’échange de nos
fragilités et de nos forces.
Présent le 10 octobre 2007 à Nouméa, lors de la Journée de synthèse des premiers États généraux
du handicap en Nouvelle-Calédonie, j’ai pu mesurer tout à la fois les obstacles qui ont dû être
surmontés, ceux qui, ce jour-là ont commencé de se fissurer, et l’importance des combats qui
demeuraient à mener.
Depuis, nombre de seuils ont été franchis : adoption de lois programmes sur le handicap, les
premières dans l’histoire du pays, et de leurs décrets d’applications ; mise en place d’un Conseil du
Handicap ; tenue des premières Assises École et handicap, etc.
1
Charles Gardou, anthropologue, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, fondateur avec Julia Kristeva du Conseil
National Handicap : sensibiliser, informer, former ; membre de l’Observatoire National de la Formation, de la
Recherche et de l’Innovation sur le Handicap (ONFRIH).
2
Julia Kristeva, écrivain, psychanalyste, professeur émérite à l’Université Paris 7 – Diderot, fondatrice avec Charles
Gardou du Conseil National Handicap. La phrase citée est extraite de l’ouvrage Handicap, le temps des engagements,
sous la direction de Julia Kristeva et Charles Gardou, Paris, PUF, 2006.
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Mais en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, il reste beaucoup à faire. Nos sociétés, où la précarité
ne cesse de croître, ont chaque jour à réaliser des efforts d’arrachement pour préférer au chacun
pour soi le tous pour chacun, et résister aux forces qui les poussent à séparer plutôt que réunir,
reléguer plutôt qu’accueillir, calibrer plutôt que donner à voir, à entendre la vie dans sa multiplicité.
Plus que jamais donc la vigilance est de mise, et les finalités demeurent, d’autant plus nécessaires à
affirmer que la Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus de construction de son avenir,
assez unique au monde, dont on ne peut qu’espérer qu’il soit, en de nombreux domaines et dans
celui de la prise en compte du handicap en particulier, exemplaire.
Quels seraient dans cet esprit les principaux amers dont l’archipel calédonien pourrait se doter pour
bâtir une société plus équitable, plus humaine ?
Résister à la norme : éloge de la diversité
S’il est une invention de la philosophie grecque avec laquelle il convient, ici comme en tout lieu de
la planète, de prendre quelques distances, sans lui contester par ailleurs sa noblesse et sa grandeur,
c’est cette tentation qui a été la sienne de définir « l’être ». Or une société perméable à la
vulnérabilité, sous ses visages les plus baroques, suppose de renoncer à cette prétention, qui a
abouti à toutes sortes d’absolus métaphysiques et de clôtures. Il semble banal de le rappeler : il n’y
a que des existences singulières ; il n’y a pas d’être handicapé ; il y a seulement des êtres multiples,
inassimilables les uns aux autres et irréductibles à un seul signifiant. Chacun d’entre eux prend sa
forme tout au long d’un itinéraire à nul autre pareil. Aussi importe-t-il de rompre avec une pensée
dualiste pour accéder à une pensée métisse, une pensée qui voit dans la diversité non le côtoiement
des contraires mais la coexistence du multiple, l’infinité des allures de la vie, le foisonnement de ses
formes. Il s’agit de s’attacher à inclure cette pluralité des existences, et à la considérer comme
fondatrice de notre « destin commun ».
Désinsulariser : éloge de l’ordinaire
Le handicap n’est qu’un des aspects spécifiques des problèmes généraux de notre humanité. Il ne
fait qu’en jouer le rôle d’amplificateur. Le sort peut amener celui-ci ou un autre, sans aucune
prévisibilité ni équité, à en être victime. Parce qu’il relève de l’ordinaire de la vie, il est à prendre en
compte chaque fois que l’on pense l’homme et ses droits, que l’on éduque ou que l’on forme, que
l’on élabore des règles et des lois, que l’on conçoit l’habitabilité sociale ou que l’on aménage les
espaces citoyens, etc. C’est de cette seule manière que pourra s’accomplir la désinsularisation de
ceux qui ne sont pas du bon côté du hasard.
Nous devons tout mettre en œuvre pour que chaque enfant, chaque jeune, chaque adulte en situation
de handicap puisse exercer au quotidien, dans l’ordinaire des jours, ses droits humains
fondamentaux que sont le droit à la protection de son intégrité au sens le plus large du terme, le
droit à l’éducation, à la formation, au travail, à l’art, à la culture, au sport et aux loisirs, à une vie
familiale, affective et sexuelle ; bref, le droit à exercer sa pleine citoyenneté et toutes ses
prérogatives d’être humain.
Repenser le collectif : éloge du lien
Nous avons à susciter de nouvelles Lumières sur le handicap. Ces nouvelles Lumières sous-tendent
l’ambition de dessiner la matrice d’un univers social rassemblé, qui reconnaît la vulnérabilité
comme condition commune et fait place à ses diverses expressions comme aux droits qui en
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émanent. Cette ambition suppose d’en finir non avec une Bastille extérieure comme en 1789, mais
avec nos bastilles intérieures, faites de fausses croyances, peurs chimériques, superstitions,
stéréotypes, représentations collectives figées. Elle suppose de résister à un individualisme devenu
la règle, de désacraliser l’individu qui se voudrait parfait, immortel et auto-suffisant. Comment ? En
mesurant que c’est grâce à ceux que l’on qualifie de « dépendants » qu’il est possible de se délester
du poids de sécheresse qui menace. Ils peuvent en effet permettre, loin du veau d’or de la
performance à tout prix, de refonder une société plus humaine, toute humaine, rien qu’humaine,
faisant corps par l’inclusion de chacun et l’interaction de tous. La promotion des uns ne saurait se
nourrir de l’exclusion des autres.
Tel est le triple défi : résister à la dictature de la norme, désinsulariser le handicap et repenser le
collectif.
Les pages qui s’ouvrent témoignent de la volonté de relever ce défi, telle qu’elle s’exprime ici et
maintenant sur cette terre du Pacifique, inscrite dans le concert humain universel.
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Sylvie Robineau
Texte à venir et à insérer
En cours / à transmettre par Stéphanie, avec peut-être propos d’Harold Martin
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Stéphanie Vigier3
Une aventure citoyenne
Le projet de publier un livre qui restituerait l’expérience des États Généraux du Handicap en
Nouvelle-Calédonie a fait partie intégrante de la démarche entreprise par le Collectif Handicaps dès
juillet 2005.
Le Conseil National du Handicap : sensibiliser, informer, former, présidé par Charles Gardou et
Julia Kristeva, a organisé les premiers États Généraux du Handicap au niveau national en juin 2005
à Paris. Les membres du Collectif Handicaps en Nouvelle-Calédonie ont alors immédiatement émis
le souhait d’initier la même démarche en Nouvelle-Calédonie.
Depuis plusieurs années, nos associations se battaient pour faire valoir les droits des personnes en
situation de handicap, se heurtant toujours aux mêmes obstacles : en l’absence de textes de
référence, une action publique hésitante, intermittente et peu coordonnée, des décideurs parfois
compréhensifs et réellement désireux de mieux accompagner les Calédoniennes et Calédoniens en
situation de handicap, mais sans ligne politique claire, concertée et partagée par les différentes
collectivités. La situation institutionnelle même de la Nouvelle-Calédonie paraissait être un frein à
toute évolution juridique : l’éclatement des compétences impliquées dans la prise en compte du
handicap interdisait l’application globale de la loi métropolitaine de février 2005 comme la
rédaction d’un équivalent calédonien. Nos associations s’étaient donc rassemblées afin de travailler
à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un cadre juridique en faveur des personnes en situation de
handicap.
Pour atteindre cet objectif, il fallait que les difficultés vécues quotidiennement par les personnes
handicapées soient enfin reconnues comme une forme de discrimination et une insupportable
restriction des libertés ; il fallait rompre avec la charité bien intentionnée longtemps entretenue à
leur égard, faire valoir leurs droits et établir un plan d’actions prioritaires.
Les États Généraux avaient donc vocation à rassembler, dans tout le pays, du Nord au Sud en
passant par les Iles, tous les citoyens pour réfléchir ensemble et affirmer notre volonté commune
d’édifier une société plus juste, plus solidaire et inclusive.
Aujourd’hui encore, comme l’illustrent les témoignages recueillis trois ans plus tard et qui figurent
également dans ces pages, nous sommes beaucoup à partager le sentiment d’avoir pu agir, d’avoir
donné corps à l’idée que nous nous faisions de notre pays en construction, d’avoir tissé entre
citoyens et décideurs une relation positive et constructive.
Ce livre retrace l’histoire de cette expérience humaine riche et intense. Nous avons souhaité que les
paroles échangées lors des États généraux, que l’espoir et les rêves alors partagés ne s’évanouissent
pas avec le temps mais qu’ils soient consignés quelque part et offerts à tous. Il s’agit avant tout de
témoigner, de dire que d’une histoire douloureuse, faite d’incompréhension et d’exclusion peut
jaillir un désir de justice et de solidarité au bénéfice de tous, de dire que le destin commun, c’est
3
Stéphanie Vigier, Présidente du Collectif Handicaps en 2007 et des premiers États généraux du handicap en NouvelleCalédonie.
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aussi celui qui nous unit aux plus fragiles et aux plus démunis d’entre nous, de dire qu’on peut
vouloir et construire ensemble pour résoudre nos problèmes d’être humains.
Ce livre dessine le chemin parcouru. Il retrace l’histoire du Collectif Handicaps, la genèse des États
généraux et il restitue les engagements pris à cette occasion. Il redonne ainsi la parole à ceux qui se
sont mobilisés, tout au long de l’année 2007, qui ont donné d’eux-mêmes et exprimé leurs
souffrances et leurs attentes.
Mais au-delà, il s’agit de voir que cette aventure a contribué à transformer notre pays. La rencontre
de la mobilisation associative et d’une volonté politique a abouti, après un an de travail, au vote des
lois de pays de décembre 2008 en faveur de la protection sociale et de l’emploi des personnes en
situation de handicap.
Ces lois, si longues à mettre en œuvre puisqu’à ce jour, toutes les personnes handicapées n’en
bénéficient pas encore, représentent un bouleversement considérable, parfois lourd à gérer au
quotidien. Mais elles constituent une conquête majeure : celle de droits enfin reconnus et accordés à
ceux qui jusque là étaient marginalisés ou exclus par leur différence. Il ne s’agit plus d’interventions
ponctuelles devant l’urgence des situations sociales, mais bien du choix de notre société de garantir
à ceux qui rencontrent des difficultés pour vivre avec et parmi les autres les moyens de vivre dans la
dignité et de jouir des mêmes droits et libertés que les autres.
Cependant, au-delà de l’enthousiasme généré par le vote de ces lois, la vigilance s’impose. D’abord
parce que l’application de ces nouveaux textes est longue est difficile. Ensuite parce que le
fonctionnement, toujours complexe, d’un système administratif d’accompagnement ne doit pas
négliger ce qui reste son objectif premier : le mieux vivre des personnes en situation de handicap.
Enfin, les lois ne suffisent hélas pas à changer les mentalités : l’accès à l’emploi des travailleurs
handicapés reste aujourd’hui encore très limité, les entreprises et même les collectivités et
établissements publics préférant trop souvent payer des pénalités plutôt que d’embaucher des
personnes handicapées.
Il y a aussi les contraintes financières. La politique d’accompagnement des personnes en situation
de handicap a un coût, conséquent. Le fond créé par les lois ne suffira sans doute pas à répondre à
tous les besoins : il faudra donc imaginer un financement pérenne qui non seulement garantisse les
droits déjà accordés, mais permette aussi au Schéma du handicap de prendre une dimension
concrète, notamment par l’ouverture de structures et dispositifs qui font aujourd’hui défaut et sont
absolument nécessaires à une meilleure prise en charge des personnes handicapées.
La défense d’un partenariat respectueux entre les institutions et les associations reste également un
combat presque quotidien : les acteurs changent, il faut se rencontrer, expliquer, convaincre encore
et encore et, malheureusement, pour certains professionnels, les proches ou les parents de personnes
handicapées ne sont pas encore des partenaires légitimes.
Enfin, malgré l’avancée considérable que représentent les deux lois de pays et les délibérations
votées en décembre 2008 et janvier 2009, des pans entiers du droit restent à compléter ou à
réactualiser : en matière de scolarisation ou d’accessibilité par exemple.
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Autant dire que pour le Collectif Handicaps et les associations qui le composent le combat
continue. Ce livre ne constitue donc pas un aboutissement, mais plutôt un point d’étape, le bilan
d’une expérience riche et intense en même temps qu’une ouverture sur l’avenir.
Ce livre est ainsi l’occasion de rappeler que l’énergie libérée par les États généraux continue à
nourrir le travail de réflexion du Collectif en développant les thèmes qui furent abordés alors, au
premier rang desquels la question de l’éducation et de la scolarisation qui déterminent la
reconnaissance et l’inclusion de la personne handicapée.
Il veut aussi revenir à la parole de ceux par et pour qui ce livre existe : les personnes en situation de
handicap elles-mêmes et leurs familles, dont le témoignage est si précieux. Car le handicap n’est
pas tout : il est d’abord question de vivre et d’aimer, de défendre des valeurs, de protester contre
l’indifférence ou l’injustice, de construire avec et pour les hommes et les femmes les conditions
d’une vie meilleure – ce qui devrait être la finalité de toute société humaine.
Ce que ce livre nous dit enfin, c’est que si nos différences et la diversité de l’expérience humaine
sont une richesse, celle-ci ne se recueille pas sans effort : il nous faut réunir les conditions qui
permettent à l’autre d’être lui aussi une des forces vives de notre société ; il nous faut reconnaître
que nous ne devons pas seulement chercher à donner pour nous croire généreux, mais d’abord
donner à l’autre la possibilité de donner, d’agir, d’être utile, ou même d’être simplement celui qui,
par sa seule présence, nous permet d’exister et de vivre en humains.
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LIVRE I – L’AVENTURE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DU HANDICAP
EN NOUVELLE-CALEDONIE
L’archer tend son arc en arrière pour projeter sa flèche le plus loin possible. Faire trace de ce que fut
l’aventure des États généraux du handicap en Nouvelle-Calédonie importe donc. Car cette aventure
témoigne d’un effort d’arrachement exemplaire, modélisant pour la société calédonienne et porteur
d’espérance.
Cet effort d’arrachement a conduit, en avril 2004, des associations fortement mobilisées dans le
champ du handicap et de la dépendance, mais jusqu’alors dispersées voire divergentes, à se
constituer en collectif.
Il a donné naissance, fin 2005, à la Charte du handicap… qui ne sera signée officiellement que le 14
mai 2007 par les élus du Congrès.
Il a rendu possible au cours de l’année 2007, lors de trois forums, un par province, et le 10
novembre 2007, entre les murs et dans les jardins de la Commission du Pacifique Sud, la tenue des
premiers États généraux du handicap de la Nouvelle-Calédonie, en présence notamment de Charles
Gardou, organisateur avec Julia Kristeva de ceux organisés en Métropole en 2005, sous le haut
patronage du Président de la République, Jacques Chirac.
Il a permis que soient enfin votées, fin 2008, à l’unanimité du Congrès, les premières lois
programme sur le handicap de Nouvelle-Calédonie.
Ces lois de Pays, et les délibérations qui les accompagnent, ne règlent pas tout, loin de là, mais elles
gravent dans le marbre le passage « d’une culture de la charité à une culture du droit ». Elles créent
un Conseil consultatif du handicap permettant aux acteurs associatifs d’être pleinement impliqués
et reconnus en tant que partenaires des institutions dans l’élaboration d’une politique du handicap
pour la Nouvelle-Calédonie.
Plus d’une année toutefois aura encore été nécessaire pour qu’enfin, en avril 2010, soit totalement
adoptés l’ensemble des décrets d’application de ce cadre juridique qui, s’il demeure partiel, n’en
pose pas moins le socle d’un nouveau contrat social et d’un nouveau regard au sein d’une société
calédonienne qui a fait le pari du « vivre ensemble ».
A / 2002 – 2007 – Un processus démocratique et modélisant
Tout commence en amont de la constitution officielle du Collectif Handicaps, en 2002 et 2003.
Quatre associations fonctionnent déjà en collaboration : l’Association Valentin Hauy pour le bien
des aveugles (AVH), l’Association de Parents d’Enfants Handicapés de Nouvelle-Calédonie
(APEH-NC), l’Association pour le Soutien des Enfants et Adolescents Déficients (ASEAD) et
l’Association Pour la Surdité (APS). Leur enjeu est juridique. Présidente du Collectif, Stéphanie
Vigier se souvient avec un sourire de la conviction qui les anime alors : « On s’est dit : il n’y a pas
de loi de Pays, on va en rédiger une ». Le quatuor fait appel à une juriste et, avec elle, rédige de fait
un texte. « Il ne pouvait pas tenir la route, note Stéphanie Vigier, mais ce fut un premier travail. » Sa
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vertu : le tissage de liens forts entre les quatre structures pionnières, une œuvre de défrichage
incontournable, support à échanges avec les responsables institutionnels.
Relativement informels, ces échanges mettent rapidement en lumière un premier niveau de
difficulté, dépassant largement le champ du handicap : celui du mille-feuille des compétences
propre à la Nouvelle-Calédonie. En somme il n’est pas envisageable de faire voter aisément une loi
de Pays
Le deuxième travail va donc consister à approfondir la réflexion sur cette question de la répartition
des responsabilités, notamment entre le Gouvernement et les Provinces, mais en faisant si possible
feu de tout bois. Ainsi des échanges ont lieu également avec les représentants de l’État, des
rencontres sont demandées et obtenues à chaque visite d’un ministre. Le constat énoncé et la
question posée sont toujours les mêmes : « Il n’est question du handicap nulle part, ni dans l’Accord
de Nouméa, ni dans la loi organique, qui a cette compétence ? » Le souhait formulé est non moins
précis : qu’une seule instance, bien identifiée, soit si possible en charge de cette compétence, gage
aux yeux des associations d’une efficacité qui alors fait cruellement défaut. Et que cette instance se
situe plutôt au niveau de la Nouvelle-Calédonie, afin qu’un cadre juridique à l’échelle du Pays
puisse être adopté.
Si celui-ci existe aujourd’hui, il n’en demeure pas moins d’ailleurs que continue de peser sur lui les
limites identifiées dès le début du processus. Si le champ de l’emploi et de la protection sociale est
couvert, celui de l’action sociale continue de relever d’une compétence éclatée, celui de
l’accessibilité relève des provinces, etc.
Quoiqu’il en soit, c’est à ce stade que s’impose aux associations, plus que jamais convaincues
d’avoir en commun l’enjeu d’élaboration d’un cadre juridique, la nécessité de se fédérer. Un appel
par voie de presse est publié. Rapidement d’autres associations décident de se joindre au
mouvement. De quatre, le Collectif s’élargit à sept associations, avec en particulier l’arrivée dans
ses rangs de la Fédération Handicap Nord.
« On s’est constitué autour d’un objet éthique et juridique, précise Stéphanie Vigier. Il s’agissait de
travailler à la réflexion éthique et à la mise en place d’un cadre juridique. »
Le travail de contacts avec les institutions se poursuit. Il tourne essentiellement autour du
Gouvernement et de la Province Sud. Plus tard seulement s’approfondiront les relations avec les
provinces Nord et Îles Loyauté. Un premier chantier important est lancé, visant à la rédaction d’une
Charte du handicap. Sa vocation : rappeler les droits fondamentaux de la personne handicapée et
constituer une base éthique à un futur projet de loi qui reste bien, pour l’ensemble des associations
membres du Collectif, un enjeu majeur.
L’élaboration de la Charte prend du temps et donne lieu à des débats point par point. Des documents
du même type existent certes et constituent une base de travail. Mais tous les principes et toutes les
formulations ne vont pas de soi. La discussion est parfois âpre. Des articles tels que celui relatif au
droit à la sexualité font débat. Patiemment chacun chemine en lui-même et vers l’autre. Fin 2005,
une rédaction définitive est arrêtée. Il s’agit désormais d’obtenir qu’elle soit signée tant par le
Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie que par les trois provinces. Elle est présentée à Marianne
Devaux, alors responsable du dossier handicap au Gouvernement, mais d’abord rien ne bouge. Il en
est de même au niveau provincial. Travail de contacts, de patience une fois encore. C’est du Nord
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que vient la première lueur. Le 6 octobre 2006, la commission santé de la Province Nord valide la
Charte. De son côté la Présidente du Gouvernement, Marie-Noëlle Thémereau, sensible à la
question du handicap, s’inquiète du retard pris. Tout s’accélère. Les élus du Congrès signent le 14
mai 2007, avec une belle unanimité tardive, une Charte qui désormais les engage symboliquement à
trouver les moyens de faire vivre dans les faits les principes qu’elle énonce.
Dès l’origine également est apparue évidente la nécessité d’aboutir à la création d’un Comité
consultatif du handicap. S’il prend plusieurs noms au fil du temps, le concept demeure la même :
celui d’un organe commun aux acteurs de terrain et aux institutions, véritable espace de partenariat
continu permettant que s’élabore une politique du handicap concertée.
L’idée est nouvelle, et au-delà c’est tout le processus qui se révèle à plus d’un titre modélisant.
« C’est l’un des acquis démocratiques très importants que l’on a obtenu avec cette démarche, estime
Stéphanie Vigier. C’est vraiment cela la démocratie participative, les gens qui sont sur le terrain et
qui connaissent accèdent à un espace où se définit en commun, avec les représentants des
institutions, les priorités en matière d’action dans leur domaine. »
B / 2007 - Le pari d’un état des lieux embrassant tout le pays
La signature de la Charte intervient en pleine préparation des États généraux. Le projet est lui aussi
de longue haleine. C’est le 20 mai 2005 à la Maison de l’UNESCO à Paris qu’ont eu lieu, sous la
direction de Julia Kristeva et Charles Gardou, les premiers États généraux « Handicap : le temps des
engagements ». Ils sont placés sous la haute autorité du Président de la République, Jacques Chirac,
qui a le 14 juillet 2002 fait de l’inclusion des personnes en situation de handicap l’un des grands
chantiers de son quinquennat.
En Nouvelle-Calédonie, l’événement fait immédiatement écho à l’engagement du tout jeune
Collectif Handicaps. Doublement écho même : Charles Gardou n’est pas un inconnu en Océanie.
S’il a été, il y a de longues années, directeur d’un établissement scolaire à Atuona sur l’île d’Hiva
Oa dans l’archipel des Marquises, il a surtout contribué à la mise en place en Nouvelle-Calédonie,
dans le cadre d’un partenariat entre l’Université Lumière Lyon 2, les enseignements privés et la
province des Îles, de la préparation à une licence en Sciences de l’éducation ; chacun de ses séjours
dans ce cadre a été l’occasion de tisser des liens avec les associations travaillant dans le champ du
handicap.
D’emblée le Collectif Handicaps s’inscrit donc dans cette dynamique des États généraux. Il
envisage d’organiser un événement de ce type en Nouvelle-Calédonie, qui soit un point d’appui
pour atteindre ses deux principaux objectifs : le vote d’une loi-cadre et la création d’un organe
consultatif réunissant acteurs associatifs indépendants et acteurs institutionnels. « Dans un premier
temps, on imaginait ces États généraux comme un instrument pour obtenir la loi et un comité
consultatif, remarque Stéphanie Vigier. L’idée a séduit dès juillet 2005, lors d’une réunion à la
province Sud, mais c’est resté au niveau des bonnes paroles. »
Le projet demeure toutefois bien présent dans les têtes. Il y a beaucoup à faire. 2005 s’achève et
c’est seulement mi 2006 que l’équipe du Collectif Handicaps remet véritablement sur le haut de la
pile des multiples dossiers à traiter la question des États généraux.
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Premier élément de réflexion : l’organisation s’annonce lourde, il semble plus raisonnable de fixer
l’événement à l’horizon 2007 et de ne pas réinventer une structure que les États généraux nationaux
ont parfaitement posée. Il est donc décidé de reprendre comme fil conducteur l’intitulé des ateliers
mis en œuvre en 2005. Ceux-ci sont au nombre de huit :
- Vie autonome et citoyenne.
- Vie, santé, éthique et déontologie.
- Vie affective, familiale et sexuelle.
- Vie professionnelle.
- Vie scolaire.
- Vie artistique et culturelle.
- Vie sportive et loisirs.
- Vie, dignité et grande dépendance.
Finalement, après quelques débats, le Collectif ramènera à sept le nombre des thèmes, en regroupant
Vie artistique et culturelle et Vie sportive et loisirs sous la même bannière : Culture, sports et loisirs.
Mais là n’est pas l’essentiel. Ce que valide surtout ce choix, c’est une entrée dans la problématique
du handicap qui ne cible pas celui-ci mais un ensemble de droits fondamentaux à la vie pour chaque
citoyen.
Personne n’est d’abord un handicapé. Chacun est d’abord une personne et un citoyen ayant les
mêmes droits que tous les autres. Si cette personne, ce citoyen, est en plus grande fragilité, en plus
grande vulnérabilité qu’un autre parce que vivant une situation de handicap, la question est de
savoir ce qu’une société hautement humaine met en œuvre pour lui permettre d’exercer les droits
fondamentaux qu’elle est sensée garantir à tout un chacun.
C’est sur cette base que s’assoit l’organisation des États généraux. Évident ? Loin s’en faut. Les
débats au sein du Collectif sont sur ce point bien réels à l’époque, se souvient Stéphanie Vigier.
Réels et pleinement recevables. Quid en effet de la grande dépendance dans cette approche qui vise
essentiellement à l’inclusion de la personne en situation de handicap dans la société qui est la
sienne ? Ne risque-t-on pas, sous couvert de cette juste démarche, d’oublier de prendre en compte
les besoins particuliers des polyhandicapés notamment, et plus largement des personnes en situation
de grande dépendance ? N’invite-t-on pas ainsi les pouvoirs publics à ne plus faire l’effort d’investir
dans des structures spécifiques, pourtant absolument indispensables à la prise en compte et en
charge de la grande dépendance ?
Ainsi s’affirme une fois encore l’esprit du processus engagé : une volonté modélisante elle aussi de
réfléchir ensemble quelque soit la diversité des approches, des situations, voire les divergences. Il
s’agit bien de travailler à la construction d’un espace partagé, fruit chaque fois que possible d’un
consensus obtenu non au terme d’un rapport de force, mais en se coltinant jour après jour avec les
convictions de l’autre.
En la circonstance, le débat loin d’être vain aura permis de fixer fermement quelques points de
vigilance, dont l’attention à la grande dépendance et la reconnaissance d’une singularité de celle-ci,
notamment pour les personnes en situation de polyhandicap.
Le deuxième élément de la réflexion conduite a trait aux enjeux de l’événement lui-même. L’équipe
du Collectif Handicaps en est de plus en plus convaincue : s’ils ont vocation à être l’instrument
d’avancées précises, ces États généraux doivent permettre de dresser un véritable état des lieux
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embrassant tout le pays. Or comment structurer la collecte la plus fine et la plus vaste possible
d’une parole longtemps interdite, venant parfois de personnes en situation de handicap ou
accompagnant des personnes handicapées au bord de l’épuisement tant est lourd le quotidien ?
Dans un premier temps, il est envisagé d’organiser un forum par thème d’atelier, et de décentraliser
les forums dans tout le pays. Très vite le principe se révèle inadapté. Sept forums plus la rencontre
de synthèse, c’est plus que ne peut en assumer l’équipe du Collectif, dont chaque membre est par
ailleurs engagé dans la vie de son association et sa vie personnelle souvent marquée par le handicap.
Puis sur quels critères arrêter que l’on traitera de tel thème au Nord, de tel thème aux Loyauté ?
Rapidement décision est prise d’une structure qui se révèle immédiatement plus efficace. Elle sera
géographique. Un forum pour chaque province, abordant la totalité des thèmes. La démarche a le
mérite de permettre l’expression de situations singulières en raison également des déséquilibres
structurels propres à la Nouvelle-Calédonie.
La province Nord ouvre le bal avec un premier forum en juin 2007 au lycée agricole de Pouembout.
L’organisation en est prise en charge notamment par la Fédération handicap nord. Le Sud suit avec
un forum à Koutio. Puis les Loyauté avec un forum à Lifou.
C’est à partir de ces forums que va s’élaborer la Journée de synthèse des États généraux. Un exploit
si l’on mesure que quelques semaines seulement la séparent du dernier forum, celui des Loyauté.
Cette Journée de synthèse débordera très largement le rôle d’instrument visant à l’adoption d’une
loi initialement attribué aux États généraux. L’enjeu s’est vite révélé plus vaste en effet.
« Nous avons la conviction que notre pays doit penser son projet de société à partir de l’humain et
de la reconnaissance de ce qui le fonde, dans ses forces, comme dans ses faiblesses, écrit en août
2007 Catherine Poëdi, membre du Collectif et présidente de l’APEH-NC. Notre démarche tente
d’initier les fondements d’un "vivre ensemble" enraciné dans une appréhension commune de la
condition humaine. Le handicap appartient bien à l’ordinaire de nos existences. Permettre à la
personne handicapée d’accéder aux droits fondamentaux et d’en jouir, c’est accepter ce que nous
sommes. Et faire le choix d’une société de justice et d’égalité ».
C’est cet enjeu qui apparaitra dans toute son ampleur le 10 novembre 2007 à la CPS, journée qui se
déroule dans une sorte « d’état de grâce » et donne le sentiment à plus d’un observateur que des
murs viennent sinon de tomber du moins de se fissurer suffisamment pour que plus rien, jamais, ne
soit tout à fait comme avant.
C / 10 novembre 2007 – Sur le seuil d’une prise de conscience
Ce matin du 10 novembre 2007, dans les jardins de la Commission du Pacifique Sud, sous un soleil
radieux, la journée qui commence a le visage d’un joyeux pêle-mêle de femmes, d’hommes,
d’enfants multicolores et tout-terrain. Ici un fauteuil déserté attend son propriétaire souriant sur la
chaise toute proche où des amis l’ont porté. Là une fillette au visage lumineux bouscule d’un
sourire tous les a priori quant aux limites intellectuelles dans lesquelles seraient enfermées les
personnes vivant avec la trisomie 21. Des stands en bordure du chemin qui déambule à l’entour de
l’espace vert tout proche de la grande salle présentent les diverses associations participantes.
Acteurs associatifs, professionnels de la santé, de l’éducation, élus… : aucun corps ne semble
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manquer à l’appel. Dans l’assemblée trois « experts » qui depuis quelques jours apportent toute la
générosité qui les habite pour aider l’équipe du Collectif Handicaps, qui a « la tête dans le guidon »,
à structurer les derniers aspects d’un événement qui suscite autant de fébrilité que d’espérance.
Il y a Charles Gardou, fondateur avec Julia Kristeva du Conseil national du handicap ; Jean-Louis
Vigneau, président de l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) Ariège et trésorier
général de l’APAJH ; Nathalie Caffier enfin, chef d’un service éducatif spécialisé dans l’accueil
d’enfants polyhandicapés malvoyants à Lille, dont l’expérience de terrain en matière de rééducation
et d’accompagnement est importante.
« Leur présence a beaucoup apporté, note Stéphanie Vigier. Ils nous ont aidés à remettre en forme
les propositions, à structurer, clarifier, faire sortir ce qu’il y avait de meilleur. Puis ils ont mis du
lien humain là où inévitablement nous avions vécu des tensions dans la préparation d’un tel
événement. Ils ont été là simplement, avec tout leur investissement. Ils nous ont montré qu’ils
croyaient en ce qui avait lieu. »
Point d’orgue du mouvement enclenché avec les forums provinciaux, la journée du 10 novembre est
aussi le dernier rendez-vous d’une semaine qui fait battre le cœur de la Nouvelle-Calédonie au
rythme de la problématique du handicap.
Le collège de Magenta a ouvert les festivités le mercredi 31 octobre par une journée récréative et
citoyenne sur le thème du handicap. Elle a été suivie le mardi 6 novembre d’une conférence de
Charles Gardou sur le campus Nouville-Banian de l’université de la Nouvelle-Calédonie, sur le
thème « Le handicap à l’épreuve des cultures ». Puis le vendredi 9 novembre par un forum des
associations sur le thème « Ma place et le rôle des associations concernées par le handicap en
Nouvelle-Calédonie », dans les locaux de l’Association des parents et amis de personnes
handicapées intellectuelles (APEI), sous la conduite de Jean-Louis Vignaud.
Difficile de ne pas attribuer alors à l’équipe du Collectif Handicaps la médaille olympique de la
course de fond. Et puisque comparaison sportive il y a, d’éprouver en tant que simple témoin
informé de tout cela une certaine incompréhension quant à l’écart de traitement accordé par les
institutions à ce qui se joue là de notre commune humanité, et les importants moyens mis à
disposition dans la même période à cet autre temps fort, les Assises du sport.
La réussite s’en révèle encore plus éclatante. L’indépendance vécue du Collectif Handicaps est à la
hauteur de l’enjeu démocratique dont progressivement plus personne ne doute. Au fil de la journée,
qui voit la présentation des synthèses des divers ateliers et de nombreuses prises de paroles
institutionnelles, c’est la parole inscrite en page 2 du programme de ces premiers États généraux qui
s’incarne pleinement :
« Dans un pays en construction tel que le nôtre, précise-t-elle, la défense des droits humains et des
valeurs de respect, de justice et de solidarité sont l’affaire de tous au quotidien. C’est pourquoi nous
appelons les Calédoniennes et les Calédoniens à soutenir notre action et à nous rejoindre pour que
demain les droits des personnes en situation de handicap soient enfin reconnus. »
Au soir de cette journée, tout certes demeure à faire, et particulièrement l’adoption d’une loi-cadre à
l’élaboration de laquelle les élus cette fois se sont publiquement engagés. Mais le sentiment qui
règne est qu’enfin des frontières ont cédé. Contrairement aux forums, qui avaient essentiellement
réuni les personnes directement intéressées, soit de part leur situation, soit de part leur activité
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professionnelle, l’assemblée compte cette fois des participants venus de multiples horizons. « Nous
avions atteint des gens hors des frontières identifiées de notre univers du handicap », note la
Présidente du Collectif.
Un « état de grâce » donc, pleinement incarné pour tous ceux qui étaient présents par ce moment de
justesse, de légèreté, de simple beauté : un intermède dansé en plein cœur de l’après-midi par la
jeune danseuse calédonienne Linda Kurtovitch et son partenaire, Soufiane Karim.
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Composition 2007 du Collectif Handicaps
Le 10 novembre 2007, le Collectif Handicaps regroupait :
Association de parents d’enfants handicapés Nouvelle-Calédonie (APEH-NC).
Association pour la surdité (APS).
Quad Rugby.
Association Valentin Haüy.
Association pour le Soutien des Enfants et Adolescents Déficients (ASEAD).
Solidarité SIDA Nouvelle-Calédonie.
Fédération Handicap Nord (FHAN).
Association Solidarité Handicapés (ASH).
Culture, communication et dynamisation (CCD).
Chrysalide.
Union des Amis et des Familles de Malades et Handicapés Mentaux de Nouvelle-Calédonie
(UAFAM-NC).
Autism’espoir Nouvelle-Calédonie.
Association Calédonienne des Handicapés (ACH).
Association de Parents et Amis de Personnes Handicapés Intellectuelles (APEI).
Foyer de vie de la Séviane Kiwanis.
Paroles.
La Ligue calédonienne de sport adapté et handisport.
Handicap calédonien.
Ont rejoint depuis le Collectif Handicaps :
Association des Handicapés du Mont-Dore (AHMD).
Association Calédonienne d’Aides aux Personnes Agées (ACAPA).
Association des Parents et Amis des Handicapés de Lifou (AAPAHL).
France Alzheimer.
Association de parkinsoniens de Nouvelle-Calédonie.
Association « PETIT TOM » Ensemble Païta.
Association HANDIJOB.
Association Calédonienne des Parents d’Enfants en Difficultés d’Apprentissage du langage
écrit et oral (ACPEDA).
Association de Solidarité des personnes en situation de Handicap d’Iaai (ASHAAI).
Association de la Gestion des Tutelles de Nouvelle-Calédonie (AGTNC).
Fleur de vie, association gestionnaire des auxiliaires de vie en province Nord.
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LIVRE II – FRAGMENTS D’UNE PAROLE
EN CONSTRUCTION
Comment faire trace de l’abondance de la parole humaine qui s’est exprimée, au fil des trois forums
provinciaux et d’une journée de clôture dense et intense ?
Ce Livre II s’attache à le tenter. Sans prétendre à l’exhaustivité, en offrant simplement des
fragments d’un débat qui a tour à tour enthousiasmé, interpellé, déstabilisé, transformé les regards,
ouvert des chemins.
Le matériau de construction provient directement des comptes rendus établis par les équipes
organisatrices des forums. Ceux-ci n’étant pas homogènes, leur présentation ne l’est pas. Il s’agit
bien de témoigner de ce qui fut recueilli au fil du processus.
Certaines fois, les synthèses sont proposées tel quel.
D’autres fois, parce que trop abrégées et/ou éloignées du contexte d’irruption de la parole elles ne
permettaient pas un message suffisamment lisible, elles ont fait l’objet d’un travail de réécriture le
plus léger et respectueux possible.
Il s’est agi parfois d’opérer un travail de regroupement d’éléments dont la répétition aurait rendu
peu attractive la lecture. Il a été réalisé en coopération étroite avec l’équipe du Collectif et avec une
ligne de conduite intangible : préserver quoiqu’il advienne cette matière des mots, cette irruption de
la parole avec la conviction que la langue de chaque personne témoigne de bien plus que le sens
explicite de son propos.
C’est donc une invitation à s’immerger dans la palpitation de la réflexion conduite en 2007 que
proposent les pages à venir, sorte de cahier-témoin d’un débat qu’il s’agit de poursuivre ensemble et
en soi-même pour que la Nouvelle-Calédonie soit aujourd’hui et demain plus encore ce « séjour
paisible » ouvert à la pluralité des visages de notre humanité.
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Forum province Nord
Lycée agricole, Pouembout
9 juin 2007
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OUVRIR UN ESPACE DE PAROLE PARTAGÉE
AVEC LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
Le samedi 9 juin 2007, au lycée agricole de Pouembout gracieusement mis à leur disposition, les
organisateurs du Forum Nord, au premier rang desquels la Fédération Handicap Nord et sa cheville
ouvrière, Eric Bassot, ouvrent le chemin d’une parole dont tous espèrent qu’elle va désormais
circuler dans tout le pays.
Ce sont les représentants de la chefferie Poadja qui accueillent coutumièrement les participants au
forum, suivis des représentants de la Province nord et de la municipalité de Pouembout.
Plus de trois cents personnes, venues de toute la province Nord et également du Sud, vont au fil de
cette journée contribuer à l’événement.
« Se donner les moyens de passer d’une culture de la charité à une culture du droit » : c’est une
révolution des regards qui est à accomplir. Les États généraux sont l’un de ces moyens.
Ils ont trois grands objectifs :
-
Informer et débattre pour lutter contre les exclusions dont sont victimes les personnes
handicapées et mobiliser toute la société civile.
-
Renouveler l’approche individuelle et collective du handicap, pour mieux comprendre la
diversité des situations et considérer la personne handicapée dans sa singularité.
-
Formuler des propositions concrètes et aboutir à des engagements qui permettront une
meilleure participation des personnes en situation de handicap à la vie de la cité.
Dans cette dynamique, est-il rappelé, l’organisation de forums provinciaux a plusieurs vocations,
l’une d’elles étant de pouvoir prendre en compte la disparité des situations auxquelles sont
confrontées les personnes handicapées et leurs familles dans chaque province. Un souci de
rééquilibrage en quelque sorte, bien dans l’esprit de l’Accord de Nouméa dont l’horizon de « vivre
ensemble » est en jeu dans l’élan qui s’amorce.
Un peu angoissant tout de même de se retrouver en première ligne : sentiment d’essuyer les plâtres
d’une organisation qui se met doucement en place, tâtonne inévitablement. Mais puisque quelqu’un
doit commencer, ce sera le Nord ; là même où a été validée en premier la Charte du handicap pour
la Nouvelle-Calédonie ; là aussi où les contraintes géographiques, sociales, l’absence de structures
adaptées, de professionnels en nombre suffisants, rendent singulièrement difficile la situation des
personnes en situation de handicap.
Les travaux ont d’abord lieu en atelier. La journée s’achève par une séance plénière enregistrée
grâce au prêt gracieux de matériel par Radio Djiido.
La médiatisation du forum est satisfaisante. L’ensemble des supports de communication permet de
mettre en actes l’idée que sensibiliser à la question du handicap et mobiliser tout un chacun à son
propos implique d’éviter le double écueil du misérabilisme et de la dramatisation.
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Mais le sentiment de réussite est encore ailleurs. Dans la prise de parole des personnes en situation
de handicap qui sera au rendez-vous dans les ateliers comme en séance plénière.
Dans ce dernier cadre, notent les rapporteurs du forum, elles ont « occupé le devant de la scène et
exprimé leurs difficultés, leurs besoins et leurs attentes ». Cette première expérience est une
incitation à approfondir pour les forums à venir la question des conditions à créer pour mieux
susciter et accueillir la parole des participants, et tout particulièrement celle des personnes en
situation de handicap. Il s’agit notamment de veiller aux équilibres entre leur parole, celle de leurs
proches, des « simples citoyens », et celle toujours plus évidente des acteurs institutionnels. « Les
États généraux doivent rester un lieu d’expression ouvert à tous », précise les rapporteurs.
Reste que si un espace de parole partagée s’est ouvert, la participation des familles semble encore
timide et de nombreux partenariats encore à initier, notamment en direction des Églises ou des
enseignements privés.
« Un des enjeux majeurs des États généraux, au-delà des conclusions auxquelles ne manqueront pas
de parvenir les ateliers, conclut la synthèse du Forum Nord, est de faire du handicap l’affaire de
tous et d’engager dans une réflexion à nos côtés des personnes et des institutions qui n’ont pas
encore pris la mesure des situations d’injustice vécues par les personnes handicapées. »
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Synthèse générale des ateliers du Forum Nord
La demande essentielle vise à permettre aux personnes handicapées de vivre au mieux parmi les
autres, en accédant à l’école, à la culture, aux sports, aux loisirs, au logement, à une vie
professionnelle etc.
Si certains axes de réflexion ont une portée générale, d’autres mettent en évidence des
problématiques spécifiquement calédoniennes ou concernant surtout le nord et la brousse par
opposition à Nouméa :
-
Les distances géographiques, l’éloignement des centres administratifs, le problème
déplacements apparaissent comme des éléments particulièrement pénalisants pour
personnes handicapées du nord – les exemples du renouvellement des dossiers
reconnaissance de handicap ou des essais de matériel spécialisé qui nécessitent
déplacements à Nouméa sont sans doute les plus parlants.
des
les
de
des
-
Les besoins en termes d’infrastructures, mais aussi de ressources humaines apparaissent
importants (Turn over important des personnels médicaux avec ses conséquences sur le suivi
des personnes ; manque de professionnels dans certains domaines).
-
La question de l’approche culturelle du handicap apparaît comme une donnée à prendre en
compte pour travailler le plus efficacement possible avec les familles. Il demeure cependant
nécessaire d’être prudent face à des situations souvent complexes que cette dimension
culturelle ne saurait suffire à expliquer.
-
Plus globalement, il est jugé indispensable de faire mieux connaître le handicap, à l’école ou
dans le monde professionnel, et donc d’informer et de former pour faire tomber les préjugés et
les barrières.
-
L’importance de penser mieux et autrement l’accompagnement des familles et des personnes
handicapées est soulignée. Il s’agit de leur permettre de sortir de l’isolement, de se sentir
comprises et entourées.
-
Enfin, par-delà les approches collectives, est apparu fortement l’impératif de prise en compte
de la singularité de chaque personne et de ses besoins, tant en termes matériels, financiers
qu’humains.
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Atelier Vie scolaire
Pilotes de l’atelier
Jacqueline de La Fontinelle et Eric Bassot
Organisation et déroulement de l’atelier
L’atelier s’ouvre sur la présentation, par Éric Fargier, enseignant, d’un film, outil pédagogique
s’attachant à aborder la question : « Comment modifier le regard sur le handicap des autres enfants
et enseignants au sein de l’école ? »(Donner le titre du film, où il a été tourné, etc.)
Le film
Le film montre la réaction d’enfants autistes qui sont à côté des autres, pas avec les autres.
Il témoigne du fait que les autres enfants ont peur de la réaction des enfants handicapés qu’ils
perçoivent comme différente de la leur. Les enfants autistes essaient d’imiter les autres, mais ne
parviennent pas à entrer dans les jeux.
La question est alors : Comment comprendre ? Comment intégrer ? Cette question est abordée dans
le cadre du Conseil des enfants mis en place dans cette école.
Conseil des enfants de l’école
Lors d’un conseil des enfants, ceux-ci s’efforcent de proposer différentes possibilités d’intégration à
travers des situations d’échanges entre les classes et dans la cour.
Ces démarches s’inscrivent dans le cadre de l’éducation civique.
1) Intégration en cours préparatoire : mise en application des propositions.
2) Jeux dans la cour.
3) Intégration dans la CLIS d’un enfant. Prince, un enfant autiste, commence à imiter et essaie de
lire.
4) Intégration d’un petit de CLIS dans une classe ordinaire. Il travaille sur un logiciel de lecture.
C’est Prince, autiste, qui guide son camarade et lorsqu’il réussit l’exercice, il manifeste sa joie.
Nouveau conseil des enfants
Les enfants commentent les expériences : souci d’aider, d’accompagner.
Découverte qu’ils jouent ensemble et que cela peut-être un plaisir.
Un enfant autiste appelle un enfant par son prénom et lui dit « au-revoir ».
Les témoignages / le débat
Une maman suggère d’essayer de mettre en place ce système partout afin de permettre l’intégration
des enfants en situation de handicap en milieu dit ordinaire.
Se pose la question : Quel parcours organise-t-on dans ce cas pour chaque enfant ?
Une personne présente pose le problème de la reconnaissance du handicap. Elle insiste sur le fait
que :
- Les parents ne sont pas assez informés sur les procédures.
- L’enfant a droit à une scolarité adaptée.
- L’entrée de l’enfant entraîne des réticences car il n’est pas préparé, or il doit être
particulièrement préparé si l’on veut que l’intégration réussisse.
- Les enseignants doivent également être mieux informés.
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Éric Oger, enseignant spécialisé en UPI insiste sur le fait que c’est à partir du projet personnalisé
de chaque élève qu’il convient de faire évoluer le cadre et les enseignants.
Jacques Falce, inspecteur d’académie en charge au Vice-rectorat du dossier des besoins éducatifs
particuliers, présente sa vision :
Il y a de réelles tentatives d’apporter des réponses adaptées.
Honnêteté, lucidité, écoute, dialogue permettent d’avancer vers des solutions profitables aux enfants
Le réalisme consiste à envisager dans certaines situations un temps partiel dans l’intégration de
l’enfant ; celle-ci doit être évolutive.
Il convient de féliciter les efforts des enseignants.
Il importe de mettre en œuvre un dialogue multi-partenarial.
L’intégration doit permettre d’aller vers l’inclusion ensuite.
Jacqueline de la Fontinelle - Comment est construit le projet de vie ?
Jacques Falce - Il faut regrouper les acteurs. Rechercher d’un nouveau regard des enseignants sur
le handicap. Associer au projet les personnels spécialisés (médicaux et paramédicaux) qui
accompagnent les enfants handicapés, ainsi que les parents. L’échange est important.
Une maman raconte le regard des autres et son ressenti de l’accueil raté de son enfant.
Albert Santelli - L’école est un service public. Il est faux de dire que le parent est partenaire.
Mme Weienece - Je ne suis pas d’accord, j’ai besoin dans la démarche que la famille soit
partenaire. Mais les parents ne sont pas à l’aise avec l’école et les partenaires sociaux, médicaux et
paramédicaux.
Jacques Falce - Toute situation est perfectible, mais il existe les commissions pluridisciplinaires.
(…) Il faut trouver les solutions les plus adaptées, le but étant de faciliter l’intégration et l’accueil
des parents.
Mme Waienece - Cela fait ressortir l’importance du montage du dossier pour les commissions
spécialisées.
Jacqueline de la Fontinelle souligne la nécessité d’une formation des enseignants réelle et solide
en matière d’accueil du handicap, ainsi que des auxiliaires de vie scolaire. Elle insiste sur l’urgence
de la mise en place de formations dans le Nord.
M. Auger - Ce n’est pas évident d’avoir quelqu’un dans la classe (AVS4 ). Il faut essayer de rendre
l’enfant autonome.
Eric Bassot recentre le débat vers les familles.
Il souligne le fait que les auxiliaires de vie scolaire ont une orientation à dominante sociale ; elles
sont en effet le plus souvent titulaires d’un BEP Action sociale et service aux personnes, d’un BEP
sanitaire et social, ou sont assistantes de vie. Un module est donc nécessaire pour développer leurs
compétences dans le champ de l’accompagnement scolaire.
4 AVS
: Auxiliaire de vie scolaire.
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Emmanuella Wamytan (enseignante en CLIS Poindimié).- Elle insiste sur l’importance des
aménagements adaptées, s’insurgeant sur le fait par exemple que des toilettes adaptées ne soient
toujours pas installées dans le centre scolaire, malgré l’envoi de sept courriers à la mairie ; pire, les
toilettes existantes sont insalubres. Des besoins élémentaires ne sont donc pas assurés.
Sandra – Maman d’un enfant handicapé, elle manifeste sa satisfaction quant à l’accueil réalisé dans
le Nord, avec un vrai projet mis en place, alors que précédemment, dans le Sud, son enfant scolarisé
en CP (Cours préparatoire) passait son temps dehors, avec une directrice d’école le considérant
comme un débile. Désormais son enfant est accueilli en CLIS avec la perspective de pouvoir dans le
futur intégrer partiellement le CP.
Eric Bassot s’interroge sur les conséquences de démarches conduisant à laisser un enfant cinq ans
dans la même classe ?
Eric Fargier insiste sur l’existence d’un processus d’évaluation tous les deux ans, et l’importance
d’évaluer chaque enfant de manière singulière. Il importe notamment selon lui de tenir compte du
ressenti de chaque enfant, certains souffrant du fait d’être intégrés pour être intégrés.
Marianne, une maman, exprime sa souffrance face au manque d’acquisition de sa fille atteinte
d’une trisomie 21 et qui éprouve beaucoup de difficultés de mémorisation, d’apprentissage. Elle
insiste sur l’intérêt peut-être de lui faire intégrer une UPI à la Foa.
Eric Fargier rappelle que s’il est indispensable d’offrir des perspectives pour chaque enfant, l’école
n’est qu’un partenaire. Il arrive que les parents aient du mal à suivre le projet d’intégration
individuelle de leur enfant. Ou qu’ils considèrent l’AVS comme leur interlocuteur en lieu et place
de l’enseignant spécialisé, ce qui n’aide pas toujours au dialogue et à la bonne compréhension
mutuelle.
Jacques Falce considère que les parents parfois ne s’impliquent pas assez. Il insiste sur le fait qu’il
ne suffit pas que les enseignants soient dotés d’une bonne formation spécialisée, mais qu’il importe
aussi qu’ils aient une solide connaissance du milieu socioculturel de l’enfant qu’ils accompagnent.
Jacqueline de la Fontinelle constate que trop de handicapés sont encore cachés. La route reste
donc encore très longue pour le donner pleinement leur place dans la société.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
Les constats effectués par l’assistance suite au visionnage du film sont les suivants :
- Au fil du processus d’intégration, se manifeste une nette évolution du regard des enfants
sur le handicap et du regard des enfants handicapés sur les autres.
- Changement des enfants au niveau de la communication
- Les enfants réalisent que les enfants handicapés sont comme eux dans les apprentissages.
- Ils comprennent et admettent que les enfants handicapés puissent faire les choses
différemment et pas au même rythme qu’eux.
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Le débat qui s’instaure ensuite pointe un ensemble de problématiques dont les principales sont les
suivantes :
1.
Il y a un manque d’information sur les démarches à suivre pour obtenir la reconnaissance du
handicap.
2.
Le manque de préparation de l’intégration/accueil en milieu scolaire génère des problèmes
pouvant aboutir à l’échec de l’intégration. Dans ce processus, il est important aussi que
l’enseignant soit préparé et participe à l’élaboration du projet d’intégration.
3.
Une formation des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire à l’accueil et l’accompagnement
de l’élève en situation de handicap est un impératif.
4.
Il est nécessaire d’initier entre les partenaires un dialogue sincère, honnête. Il importe que les
familles soient lucides sur le potentiel de l’enfant dans l’intérêt de celui-ci.
5.
Les personnels enseignants, médicaux, paramédicaux et les parents doivent être associés à
l’élaboration du projet de vie de l’enfant handicapé. Ce projet doit dépasser le cadre scolaire
(Exemple : il doit intégrer y compris le kinésithérapeute dans l’équipe éducative lorsque celui-ci
est nécessaire).
6.
Il y a des problèmes spécifiques dus à l’éloignement entre le lieu de vie de l’enfant et le lieu de
prise en charge.
7.
Il y a des problèmes d’adéquation des locaux scolaires pour permettre l’accueil d’enfants
handicapés.
8.
Il y a une insuffisante de moyens spécialisés pour accompagner les enfants en difficulté scolaire
avec des besoins éducatifs particuliers.
9.
Trop d’enfants demeurent encore en dehors de tout système de prise en charge.
10.
Il est indispensable de doter les enseignants spécialisés d’une formation leur permettant de
disposer d’une meilleure connaissance du milieu socioculturel des enfants qu’ils prennent en
charge.
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Atelier Vie, santé, éthique et déontologie
Pilotes de l’atelier
Jean-Marc Desvals et Lionel Thévenin
Organisation et déroulement de l’atelier
Sont présents une vingtaine de participants : institutionnels, professionnels de santé médicaux et
paramédicaux, assistantes sociales, personnes en situation de handicap, valides.
L’atelier commence par une brève présentation du Collectif Handicap et de l’idée des États
généraux du handicap.
Les pilotes, Jean-Marc Desvals et Lionel Thévenin, informent du fait que des travaux préparatoires
ont dégagé quelques problématiques essentielles sur les thèmes de la santé, de l’éthique et de la
déontologie autour de la question du handicap, mais que ces problématiques proviennent de
personnes handicapées ou de professionnels de santé basés pour la plupart sur Nouméa. Les attentes
du Collectif Handicaps sont donc de faire émerger des forums provinciaux des problématiques
spécifiques et urgentes pour le Nord.
Un diaporama est présenté, avec quelques thèmes prédéfinis, pour lancer les débats.
Le thème de l’annonce du handicap mobilise l’essentiel des échanges. Avec la difficulté à identifier
les associations et la problématique des inégalités dues au contexte même de la province Nord,
moins bien doté que le Sud en matière de structure d’accueil, d’accompagnement.
Le contenu de cette première phase de débat est ensuite restitué en réunion plénière.
Les témoignages / le débat
1. L’annonce du Handicap
Jean-Marc Desvals note que dans encore 30% des cas, le diagnostic d’existence d’un handicap
n’est absolument pas connu, ce qui rend son annonce d’autant plus difficile pour le médecin. Dans
les autres cas, la brutalité de l’annonce est atténuée par le fait qu’elle vient confirmer une inquiétude
existante.
Thierry précise qu’un médecin peut être mal à l’aise pour annoncer un handicap, ce qui n’est pas
sans conséquence sur la manière dont la famille peut travailler son acceptation de la situation.
Jean-Marc témoigne du cas d’un adulte non-voyant de Koumac, ayant perdu la vision d’un œil à
l’âge de 14 ans, puis son deuxième œil à l’âge de 22 ans suites à un traumatisme oculaire (jet de
pierre) qui a été opéré. Mais l’opération a mal tourné, et il ne sait toujours pas actuellement de
quelle pathologie il est atteint au niveau de son premier œil perdu. C’est un exemple précis quant à
la souffrance suscitée par une insuffisance de communication en direction des personnes en
situation de handicap.
Claire insiste sur cette dimension de la communication insuffisante entre les médecins et les
patients, en évoquant le cas de veuves qui ne savent toujours pas de quoi leur mari est mort.
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Lionel Thévenin revient sur ce moment crucial de l’annonce du handicap et note que cette annonce
est vécue par beaucoup de parents comme une sidération.
Valérie note que les associations elles aussi souffrent d’une communication insuffisante, et sont
gênées dans leurs démarches par le fait qu’elles ignorent parfois tout des pathologies des personnes
qu’elles accompagnent.
Jean-Marc, sur cette question des relations entre les associations et le monde médical, donne
l’exemple de l’Australie, où des associations, saisies par les médecins, entrent dans les chambres
des malades à l’hôpital dès l’annonce du handicap. Cette précocité de leur intervention fait débat.
Claire s’interroge : « n’est-ce pas trop tôt, est-ce que cela ne bouscule pas les gens ?? »
La maman de Béatrice (déficiente visuelle) souligne que la famille se retrouve dans un grand
désarroi à l’annonce du handicap, d’autant plus que le diagnostic est posé par certains médecins,
mais pas par d’autres. Elle témoigne avoir beaucoup souffert du fait que les médecins australiens ne
lui aient pas donné de diagnostic quant au problème de vue de sa fille, et s’être sentie soulagée
quand un médecin local a parlé de maladie de Leber.
Pour Nalina, souvent, ce sont les parents qui détectent eux-mêmes le handicap. Et devant le doute
sur un diagnostic, la souffrance est considérable car ils ne peuvent pas s’organiser sans aide contre
quelque chose qui demeure encore sans existence tangible.
Jean-Marc considère que la souffrance est augmentée par le doute, mais elle l’est encore plus
quand le symptôme est nié par le corps médical, notamment dans le cas des déficits sensoriels où
bien des patients passent encore pour des simulateurs.
Béatrice, déficiente visuelle, se souvient que lors de la perte de sa vue, face au manque de
compréhension du monde médical envers son problème, elle s’est enfermée pendant un an dans une
pièce, ne voulant pas en sortir. Puis il y a eu la rencontre avec Charlotte, une autre déficiente
visuelle qui l’a beaucoup aidée à s’en sortir. On a vraiment besoin du soutien des autres.
Jean-Marc – Le travail du médecin ne s'arrête pas à l'annonce du handicap, la gestion de l'après,
proposer ou envisager des solutions de réadaptation, de soutien, d'orientation vers les associations,
etc. fait aussi partie intégrante de sa fonction.
2. La communication avec les professionnels de santé et les associations
Nalina - Il y a un problème dans le lien entre les professionnels et les associations, et les personnes
handicapées ne se tournent pas tout de suite vers les associations, elles n’y viennent qu’en dernier
recours.
Marie - Les personnes handicapées doivent d'abord accepter le handicap, puis se tourner ensuite
vers les associations, mais les professionnels de santé ne connaissent pas suffisamment celles-ci et
n’ont pas d’informations, ils ne savent pas vers lesquelles orienter quand en outre elles existent dans
la région ou l’on se trouve.
Claire - Le fascicule édité par la CORH a le mérite d'exister mais les remises à jour ne sont pas
faites assez régulièrement.
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Jean-Marc - Il y a « association » et « association ». Certaines sont répertoriées mais n'existent
plus, rien n'indique le degré d'activité de chacune dans le guide, difficile donc de se reposer sur ce
seul outil.
Valérie - En province Nord il existe peu d'associations ou elles sont encore plus mal connues.
Daniel : le diagnostic est souvent annoncé brutalement et il n'existe pas de structure intermédiaire
entre le médecin et les associations. Le problème de la confidentialité de l'information se pose.
Thème des conditions spécifiques vécues en province Nord
Aurélie - Les personnes handicapées en tribu rencontrent de grandes difficultés de déplacement,
pour descendre au village c'est parfois très difficile, alors pour aller à Nouméa, c'est quelquefois
impossible.
3.
Claire se pose le problème de la reconnaissance du handicap, notamment pour les travailleurs
handicapés qui doivent rencontrer un médecin de la CORH, sachant que celui-ci ne monte que
rarement en brousse. Ils sont souvent obligés d'aller faire leurs démarches sur Nouméa, ce qui est
difficile.
Nalina - On pourrait envisager de trouver des solutions pour faciliter les déplacements dans ces cas
là.
Pascale - Les formulaires à remplir par les médecins en vue de la constitution d'un dossier ne sont
en outre pas toujours très explicites et nécessiteraient un minimum de formation des médecins
généralistes.
Thierry - Quand les personnes se déplacent sur Nouméa, elles sont souvent obligées d'une part de
se lever très tôt, et d'autre part d'y passer la nuit car le car de retour est déjà reparti. Pourquoi ne pas
envisager un numéro vert (gratuit) qui permettrait de répondre à toutes les demandes concernant le
handicap, démarches, formalités à accomplir, etc.
Lionel - La mise en place d'un guichet unique reste une bonne solution pour faciliter les démarches.
Marianne - Les problèmes rencontrés par les personnes handicapées sont en fait les mêmes que
pour les autres personnes habitant la province (déplacement) Il n'y a parfois que très peu de
véhicules au sein d'une tribu. Quant au numéro vert, ce n'est pas tout de le mettre en place, il faut
quelqu'un pour répondre, quelqu'un de compétent et capable.
Jean-Marc - Les problèmes des personnes handicapées sont certes les mêmes que ceux des valides,
mais en exagéré. D'ou leurs difficultés et la nécessité d'y apporter des solutions. Quant au guichet
unique oui, mais s'il est sur Nouméa, il rendra les choses encore plus compliquées pour les gens du
Nord.
Marie - Concernant les liens entre le monde médical et le corps enseignant en province Nord : cela
dépend des écoles et des directeurs, ça peut bien se passer comme être inexistant. Certains
directeurs semblent encore refuser des enfants handicapés lors des rentrées. Bien trop souvent, les
professionnels paramédicaux ne sont pas invités aux réunions des équipes éducatives.
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Thierry – Face au turn-over des professionnels de santé en brousse – il est plus juste en effet de
faire une différence ville-brousse que province Sud – province Nord –, il faut souhaiter que plus de
jeunes du Nord entreprennent des études dans ce domaine, ce qui permettrait sans doute à terme de
pérenniser certains postes. Pour l’instant, ils ne sont pas assez nombreux.
Le handicap est-il tabou ?
Babeth s'étonne de l'absence de plus de représentants mélanésiens du Nord, elle en connaît
beaucoup, notamment sur la région de Ponérihouen. Elle pense que c'est probablement la honte de
leur situation qui les fait hésiter à se joindre à une telle manifestation, le regard des autres sur eux
qu'ils appréhendent. Pour ce qui la concerne, elle ressent que c'est le fait d'habiter sur Nouméa,
d'être au contact de personnes spécialisées avec lesquelles la relation est bien passée, qui a permis
son ouverture et l'a motivée à se joindre à ce forum.
4.
Claire - Le handicap est-il tabou en milieu mélanésien?
Nalina - Une étude a été menée il y a quelques années sur l'approche culturelle du handicap en
Nouvelle-Calédonie. Ses conclusions étaient que la perception du handicap est universelle et que
par bien des côtés, cette perception notamment en milieu mélanésien ne se différencie pas de celle
connue dans d'autres pays. Pour simplifier, la perception du handicap peut être ressentie par le clan
comme une bénédiction, ou comme une malédiction.
Marie – Il est important de mettre l'accent sur la confiance dont doit faire preuve le monde médical
en tenant compte des aspects culturels.
Jean-Marc - On nous a rapporté l'histoire d'une jeune personne polyhandicapée découverte alors
qu'elle pesait 12kg et avait 12 ans. L'équipe médicale a tenté de sensibiliser la famille dans un
premier temps sur les soins dentaires à réaliser, dans le but de permettre la reprise d'une
alimentation plus correcte.
Marianne - Dans un cas comme celui là, c'est de la maltraitance. Les parents doivent pour
s'occuper de leurs enfants handicapés, soit avoir de bonnes motivations, soit avoir peur des
sanctions éventuelles le cas échéant.
Lionel - La question de la définition de la maltraitance se pose à ce niveau, et du distinguo à faire
entre maltraitance passive et active.
Claire - Autre exemple de maltraitance vécue en province nord, une petite fille déficiente
intellectuelle que la maman, qui l'élevait seule, enfermait la journée pour aller aux travaux des
champs.
Pascale a connu cette petite fille, et souligne que la mise en place des auxiliaires d'intégration a
permis dans un premier temps de soulager un peu la maman, même si la situation à terme a
nécessité un placement.
Jean-Marc - Lors des ateliers préparatoires, nous avions évoqué l'histoire de ce schizophrène qui
vivait en tribu (province Nord), exaspérant tout son entourage pendant des années et pour lequel ça
s'était fini par un coup de fusil. Nous avions été choqués à l'époque par la façon dont l'article dans le
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journal était rédigé car il présentait la solution violente comme la seule issue à cette situation.
D'ailleurs personne ne s'était porté partie civile lors du procès.
Quelques autres remarques et questions du public sur le thème
-
Le quota de matériel adapté (fauteuil) est insuffisant par rapport aux besoins et à la réalité
du terrain des gens qui habitent en brousse ; l'usure du matériel est importante quand on
travaille dans les champs.
-
Les centres de soins du Nord ne sont parfois pas accessibles aux personnes en fauteuil.
-
Pourquoi le matériel adapté coûte-t-il si cher?
-
Pourquoi le transport en ambulance VSL sur Nouméa est possible pour des soins et pas
pour l’adaptation d'une prothèse par exemple ou un essai de matériel adapté ?
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
(Préparée par Jean-Marc, Lionel et Daniel)
1.
Problème de l'annonce du handicap ; problème de l'annonce « couperet » (tout s'arrête) ;
problèmes de communication médecin-patient, savoir utiliser les « bons » mots, c'est-à-dire
les mots compréhensibles par tous.
2.
Problème du lien entre le corps médical et le monde associatif ; problème du moment
judicieux où une association peut intervenir (pas trop tôt, pas trop tard).
3.
Problèmes posés par les modalités de reconnaissance du handicap pour les ressortissants de
la province Nord, notamment pour les travailleurs handicapés qui doivent descendre sur
Nouméa. Alors que d'un autre coté, la reconnaissance de la longue maladie peut être faite
sur dossier, ce qui est plus simple.
4.
La question est posée de la perception honteuse du handicap qui ne facilite pas l'accès aux
soins. Que penser de la maltraitance passive par manque d'information ?
5.
Problème de la formation locale, encore insuffisante dans les professions de santé et qui
permettrait de diminuer le problème récurrent en brousse du turn-over et de ses
conséquences sur le suivi des dossiers.
6.
Les intervenants sociaux et de santé sont confrontés à des problèmes d'accessibilité liés à la
situation géographique de certaines tribus, de nombreux soins sont disponibles sur Nouméa
et leur accessibilité nécessite une migration plus ou moins durable, il n'existe pas de centre
ressource dédié vers lequel les personnes concernées se déplaceraient spontanément pour
questionner ou s’informer, une solution pourrait être une cellule handicap fixe (de
préférence) ou mobile qui regrouperait des personnels spécialisés handicap en plus des
services médico-sociaux existants.
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Propositions
1.
Envisager un numéro vert pour répondre aux nombreuses demandes et questionnements,
pour répondre à la souffrance des personnes isolées ou pour signaler des cas difficiles.
2.
Travailler l’'intégration scolaire en développant une vraie participation aux équipes
éducatives des professionnels de santé, médicaux et paramédicaux. Les parents doivent se
mobiliser pour les faire intervenir.
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Atelier Vie autonome et citoyenne
Pilotes de l’atelier
Stéphanie Vigier et Gilles Primo
Organisation et déroulement de l’atelier
Vingt-huit personnes ont « officiellement » participé à cet atelier, mais d’autres personnes y ont
partiellement assisté, tout en n’osant pas toujours rentrer dans la salle, ni s’exprimer.
L’atelier a été particulièrement riche en échanges.
La diversité du public (personnes en situation de handicap, représentants associatifs, représentants
des institutions, techniciens et professionnels) les a rendus particulièrement intéressants.
« Mise en route » de l’atelier.
Les chaises ont été installées en « cercle » afin de mettre la parole de tous au même niveau et
d’éviter toute « relation hiérarchique ». Afin de faciliter la prise de parole, chacun a eu l’occasion de
se présenter en début d’atelier et de dire un mot sur ses attentes vis-à-vis de l’atelier.
Les objectifs des États Généraux et des forums ont été rappelés, afin d’insister sur la nécessité de
recueillir la parole de tous, de mettre en valeur, dans le cadre du forum nord, les problématiques
propres à cette province et d’élaborer des propositions concrètes.
Pour lancer la réflexion, un brainstorming a été proposé, autour des notions de « citoyenneté » et
« autonomie », en lien avec le handicap.
a)
Bilan de l’atelier.
Le brainstorming a certainement contribué à libérer assez vite la parole. Il a permis de mettre en
avant trois thèmes importants liés aux notions de citoyenneté (droits et valeurs/vie sociale/vie
quotidienne). Cependant, il est apparu difficile de suivre et de traiter ces thèmes au cours du débat :
parmi les participants, certains avaient des choses importantes à dire, qui ont dominé le débat.
Dans le déroulement de l’atelier, il a de ce fait fallu veiller à orienter le débat vers de nouvelles
pistes, sans quoi certains sujets auraient pu occuper tout l’espace (le logement par exemple). Même
s’il s’agit d’une question essentielle, il importait de ne pas négliger d’autres aspects de la
citoyenneté et de l’autonomie.
Beaucoup de personnes qui vivent le handicap au quotidien ont pu s’exprimer à l’occasion de cet
atelier, et témoigner de leurs difficultés mais aussi de leurs réussites. Pour d’autres, il est encore
difficile de prendre la parole. L’atelier a ainsi permis de mettre en évidence la diversité des
situations de handicap et la nécessité d’apporter des réponses personnalisées.
L’atelier a également été l’occasion d’échanges entre les représentants des institutions, des services
techniques et sociaux et les personnes concernées par le handicap. Des divergences assez
importantes ont pu apparaître à cette occasion : c’est un des aspects intéressants des ateliers qui
mettent en présence des personnes de tous horizons.
Au total, les 2h30 ont passé très rapidement : il faudrait beaucoup plus de temps et d’autres
occasions pour espérer faire le tour des questions cruciales liées à l’accès à l’autonomie et à la
réalisation de la citoyenneté des personnes handicapées.
Synthèse des pistes de réflexion
b)
Les principales pistes de réflexion qui ont été dégagées à l’occasion de cet atelier sont les
suivantes :
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1. Le double thème de l’atelier soulève des questions relatives aux droits, à l’égalité des chances et
au besoin d’être respecté.
2. Se posent également le problème de l’inclusion/exclusion dans la vie sociale, ainsi que la
question des moyens nécessaires, au quotidien, pour accéder à l’autonomie.
3. La discussion s’engage autour des moyens nécessaires à l’autonomie :
- les moyens matériels et financiers (allocation décente, logement adapté, accessibilité). Ces
moyens doivent mieux tenir compte des besoins particuliers de chaque personne (en
matière de logement en particulier).
- Les ressources et les moyens humains nécessaires à l’accompagnement des personnes en
situation de handicap (rôle de l’ergothérapeute par exemple).
4. Les difficultés de l’action publique en Province Nord sont soulignées ; elles sont liées à des
contraintes géographiques qui font qu’il est difficile d’atteindre les personnes vivant dans les tribus
les plus éloignées.
5. Est également abordé le besoin qu’ont les personnes handicapées d’être respectées, et pour cela,
d’être reconnues dans leur capacité à « faire » et à « réaliser », en accédant à la formation et à
l’emploi notamment.
6. La nécessité de changer le regard porté sur les personnes handicapées et de « dédramatiser » le
handicap est soulignée. Un des moyens serait d’assurer aux personnes handicapées une meilleure
représentativité, médiatique par exemple, dans notre société.
7. Il est souligné qu’il importe de casser les stéréotypes généralisant sur la société kanak : le thème
de la honte liée au handicap paraît ainsi très contestable.
Dans le même temps, lorsqu’une famille vit une situation de souffrance et d’isolement, il faut
pouvoir chercher des solutions respectueuses et adaptées, ce qui n’est pas toujours évident puisqu’il
s’agit de « rentrer » dans la vie des gens.
8. Les ressources propres de la personne apparaissent comme très importantes, mais il est essentiel
de trouver les moyens matériels, humains et moraux d’accompagner les personnes en situation de
handicap et leurs familles dans leur parcours. Chaque professionnel a ainsi un rôle à jouer et doit
envisager la vie de chaque personne dans sa globalité.
L’atelier met en évidence la diversité des parcours individuels : les uns montrent qu’il est
parfaitement possible de continuer à mener une vie familiale, sociale et professionnelle épanouie
avec un handicap, les autres que les obstacles matériels qui s’accumulent peuvent enfoncer les
personnes touchées par le handicap dans des situations personnelles très douloureuses.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
1. Logement
Lors de l’assemblée plénière, le débat autour de l’accès à un logement adapté et le problème de
logement mal « adaptés » est réapparu. Là encore, la vision des « usagers » et celle des agents des
services publics semblent diverger. Ces divergences pourraient tenir à plusieurs facteurs : peut-être
la politique d’adaptation des logements est-elle encore trop récente pour que toutes les personnes
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concernées en aient ressenti les effets. De l’atelier est ressortie l’idée que les normes européennes
en matière d’accessibilité n’étaient encore que trop peu appliquées en Nouvelle-Calédonie : sans
doute faut-il retravailler sur ces normes. Enfin, il n’est pas certains que les travailleurs sociaux qui
montent les dossiers d’accès au logement soient suffisamment formés au handicap pour prendre en
compte la diversité des besoins (ici, des professionnels comme les ergothérapeutes pourraient jouer
un rôle central).
En tout état de cause, il paraît primordial d’envisager les besoins de la personne, tant en terme
d’adaptation de son environnement que du point de vue des aides qui doivent lui permettre de
mener la vie la plus autonome possible, dans leur singularité.
Accompagnement professionnel de l’autonomie
Lors du débat, les besoins en ressources humaines spécialisées sont apparus clairement en ce qui
concerne la brousse (ergothérapeute, mais aussi orthophoniste, kiné, etc.). L’action de ces
professionnels conditionne l’accès à l’autonomie (dans les déplacements, la communication etc.)
2.
3. Quel statut civique pour la personne handicapée ?
La question du statut civique des personnes handicapées sous tutelle a enfin également été posée :
comment prendre en compte leur singularité et leurs besoins personnels quand elles n’exercent pas
leurs droits civiques et ne sont pas tout à fait des « citoyens » ? Comment représenter réellement au
mieux leurs intérêts ?
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Atelier Vie professionnelle
Pilotes de l’atelier
Martine Larricq, Monique Villisseck, Fréderic Patane
Organisation et déroulement de l’atelier
Une vingtaine de personnes ont participé à cet atelier.
La diversité des personnes présentes a permis des échanges intéressants.
La séance a débuté par une interview filmée d’un employeur ayant une jeune femme déficiente
intellectuelle comme salariée depuis 11 ans.
Ce cas concret a permis de soulever le problème des difficultés administratives pour l’employeur,
celui de l’adaptation de la personne en situation de handicap à son poste de travail et de souligner
l’importance, dans cette situation, de la satisfaction pour les deux parties d’une intégration
professionnelle réussie.
Plusieurs participants (travailleurs handicapés, demandeurs d’emploi, employeurs, travailleurs
sociaux, personnels des institutions DASS-N.C., DPASS NORD, retraitée en situation d’handicap
etc.) ont pris la parole pour faire part de leur expérience ou pour répondre aux diverses questions
soulevées dans la salle. Les échanges ont été fructueux.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
1.
Recensement nécessaire afin de connaître le nombre de demandeurs d’emplois et leur type
de handicap sur le territoire (obtenir un outil statistique fiable).
2.
Aide à la personne handicapée pour définir avec elle son projet d’insertion professionnelle
(tests d’aptitude, bilan de compétence, etc.).
3.
Nécessité d’avoir un service pour les employeurs afin de les aider à définir les postes
pouvant être occupés par des personnes handicapées dans leur entreprise et d’envisager une
période de formation, le cas échéant.
4.
Nécessité d’un accompagnement relais entre l’employeur et l’employé dans les premières
semaines, voire les premiers mois suivant l’embauche.
5.
Aide à l’employeur pour l’ensemble des démarches administratives mal définies en
particulier en l’absence de loi.
6.
Mesures coercitives pour les employeurs qui refusent d’embaucher à la fin d’un contrat CTF
de 9 mois alors que tout s’est bien passé.
7.
Ne pas supprimer l’allocation handicapée à une personne qui prend sa retraite (40 000 CFP)
sous prétexte qu’elle dépasse le plafond : « Même retraitée, la personne reste handicapée ! »
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8.
Envisager le problème de l’emploi de la personne handicapée dans sa globalité, en prenant
en compte l’ensemble des paramètres : transport ; temps de déplacement ; lieu de vie ; lieu
de travail ; accessibilité, etc.
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Atelier Culture, sport et loisirs
Pilotes de l’atelier
Gaëlle Rolland et Alexander Oesterlin
Organisation et déroulement de l’atelier
L’atelier a mobilisé vingt participants.
Il s’est ouvert sur la présentation d’un livret préalablement distribué et contenant ses objectifs.
Le principe posé est de considérer les trois termes – culture, sport et loisirs – selon une approche
globale.
Il sera beaucoup fait appel au témoignage des participants.
Les témoignages / le débat
1. La pratique sportive comme vecteur de santé et d’épanouissement
Les enfants présents dans l’atelier expliquent que le moment de l’activité sportive pratiquée à
l’école est un moment d’échange et de contact entre tous les élèves.
Ils mettent en avant les notions de solidarité et de motivation propres à l’activité sportive.
Ce témoignage met en exergue la dimension de l’épanouissement à travers l’activité sportive,
épanouissement physique puisque le sport est bénéfique pour la santé, mais aussi et surtout
épanouissement mental et personnel.
Corinne de La Foa (membre de l’Association Solidarité Handicap) livre un témoignage personnel
sur sa confrontation au sport en tant que personne handicapée. L’activité sportive – essentiellement
la natation -fait désormais partie intégrante de sa vie, et elle ne saurait s’en passer. Pourtant elle a
mis du temps à apprendre à nager ; cet apprentissage a été un travail de longue haleine en
partenariat avec son éducatrice qui lui a donné du courage et qui l’a aidée. Avant de découvrir ellemême la natation, Corinne explique qu’elle subissait un manque car elle n’osait pas accéder à la
piscine : « Je voyais tout le monde nager mais pas moi… ». En effet, elle avait gardé d’une
première expérience malheureuse une peur panique de la noyade.
Son éducatrice, Jocelyne, précise que le travail a été long et a connu plusieurs étapes ; trois ans ont
été nécessaires à Corinne pour vaincre sa peur.
Les activités sportives permettent à la personne handicapée de moins se focaliser sur son handicap,
ce qui peut aider à surmonter les barrières que l’on se met dans la tête
L’importance des échanges, le rôle déterminant du regard de l’autre
Il ressort des discussions que le regard de l’autre est un élément important en tant que facteur
d’intégration.
2.
Alexandre Oesterlin demande si le regard porté sur les sportifs handicapés de La Foa et Moindou
ayant participé au Jeux Asie-Pacifique (FESPIC Games) a changé.
Il lui est répondu que ce regard est en « phase d’évolution » ; les choses avancent, mais pas à pas.
En ce qui concerne les départs pour des rencontres sportives à l’extérieur, l’information est capitale.
Souvent en effet, il n’est pas aisé de faire comprendre à l’entourage l’utilité de tels déplacements.
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Il en est souvent de même pour la préparation aux manifestations importantes, tels que les jeux, et
pour les compétitions.
Le problème ne semble pas être le besoin ou la demande des personnes handicapées d’accéder aux
activités culturelles, de sport ou de loisirs mais plutôt le regard des familles ou des proches sur ces
activités. L’un des points d’achoppement est la difficulté éprouvée par l’entourage à l’idée de laisser
partir les enfants et les jeunes loin du cocon familial. Informer permet d’aider à gérer cette angoisse.
La famille est la référence la plus importante pour la personne en situation de handicap. Corinne
explique ainsi comment ses progrès ont été ressentis, et le rôle déterminant du soutien apporté par
sa sœur dans son apprentissage de la natation et pour sa motivation.
« On me laisse le choix de choisir ce que je veux faire. Mes parents ne me répondent pas, constatet-elle. Je m’appuie sur mes connaissances. Mes parents sont peut être plus handicapés que moi »
Mais il y a un manque certain d’encadrement, d’information et d’aides aux familles. Il faut
développer la régulation et l’aide collective par le biais de professionnels.
La délocalisation des activités apporte beaucoup en effet, il importe de tout faire pour la développer
car elle permet aux enfants, aux jeunes et aux adultes de s’ouvrir sur de nouveaux horizons.
3. Des activités propices à l’intégration
La pratique d’une activité culturelle, de sport ou de loisirs demande à plus ou moins grande échelle
une prise de confiance, et ce beaucoup plus pour la personne handicapée que pour la personne
valide. Il faut se fixer un but et toujours essayer de l’atteindre et se dépasser.
Agnès de la FOL explique les bienfaits de la mixité des enfants, valides et non valides, dans les
centres de vacances et de loisirs, et ce pour les uns comme pour les autres. Elle constate que cela
aide au développement de certaines de leurs capacités.
La connaissance des handicaps se construit par la présence d’enfants valides et en situation de
handicap dans les structures de loisirs. Ils font l’apprentissage du vivre ensemble. Partager des
temps d’activité, des projets dans des lieux collectifs aide à l’apprentissage de la différence.
L’exemple du partenariat entre adolescents valides et adolescents handicapés a été une réussite
(initiative de la Fédération des œuvres laïques) : organisation de camps de vacances ; sorties en
ville, etc. C’est une expérience à renouveler, à étendre et à pérenniser.
Quels accompagnements institutionnels ?
Jocelyne, éducatrice sur La Foa, remarque que les activités qui marchent dans la commune n’ont
pas de rayonnement dans les autres villages (activités sportives mais aussi musique et chant pour
monter des spectacles).
4.
On demande souvent aux gens d’être bénévoles pour l’encadrement… et c’est le problème numéro
un. La question du bénévolat se pose alors : comment encourager la participation ? La
contractualisation des encadrements est peut-être une piste à explorer. Des propositions d’aide
institutionnelle pour les associations est aussi à considérer. Jocelyne signale dans ce cadre
l’exemple de la mise à disposition d’une secrétaire pour la gestion de l’association.
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Agnès (FOL) note que le monde du handicap est reconnu par les institutions via l’effort de
financement. Mais c’est insuffisant.
Il est nécessaire de développer le professionnalisme des intervenants, de répondre à un réel besoin
de formation et de travailler la reconnaissance, celle-ci passant également par l’aspect
rémunération : les animateurs de la FOL par exemple n’ont pas de statut ; à la FOL la différence de
rémunération entre les personnes peut amener des conflits.
L’exemple de la FOL n’en reste pas moins remarquable : « On a commencé avec 4 enfants il y a dix
ans et maintenant, on en a 65 », conclut Agnès.
Alexandre Oesterlin demande si tous les handicapés de la région de La Foa ont accès aux activités
de l’Association Solidarité Handicaps ? Y a-t-il des exclusions ? Des difficultés ?
Jocelyne donne l’exemple d’un handicapé de 60 ans de Kouchan qui vient de s’intégrer.
L’association prépare un spectacle de fin d’année, et ce sont les participants et les adhérents euxmêmes qui choisissent ce qu’ils veulent faire. La commune participe par le biais de subventions et
la mise à disposition d’un animateur.
Serge Hannequin, directeur du Service culture, sport et loisirs de la Province nord donne
l’exemple de l’accompagnement des associations par l’institution. En Province nord, des codes de
subventions ont été mis en place depuis peu. Ce dispositif prévoit la signature, au-dessus de deux
millions de francs CFP, de conventions et un travail de collaboration est initié avec les associations
pour l’utilisation des fonds, afin de rendre le dispositif pérenne. Serge Hannequin remarque par
contre qu’à sa connaissance, il n’y a pas d’associations qui gèrent des activités culturelles ou de
loisirs en direction des personnes en situation de handicap, malgré un soutien apporté à Canala, où
une association aurait tenté de se créer.
Alexander Oesterlin cite en effet l’exemple de l’association XARACUU de Canala et de
l’émergence d’une autre association en Province Nord (Koumac). Il insiste sur la nécessité de
multiplier les actions sur le terrain et d’offrir un accompagnement technique pour les associations
sportives ainsi que des formations pour les cadres et entraîneurs.
5. La nécessité de développer l’accessibilité des pratiques et des structures
Toute personne avec un handicap peut-elle pratiquer tous les sports ?
Il semble que non, en tout cas pas en compétition.
Cette question de l’accessibilité fait débat.
La question est posée à Corinne : « Y a-t-il des sports que tu ne peux pas pratiquer ? »
Corinne (déficiente visuelle) répond que oui, comme certaines sous-catégories de l’athlétisme
(lancer de poids, course). Mais elle insiste sur le rôle joué alors par l’accompagnement de
l’entraîneur lors d’une activité qu’elle ne voulait pas faire.
La question de l’encadrement est donc primordiale : la connaissance de la personne et de son
handicap doit primer sur les connaissances théoriques.
Paulette (ASH Bourail) explique qu’il n’y a pas beaucoup de loisirs dans l’atelier, car pas assez de
place (huit personnes) et peu d’aides de la collectivité. « Mais on fait des choses à l’atelier :
bracelets, colliers, etc. », précise-t-elle.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Serge Hannequin présente les projets de la Province Nord en ces domaines. Il précise
qu’une réflexion est en cours autour de la question de l’accessibilité de la piscine de Pouembout et
du complexe culturel de Koné.
Aujourd’hui, il y a une réelle prise en compte de l’accessibilité dans les constructions.
Est souligné le fait qu’il n’y a pas de possibilités pour les vacances des adultes.
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Atelier Vie, grande dépendance et dignité
Pilotes de l’atelier
Catherine Poëdi, Nadia Sigura et Olivier Thual
Organisation et déroulement de l’atelier
L’atelier se déroule dans une salle de classe où tables et chaises sont disposées pour former un
grand carré facilitant un échange en vis-à-vis.
Les pilotes proposent à chaque participant une feuille de synthèse préparée en amont, et ouvrant
déjà sur quelques pistes.
La parole est ensuite prise de manière assez équilibrée par l’ensemble des participants, mais elle
fuse dans des directions très différentes et reste difficile à canaliser (Cf. partie III : Témoignages et
réflexions des participants).
Cette question de la méthodologie, posée par Patrice G., un des participants, retient l’attention car
elle parait fondamentale.
La proposition est alors faite de partir de la charte du handicap et de mettre, en regard des articles,
des moyens considérés comme indispensables pour accéder pleinement aux droits.
Ce travail semble toutefois assez lourd à réaliser au cours d’un atelier, Patrice propose donc d’y
travailler avec le groupe de réflexion sur l’interculturalité qu’il a formé au Nord et de nous faire
parvenir leur document.
Quelques autres réflexions importantes sur la grande dépendance paraissant également importantes,
elles seront retenues pour la synthèse. Celle-ci sera finalement établie par les pilotes et quelques
personnes ayant souhaité se joindre à ce travail au cours de la pause-déjeuner. Elle tient compte de
la proposition de partir des droits et des besoins ainsi que des réflexions sur la grande dépendance
(Cf. partie II)
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
Notre atelier n’apportera pas de propositions concrètes, en tout cas pas aujourd’hui, tant il est vrai
que la situation de grande dépendance est difficile à aborder. Il est complexe de trouver d’emblée
toutes les réponses, et les bonnes réponses, aux problèmes que cela pose.
Beaucoup de constats ont été faits cependant dont quelques-uns paraissent très intéressants à retenir,
comme par exemple le fait que, s’il y a variation du sens donné à la grande dépendance selon les
milieux culturels et/ou socio économiques, les besoins de la personne très dépendante restent les
mêmes au-delà des ethnies, des cultures et des frontières politiques et administratives dans lesquels
nous vivons actuellement dans notre pays.
Nous avons constaté aussi que la grande dépendance concerne beaucoup de personnes : celles qui
sont polyhandicapées, mais aussi les personnes porteuses d’un autisme sévère ou d’une maladie
mentale grave, les personnes âgée dépendantes, etc.
Il se pourrait donc qu’elle ait été mal chiffrée et mal cernée en Nouvelle-Calédonie.
Beaucoup de pistes de réflexions ont été évoquées qui ont amenés à se préoccuper d’abord de la
méthodologie à mettre en œuvre afin d’appréhender la question de la dépendance.
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Il nous semble essentiel d’introduire cette démarche méthodologique par deux affirmations
fondamentales :
1.
On est handicapé par rapport à une situation ; pour la personne très dépendante toutes les
situations, y compris les plus banales, sont facteurs de handicaps et ces handicaps sont
permanents.
2.
La personne très dépendante est d’abord une personne, et à ce titre son premier droit est
celui d’être reconnue dans son humanité. Elle doit donc pouvoir bénéficier d’un regard et
d’un accueil réellement inclusifs de la part des autres. Plus largement, elle doit pouvoir vivre
et s’épanouir au sein d’un projet social commun à tous, lequel a pris en compte ses
difficultés, les a anticipées en amenant toutes les remédiations nécessaires pour répondre à
ses besoins.
Partant de ces deux affirmations, il importe de souligner combien, en Nouvelle-Calédonie, les
prendre en compte suppose prioritairement un travail immédiat et massif sur les représentations de
chacun, sur les mentalités et les regards dont le manque d’empathie et de reconnaissance contribue
d’une part à ôter sa dimension d’homme et de citoyen à la personne dépendante, et d’autre part
autorise le législateur à ne pas prendre en compte cette personne puisque le groupe lui-même la
laisse sur le banc de touche.
Par ailleurs, il est impératif qu’un travail d’élaboration des moyens soit poursuivi et accéléré pour
certaines mesures déjà en cours ; ce travail partira obligatoirement de la personne dépendante.
Notre atelier propose que la méthode pour élaborer les mesures à mettre en œuvre se cale sur les
besoins et les droits de la personne.
Nous avons en ce sens souhaité proposer un schéma symbolisant le fait qu’il est avant tout essentiel
de réaffirmer cette évidence : la personne doit être au centre de tout dispositif et bénéficier d’un
projet de vie individuel et social. Et ce en sachant que, pour la personne en situation de grande
dépendance, ce qui pose problème est avant tout la satisfaction de ses besoins élémentaires, à savoir
les besoins physiologiques tels que respirer, manger, boire, éliminer (uriner, déféquer), dormir,
bouger, se laver,…
Tout projet de vie, individualisé et social, pour la personne en grande dépendance, devra prendre en
compte :
-
le bien-être de la personne en répondant à ses besoins physiologiques ;
la sécurité de la personne en répondant à ses besoins de sécurité physique et affective ;
la socialisation et l’épanouissement de la personne en répondant à ses besoins
d’appartenance, d’estime et ses besoins cognitifs (apprendre, connaître, comprendre,
explorer).
Ainsi toute personne en situation de grande dépendance a le droit de voir ses besoins fondamentaux
couverts ; elle a le droit d’être soutenue, protégée et de participer à la vie sociale.
En conclusion, il est fondamental d’affirmer que toute personne, même très dépendante, a le droit à
un projet de vie personnalisé, et que tout doit être mis en œuvre pour qu’il soit respecté.
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Cela suppose la volonté, de la part de l’entourage et de la collectivité, de l’écouter, de la
comprendre, d’entrer en communication avec elle, et ce quel que soit son mode d’expression.
Quelques paroles, réflexions, propositions
Considérer la personne
« Il faut travailler sur les mentalités et les regards. »
« La première maltraitance est institutionnelle. »
« Les exemples de réussite de personnes en situation de handicap ne décrivent pas forcément une
société qui prend en compte TOUTES les personnes en situation de handicap. »
« Il faut partir de la personne et reconnaître ses droits selon la Déclaration universelle des droits
de l’homme. »
« Partir de la personne, reprendre les droits de l’homme et tenir compte du handicap : qu’est ce qui
fait que cela soit difficile à mettre place ? »
Accompagner les familles
« Il n’y a pas d’accompagnement après le diagnostic au niveau des familles et de la personne en
situation de handicap. »
« Les familles se débrouillent seules pour faire le projet de vie de leur enfant (intégration,
orthophoniste, kiné etc.…). »
« En tribu ils sont oubliés et les gens n’osent pas venir pour se faire aider. »
« Les assistants sociaux ont trop de travail pour s’occuper correctement des familles. »
« Les familles n’ont pas d’information sur leurs droits. Il manque des moyens humains pour les
diffuser. »
« Il faut pouvoir proposer à la famille ou à la personne en situation de handicap un moment de
parole avec les intervenants qui vont travailler avec elle ; pour pouvoir parler de son histoire et
établir un projet de vie en commun qui tienne compte des conditions socio-économiques des
conditions socioculturelles et des limites juridiques. »
« Il est important de préparer les familles d’accueil à recevoir des enfants en situation de
handicap. »
Identifier les écarts, encadrer les pratiques
« Le problème est différent entre des personnes vivant en ville et une personne en situation de
handicap vivant en tribu. »
« Des personnes en situation de handicap ne sont pas connues ; pas forcément cachées mais
inconnues des services sociaux actuellement en Nouvelle-Calédonie. »
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« Il faut un statut juridique pour les bénévoles. »
« Il faut des personnes plus spécialisées et tenir compte des différences culturelles. »
« Problème du turnover ou manque de personnel ; sur les îles le renouvellement se fait parfois à
100%. Les dossiers restent ou disparaissent, il y a un manque de responsabilité des professionnels,
pas de mémoire sur l’accouchement et le suivi médical. »
« Des aides existent mais seulement deux heures par jour en tribu et ce n’est pas suffisant. »
« Différentes politiques sont conduites selon les Provinces et cela est impossible. »
« Aucune structure d’accueil et de suivi pour les orphelins. »
« Qu’est ce qui justifie que les lois qui existent ne soient pas appliquées ?
Réponse qu’un politique pourrait faire: parce que qu’une personne en situation de handicap ne
rapporte pas d’argent et ne vote pas ! »
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Atelier Vie affective, familiale et sexuelle
Pilotes de l’atelier
Anne-Sophie Pidancier et Marion Bergeras
Organisation et déroulement de l’atelier
L'atelier a réuni une vingtaine de personnes au départ ; pendant les débats, certaines entrent, d'autres
sortent. Un groupe d'une quinzaine de personnes restera en permanence, composé de parents
d'enfants et de jeunes en situation de handicap, d'adultes et de jeunes adultes handicapés, en plus
des quatre animatrices de séance.
Les échanges se déroulent en deux temps : les trois premiers quarts d'heure autour du thème de la
sexualité ; les trois quarts d'heure suivants autour de la problématique des familles.
La thématique de la vie affective est le point de rencontre et le lien entre ces deux aspects.
Les témoignages / le débat
La sexualité
L'idée selon laquelle une personne en situation de handicap peut et doit avoir accès à une vie
sexuelle comme les autres est le point de départ des discussions.
1.
Il ressort que, pour rendre cet argument possible et concret, deux étapes primordiales doivent être
franchies, à la fois par les personnes en situation de handicap mais aussi, dans le cas de la première,
par l'entourage de ces personnes :
-
il s'agit tout d'abord de franchir le tabou lié aux questions de sexualité, tabou qui existe au
sein de toutes les communautés, chez les personnes valides comme chez les personnes non
valides, aspects que les débats en plénière feront bien ressortir ;
-
ensuite, il est nécessaire de pouvoir s'accepter tel que l'on est et être accepté par les autres :
famille, entourage, personnes valides…
Est soulignée l'importance d'encourager les échanges et de permettre des espaces de rencontre entre
les personnes, de créer des moments et des lieux où il soit possible de faire connaissance avec de
nouveaux individus, de tisser de nouvelles relations.
En ce sens, les parents se posent également la question de savoir si leur enfant pourra à son tour
avoir un compagnon /une compagne, et des enfants.
Les participants en arrivent à réfléchir sur la place de l'éducation sexuelle et sur la problématique de
dispenser cette éducation sexuelle : qui doit être en charge d'aborder cette question avec les
personnes en situation de handicap ? Les réponses proposées sont les suivantes :
1.
La famille quand elle est d'accord pour le faire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas arrêtée par la
question du tabou ;
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l'école qui semble être la seule institution où sont organisés ces moments de manière
cadrée ;
3. les associations œuvrant en faveur des personnes en situation de handicap, qui devraient
mettre en place des espaces de parole et des temps de discussion spécifiques.
2.
Les participants notent l'importance d'une personne relais qui puisse expliquer les aspects liés à la
sexualité, qu'il s'agisse de connaissances des jeunes handicapés (tantes, amis, etc.), de coutumiers
ou de professionnels.
Cet aspect a fait débat lors de la plénière, certains pointant qu'il ne s'agissait nullement du rôle des
coutumiers, d'autres argumentant du soutien de ceux-ci envers les personnes en situation de
handicap même en la matière.
La question de la famille
Tout d'abord, il convient de souligner le fait que les personnes présentes pendant l'atelier portent,
pour la plupart, une grande charge émotionnelle qui trouve un espace où se dire lors de ce forum ;
les mamans, notamment, expriment la charge qu'elles ont à porter au sein de la famille, leur tristesse
mais aussi leur joie de pouvoir s'exprimer et se rencontrer pour la première fois.
2.
Des questionnements inquiets sur l'avenir sont ensuite l'objet de la discussion : inquiétudes sur
l'avenir de leurs enfants en situation de handicap, sur la possibilité pour eux de trouver un travail, de
rencontrer un(e) futur(e) époux(se), d'avoir des enfants. Inquiétude également de savoir ce qui va
advenir de ces enfants à la mort de leurs parents, et si des relais seront là pour eux ?
De plus, les participants remarquent que les familles doivent être solidaires autour de l'enfant en
situation de handicap, mais que cette situation peut parfois engendrer des jalousies au sein même de
la fratrie.
Les problèmes financiers auxquels les familles sont confrontées font le cœur du débat, puisque les
allocations versées sont dérisoires pour des familles qui doivent s'occuper d'une personne en
situation de handicap.
Encore une fois, les participants pointent que le relais des coutumiers s'avère nécessaire au sein des
tribus pour aider les mamans à dépasser le sentiment de honte d'avoir un enfant en situation de
handicap.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
L'idée selon laquelle « on est surtout handicapé par le regard des autres » résonne comme l'un des
points d'orgue des débats.
Il semble qu'il faille envisager un relais au niveau des coutumiers pour ce qui est de la communauté
mélanésienne, peut-être par le biais d'un médiateur dans les tribus pouvant faire le lien entre les
familles et le reste de la communauté, d'une part pour aider les parents et l'entourage à dépasser le
sentiment de honte qui existe parfois du fait d'avoir un enfant en situation de handicap et, d'autre
part, pour dépasser les tabous liés à la sexualité.
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Si actuellement les associations sont le principal soutien des familles, il apparaît que ce n'est pas
suffisant et que les familles doivent être aidées par d'autres structures sociales et institutions pour
compléter l'action, notamment auprès du grand nombre de personnes en situation de handicap qui
restent non identifiées à ce jour.
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Forum province Sud
Centre culturel de Koutio, Dumbéa
21 juillet 2007
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UNE LOGISTIQUE AU RENDEZ-VOUS
POUR UNE MOBILISATION ENCORE INCERTAINE
Le forum Sud s’est tenu le samedi 21 juillet 2007 au collège de Koutio, mis à disposition par son
principal, André Martin, et par le Vice-rectorat.
Pouvoir organiser la rencontre dans cet établissement aura été une grande satisfaction. D’abord
parce qu’un établissement scolaire propose un espace bien adapté au fonctionnement en atelier,
ensuite parce que le collège de Koutio est exemplaire en matière d’accessibilité, enfin parce qu’il
accueille en son sein deux Unités pédagogiques d’intégration : l’une, l’U.P.I. I sur la SEGPA
(Section d’éducation générale et professionnelle adaptée) et l’autre, une U.P.I. IV, à cheval sur le
collège et sur le lycée du Grand Nouméa. Le collège de Koutio est donc un établissement phare en
matière d’intégration scolaire des élèves en situation de handicap.
Côté logistique, les associations basées à Nouméa ont géré l’installation du site le vendredi 20 au
soir et le samedi matin ; elles ont également assuré le rangement le samedi soir.
Quatre auxiliaires de vie scolaire (AVS) du collège de Koutio se sont chargées d’accueillir les
participants au forum et de les orienter.
L’APEI et l’ASEAD ont pris en charge les espaces restaurations : ce sont les élèves de l’U.P.I. I de
la SEGPA de Koutio qui ont assuré la préparation du repas de midi.
Une garderie a été organisée grâce aux animateurs de la Fédération des œuvres laïques et de
l’APEH-N.C. : elle a très bien fonctionné et l’ambiance y était sympathique.
En amont, nous avons également été aidés par Lénaïc Blandin, chargé du handicap à la DPASS.
L’APAD enfin a généreusement accepté de prendre en charge la sonorisation de la salle de
l’assemblée plénière et l’animation musicale lors de la pause-déjeuner.
La journée devait commencer à 8h30, elle a démarré avec un peu de retard à la suite d’un
malentendu avec le Sénat coutumier, sollicité pour indiquer aux organisateurs qui seraient les
représentants coutumiers à même de recevoir un geste en ouverture de la journée.
La parole a ensuite été donnée au principal du collège qui nous accueillait, du vice-rectorat, de la
commune de Dumbéa et de la Province sud.
Certains membres du public ont manifesté une légère impatience, ce qui indique que l’attente d’un
espace de parole citoyen et de débat était forte parmi les participants.
Communication et médiatisation
Comme pour le forum nord, le travail de communication a été assuré par l’agence Concept, qui a
fourni un remarquable travail et s’est à nouveau montrée aussi disponible qu’engagée : clip télé,
clip radio, affiches, prospectus, T-shirts, livrets de présentation des ateliers etc. Les réseaux de
diffusion TV des bus Karuïa et des magasins Casino ont également été utilisés.
Des invitations plus « personnalisées » ont été envoyées aux élus, aux représentants des directions
techniques, aux communes de la province Sud, mais aussi aux membres du Gouvernement, des
institutions et des directions de la Nouvelle-Calédonie.
Un système de mailing a par ailleurs été utilisé afin de toucher le plus grand nombre de personnes
possibles.
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Participation et mobilisation du public
Les participants à ce deuxième forum ont été nombreux : entre 400 et 500 personnes. Néanmoins,
proportionnellement à la population résidant dans la zone de Nouméa/Grand-Nouméa, et eu égard
aux facilités de transport, la mobilisation n’aura finalement pas été plus importante qu’au Nord.
On peut noter que de nombreux représentants des directions techniques de la Nouvelle-Calédonie et
de la Province sud se sont mobilisés : Direction de la culture, de la jeunesse, des sports et des
loisirs ; Direction du travail ; Service emploi et formation ; Direction de l’équipement ; DPASS ;
DENC ; DENS, etc.
Des représentants du Gouvernement, de la Province sud, du Vice-rectorat, de la CAFAT et des
communes de la province Sud ont également participé à cette journée.
Par contre, il est possible de regretter le manque d’implication de certains professionnels qui étaient
pourtant très attendus : les kinésithérapeutes et les médecins notamment ont été assez peu
nombreux. Les syndicats n’ont pas participé non plus, malgré les invitations lancées par les pilotes
de l’atelier Vie professionnelle.
La mobilisation institutionnelle a été toutefois globalement satisfaisante, même si nous avons pu
mesurer à cette occasion la route restant à parcourir pour que le handicap devienne l’affaire de tous.
Par ailleurs, si les familles et les personnes membres des associations ont été présentes lors de cette
journée, il convient d’avoir en conscience le fait que nombre de personnes concernées par le
handicap demeurent en-dehors du réseau associatif : soit parce qu’elles vivent le handicap qui les
touche comme une fatalité, qu’elles doivent assumer seules ; soit parce qu’elles n’ont pas encore
perçu les enjeux d’une telle mobilisation.
A contrario, le forum Sud a été l’occasion pour certaines personnes peu impliquées dans les
associations mais qui avaient fait l’effort de venir, de renouer avec le désir d’échanger, de créer du
réseau, de se battre afin de défendre leurs droits.
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Synthèse générale des ateliers du Forum Sud
Certains besoins ont été exprimés de façon récurrente dans les différents ateliers :
-
Comme au cours du Forum Nord, l’importance d’une pleine intégration à la vie de la cité est
soulignée : accès à l’école, à l’emploi, aux activités sportives, culturelles, de loisirs… Il
s’agit là de besoins fondamentaux, qui engagent la reconnaissance de la dignité humaine de
la personne handicapée.
-
Il est également rappelé que la personne handicapée doit être au centre des projets qui se
développent autour d’elle, quelle que soit la lourdeur de son handicap. Cela suppose une
écoute constante des choix et préférences qu’elle peut exprimer.
-
Une meilleure diffusion de l’information est nécessaire : information du public, des
professionnels sur les problèmes rencontrés par les personnes handicapées, mais aussi
information des personnes handicapées elles-mêmes sur les réglementations, aides,
dispositifs existant.
-
Au-delà de l’information, c’est à des formations complémentaires qu’il convient de penser.
La méconnaissance du handicap et le manque de compréhension des problèmes rencontrés,
de la part de ceux qui sont censés les accueillir, aggravent en effet les difficultés des
personnes handicapées.
-
La prise en compte du contexte culturel dans lequel évolue la personne handicapée est
importante et incontournable.
-
Une véritable coordination entre services, collectivités, institutions est plus que jamais une
nécessité, afin de permettre une continuité dans l’accompagnement des personnes. Il faut
lutter contre le cloisonnement entre les différents services et professionnels qui interviennent
auprès de la personne handicapée et favoriser une approche souple, de proximité, qui tienne
compte de sa réalité et de ses besoins individuels.
-
Le manque de cadre juridique est de nouveau souligné, notamment en ce qui concerne
l’insertion professionnelle. Il est urgent que le projet de texte en cours voit le jour afin de
définir clairement les droits des personnes en situation de handicap, mais aussi les moyens
dont pourront disposer les entreprises qui souhaitent embaucher des travailleurs handicapés.
-
Parallèlement au cadre juridique, il est indispensable de faire évoluer le regard posé sur les
personnes handicapées, de dédramatiser le handicap, de reconnaître chaque personne
handicapée dans la richesse de ses potentialités. Pour cela, il faut aussi les rendre plus
« visibles » dans la société et valoriser leurs compétences. Il importe également de repenser
un projet de société dans lequel la différence ne sera plus un obstacle à la réalisation de soi.
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Atelier Vie scolaire
Pilotes de l’atelier
Eric Bassot et Jacqueline de la Fontinelle
Organisation et déroulement de l’atelier
Le débat s’est organisé autour de quelques grandes thématiques, avec à chaque fois la formulation
d’un ensemble de propositions particulièrement précises et riches.
Il est par ailleurs souligné l’intérêt, pour la Nouvelle-Calédonie, de s’inspirer du modèle de nos
voisins Australiens et Néo-zélandais plutôt que la France, elle-même en retard en matière de prise
en compte des situations de handicap.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
Les Auxiliaires de vie scolaire
Leur formation est nécessaire.
Leurs statuts doivent être créés pour une meilleure stabilité autour de la prise en charge des
enfants et adolescents handicapés du territoire.
1.
-
L’intégration scolaire
Le personnel de l’établissement d’accueil doit être impérativement préparé et associé pour
que l’intégration soit réussie.
Afin de lutter contre la peur du handicap, une présentation des handicaps est indispensable
tant en direction des élèves que de tous les personnels de l’établissement scolaire.
Il est indispensable de prendre en compte la notion de fatigabilité.
2.
-
Les familles
Elles ne doivent pas négliger, dans leurs attentes de scolarisation, les limites de leur enfant
Il est nécessaire de consulter cet enfant chaque fois que possible pour toute décision
concernant son avenir, autour d’un projet de vie élaboré avec les acteurs.
3.
-
Les structures
Le dépistage précoce est indispensable.
Il est nécessaire de créer un service d’information et de liaison pour les familles qui arrivent
sur le territoire et pour toutes celles qui découvrent le handicap.
Des structures spécialisées sont indispensables.
Des SESSAD dédiés à chaque handicap doivent être mis en place pour un meilleur suivi et
une meilleure coordination.
Des internats doivent être créés lorsque nécessaire.
Il est nécessaire que les diverses commissions transmettent aux institutions les manques et
les besoins qui sont constatés.
4.
-
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Quelques paroles, questions, remarques
-
Les parents d’enfant handicapé se demandent si les enfants intégrés peuvent retourner dans
un cursus normal ou plus adapté.
Les familles sont très inquiètes du manque de prise en charge après l’école primaire pour
certains handicaps.
De problèmes de coordination, de transmission d’information existent entre le primaire et le
secondaire.
Les intégrations individuelles sont parfois rendues difficiles par manque de moyens.
Dans les îles, des problèmes matériels autour des transports empêchent des enfants en
situation de handicap de se rendre à l’école.
Les parents ne savent pas qu’ils peuvent interpeller la Direction de l’enseignement ou le
Vice-rectorat en leur écrivant lorsqu’ils rencontrent des difficultés.
Pour conclure l’atelier, il est remarqué que la bonne volonté face à la grande détresse des familles
confrontées au handicap ne suffira pas. Même lorsqu’une réponse adéquate en moyens humains et
matériels parvient à se mettre en place, il est indispensable d’aller plus loin, pour que se mette en
place une véritable politique en matière d’intégration scolaire.
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Atelier Vie, santé, éthique et déontologie
Pilotes de l’atelier
Pascale Billard, Jean-Marc Desvals, Lionel Thevenin
Organisation et déroulement de l’atelier
Le débat est lancé à partir d’un premier thème, celui de l’annonce du handicap. La parole est dense,
particulièrement riche et d’évidence les problématiques posées mobilisent les participants, sans que
soit jamais perdu de vue l’objectif majeur de l’atelier : dresser un état des lieux le plus complet
possible de la situation en province Sud en matière de respect des droits de la personne et d’accès
aux soins.
Paroles, questions, réflexions
Dans la forme, les paroles collectées sont soit données comme telles, soit elles ont fait l’objet d’un
travail de reformulation et d’une amorce de synthèse par les rapporteurs de l’atelier.
L’annonce du handicap
Pascale évoque le manque avéré de professionnels chargés du soutien et de l’accompagnement
familial ; après l’annonce c’est le vide total, peu d’explications sont données.
1.
Victor interroge : Comment aider ?
Il insiste sur le rôle prédominant que doit jouer la famille et sur l’importance du soutien affectif.
Patricia suggère que l’annonce soit faite en plusieurs fois, d’une manière modulable, avec autant
que possible un travail en équipe pluridisciplinaire.
Jean-Marc précise que malheureusement, dans 30% des cas, il n’y a pas de diagnostic précis au
handicap, malgré toutes les investigations possibles, ce qui ajoute à la difficulté d’affronter
l’annonce.
Un médecin - Les médecins n’ont pas seulement des difficultés pour poser un diagnostic mais aussi
pour l’expliquer à leur patient.
Sébastien dénonce un cloisonnement des professions de santé et par voie de conséquence la
désorientation de la personne suite à l’annonce.
Victor - Le diagnostic est souvent vécu comme une déchirure ou un choc.
Lionel évoque l’état de sidération des parents dans un premier temps, avant que ces derniers
n’envisagent la modification de leur projet de vie en fonction du handicap de leur enfant.
2. L’annonce, et après ?
Le manque de continuité dans le suivi et l’accompagnement des patients est encore une fois
dénoncé. Les personnes en situation de handicap ou leurs familles se retrouvent trop souvent dans
une situation d’incompréhension, de manque d’informations.
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Le manque de guidance parentale après l’annonce du handicap est retenu comme une problématique
essentielle.
Jean-Marc pose une question : à partir de quand faire appel aux associations ? Tout de suite après
l’annonce, pas tout de suite ? La question reste sans réponse. Quoi qu’il en soit, il semble que le
corps médical ne connaisse pas suffisamment l’existence et le rôle des associations.
Des solutions sont évoquées :
- Création de livrets d’information donnés dès l’annonce du handicap
- En milieu mélanésien, le projet de vie n’étant pas vécu comme individuel mais plutôt
comme un processus communautaire, il conviendrait d’envisager un travail de médiation au
sein des tribus par des intervenants issus du milieu.
Communication avec les professionnels de santé et droit à l’information
Un médecin CORH (Commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance) souligne
que le professionnel médical ne connaît pas suffisamment l’ensemble des démarches à suivre face à
une personne handicapée. Faut-il contacter l’assistante sociale, la seule personne référente un peu
connue, alors même que, face à la diversité des cas, il faudrait pouvoir adapter l’orientation ?
Prenant son cas personnel, il relate sa réaction émotionnelle devant l’annonce d’une potentialité de
handicap chez son enfant, puis son soulagement devant l’absence effective de handicap.
Chaque cas est différent ; il faut à tout prix éviter la systématisation des conduites à tenir, ne pas
imposer, savoir s’adapter.
3.
Une personne handicapée témoigne de son cas à propos des problèmes de communication avec les
médecins, il dit être lui même être obligé de prendre un traitement « longue durée », mais ne sait
pas de quoi il s’agit ni quel est l’objet de son traitement.
Une auxiliaire de vie note qu’elle rencontre les mêmes problèmes en centre spécialisé, de
nombreuses questions sur les thérapeutiques utilisées restent sans réponse, les médecins sont peu
prolixes, les patients ne peuvent ou n’osent pas poser des questions sur leurs traitements.
Il est évoqué l’état de malaise dans lequel le médecin peut se trouver face à des personnes
handicapées : répondre vite ou ne pas répondre permet d’éviter la confrontation.
Lionel insiste sur la nécessité d’une formation complémentaire (par exemple au dialogue) dans le
parcours universitaire des médecins, et/ou sur la présence d’une personne référente de confiance
aidant aux différentes démarches, mais aussi permettant de répondre aux questions posées.
Jean-Marc souligne que dans tous ces problèmes de communication entre les médecins et les
personnes handicapées on évoque tout le temps des carences en formation des professionnels mais
on oublie que c’est la personne handicapée qui a d’abord un problème, pas le médecin.
Est évoquée la notion de réseau de médecins volontaires qui acceptent volontiers de s’occuper de
personnes en situation de handicap.
Jean-Marc précise que ce n’est pas envisageable compte tenu de la diversité des types de
handicaps et de leurs prises en charge différentes.
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Victor renouvelle sa conception du rôle d’accompagnement que doivent jouer les familles.
France pense qu’il s’agit d’un problème plus général d’éducation de la population toute entière. Ce
qui doit changer c’est le regard de la société sur les personnes en situation de handicap.
Une personne travaillant dans un centre pour personnes handicapées souhaite voir se
développer la prévention, et suggère de trouver un moyen ou un endroit pour répondre aux
questions que les gens se posent en matière de handicap.
Jean-Marc rappelle qu’il existe un guide handicap recensant un grand nombre d’informations,
édité par la DASSNC, pas assez réactualisé mais qui a le mérite d’exister.
Nalina évoque la possibilité d’envisager la création d’un numéro vert "Handicap" permettant aux
personnes de répondre à leurs questions et à les aider dans leurs démarches.
4. Communication et démarches administratives
Jean-Marc parle des difficultés rencontrées par une personne handicapée dans ses démarches de
reconnaissance du handicap (CORH).
Sont évoquées également les difficultés pour changer de médecin référent ; le parcours administratif
dans ce domaine reste très compliqué, et encore plus pour des personnes en situation de handicap.
Il est précisé dans le débat qu’en matière de médecin référent, il est possible de demander d’emblée
d’avoir deux médecins généralistes comme référents.
Nalina suggère une simplification administrative des démarches en cas de changement de médecin
référent. Idem pour la constitution du dossier initial de parcours de soins.
Anne revient sur l’idée d’une permanence d’écoute à l’instar de ce qui existe déjà au CCF avec une
équipe pluridisciplinaire capable de répondre aux différentes demandes et de faciliter les
démarches. Elle précise que tout dépend de la réelle volonté politique dans ce domaine.
Nalina rappelle les rôles de la CORH et de la mission handicap, structures existantes qui pourraient
jouer ce rôle à condition d’adapter leurs missions.
Le CCF ne répond qu’à des demandes émanant de Nouméa - Grand Nouméa, et donc dans l’objectif
de répondre à l’ensemble du territoire, il faudrait plutôt envisager des antennes décentralisées ou
itinérantes ; elle confirme que c’est de la volonté politique que viendront les changements.
Jean-Marc évoque l’absence de coordination entre les professionnels de santé, notamment en
libéral et l’absence de projet de soin global pour les personnes (enfants & adultes) handicapées.
Anne parle du travail en CEJH ; parfois il y a 8 spécialistes pour 1 enfant scolarisé. Elle propose de
les réunir à l’occasion du renouvellement de taux de handicap (tous les deux ans pour les enfants,
tous les 5/10 ans pour les adultes) et profiter de cette occasion pour faire le point sur les prises en
charges multiples.
Communication et représentations culturelles du handicap ?
Il est noté que souvent l’interprétation du handicap renvoie aux superstitions (boucan), comme
l’appartenance de l’enfant ou de l’adulte handicapé à une famille « maudite ».
5.
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Jean-Marc précise que ces problèmes culturels spécifiques ont aussi été évoqués lors de l’atelier
santé en province Nord.
Une infirmière - De nombreux problèmes d’incompréhension sont en rapport avec la connaissance
de la langue ou des dialectes.
Jean-Marc pense que la notion de soins implique de la part des médecins une meilleure
connaissance des spécificités culturelles de leurs patients, permettant ainsi de mieux adapter leur
discours.
Jack parle des difficultés des professionnels de santé d’origine mélanésienne pour se positionner
entre les deux approches de soins, traditionnelle et européenne. Lui-même, originaire d’une des Iles
Loyauté et travaillant sur la Grande terre, n’a pas de légitimité au sein de la tribu auprès de laquelle
il exerce.
Véronique pense que les infirmiers sont à même de jouer ce rôle de médiation, de personne relais
entre le patient et le corps médical, permettant de restaurer le lien entre les différents acteurs.
Jean-Marc interroge sur la nécessité de créer une nouvelle profession, à l’instar de ce qui existe en
province Nord, les auxiliaires de soins. Ces derniers sont en réalité des médiateurs provinciaux
d’orientation plus administrative.
Patricia évoque l’expérience tentée au CHT lors des consultations du centre antidouleurs : en
parallèle des intervenants médicaux et paramédicaux, le patient choisi une personne référente de
confiance qui réalise un travail de communication, d’explication des soins, et de médiation.
Au-delà de la question culturelle, Lionel suggère la création d’un métier : référent handicap, une
personne-ressource ou relais spécialisée. Il rappelle également le problème récurrent du turn-over
des équipes médicales, qui constitue un argument supplémentaire en faveur d’une personneressource stable et assurant la continuité du suivi médico-social. Cette personne pourrait aussi
permettre d’éviter l’enfermement et l’isolement des personnes handicapées.
Matériel adapté : des remboursements insuffisants
Jean-Marc propose d’évoquer les problèmes rencontrés à propos du matériel adapté.
6.
Marie-Pierre note qu’une augmentation des taux de remboursement du matériel adapté serait
nécessaire. En effet :
- le matériel adapté revient localement très cher ;
- les allocations de compensation sont localement très faibles ;
- soit les gens sont obligés de jongler avec différents matériels, soit de choisir le matériel en
fonction du prix (donc mauvaise qualité) ;
- il y a de nombreux problèmes pour leur adaptation et mise en place, notamment pour les
gens qui résident loin de Nouméa.
Lionel demande pourquoi ces matériels ne bénéficient pas d’une exonération de la taxe
d’importation ?
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Sébastien précise que les fauteuils sont exonérés de la TGI, mais évoque les difficultés pour
l’entretien des fauteuils localement, là où en Métropole les associations prennent le relais pour aider
les personnes handicapées.
Marie-Pierre souligne en outre que tous les matériels nécessaires aux personnes handicapées ne
sont pas remboursés.
Une question est posée concernant la non prise en charge à 100% de médicaments pourtant
indispensables à la vie des personnes handicapées.
Nalina évoque la possibilité de mise en place d’un fond spécifique au niveau de la CAFAT, qui
permettrait de compléter les financements par exemple des matériels, des frais d’entretien, des
médicaments non remboursés à ce jour, etc.
Anne soulève le problème de nombreux matériels adaptés qui existent localement mais sont
totalement sous-utilisés ; elle prend l’exemple des appareils auditifs.
Solveig rebondit sur ce sujet en relatant des cas similaires de matériels pour enfants malvoyants
scolarisés, matériels mis à disposition sans suivi, sans accompagnement, sans éducation, etc. Au
final, l’enfant se retrouve confronté à des difficultés de réglage et n’utilise pas le système.
Jean-Marc insiste sur la nécessité, pour une meilleure intégration, d’associer et de former
l’enseignant responsable, mais aussi l’ensemble de la classe de l’élève à l’utilisation de ces
matériels.
Un recensement qui fait défaut
Lionel interpelle en fin de débat sur la notion de recensement des personnes handicapées. Il
interroge l’assistance : « Pensez-vous que toutes les personnes handicapées sont recensées et font
les démarches nécessaires de reconnaissance à la CORH ? »
7.
Une intervenante à domicile témoigne qu’elle rencontre de nombreuses personnes non reconnues
à la CORH, soit par ignorance et manque d’information, soit parce qu’elles ne veulent pas faire les
démarches.
La CORH semble travailler sur ce sujet, en relançant les personnes en fin de droits et en les invitant
à les renouveler ; en informant aussi les médecins et autres professionnels de santé sur les
démarches à entreprendre.
Synthèse des échanges, réflexions, propositions
(Préparée par Jean-Marc, Lionel et Pascale)
L’annonce du handicap, et après
Manque de professionnels et de soutien aux familles.
L’annonce est difficile, pour le patient sa famille mais aussi pour les professionnels, pas
toujours suffisamment formés.
Problème du cloisonnement des professionnels de santé.
Les médecins ne relayent pas suffisamment l'information ou ne connaissent pas les
associations, ne savent pas vers qui se tourner.
1.
-
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Propositions
1. Les modalités de l’annonce pourraient être étalées dans le temps.
2. Création d'un livret à l'intention des personnes handicapées et de leurs familles.
3. Nécessité de tenir compte des spécificités culturelles et de la perception du handicap en
milieu océanien = idée d'un médiateur culturel entre professionnels santé/familles/tribus
(différent des médiateurs existant en province Sud et qui n’ont qu’une vocation
administrative.
4. Mise en place d'un numéro vert pour répondre aux nombreuses questions, par exemple
concernant la couverture sociale, les modalités de reconnaissance, etc.
Le parcours de soins
La communication reste difficile entre certains médecins traitants et les patients en situation
de handicap.
Les démarches de reconnaissance du handicap et la constitution du dossier restent difficiles
à accomplir.
Encore trop de personnes ne font pas les démarches nécessaires pour obtenir la
reconnaissance du handicap, par choix ou par dépit ou par ignorance.
Absence de coordination entre les médicaux et les paramédicaux qui devraient travailler en
équipe pluridisciplinaire.
Absence de coordination entre les professionnels de santé et de l'enseignement.
Prix trop élevés des matériels adaptés et taux de remboursement très insuffisants, alors que
dans le même temps les allocations handicapés sont faibles.
Problème du matériel adapté pour les déficients sensoriels : matériel d’utilisation complexe,
livré sans accompagnement ou aide le plus souvent à des enfants malentendants ou
déficients visuels qui ne l'exploitent pas.
Problème de la prise en charge insuffisante de certains médicaments pourtant indispensables
mais ne relevant pas de la liste des 100%.
2.
-
-
Propositions
1. Travailler à la simplification des démarches administratives.
2. Mieux informer les médecins et autres professionnels de santé afin de les rendre plus aptes à
l’accompagnement de la personne handicapée et de sa famille.
3. Obtenir des médecins qu’ils accordent plus de temps pour accompagner et informer les
familles et les personnes en situation de handicap.
4. En milieu scolaire, mettre à profit les rencontres visant à examiner le renouvellement du
taux de handicap pour élargir l’échange entre l’ensemble des acteurs de l’équipe éducative
5. Mise en place d'une équipe pluridisciplinaire à l'instar du CCF, mais spécialisée dans
l’accompagnement des personnes en situation de handicap, ou développer les actions de la
mission handicap.
6. Exonération des taxes d'importation sur l'ensemble du matériel adapté.
La proposition considérée enfin comme une proposition-phare de cet atelier aura été l’idée de
réfléchir à la mise en place d'un fond spécifique handicap (le Fond d’aide sociale de la CAFAT
n’étant pas adapté) qui permettrait la prise en charge de l’acquisition d’un matériel adapté de
qualité, l’entretien de ce matériel, une meilleure prise en charge de certains médicaments, etc.
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Atelier Vie citoyenne, vie autonome
Pilotes de l’atelier
Gilles Primo et Stéphanie Vigier
Organisation et déroulement de l’atelier
Une quarantaine de personnes ont participé à cet atelier qui s’est déroulé dans le réfectoire du
collège.
Les échanges ont été fournis et ont permis d’aborder différents aspects liés au thème.
Comme pour le premier forum, chacun a été invité à se présenter d’abord.
La nécessité d’enregistrer les échanges a intimidé certains participants.
Un brainstorming a ensuite été proposé autour des trois notions-clés retenues pour cet atelier :
citoyenneté – autonomie – handicap.
Quatre grands groupes d’idées sont ressortis de ces premiers échanges.
Ces notions renvoyaient :
- aux droits humains ;
- aux valeurs d’égalité, de fraternité, de solidarité ;
- aux droits civiques (vote) :
- au droit à la protection ;
La réflexion sur l’exercice de ces droits a permis d’explorer les champs suivants :
- la question relative à la place de la personne handicapée dans la cité, au besoin de respect et
au problème du regard des autres ;
- la problématique des besoins en termes d’équipement adapté, en matière de transport,
d’accessibilité, de logement, et de satisfaction des besoins fondamentaux ;
- la question du besoin d’autonomie, d’accès à l’emploi ;
- la question de l’indépendance, notamment vis-à-vis de la famille.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
Changer le regard
En ce qui concerne le regard posé sur le handicap, il a été constaté une grande méconnaissance des
personnes handicapées et des situations qu’elles vivent au quotidien.
Il apparaît nécessaire de donner à tous les moyens de comprendre les situations de handicap, afin
d’aider au dépassement des préjugés, mais aussi de mesurer les obstacles que ces personnes
rencontrent au quotidien, de se mettre un peu plus « à leur place ».
Il faut donc trouver les moyens d’informer, de normaliser la place du handicap dans la cité, de le
rendre plus visible, en s’appuyant notamment sur les médias.
Il faut également mettre en évidence ce que les personnes handicapées peuvent apporter aux
valides : pour nos sociétés obsédées par l’apparence, la performance et la rentabilité, la personne
handicapée renvoie l’image du manque, de la dépendance, de la fragilité.
1.
Le handicap nous encourage à replacer l’humain, avec ses fragilités, au centre de tout projet de
société.
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Regard de la société, regard de la famille
Il faut envisager une approche globale de la question du handicap, et s’inscrire dans un projet de
société dont le handicap fera partie, comme quelque chose de normal.
2.
Il faut faire entrer le handicap dans la vie ordinaire.
Le rôle de la famille a été souligné au cours de l’atelier : elle est le premier acteur de l’intégration. Il
faut éviter la surprotection et se comporter avec l’enfant handicapé comme on le ferait avec un
enfant valide, pour encourager son autonomie. La famille reste souvent le soutien le plus constant
de la personne handicapée.
Néanmoins, il est souligné que la dépendance est souvent difficile à vivre : chacun doit pouvoir
« vivre sa vie ».
L’inquiétude quant à l’avenir d’adultes handicapés dépendants lorsque leurs parents vont
disparaître a été manifeste.
Créer de la loi
Les personnes handicapées ont besoin d’être écoutées, entendues, par les décideurs et les élus en
particulier. De ce point de vue, il convient de remédier aux vides juridiques constatés en NouvelleCalédonie dans le domaine du handicap : nous avons besoin de lois qui obligent la société à prendre
en compte les besoins des personnes handicapées. Dans ce domaine, il est souligné qu’il revient
pour l’essentiel à la Nouvelle-Calédonie de légiférer, puisque de nombreuses compétences liées au
handicap lui incombent.
Mais sans changement de regard et de mentalités, la loi ne suffira pas à faire avancer les choses. Les
deux aspects sont interdépendants : c’est l’évolution des mentalités qui amène les évolutions
juridiques, mais le vote d’une loi impliquant la reconnaissance d’aspirations légitimes contribue
aussi à changer le regard des gens.
3.
Former à l’accueil, soutenir les initiatives
En matière de respect et de compréhension des personnes handicapées, les relations parfois
difficiles avec certains services administratifs, certains organismes privés ou publics sont
soulignées.
La maman d’un jeune homme en fauteuil cite l’exemple de la poste qui exige que son fils majeur se
déplace pour retirer un recommandé,
Une jeune femme malvoyante évoque la réaction hostile des vigiles d’une grande surface : parce
qu’elle regardait les prix de trop près, elle a été traitée comme une voleuse.
Toutes ces réactions traduisent là encore le besoin de mieux connaître les situations de handicap, les
difficultés et les besoins spécifiques qui y sont liés.
Pourquoi ne pas former les personnels administratifs (dans un premier temps) à l’accueil des
personnes handicapées ?
5.
Ont été évoquées au cours de l’atelier des initiatives encourageantes, comme celle du taxi adapté à
Nouméa. Cependant, ces initiatives ont besoin du soutien des collectivités et de partenariats réactifs.
Cela n’a pas toujours été le cas, et certains projets, en matière de transport notamment, n’ont pas été
accompagnées et sont « tombés à l’eau » alors qu’ils répondaient à d’urgents besoins. Dans le cas
du taxi, une extension de son activité aux communes du Grand Nouméa est envisagée, mais elle
nécessite l’appui des collectivités concernées. De même, un projet de transport adapté au sein de
Transco suppose le soutien des pouvoirs publics.
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Matériel adapté, transports, logements : travailler sur les conditions de vie
La difficulté d’obtenir du matériel adapté et de bonne qualité est vigoureusement dénoncée : le
matériel est trop cher, de qualité médiocre et les quotas sont insuffisants. De plus, les problèmes
d’accessibilité, l’absence d’équipement public adapté font que le matériel (les fauteuils par
exemple) s’abîme très vite. Il paraît nécessaire d’individualiser les aides et de répondre aux besoins
spécifiques de chaque personne.
6.
L’énorme problème de l’accès aux transports et de l’accessibilité est mis en avant. Il faut sur ce plan
harmoniser les compétences : des efforts sont faits dans certains lieux, car les normes européennes
sont appliquées. Dans d’autres endroits, les équipements publics restent inadaptés. Les normes
existent : celles qui sont appliquées en France et en Europe paraissent assez satisfaisantes. Il faut
donc à présent veiller à leur application systématique, en rappelant si besoin les promoteurs à leurs
obligations. Cela suppose aussi de former les techniciens à la prise en compte de ces normes. Il
faudrait également étendre leur application aux réhabilitations.
En matière de logement, il est à nouveau souligné qu’il est important de fournir des réponses
individualisées, adaptées à chaque situation de handicap.
Principales propositions
1.
Dans une société d’image et de communication, il paraît nécessaire de rendre le handicap
plus visible pour le dédramatiser, l’inscrire dans la vie ordinaire et aider les gens à le
comprendre. Une émission télévisée hebdomadaire, animée par des personnes handicapées,
à destination du public handicapé mais aussi des valides, serait une première piste
intéressante.
2.
Diffuser l’information et assurer des formations sur les situations de handicap, auprès des
personnels administratifs en matière d’accueil, auprès des techniciens des services des
infrastructures et de l’équipement en matière de normes d’accessibilité etc. Sensibiliser et
informer également les enfants en âge scolaire, en faisant des situations de handicap l’une
des problématiques du « vivre ensemble ».
3.
Etudier la mise en place de commissions de contrôle, chargées de veiller au respect des
normes en matière d’accessibilité, et en mesure de sanctionner en cas de non respect de ces
normes.
4.
Garantir l’accès à du matériel spécialisé de bonne qualité et adapté aux besoins de chacun.
Une évaluation plus individualisée des besoins paraît nécessaire.
5.
Rolande Trolue, représentante à la condition féminine à la Commission du Pacifique Sud, a
proposé la création d’un groupe de réflexion au sein de la CPS consacré au handicap. Cela
pourrait permettre de poursuivre le développement des échanges en Nouvelle-Calédonie et
dans le Pacifique autour de cette question, et de continuer à dégager des propositions
novatrices, adaptées au contexte géographique et culturel régional.
6.
Il paraît urgent de continuer à compléter les dispositions juridiques en faveur des personnes
handicapées en Nouvelle-Calédonie, afin d’aboutir à une réglementation globale.
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Atelier Vie professionnelle
Pilotes de l’atelier
Frédéric Patane et Monique Villisseck
Organisation et déroulement de l’atelier
Cet atelier a été l’occasion d’échanges riches, avec des témoignages très forts sur les situations de
vie des personnes handicapées.
Il est à remarquer qu’aucun syndicat n’était présent malgré l’envoi de nombreux courriers
d’invitation.
Les témoignages/le débat
Colère de Raymond (même si celle-ci relevait plus de l’atelier santé) qui ne comprend toujours pas
pourquoi on ne lui donne pas de nouvelles roues pour son fauteuil : on change bien les pneus de sa
voiture quand ils sont usés !
Pourquoi le matériel est-il si cher ? interroge-t-il. Pourquoi le matériel est-il de mauvaise qualité ?
« Moi je veux un bon fauteuil où je peux aller n’importe où et non pas un char d’assaut ».
Angoisse, reflétant celle de tous les parents, d’une maman pour l’avenir de son enfant de 18 ans,
atteint d’une trisomie 21 : Quels seront ses revenus ? Que deviendra-t-il quand nous ne serons plus
là ?
Chantal, en fauteuil roulant, explique que la colère est mauvaise conseillère. C’est bien d’accuser,
mais c’est à nous de construire, de bouger, de faire des propositions, de créer des ateliers par
exemple.
Serge a un handicap de 50% suite à un accident. Il explique, que dès son retour son patron, l’a mis
dehors - à la retraite - malgré le désir de continuer à travailler. La difficulté de ce cas vient du fait
que Serge est fonctionnaire et ne relève pas de l’inspection du travail, incompétente dans un tel cas
(comme le souligne le médecin qui interviendra). Ce cas souligne la difficulté de se défendre et le
manque de connaissance de ses droits.
Un entrepreneur estime qu’il est parfois difficile d’employer un handicapé. Parfois on ne peut pas
le garder car il y a trop d’erreurs ; la personne ne connaît pas très bien le métier ; elle est mal
orientée, vers des postes ne correspondant pas à ses réelles possibilités. Il faudrait bien connaître le
taux de handicap et la nature du handicap.
Eric Chevreau, représentant de la Fédération de l’industrie considère qu’une personne handicapée
a le même problème que les autres pour trouver du travail. Mais il déplore le manque de
consultation et de communication et l’absence de textes. La société doit selon lui donner les moyens
d’embaucher à l’entreprise, d’où l’importance des textes. Il faudrait des relais pour répondre aux
questions, surtout des petites entreprises. Il n’y a pas de réelle organisation et d’informations vers
celles-ci. Certaines mesures sont certes déjà prises dans ce sens notamment avec le Service de
l’emploi et de la formation. Mais il reste beaucoup d’efforts à faire.
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Témoignage d’Annabelle, non voyante, et qui voudrait simplement « travailler comme tout le
monde ». Elle cherche des formations et ne sait pas où s’adresser car elle habite Yaté. Une personne
responsable de la MIJ lui propose de passer dans les locaux à Nouméa ou de se rendre dans
l’antenne du Service emploi et formation à Yaté.
Emotion de Suzanne. Cette maman a dû quitter son emploi pour offrir à son fils handicapé un
soutien. Que faut-il faire quand son enfant ne trouve aucun emploi, aucune formation et que celui-ci
voit ses frères et sœurs travailler normalement ? Ce jeune cherche une formation et cette maman ne
sait plus ce qu’il faut faire.
Intervention d’une jeune fille qui travaille au CCAS, à l’accueil du Mont-Dore, et trouve beaucoup
de réconfort auprès des personnes rencontrées.
« Il me donne le courage de me battre et de continuer ».
Pour elle, continuer à se battre ce serait aussi avoir accès à l’autonomie en passant son permis mais sur voiture automatique. Mais au Mont Dore, il n’y a pas pour l’instant ce type d’auto-école.
Francine Bernut, responsable de l’Observatoire provincial d’action sociale (OPAS), constate que
le texte de 1991 est obsolète, sans application. Depuis 2002, précise-t-elle, un texte est à l’étude
(projet OPAS). L’observatoire a fait des propositions notamment pour les plus petits, mais
également pour la formation professionnelle et l’accompagnement de la personne handicapée, ainsi
que la garantie de ressources. Ce dispositif permettrait selon elle de sortir de l’assistanat. Elle
précise que, pour le handicap, il y a différentes catégories A, B, C. Le minimum de ressources n’est
certes pas garanti, mais certaines dispositions sont déjà prises comme l’aide pour le téléphone,
l’eau ou au logement.
Elle reconnaît que la citoyenneté n’est pas complète et les mesures prises encore trop peu
nombreuses.
« Ce ne sont que des paroles », estime un participant, handicapé, qui touche 21 000F et ne trouve
pas d’employeur. Beaucoup de participants sont comme lui sceptiques, signifiant qu’ils attendent
depuis trop longtemps.
Diverses remarques sont émises à propos des réalisations en matière de transports et améliorations à
envisager :
- Le taxi pour handicapé est une réalité, mais seulement sur Nouméa. Son coût est de 170
XPF par trajet, et pour obtenir cette aide, il faut remplir un dossier au CCAS. Des projets
sont proposés pour une extension aux trois communes, mais reste le fait que quatre trajets
par semaine restent insuffisants, notamment en termes de semaine de travail.
- Dans le domaine du transport l’entreprise Saint-Jacques propose d’utiliser les voitures
utilitaires, déjà bien adaptées pour sortir les personnes handicapées le week-end.
Principales propositions
Les principales propositions faites ont porté : sur l’amélioration, importante pour leur vie
professionnelle, de l’autonomie des personnes handicapées, notamment en matière de transports ;
sur l’amélioration de l’information des entreprises et de la communication avec celles-ci,
indispensables à la réussite de l’intégration.
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1. Transports
- Demande de disposer d’une auto-école pour permis adapté.
- Exonération de taxes pour les véhicules pour handicapés, pour les bus ou voitures adaptées,
et plus généralement pour tout le matériel adapté.
- Réseau de moyens de transport performant à créer sur tout le territoire de la NouvelleCalédonie.
- Amélioration de la prise en charge en matière de transports : dans certains cas en effet, le
nombre de transport pris en charge est insuffisant, surtout quand la personne handicapée
travaille.
2. Communication avec l’entreprise
- C’est souvent le lien et la communication ainsi que le manque d’explications sur le handicap
qui posent problème dans les entreprises d’où la nécessité d’améliorer la communication et
de mettre en œuvre un suivi de l’intégration de la personne handicapé dans son
environnement professionnel. En Métropole ce genre d’activités est reconnu, et très sollicité.
Ici des professionnels existent, il serait bien de les solliciter. Ce serait un moyen intéressant
pour créer un lien entre les entreprises et les handicapés.
- L’ergothérapeute semble un moyen intéressant pour le lien entre l’handicapé et l’entreprise.
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Atelier Culture, sports et loisirs
Pilotes de l’atelier
Alexander Oesterlin et Gaëlle Rolland
Organisation et déroulement de l’atelier
L’atelier a été l’occasion d’échanger beaucoup d’informations, et d’un certain nombre
d’engagements de la part des institutions ou des structures sportives.
La question de la pratique sportive a largement dominé les débats, culture et loisirs ayant une part
plus congrue.
Les problèmes de transports et d’accessibilité ont été très présents, les résoudre apparaissant comme
essentiel pour permettre aux personnes en situation de handicap d’exercer leur droit à la culture, les
sports, les loisirs.
Les témoignages/le débat
Informations et accueil du handicap dans les structures sportives et de loisirs
Nathalie Daussy, de la Direction de la Jeunesse et des Sports de Nouvelle-Calédonie, exprime son
sentiment sur la représentation des loisirs. Selon elle, le loisir n’est pas suffisamment valorisé, de
manière générale, en particulier au niveau des structures et de l’encadrement. Un meilleur soutien
des politiques, que ce soit pour les personnes valides ou invalides, est attendu dans ce domaine.
Le problème de l’information est aussi récurent, surtout le manque de communication au sein du
triangle Institutions / Associations / Handicapés, Familles ou proches de personnes handicapées.
Les centres de vacances et de loisirs doivent s’ouvrir davantage aux parents pour une meilleure
sensibilisation. Il faut un temps d’accueil préalable pour rassurer et informer les familles ou les
parents.
Il est proposé comme solution à cette situation d’envisager une amélioration des moyens humains,
au travers de la formation.
1.
Josette Fort, mère d’un enfant handicapé, APEH-NC (Association des Parents d’Enfants
Handicapés de Nouvelle Calédonie) pense qu’il y a suffisamment de centres de vacances et de
loisirs, mais trop peu de structures d’accueil en dehors des vacances scolaires. C’est au travers de
l’APEH-NC et grâce à la Fédération des œuvres laïques (FOL) qu’elle peut se tenir informer des
possibilités d’accueil.
Agnès El Menaouer (FOL) retrace un bref historique de l’accueil des enfants handicapés à la
Fédération des œuvres laïques depuis une dizaine d’années. Elle confirme l’existence de plusieurs
centres de vacances et de loisirs et de camps de vacances. Mais elle souligne les difficultés
rencontrées, surtout au niveau des moyens humains (formation et animateurs), et l’obligation
d’avoir recours au bénévolat. Elle précise les relations et le travail de partenariat nécessaire entre la
FOL, les organisateurs, les familles, etc.
Philippe Bocquet (Comité Régional de Nouvelle-Calédonie, Fédération Française de la Montagne
et de l’Escalade) informe que le comité régional est habilité à former des animateurs d’escalade, et
que l’accueil des personnes handicapées dans les clubs d’escalade est possible et souhaité. Il
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propose la formation des animateurs d’autres associations, ainsi que de toute personne qui le
souhaite (valide ou handicapée).
Il note par ailleurs que tous les clubs d’escalade sont normalement habilités à accueillir des
personnes handicapées.
Agnès El Menaouer signale qu’il faut tout de même au préalable une information/formation sur
l’approche des personnes handicapées. La FOL propose à ce titre une formation spécifique au
handicap pour les animateurs.
Marie Picard-Destelan (Chargée d’actions culturelles, Direction de la Culture, Province Sud)
annonce que la Direction de la Culture de la Province Sud a la possibilité de mettre en œuvre des
actions visant le public handicapé. Elle cite comme exemple le projet de mise en place du soustitrage pour malentendants des représentations de spectacles, ainsi que la prise en charge des
intervenants de théâtre et la distribution de tickets pour les spectacles. Elle informe qu’elle se tient à
disposition de toutes les associations et partenaires pour mettre en place des actions culturelles.
Gaëlle Rolland propose que soient mis en place des appels à projets pour les associations et de
créer un réseau d’information et des interlocuteurs potentiels.
Alexander Oesterlin se dit satisfait des possibilités de mettre en place des actions culturelles grâce
à l’engagement de la Direction de la Culture de la Province Sud. Mais il propose, suite au constat
du manque d’informations générales et des difficultés que peuvent rencontrer les familles
d’handicapés, d’enrichir le guide du handicap avec des informations pratiques et plus concrètes
Josette Fort exprime son souhait de rendre les activités existantes accessibles aux personnes
handicapées et de ne pas isoler des activités spécifiques pour handicapés, tout en précisant que cela
nécessite des moyens humains.
Marie Picard-Destelan, suite à une question soulevée par Daniel Legat (APEI), précise que les
compétences provinciales ne lui permettent pas de soutenir tous les projets, mais qu’elle peut
apporter un soutien logistique.
Adaptation des structures et transports
Daniel Legat précise que Pierre Fairbank, éducateur sportif de la Province Sud, intervient
régulièrement à l’APEI. Il souligne que le plateau sportif vétuste rend la pratique sportive difficile,
et que l’association souhaite le rénover.
2.
Grégory Tavergeux, handicapé, membre de l’ASH à La Foa, témoigne de la nécessité de bénéficier
d’installations sportives adaptées et sécurisées. Il encourage les parents d’enfants handicapés à
inscrire ces derniers dans des clubs sportifs, parce qu’il est témoin lui-même du bienfait des
pratiques sportives.
Alexander Oesterlin note que des installations sportives de proximité sont nécessaires pour offrir
des pratiques sportives régulières et non contraignantes pour les personnes handicapées.
Cependant, ces installations ne doivent pas faire l’économie d’un réseau de transport public adapté,
composé de tout un ensemble de solutions de transport en fonction des types de handicap.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Mademoiselle Malaval, mère d’un enfant handicapé, répond, suite à une question de Marianne
Devaux aux enfants handicapés présents dans la salle, que son enfant pratique le sport à l’école,
mais qu’il est extrêmement difficile d’envisager une pratique sportive ou culturelle en dehors du
cadre scolaire.
La question de l’accompagnement de son enfant lourdement handicapé est un véritable problème :
il est quasi inexistant si ce n’est les parents qui l’assurent. Le problème de transport est réel, et elle
témoigne des grandes difficultés qu’elle a rencontrées pour acquérir un véhicule adapté.
Le problème de l’information est encore soulevé lorsqu’elle précise ne pas avoir bénéficié de
l’exonération des taxes pour l’achat de son véhicule adapté.
Alexander Oesterlin fait remarquer que le texte de loi qui réglemente l’exonération des taxes sur
l’importation des biens conçus pour les personnes handicapées est obsolète et non cohérent.
Alexandre Cortot témoigne de sa pratique sportive : il fait de la sarbacane, du rugby fauteuil et du
handbike.
Grégory Tavergeux témoigne des différents problèmes qu’il rencontre, ou que les handicapés
peuvent rencontrer, pour se déplacer. Il précise la nécessité d’avoir du matériel adapté (véhicules,
pièces de rechange pour fauteuils parfois trop coûteuses).
Alexander Oesterlin informe les participants d’un projet de mise en place par la Ligue d’un
véhicule de transport adapté sur le Grand Nouméa, pour les licenciés FFH (Fédération Française
Handisport) et FFSA (Fédération Française de Sport Adapté). Suite à une question de Daniel Legat,
il encourage les associations à caractère social à s’affilier aux associations sportives pour proposer
des activités à leurs adhérents.
Philippe Bocquet exprime son point de vue sur le problème lié au transport : pour lui,
normalement, c’est la collectivité qui doit donner la possibilité d’accès à toutes les personnes.
Alexander Oesterlin rejoint ce point de vue en spécifiant que selon lui, les moyens de transport
associatifs doivent seulement venir en complément des dispositifs de transport public.
Certains transporteurs bénéficient déjà d’un véhicule adapté, d’autres souhaitent en acquérir, et il
convient de fédérer toutes ces énergies et initiatives afin de réaliser un projet ambitieux, réaliste et
harmonieux.
Alexander souligne qu’il est nécessaire d’envisager un réseau de transport qui dépasse le périmètre
de la commune, un axe de transport qui desserve l’ensemble du territoire, afin que tout le monde
puisse être libre de se déplacer.
Il précise que certaines communes, comme celle de Nouméa, manifestent la volonté d’améliorer
l’accessibilité des voies urbaines, mais que d’autres ne réagissent pas de la même manière.
Les problèmes liés aux transports sont complexes et doivent être résolus au cas par cas. Parfois
certaines structures sont accessibles, mais leur environnement peu ou pas praticable pour les
personnes handicapées moteur les transforme en lieu isolé (exemple du Foyer Reznik).
Josette Fort remarque que, mis de côté les problèmes de structure ou de transport, il existe en
Nouvelle-Calédonie un élan de générosité naturelle de la population. Plusieurs activités ou échanges
en témoignent, comme par exemple la sortie commune entre l’APEH-NC et l’ASH à Farino, qui fut
un moment de partage très convivial.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Daniel Legat envisage de mettre en place un réseau d’échanges entre associations de divers
secteurs et de diverses communes.
Changer le regard, développer la mixité entre valides et handicapés
Dans les derniers échanges de parole, il ressort qu’il est nécessaire d’envisager des activités
culturelles, sportives ou de loisirs prenant en compte la mixité (valides / invalides), car toutes les
expériences menées dans ce sens ont été un succès, que ce soit au niveau des rapports humains
comme au niveau de l’intégration et du dépassement de soi.
3.
La conclusion est qu’en ces domaines également, le regard sur le handicap doit changer.
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Atelier Vie, grande dépendance et dignité
Pilotes de l’atelier
Catherine Poëdi, Nadia Sigura et Olivier Thual
Organisation et déroulement de l’atelier
La salle où se déroule l’atelier est décorée avec des portraits d’enfants polyhandicapés.
Une vingtaine de participants sont présents : cinq hommes pour dix-sept femmes ; dix
professionnels pour sept « associatifs » dont trois parents d’enfants en situation de handicap moteur
et deux personnes venues par intérêt personnel pour le handicap.
Il parait important, en ouverture de cet atelier, de s’entendre sur la notion de Grande dépendance.
Catherine Poëdi donne donc quelques explications en insistant sur l’importance de rester dans ce
thème tout au long de l’atelier. La parole est ensuite prise de manière très libre et très riche par les
participants (voir partie III).
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
(Présentée par Catherine Poëdi en réunion plénière)
Les réflexions ont surtout tenté d’approfondir les trois notions contenues dans l’intitulé de notre
thème, à savoir «Vie, Grande Dépendance et Dignité ».
1. La notion de Grande dépendance
Il a d’abord été rappelé que la Grande Dépendance est une restriction très importante des capacités
de la personne tant sur le plan moteur que sur le plan sensoriel, psychique et intellectuel.
Immédiatement la réflexion a porté sur la question de la tierce personne pour pallier la situation de
Grande dépendance.
Or dans les commissions d’orientation, la notion de tierce personne est uniquement conçue comme
une aide financière, souvent dérisoire et toujours plafonnée.
Mais la notion de tierce personne doit aussi être perçue comme un véritable accompagnement
humain :
Il y a d’abord l’accompagnement humain de la famille et du cercle des proches. Ce sont les
premières tierces personnes et parfois, pendant longtemps, les seules. Or la famille doit être aidée et
relayée. Il faut donc mettre en place des dispositifs efficaces pour permettre ce relais. Mais il s’agit
aussi de permettre à la famille de ne jouer que son rôle de protectrice aimante, sans l’obliger à jouer
tous les autres rôles – qui sont pour les enfants valides également dévolus à des personnes
extérieures et professionnelles.
Par ailleurs, les familles ont besoin aussi d’être aidées pour apprendre à construire, avec leur enfant
lourdement handicapé, un projet de vie permettant à celui-ci d’accéder aux sorties, aux loisirs, à
l’école, à l’éducatif…
Il y a ensuite l’accompagnement exercé par des professionnels et intervenants extérieurs. Il a été
signalé dans l’atelier qu’il devrait y avoir des critères et des prérequis pour l’accès à la
professionnalisation autour de la Grande dépendance, tels que l’aptitude à l’observation et à
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
l’écoute, quelque soit le mode de communication utilisé par la personne handicapée, et la
connaissance de l’histoire de vie de cette personne.
La formation, par ailleurs, doit être continue. Elle doit pouvoir prendre des formes diverses et
souples allant du groupe de paroles et d’échanges à la mise en analyse théorique de la pratique
quotidienne. Cette formation continue est en outre indispensable pour prévenir les « phénomènes
d’usure » des professionnels et intervenants extérieurs.
En conclusion, il convient d’affirmer que d’une part la personne handicapée doit être au centre de
tout dispositif d’accompagnement et de projet, et que d’autre part ce dispositif doit se mettre en
place dans un partenariat étroit entre toutes les personnes concernées.
La notion de Dignité
Cette notion a été le fil conducteur de l’atelier, sa véritable ligne de force. Assez souvent au cours
des débats, cette notion est devenue synonyme de la notion du respect. Chacun a pu donner sa
définition du mot respect et s’il est apparu clairement qu’elle pouvait varier selon les personnes, les
cultures, les contextes, il a semblé surtout capital de pouvoir prendre en compte la notion de respect
que la personne en situation de lourd handicap a d’elle-même. Cela suppose donc, ainsi que nous
l’avons déjà signalé, que l’entourage sache observer, écouter et comprendre le sens que la personne
handicapée donne à ce mot et ce qu’elle attend que nous mettions en place en termes de moyens, de
gestes, de paroles pour se sentir respectée.
2.
Notre atelier a convenu également que la dignité de la personne handicapée existe dès que celle-ci
est reconnue en tant qu’être humain. Il faut que le regard que l’on porte sur elle, traduise cette
reconnaissance. C’est dans ce regard-là que la personne handicapée lira sa dignité ; il lui prouvera
qu’elle existe bel et bien en tant que personne, qu’elle n’est donc ni une chose, ni un numéro de
dossier, ni même un simple corps, mais une véritable individualité qui apporte au monde la richesse
de sa différence et de sa singularité. La personne lourdement handicapée a besoin pour être digne
qu’il lui soit fortement signifié qu’elle est aussi indispensable à la collectivité que n’importe quelle
autre personne.
La dignité et le respect de la personne handicapée passe aussi par sa liberté d’être et d’évoluer.
Cette reconnaissance de ce qui n’est, somme toute, qu’un droit fondamental, ne doit évidemment
pas rester formelle. Elle doit se traduire en actes et en mesures concrètes, aptes à favoriser tous les
actes de la vie quotidienne mais aussi l’accès à toutes formes d’inclusion.
Enfin le respect de la dignité, c’est aussi le pari que la collectivité est capable de faire sur les
potentialités de la personne et non sur ses limites. Des moyens sont donc à mettre en œuvre dès
l’annonce du handicap, moyens qui permettront d’optimiser les capacités de la personne et de la
mettre en situation d’acquisition de la forme d’autonomie maximale pouvant être atteinte par cette
personne.
3. La notion de vie
Concernant cette dernière notion, l’atelier s’est surtout posé la question du projet de vie. Il a été
affirmé d’abord que le premier droit de la personne handicapée est celui d’avoir non pas un projet
de vie, mais son projet de vie. Là encore cela suppose qu’elle soit au centre de ce projet et que
celui-ci soit établi avec elle. Même si nous ne savons pas toujours mesurer le degré de conscience
que la personne très dépendante a d’elle-même et l’aptitude qu’elle a à se projeter, il est
indispensable que cette personne soit perçue comme un être de pensées, de désirs et de besoins. Les
multiples signes, y compris les plus infimes et les plus déroutants, doivent donc être observés et
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interprétés pour aider à construire le projet de vie de la personne, pour comprendre ce qu’elle
souhaite, ce qui l’épanouit ou ce qui la blesse.
En conclusion, nous garderons la réflexion d’un des participants de notre atelier, qui nous a paru
pourvoir servir de repère éthique fort dans toute action d’accompagnement de la personne
dépendante : qu’est-ce qui lie toutes ces notions, qu’est-ce qui rattache entre eux la personne, les
intervenants, la collectivité, la famille ?… Ce sont les valeurs. Or les valeurs ne sont pas
immuables ; elles évoluent précisément au rythme de l’action et des besoins, même si ce sont elles
aussi qui orientent nos actions.
Par ailleurs les valeurs ne sont jamais un acquis dans une société. Il faut donc se battre pour les
conserver mais il faut aussi avoir le courage de les questionner et au final, de les adapter pour que,
sans cesse, elles viennent servir et faire grandir la part d’humanité qui est en chacun de nous.
Quelques paroles, réflexions, propositions
S’accorder sur les mots/maux
« La Grande Dépendance, c’est aussi les gens enfermés en eux-mêmes ou dans des structures. »
« Qu’est-ce que la Dignité ? Qu’est-ce que le projet de vie quand la personne ne peut pas parler
elle-même, ni exprimer ses besoins et ses désirs ? »
« Respecter la personne, c’est l’aider à être, à exister, la considérer vraiment comme une
personne »
« Respecter une personne, c’est lui reconnaître les mêmes droits et les mêmes besoins qu’aux
autres. »
« Le respect commence par l’écoute, l’observation. »
« Il y a un vrai travail à faire pour bien définir la maltraitance aux personnes dépendantes et
apprendre à l’éviter. »
« La personne doit être au centre de tout dispositif d’accompagnement. Il y a aussi un partenariat à
établir pour le bien de la personne entre tous les accompagnants ? Dans les faits, ce partenariat
n’existe pas et c’est la première maltraitance. »
« Comment faire pour que le respect ne soit pas qu’un mot, comment peut-on le traduire
concrètement ? Comment peut-on aller toujours vers la bientraitance et faire en sorte que la société
soit elle-même bientraitante à l’égard de la personne dépendante ? »
Reconnaître et se faire attentif à la personne
« Ne plus être debout et ne plus avoir ses capacités fait que l’on n’est plus vu de la même façon, en
tout cas plus tout à fait comme une personne. »
« Quand j’entends Grande dépendance, je vois une personne exposée devant tout le monde. Tout le
monde passe, regarde la personne ; elle est comme nue. Elle a perdu toute dignité. Les passants
doivent faire un vrai effort pour l’aider à se reconstruire en tant que personne. »
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« L’atteinte à la Dignité, c’est aussi l’intimité non respectée, les gestes trop intrusifs ou bâclés ou
encore répétitifs et mécaniques. »
« Comment faire pour que la personne ne soit pas qu’un corps exposé ? »
« Normalement dans les formations, on parle de respect et de dignité, mais l’accent est peut être
trop mis sur les techniques ; il faudrait des prérequis comme l’empathie, l’aptitude à l’écoute… et
puis beaucoup de formation continue… »
« En plus de l’écoute, ce qui est indispensable, c’est de bien connaître l’histoire de vie de la
personne, la connaissance d’avant, cela permet de mieux construire avec la personne ce qu’elle a
au plus profond, au plus intime d’elle-même. »
« Face à la Grande dépendance, on est dans l’écoute, mais aussi dans l’interprétation, la
projection. »
« Les espaces de paroles existent-ils pour les personnes dépendantes ? »
« Que sait-on du degré de conscience que la personne a d’elle-même ? »
« Il faut créer et maintenir à toute force des liens humains, prendre conscience de la personne et de
son individualité unique ; même si cette individualité ne peut être exprimée par cette personne ellemême, cela peut être fait par quelqu’un d’autre. »
« Je suis interpellée quand j’entends dire que les gens valides ne comprennent pas le handicap ; si,
moi je crois que je peux le comprendre sans pour autant me mettre à la place de la personne, mais
simplement pour la rencontrer, pour vivre avec elle un échange, un morceau d’aventure humaine. »
« Même si la personne n’exprime pas sa pensée, elle pense, c’est un être pensant. Cela doit être une
conviction inébranlable. »
« La personne ne doit pas être réduite à des limites supposées ; elle a la liberté d’être mais aussi
d’évoluer. Au-delà du handicap, il y a des potentialités, une vie. »
« La dignité d’exister, elle se lit d’abord dans le regard de l’autre. »
Place et accompagnement des familles
« Quand on dit « tierce personne » en commission, on réduit cela à une aide financière dérisoire,
mais les familles croient qu’il va s’agir d’une personne et ça ne fonctionne pas. »
« Dans les familles, le manque de respect est ressenti avec beaucoup de souffrance ; or les
Océaniens n’osent pas avouer leur souffrance. »
« Il faut apporter une vraie aide aux personnes handicapées et permettre aux familles de souffler :
la tierce personne est donc d’abord un relais humain. »
« Il y a un problème aussi lorsqu’il y a trop d’intervenants, trop d’intrusions dans la vie de la
personne handicapée, cela peut devenir une forme de maltraitance. »
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« La surprotection peut être mauvaise. Il faut veiller au contraire à être plutôt dans le registre de la
sur autonomie. »
« Il y a une grande différence entre naître handicapé et le devenir ; le travail de deuil pour la
famille, pour la personne semble plus difficile, car il y a une rupture très brutale ; même les
professionnels n’ont pas la même attitude à l’égard de ces deux formes de handicap. »
« Il faudrait des cellules d’accueil quand la rupture survient. »
« Les tierces personnes, telles les A.V.S. doivent pouvoir compter sur une sécurité de l’emploi, une
rémunération correcte et une stabilité, par exemple dans l’accompagnement d’un même enfant
plusieurs années. »
« Quand il y a handicap en milieu kanak, les médecins s’imaginent que la famille, la tribu peuvent
tout gérer ; ce n’est pas vrai ! »
Des valeurs qui relient
« Toute société a besoin de se requestionner sur ses valeurs ; les mentalités évoluent, or l’être
humain lorsqu’il a trouvé son équilibre veut le conserver, or c’est impossible, la vie c’est le
changement, le mouvement, la dynamique. »
« On parle de personnes, de société… Qu’est-ce qui les relie ? Ce sont les valeurs ! »
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Atelier Vie affective, familiale et sexuelle
Pilotes de l’atelier
Marion Bergeras et Anne-Sophie Pidancier
Déroulement et organisation de l’atelier
Une trentaine de personnes sont présentes.
Les échanges portent dans un premier temps sur la question de la sexualité des personnes en
situation de handicap et s'orientent ensuite sur le ressenti des familles.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
1. La sexualité
Les participants sont d'accord pour dire que toute personne en situation de handicap doit pouvoir
recevoir du plaisir sexuel et en donner, même si la question de la sexualité peut être taboue et
difficile à aborder par et pour tous, valides ou non.
Il ressort que cet aspect peut être facilité dans la mesure où le sujet est discuté suffisamment tôt
avec les jeunes en situation de handicap, voire par le biais d'une tierce personne.
2. La question de la famille
Il apparaît qu'un certain laps de temps, plus ou moins long selon les familles, s'écoule entre
l'annonce du handicap et l'acceptation de la situation par les familles, et que cette période reste
douloureuse dans la majorité des cas. En la matière, la formation continue des médecins semble être
un élément de réponse en ce qu'elle leur permettrait de mieux accompagner les familles dans cette
étape difficile.
Les participants insistent également sur l'importance du soutien de la famille pour faire face aux
difficultés rencontrées et pour parvenir à se construire moral et force, pour s'ouvrir à une vie
« normale », pour réussir à trouver un état d'esprit « cool et décontracté ».
L'une des difficultés principales abordée par les personnes présentes concerne l'organisation
familiale qui se met en place autour de l'enfant en situation de handicap (frères, sœurs, parents,
etc.), organisation qui semble avoir du mal à évoluer et à changer alors que l'enfant, lui, grandit.
Certains jeunes en situation de handicap pointent une surprotection étouffante de la part des
familles. Pour illustrer ce propos, la métaphore du papillon qui doit se débattre pour sortir de son
cocon, développant ainsi les muscles nécessaires pour son envol, est apportée.
La cellule familiale est ressentie parfois comme handicapée autour de la personne handicapée.
Le cas très spécifique des malades mentaux (schizophrènes en particulier) est également pointé dans
la mesure où ceux-ci sont face à une réelle difficulté pour lutter moralement, n'ayant pas l'acuité
suffisante pour s'extraire de leur handicap.
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Il semble donc nécessaire que soit mis en place un accompagnement psychologique de la famille,
quels que soient l'âge de la personne en situation de handicap, la cause et le type de son handicap ;
les personnes ayant soulevé la question sont des familles de jeunes en situation de handicap de type
mental, ou faisant suite à un accident, ou encore en raison d'une insulinodépendance.
Par ailleurs, le besoin d'un lieu unique et clairement identifié se fait jour, ce lieu permettant aux
familles de se renseigner sur les aides existantes et d'obtenir des informations sur les ressources
possibles.
À ce sujet, l'importance du relais des associations est mise en exergue.
Principales propositions
Des propositions sont finalement formulées, telle que :
1.
L’idée de mettre en place une émission régulière dans les médias, destinée d'une part à la
libre parole des personnes en situation de handicap (radio) et, d'autre part, à la
sensibilisation du grand public sur ce que la personne handicapée est capable de faire, plutôt
que l'inverse (via la télévision).
2.
Selon la même idée, il paraît nécessaire de parler du handicap aux plus jeunes, dans les
écoles et les collèges, afin de rompre avec les situations d'exclusion et le regard d'étrangeté ;
à cette fin, les programmes d'éducation civique du Vice-Rectorat et de la Direction de
l'enseignement pourraient faire mention de cet aspect.
3.
Enfin, l'envie est exprimée de voir se dérouler une grande marche dans la ville, réunissant
les personnes en situation de handicap, leurs familles et les personnes se sentant concernées
afin de se faire entendre.
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Forum province des Îles Loyauté
Collège de Wé, Lifou
6 octobre 2007
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ENCLAVEMENT, COUTUME ET AUDACE POUR UN FORUM MOBILISATEUR
Le forum de la Province des Iles Loyauté s’est tenu le 6 octobre 2007 au collège de Wé, Lifou. Bien
que logistiquement complexe à organiser, avec la nécessité de mobiliser et déplacer vers Lifou des
acteurs des autres îles, particulièrement Ouvéa et Maré, la participation a été forte, avec une parole
puissante de la part des personnes en situation de handicap, mais également une implication
institutionnelle et de la société civile, avec la présence entre autres du Président de la Province des
Îles, Hneko Hnepeune, et du Président du MEDEF, Jean-Yves Bouvier, qui n’avait pu participer aux
deux précédents forums provinciaux.
La dimension de l’approche culturelle du handicap a été très présente tout au long des débats, plus
que lors des deux précédents forums. Il a été beaucoup question de l’effort à accomplir de la part
notamment des professionnels dans la communication et l’information en direction des personnes
handicapées et de leurs familles, en tenant compte notamment des écarts culturels et linguistiques.
Le poids des regards et des préjugés envers la personne handicapée et la stigmatisation ressentie par
elle-même et sa famille a également été régulièrement évoqué. Dans le même temps, l’importance
des liens et des solidarités communautaires a été soulignée, avec au final une conviction partagée :
des progrès en matière de prise en compte du handicap ne pourront être accomplis aux Loyauté qu’à
la condition de pouvoir compter sur l’implication forte des autorités coutumières et de l’ensemble
du tissu coutumier.
Les difficultés inhérentes à l’éloignement géographique, et une insularité aggravée par les
problèmes récurrents de transports aériens et maritimes, ainsi que le coût de ce transport entre la
Grande Terre et l’archipel loyaltien ont également été des thèmes récurrents. La nécessité de
désenclaver les Loyauté, et de faciliter l’accès aux services et aux structures se trouvant pour la
plupart sur Nouméa a été abordée à maintes reprises.
Paradoxalement enfin, alors que la problématique de la coutume, de ses éventuels tabous, aura été
très présente lors de ce forum, il a aussi été celui où des thèmes difficiles tels que la sexualité ou
même l’euthanasie auront été débattus avec une très grande liberté de parole.
Ce forum enfin aura fait surgir de manière très explicite les interactions très serrées entre l’état
d’équilibre ou de déséquilibre d’une société et les réponses qu’elle apporte ou pas aux plus fragiles
de ses membres.
Les bouleversements que vit la société kanak notamment ont à plusieurs reprises été avancés
comme un facteur aggravant, rendant plus difficile encore la mobilisation de toute la communauté
pour apporter aux personnes en situation de handicap toute la considération et toute l’autonomie qui
leur sont dues.
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Atelier Santé, éthique et déontologie
Pilotes de l’atelier
Jean-Marc Desvals ?????????
Déroulement et organisation de l’atelier
Sont présents une vingtaine de participants, avec une bonne représentativité des Iles Loyauté (Maré,
Ouvéa, Lifou) ; professionnels et familles concernées par le handicap sont également présents.
Comme pour les deux précédents forums, le débat est lancé autour de la question de l’annonce du
handicap.
Les témoignages / le débat
Louis mentionne son handicap (malvoyant depuis une agression en 1988), ainsi que la situation de
son neveu tétraplégique. Prendre en charge celui-ci prend beaucoup de temps, monopolise toute la
famille. Pour lui, ce sont les personnes qui prennent en charge la personne handicapée qui souffrent
le plus.
JM (s’agit-il de Jean-Marc Desvals ? Préciser pour mettre le prénom en toutes lettres) - Il ne faut
pourtant pas oublier la souffrance (physique et psychique) de la personne handicapée.
1. Communication avec les professionnels de santé et prise en compte
de la dimension culturelle
Louis - Le personnel hospitalier n’est vraiment pas coopératif avec les malades ; Louis précise
néanmoins qu’il parle des années 1990, la situation serait en amélioration actuellement.
Christine, médecin à Maré, a pu constater le mécontentement d’un certain nombre de patients suite
à un passage à l’hôpital. Ce qui les pousse à se tourner vers le dispensaire : manque d’information,
de communication à l’hôpital. Cela peut être en lien avec un trait « culturel » de personnes qui ont
parfois tendance à acquiescer « poliment » plutôt que de mettre en avant un problème de
compréhension. Demander au patient de reformuler est alors un moyen de s’assurer que le message
a bien été compris.
Albert (travail à Lifou au dispensaire) - Dans les dispensaires, le médecin peut faire appel à du
personnel local, ce qui facilite la compréhension.
Il estime qu’il est de la responsabilité du médecin de s’assurer que le message a été bien compris, il
doit s’en donner les moyens, quitte à se faire aider ; il note qu’il y a des risques sanitaires en outre,
liés à une mauvaise compréhension, notamment en ce qui concerne la prise des médicaments.
JM - La difficulté dans les hôpitaux, c’est que les patients ne sont pas toujours appelés justement
Il note également que les personnes lourdement handicapées sont souvent prisent en charge dans
des établissements sur Nouméa, ce qui est en plus source de déracinement.
Un kinésithérapeute, travaillant à Maré, évoque une expérience faite au CHS en service de
pédiatrie, où un dictionnaire spécifique à été imaginé pour faciliter l’échange
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Un participant, Mélanésien, dénonce l’administration de traitement sans un diagnostic préalable…
selon lui, il y aurait un discrédit sur la médecine « européenne » dans certains milieux.
2. Quel accueil et quelle prise en charge dans un contexte insulaire particulier ?
Jacques relate l’hospitalisation de sa femme pendant trois mois sur Nouméa et leurs difficultés
pour trouver un lieu d’accueil adapté.
Wamo se demande quelles sont les structures qui accueillent les handicapés sur Nouméa, et pose la
question de places réservées pour la province des Iles Loyauté.
Christine met en avant que ce sont la plupart du temps les familles qui s’impliquent pour prendre
en charge un de leur membre handicapé. Elle donne l’exemple de ce garçon qui fait une formation
d’auxiliaire de vie pour prendre en charge un membre de sa famille handicapé.
Elle estime que les familles sont isolées, et peu de personnes viennent soulager les accompagnants.
Geneviève (Maré) - Les personnes handicapées sont peu visibles, en grande souffrance et bien
souvent ne viennent pas au dispensaire (pour des problèmes de transport entre autres).
3. Quelles prises en charges pour les troubles psychiatriques aux Îles Loyauté ?
JM oriente le débat sur la gestion des troubles psychiatriques dans les Iles.
Albert - Les soignants sont en lien avec le CHS, mais les choses ne sont pas toujours expliquées au
patient.
L’insuffisance des moyens en termes de personnel conduit par ailleurs à privilégier les soins plus
« ordinaires », les priorités sont souvent l’urgence, donc il n’y a pas ou peu de prévention.
Christine - En ce qui concerne les troubles « chroniques », le suivi est souvent fait par l’infirmier à
l’occasion de l’injection de neuroleptiques.
Pour ce qui est des troubles aigus, le manque de temps conduit souvent le généraliste à décider
d’une orientation sur Nouméa. Le manque de personnel se fait sentir (un seul infirmier au
dispensaire à partir de 16h30). La famille est souvent facilitante, prête à accompagner la personne
qui va mal sur Nouméa si besoin.
Vincent (Ouvéa) constate un turn-over important, ainsi qu’un manque flagrant de personnel.
Dominique met en avant un gros problème de manque de moyens pour soutenir les familles. Les
soignants manquent de temps.
JM note qu’il s’agit là d’un point visiblement spécifique aux Iles, qui n’est pas ressorti lors des
deux autres forums.
Christine - Il y a une forte préoccupation communautaire, donc les actes de la vie quotidienne sont
gérés par la famille, mais cela devient plus difficile dès qu’il s’agit de prise en charge plus
spécialisée, ce qui explique que les formations d’auxiliaire de vie soient souvent demandées pour
aider un membre de la famille.
Plus tard, elle fait remarquer qu’il y a un fort manque de personnes formées dans les Iles.
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JM - Il semblerait qu’on constate une disparité entre les trois provinces quant au contenu de
l’intervention des auxiliaires de vie sociale/scolaire. Dans le Sud, elles concernent plutôt le scolaire,
alors que dans le Nord elles interviennent aussi au domicile.
Représentation du handicap et solidarité communautaire
JM - Il y a souvent une méconnaissance de ce qu’est le handicap et des besoins des personnes
concernées à proximité.
4.
Christine a pu constater une différence dans la perception du handicap, selon qu’il s’agisse d’un
handicap de naissance, ou acquis. Les personnes devenues handicapées au cours d’accident de la
vie sont souvent mieux intégrées et mènent une vie normale, ce qui n’est généralement pas le cas
pour les handicaps congénitaux.
Dominique - Il y a une solidarité plus importante en tribu, mais qui n’est néanmoins pas suffisante.
Albert constate lui l’isolement grandissant des personnes âgées.
JM donne l‘exemple d’une personne âgée devenue aveugle ; lorsque l’AVH a suggéré de planter
quelques poteaux reliés avec une corde entre son domicile et le reste de la tribu afin de faciliter ses
déplacements, les jeunes de la tribu ont réclamé de l’argent pour le faire… Se pose ainsi le
problème de la marchandisation de la solidarité lorsque le handicap devient source de revenus (Cf.
problème du « détournement » de l’allocation de compensation qui peut être redistribuée à la tribu).
Jacques revient sur l’exemple des jeunes qui voulaient être payés pour installer les poteaux : c’est
parce que la demande, estime-t-il, venait de l’association et pas d’une réflexion interne à la tribu. Il
faudrait que les instances coutumières se saisissent et réfléchissent à la question du handicap pour
que les tribus se l’approprient. La société kanak est bouleversée, aux prises avec les évolutions du
mode de vie et une distanciation progressive avec les valeurs traditionnelles de la communauté. Il
manque une politique par rapport au handicap sur les Iles, il y a un manque d’organisation, tout est
mélangé ; c’est un problème de moyens, d’organisation, de structuration…
JM - La question du handicap révèle les problèmes de la société ordinaire, mais de façon
exacerbée.
Vincent - Dans les tribus, il y a souvent une personne qui est désignée pour s’occuper de celle qui
est handicapée, sans relais… Or cette personne n’est pas formée et pas toujours volontaire (pression
de la tribu), ce qui conduit à une usure. On assiste à une perte progressive de la solidarité tribale,
une prise de conscience s’impose pour s’occuper correctement des handicapés.
Un infirmier du dispensaire note qu’il voit beaucoup de jeunes (25 – 30 ans) qui se retrouvent en
charge de leurs grands-parents par exemple et qui doivent l’assumer au quotidien en mettant leur
propre vie entre parenthèse.
Christine exprime un point de vigilance : attention à ne pas remettre en question le fonctionnement
tribal.
JM – Il n’est pas question de cela, on rejoint ce que disait Louis au début de l’atelier, au sujet de la
souffrance des familles et des aidants.
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Jacques - J’espère que le forum d’aujourd’hui poussera les instances coutumières à se mobiliser et
à s’emparer de la question du handicap et de la solidarité.
Infrastructures, transports, matériels adaptés
Maël - La personne handicapée n’est souvent pas entendue, son point de vue n’est pas/peu pris en
compte. Les infrastructures ne sont pas adaptées aux personnes à mobilité réduite ou en fauteuil.
Pourquoi ne pas créer un établissement comme la SCORH à Lifou et former du personnel local ?
5.
JM - Dans le Nord, les VSL sont utilisés pour aller faire des soins sur Nouméa, mais ce système ne
marche pas pour les essais de matériel adapté… Comment cela se passe-t-il dans les Iles ?
Il lui est répondu que la famille réquisitionne/réserve une place dans l’avion (l’assurance maladie
fait l’avance du prix du billet).
Attention, réagit un participant, qui estime que le problème du handicap ne justifie pas un traitement
de faveur ou particulier ! Il n’y a pas de raison qu’une personne handicapée paye moins cher
(hormis pour un déplacement pour des soins bien sûr) un déplacement pour du loisir ou des
vacances.
JM fait remarquer que dans le même temps, ces personnes ont des problèmes d’insertion, des
revenus faibles… On peut donc attendre de la société qu’elle fasse preuve de solidarité.
La question de l’euthanasie
Maël aborde la question de l’euthanasie : si je refais un jour une 2ème attaque cérébrale, est-il
possible que je demande à ne pas être réanimé ?
6.
Christine - Il n’existe pas de cadre juridique, mais il s’agit d’un véritable sujet de société (Cf.
actualité française récente).
Vincent - Le rôle du médecin est de soigner, ce n’est donc pas à lui de donner la mort.
Il donne l’exemple d’une pathologie paralysante qui ne permet à la personne atteinte de ne bouger
que les yeux ; selon une étude, au bout d’un an, 80% de ceux qui en souffrent souhaitent mourir ; au
bout de dix ans, on observe une chute sensible de ce pourcentage, car le temps leur a permis de se
raccrocher à la vie.
Maël mentionne son parcours, qui l’a poussé à partir étudier en Nouvelle-Zélande, car son état ne
lui permettait pas de le faire en Nouvelle-Calédonie, où cette poursuite d’études s’avérait plus
difficile ici.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
La question de la prise en compte de la dimension culturelle, qu’il s’agisse de la communication
avec les personnes handicapées et leur entourage, des représentations du handicap et de son accueil
en milieu tribal, a suscité de nombreux échanges.
Plus que sur la Grande terre, la prise en compte de cette dimension est considérée comme très
importante.
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Par ailleurs toutes les difficultés liées à l’éloignement de Nouméa, et à la situation de l’archipel des
Loyauté en matière de transports notamment, ont également été un thème récurrent.
Il est à noter également que c’est le seul moment où la question de l’euthanasie a été explicitement
posée, ce qui a rendu manifeste la dimension de souffrance vécue par les personnes atteintes d’un
handicap.
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Atelier Vie citoyenne, vie autonome
Pilotes de l’atelier
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Déroulement et organisation de l’atelier
Une trentaine de personnes ont participé à cet atelier qui s’est déroulé dans une salle de classe du
collège de Wé. Comme pour les précédents forums, chacun a été invité à se présenter d’abord et un
brainstorming a ensuite été proposé autour des trois notions-clés de l’atelier :
citoyenneté – autonomie – handicap.
Quatre grandes thématiques ont émergé de ces premiers échanges :
- les droits des personnes handicapées et leur légitimité ;
- les différents besoins liés à la dépendance ou plus largement les besoins de la vie
quotidienne ;
- les relations humaines et sociales nécessaires à l’équilibre de chacun ;
- la dimension culturelle et l’approche du handicap en rapport avec la coutume.
Ces thèmes ont tous été abordés au cours de l’atelier, mais souvent de façon dispersée en fonction
des sujets que les participants souhaitaient aborder en priorité.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
Une question politique
S’est posée tout au long de l’atelier la question des droits des personnes handicapées, un participant
demandant pourquoi les personnes handicapées en Nouvelle-Calédonie ne bénéficient pas des
mêmes droits qu’en Métropole.
1.
La question de « l’identité » du citoyen handicapé a également été posée, sachant qu’il n’est nulle
part question du handicap dans l’Accord de Nouméa ou la loi organique de 1999.
La question du handicap est ainsi apparue comme une question politique, puisqu’elle engage la
pleine appartenance à la cité d’une catégorie de citoyens.
2. Egalité, solidarité, accompagnement
Le problème des inégalités de traitement entre les ressortissants des trois provinces a été soulevé.
En province des Iles, une inégalité de traitement des citoyens est également ressentie entre les îles :
un participant de Maré s’interroge sur les différences de traitement entre Lifou et Maré et demande
si les habitants de Maré sont considérés comme des citoyens de seconde zone.
Les représentants de la province qui participaient à l’atelier répondent sur ce point que la province a
à cœur de traiter de sur un pied d’égalité les habitants des quatre îles (Ouvéa, Lifou, Tiga, Maré),
mais que l’application de nombreuses mesures nécessite une collaboration avec un partenaire
associatif solide.
Le souci de voir reconnaître véritablement le désavantage lié au handicap s’est exprimé. Les
allocations handicap sont totalement dérisoires et ne permettent pas de vivre. De plus, cette
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allocation est très facilement perdue : sous prétexte qu’on a un petit contrat de travail, parce que le
conjoint est salarié ou retraité, etc.
On continue ainsi à faire peser la prise en charge du handicap sur la famille, en privant la personne
handicapée de son droit à l’autonomie, de son droit à bénéficier de ressources personnelles.
Il faut donc passer d’une logique d’assistance, qui alloue une allocation de subsistance dérisoire, à
une logique de compensation des désavantages liés au handicap, fondement d’une égalité vraie
entre les citoyens handicapés et les valides. Il paraît indispensable de revaloriser l’AAH.
En ce qui concerne les besoins quotidiens fondamentaux, certains sont criants :
- Le besoin d’aides à domicile car la prise ne charge, parfois très lourde repose sur les seules
familles, débouchant parfois sur des situations très difficiles : exemple d’une dame ellemême handicapée, amenée à s’occuper seule de sa mère très dépendante.
- Les besoins en termes de socialisation : on assiste à des situations de grand isolement, les
personnes restant cloîtrées chez elles (personnes âgées et/ou handicapées).
- Nécessité de faciliter l’accès au transport, au logement, à la scolarisation.
L’accès à des ressources personnelles, l’accès au logement sont réaffirmés comme des droits. Il ne
s’agit certainement pas d’assistanat comme certains le prétendent.
Ces ressources sont un droit, mais aussi une manière d’exister socialement, de se construire, d’avoir
sa vie à soi sans être obligé de toujours dépendre des autres.
Une jeune fille handicapée qui participe à l’atelier et a fait une demande de logement explique
qu’elle aimerait avoir sa propre maison pour pouvoir la balayer et la nettoyer elle-même.
Il s’agit d’éléments essentiels qui renvoient au besoin d’être reconnu comme une personne à part
entière, adulte, responsable, libre de ses choix.
Il faut également travailler sur les attributions de taux qui ne rendent pas toujours compte de la
réalité du handicap ou ne prennent pas suffisamment en compte le contexte de vie, l’environnement
participe de la situation de handicap (guide-barème vs propositions plus récentes de l’OMS).
Il est cependant important de privilégier une approche personnalisée des besoins de la personne
handicapée, de l’aider à se connaître, à valoriser ses potentialités, à réaliser ses projets, plutôt que
d’attribuer une aide standardisée qui ne prend pas en compte la réalité de chacun.
3. Représentation du handicap et protection de la personne handicapée
Les associations ont à faire un important travail sur la représentation que les familles ont de leur
responsabilité à l’égard de la personne handicapée. Certaines ont honte de demander de l’aide,
pensent qu’elles doivent affronter seules le handicap et ont peur qu’on les juge négativement si elles
décident de placer la personne handicapée dans une structure. Or le placement en structure peut être
une bonne chose pour la personne handicapée comme pour sa famille, qui ne peut pas toujours faire
face efficacement à des situations de handicap lourd.
Les associations doivent également « dédiaboliser » le handicap, faire tomber les tabous, afin que
les familles sortent de l’isolement. La question de savoir si le handicap est tabou s’est à nouveau
posée lors de cet atelier. Deux interprétations des phénomènes de replis se dessinent : ils peuvent
être liés au sentiment d’une faute dont on doit supporter les conséquences et dont on a honte, ou être
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
davantage lié à la gêne d’avoir à demander de l’aide, y compris aux institutions qui normalement
sont là pour ça.
Il faut en tout cas mettre l’accent sur les droits propres de la personne handicapée, sur sa légitimité
en tant que personne, et donc informer, sensibiliser afin de modifier ces relations qui amènent à
vivre le handicap comme un poids ou une fatalité.
Dans cette perspective, il est important de se recentrer sur les droits de la personne handicapée ellemême, afin de pouvoir la protéger le cas échéant si les choix de la famille semblent aller contre son
intérêt, lorsqu’un entourage artificiel tente de profiter de sa vulnérabilité – et éventuellement de la
protéger contre elle-même (exemple de personnes qui sont amenées à « distribuer » leur maigre
allocation à un entourage peu scrupuleux).
Principales propositions
1.
La définition et la mise en œuvre d’un cadre légal uniformisé, à l’échelle de la NouvelleCalédonie, apparaît comme une nécessité, couplé à une « caisse de solidarité » territoriale
qui permettrait de ne plus faire peser sur les seules provinces – dont les ressources sont
inégales - l’aide en faveur des personnes handicapées. Il semble en tout cas essentiel de se
penser en Pays, pour garantir les mêmes droits à toutes les personnes handicapées de
Nouvelle-Calédonie.
2.
Parmi les besoins propres aux résidents de la province des îles, figure une meilleure
coordination entre les provinces, qui faciliterait l’accueil des Loyaltiens lorsqu’ils doivent se
rendre à Nouméa par exemple. Proposition : créer une structure d’accueil temporaire à
Nouméa, qui prévoie l’accompagnement des personnes handicapées des îles lorsqu’elles
doivent recevoir des soins ou autre.
3.
Il est également rappelé la nécessité d’impliquer les autorités coutumières dans les différents
projets et d’affirmer la responsabilité de chacun quant au respect de la dignité des personnes
handicapées.
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Atelier Vie professionnelle
Pilotes de l’atelier
Monique Villisseck ?????????????????????????
Déroulement et organisation de l’atelier
Nous pourrions résumer notre atelier vie professionnelle par une grande dignité dans les prises de
paroles, qui reflètent une immense demande et il faut bien le dire, parfois un grand désarroi.
Les témoignages / le débat
1. Les interventions institutionnelles
Jean-Yves Bouvier, président du MEDEF
Jean-Yves Bouvier, président du MEDEF et patron de CFP qui emploie 50 personnes dont 2
handicapés, qui n’avait pu intervenir lors des forums Nord et Sud, était présent à Lifou. Après avoir
présenté en quelques chiffres la situation du travail en Nouvelle-Calédonie, il a abordé la
problématique de l’emploi des personnes handicapées dans les entreprises.
Les salariés en Nouvelle-Calédonie représentent environ 90 000 personnes, réparties entre la
fonction publique et le secteur privé.
83% des entreprises sont unipersonnelles.
Le territoire compte par ailleurs 5 300 employeurs qui dirigent :
- 600 entreprises de plus de 9 salariés ;
- 150 entreprises de plus de 50 salariés.
Pour aller vers des solutions en matière d’emploi des personnes handicapées, Jean-Yves Bouvier
estime qu’il faudrait connaître les chiffres concernant le handicap par un recensement.
Il estime qu’il convient d’être prudent quand on dit que les entreprises « ne jouent pas le jeu ».
D’un côté, l’employeur raisonne sur des notions d’efficacité et de rentabilité.
De l’autre, la personne handicapée aspire à sa reconnaissance dans la normalité d’un emploi.
Toute une problématique d’information et de formation se pose alors pour que ces deux points de
vue puissent s’harmoniser.
Neko Hnepeune, président de la Province des Îles Loyauté
Le président de la Province des Îles précise dans son intervention que les collectivités sont
pourvoyeuses d’emploi pour les personnes handicapées. Elles sont une quarantaine selon lui à être
employées.
Il note par ailleurs que des plans ponctuels, type JSD, sont mis en place avec ces personnes, même
si ces emplois sont souvent de courte durée.
2. Les témoignages
Témoignage d’un agriculteur de Maré qui emploie son neveu, souffrant d’une déficience
intellectuelle, et qui pose le problème du montant des cotisations sociales.
Témoignage d’un monsieur titulaire d’une carte d’invalidité de 70% qui a perdu son travail à la
suite d’un accident de la route. Il ne peut plus retrouver de travail. Il aimerait qu’une assistante
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
sociale par exemple soit le relais de ses difficultés. « Ici, précise-t-il, il manque un centre d’accueil
et d’informations »
Témoignage très émouvant d’un pasteur également handicapé : « Quand on a des enfants avec des
problèmes de vie c’est dur… Je suis tombé, il y a sept ans, j’ai une aide mais c’est trop peu. (…) La
Province des Iles ce n’est pas la Province Sud. A Maré c’est difficile. (…) Je n’ai rien, mais
heureusement je suis marié avec une fille de Lifou. Pour moi le plus dur, c’est la locomotion, je suis
toujours chez moi, je ne vois rien. Quand je demande quelque chose, que je fais part de mes
difficultés, on me répond "va te casser" (…) Nous manquons de conseils, de moyens de transport et
puis il ne faut pas qu’on nous traite comme ça. »
Intervention en fin d’atelier de Monsieur Ismael (préciser qui il est), qui a fait part du projet
d’ouverture d’un Établissement Provincial de l’Emploi, de la Formation et de l’Insertions
Professionnelle à Wé avec des antennes à Maré et Ouvéa.
Ce centre, dont la première pierre doit être posée le 24 octobre 2007, sera financé par l’Europe.
Dans ses salles, seront dispensés des formations, des remises à niveau, des découvertes de métiers.
Ce centre pourra également évoluer et accueillir des gens porteurs de handicap, car il est accessible
à tous. Un handicapé physique est déjà inscrit, mais l’accueil des personnes déficientes
intellectuelles n’est pas prévu à ce jour.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
1.
Aujourd’hui on voit apparaître la prise en charge par la CAFAT de la grande dépendance et
du quatrième âge, ce qui traduit une évolution positive.
2.
L’enclavement est l’un des problèmes majeurs des îles loyautés. La plupart des entreprises
sont unipersonnelles ce qui laisse peu de place à l’emploi des personnes handicapées.
3.
Une des solutions possibles serait l’aide aux microprojets en liaison avec les capacités et le
besoin. Mais reste le problème de la formation. Les différentes problématiques
entraîneraient une gestion des dossiers au cas par cas ainsi les personnes pourraient rester
sur leur île, dans leur environnement familial.
4.
D’autre part, un accompagnement efficace permettrait de trouver une position sociale à la
personne handicapée.
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Atelier Culture, sport et loisirs
Pilotes de l’atelier
Alexander Oesterlin ????????
Les témoignages / le débat
1. Définition
Jean Roine (AVH) souhaite connaître la définition du terme « culture » dans notre atelier.
Raymond Ujicas en charge de la culture et des loisirs à la direction de l'enseignement des îles
Loyauté, précise que dans le monde mélanésien le mot « culture » définit la culture traditionnelle et
non les activités culturelles.
Alexander Oesterlin confirme que le mot « culture » a un sens large, mais qu'il faut dans cet atelier
se concentrer sur les aspects culturels du sport et des loisirs et les activités culturelles pour ne pas
déborder sur d'autres ateliers.
2. Témoignages
Afin d’amorcer le débat, Alexandre interroge Françoise Gope-Iwate (AVS d'un enfant autiste) pour
savoir quelles sont les difficultés éventuelles rencontrées au quotidien pour intégrer l'enfant et ce
qu’il en est concernant sa pratique sportive et ses loisirs.
Françoise Gope-Iwate fait part de ses difficultés pour intégrer cet enfant, car il vie dans son monde
à lui. Elle cherche quel sport pourrait lui plaire, mais rien n’est simple. À part la cellule familiale et
l'école, cet enfant ne rencontre pas d'autre gens. AVS sans expérience, elle fait de son mieux sur le
terrain pour trouver des solutions, mais ce n'est pas facile.
Alexander Oesterlin fait part de l'expérience d'un jeune autiste qui pratique la Natation Sport
Adapté et qui a très bien réussi sur le plan de l'intégration sociale, mais aussi sur le plan purement
sportif, puisqu’il est en équipe de France Natation Sport Adapté. L'intégration est donc tout à fait
possible, mais dépend de la gravité du trouble autistique. C'est peut être plus le contexte qu'il faut
prendre en compte que la discipline. Ce jeune semble avoir un contexte familial favorable et avec
beaucoup de travail et de sérieux, il lui a été possible de réussir.
Thierry Cibone, animateur sportif du Club Handisport et Sport Adapté de Lifou, intervient et
propose, lors d'un de ses déplacements, de venir voir cet enfant pour évaluer s’il peut pratiquer un
sport dans le cadre du Handisport. Ne connaissant pas l'autisme, il s'interroge sur ce type de
handicap et suppose qu'il s'agit d'un handicap auditif et intellectuel. Il dit qu'il et possible de faire
quelque chose pour lui.
Agnés El Menaouer donne des explications concernant la différence entre un enfant autiste et un
déficient intellectuel, car ce n'est pas le même type de handicap, et l'intégration ou l'évolution dans
une discipline sportive n'est pas la même.
3. Accessibilité, transports, matériels, aides financières : état des lieux
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Thierry Cibone explique que la salle omnisports n'est pas adaptée pour des fauteuils roulants et
que les toilettes ne sont pas aux normes ; l'accès est également difficile pour les personnes qui on du
mal à marcher.
Il n'y à par ailleurs pas de transport adapté, il utilise donc son véhicule personnel pour que certain
jeunes puissent pratiquer du sport.
Malgré ces difficultés, les jeunes sont motivés et il y a du potentiel aux Îles.
Georges Bowen (Club Handisport et Sport Adapté de Lifou) - Nous n'avons pas d'aide par les
institutions pour les déplacements inter Îles ou sur la Grande Terre et les billets sont chers.
Thierry Cibone confirme que la Province des Îles apporte des aides, mais celles-ci sont
insuffisantes. Il conviendrait de mettre en place un tarif réduit pour les personnes handicapées dans
le cadre des déplacements sportifs. Ce n’est pas en effet avec une aide de 12 000 XPF que les
personnes peuvent subvenir à leurs besoins.
Il note que parfois il n’est possible de déplacer que douze personnes sur Nouméa, alors que
beaucoup d’autres aimeraient s’y rendre.
Il informe du fait qu’il est dans les projets, avec la Ligue handisports, de répertorier les personnes
en situation de handicap sur les l'Îles.
Alexander Oesterlin note que le transport est une problématique récurrente et qu'il faut peut-être
envisager le développement d’activités de proximité pour permettre une pratique sportive et de
loisirs régulière.
Il note également qu’il conviendrait, pour disposer de transports adaptés ou adapter les transports
existants, de créer des partenariats avec les transporteurs.
Il propose de travailler déjà au niveau de chaque île à une approche globale en matière de
développement du sport, des rencontres sportives et des échanges culturels.
Franck Licha demande si les problèmes de transports sont l'unique problématique rencontrée aux
Îles ou s’il y a d’autres barrières qui empêchent la pratique sportive ou les activités culturelles pour
les personnes handicapées.
Il s'interroge sur les possibilités d'activités pour les enfants.
Il considère également que, vu les problèmes de transports, les activités de proximité peuvent être
une bonne solution pour commencer.
Ernest Oine (habitant d'Ouvéa) note qu’ils ont fait des démarches, frappé à beaucoup de portes
pour la pratique du Handisport et pour trouver des solutions, mais rien ne bouge. C’est contre les
élus que nous sommes en colère, précise-t-il, pas contre les associations qui essaient de faire
quelque chose.
Il y a de la demande de la jeunesse handicapée pour faire du sport, poursuit-il.
Larry Kauma Martin (Service jeunesse et sports de la Province des Îles) - Le service des sports
tente de mettre en place des stratégies pour que le public handicapé ait la possibilité de pratiquer du
sport dans de bonne condition. Sur le papier on trouve des solutions, mais sur le terrain c'est tout
autre chose. Les Îles sont très grandes, et espacées entre elles ; faire profiter tous le monde d'une
activité sportive est très difficile. Par exemple pour deux heures d'activité et pour quatorze
personnes, avec les moyens de transports dont on dispose « à la débrouille », il a fallu huit heures de
déplacement.
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C'est difficile aussi car nous avons également d'autre missions à remplir et nous ne disposons que
d'un seul minibus qui est à disposition de tous, sous réserve qu'un chauffeur soit disponible.
En fait, beaucoup de travail est avancé sur le papier ; sur le terrain, il y à des espaces pour l'accueil
des personnes en situation de handicap, le personnel est là. Ce qu’il faut maintenant, c’est assembler
tous ces éléments et se donner les moyens pour fonctionner.
Georges Bowen s'adresse à Alexander Oesterlin, en qualité de président de la Ligue Calédonienne
de Sport adapté et Handisport, pour demander, dans le cadre des États généraux du handicap en
novembre, six nouveaux fauteuils afin de pouvoir pratiquer dans de bonnes condition le Basket
fauteuil.
Alexander Oesterlin confirme que le basket fauteuil est un sport coûteux et qu'il est parfois
difficile d'obtenir des aides. Il faut, précise-t-il, bien argumenter la demande.
Il interroge à Larry Kauma Martin, du Service de la jeunesse des sports, sur la manière dont est géré
le minibus ?
Larry Kauma Martin rappelle que ce minibus était à l’origine prévu pour le tennis. Il répond que
ce bus est utilisé pour les étudiants et, sur demande, pour des personnes en situation de handicap,
mais qu'il faut encore avoir un chauffeur disponible.
Alexander Oesterlin accorde qu’il est déjà bien qu'il y ait un bus, mais qu'il en faudrait peut être
un deuxième, accessible et adapté pour les personnes en fauteuil roulant.
Il précise, dans un souci de continuité et de rentabilité économique, qu'il ne faut pas qu'un véhicule
soit géré par une petite association mais plutôt par la DJS afin qu'il puisse servir à tous.
4. Recensement, reconnaissance et intégration
Pour Georges Bowen, le sport fait sortir les gens de chez eux ; ils n'ont plus honte de leur
handicap.
Il souhaite savoir s’il y a d'autres disciplines que l'athlétisme, le tennis de table et le basket fauteuil
en handisport.
Alexander Oesterlin répond que les disciplines sont très nombreuses en handisport mais aussi en
sport adapté et qu'il est intéressant de diversifier les disciplines pratiquées. Pour le lancement d'une
nouvelle discipline, il importe par contre de bien évaluer si elle est adaptée et praticable. Il suggère
de penser par exemple au handbike pour les Îles, car ces cycles à main sont un engin sportif plaisant
mais aussi un moyen de déplacement efficace.
Jean-Pierre Koidruj (Club Handisport et Sport Adapté de Lifou) précise qu'il est un peu à l'origine
du Club Handisport à Lifou qui existe depuis 1992. En qualité de directeur de centres de loisirs, il
connaît également le monde de l'animation. Les problèmes matériels et les difficultés de transports
n'ont selon lui pas changé depuis toutes ses années.
Alexander Oesterlin invite le Club Handisport et Sport Adapté de Lifou à se rapprocher des Clubs
valides pour un partage et un partenariat, dans un souci d'intégration et d'efficacité, dans les
disciplines ou ce rapprochement est possible (Basket, Vaa, Athlétisme, Natation, Tir, Football...).
Pourquoi ne pas développer certaines de ces disciplines ici aux Îles en coopération avec les Clubs
valides ? Cette intégration et ce partage peuvent également se faire dans le domaine culturel (danse,
théâtre, musique...).
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Il ajoute que si on arrive à mettre en place une démarche commune entre les Clubs handisports et
les Clubs valides il deviendra possible de formuler une demande d'aide, appuyée par tous les
utilisateurs, et de faire bénéficier tout le mouvement sportif des Îles.
Franck Licha note qu'il connaît plus les structures de Sport Adapté en Métropole, mais estime que
les problématiques sont les mêmes. Il y à toujours un besoin d'être reconnu, et il est toujours très
positifs d'aller vers les valides.
La démarche de recensement est par ailleurs intéressante, car les politiques et les institutions ont
besoin d'avoir une vision globale des projets et des objectifs mis en place.
Le regroupement des associations peut permettre enfin d'être plus forts et plus nombreux donc de
rendre les politiques plus attentifs à nos demandes et militer ainsi pour la cause du handicap.
Thierry Cibone affirme que 206 personnes sont déjà recensées sur Lifou, enfants et adultes
confondus.
Jean Roine remarque qu'en Province Sud, il n y à pas encore de recensement.
5. S’unir face aux institutions
Raymond Ujicas se pose la question, par rapport au Collectif handicaps, comment arriver à
regrouper tout le monde sur les Îles pour dire aux élus qu'il y à des besoins matériels ? Il faudrait se
rassembler plus. Les coutumiers peuvent également donner des terres pour organiser des rencontres
sportives et de loisirs en direction des personnes handicapés.
Franck Licha – L’argent ne fait pas tout ; il faut travailler en équipe et faire de bons dossiers, car
les politiques font des choix en fonction de la qualité du projet. Vous êtes trois Îles et c'est un espace
très vaste. Il y a aussi des problèmes culturels et d'accompagnement. C'est important pour les
demandes d'aides d'accompagner les gens dans la construction des dossiers et d'argumenter les
projets.
Thierry Cibone fera ressortir en novembre que nous voulons, à Lifou, un foyer spécialisé pour
accueillir les personnes en situation de handicap ; pour créer un lieu de rencontre entre eux, faire
des animations, des activités d'insertion.
Franck Licha dit que toutes les informations seront remontées au Collectif. Si on imagine un lieu
d'accueil pour des personnes en situation de handicap il faut l'envisager avec d'autres personnes et
surtout doté des moyens pour réinsérer les personnes handicapées dans la vie active. C'est un lourd
projet car il faut créer la structure et avoir du personnel qualifié et spécialisé dans le domaine du
handicap. Le Collectif se bat pour que le cadre juridique soit adapté et qu'il évolue.
Dans les derniers échanges de parole, il ressort qu'il est nécessaire d'être unis, car l'union fait la
force.
Par le biais des activités sportives et de loisirs la personne en situation de handicap peut sortir de
son isolement et se socialiser d'avantage avec le monde qui l'entoure.
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Atelier Vie, grande dépendance et dignité
Pilotes de l’atelier
Nadia Sigura et Olivier Thual
Déroulement et organisation de l’atelier
L’atelier se déroule dans une salle de classe du collège de Wé, collège de plain pied, avec de larges
cursives, donc particulièrement accessible.
La salle est décorée avec des portraits d’enfants polyhandicapés.
17 personnes participent. La réflexion et les échanges démarrent très vite, dès le début du « tour de
table » permettant à chacun de se présenter, suite aux témoignages de parents d’enfants handicapés.
Dans cet atelier, les hommes sont plus nombreux que les femmes et, pour la plupart, parents
d’enfants handicapés.
Il faut noter la présence d’une forte délégation de Maré. Cependant il y a également des
représentants des trois Iles et de la Grande-Terre, des « professionnels », des « associatifs » et des
familles concernées par le handicap.
La synthèse, présentée en réunion plénière, est préparée par les deux pilotes assistés de Ben
Houmbouy.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
(Communication portée par Nadia Sigura et Olivier Thual)
Les témoignages des familles ont porté sur leur isolement ; le manque de reconnaissance, de prise
en compte du handicap ; la difficulté à se faire entendre par les différentes collectivités
(communales, tribales, provinciales…) pour répondre aux besoins de la vie quotidienne, à savoir :
l’eau, l’électricité, les transports. De plus, il apparaît très difficile que les enfants handicapés
puissent bénéficier d’un accompagnement médical, paramédical et éducatif du fait de l’obligation à
se rendre à Nouméa, du manque de structures d’accueil aux Iles, du peu d’intégration scolaire, du
manque d’aides à domicile, du manque de soutien à la famille, du manque de moyens financiers…
D’où un découragement, voire un épuisement des parents.
Ainsi les divers témoignages démontrent le peu de reconnaissance des droits fondamentaux de la
personne en situation de handicap. Le regard de l’Autre reste encore gênant. Le handicap est encore
trop souvent perçu comme « quelque chose » à ne pas montrer. Une telle vision de la personne
handicapée la dévalorise. À partir de ce moment-là, la question de sa dignité est posée. Trop
souvent la reconnaissance de l’individu ne dure que le temps où elle est « rentable » c’est-à-dire
durant le temps où elle travaille. Quelles propositions pourraient changer le regard porté sur la
personne en situation de handicap afin de lui donner sa place dans notre société ? En effet, un
handicapé est une personne à part entière, avec les même besoins, les mêmes droits et devoirs que
tout autre. Néanmoins, pour que la personne handicapée puisse exercer sa qualité de citoyen, elle a
besoin de notre solidarité. Or qui dit solidarité, dit création de lien social, de réseau d’entraide,
d’écoute…
En conséquence, l’accent a été mis sur l’importance du rôle des associations et la nécessité de se
fédérer pour parler d’une seule voix auprès des collectivités qui prendraient plus facilement des
décisions en ayant un seul interlocuteur. De même, les institutions pourraient avoir un référent
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
opérationnel qui aiderait à la mise en œuvre de tout projet individualisé et qui serait garant auprès
des familles ou associations du suivi des dossiers. Il est également apparu évident qu’il fallait
développer les échanges entre les familles concernées par le handicap, informer et former tout
public. Le principe d’un guichet unique, source d’informations, a été posé. De même la question de
la solvabilisation du handicap a été abordée avec la notion du « 6ième risque » qui ne devrait pas
reposer uniquement sur le salarié pour créer des ressources financières. Enfin pour faciliter la
construction de logements décents et adaptés en réponse à la question de la dignité des personnes, il
a été évoqué l’élaboration de plans d’aménagement des terrains des Iles concertée avec les
propriétaires fonciers (en référence au plan d’urbanisme directeur des villes).
La conclusion est revenue aux parents originaires des Iles qui ont exprimé fortement le souhait de
voir le forum se renouveler régulièrement afin d’être informés, de suivre, les avancées des
propositions qui émergeront lors des Etats Généraux du Handicap du 10 novembre 2007.
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Atelier Vie affective, familiale et sexuelle
Pilotes de l’atelier
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Déroulement et organisation de l’atelier
Une trentaine de personnes étaient présentes.
Il ressort des échanges que le handicap isole non seulement les personnes en situation de handicap
mais également les familles. Les participants évoquent à la fois la place des parents et leur rôle visà-vis de leur enfant handicapé, mais également la question de l'éducation à la sexualité au sens large
du thème ainsi que la mobilisation qui s'avère nécessaire autour de la personne porteuse de
handicap et de sa famille.
Synthèse des échanges et pistes de réflexion
1. Place et rôle des parents
Les personnes présentes soulignent à quel point avoir un enfant en situation de handicap est une
lourde responsabilité et que, parallèlement, le lien qui les unit à cet enfant est très fort ; elles
soulignent que, dans la tradition, c’est aux parents et à la famille qu’incombe le devoir d'élever leur
enfant ; au décès des parents, c’est d’ailleurs d'autres membres de la famille qui prennent en charge
l'enfant handicapé.
Les parents évoquent que, bien souvent, ils sont démunis, ne savent ni quoi faire, ni comment faire
face aux difficultés du quotidien. Les parents bien souvent portent en eux la souffrance de leur
enfant et certaines familles semblent parfois éprouver de la honte à montrer leur enfant handicapé.
Les participants pointent l'idée que les parents souhaitent voir leur enfant vivre une vie d'adulte
autonome bien qu'ils éprouvent une réelle peur de se séparer de leur fils ou fille qu'ils savent fragile
et plus exposé(e).
Enfin, il est rapporté que dans de nombreux cas, les familles sont obligées de partir s'installer à
Nouméa où la scolarisation, la prise en charge médicale, etc., sont simplifiées.
L'ensemble des personnes présentes s'accorde à dire qu'une guidance parentale, un
accompagnement des familles par des professionnels est plus que nécessaire.
2. Pour une éducation sexuelle
De même que l'on doit considérer que la sexualité est fondamentale dans la vie de tout un chacun, il
convient de reconnaître les pulsions des personnes handicapées ; or, la question de la sexualité de
celles-ci demeure entière dans notre société puisqu'il semble difficile pour elles d'avoir une
sexualité.
D'une part, les témoignages rapportent que la peur du regard de l'autre et du jugement est
omniprésente chez les personnes porteuses de handicap quand elles sont à la recherche d'une
relation.
D'autre part, si l'adolescence est un moment difficile pour les enfants valides, elle l'est d'autant plus
pour les enfants handicapés : c'est à cette période que les filles, particulièrement vulnérables,
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
risquent d'être abusées. Quant aux garçons (notamment dans le cas de la maladie mentale), leurs
parents redoutent de voir leurs pulsions non assouvies engendrer de la violence.
Là encore, les parents disent se sentir démunis et en souffrance, souffrance partagée avec leurs
enfants, jeunes et adultes handicapés.
Les participants à l'atelier notent qu'autrefois, dans les clans, étaient désignées des personnes
chargées de l'éducation sexuelle des enfants et que cette manière de faire n'a plus lieu.
Parallèlement, ils affirment que les tabous, les non-dits liés à la sexualité sont peu à peu levés, dans
le respect de la coutume toutefois (un homme ne s'adressera pas à une cousine à ce sujet).
Ainsi, les membres de l'atelier soulignent la nécessité d'une éducation à la sexualité assurée par les
parents avec, par la suite, le relais de l'école et des équipes sociomédicales.
Ils rappellent également que les parents et leurs jeunes souhaiteraient pouvoir faire appel à des
personnes spécifiques pour répondre à leurs questions comme à leurs besoins (sexologues,
prostituées, travailleurs sociaux spécialisés).
3. Une nécessaire mobilisation
Les personnes présentes lors de l'atelier encouragent la création d'associations dans chacune des
îles, associations réunissant les personnes en situation de handicap, leurs parents, les amis et tout
volontaire. Ces association doivent se fixer comme but d'organiser des camps, des colonies, des
ateliers pour que les jeunes sortent de leur tribu. Est mis en avant le fait que les activités sportives
notamment peuvent permettre aux personnes handicapées de canaliser leurs pulsions.
Dans la même idée, il apparaît important de créer des espaces et des lieux de rencontre pour que les
familles puissent discuter et les jeunes faire des rencontres. Ceci peut permettre de soulager les
familles et les aider, par la rencontre avec d'autres familles, à dépasser la honte et l'isolement liés au
handicap.
Ils souhaitent également voir la mise en place de structures spécialisées dans les îles afin que la
personne handicapée puisse rester auprès des siens.
Il ressort qu'un recensement des personnes en situation de handicap, à l'instar de l'action menée à
Maré, doive s'initier à Lifou et à Ouvéa.
Pour cela, la mobilisation des coutumiers, des institutions et des personnes de toute ethnie s'avère
nécessaire, de même qu'une coordination à l'échelle territoriale reste à développer.
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Journée de clôture des premiers États
généraux du handicap en Nouvelle-Calédonie
Commission du Pacifique Sud, Nouméa
10 octobre 2007
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LE PARI RÉUSSI D’UNE MISE EN MOUVEMENT
DE LA CONSCIENCE COLLECTIVE
Ce matin du 10 novembre 2007, si tout semble se coordonner à merveille, la tension du côté des
organisateurs de la journée de clôture des premiers États généraux du handicap de la NouvelleCalédonie reste bien réelle. Chacun a conscience du chemin parcouru, mais plus conscience encore
de l’enjeu de cet ultime temps fort, celui d’une exposition maximale dont il n’est pas acquis qu’elle
parvienne à, ne serait-ce que fissurer les murs qui demeurent entre valides et non valides,
associations et institutions, espérance citoyenne et volonté politique.
Si la fatigue des mois écoulés est tenue à distance respectable par la multiplicité des tâches très
concrètes à accomplir, si le ciel bleu augure au moins d’une belle journée de partage et si la
présence d’un Charles Gardou, mais aussi des deux autres « experts » que sont Nathalie Caffier et
Jean-Louis Vigneau, suscite un regain de confiance et de sérénité, il n’empêche qu’une fragilité
s’avoue, un de ces tremblements de l’âme quand, au bord de l’épuisement, elle relève malgré tout le
défi d’avancer.
Chacun vaque à ses tâches mais tait en lui quelque chose d’une crainte : et si rien de tangible
n’allait finalement sortir de ce parcours du combattant, à l’interne comme à l’externe du Collectif ?
Hasard ou maladresse, les Assises du sport ont lieu en même temps, avec un déploiement de
moyens sans commune mesure, et il est acquis que de nombreux élus s’y rendront. Au détriment
d’une présence aux États généraux du handicap, où ne seraient envoyés que les « seconds
couteaux » ? Avec partant quelle latitude pour s’engager ?
La coïncidence des deux événements en tout état de cause inquiète, voire agace ; la perspective d’un
investissement un peu « mou » des politiques préoccupe. Non que le sport soit méprisé par ceux qui
vivent d’une manière ou d’une autre le handicap ; tout au contraire, ils ne cessent de lui attribuer
des vertus de dépassement de soi et d’intégration. Mais qui peut ignorer que les projecteurs se font
plus rares sur les pistes quand débutent les jeux handisports ; le choix entre Assises du sport et
« Assises » du handicap ne risque-t-il pas de s’opérer selon la même ligne de partage ? Faire le
poids ne sera donc pas facile, alors même que l’enjeu humain semble pourtant d’une extrême
urgence.
En coulisses, la petite équipe du Collectif a passé les dernières semaines au four et au moulin, avec
cette constante préoccupation : atteindre plus que jamais la conscience d’élus qui, même s’ils se
sont régulièrement fait représenter, ont été finalement peu nombreux à s’impliquer personnellement
dans les divers forums, donc à entendre en direct la parole venue de cette part fragile d’un pays qui
a besoin d’elle pourtant, c’est là une conviction, pour se construire.
Mais ces élus ne sont-ils pas après tout à l’image de la majorité des citoyens : la question du
handicap n’est pas, s’ils n’en sont pas touchés intimement, celle qui les occupe en premier chaque
matin. Ils n’en sont pas pour autant insensibles à ceux qu’elle concerne de près, ce serait leur faire
là un bien mauvais procès. Simplement, le handicap, sa réalité, les enjeux de sa prise en compte, ne
leur sont pas tout à fait visibles. Et c’est précisément de cela qu’il est question : rendre visible,
redonner place dans la cité à celles et ceux qu’une plus grande fragilité a exclu. La bataille de la
communication est donc à gagner. Le Collectif a pour la conduire un partenaire de qualité, l’agence
Concept, qui depuis le début l’accompagne, et a élaboré une campagne médiatique audacieuse,
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dynamique, drôle même, réalisant un bel équilibre entre le sérieux, voire la gravité du propos, et
l’humour de l’iconographie, une légèreté belle comme la vie.
Les dernières semaines par ailleurs, les derniers jours, les dernières soirées mêmes ont été denses.
D’abord il ne s’est passé qu’un mois entre le dernier forum, celui des Îles Loyauté, et cette dernière
journée de bilan. Un délai très serré pour effectuer un travail de synthèse des trois forums
provinciaux suffisamment élaboré afin que les débats de ce 10 novembre se situent d’emblée au
plus haut niveau. Pas une mince affaire non plus si l’on songe à l’abondance du matériau collecté, et
au fait que les choix à opérer ne peuvent manquer de susciter des débats dans un processus marqué
par une volonté de consultation permanente au sein même du Collectif. Si peu a été fait depuis des
décennies, les besoins sont multiples, les attentes immenses. Une fois encore l’unité va se construire
non dans l’incantatoire, mais en se coltinant avec le réel, en tâtonnant, dialoguant, en puisant dans
le projet commun la force de surmonter les éventuelles dissonances.
L’objectif : que tous ceux qui se sont mobilisés depuis des mois aient accès à une vision d’ensemble
du processus de réflexion dans lequel ils se sont engagés ; que les Calédoniens, qui ont été invités à
contribuer à cette réflexion, parce qu’elle relève de notre commune humanité, partagent à leur tour
ce processus ; que les élus et les institutionnels enfin fassent plus qu’acte de présence pour qu’à
l’issue de la journée qui commence des engagements politiques majeurs soient pris.
L’arrivée de trois invités dont la compétence et l’humanité font l’unanimité n’est pas de trop pour
aller jusqu’au bout d’une telle exigence ; ils aident à prendre en dernier recours la distance
nécessaire, à mettre du lien, du liant entre les êtres, entre les idées, tellement brassés depuis des
mois qu’il leur arrive de frôler le découragement.
Ce n’est pas tout. Ces invités précisément, il est plus que souhaitable de faire entendre leur parole
au-delà de la manifestation officielle qui s’annonce. Des rencontres sont donc organisées,
notamment entre Sylvie Robineau, membre en charge du handicap depuis août seulement dans le
Gouvernement que préside depuis peu Harold Martin, et Charles Gardou. L’homme est porteur de
toute sa réflexion et son expérience en matière de prise en compte du handicap, mais aussi du poids
que lui confère son statut d’organisateur, avec Julia Kristeva, des Premiers États généraux
nationaux qui ont eu lieu à Paris en 2005 sous l’autorité du Président de la République. Le courant
passe, un engagement s’amorce dont Sylvie Robineau elle-même ignore encore la place majeure
qu’il va prendre dans son parcours politique, et peut-être dans son itinéraire personnel.
Il y a enfin toute l’intendance de la manifestation elle-même à assurer. Elle comprend notamment
l’accueil de délégations venues de toute la Nouvelle-Calédonie. Et de ce côté, même si chaque pôle
provincial du Collectif, déjà très impliqué dans l’organisation des forums, se mobilise, chaque jour
apporte son lot de solutions à trouver. Et ce jusqu’à la dernière minute, où il faut faire face sur
Nouméa à l’accueil d’une délégation des Îles beaucoup plus conséquente que prévue. C’est en soi
une joie, mais nécessite de faire appel à des trésors de pragmatisme, de diplomatie, en matière de
transports, logements, restauration. Or toute l’équipe est bénévole, chacun a par ailleurs sa vie
professionnelle et de famille, et dans la plupart des cas l’un des siens au moins en situation de
handicap, donc supposant un accompagnement au quotidien mobilisateur.
« L’ambiance était chargée, se souvient Stéphanie Vigier alors présidente du Collectif Handicaps.
La veille à minuit il avait fallu s’occuper de la délégation des Îles, qui en plus avait vécu un voyage
plutôt rude, dix heures à bord du Betico avec des personnes handicapées. Dans le même temps,
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c’était tellement chaleureux, intense. Ils nous ont donné une énergie. Quand la journée a commencé,
on ne savait plus rien. Puis on a senti qu’un mur tombait, ça a bifurqué, plus la journée avançait
plus ça devenait une évidence : on avait franchi un seuil, quelque chose venait d’entrer dans la
conscience collective… »
« On est des cons », glisse en aparté Philippe Gomès, alors Président de la Province sud, venu
finalement en personne assister à une partie des travaux. Quels que soient les lendemains d’une telle
remarque, ce moment de sincérité politique en dit long soudain sur ce qui, sensiblement, apparait ce
jour-là en pleine lumière : un gigantesque effort humain d’arrachement, de dépassement de soi, qui
donne aux derniers échanges, dans la lumière descendante qui entre par les baies de la grande salle
de la CPS, cette vibration qui nourrira longtemps les combats qui restent à venir.
Du moins, chacun ose se le dire en son for intérieur, plus rien ne sera désormais comme avant. Et
pas seulement parce qu’une nouvelle articulation semble désormais se faire jour entre associations
et institutions, mais parce qu’une parole cette fois vient de faire pleinement irruption dans l’espace
public, celle des personnes en situation de handicap elles-mêmes.
Une parole qu’il ne sera plus question désormais de remettre sous le boisseau.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Quelques paroles prononcées lors de la Journée de synthèse
Paroles à utiliser peut-être comme respiration, pour rythmer ce chapitre... à voir avec
Christine Rousselle en fonction de la maquette de l’ouvrage.
A NOTER : Ces paroles sont pour l’essentiel reconstituées à partir de mes notes prises le 10
novembre 2007. Les publier – pour celles qui seraient éventuellement retenues dans le livre suppose de les soumettre à ceux qui les ont prononcé, ma mémoire est trop lointaine pour être
complètement certaine du sens du propos.
Charles Gardou
« Ici, en Nouvelle-Calédonie, dans ce pays en construction, il importe de restituer la parole aux
personnes en situation de handicap qui, trop longtemps, en ont été dépossédées » (…)
« Sortons des impasses compassionnelles et des approches convenues, pour nous montrer créatifs,
originaux, audacieux et nous élever contre les préjugés et autres obscurantismes » (…)
« Le handicap est une privation de liberté. Les personnes concernées sont soumises en quelque sorte
à une double peine : au-delà de leurs difficultés, elles sont le plus souvent exclues dans des sociétés
qui ne parviennent pas à « faire monde » avec les plus fragiles » (…)
Stéphanie Vigier
« Il s’agit aujourd’hui de donner corps aux droits des personnes en situation de handicap, de dire
que les paroles que nous avons entendues au fil des forums provinciaux n’ont pas été entendues
pour rien, dire que nous serons là demain, dans dix ans, pour longtemps, pour construire une société
de justice, de respect, de solidarité.
Sylvie Robineau
« J’engagerai toute mon énergie vers l’élaboration de la loi cadre que vous appelez de vos vœux.
Nous avons devant nous au moins sept grands chantiers.
Le premier consiste à structurer l’existant en matière de formation, et harmoniser les pratiques,
notamment en matière de gestion des structures, fixation des prix de journée.
Le deuxième doit favoriser le développement des métiers d’accompagnement aux familles.
Le troisième a trait à l’insertion professionnelle. La loi de Pays a élaboré doit créer une obligation
d’embauche, mais créer cette obligation sera évidemment insuffisant. La puissance publique devra
mettre en œuvre tout ce qui est en son pouvoir pour encourager le développement d’un esprit
d’entreprises citoyennes, réfléchissant en termes d’adaptation et d’exemplarité.
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Le quatrième chantier devra porter sur le développement de partenariats entre toutes les
collectivités, et avec les acteurs privés, notamment dans le domaine de l’accès au logement et de
l’accessibilité.
Le cinquième chantier doit permettre d’aboutir à l’harmonisation et la revalorisation des allocations
aux personnes en situation de handicap, cette question devant être abordée dans un esprit de prise en
charge globale de la personne.
Le sixième chantier est un travail immense devant lequel nous ne devons pas baisser les bras. Il
s’agit d’élaborer un schéma territorial de la prise en compte des situations de handicap, fondé sur un
recensement le plus complet et le plus réaliste possible, dressant un état des lieux de l’existant, et
des besoins en équipement, ressources humaines, etc.
Le septième chantier enfin serait d’élaborer des modalités originales de fonctionnement entre le
milieu associatif, qui vient d’accomplir un travail considérable, et les collectivités.
J’éprouve ce soir beaucoup d’émotion et vous remercie. »
Philippe Gomès
« Je crois que le degré de civilisation d’une société se mesure à sa capacité à prendre en compte les
plus fragiles. Vous venez aujourd’hui de poser un acte de civilisation pour lequel je souhaite vous
rendre hommage, comme je veux rendre hommage à l’engagement qui a été celui de Marie-Noëlle
Thémereau en tant que présidente de Gouvernement. »
« Plusieurs points me semblent importants à préciser.
Il est important en matière de prise en compte du handicap de veiller à l’unicité de l’autorité, celle
de la Nouvelle-Calédonie. Il ne saurait y avoir en ce domaine de géométrie variable.
En matière de financements de cette prise en compte, nous avons une ardente obligation.
Ces Etats généraux manifestent si besoin l’intérêt de développer des actions concertées avec le
monde associatif. Cette démarche constitue, nous venons de le voir au cours de cette journée, un
réel supplément d’âme.
Il nous faut dans le même temps faire preuve de réalisme et de pragmatisme, mais vous pouvez être
assuré de mon soutien le plus complet et le plus confiant. »
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LIVRE III – D’UNE CULTURE DE LA CHARITÉ
À UNE LOI PROGRAMME ET DES LOIS CADRE
À UNE CULTURE DU DROIT
A / Élaboration d’un cadre juridique : entre confiance et vigilance
Dès décembre 2007, au lendemain de la journée du 10 novembre, Sylvie Robineau, au titre du
Gouvernement, propose au Collectif Handicaps un calendrier de réunions. Des rencontres régulières
entre institutions et associations vont ainsi se tenir jusqu’en mai-juin de l’année suivante. Puis les
relations semblent se relâcher, jusqu’à une reprise en septembre qui cette fois permettra d’aller
jusqu’au bout de la démarche et conduira les élus du Congrès à voter à l’unanimité, le 17 décembre
2008, un texte qui, pour être imparfait, n’en met pas moins fin à une situation de vide juridique
devenue insoutenable.
Lorsque les discussions s’amorcent dans l’élan de la journée de clôture des Etats généraux, côté
Collectif Handicaps, l’état d’esprit oscille entre la satisfaction et une forme de prudence envers un
processus désormais porté par le niveau politique.
D’un côté, la crainte qui a longtemps prévalu de voir s’élaborer une loi sans y être associés devient
caduque. Il y a là matière à se réjouir, et la bonne volonté est de part et d’autre au rendez-vous.
De l’autre, la vigilance est de rigueur ; toutes celles et tous ceux qui, au nom du Collectif, sont
impliqués dans les discussions, prennent la mesure de la responsabilité qui leur incombe au regard
en quelque sorte de l’Histoire puisque la loi à laquelle il s’agit de travailler sera la première du
genre en Nouvelle-Calédonie et définira durablement des directions, des orientations, une
philosophie en matière de prise en compte du handicap à l’échelle du pays.
Comment trouver le juste équilibre entre le négociable et le non négociable ? Faut-il viser
prioritairement l’adoption, avant la fin de la mandature en cours, d’un cadre juridique, fût-il en
partie insatisfaisant, ou prendre le risque de se battre pied à pied sur chaque aspect où les avancées
paraitraient insuffisantes, quitte à voir le vote d’une loi plus idéale reportée aux calendes grecques ?
Le choix est d’autant plus sensible qu’à l’interne les différentes composantes du Collectif, et c’est
bien normal, ne jugent pas forcément selon les mêmes critères, en fonction notamment du type de
handicap qui les préoccupent au premier chef. Les problématiques de la grande dépendance ne sont
ainsi d’évidence pas les mêmes que celles relevant de handicaps moins lourds, où la ligne de
conduite est d’obtenir un maximum d’autonomie pour les personnes elles-mêmes.
Comme souvent, la vérité sans doute se trouve entre les deux. Si les débats sont parfois vifs au sein
du Collectif, l’unité une fois de plus l’emporte, permettant de définir les noyaux durs sur lesquels
tous feront front. Et ça marche. Le texte avance bon gré mal gré vers une version acceptable par
tous. Et susceptible d’être votée dans les temps, c’est-à-dire avant les élections provinciales de
2009, à l’issue d’un processus à la durée relativement incompressible, impliquant notamment un
passage sous les fourches caudines du Conseil d’Etat, ce qui contribue à faire peser sur l’ensemble
une pression certaine.
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Le Conseil d’État se prononce favorablement le 25 novembre 2008 sur l’ensemble du dispositif qui
lui a été soumis, à l’issue d’un marathon dans lequel Sylvie Robineau se jette corps et âme. Nombre
de ceux qui étaient présents au collège de Boulari trois jours plus tard, le 29 novembre 2008, lors de
la matinée de rencontres destinée à faire le point un an après les Etats généraux, ont en mémoire la
parole forte et fragile, émouvante, d’une élue venue dès sa descente d’avion et à l’issue d’une
semaine enthousiasmante autant qu’épuisante, dire son espérance et exprimer humblement sa
conscience des limites du dispositif légal prévu, mais aussi l’urgence d’en obtenir coûte que coûte
l’adoption.
Quel regard porter aujourd’hui, avec le recul, sur cette phase d’intenses négociations ? D’abord,
note Stéphanie Vigier, l’envie de saluer l’engagement de Sylvie Robineau. « Il y a eu un véritable
investissement humain, je souhaite qu’elle sente notre reconnaissance de ce point de vue, même si
on a dû parfois lui paraitre un peu ingrats. Mais c’est cette tension qui nous a permis, à tous,
d’avancer je crois. »
Concernant les débats internes au Collectif : « On peut citer l’exemple du montant de l’allocation
adulte handicapé. A l’origine il était question de la fixer à 50 000 XPF, très en dessous de ce qu’elle
a été finalement, l’engagement des élus étant de dire qu’avec elle tout suivrait, les aides au
logement, au transport, etc. Moi et quelques autres, comme notre point de vue était marqué par la
grande dépendance, on ne trouvait pas tant que cela à en redire. Mais Eric entre autres s’est battu, et
il a eu raison, pour que cette allocation soit plus élevée, qu’elle permette réellement à la personne
handicapée qui en a la capacité, et il y en a beaucoup, de gérer sa vie de manière autonome, en
disposant d’un revenu lui permettant de le faire parce que c’est par ça que commence la
reconnaissance de la dignité. L’allocation a donc été portée à 90 000 XPF et c’est très bien. »
Au final quoiqu’il en soit demeure la conviction que la voie choisie en divers aspects aura été la
plus efficiente :
- Choix tout d’abord pour les deux lois cadre, l’une portant sur « la création d’un régime
d’aides en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes en perte
d’autonomie », l’autre « relative à l’emploi des personnes en situation de handicap » d’une
rédaction volontairement orientée sur la définition de grands principes, en laissant aux
délibérations le soin d’entrer plus avant dans les détails. Objectif : disposer d’un arsenal
législatif plus aisé à faire évoluer ; il est plus facile en effet de modifier une délibération
qu’une loi de Pays.
-
Obtention d’un engagement ferme des institutions quant à la mise en place d’un Conseil du
handicap réunissant effectivement tous les acteurs, avec de véritables possibilités d’actions.
-
Décision prise et collectivement assumée, une fois le cadre général défini, de résister, en
dépit des limites du dispositif qui déjà pouvaient sembler évidentes, à la tentation de
surenchère qui eût donné prétexte à un report d’adoption pouvant être fatal à l’ensemble du
processus.
« À un moment, se souvient Stéphanie Vigier, on a senti qu’il fallait adopter une stratégie consistant
à ne plus bouger, ne pas demander plus, mais défendre becs et ongles ce qui avait été posé et obtenir
le vote là-dessus ; en se disant qu’il serait temps ensuite de continuer de se battre pour faire évoluer,
via les délibérations, ce qui demeurait insatisfaisant. »
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Ne pas lâcher la proie pour l’ombre en quelque sorte. Et signifier dès lors aux élus éventuellement
récalcitrants que l’unité étant faite sur le texte travaillé ensemble, faire marche arrière n’était même
pas envisageable.
Lorsque la loi est votée en décembre 2008, derrière la belle unanimité de l’assemblée s’exprime en
effet des réticences qui, jusqu’à la dernière minute, ont fait craindre une mise en danger du
processus visant prioritairement à obtenir un cadre juridique.
Si c’est le Gouvernement qui propose les lois, et le Congrès qui légifère, ce sont en effet pour
l’essentiel les provinces qui financent. Et à la Province sud justement ça coince. L’argumentaire
repose sur deux remarques contradictoires. La première : nous sommes des élus responsables, le
financement n’est pas totalement assuré, pas question de voter une loi ouvrant des droits sans
l’avoir prévu. La deuxième : vous n’avez pas intégré dans votre réflexion les personnes âgées
dépendantes, il importe de les prendre en compte. D’un côté en quelque sorte l’annonce d’une
difficulté de financement du dispositif ; de l’autre la volonté toute virtuelle d’élargir le nombre des
bénéficiaires aux personnes âgées dépendantes, ce qui supposerait à l’inverse de faire exploser les
besoins en financement. Danger de cette quadrature du cercle, analysent les associations du
Collectif : renvoyer tout le monde plancher sur le projet, et différer le vote de la loi.
C’est entre autres Jacqueline de Fontinelle qui monte alors au créneau, forte du soutien d’un
Collectif qui a serré les rangs. « On leur a promis les pires problèmes du monde si cette loi n’était
pas votée », se souvient en riant Stéphanie Vigier. Non que la problématique financière soit sans
fondement : « On le savait, précise-t-elle, que rapidement ça ne suffirait pas. Mais là on parlait de
droits, de dignité, on ne pouvait plus reculer, l’entrée par les moyens plutôt que par le droit
fondamental des personnes ne tenait pas, on ne pouvait pas caler là-dessus. »
Le dernier verrou saute, chacun sentant probablement bien, élus compris, qu’il y a là du non
négociable pour tout un chacun. L’équipe du Collectif se doute un peu dès lors qu’un aspect de la
bataille vient d’être différé à l’étape à venir, celle de l’adoption des décrets d’application, ce qui se
vérifia ; mais un premier seuil est franchi, avec des avancées irréversibles qui finissent par emporter
l’unanimité des suffrages et à partir desquelles le combat pour la dignité pourra se poursuivre.
B / Avancées, limites, obstacles
Lorsque sont promulguées les deux lois cadres et adoptées les diverses délibérations qui constituent
l’ensemble du dispositif juridique encadrant la prise en compte du handicap, c’est tout un pays, à
travers ses représentants, qui vient de faire le choix d’un destin plus solidaire, plus humain, plus
fraternel.
Le combat a été long, la victoire est collective, la savourer semble juste.
Mais sur quoi portent au juste ces textes fondateurs, quelles avancées recouvrent-ils, quelles en sont
les limites, et quels obstacles s’annoncent quant à leur mise en application ?
Il y a d’abord les deux lois cadres, promulguées le 7 janvier 2009 par le Haut-commissaire de la
République, après vote du Congrès à l’unanimité le 17 décembre 2008, précédé des avis successifs
du Conseil économique et social (7 novembre) et du Conseil d’Etat (25 novembre).
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Elles portent « création d’un régime d’aides pour les personnes en situation de handicap et les
personnes en perte d’autonomie » et sur « l’emploi des personnes en situation de handicap ».
Ces deux lois sont accompagnées de cinq délibérations, qui seront adoptées par le Congrès de la
Nouvelle-Calédonie dès le 8 janvier 2009.
La plus conséquente et la plus attendue est sans aucune doute la n°454, qui porte « création d’un
Conseil du handicap et de la dépendance ».
Les trois autres viennent préciser l’ensemble du cadre.
La délibération n°453 fixe les conditions de délivrance des aides du régime en faveur des personnes
en situation de handicap et des personnes en perte d’autonomie.
La N°456 porte « création d’une commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance ».
La N°457 fixe « le cadre d’emploi des personnes en situation de handicap au sein des fonctions
publiques de Nouvelle-Calédonie et de leurs établissements publics ».
La N°455 enfin porte modification d’une précédente délibération, adoptée en 2005, et « relative aux
commissions pour les enfants et les jeunes en situation de handicap de la Nouvelle-Calédonie ».
Les avancées. Elles sont d’abord hautement symboliques, car ce qui est désormais acté dans la loi
est l’existence de droits de la personne en situation de handicap, dont la dignité se voit ainsi
reconnue et restaurée.
Elles sont ensuite très concrètes, qu’il s’agisse de la mise en place d’une allocation adulte handicapé
digne de ce nom, ou de l’obligation faite à termes aux entreprises calédoniennes, publiques comme
privées, de compter 2,5 % de personnes handicapées dans leurs effectifs, obligation assortie de
sanctions pour ceux qui envisageraient de s’y soustraire.
Elles sont également porteuses d’avenir, puisque la mise en place d’un Conseil du handicap assure
désormais les associations de disposer d’un espace institué d’accompagnement, de régulation, de
proposition et de dialogue permettant le suivi du dispositif, mais aussi la poursuite de
l’indispensable travail prospectif qui a requis, pour être mis sur les rails, toute l’énergie bénévole du
Collectif depuis plusieurs années.
Dans le champ de l’intégration scolaire par ailleurs, la situation est enfin plus claire pour l’ensemble
des acteurs au regard de la situation qui prévalait jusqu’alors, avec des bouts de cadre juridique
mais pas d’extension à la Nouvelle-Calédonie de la loi métropolitaine de 2005. Certes ce manque se
trouvait compensé dans les faits par une sorte de statu quo pragmatique ayant conduit notamment
les services du vice-rectorat à faire « comme si » la dite loi était applicable. L’option était fort sage
et nul ne s’était avisé de la contester, au motif que l’intérêt des enfants et des jeunes eux-mêmes se
trouvait en jeu. Mais cette fois les divers acteurs peuvent s’appuyer sur des textes qui font
réellement référence.
Les limites du nouveau cadre toutefois sont nombreuses. Elles ont trait en premier lieu à la mise en
application effective de chacun des termes du dispositif.
Du côté du régime d’aides, le bilan est globalement positif et les associations sont satisfaites : la
base est désormais posée, il sera possible de construire à partir d’elle pour atteindre
progressivement un montant plus idéal. Mais dans les associations, on se prépare à faire patienter
les troupes. La mise en place en effet promet d’être longue. Il va falloir faire repasser le dossier de
chaque personne en commission pour l’attribution de l’allocation nouvelle version. Soit 5000 à
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6000 dossiers à examiner, avec comme principe de traiter en priorité le cas des plus démunis.
Horizon fixé pour que le dispositif soit complètement sur les rails : l’année 2012. Avec toutes les
frustrations que ce délai ne manquera pas de susciter.
Puis un aspect du texte a peut-être été un peu vite validé, celui qui prévoit de réduire, voire
supprimer l’allocation dès lors que la personne handicapée est considérée comme apte à occuper un
emploi. Le principe se défend, en cohérence avec la volonté, exprimée par les personnes ellesmêmes, d’être considérée à l’égal de tout citoyen, et dans la perspective d’une mise en application
pleine et entière de la loi sur l’emploi des handicapés. Celle-ci prévoit que 2,50% des emplois
soient occupés par des travailleurs handicapés, beaucoup moins qu’en Métropole où ce taux est fixé
à 6%, mais suffisamment pour permettre a priori le plein emploi de toutes les personnes en situation
de handicap du Territoire. « Accroitre ce taux revenait à entrer dans une démarche visant à taxer les
entreprises, ce n’était évidemment pas le but », précise Stéphanie Vigier.
On touche là en fait à une limite importante du dispositif, celle d’un texte relatif à l’obligation
d’employer des personnes handicapées envers lequel durant les discussions le MEDEF local n’a pas
caché ses réticences, et dont la mise en œuvre concrète rencontre bien des résistances. Avec pour
conséquence, une vraie difficulté à voir s’améliorer dans les faits les conditions de vie de ceux qui
ne sont pas assez handicapés pour bénéficier de l’allocation, mais trop pour être les égaux des autres
citoyens en matière d’accès à l’emploi.
Il est une autre limite, conséquente, au dispositif tel qu’il existe. Elle ne tient pas cette fois à son
contenu, mais à l’organisation même de la Nouvelle-Calédonie, fondée sur une loi organique
définissant strictement les champs de compétences des différentes collectivités. Le cadre juridique
posé se conforme à cette répartition. Il n’y est question que de ce qui relève des prérogatives de la
Nouvelle-Calédonie. Dans le montage financier concernant le régime d’aides d’ailleurs, c’est elle
qui est venu abonder le fond venant en complément des aides versées par les provinces, aides que
celles-ci ont acceptées d’inscrire dans la nouvelle configuration. Et déjà, cet aspect aura dû être
négocié en tenant compte des prérogatives de chaque collectivité.
Des pans entiers demeurent donc aujourd’hui encore à travailler, le processus des Etats généraux
ayant simplement permis d’y rendre plus sensible chaque citoyen.
Question de l’accessibilité tout d’abord, relevant pour l’essentiel des compétences provinciales,
voire communales. « Je reste fascinée, note Stéphanie Vigier, par le nombre de constructions neuves
où cette question de l’accessibilité n’entre pas dans les critères, où on prévoit certes un ascenseur,
mais pour arriver jusqu’à lui on a une volée de marches ! »
Enjeu de la formation d’autre part, où la volonté politique continue de faire défaut pour que dans
chaque service public par exemple, mais aussi dans les écoles, les dispensaires, etc. les personnels
soient formés à l’accueil des personnes en situation de handicap.
Enjeu aussi des démarches de recensement des personnes concernées par le handicap, des besoins
en structures, personnels médical, paramédical, d’accompagnement, transports, etc. La coordination
manque encore souvent à l’échelle du territoire, chaque province adopte parfois sa formule, comme
dans le cas des auxiliaires de vie qui ne relèvent pas du même statut selon qu’elles sont employées
au Nord, au Sud ou aux Iles, etc.
Se pose également toute la question de l’intégration effective, scolaire, professionnelle, sociale, où
l’on peine souvent à dépasser le stade des intentions.
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« Il nous faut continuer, conclut Stéphanie Vigier, de faire émerger des problématiques, de définir
des chantiers prioritaires, de pointer des directions de travail. C’est le rôle par exemple des Assises
de l’éducation auxquels nous travaillons.
Il faut continuer de travailler aussi sur la question de la continuité et de la cohérence des parcours
de soin ; réfléchir sur les meilleurs dispositifs et des meilleures solutions à mettre en œuvre pour
éviter l’éclatement des prises en charge dans le cadre par exemple de l’intégration scolaire, etc. »
C/ À l’horizon de la loi
Autant dire que la route est encore longue et beaucoup reste à faire pour que la Nouvelle-Calédonie
soit demain cette société accueillante aux plus fragiles de ses citoyens.
Dans le champ de la formation, des choix politiques sont à opérer pour conduire l’ensemble des
organismes de formation à intégrer dans leurs maquettes les problématiques du handicap, et ce qu’il
s’agisse de former des enseignants ou des architectes, des urbanistes ou des soignants.
Plus largement, c’est l’ensemble des métiers qu’il s’agit d’amener, pour chacune des actions à
conduire, à se demander si la prise en compte des personnes en situation de handicap a bien été
intégrée.
Dans le champ de l’accès aux soins, le chantier aussi est immense ; les exemples, parfois
insoutenables, sont légions qui témoignent de la violence institutionnelle à l’œuvre à l’égard
pourtant des plus fragiles d’entre nous, mais également de leurs familles, telle l’histoire de ce jeune
homme polyhandicapé qui perd 15 kilos parce que l’obstination médicale conduit à ne pas tenir
compte de la parole de sa mère ; ou des conséquences parfois tragiques de l’absence de structures
adaptées pour l’accueil des personnes les plus lourdement atteintes.
A l’horizon de la loi, ce sont certes les textes existants qu’il conviendra de faire évoluer, mais de
nouveaux textes seront aussi à adopter, en lien avec la nécessaire élaboration d’un véritable schéma
territorial en matière de prise en compte du handicap.
Pour y parvenir, de nombreux points appellent plus que jamais la vigilance des associations réunies
au sein du Collectif Handicaps.
Il est essentiel notamment de veiller à ce que le Conseil du handicap ne devienne pas une simple
chambre d’enregistrement et de traitement administratif des dossiers, mais soit bien cet outil de
prospective permettant d’ouvrir des chantiers juridiques, et d’accompagner l’élaboration de ce
schéma du handicap dont le pays a besoin.
Ce schéma se devra de tenir en équilibre une volonté permanente d’intégration d’une majorité de
personnes en situation de handicap dans chacun des espaces de notre société, avec le
développement de toutes les structures et de tous les accompagnements qui seront nécessaires pour
que les plus lourdement touchés puissent également bénéficier de parcours de soins adaptés.
Qu’il soit en somme donné à chacun selon ses besoins, selon ses aspirations, selon ses fragilités.
N’est-ce pas le socle même de toute démocratie ?
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LIVRE IV – ÉDUQUER AU PARTAGE DE NOS FRAGILITÉS
Avril 2010. Les principaux décrets d’application des lois programmes sur le handicap en NouvelleCalédonie à peine adoptés, pas question pour les acteurs du Collectif Handicaps de relâcher leur
attention. Le Grand débat sur l’avenir de l’école calédonienne vient en effet d’être lancé. Avec lui
s’ouvre la perspective d’un vaste transfert de compétences, celui du secondaire public et privé, mais
également du premier degré privé resté curieusement sous tutelle de l’Etat alors que son homologue
du public a été transféré dès janvier 2000 à la Nouvelle-Calédonie.
Ce Grand débat, le Collectif Handicaps souhaite qu’il soit l’occasion d’affirmer le droit
fondamental des enfants et des jeunes en situation de handicap à l’éducation et la formation, de
dresser un état des lieux de l’existant et de proposer de nouvelles voies pour que l’exercice de ce
droit entre dans les faits. Ses membres entendent donc y participer pleinement chaque fois que
possible.
Mais, chacun en acquiert vite la conviction, ce premier niveau d’implication ne saurait suffire. Il y a
fort à parier en effet que l’entrée dans l’analyse du système éducatif calédonien ne se fera par le
handicap qu’à la marge. Il est donc décidé d’organiser avant la fin de l’année 2010, en parallèle aux
rencontres relevant du Grand débat, un temps fort de réflexion sur le thème école et handicap.
Déposés dans le « panier » du Grand débat, les actes de cette rencontre seront la contribution du
Collectif à celui-ci, celle des personnes en situation de handicap elles-mêmes, de leurs familles,
leurs amis, leurs accompagnateurs à des titres divers.
Transfert de compétence du système éducatif : un contexte favorable ?
Le contexte peut sembler a priori favorable. Le Grand débat a été voulu par le Gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, et impulsé tout particulièrement par son président d’alors, Philippe Gomès. Il
engage toutes les institutions et est coordonné par Claude Thélot, expert reconnu, qui a déjà œuvré
au sein du Grand débat sur l’école en Métropole. Il se traduit par l’organisation dans tout le pays de
rencontres tous azimuts, rencontres organisées dans les établissements scolaires, les mairies, etc.
Ce Grand débat vise à établir un large état des lieux et des représentations, à réfléchir et repenser
l’école du Pays. Son objectif : préparer au mieux l’échéance de janvier 2012, date où l’intégralité de
la gestion du système éducatif sera confiée aux institutions calédoniennes, moyennant des mises à
disposition de personnel, de structures, préalablement définies de manière quasi consensuelle avec
l’Etat et plus particulièrement l’Education nationale.
L’enjeu est majeur. Ce transfert est de l’avis de tous le plus complexe à mettre en œuvre, le plus
lourd également puisqu’il devrait conduire à terme à accroître considérablement le budget de la
Nouvelle-Calédonie, mais également à doubler au minimum les effectifs en personnel qu’elle est
amenée à gérer.
Pour le Collectif, il est impératif de saisir cette opportunité, rarement offerte à une communauté
humaine, pour que soit réellement prise en compte la question de l’intégration scolaire des enfants
et des jeunes en situation de handicap. Or chacun devine que ce combat est loin d’être gagné. La
pente naturelle des systèmes les conduit à raisonner sur le général plus que sur le singulier ; elle ne
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les porte pas à percevoir la valeur universelle de ce singulier ; le jugeant minoritaire, l’ensemble des
acteurs est tenté de le traiter comme un phénomène marginal, omettant le fait qu’en lui réside une
richesse d’innovation dont aucun système ne saurait se passer.
En somme, parce que réfléchir l’avenir de l’école, c’est inévitablement réfléchir à la société que
nous rêvons de construire, cette question de la place faite à la fragilité, à la vulnérabilité relève du
choix d’un modèle de société, choix dont il n’est pas inutile ici de décliner les termes.
Il est certes recevable de considérer que les situations de handicap ne représentent qu’un faible
pourcentage des situations scolaires à prendre en considération. Il peut paraître logique qu’elles
soient de ce fait abordées à la marge du débat plutôt qu’en son centre. Mais n’est-ce pas là une de
ces fausses évidences dont nous sommes si souvent pétris ?
Une autre approche en effet mérite d’être envisagée, dans un pays en construction, dont les citoyens
disposent de cette chance inouïe, rare dans l’Histoire des sociétés humaines, de pouvoir peser de
toute leur réflexion sur un devenir qui ne les prend pas à la gorge, mais à l’élaboration duquel du
temps est donné.
Cette approche s’appuie sur la conviction qu’une société se définit elle-même par l’attention qu’elle
porte aux plus fragiles, sur la conviction que mettre au cœur du dispositif ceux qui ont le plus
besoin d’elle la grandit et confère à son développement une direction humaine inédite. Dis-moi
comment sont accueillis et accompagnés les plus fragiles, les plus vulnérables, dans la société qui
est la tienne, je te dirai quel en est le socle, le noyau fondateur.
« Le handicap, écrit Charles Gardou dans la préface de son livre remarquable, Fragments sur le
handicap et la vulnérabilité, n’est qu’un des aspects spécifiques des problèmes généraux de notre
humanité. Il ne fait qu’en jouer le rôle d’amplificateur. Le sort peut amener celui-ci ou un autre,
sans aucune prévisibilité ni équité, à en être victime. Parce qu’il relève de l’ordinaire de la vie, il est
à prendre en compte chaque fois que l’on pense l’homme et ses droits, que l’on éduque ou que l’on
forme, que l’on élabore des règles et des lois, que l’on conçoit l’habitabilité sociale ou que l’on
aménage les espaces citoyens, etc. (souligné par nous) C’est de cette seule manière que pourra
s’accomplir la désinsularisation de ceux qui ne sont pas du bon côté du hasard. » Et il poursuit :
« … une société se définit essentiellement par la façon dont elle institue son idée de la normalité, et,
en conséquence, par la considération qu’elle porte aux fragilités des affaires humaines. » (Idem)
C’est dans cet esprit que sont organisées le samedi 30 octobre 2010, au collège de Koutio, sur la
commune de Dumbéa, les Assises de l’école et du handicap – Scolarisation et éducation
spécialisée. Toute la journée, au fil d’ateliers en matinée, puis en après-midi lors d’une large mise
en commun des échanges du matin, la réflexion conduite suscite tout à la fois l’enthousiasme et
bien des interrogations.
Les actes de ces assises, établis par le Collectif Handicaps, sont désormais disponibles sur le
site de celui-ci.
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LIVRE V – ÉCRITURES DE LA FRAGILITÉ / PAROLES
CROISÉES
D’abord dire non. Non au regard sur, surplombant, surdéterminant, à la parole de l’autre qui vous
détermine, qualifie, de manière unilatérale. Et prendre la parole pour se nommer soi-même. Les
divers acteurs engagés au sein du Collectif Handicaps ont souhaité que ce livre état des lieux
témoigne aussi de cela, de cette volonté farouche de faire place à la parole de l’autre quoiqu’il
advienne, et d’ouvrir chaque fois que possible dans la société calédonienne des espaces où cette
parole puisse s’affirmer dans toute sa singularité et toute son autonomie.
Les pages qui vont suivre ne sont qu’une tentative, un signe pour donner corps à cette volonté. Au
fil d’un dialogue entre personnes humaines, l’une dite valide, l’autre dite en situation de handicap,
s’affirme un désir mutuel, celui de voir chacun d’entre nous être considéré pour ce qu’il est, avant
tout un être humain, avec ses forces et ses fragilités, ses doutes et ses espérances.
Les entretiens proposés ont été relus et amendés par chacune des personnes y ayant été impliquées.
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Entretien avec...
JACQUES W. : Corps blessé, corps qui danse
par Stéphanie Vigier
Texte de présentation par Stéphanie de la personne, âge, handicap, etc. en quelques lignes
+ pourquoi ce choix de l’entretien avec lui.
Stéphanie Vigier : Ton enfance à toi, comment tu la vois ?
Jacques W. : K.O. Aujourd’hui, je suis une personne motivée. Mais à l’école primaire, j’étais le
dernier de la classe. « Jacques, bouge-toi le train » : c’est ce que l’instituteur me dit. Moi, un vrai
légume, parce que je n’avais pas la motivation. Quand un jeune trouve la raison, le pourquoi il se
lève le matin, là seulement il démarre. Cette raison moi, maintenant je l’ai trouvé, mais à ce
moment-là non.
S. V. : Quelle est cette raison que tu as trouvée ?
J. W. : L’envie de montrer aux gens que oui, je suis en situation de handicap, mais regarde ce que je
suis capable de faire. C’est pour ça aussi que je suis au DEFIPS (un des services de l’établissement
géré par l’APEH-NC), pour accumuler le plus possible de savoir-faire. Je crois que plus j’aurai de
savoir-faire, plus on aura besoin de moi. Regarde, je suis en fauteuil, et toi tu as un problème d’ordi.
Et bien montre-moi ton ordi, je vais t’aider, c’est moi qui vais t’aider. Après, ça pousse le respect.
Peut-être personne va dire comme ça « Jacques je te respecte », mais ils seront obligés de dire « lui,
là, lui respect, il se bouge le train ».
S.V. : Cette prise de conscience pour toi, ça arrive quand et quoi la provoque ?
J. W. : Quand j’avais 12 ans, exactement 12 ans. L’origine c’est une colère, une colère que
j’accumulais parce que les jeunes, les autres sont méchants avec moi. J’ai dit à maman mon envie
de les frapper, « ces vilains maman, ils ne sont pas gentils avec moi ». Et elle, parce qu’elle n’est
pas violente, le contraire de violente, elle me dit « non Jacques, ne soit pas violent, affronte-les
autrement ». Ma question c’est « avec quel outil, j’ai quoi comme outil ? » Et pour trouver ça,
l’outil, là c’est mon frère. Un jour je l’ai vu gigoter sur la musique, et tout de suite j’ai dit « attend,
je vais essayer de danser comme vous ». Seulement je n’y suis pas arrivé bien sûr, ça m’a beaucoup
vexé, et surtout là je me suis dit voilà je peux pas, je peux pas danser, je suis handicapé ». Mais mon
frère m’a pas lâché, il a amené un DVD et m’a dit « regarde », c’était une personne en situation de
handicap, mais quand elle danse, pfft… c’est fort. Là j’ai décidé, dit à mon grand frère « voilà, je
veux faire ça ». Et c’est ce que je fais jusqu’à maintenant, j’utilise le hip hop. Je peux claquer dans
mes mains et dire « OK, je suis en situation de handicap, mais regarde, mets moi près d’un autre
danseur, je suis au niveau, quand je danse, mon handicap n’est plus là, dès qu’il y a la musique, dès
qu’il y a l’univers de la danse, je suis comme tout le monde, et même je fais des trucs que tu aurais
peut-être bien du mal à faire.
Bon, ceci dit, c’est bien joli tout ça mais il y a du travail derrière. Parce que moi, je me suis
mobilisé pour acquérir des compétences, pour me diversifier. C’est moi qui suis allé vers les autres,
pour que les personnes d’un autre milieu me connaissent. Je suis allé faire du théâtre pour que
le milieu du théâtre me connaisse, de la radio pour que le monde de la communication me
connaisse, j’ai réussi à évoluer dans le milieu du spectacle mais c’est avec l’aide de mes deux
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frères, Sylvain et Ludovic Slimane… il n’aime pas qu’on l’appelle Ludovic, il préfère Slimane…
leur soutien, ça change tout, avec ma motivation bien sûr.
S.V. : Cet engagement artistique, qu’est-ce que ça t’apporte ?
J. W. : C’est un milieu où le physique n’intervient pas, sauf en danse bien sûr, et c’est justement ce
que j’ai choisi. En peinture par exemple, on peut considérer qu’une personne en fauteuil a 100% de
ses capacités, elle utilise ses mains, les jambes n’interviennent pas. Tu vas voir une expo, tu te dis
pas que le gars qui a peint est handicapé, d’abord tu regardes la peinture… simplement après, si tu
sais qu’il a un handicap, tu peux être épaté c’est sûr. Et là il y a une notion de respect qui intervient.
Moi j’ai beaucoup évolué dans le monde du spectacle, ça tient à ma personnalité, j’adore les gens,
être avec les autres… C’est un milieu où le regard des autres compte. Tu peux être le meilleur
danseur ou le meilleur peintre, s’il n’y a personne pour te regarder, tu n’as pas vraiment de raison
d’avancer. C’est ça qui me plait.
S.V. : Paradoxalement, ton domaine c’est la danse justement, comment tu vis cela sans l’usage de
tes jambes ?
J. W. : La danse me protège contre les remarques blessantes. Parce que je peux pas marcher, oui,
c’est vrai, mais donne-moi de la musique, donne-moi un tempo, et tu vas voir, dans mon style de
danse, ce que je suis capable de faire. Je suis un passionné de la danse, ça me donne une certaine
confiance en moi, sans elle je ne pourrai pas me présenter devant toi, devant les autres. Avec elle je
peux. Je ne me présente pas devant toi avec mon handicap, mais avec la danse.
C’est souvent ça la difficulté d’une personne en situation de handicap, elle se présente devant les
autres avec ses problèmes, alors elle ne regarde qu’eux, et les autres aussi. Moi, la danse m’a permis
de me dire « OK, j’ai ce problème, mais qu’est-ce que je peux faire, qu’est-ce que je suis capable de
faire, et il y a eu la danse, et ça a permis de minimiser mon handicap. C’est un handicap important,
mais comparé à d’autres, par exemple les personnes en situation de polyhandicap, je me dis que je
peux faire beaucoup de choses. Elles ne pourront pas fournir un travail très technique comme moi.
Alors ça me permet de me dire que oui, je suis handicapé, mais aussi de remercier le ciel parce qu’il
ne m’a pas donné un handicap si lourd que ça, je peux danser, j’avance, et la personne valide qui me
regarde voit ce que je suis capable de faire, et elle parfois avec ses capacités voit même que je suis
capable de faire plus qu’elle. Ça me permet aussi de lui dire regarde ce que je réussis à faire moi,
alors toi qui n’a pas de handicap, est-ce que tu ne crois pas que tu pourrais faire plus que ce que tu
fais ? Toi tu peux commander tout ton corps, moi qu’une partie.
S.V. : Est-ce que la danse a changé le regard que tu portes sur ton corps ?
J. W. : Oui, obligé, pour certaines prouesses techniques, il faut une certaine maîtrise de ton corps, et
là, y’a pas photo, même moi des fois je m’étonne moi-même. Avant, mon corps c’était mon ennemi,
je le comprenais pas. Puis j’ai pas suivi une formation pour apprendre à danser, j’ai appris avec mes
deux frères qui sont des passionnés de la danse. C’est eux qui m’ont enseigné l’amour de la danse,
ses us et coutumes, comment travailler avec son corps. J’ai découvert, il y a des choses, je ne savais
pas que je pouvais faire ça. Bon, je ne vais pas entrer dans les détails techniques, ça n’intéresse
peut-être pas les gens, ils vont dire c’est quoi ce baragouinage, mais ce que je veux dire c’est que je
peux faire certaines choses que même les valides ne pourraient pas faire.
S.V. : Tu parles beaucoup de tes frères, que dirais-tu de l’importance de la famille ?
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J. W. : J’aurais beau faire le malin, dire que je suis un caïd, que je suis le meilleur, ce qu’il faut bien
comprendre c’est que tout ça vient du fait que ma famille m’a encouragé à être le meilleur. Je ne
peux pas m’attribuer tout le mérite, je ne peux pas renier tout l’effort de mes frères pour que je
devienne la personne que je suis en ce moment.
Ça n’a pas toujours été comme ça. Quand j’étais plus jeune, je n’avais pas leur soutien, on était tous
plus jeunes. Je ne leur en voulais pas. Puis il y a eu un moment où ils ont pris conscience que j’avais
besoin d’eux, et moi j’ai réussi aussi à le leur dire, j’ai pu leur crier mon besoin. C’est là qu’ils
m’ont proposé la danse, et jusqu’à aujourd’hui ça me convient parfaitement.
S.V. : Est-ce que tu peux revenir un peu sur ce soutien qui t’a manqué au début ?
J. W. : Au début, ils ne voyaient pas. Je veux dire si, ils voyaient ma souffrance, mais ils ne me
voyaient pas, et moi du moment que je ne faisais pas le premier pas, du moment que je restais dans
ma bulle, eux ne pouvaient pas m’aider, ils le voulaient mais comment est-ce qu’ils auraient pu le
faire si d’abord je ne tendais pas la main pour dire ce dont j’avais besoin.
S.V. : On se connait depuis longtemps. Tu as beaucoup changé, je suis heureusement étonnée par
l’adulte que tu es devenu. Mais je rencontre aussi des jeunes qui n’y arrivent pas, d’après toi c’est
quoi qui fait la différence, qu’est-ce que tu pourrais leur dire ?
J. W. : Je ne veux pas juger les parents, c’est difficile pour eux souvent, mais principalement quand
même je crois que c’est ce qui compte, leur exemple. Mes frères m’ont aidé parce qu’ils ont aussi
été éduqués, comme moi, dans cette démarche humaniste. Ma mère surtout m’a élevé avec ce
principe, même avec le handicap, que si quelqu’un a besoin de toi et te demande ton soutien, tu dois
l’aider. Moi bien sûr, comme tout gamin, je dis « mais maman, je suis handicapé, je peux aider
personne »… Quand mon grand frère a entendu ça, c’est qu’une image mais hop, il m’a frappé la
tête là, en me disant que juste le fait de parler avec ceux qui ont besoin, de leur montrer que tu as de
l’attention pour eux, que tu les soutiens, ça compte. Pas besoin de leur donner des pièces, et même
handicapé tu peux avoir une parole. Voilà, c’est ça, j’ai eu avec ma famille cette démarche
d’éducateur, et jusqu’à aujourd’hui avec tous les membres de ma famille. Je tiens une discussion.
Mes parents m’ont donné l’exemple, mon père par ces attitudes parce que c’est un homme quand il
dit quelque chose, il va le faire. Je crois que je suis quelqu’un de bien parce que mes parents m’ont
montré ça, directement ou indirectement. Avoir aussi une utilité sociale.
S.V. : Que veux-tu dire par utilité sociale ?
J. W. : En grandissant, ça c’est fait tout seul, j’ai adopté comme je disais ce rôle d’éducateur entre
guillemets avec les membres de ma famille. Bien sûr comme tout adolescent, les jeunes vont se
bloquer, seulement quand ils me sortent le discours de l’ado furieux, j’ai juste besoin de dire « eh,
répète ». Il y a des ruptures parfois, des éloignements entre les générations, moi j’encourage à
resserrer les liens. Des fois ça marche, des fois pas, mais c’est vrai qu’ils voient comment je suis, ils
disent « comment tu fais pour ne pas pleurer, pourtant toi t’es en fauteuil… et t’arrives à avoir
toujours la patate », ça les fait réfléchir. Ce que je pense, c’est que les problèmes sont là, faut juste
les porter, mais pas se laisser écraser, juste porter. Après, quand les problèmes c’est plus importants
c’est sûr j’ai pas de solution miracle, j’ai pas suivi une grande formation, j’ai simplement des petites
techniques que j’ai accroché par-ci, par-là, avec des amis, des gens que j’ai rencontrés, on va dire
que j’ai accumulé une expérience en parlant, parce que c’est ça au fond mon outil, celui que je
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manipule le plus, la langue. J’écoute, je parle, j’analyse, je me fais ma propre expérience. Pour finir
les autres voient, les tontons, les tantines, et toute la famille vient déposer ses enfants quand ils n’y
arrivent plus, et je parle, je discute, je gronde un peu….
S.V. : Tu parles bien du lien, mais comment tu travailles ça, comment tu le construis, avec la famille
mais aussi le milieu associatif, les autres en général ?
J. W. : Ça dépend si je m’adresse à des gens que je connais, qui me connaissent ou pas. Si on se
connait pas au départ, obligé, il y a une distance, on m’a élevé comme ça, à avoir d’abord une
attitude un peu éloignée. Mais attention, si tu veux devenir mon ami, viens ; si tu as besoin de moi,
je ne force jamais mais si tu t’approches, je suis un peu le grand frère de tout le monde. Ça c’est
parce qu’on m’a soutenu moi, pour m’aider à sortir de mon problème, et puisque maintenant je suis
bien dans mes baskets, je peux reproduire le schéma de mon grand frère, qui nous remontait les
bretelles, Ludo et moi, mais nous a toujours soutenus. Sylvain, on l’écoutait, il y avait le respect
attention, mais on l’écoutait, même quand ça ne faisait pas plaisir, parce qu’on savait qu’autrement,
on s’en mordrait les doigts.
S.V. : Et avec l’entourage des professionnels, les médecins, les kinés, tous les soignants, comment
ça s’est passé, comment ça se passe pour toi ?
J. W. : Là-dessus, je n’ai aucun tabou, pas de tabou concernant mon corps. Je sais que les médecins
ont des compétences, et qu’ils sont là dans l’optique de soigner, pour m’aider, alors quand un
médecin me dit « Jacques, il faut que tu fasses ceci », je n’ai aucun problème ; quand ils sont là, en
train de me manipuler, c’est vrai ça gêne beaucoup, puis c’est très douloureux des fois, mais je vois
qu’il y a les résultats, et que ces résultats ça compte pour mon projet personnel, professionnel. Je
cherche toujours le positif avec eux, pour pouvoir me laisser « torturer » entre guillemets.
S.V. : Est-ce qu’il y a d’autres sujets dont tu aimerais parler, qui t’importent ?
J. W. : Oui, toute la question du travail, de l’accès au travail, du pouvoir d’achat pour nous, les
personnes en situation de handicap. Et de l’accessibilité. Quand je vois que les responsables des
magasins ne font pas d’effort pour adapter leurs entrées, ça me fait un coup de sonnette dans la tête,
je me dis qu’il est idiot ce directeur, que s’il veut plus de client, c’est son intérêt d’adapter, parce
que même si notre pouvoir d’achat est encore faible, on en a un quand même, on est des
consommateurs comme les autres, des êtres humains et à ce titre les mêmes désirs et les mêmes
droits d’avoir envie de consommer tel ou tel produit que tous les êtres humains. Quand je vois une
casquette, qu’elle me plaît, je suis comme tout le monde, j’ai envie de l’acheter, et c’est quoi si je ne
peux pas rentrer dans le magasin. Voilà, ça c’est une petite sonnette d’alarme pour les magasins,
l’envie de leur dire « si vous voulez des pièces les mecs, adaptez, vous aurez plus de clients ».
S.V. : Et concernant l’accès au travail, la possibilité de gagner sa vie par un travail ?
J. W. : Là, c’est les patrons qu’il faut booster, parce que pour l’instant on a l’impression qu’ils vont
préférer payer la taxe que nous employer. D’un côté je les comprends c’est vrai, je comprends qu’ils
aient du mal à se dire qu’ils vont devoir former les personnes en situation de handicap, adapter les
postes de travail, je les comprends oui… un petit peu… mais ce que j’ai à leur dire c’est qu’ils ne
font peut-être pas le bon calcul, et aussi que je revendique pour nous les mêmes droits que pour tout
le monde, nous sommes des êtres humains, nous sommes des personnes, avec des besoins, des
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envies, et entre autre l’envie d’accomplir notre devoir de travail pour notre société. Il faut qu’ils
comprennent qu’en travaillant, en fournissant un travail, fabriquant un produit, on a le souci de
participer au développent de notre entreprise. Si le patron adapte pour nous aider à travailler, on
travaillera au même titre que les autres collègues, et même, parce qu’on est conscient de nos déficits
physiques, on sera peut-être plus motivé encore, avec l’envie de dire « oui, c’est vrai, j’ai un
handicap, mais regarde ce que je suis capable de faire ». Si les patrons ne nous donnent pas notre
chance, comment on peut montrer le fruit de notre travail, notre engagement ? Bien sûr je
comprends qu’ils puissent avoir des craintes, le mec par exemple avec son handicap il a des
spasmes, donc c’est sûr il faut faire attention. Mais il y a beaucoup de travail possible. Et même
c’est possible que la personne en situation de handicap, parce qu’elle a quelque chose à prouver,
parce qu’elle a cette envie de vivre et d’être avec les autres, cette énergie, elle fera plus qu’une
personne valide. Moi, si on me donnait ma chance, pour un travail, c’est sûr je vais… perdre un
bras entre guillemets s’il le faut, j’irai à mon maximum.
S.V. : Et la question de la vie amoureuse, est-ce que tu veux en parler ?
J. W. : Si je revendique mon côté humain, que je suis un être humain, il y a tout dedans, aussi ça
dedans. D’autres ne veulent pas en parler, je comprends, mais moi si. Si on oublie le fait que j’ai
mon pied qui barre en frite, je dis que j’ai la responsabilité en temps que citoyen d’un pays, de ce
pays, d’aller travailler pour le développer, c’est mon pays, mais j’ai aussi le devoir de prendre soin
de mon corps comme tout être humain, et ce corps, cet être humain a envier comme tout être
humain d’aller trouver sa moitié. Je la cherche, moi aussi, parce que tout le monde espère qu’il y a
quelqu’un qui l’attend, et moi en plus je vise plus haut encore, je veux avoir cette responsabilité
d’être père. Un homme, un mari, un père, voilà, un être humain, ça coule de source. Tu peux écrire
tout ça. Que les autres voient bien que là, c’est un mec qui se dévoile, qui n’a pas envie de se
fermer, j’ai été fermé depuis que je suis gamin, alors maintenant que j’ai trouvé la vie, je ne veux
plus jamais me fermer.
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Entretien avec...
MICHEL W. : La lente reconstruction d’un homme fracturé
par Catherine Poëdi
Être professeur en lycée, c’est vivre entouré d’adolescents pleins de rêves et de projets et c’est là
un des bonheurs de notre profession. Car il y a un vrai plaisir pour les adultes que nous sommes, à
accompagner ces jeunes dans ce formidable élan qui les porte vers la vie avec confiance ; ils sont à
l’âge de tous les possibles et leur foi dans les promesses de l’existence est, pour nous aussi, une
source d’énergie et d’espérance.
C’est dans ce contexte que j’ai connu Michel, en 1986, élève aussi curieux qu’intransigeant avec
ses professeurs, mais dont nous mesurions tous les nombreuses capacités. Son bac en poche, il est
parti en Métropole pour y poursuivre ses études et je n’avais de lui que des nouvelles assez
irrégulières, mais il faisait partie de ces jeunes dans la réussite desquels nous étions confiants.
Plusieurs années après, c’est à bord d’un avion d’Air France que nous nous sommes revus avec
beaucoup de plaisir. Dans son impeccable tenue de steward, souriant et sûr de lui, Michel était
heureux, il faisait le métier qu’il aimait, il était marié et jeune papa.
Comment imaginer à ce moment là la terrible tempête qui allait le briser quelques temps plus tard ?
Me vient à l’esprit lorsque j’évoque le destin de Michel et ce qu’il m’a raconté de son histoire, celui
de ces personnages dont le nom incarne la tragédie et la fatalité implacable et si terriblement
inique. Le handicap qui est désormais le sien l’a mené certainement au-delà de l’endurance et de la
compréhension humaine ordinaires, le laissant brisé et dépourvu de tout pendant plusieurs années.
Aujourd’hui Michel se reconstruit, non dans la linéarité de progrès réguliers mais par étapes
laborieuses et discontinues où rien ne semble jamais complètement acquis mais où pourtant un
équilibre existe, une envie de vivre et de partager avec son entourage refleurit, ténue et vivace tout
à la fois.
C’est ce parcours que j’ai choisi d’évoquer avec lui à titre de témoignage de cette fragilité qui
nous définit si profondément et si inéluctablement, mais qui porte aussi en elle une extraordinaire
capacité à la reconstruction. C. Poëdi
Catherine Poëdi : Peux-tu tout d’abord te présenter ?
Michel W. : J’ai 42 ans, et j’ai traversé des moments très difficiles, très, très difficiles en 1994. J’ai
passé quinze jours en asile psychiatrique, à Nouville. Et quand je suis sorti, toutes les relations que
j’avais auparavant, avec ma famille, mes collègues, mes amis, ont été remises en cause. Cela m’a
fait beaucoup souffrir, et ma manière de penser a changé, je n’étais plus le même. Quand je retrace
ces moments, je peux dire que ce qui me fait vraiment souffrir, c’est que je n’arrive plus à établir
une relation convenable et sereine avec les autres, surtout et d’abord avec ma famille qui représente
pour moi mes origines, mon identité, mon appartenance à une culture, le lieu de renouvellement de
ma foi, là où je dois puiser mes forces, mes idées, parce qu’au début c’est au sein de cette famille
que j’ai reçu toute l’éducation qui a fait de moi ce que je suis. Ma formation à l’école a été une aide,
mais ma façon de concevoir les choses vient de ma famille. Seulement depuis que je suis tombé
psychologiquement malade, j’ai perdu le soutien de ma famille, le support de ma famille. Ou plutôt
je devrais dire non pas qu’ils ne m’ont pas soutenu, mais que leur soutien ne répondait pas à mes
attentes car il y avait urgence, je souffrais moralement et intérieurement comme quelqu’un qui a été
brisé. Ma famille aussi a été très touchée par ce drame qui surgissait dans ma vie et dans leur
incapacité à comprendre et à répondre, ils ont placé leur confiance en Dieu mais la réponse que
j’attendais à ce moment-là c’était de l’attention, de l’affection au-delà des mots-clichés sur les liens
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familiaux, notre culture kanak etc. J’avais envie qu’il soit simplement question d’humanité, de
l’universalisme concilié dont parle Césaire…. Ils ne comprenaient pas ce qui se passait dans ma
tête, et c’est surtout ce décalage là qui m’a fait souffrir, après la maladie. Et jusqu’à aujourd’hui
c’est toujours un handicap pour moi, devoir gérer non seulement ma maladie, la souffrance dans ma
tête, mais aussi celle due aux relations avec ceux qui m’entourent.
C. P. : Peux-tu parler plus précisément de ta difficulté ?
M. W. : Il y avait d’abord une grande souffrance intérieure, une souffrance morale, qui a commencé
à ronger ma vie jusqu’à arriver au maximum, à un point où, dans ma tête, je n’arrivais plus à gérer
mes pensées, mes sentiments, mes émotions intimes. Je n’arrivais plus à les contrôler, à savoir d’où
ça venait, comment ça se passait, je n’arrivais plus à mettre les mots sur mes émotions, parce que
j’avais mal au fond, et il y a tout un désordre que je n’arrive plus à maîtriser, au point d’être violent
envers ma femme. Je l’ai frappée avec un marteau parce que pour moi, c’était faux bien sûr, pour
moi elle était la cause de cette maladie.
J’ai été interné à Nouville, eu des tas de médicaments, mais avec des tas d’effets secondaires
jusqu’à maintenant. En sortant, il a fallu continuer de gérer ça, la prise des médicaments, mais aussi
organiser les discussions avec mon père, ma mère, ma femme qui m’a plus ou moins
« abandonné » ; mes enfants, pour des raisons de sécurité elle a voulu m’éloigner d’eux, je
comprends mais moi j’étais dans mon silence après cette maladie, ce séjour en asile psychiatrique,
j’avais tout perdu, mon emploi de steward à Air France, ma femme qui a demandé le divorce, mes
enfants… Dans ma tête j’étais seul, je suis resté seul, dans la rue, plus de travail, mes collègues ne
me regardaient plus de la même manière, ne m’adressaient plus la parole de la même manière ; je
n’avais plus ma femme, mes enfants, avec pas un rond et cette maladie, du jour au lendemain dans
la rue. Ma famille non plus ne m’a pas compris parce qu’en tant que Kanak, que responsable
coutumier, je n’arrivais plus à assumer mes responsabilités, et eux ne comprenaient pas, ils ne
voyaient pas la souffrance au fond de moi, donc ils ont préféré me mettre de côté entre guillemets.
Seulement moi du coup, je ne pouvais plus rien partager, avec personne.
J’ai beaucoup, beaucoup souffert, j’ai été au fond, je sais pas comment on peut appeler ça, au fond
de l’abîme ? Mais grâce soit rendue à Dieu, j’en arrive là maintenant, j’ai vu la main de Dieu me
protéger, je ne sais pas pour quelle raison, mais j’arrive à une situation où je commence à pouvoir
mieux poser tout.
C.P. : Qu’est ce qui t’a aidé en définitive ?
M. W. : Par des circonstances que je ne peux pas vraiment m’expliquer, je me suis retrouvé avec un
médecin, un psychiatre, puis un autre, et ce qui m’a beaucoup aidé c’est qu’ils m’ont éclairci,
éclairci mes sentiments, mes souffrances, aidé à mettre certaines paroles, certaines images, donné
des clés qui débloque ce qui isole. Je ne sais pas comment dire ça, mais j’ai eu des sentiments de
souffrance dont je n’arrivais pas à me libérer parce qu’ils étaient isolés en moi, clôturés en moi,
sans mot. Il me fallait des codes, des passes, et le médecin, avec les mots qu’il emploie, il me les a
donnés, ça a été une bouffée d’oxygène, d’un coup j’ai pu respirer un moment, me remettre en
équilibre, dans mes pensées. Ça m’a permis de mieux gérer à nouveau mes relations avec ma
famille, ma femme, mes enfants, et permis aussi de me retrouver au niveau professionnel. Je pense
aussi que ma foi en Dieu m’a aidé ; elle est une force qui donne l’espérance en une vie où existent
la justice et la paix.
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C. P. : Ton parcours semblait exemplaire, lycée Do Kamo, réussite scolaire, études en France, bon
poste, une femme, trois enfants, une vie en apparence épanouie, puis tout a basculé… Tu as aussi
reçu une éducation très stricte…
M. W. : Oui mais sur le plan professionnel, c’était aussi beaucoup de décalages horaires, beaucoup
de fatigue physique… et une contradiction je dirai entre tradition et modernité. Quand j’ai
commencé ce boulot de steward par exemple, j’ai mis beaucoup de temps à accepter la cravate, ça
ne faisait pas partie de mon éducation, de mes traditions, de l’éducation religieuse que j’avais. On
m’avait toujours enseigné, la coutume, mes parents, la religion au sens de quelque chose de sacré et
rempli de tabous donc limitateur et dogmatique, qu’il fallait rester petit et humble… et on a
confondu petit et humble avec effacé, j’ai confondu. Or il fallait que je mette la cravate, que je me
trouve dans des situations professionnelles où on est exposé, où il faut partir vers d’autres pays,
d’autres horizons, s’ouvrir sur le monde… On peut dire ça, que j’étais contrarié, il y avait
contradiction entre ce travail et mon éducation à Maré d’où je viens. Il y avait une distorsion,
comme si on pressait quelque chose au fond de moi, comme si je n’arrivais pas à trouver l’équilibre
entre ma personnalité qui était construite avec une certaine règle, aussi parce que j’ai une position
sociale à tenir au niveau coutumier, une règle qui était on pourrait dire figée en moi, et ma
profession qui m’obligeait à toujours bouger, toujours évolué, et pas seulement dans ma pensée
mais dans tous les gestes de ma vie. Alors il m’a fallu ce passage par la maladie.
C.P. : Pourtant être steward, travailler pour Air France, c’était ton choix ?
M. W. : Oui, mais que je n’avais pas anticipé. Bien sûr il y a des Kanak qui sont hôtesses, stewards,
et il ne leur est pas arrivé la même chose. Aussi je les connais, ils n’ont pas reçu la même éducation
que moi. Moi je regarde les coutumes des autres quand je voyage, et toujours je me demande
comment je dois faire pour faire évoluer mes frères et sœurs kanak ici au pays, en pleine tribu,
comment je peux conduire à voir différemment. Je veux penser pour eux, au lieu de les laisser
conduire leur vie, juste en donnant des repères, une autre vision parce que la nôtre des fois elle est
trop ancrée dans notre tradition, comme si notre meilleur ami à nous les Kanak c’était notre passé,
mais comme l’a dit Tjibaou, notre identité elle est devant nous, on est lourds à cause de nos
habitudes, de nos ancêtres, on cherche notre légitimité dans le passé. Mais il faut vivre notre
présent, notre actualité, et notre avenir. Or on a du mal à penser comme ça.
C.P. : Est-ce que ça a à voir pour toi avec le fait d’appartenir à la génération qui a d’une certaine
manière « épongé » la violence liée aux Evénements, la violence aussi due à ce grand écart qu’il a
fallu faire ?
M. W. : C’est vrai ça a été une violence, et une grande majorité de jeunes kanak se trouve en perte
de repères, d’identité, on parle de délinquance mais il faut interroger ces sentiments qu’ils ont sans
pouvoir les exprimer. La vie a beaucoup changé, la Calédonie a beaucoup changé, tout arrive d’un
seul coup, s’adapter à l’école, à l’entreprise où tout est informatisé, mais la question c’est : est-ce
que moi, en tant que Kanak, je peux suivre toute cette trame de la vie moderne ? Le monde est
comme ça, on ne peut pas revenir là-dessus, j’ai la capacité à faire face, mais il y a aussi une grande
confusion, on refuse d’accepter ce monde qui vient aussi parce que pour nous les Kanak c’est
confondu colonialisme, monde des blancs et ces nouvelles technologies. Pourtant il y a dans tout ça
des choses dont on a besoin, des avancées dont on a besoin. Il faut comprendre que le colonialisme
fait partie de l’histoire, du passé, il faut tendre la main avec le cœur et la pensée, sans avoir peur que
ça touche à notre identité. Je ne rejette pas le passé, mon passé, mais je vis à mon époque. Nos
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grands-pères nous ont légué notre abri identitaire, c’est bien, mais il n’empêche que maintenant je
mets des Kickers et je porte une paire de lunettes Ray-ban.
C.P. : Tu t’es retrouvé dans la rue, sans domicile fixe, avec beaucoup de Kanak il faut le dire, qui
vivent une sorte de folie, de décompensation… quel regard as-tu sur ces personnes que tu as
fréquentées, étiquetées SDF mais qui vivent un handicap psychiatrique ?
M. W. : Ils ont besoin d’être écoutés d’abord, très écoutés. Je ne peux pas dire qu’on guérit une
personne en écoutant, mais déjà c’est un grand pas qui leur permet de clarifier un peu leur cœur, où
tout est devenu tortueux, souffrant, où dans la tête on ne pense qu’à se noyer tous les jours, où on
est submergé par les solitudes, les manquements, par l’alcool ou autre chose. Ce sont des humains,
comme nous, mais des fois on juge vite fait sur l’apparence, c’est la façon de faire de la société
d’aujourd’hui, on passe à côté bien habillé, ils tendent la main et on oublie facilement qu’ils ont un
cœur, qu’ils ont subi des violences dans leur vie, des séparations, la perte d’un travail. Ça arrive vite
fait, du jour au lendemain, on peut tout perdre et descendre, descendre jusqu’au point de se
retrouver dans la rue et plus arriver à remonter la pente. Et c’est vrai que la majorité de ces Kanak,
ils ne sont pas prêts à accepter la modernité, il y a le sentiment de la trahison au fond. Seulement le
problème c’est d’avoir la fierté de dire « mes ancêtres ils ont dit ça et ça », d’y rester attaché, mais
sans rester enfermé dans le passé, en vivant son époque.
Je crois aussi que les Kanak des Iles ont lutté contre le colonialisme mais pas contre l’arrivée de
l’Evangile dans nos tribus et nos coutumes. Cela montre qu’il y a toujours des choix, un tri à faire
pour affronter les obstacles…
C. P. : Est-ce que tu sens plus d’écoute du milieu familial, tribal aujourd’hui ; est-ce que tu te sens
mieux compris ?
M. W. : Ce qui est dur c’est que je suis l’aîné des garçons, et pour nous dans le monde kanak ça veut
dire un rôle différent de celui des autres garçons. On attend quelque chose de moi, alors que moi
j’attends d’eux, ils attendent que ce soit moi qui donne la parole parce que c’est comme ça, l’aîné
des garçons c’est celui qui tisse les liens. Seulement avec ma maladie, tout ça… un jour on ne s’est
plus dit bonjour, le lien avec ma famille ça s’est éloigné, et eux maintenant que j’en suis sorti, ils
restent quand même dans la même position, et c’est moi qui doit faire le premier pas, moi qui suis
revenu vers eux. Je dis cela non par orgueil mais par humilité ; toutes ces souffrances m’ont appris
qu’il fallait aller vers les autres et parfois les aider à surmonter les difficultés d’un vécu, d’une
expérience.
C.P. : Est-ce que cette situation coutumière a représenté une pression sur toi, pas seulement le côté
occidental de ta vie ?
M. W. : La coutume, elle est très simple, celui qui a des responsabilités coutumières est tout seul,
même si chacun assume ce qu’il doit faire là où il est placé. Lui, il doit être toujours présent et
savoir analyser les échanges, connaitre les différentes fonctions sociales des uns et des autres et
contribuer à ce que règnent l’harmonie et la sécurité dans la communauté. Dans le monde
occidental, celui qui a une position sociale élevée, par exemple un premier ministre, au moment de
faire son discours, ça a été préparé par ses seconds, ses chefs de service, etc. Dans le monde
coutumier, celui qui est responsable coutumier, qui a un rang social assez élevé, il n’y a pas de
préparation, ça doit se faire naturellement, aller de soi, il faut qu’il aille le faire, mais au fond de
soi… moi au fond je n’arrivais plus à le faire… On doit tout le temps être prêt dans sa tête, et dans
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ce sens-là c’est une pression. Il y a aussi la crainte de dire des mots qui font mal. Et entre nous, à
partir du moment où tu l’as fait, tout le monde peut-être va te critiquer, te juger. Et c’est parce qu’on
a peur de se faire juger comme ça qu’il y a cette pression tous les jours.
C. P. : Cette pression on la sent sur certains élèves, les garçons notamment, est-ce que l’échec peut
venir de cette pression ? Est-ce qu’il est possible de faire évoluer ça ?
M. W. : Il faut que ça vienne de l’intérieur du monde kanak, changer nos mentalités, et le discours
coutumier, politique, religieux qui ont cloisonné, figé notre manière d’être. Il le faut parce que ça
évolue, ça va évoluer très, très vite, et il faut être prêt à accepter ce qui va arriver. Mais pour ça, il
faut arriver à voir la finalité, l’objectif de ces choses qu’on apprend et on pense que c’est le savoir
des Blancs. Mais nous on vient du fin fond de la tribu, on a une autre conception des choses, une
autre manière de penser, d’agir, de cultiver le champ, de chanter, un autre langage, une autre langue,
et quand on nous apprend toutes ces choses, on est resté dans nos habitudes kanak, on se dit juste
qu’on va à l’école parce qu’on espère qu’avec l’école ou l’intelligence, on aura un jour en ville un
poste pour avoir de l’argent pour avoir du bien à la maison. Il faut bien comprendre ça : dans la
pensée du monde kanak, le modèle de développement à l’occidental, c’est du genre un compte en
banque bien rempli et une accumulation de biens à la maison. Mais quoi après ? Il faut chercher le
développement ici en Calédonie, en Océanie, construire un modèle qui nous correspond à nous.
C.P. : Ton histoire me rappelle un peu celle de Job… C’est vrai qu’on montre souvent ceux qui sont
arrivés à surmonter tout ça, pas le prix à payer, pas la vie de ceux où tout se fracasse : Comment
raconterais-tu ton histoire ? Les psychiatres ont mis des mots : maladie, handicap avéré puisque tu
es reconnu comme une personne en situation de handicap avéré par la commission, mais qu’est-ce
que cela veut dire pour toi ?
M. W. : Ce qui fait ma force, c’est que lorsque les psychiatres placent des mots sur ma souffrance,
des mots de Blancs, je sais que ma souffrance morale à aussi à voir avec ma tradition, ma culture, et
que des fois le médecin est en décalage vis-à-vis de moi. Mais je comprends les mots que dit le
médecin, et je peux réinterpréter son langage pour en venir à l’origine de ma souffrance, qui a aussi
sa source dans ma culture. Je fais un double travail dans ma tête. Les mots du médecin me donnent
une clé qui m’aide à me libérer des souffrances isolées au fond de moi, mais je replace aussi ses
mots dans mon contexte à moi, Kanak, Mélanésien. J’arrive à faire ça.
C. P. : Ton handicap est reconnu par la commission, mais toi, concrètement, comment tu vois
l’avenir ?
M. W. : Je sais mieux gérer mes pensées, mes relations, ça se rétablit doucement, comme tout un
chacun je fais des projets, mais ce qui me préoccupe c’est le côté professionnel, ce n’est pas facile
pour moi d’engager des démarches qui donnerait une sécurité, un confort, tout ça à ma petite
famille. Mais je serai bien si ma petite famille est bien.
Pour l’instant je travaille dans le circuit handicapé, mais j’ai encore du mal même si ça va dans le
bon sens.
C. P. : Est-ce que la reconnaissance du handicap t’a aidé ? Et comment les choses se passent dans le
milieu professionnel ?
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M. W. : Oui ça m’a aidé, et dans le milieu professionnel ça se passe super bien. Il y a juste le
collègue proche, documentaliste, qui sait, et la relation s’est bien définie, on se comprend, j’observe
beaucoup sa manière de faire, et il n’y a pas de difficulté, il fait en sorte que tout se passe bien, il
m’aide, il tient compte. Et aussi avec les élèves ça se passe bien, même comme ils voient que je suis
Kanak dans le CDI, quand ils ont besoin d’un renseignements, ils vont plutôt me demander à moi,
mais moi je fais en sorte qu’ils évoluent eux aussi sur le fait que mon collègue soit Blanc et moi
Kanak, qu’ils nous considèrent tous les deux pareils.
C. P. : Ces questions d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap sont
importantes dans la loi. Cette loi a à peine deux ans, mais tout est à construire, il y a un énorme
problème de formation… toi tu avais déjà une solide formation de base, mais beaucoup n’ont pas
cela. Puis il y a la question de la recherche d’emploi, il n’y a pas de centralisation. Il y a enfin la
question du suivi, le besoin d’un service de suivi. Toi, quelles seraient tes propositions ?
M. W. : Déjà le mot, insertion, inséré, ça laisse entendre qu’au départ la personne en situation de
handicap est en dehors. Mais si la commission elle reconnait le statut de travailleur handicapé, c’est
aussi pour dire que cette personne avec son handicap, elle peut faire un travail, elle peut apporter
quelque chose par son travail dans la société. C’est déjà reconnaitre une forme d’autonomie, rendre
plus épanoui. Si une loi a été pondue pour cela, c’est qu’il y a prise de conscience de la part des
autorités et volonté de voir la personne handicapée comme un travailleur au sens le plus noble du
terme.
Maintenant s’il faut être pratique, je dirai qu’il faut plus d’information, une meilleure information,
et du suivi, une dimension sociale, de l’accompagnement parce que beaucoup de personnes
handicapées ont du mal à se repérer, il faut être patient, répéter. J’ai vu ça quand je suis allé dans les
bureaux. Il faut bien expliquer les démarches à suivre et qu’il y ait de la transparence, avec des gens
compétents pour accompagner, des sortes de tuteur quelque part pour les aider à commencer.
Au niveau de la société aussi, il faut afficher les choses, que les handicapés soient acceptés, reçus,
que ce soit normal dans la mentalité des gens qu’ils ont leur place comme tout un chacun parce que
simplement ils font partie, on fait partie du monde des humains.
L’insertion professionnelle c’est très important, c’est une forme d’épanouissement, la
reconnaissance du fait que même si j’ai une difficulté à gérer, à entreprendre certaines choses, qui
vient de mon problème, je peux aussi réfléchir, avancer, apporter quelque chose, et le travail peut
aussi m’aider, être un moyen de rééducation pour vivre avec les autres. Mais pour ça aussi il faut
aménager le travail. Faire ça, c’est reconnaitre la difficulté de la personne handicapée, et rien que
ça, sentir ça, ça crée une mise en confiance. Il faut des gens qui nous tendent la main, et disent
« relève-toi de ton handicap et viens ici », parce qu’ici c’est une vie possible, le travail ça redonne
de la vie, ça épanouit, ça redonne de l’autonomie.
C. P. : Dans ces situations, il y a des handicaps visibles, et d’autres invisibles, c’est ton cas, c’est le
cas d’une personne souffrant de schizophrénie par exemple… dans ces situations, qu’est-ce que cela
veut dire « adapter le poste de travail » ?
M. W. : L’aménagement d’un poste dans ce genre de handicap, c’est d’abord une demande
d’écoute, de compréhension de la part des collègues, de l’entreprise.
C’est accepter des
aménagements d’emploi du temps par exemple, que ça ne soit pas rigide, parce que moi par
exemple dans ma tête c’est difficile des fois de suivre un mouvement et un rythme de travail, parce
qu’à certains moments je suis en décalage, et le lendemain pas. Ça tient beaucoup à comment
l’entourage comprend, réagit. Moi par exemple, souvent le lundi ça va, le mardi matin ça va, et le
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mardi après-midi ça peut être un trou noir d’une heure, j’ai besoin de dormir un coup pour revenir,
c’est important que le collègue comprenne ça. Alors qu’il y ait un suivi, quelqu’un qui fasse le suivi
sur le lien de travail, pour discuter, expliquer pourquoi il y a une difficulté, ça permet de s’intégrer
mieux, petit à petit de construire une compréhension pour que ça se passe bien.
C. P. : Est-ce qu’il faudrait cibler en priorité des entreprises qui ont moins d’impératif de
rentabilité ?
M. W. : Il faudrait mieux former et informer ceux qui embauchent. Et puis s’il y a la reconnaissance
du handicap, se dire que l’entreprise doit aménager, faire l’effort pour lui venir en aide, qu’il y ait
une discussion, et arriver à un terrain d’entente entre les deux.
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Entretien avec...
VALÉRY K. : Se battre ensemble est un atout et une force
par Stéphanie Vigier
Texte de présentation par Stéphanie de la personne, âge, handicap, etc. en quelques lignes
+ pourquoi ce choix de l’entretien avec lui.
Stéphanie Vigier : Peux-tu d'abord rappeler ce qu'on entend par autisme et TED ?
Valéry K. : L'autisme est une sous-famille des TED, soit Troubles Envahissants du Développement.
Les TED dénombrent quatre autres sous-familles telles que le syndrome d'Asperger, le désordre
désintégratif de l'enfance, le syndrome de Rett, les TED non spécifiques et l'autisme atypique. Les
troubles sont divers et peuvent prendre plusieurs formes qui diffèrent d'un enfant à l'autre.
Aujourd'hui on parle plutôt de TSA, Troubles du Spectre Autistique.
Trois éléments caractérisent l'autisme :
1- Troubles des interactions sociales.
2- Troubles de la communication verbale et non-verbale.
3- Comportements stéréotypés et répétitifs.
Ces trois caractéristiques sont souvent accompagnées par d'autres symptômes tels que des troubles
sensoriels, des troubles psychomoteurs, des troubles du sommeil et des troubles de l'alimentation.
Les chiffres de l'INSERM sont effrayants : un enfant sur cent cinquante naît autiste dans la
proportion d'une fille pour quatre garçons. L'origine la plus probable serait d’ordre génétique
entraînant des désordres neuro-biologiques plus ou moins sévères.
Ce dont nous sommes certains, c'est qu'une prise en charge adaptée et surtout précoce permet
d'offrir le maximum de chances à la personne autiste d'acquérir une autonomie et une intégration
dans notre société à l'âge adulte. Nous ne pouvons donc pas faire autrement que d'essayer de
travailler dans ce sens.
S. V. : Les besoins des personnes autistes/TED sont-ils pris en compte aujourd'hui en NouvelleCalédonie ?
V. K. : Soyons franche, non ! Mais je ne suis pas sûre que la Nouvelle-Calédonie soit le pire pays à
vivre pour un autiste et sa famille... Des efforts énormes ont été faits depuis quelques années. Les
enfants sont de mieux en mieux dépistés même si le fonctionnement actuel du DAMSP (Dispositif
d’accompagnement médico-social précoce) n'est pas encore optimal et ne gère pas le dépistage pour
nos enfants. Les personnes avec suspicion de TSA sont en effet orientées vers le CMP (Centre
médico-psychologique) pour une observation-évaluation et éventuellement une prise en charge.
Le dispositif thérapeutique s'arrête à 10 ans...
Des partenariats ont été mis en place mais sont tellement "personne-dépendant" qu'ils ne sont pas
toujours aussi pérennes que nous le souhaiterions. Le partenariat est notre credo. Un de nos projets
est de reconstruire un partenariat efficace avec l’hôpital de jour et le CHS.
Seul, un parent ou un couple de parents n'ont aucune chance d'avancer même si leur potentiel
"soignant" est énorme : ils sont en effet la plupart du temps les meilleurs professionnels de leur
enfant et pour cause, ce sont eux qui passent le plus de temps avec ! Cependant les professionnels
ont du mal à leur faire suffisamment confiance pour accepter de travailler ensemble, en partenariat.
Pourtant les parents deviennent de vrais spécialistes de leur enfant, mais cet atout n’est pas encore
suffisamment reconnu.
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S. V. : Qu'est-ce qui a évolué depuis les États généraux du handicap ?
V. K. : C'est un peu loin pour que je puisse vraiment en faire une synthèse, mais pour notre
association, il me semble que cela nous a apporté la conscience de l'importance d'un travail d'équipe
avec les associations du Collectif Handicaps. Se battre ensemble est un atout et une force. Je pense
que c'est depuis les États généraux que nous en sommes vraiment conscients. La loi de janvier 2009
en est l'aboutissement !
La professionnalisation des auxiliaires de vie a aussi été une grande avancée. Le système n'est pas
parfait et nous ressentons de l’inquiétude quand à sa pérennité. Mais nous devons bien avoir
conscience de la chance que nous avons par rapport aux enfants métropolitains. En Métropole, les
associations et les institutions travaillent sur le sujet et se préparent seulement à entrer dans même
cette voie, prouvant que nous sommes « dans le vrai » ! J'insiste sur le besoin d'auxiliaires de vie
auprès de nos enfants : ils ont besoin de "figure de référence" pour les accompagner à tous les
niveaux et selon leurs difficultés.
S. V. : Quelles sont les actions et les projets portés par ton association ?
V. K. : Nos actions sont de deux catégories : travailler sur la prise en charge et l'accompagnement
des TSA au quotidien en leur ouvrant l'accès à des soins adaptés et une éducation spécifique ; mettre
en œuvre des actions qui ont comme objectif leur condition de vie et celle de leur famille. Plus
globalement, la liste de nos actions et projets est longue, aussi ne citerai-je que ceux en cours ou à
venir.
Nous sommes impliqués dans les commissions (CCEP2, CEJH, CHD) ainsi que dans les Conseils
d'administration du Collectif Handicaps, de la FOL et partenaires Autisme France.
Nous participons et initions des formations ou des séances d'informations à destination des
auxiliaires de vie et des enseignants.
Nous sommes, depuis peu, propriétaires d'un local nous permettant d'assurer des heures de haltegarderie pour nos enfants, ainsi qu'une permanence qui deviendra un lieu de référence pour
accompagner les familles et partager les informations relatives aux TSA.
Nous allons mettre en place la méthode Tomatis. Le principe est de pouvoir faire bénéficier les
enfants d'une méthode basée sur l'écoute. Son objectif : améliorer leur attention, leur concentration,
leur langage et la communication.
Un autre de nos projets est de réfléchir et de poser les bases d'un accueil et d’un encadrement pour
nos adolescents et futurs adultes.
Suite à un gros problème avec un enfant autiste, Madame Sonia Lagarde a missionné la DPASS afin
de mener une réflexion et de proposer des solutions concrètes pour la prise en charge des enfants
autistes, reconnaissant ainsi qu'aucune structure n'était adaptée à de telles problématiques. Nous
avons été invités, ainsi que les associations APEI et Chrysalide, à travailler sur une structure
adaptée. Le projet est bouclé... sur le papier. Nous l'accompagnerons jusqu'à sa mise en place !
S. V. : Qu'en est-il du projet de structure d'accueil que vous défendez ?
V. K. : Nous sommes très inquiets à son sujet. Depuis la réservation des crédits au budget
prévisionnel de la Province sud (Journal officiel de Nouvelle-Calédonie de décembre 2010) et suite
aux événements politiques, tout semble suspendu. Même si l'implication de la DPASS se poursuit,
nous n'avons pas de visibilité quant aux suites qui seront données, du moins rien d'officiel. Depuis
le changement de Gouvernement, nous craignons que tout le travail fourni pendant ces trois années,
ne reste que théorique.
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C'est difficile à admettre, d'autant plus que d'une part cette structure, et ce qui avait abouti de nos
réflexions communes, nous convenait et que, d'autre part, nous estimons qu'il y a, aujourd'hui, une
réelle urgence à faire quelque chose pour nos enfants notamment pour les cas les plus extrêmes
pour lesquels la Nouvelle-Calédonie n'est pas en capacité d'apporter une réponse. Que devrais-je
dire du geste fort au mois de mars de cette année de ce papa vice-président à la création de notre
association ? Nos dirigeants doivent avoir en conscience qu'un enfant dépisté au plus tôt
et accompagné correctement, c’est-à-dire pris en charge dès l'enfance et pendant l'adolescence, a
toutes les chances de devenir un adulte autonome et inséré socialement. Donc de nécessiter une
prise en charge d’un coût bien moindre que celle d’un enfant mal pris en charge, dont les parents
finissent épuisés, voire peuvent aller jusqu'à renoncer à lui en l'abandonnant. En termes de coût
pour la société, le calcul est rapide à faire !
S. V. : Quelles sont les grandes lignes de ce projet de structure ?
V. K. : En deux mots : une Structure spécialisée pour autistes et un SESSAD (Service d'éducation et
de soins spécialisés à domicile).
Le périmètre de la structure comporterait trois volets :
1. Mise en place des moyens d'un dépistage le plus précoce possible.
2. Diagnostic précis, suivi d'une évaluation complète des compétences de la personne TSA.
3. Mise en place d'une offre pluridisciplinaire de suivi, médico-social, pédagogique et
éducatif, adaptée aux différents niveaux de TSA.
La structure spécialisée aurait la forme d'un IME spécialisé. Le SESSAD aurait pour mission
d'offrir un soutien et un accompagnement adapté à l'enfant TSA en milieu ordinaire, à ses parents
ainsi qu'aux professionnels des différents lieux d'accueil (écoles, loisirs, centres...).
Pour soutenir l’ensemble, nous avons prévu un plan de formation soutenu. Ce volet formation est
d'une importance capitale car sans compétence, cette structure ne serait qu'une coquille vide.
S. V. : Quelle articulation entre ce projet et la scolarisation ?
V. K. : Le SESSAD ! Lorsque les enfants ont accès à une scolarisation en milieu ordinaire, un
accompagnement fort est nécessaire : c'est typiquement le rôle des intervenants du SESSAD. Il est
un guide et un traducteur entre l'enfant TSA et le milieu dit "ordinaire" (c'est-à-dire les autres
enfants de la classe, de l'école, les enseignants, les auxiliaires de vie, les aides maternelles). Le but
est simple : que l'enfant apprenne à comprendre son milieu et réciproquement que le milieu
apprenne à comprendre l'enfant, ses besoins, ses codes (un auteur parle de "permis de se conduire
en milieu autiste"). Mais nous sommes bien conscients que tous les enfants TSA ne sont pas
intégrables en milieu ordinaire. Nous pensons que ce type de scolarisation imposée coûte que coûte
par les parents est dommageable pour l'enfant, les enseignants qui s'épuisent. Les parents finissent
par entrer en conflit avec une école "qui ne veut pas faire l'effort" (je cite). Nous craignons que ce
genre d'attitude finisse par engendrer un rejet de nos enfants par des professionnels qui risquent de
généraliser. Pour cette raison, nous ne défendons pas la scolarisation en milieu ordinaire à tout prix.
L'IME spécialisé assurera cette mission éducative et pédagogique auprès de ces enfants.
S. V. : Et qu'en est-il de la prise en charge des adultes ?
Aujourd'hui, à part le combat de quelques parents pour maintenir leur enfant dans le "circuit"
professionnel ordinaire ou légèrement adapté et le travail du CAT et de l'IM-PRO, il n'existe rien
d'institutionnalisé, encore moins de spécialisé pour les personnes TSA. Or nous sommes convaincus
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que la plupart des enfants de notre association auront la capacité à travailler en milieu ordinaire ou
avec un accompagnement minimum. Ce projet est dans nos tuyaux, car la structure mentionnée cidessus, lorsqu'elle sera opérationnelle, ne concernera que quelques enfants parmi ceux de
l'association et sera limitée à 18 ans. Un gros travail reste à initier de ce côté-là. Nous avons
quelques pistes.
S. V. : Quels sont aujourd’hui les principaux freins/obstacles à l'amélioration de la situation pour les
personnes autistes/TSA et leurs familles ?
V. K. : Le principal frein est le manque de partenariats solides dans les trois domaines qui sont
nécessaires à la prise en charge des personnes porteuses de TSA, ainsi qu'un lien fort entre eux. Ils
sont le médical et para-médical, le social et surtout l’éducatif. Nous le constatons au quotidien. Les
personnes TSA ne sont pas capables de généraliser un apprentissage, ce qui donne des situations
très cocasses du style : un enfant qui se fait nourrir à la maison alors qu'il est autonome à la cantine
de l'école... Nous sommes en train de réfléchir à la manière de rebâtir un partenariat solide avec le
CHS, avec lequel les liens se sont quelque peu distendus ces derniers temps.
Un des autres freins qui me semble très important est le manque, voire l’inexistence
d'accompagnement des parents. Je ne jette pas la pierre aux acteurs de la prise en charge, ils
s'investissent déjà énormément dans la prise en charge des personnes TSA. Mais "le parent" (entre
guillemet car il représente aussi bien la mère, le père ou le tuteur) a un énorme travail à accomplir
déjà dans l'acceptation de l'enfant "extra-ordinaire" et son pendant, la renonciation à l'enfant
ordinaire (les autistes de haut-niveau les appellent les "dits-normaux"). Ils ont alors un redoutable
sentiment d'injustice et d'incompréhension. "Qu'ai-je fait pour mériter cet enfant?". La souffrance
est immense et engendre un grand désespoir qui peut se révéler dévastateur, voire même nocif pour
l'enfant. Nous sommes en train de réfléchir avec d'autres membres du Collectif Handicaps à
comment nous pourrions offrir à ces parents un accompagnement solide. Les personnes TSA ont
besoin d'un environnement serein et stable ; un parent dépressif risque de compromettre les progrès
de son enfant. En effet, comment aider, soutenir et accompagner quand le désespoir est trop fort ?
Il y a aussi, soyons clairs ! le manque de moyens et de volonté politique. Le travail fourni ces trois
dernières années pour arriver à un beau projet de SESSAD et Structure spécialisée, qui
contrairement à d'autres projets est parti du besoin des personnes TSA, et non d'une structure
existante à partir de laquelle on refait une côte mal taillée pour que bon an mal an la structure et les
besoins collent ensemble. Cette fois, nous y avons cru et nous y croyons encore malgré tout. Mais
avec les dernières perturbations politiques, nous craignons que toute la démarche ne soit à
recommencer et qu’il faille reculer l'échéance d'autant plus loin.
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Entretien avec...
NOËLLA B.5 : Être mère d’un enfant différent
par Catherine Poëdi
C’est par Joan, son fils handicapé, que j’ai connu Noëlla il y a douze ans maintenant. L’APEH-NC
étant partenaire de la CLIS, j’avais souvent l’occasion d’y rencontrer les enfants, et le personnel
éducatif incitait beaucoup les parents à rejoindre une association.
C’est à l’APEH-NC que Noëlla est venue investir un peu de son dynamisme et de son expérience.
Membre du bureau en charge de la trésorerie, c’est une maman qui a fait le choix de se battre
autant pour son enfant que pour les autres.
Avant cet entretien, nous n’avions jamais vraiment pris le temps, elle et moi, d’évoquer ensemble
son histoire et celle de Joan. Pris dans un quotidien difficile aux horaires très chargés, les parents
militants associatifs que nous sommes partageons surtout les tracas du moment et l’avenir plein de
tous les projets pour la réalisation desquels nous nous sommes regroupés. Je la remercie donc
d’avoir accepté de parler du passé et des souffrances qui y sont attachées.
Dans toute histoire d’enfant handicapé, il y a aussi la douleur des parents, leur cheminement si
particulier au regard de celui des parents d’enfants ordinaires et en définitive leur perception, «
très en décalage » par rapport à la norme, de la parentalité et des enjeux éducatifs. C. Poëdi
Catherine Poëdi : Noëlla, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Noëlla B. : Je m’appelle Noëlla Biais, j’ai 47 ans ; je suis femme au foyer mais très impliquée dans
l’entreprise de mon mari ; j’ai trois enfants : Joan (25 ans), Floriane (24 ans) et Dylan (8 ans).
C. P. : Et l’enfant porteur de handicap, lequel est-ce ?
N. B. : C’est Joan, l’aîné.
C. P. : Cela veut dire que tu étais très jeune lorsque tu as eu Joan ?
N. B. : J’avais 22 ans, nous étions mariés depuis deux ans.
C. P. : Y a-t-il eu des problèmes pendant que tu attendais Joan ? Veux-tu raconter un peu plus ce qui
s’est passé ?
N. B. : Il n’y a pas eu de vrais problèmes, mais beaucoup de petits soucis extérieurs à cette
grossesse : l’obligation de déménager, le changement d’emploi de Pascal, mon mari… de la fatigue,
un peu de stress. J’ai eu également des problèmes dans mon emploi : je devais passer en Contrat à
durée indéterminé, mais quand j’ai annoncé ma grossesse, j’ai perdu ce travail. Je dormais mal,
beaucoup de soucis matériels, on n’était pas tout à fait prêts à avoir un enfant je crois ; peut-être un
peu trop de petits soucis qui ont fait que je n’ai pas pu mener ma grossesse à terme.
C. P. : Joan était prématuré ?
N. B. : Oui, c’est un grand prématuré, il est venu au monde à 6 mois et 1 semaine. Ça a été très
compliqué. C’était un samedi, Pascal était au travail. Je n’étais pas bien, je suis allé voir le médecin
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Cet entretien a été réalisé le 6 juin 2011.
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qui m’a dit que je n’allais pas accoucher tout de suite, que je devais me reposer. Je suis rentrée et je
me suis allongée, mais je me sentais vraiment mal et j’ai décidé d’aller à la clinique. J’ai pris le
métro, je devais traverser Paris, et là je me suis dit que j’allais accoucher ; mes contractions
faisaient pile le temps des arrêts du métro entre deux stations : 1 minute 30 ! Quand je suis arrivée,
on m’a fait attendre deux heures. C’était le 28 juin, la veille des départs en vacances. Quand je suis
entrée en salle d’opération, la tête du bébé était déjà engagée !
C. P. : Tu as passé des moments terribles à te faire beaucoup de soucis ?
N. B. : Oui, ça été épouvantable. J’étais seule car Pascal, ne pouvant pas se douter que j’allais
accoucher, n’était pas là et à l’époque il n’y avait pas de portable !
C. P. : Le personnel t’a-t-il entourée ?
N. B. : Pas du tout. Ils n’étaient pas assez nombreux et je pense que tout le monde a été pris au
dépourvu. Et moi, tout ce qui me passait par la tête… je pensais que rien n’était prêt à la maison. Et
puis Joan est arrivé. Le silence… On m’a laissée seule. Après j’ai compris qu’ils étaient en train de
le réanimer.
C. P. : On ne t’a pas laissé voir ton enfant ?
N. B. : Si, mais très vite on l’a emmené dans un autre service.
C. P. : Il est resté en couveuse ?
N. B. : Oui, pendant un mois.
C. P. : Pendant tout ce temps, est- ce qu’on t’a dit qu’il risquait d’avoir des problèmes ?
N. B. : Non, on ne m’a rien dit. En fait, c’est une fois rentrée à la maison, au fil des jours, que j’ai
bien vu qu’il n’évoluait pas comme un bébé doit évoluer, et je posais beaucoup de questions au
médecin ; lorsqu’il a eu neuf mois, j’ai demandé qu’on me dise la vérité, qu’on arrête de me mentir,
je voulais savoir ! En plus, Joan avait des gestes brusques, un peu spastiques, pas du tout normaux.
Je suis d’une famille de sept enfants, ma mère était nourrice agréée. Les bébés, je connaissais bien.
C. P. : Est-ce que Joan était fragile ? Est-ce qu’il tombait souvent malade ?
N. B. : Jamais, il était en excellente santé et c’était une grande chance. C’est juste qu’il était en
retard sur le plan moteur.
C. P. : Et à neuf mois, comment ça c’est passé pour lui ?
N. B. : Il y a eu des examens approfondis. On nous a adressés au CESAP de Trappes et là a
commencé la rééducation : kiné, psychomotricien par le biais du CAMSP, mais il n’y avait toujours
pas de diagnostic précis, c’était juste un retard.
C. P. : Et cela a duré combien de temps ?
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N. B. : La prise en charge par le CESAP ? Jusqu’à ce que Joan ait 4 ans et qu’il rentre à l’école.
C. P. : Tu l’as inscrit dans une maternelle ordinaire ?
N. B. : Non, pas du tout, il est allé tout de suite dans un centre pour enfants handicapés à Neuilly où
il y avait aussi du scolaire. Joan parlait bien, il était éveillé, le centre était très performant.
C. P. : Revenons un peu en arrière : à quel moment précis le diagnostic d’IMC vous a-t-il été
annoncé ?
N. B. : Joan avait un an quand le médecin nous l’a annoncé. Il y avait eu beaucoup d’examens et de
scanners avant. Et depuis plusieurs mois.
C. P. : Apparemment tu savais intérieurement depuis le début qu’il y avait quelque chose, est-ce que
tu t’attendais à ça ?
N. B. : Pas du tout, même quand on sait que quelque chose ne va pas, on n’est jamais prêt à
entendre un diagnostic aussi difficile. En plus, on vous annonce ça comme on annonce une grippe,
sans préparation, sans suivi derrière.
C. P. : Il n’y a pas eu d’aide pour vous après ?
N. B. : Non, rien du tout. Ils prennent en charge l’enfant, mais pas les parents. On a pu discuter ce
jour-là avec le médecin, et c’était très dur, plus pour Pascal que pour moi, car pour moi, c’était mon
enfant et c’était comme ça. J’étais en plus déjà enceinte de Floriane et j’ai tout de suite pensé que
ce serait bénéfique pour Jojo, ce frère ou cette sœur qui allait arriver.
C. P. : Et IMC, tu te représentais ce que c’était ?
N. B. : Non, pas vraiment… On savait qu’il y aurait handicap, mais on ne voyait pas trop ce que ce
serait. Je me disais qu’il fallait prendre les choses comme elles viendraient… Et puis j’avais la
chance de ne plus avoir à travailler. J’avais un peu de temps. Cela dit, je devais rester beaucoup
allongée pour cette deuxième grossesse. On ne pouvait prendre aucun risque.
C. P. : Et pour Floriane donc, il n’y a aucun souci.
N. B. : Non, mais pour l’hyperactive que je suis, ça m’a paru long d’attendre.
C. P. : As-tu éprouvé le besoin d’aller voir un professionnel type psychologue pour t’aider à digérer
tout ça ?
N. B. : J’ai beaucoup de mal à faire ce genre de démarche, ce n’est pas dans ma culture. Je me dis
que c’est bien pour les gens qui ont de gros soucis. Là, je n’estimais pas que c’était insurmontable.
Mais avec le recul, je me dis que j’aurais dû… je regrette. Je vis avec la culpabilité, même si je me
dis rationnellement que je ne suis pas responsable. Je vis avec cette culpabilité.
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C. P. : En fait dans notre génération de parents d’enfant handicapés, on se rend compte qu’aucun
d’entre nous n’a fait cette démarche. On regarde les jeunes parents d’un enfant handicapé et on voit
qu’eux expriment clairement cette demande. On se dit qu’ils ont raison.
N. B. : Oui, je crois que c’est bien qu’ils fassent cette démarche. On en aurait eu besoin je pense.
Après, avec mes enfants, quand parfois ils ont eu des problèmes, pour eux je n’ai pas hésité, mais
pour moi, pour nous, je me dis que c’est trop tard. Je n’arrive pas à penser autrement qu’en me
disant : ce professionnel, il n’aurait pas compris, je n’aurais pas pu lui expliquer ce sentiment de
culpabilité. Je crois que j’ai toujours l’impression d’être jugée. Pascal, lui, n’a pas cette culpabilité,
mais nous les femmes, nous l’avons parce que c’est nous qui avons porté le bébé.
C. P. : Et pourtant tu me dis que Pascal n’a pas accepté pendant longtemps le handicap de Joan ?
N. B. : C’est vrai, il a attendu que son fils ait 10 ou 11 ans pour commencer à accepter. Il fuyait
dans le travail. Il n’allait pas aux consultations à l’hôpital avec moi, et pire, ne me demandait pas
comment ça c’était passé. Il était toujours dans les projets du type : jouer au foot avec son fils…
j’avais beau lui dire que ce ne serait jamais possible… Finalement, il a fallu qu’on vienne en
Nouvelle-Calédonie pour qu’il change et qu’il se mette à accepter, mais jusque là, j’ai dû assumer
seule.
C. P. : Tu n’as pas craint que ça mette ton couple en danger ce refus ?
N. B. : Non, j’ai accepté de vivre cela seule. Cela dit, il avait quand même une présence. Il était là,
il nous aimait, il aimait Jojo, mais il niait le handicap.
C. P. : Et pour Joan, cette négation n’a-t-elle pas été douloureuse ? N’a-t-il pas eu peur de ce que
son père investissait en lui, alors qu’à cela il ne pouvait pas répondre ?
N. B. : Je n’ai pas eu l’impression qu’il en souffrait, car on vivait en famille élargie avec beaucoup
de soutien, beaucoup de compensation. Et puis Jojo, dans son esprit, il a toujours été valide. Il parle
de foot avec son père comme s’il en jouait.
C. P. : Et pour Floriane, sa sœur ?
N. B. : Joan et Floriane ont un an de différence. Ils sont comme des jumeaux, très fusionnels. Par
contre, à l’école, elle s’est autocensurée pendant longtemps dans les apprentissages, car elle ne
voulait pas dépasser son frère.
C. P. : Depuis, elle s’est rattrapée !
N. B. : Oui, elle a fait des choix très exigeants professionnellement, où elle doit aller au bout de sa
résistance physique et nerveuse en s’engageant dans un corps d’armée, où il y a très peu de jeunes
filles. Elle s’est forgée un caractère très trempé. Elle est très dure vis-à-vis d’elle-même.
C. P. : Est-ce que tu crois que dans ce choix, il y a aussi le choix d’y associer son frère, de faire des
choses pour lui, ce qu’il ne pouvait pas faire : sauter en parachute, aller en Afghanistan... ?
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N. B. : Je me suis posé cette question et je la lui ai posée. Elle a répondu que non. Elle a toujours eu
ce côté un peu masculin, et surtout elle aime s’engager dans les causes un peu extrêmes. Peut-être
qu’au contact de son frère et de l’exclusion que représente le handicap, elle a envie de rendre le
monde meilleur, et que c’est par l’armée qu’elle pense réaliser ça.
C. P. : En tout cas, Joan est très aimé et très entouré…
N. B. : Oui tout le monde a très bien accepté Jojo, la famille, les amis. On n’a pas connu la perte
d’amis ou l’éloignement de membres de la famille à cause de son handicap.
C. P. : Pourtant, nous aussi, parents d’enfant handicapés, nous pouvons nous éloigner de certains
amis pour nous protéger. C’est parfois très difficile de voir l’enfant d’amis grandir, courir et de
penser que notre enfant n’aura jamais cette possibilité ? À chaque étape de la vie de l’enfant, de
l’adolescent, on reprend cela dans la tête ?
N. B. : Oui, c’est très dur. Il y a des périodes plus difficiles que d’autres où on se pose la question
de savoir : pourquoi nous ? Moi j’ai peut-être eu la chance, enfin ce n’est pas le mot, parce que ce
n’est pas une chance dans l’absolu, d’avoir une cousine du côté de Pascal qui a eu un enfant dans la
même période que j’ai eu Joan, et cette enfant était très lourdement handicapée. Alors à côté, je me
disais que Joan ce n’était rien. En plus, dans la famille de Pascal c’était très tabou, donc très dur
pour cette femme. En fait, j’ai toujours relativisé.
C. P. : À un moment donné, vous quittez la France et décidez de venir vous installer en NouvelleCalédonie. Tu savais qu’ici il n’y avait rien ou presque pour accueillir Joan à l’époque ?
N. B. : Oui, je le savais, mais en France, je n’en pouvais plus. Joan ne m’appartenait plus, le centre
où il allait était complètement dirigiste. Je ne pouvais plus me faire entendre. C’était insupportable.
Tout était pris en charge et on n’avait plus notre mot à dire. Je sentais que Joan en souffrait aussi,
car lui non plus ils ne l’écoutaient pas. Joan voulait apprendre, mais ils le limitaient ; ils ne
comprenaient pas que Jojo avait envie d’aller de l’avant. Il faut dire qu’après la maternelle de
Neuilly, il avait été orienté dans un IME où il y avait peu de scolaire. Après, il était prévu qu’il aille
en IMPRO, puis en CAT, bref il était définitivement mis sur des rails « parallèles », hors circuit
normal. C’était adieu le scolaire, sans tenir compte de ses capacités !
C. P. : C’était l’état de la France il y a treize ans ; ça a peut-être changé. En tout cas, quand vous
êtes arrivés ici, c’était un autre tableau ?
N. B. : Oui, mais ça m’a rendue très heureuse. Et puis quand on est arrivé en 1998, Jojo avait 12 ans
et il y avait une CLIS toute récente, ce qui lui a permis d’être réintégré dans le circuit scolaire.
C’était un vrai bonheur pour lui comme pour moi. Et il a eu la chance que deux ans après s’ouvre
une UPI en collège, donc il a pu rester à l’école jusqu’à 17 ans.
C. P. : Et après à sa sortie, il y a eu le service associatif que nous avons monté ensemble, où il peut
continuer les apprentissages et se perfectionner en informatique. Donc finalement Jojo n’a pas
connu de rupture pour l’instant. Pour en revenir à la période scolaire, il faut reconnaître qu’autour
de l’école, il n’y avait rien.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
N. B. : Oui, mais Jojo n’avait pas besoin de beaucoup de soins à part la kiné. Donc je pouvais gérer,
et puis de toute façon, ce qui comptait c’est qu’il a été tout de suite très heureux ici. Et aujourd’hui ,
il ne voudrait absolument pas repartir en France. Pour moi, je pense qu’en Calédonie, il y a
beaucoup à construire donc les parents, s’ils le veulent, peuvent être étroitement associés aux
projets même si c’est long de les faire aboutir. Moi ça me convient.
C. P. : Est-ce que tu penses que l’expérience que vous avez vécue en France avec Jojo pendant
douze ans peut nous aider ici à éviter certains types de prise en charge à l’égard de nos jeunes ?
N. B. : Oui, je pense qu’il faut à tout prix éviter l’enfermement, l’institutionnalisation, c’est un
piège qui montre que beaucoup de professionnels sont aveuglés par le handicap physique de
l’enfant et sous estiment ses aptitudes intellectuelles.
C. P. : L’expérience de Jojo rejoint tout à fait celle d’Alexandre Jollien, IMC, philosophe et
écrivain, mais qui a passé de longues années enfermé dans un IME loin des études. Il s’en est sorti
au terme d’un énorme effort de volonté et ça valait la peine pour lui comme pour nous !
N. B. : En effet, Jojo n’est pas un cas isolé, mais lorsqu’on l’a vécu, on apprend à rester vigilant
pour que ça ne se reproduise pas et surtout pas pour d’autres. Moi je connaissais toutes les capacités
cognitives de Joan, son extraordinaire mémoire, je me suis battue pour qu’elles soient reconnues et
qu’il puisse vivre en milieu ordinaire car c’est une émulation irremplaçable. Cette expérience fait
que je peux apporter des choses dans la vie associative et à d’autres parents.
C. P. : Aujourd’hui, quelles sont vos difficultés dans le quotidien avec Jojo ?
N. B. : Il n’y en a pas vraiment, Jojo est quelqu’un de très facile à vivre, qui a beaucoup d’activités,
mais il reste la question des soins du corps où là il n’a pas d’autonomie, et c’est nous qui gérons
parce qu’il est difficile pour Jojo d’accepter une présence étrangère pour ce type d’actes. Alors c’est
vrai que Pascal et moi, on aimerait avoir un week-end à nous de temps en temps. Ça reste un
problème ; il faudrait parfois qu’on puisse se séparer un peu…
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Entretien avec...
JEAN ROINE : « Les gens commencent à avoir un bon regard. »
par Stéphanie Vigier
Texte de présentation par Stéphanie de la personne, âge, handicap, etc. en quelques lignes
+ pourquoi ce choix de l’entretien avec lui.
Stéphanie Vigier : Tu as beaucoup participé, aux États généraux, quel souvenir en gardes-tu ? Que
représentent-ils pour toi ?
Jen Roine : Mon souvenir, c’est surtout les déplacements des personnes intéressées par ce
problème des handicapés. J’ai apprécié qu’elles soient venues nombreuses.
Les États généraux représentent beaucoup, parce qu’il y a eu depuis beaucoup de changements,
surtout pour les handicapés qui sont dans le besoin, pas comme nous, comme moi parce qui ait
trouvé du travail. C’est surtout pour ceux qui ne travaillent pas. Il y a un bilan positif. Maintenant je
vois que les handicapés ont le sourire. Il y a encore à améliorer, mais on a déjà ça qui est acquis.
S. V. : Peux-tu parler de ton travail ?
J. R. : Je donne des cours de braille, je forme un peu, je vais dans les lycée, dans d’autres structures
comme les mairies. C’est intéressant car personne ne peut me remplacer, je suis tout seul. Mais
depuis que je suis formateur en braille, j’ai plus de charges qu’avant ; quand je ne travaillais pas, il
y avait plus d’aides, maintenant j’ai plus de charges à payer. Par exemple, les docteurs, les
transports, je n’ai plus les possibilités d’avant, je dois me débrouiller seul. Mais un handicapé
comme moi a toujours besoin de transport pour l’emmener au travail.
S. V. : Tu penses qu’il y a encore à faire en ce domaine ?
J. R. : Oui, pour les ambulances, pour les transports, car on en a toujours besoin, surtout pour aller
au travail,. Moi je suis obligé de déranger les gens pour venir me chercher. Il y a beaucoup de
choses que nous sommes obligés d’assumer. Ça va pour un handicapé qui peut marcher tout seul,
mais là où je suis pour prendre le car, c’est loin, il y a beaucoup de ronds-points, et je n’y arrive
pas . Je dois toujours déranger l’AVH pour le transport.
S. V. : Tu poses la question de l’adaptation des transports en commun pour des gens comme toi ?
J. R. : Oui. Par exemple le taxi qu’ils ont fait, ils ont finalement bloqué pour des problèmes de
finances. Quand j’ai revu les deux taximen, ils m’ont dit que ça y est, ils sont bloqués. Mais pour le
reste, je vois bien que l’on commence à prendre en compte les handicapés dans les écoles, tout ça.
À Nouméa du moins, mais pour les deux autres provinces, je ne sais pas encore. Ce que je sais,
c’est qu’il y a un besoin au niveau des enfants handicapés des deux autres provinces.
S. V. : Toi, tu as toujours vécu à Nouméa ?
J. R. : Oui, j’ai toujours vécu ici.
S. V. : Et tu préfères vivre à Nouméa ou tu regrettes un peu Maré ?
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J. R. : À Maré, il y a peu de malvoyants et de non voyants. À Maré, il y a un problème de gestion,
je crois que c’est ça, pour la condition des handicapés. Les gens jouent trop au niveau de la pension
handicap, surtout les parents, ou ceux qui gèrent les associations ; ils n’assurent pas le besoin de la
personne handicapée. Une fois que la personne est morte, qu’elle est partie, il faut vite annoncer à la
CAFAT. pour dire que ça y est, la personne elle ne vit plus ; mais eux ils ne disent pas, ils
continuent toujours d’utiliser cet argent. Et surtout, que ce soit en province Nord ou province des
Iles, ils n’arrivent pas à appeler des spécialistes, par exemple dans les collèges, surtout pour les
enfants qui sont à l’école ; c’est pour ça qu’il faut toujours envoyer les enfants ici sur Nouméa, où il
y a déjà des structures spécialisées. Il faut aussi que les provinces cherchent des éducateurs
spécialisés : j’ai vu le prof qui est avec nous, il part sur Hienghène, sur Poindimié... C’est bon s’il
est tout le temps avec les enfants handicapés, mais là il fait un tour juste pour une semaine.
Seulement il n’y a pas qu’une semaine dans l’année, les enfants sont tous les jours à l’école, il y a
un vrai besoin.
S. V. : Tu interviens aussi dans les établissements scolaires pour le braille ?
J. R. : Oui, des fois je suis au lycée Saint-Pierre Chanel, au lycée Jean XXIII à Païta. En août, je
dois faire le tour de la province Nord, sur les collèges, les lycées, pour sensibiliser les gens à avoir
un autre regard, un bon regard sur les handicapés, parce qu’il faut les prendre comme ils sont.
S. V. : Est-ce que cela t’apporte d’intervenir auprès des jeunes de cette manière ?
J. R. : Oui, oui, je vois que c’est bon, parce que nous on n’a pas un handicap mental, on peut
partager, se dire on est comme ça, ce n’est pas notre faute, il faut nous prendre comme les autres
gens, comme les valides. Quand je me promène en ville, des fois les gens commencent à
s’approcher, commencent à avoir un bon regard, commencent à aider, ce n’est pas comme au début,
quand il n’y avait pas encore le Collectif. Mais là maintenant ça y est, tu vois que les gens
commencent à s’intéresser aux handicapés.
Autre chose aussi : les handicapés, il ne faut pas qu’ils profitent de l’argent reçu pour boire, parce
qu’ils se lancent après dans l’alcool. Là, c’est pas ça, il faut chercher d’autres choses, bien garder
pour voyager par exemple, pour s’acheter des trucs.
S. V. : Aller dans les établissements scolaires, ça te fait peut-être penser à toi quand tu allais à
l’école... quel souvenir tu gardes de l’école ?
J. R. : Moi, ce que je vois un peu, c’est les élèves qui partent de gauche à droite, qui n’écoutent pas
trop : ça me rappelle quand je suis à l’école encore, c’est rare que j’écoute bien le professeur. Mais
quand je vais dans les écoles, je vois ceux qui trichent. Je leur dis : vous pouvez tricher, je vois rien.
Mais aussi après je dis à eux : à force de tricher, tricher, la personne est toujours là, en train de …
Après, j’ai récité un petit poème sur le mensonge. Alors ils ont dit : non, on va plus tricher.
S. V. : Tu te souviens de ce poème sur le mensonge ? Tu peux le réciter, s’il-te-plaît ?
J. R. : Oui.
Le Mensonge
Je n’aime pas le mensonge
C’est ce que dit l’ange
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La vérité et l’assumer
À amener
Il faut du courage,
Il faut être sage
Qui est lâche ?
Qui se cache ?
Moi avec mes peurs
Ou toi avec ton cœur ?
Jean.
S. V. : Merci Jean, c’est gentil, de nous faire partager un de tes poèmes. Pour poursuivre, un peu, je
te l’ai dit, l’objet de l’interview c’est de parler d’un peu tout. Qu’est-ce qui est vraiment important
pour toi dans la vie ?
J. R. : L’important, c’est de mieux vivre et de partager notre connaissance avec les autres qui ne
connaissent pas, de leur apprendre ; et nous aussi on a besoin d’apprendre ; surtout, de construire
ensemble c’est merveilleux, de penser à l’avenir de nos enfants, des générations futures, de bien
vivre ensemble, de construire ensemble, de s’unir plutôt que de chercher la division qui n’est pas
construire. Il y a encore trop de critiques et pas assez de construction.
S. V. : Et justement, par rapport à ce qui est important dans la vie, toi, dans ton passé, y a-t-il des
choses que tu regrettes, que tu ferais différemment ?
J. R. : Avant... je regrette parce que je ne vois pas la beauté, la beauté de la nature, mais en même
temps je ne regrette pas, parce qu’avant c’est les yeux qui m’obligent à faire des conneries, qui
m’obligent à aller promener, à aller traîner. Maintenant, je n’ai plus les yeux, je suis calme. C’est
vrai qu’il y a des trucs importants encore avec les yeux. Par exemple, je suis bloqué au niveau de
l’internet. Les autres non-voyants, j’essaie de leur apprendre comment utiliser les ordinateurs ;
quand je vois des handicapés qui ne connaissent pas, je suis obligé de rester avec eux pour les aider.
Avant, quand je voyais, je ne savais pas utiliser l’ordinateur, et maintenant alors que je ne vois plus,
je connais mieux. J’ai de la sagesse, pas comme avant. Avant j’étais… Je n’ai pas la vue, mais j’ai
des visions, des visions bien réelles, et des visions qui préviennent que quelque chose va arriver. Le
week-end dernier, une dame est venue partager un peu ses rêves, je lui ai dit qu’il faut faire
attention, parce qu’il y a des gens autour de toi, il faut essayer de prendre en positif. La vie, c’est
plutôt pour aimer, partager, construire, préserver la nature.
S. V. : Pour l’avenir, qu’espères-tu ?
J. R. : Pour nous ici à Nouméa, il faut faire attention à la circulation, essayer d’avoir des bus, des
navettes, parce que plus de circulation, plus d’embouteillages, c’est aussi plus de pollution. Il faut
aussi aider plus les jeunes, bien les éduquer au niveau des écoles, pour qu’il n’y ait pas de
délinquance… Nous, on voit l’immigration qui arrive, et c’est normal parce qu’on est en manque
d’éducation, on n’a pas assez de jeunes formés.
Surtout – ça c’est pour les politiques – il faut des choses qui protègent l’humanité. Eux ils sont dans
leur siège, dans leur fauteuil, bien à l’aise… mais par exemple on a mis du temps pour les greffes
du rein. Pourquoi ça bloque. Les gens souffrent. Les greffes, ils ont fini par accorder, mais c’est
tard.
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S. V. : Qu’aimerais-tu faire dans ta vie ?
J. R. : J’aimerais bien enseigner, partager, donner ce que j’ai, ce que je connais, partager la
connaissance, apprendre les autres (aux autres ?) et comprendre, j’aimerais servir. Je reçois des
choses gratuitement, il faut que je donne gratuitement aussi, participer au bénévolat. J’aimerais bien
faire ça, être bénévole, aider les gens qui sont faibles, ou vivre avec des gens qui sont faibles, aider.
J’aimerais bien être animateur, à la télé ou à la radio, pour tous les handicapés. Pourquoi pas, un
jour, faire des émissions à la télé, spécialement pour la santé, pour les handicapés, parler du
handicap, de la maladie. La télé, mais aussi la radio, parce que les gens qui sont loin, qui n’ont pas
de télé, qui ont la radio, ils ont envie d’écouter. J’aimerais bien faire du sport aussi mais surtout, le
plus important pour moi, c’est partager la connaissance, donner.
S. V. : Tu parles beaucoup de l’importance des autres pour toi : c’est important d’être avec tes amis,
ta famille dans ta vie quotidienne ?
J. R. : Moi, c’est plutôt la famille « handicapée ». Il y a la famille aussi des valides. Mais moi,
j’aime bien vivre avec la famille « handicapée », ceux qui sont dans le besoin. On ressent la même
souffrance, on ressent un même besoin, que d’autres ne peuvent pas ressentir comme nous.
S. V. : Comment sont pour toi les relations avec les valides ?
J. R. : C’est difficile, mais voilà, on est obligé de vivre, d’accepter leur négatif, leur positif, leurs
pensées. Même si c’est dur, on ne peut rien faire, car sans les valides, on ne peut pas avancer. Il y a
toujours deux tendances de valides, il y a les valides qui sont bien, il y a les valides qui sont pas
bien. Ça veut dire qu’il y a un coup un bon regard, un coup un mauvais regard. Si c’est un bon
regard, il faut un bon regard jusqu’à la fin. Arrivé au milieu, si un coup ça change, il y a une sorte
de… des fois, je garde mon calme, je dis : « C’est pas vous qui me donnez à manger ». Des fois
avec les gens qui ne travaillent pas et qui parlent mal, je dis : « Mais vous, vous faites quoi ici en
ville ? C’est pas votre place. » Ce sont des gens qui traînent, et qui vont dire : « Donne-moi des
sous, de l’argent. »
L’autre fois, j’ai trouvé quelqu’un qui tape un handicapé. J’ai carrément bagarré. C’est pour dire
qu’il ne faut pas profiter sur un handicapé. L’autre fois, quand j’ai été à Ponérihouen, à Houaïlou,
j’ai vu des handicapés qui sont venus m’approcher, ils se sont assis à côté de moi. Ils étaient
contents parce que voilà, moi j’ai déplacé de Nouméa pour aller à Houaïlou. Même les enfants,
quand ils m’ont vu marcher, ils ont couru vers moi, ils ont dit : « Monsieur, vous voulez un coup de
main ? » C’est bien. Les gens, les enfants, ils veulent connaître. Les enfants posent beaucoup de
questions, ils demandent. Après, ils vont toujours te protéger parce qu’ils savent.
S. V. : Est-ce qu’il y a des choses, importantes pour toi, dont tu aimerais parler encore ?
J. R. : Oui, des handicapés qui sont ici, au Quartier Latin. Des fois, quand l’ascenseur tombe en
panne, ils sont bloqués avec leur fauteuil. Aussi, au niveau des aides, c’est pas encore assez adapté.
Puis au niveau des feux… le feu sonore qu’ils ont placé entre l’annexe et la mairie, j’entends rien.
Le feu sonore est trop faible, trop bas. Pour traverser, je suis obligé d’attendre jusqu’à ce que
j’entende que les voitures sont arrêtées. Quand je traverse, je suis obligé de cogner les voitures pour
connaître c’est vers où, l’autre trottoir. Il y a aussi des magasins qui ne sont pas encore adaptés aux
fauteuils, surtout les magasins chinois ; c’est trop serré, ils mettent des linges, des tas de trucs au
niveau du trottoir, et les gens qui sont en fauteuil ont du mal à aller dans ce coin. Dans les magasins,
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il faut mettre un peu des rampes, et dans les restaurants. Il y a des restaurants qui ont des escaliers.
Puis pour les boîtes de nuit, il faut essayer de ne pas refuser la personne qui veut aller danser.
L’autre fois, j’ai remarqué qu’il y a des boîtes qui ne veulent pas que les handicapés rentrent. J’ai dit
à eux : « Mais il faut les accepter, comme vous m’acceptez ! »… « Ah, mais non Jean, toi c’est bon,
mais eux, on les connaît pas. »
Au niveau des trottoirs, il y a des coins où il n’y a pas de rampe ; les handicapés en fauteuil, ils sont
obligés de chercher jusqu’à ce qu’ils trouvent une rampe. Au niveau des ascenseurs, il faudrait
mettre des signaux sonores pour dire qu’on est au premier, on est au deux… et des marques sur les
boutons. Quoi encore… ? Pour le bateau, les avions, essayer d’avoir une sorte de prix en solde pour
nous les handicapés. Pour aller à Maré, c’est cher quand même…
S. V. : Est-ce que tu te sens heureux aujourd’hui dans ta vie ?
J. R. : Oui, moi depuis qu’il y a eu le Collectif, je me sens mieux. Je suis bien depuis qu’on a fait la
tournée dans les trois provinces. Je ne regrette rien, on a bien dit ce qu’on voulait. Je pense toujours
à ceux qui sont dans le fond des tribus. Surtout pour les prises en charge par les médecins. Moi, je
suis obligé de payer comme tout le monde, c’est cher, parce que même si c’est remboursé, il n’y a
pas de prise en charge à 100% au niveau des maladies de tous les jours. Sinon, c’est bon. Ce que
j’aime c’est que les associations aient plus d’éducateurs spécialisés, pour éviter d’avoir des
animateurs qui n’ont pas la formation pour travailler avec des handicapés. Des fois, ils sentent que
voilà, la personne n’est pas formée pour travailler avec eux.
Dans les formations, ce serait bien de nous mettre aussi dedans, avec les personnes sourdes et
muettes. On pourrait intervenir pour donner des cours à ceux qui accompagnent des enfants non
voyants. L’autre fois, j’ai parlé avec eux au GIP, mais ils m’ont dit que c’est pas encore bien
installé, bien organisé.
S. V. : Veux-tu ajouter encore un mot ? Un poème ?
J. R. : Un poème ? Je sais pas … Attends, c’est pas un poème, c’est juste un truc pour rigoler un
peu. Mais tu barres le mot « c***ard ».
Au bar
C’est un gars malabar
Qui m’a donné du canard
Qui a le goût du calamar
J’en ai marre
J’ai donné à un clochard
Parce qu’il est en pétard
Il est toujours en retard
Du départ de la fanfare
Les soulards et les motards
Sont toujours au standard
Mais c’est bizarre
Parce que y ‘ a un connard
Qui m’a fait du mal
Au Nakamal
C’est un animal
C’est un cannibale fatal
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Il a toujours la dalle
Il est sale
Il a la gale
J’ai donné au tribunal
Pour avoir le montant légal
Social
Et un jour il est mort
Et il a besoin d’un passeport
Pour passer au port
Pour rejoindre le pôle nord
Son corps dort
Sur un support
Il a tort
Parce qu’il sort
Son cerveau
Qui est dans le caveau
Esquinté par le pavot
À force de faire des travaux
Dans le caniveau
Au niveau des
Voilà pour le c***ard.
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Maison du polyhandicap
Jusqu’au bout du destin commun
Anne Bihan : Une structure d’accueil pour les jeunes polyhandicapés, la Maison du polyhandicap
(MDP), est en construction. Quel rôle exact l’APEH-NC, que tu présides, a-t-elle joué dans son
élaboration ?
Catherine Poëdi : Cette structure est au cœur de tout notre travail associatif depuis la création de
l’APEH-NC, c'est-à-dire depuis fin 1996, mais il y a eu beaucoup d’étapes et d’obstacles avant
qu’elle ne sorte de terre. Il faut peut-être brièvement resituer l’histoire de l’APEH-NC.
Cette association, c’est Gabriel Poëdi, mon mari, qui l’a créée avec un groupe de parents qui avaient
en commun le fait qu’un de leurs enfants était polyhandicapé. À notre retour de France fin 1994,
notre fils polyhandicapé avait 6 ans. En France, il avait bénéficié des services d’un CAMSP et nous
avions pu découvrir ce qui se faisait en Métropole pour l’éducation d’enfants polyhandicapés
comme lui. De retour en Nouvelle-Calédonie, nous avons découvert une situation que l’on peut
qualifier de catastrophique : un seul centre d’accueil de jour situé à Nouméa, d’une capacité de
vingt places et géré par l’ACH qui faisait ce qu’elle pouvait avec les moyens qui lui étaient alloués.
Notre fils a donc été accueilli dans ce centre, et dés 1995 notre réflexe de parents a été d’essayer de
nous y investir pour faire progresser la prise en charge alors proposée à nos enfants. Pour toutes
sortes de raisons, qui appartiennent désormais au passé, nous avons vite compris qu’il était
préférable de créer une association autonome qui aurait comme mission principale de regrouper les
parents dans le même cas que nous et, ensemble, de réfléchir à l’élaboration de structures
spécifiques au type de handicap dont étaient porteurs nos enfants. Il a donc fallu démarrer de zéro
ou presque. Fin 96, au moment de la création officielle de l’association, nous avons réussi à mettre
dans la caisse commune… 30 000 Fcfp. Aujourd’hui, donc 15 ans après, l’association gère un
budget d’environ 45 000 000 Fcfp.
Nous avons d’abord monté des projets qui faisaient le pari de la possible intégration en milieu
ordinaire de nos enfants, de leur aptitude à apprendre les règles de la vie collective et à s’épanouir
au milieu des enfants "ordinaires" et à en tirer des apprentissages. Ce fut pour nous une étape
décisive à tous points de vue : celle de l’intégration en centres de loisirs de nos enfants. Sur cette
demande, nous avons été entendus par une femme remarquable, Marie-Hélène Caillier, qui était
alors chef du service des aides sociales à la DPASS. Nous lui devons la première subvention
conséquente pour monter une action propre et innovante à l’époque ; nous lui devons surtout ce
capital confiance dont elle nous a gratifiés, et qui nous a permis de grandir. L’organisme de loisirs,
qui a accepté de nous accueillir, c’était la FOL. Leurs conditions étaient draconiennes mais nous
avons relevé le défi et ça a marché. Le premier été, sept de nos enfants ont été intégrés ;
aujourd’hui, la FOL accueille à l’année dans ses centres de loisirs plus de cinquante enfants
handicapés, voire très lourdement handicapés, et nous sommes devenus des partenaires très, très
investis dans cette structure. C’est aussi cela la leçon que nous avons retirée de cette première
expérience : autour de nos enfants, il faut un réseau dense, compétent et tout en complémentarité.
Dés 99, mon mari a fait le tour des services et des institutions pour présenter ce que j’appellerai une
esquisse de projet pas du tout technique, mais qui posait en tout cas ce qui reste à nos yeux
l’essentiel : l’éducabilité de l’enfant polyhandicapé, et l’obligation de la société de l’assumer à
travers la mise en œuvre de moyens humains et techniques adéquats, comme par exemple la
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création d’un centre spécialisé où il pourrait trouver tout à la fois le confort, la sécurité et de
véritables outils éducatifs. Ça parait évident dit comme cela, mais les personnes polyhandicapées
ont derrière elle une histoire lourde de rejet, voire d’élimination physique au seul motif que nos
sociétés, il y a très peu de temps encore, les considéraient au mieux comme des plantes vertes, au
pire comme des êtres tarés qu’il était préférable de laisser mourir dans le recoin le plus obscur d’un
hôpital. À titre d’horrible anecdote, je voudrais raconter l’expérience d’une amie, cadre
paramédicale depuis trente ans à San Salvadour, qui est un des lieux d’accueil du polyhandicap les
plus célèbres en France. Cet hôpital a vu se faire débarquer dans les années 70 plus d’une centaine
de personnes polyhandicapées dans ses locaux, au moment où la France a décidé de fermer dans la
plupart de ses hôpitaux, parisiens entre autres, les unités qui accueillaient les personnes
polyhandicapées que l’on jugeait inéducables, donc qu’on maintenait jusqu’à la mort en
hospitalisation. Pour les amener à San Salvadour, on avait fait voyager ces personnes, parmi
lesquelles il y avait beaucoup d’enfants, dans des trains de nuit… Le rapprochement avec d’autres
trains de nuit, d’autres déportations et d’autres terribles actes de barbarie est forcément inévitable.
Pire, il fait écho à ce que nous savons tous, à savoir que l’eugénisme hitlérien a commencé par
l’élimination des personnes handicapées…
Je reste persuadée que la négation de l’humanité des personnes polyhandicapées est une tentation
constante dans nos sociétés ; c’est pourquoi les associations de parents que nous sommes n’avons
jamais fini d’être sur le qui-vive ! Alors faire construire un centre avec hébergement qui réponde à
leurs besoins, c’est aussi pour nous l’impression, peut-être illusoire, que nous assurons leur sécurité
et la garantie du respect de leur intégrité et de leurs droits de « petits d’hommes ». C’est pourquoi,
après le refus de 99, nous avons décidé de remanier le projet et de le représenter jusqu’à ce qu’il
soit accepté. Même après le décès brutal de Gabriel, et s’il est vrai qu’il m’a fallu beaucoup de
temps pour retrouver l’envie de me battre, je n’ai pas renoncé, et les parents et amis qui
m’entouraient non plus. Cela dit, il a fallu attendre fin 2005 pour obtenir une réponse positive du
Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; la lettre d’accord de la Présidente de l’époque, Madame
Thémereau, est aussi précieuse à mes yeux que la plus belle des lettres d’amour…
A. B. : 2005… nous sommes en 2011 et le chantier n’est pas encore terminé, l’ouverture n’est
prévue qu’en avril ou mai 2012, pourquoi tant de temps pour réaliser ce qui avait été acté ?
C. P. : En fait, il a fallu construire le programme architectural et cela prend du temps. Bien entendu,
c’est un architecte qui l’a conçu mais comme il se trouvait que c’était un ami qui nous avait déjà
beaucoup aidés bénévolement dans la phase d’élaboration de notre projet, ça a été un vrai plaisir de
travailler avec lui ; il avait déjà tout compris de l’esprit dans lequel nous voulions que cette maison
se construise. Sensibilisé au handicap, il a fait plusieurs déplacements en Métropole pour visiter des
centres spécialisés et en rapporter de quoi parfaire notre projet et le rendre concret et adapté. Après,
il y a eu la phase d’appel à concours, le jury et la sélection d’un projet parmi plusieurs autres. La
supervision de l’ouvrage ayant été confiée à la SECAL par le Gouvernement, à partir de cette phase
notre rôle s’est limité à participer aux réunions techniques pour donner un avis chaque fois que
nécessaire. Cependant, entre 2006 et 2010, nous avons souvent eu l’impression que nous n’étions
pas suffisamment compétents pour trancher seuls sur certains aspects techniques du projet, d’où
notre crainte actuelle de devoir s’apercevoir à l’ouverture que des erreurs ont été commises et
qu’elles sont dues à notre ignorance et à de mauvais choix de notre part. Nous avions demandé, à
partir de 2008, c'est-à-dire à partir du moment où nous avons mesuré que nous ne pourrions pas
finaliser seuls un tel chantier, et je parle là davantage du montage du fonctionnement que de la
construction, un relais technique auprès du Gouvernement, mais il y avait des urgences sur
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lesquelles le Gouvernement s’était engagé, en particulier les lois sur le handicap, et la demande a
été mise en sursis. Finalement, en 2010, le Gouvernement a nommé une personne pour coordonner
tout le dossier et travailler au montage du fonctionnement. Hasard extraordinaire et ô combien
heureux, c’est la personne qui nous avait donné notre première subvention pour notre opération «
intégration en centre de loisirs », et c’est un véritable bonheur de travailler sous son pilotage
efficace et respectueux de ce que nous sommes. Elle a pris en main le dossier d’une manière qui
nous convient tout à fait, car elle a fait en sorte que ce soit un comité de pilotage qui prenne les
décisions, et si nous sommes représentés dans ce COPIL, d’autres partenaires importants y sont
aussi. C’est devenu réellement un projet partenarial où chacun amène ses compétences au « pot
commun ». À ce titre, je trouve ce fonctionnement modélisant ; bien des dossiers gagneraient en
efficacité s’ils étaient traités ainsi. Plus qu’ailleurs, parce que nous sommes un petit pays en
construction, nous avons intérêt à travailler dans le partage des compétences, la synergie des
moyens et le respect des savoirs et des pouvoirs des uns et des autres.
A. B. : Concrètement combien coûte ce projet, et quelle sera sa capacité et ses modalités d’accueil
et de gestion ?
C. P. : En investissement, il coûte un milliard deux cent millions, auxquels il faut rajouter
l’équipement, à peu près soixante-dix millions. Sur cette somme, le Gouvernement français
participe à hauteur de trois cents millions, et tout le reste est financé par la Nouvelle-Calédonie.
C’est donc un chantier important pour le pays, et le premier du genre puisqu’il n’y a jamais eu de
structure spécialisée avec hébergement destinée spécifiquement aux personnes polyhandicapées.
L’accueil est réservé aux jeunes de 6 ans à 26 ans, et l’on voit tout de suite qu’il faut déjà prévoir
l’accueil des adultes au-delà de 26 ans car notre objectif est de couvrir les besoins de la personne
polyhandicapée tout au long de sa vie sans qu’il y ait de rupture ; nous espérons que la réflexion
pourra être menée au sein du COPIL déjà constitué pour plus d’efficacité. Ce qui va favoriser cette
réflexion, c’est que le Gouvernement a pris la décision d’élaborer un Schéma du handicap et que
déjà, autour de la création de cette MDP, la personne chargée de mission a pu dresser un schéma du
polyhandicap qui met en évidence les vrais besoins. On ne part plus de rien comme nous l’avions
fait en 1999, et surtout on ne part plus seuls, c’est très important.
Les modalités de gestion n’ont pas encore été clairement définies, mais nous avons signalé dés 2009
au Gouvernement qu’une petite association comme la nôtre n’était ni assez riche en moyens
humains, ni assez compétente pour gérer un tel établissement qui va quand même employer près de
soixante-dix personnes et gérer plus de quatre cents millions à l’année ; nous souhaitions donc que
la gestion puisse être partenariale et que la collectivité y soit fortement impliquée sans pour autant
que ça devienne un établissement public, car l’on sait que c’est onéreux et souvent peu efficace. Et
puis nous souhaitons rester très investis dans la vie de cette maison, il faut donc là encore être un
peu innovant et trouver la tutelle qui permettra un vrai travail de collaboration, chacun amenant son
savoir faire. Pour nous qui ne sommes pas des gestionnaires, ce qui compte c’est que nous puissions
rester dans notre rôle de militants associatifs bénévoles, tout à la fois forces de propositions pour
l’amélioration constante de l’accueil réservé à nos enfants et garants de la bonne mise en œuvre du
projet d’établissement.
Les modalités d’accueil quant à elles seront en principe simples : puisque toute la vie de cette
maison est organisée pour accueillir, accompagner, éduquer et rééduquer des jeunes en situation de
polyhandicap, les commissions d’orientation auront la possibilité d’orienter les jeunes
polyhandicapés qui le désirent vers la MDP, qui n’a pas, elle, la mission de l’orientation de la
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personne. Cela dit, il n’y a que quarante places dont trente en internat, ce qui ne couvrira pas tous
les besoins. Mais les accueils scolaires de proximité se sont beaucoup développés en NouvelleCalédonie ces dix dernières années. C’est même une avancée dont le pays peut être fier, car
l’accueil à l’école est presque systématiquement envisagé même quand le handicap est très lourd, ce
qui est beaucoup moins le cas en Métropole où l’on « institutionnalise » encore beaucoup malgré la
loi de 2005. Nous avons même ce que je n’ai jamais vu en Métropole, une unité d’ULIS en collège
pour accueillir des adolescents polyhandicapés. En fait notre pays a eu le parcours inverse de celui
de la Métropole : nous avons d’abord ouvert des classes avant de créer des structures, de ce fait
l’accueil en milieu ordinaire est presque devenu une norme et c’est formidable, il est donc hors de
question de toucher à ce progrès immense. Ainsi, la Maison du polyhandicap n’aura pas de
personnel scolaire, mais elle travaillera en partenariat avec l’école afin que les enfants qui y seront
inscrits puissent être scolarisés en milieu ordinaire, car la « vraie vie » est là, au milieu des autres ;
aucune socialisation ne peut se faire coupé de la communauté, d’avec les autres, aucun « destin
commun » ne peut se vivre dans l’exclusion d’une partie de la population.
On s’est en plus aperçu que pour les enfants "ordinaires", c’était très enrichissant de vivre avec nos
enfants. Leur présence a un rôle très régulateur et elle constitue surtout une occasion unique de
comprendre, dès le plus jeune âge, toute la diversité de la condition humaine ; peut-être qu’à terme,
quand ces enfants seront devenus adultes, sauront-ils réorienter le projet social en y incluant tous
ceux que notre société, esclave d’une norme aussi stupide que barbare, celle du fort, du beau, du
compétitif, a marginalisés. Peut-être même que ce projet social révolutionnaire mettra les plus
fragiles et les plus défavorisés d’entre nous au cœur de ses ambitions et de ses perspectives !
I have a dream…
A. B. : Y aura-t-il « une vie » après la Maison du polyhandicap pour l’APEH-NC ? D’autres projets
forts comme celui-ci ?
C. P. : Comme je l’ai signalé tout à l’heure, la prise en charge des personnes polyhandicapées ne
sera assurée que jusqu’à 26 ans, donc nous avons l’obligation de continuer la réflexion très vite.
Cela dit, ce ne sera qu’une suite finalement, donc ça devrait être moins compliqué et moins difficile
à faire aboutir. Ensuite, en tant que représentants de personnes qui n’ont aucun moyen de
s’exprimer, nous avons la mission d’être en quelque sorte les gardiens du respect de leurs droits et
de la décence de leurs conditions de vie ; cela passe aussi par une communication dense qui
demande beaucoup de temps et d’énergie. Dans bien des domaines, il nous semble que la personne
très dépendante est victime d’une forme de maltraitance. Il me vient immédiatement à l’esprit la
question de l’accès aux soins… Celui-ci n’est pas du tout garanti d’une manière satisfaisante dans
notre pays pour des personnes polyhandicapées. Par exemple, on peut laisser dans un corridor des
urgences une personne polyhandicapée pendant des heures sans même lui offrir à boire. Elle peut
ensuite être soumise à des examens intrusifs et douloureux, certes nécessaires, sans grande
précaution. Certains enfants polyhandicapés sont actuellement en état de quasi abandon à l’hôpital
sans que ça émeuve réellement les services de protection de l’enfance.
Le pire, à mes yeux, reste le peu d’émotion que semble susciter la mort de nos enfants, comme si le
fait qu’ils soient lourdement handicapés dédramatisait le côté terrible que revêt normalement
toujours la mort d’un enfant. Ils sont assez souvent condamnés à mourir aussi furtivement qu’ils ont
vécu. Peu de questions autour de leur disparition, y compris parfois de la part du corps médical ;
peu de compassion aussi. L’entourage peut même dénier aux parents le droit au chagrin, en
affirmant ou en pensant très fort qu’il s’agit pour les parents d’un soulagement. Que peuvent-ils
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savoir de la force particulière des liens qui nous attachent à cet enfant différent et de l’immensité de
notre détresse quand il n’est plus là ? Donc même le droit à être pleurés ne leur est pas vraiment
acquis !!! Notre travail de parents associatifs sera donc encore long pour que l’aptitude à l’empathie
de nos sociétés inclue aussi les personnes polyhandicapées.
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EN GUISE DE CONCLUSION
L’horizon d’une société calédonienne solidaire et fraternelle
Passer d’une culture de la charité à une culture du droit était l’un des principaux objectifs des États
généraux du handicap qui se sont tenus en 2007. Il est possible de considérer que cet objectif est
aujourd’hui atteint, et ce malgré les inévitables imperfections, qu’il conviendra de réduire peu à
peu, du cadre juridique adopté à l’unanimité des élus du Congrès en 2009, et pleinement applicable
depuis 2010.
Parce qu’il y a désormais un avant et un après cet événement que furent les États généraux, il
importait que ce livre existe : pour témoigner du chemin parcouru ; pour rappeler aussi, et ce n’est
pas accessoire en ces temps de soupçon généralisé, que le champ du politique est bien celui où se
joue en dernier recours le devenir de nos sociétés, et qu’il est de ce fait impératif de l’investir.
C’est parce que l’interpellation faite à la société calédonienne par le Collectif Handicaps s’est située
d’emblée à ce niveau, et parce que la tension entre vigilance et confiance n’a cessé d’être au rendezvous tant du côté associatif que du côté des élus, qu’un processus tout à la fois structurant et
irréversible a pu être mis en œuvre.
Il convient de le saluer, et avec lui toutes les femmes et tous les hommes, à tous les niveaux de
responsabilité, qui ont su dépasser leurs représentations, et changer de regard pour que soient créées
les conditions d’une prise en compte pleine et entière des personnes en situation de handicap, quel
que soit ce handicap, où qu’elles demeurent, et sans discrimination d’âge, de sexe, de culture.
Nous ne devons pourtant pas nous en satisfaire. Que ce soit en matière d’intégration scolaire, de
formation et d’insertion professionnelle, d’accessibilité des espaces et d’accès aux soins, aux loisirs,
et à tout ce qui constitue une vie humaine, la discrimination demeure le plus souvent la règle, et
l’inclusion est un horizon que nous sommes encore loin d’atteindre.
Ainsi que l’exprime justement Charles Gardou, bien des bastilles intérieures sont encore à faire
tomber pour que vive le système inclusif que nous appelons de nos vœux.
Deux combats particulièrement sont à mener sans attendre : celui du droit à l’éducation et à la
formation des personnes en situation de handicap, et celui de leur insertion professionnelle.
Nous ne les gagnerons pas seuls. Plus que jamais les élus calédoniens auront à faire en ces divers
domaines des choix fondamentaux et à prendre des décisions courageuses. Plus que jamais nous
seront amenés, munis de notre seule conviction et de notre engagement associatif de simples
citoyens à les éclairer et les accompagner chaque fois que possible, les contredire chaque fois que
nécessaire. Plus que jamais également il nous faudra porter attention aux actions mises en œuvre
au-delà du lagon, et tout particulièrement dans l’environnement Pacifique qui est le nôtre et avec
lequel nous avons beaucoup à partager.
Cela s’appelle peut-être simplement l’ouverture et la démocratie, celle que nous voulons pour la
Nouvelle-Calédonie, celle qui garantit à chaque personne riche de ses forces et de ses fragilités une
place, sa place, unique, irremplaçable, irréductible, au sein de la communauté des humains, et au
sein d’une société calédonienne résolument solidaire et fraternelle.
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Bibliographie
(à compléter et valider par le Collectif Handicaps)
GARDOU, Charles. Naître ou devenir handicapé - Le handicap en visages - 1. Toulouse, Érès,
1997.
GARDOU, Charles. Parents d’enfants handicapés - Le handicap en visages - 2. Toulouse, Érès,
1997.
GARDOU, Charles. Frères et soeurs de personnes handicapées - Le handicap en visages - 3.
Toulouse, Érès, 1997.
GARDOU, Charles. Professionnels auprès des personnes handicapés - Le handicap en visages - 4.
Toulouse, Érès, 1997.
GARDOU, Charles. Connaître le handicap, reconnaître la personne. Toulouse, Érès, 1999.
GARDOU, Charles. Fragments sur le handicap et la vulnérabilité - Pour une révolution de la
pensée et de l’action. Toulouse, Érès, 2005.
GARDOU, Charles (avec Emmanuelle Saucourt). La création à fleur de peau - Art,
culture ,handicap. Toulouse, Érès, 2006.
GARDOU, Charles ; KRISTEVA Julia (sous la direction de). Handicap, le temps des engagements.
Paris, PUF, 2006.
GARDOU, Charles (avec Denis Poizat). Désinsulariser le handicap. Toulouse, Érès, 2007.
GARDOU, Charles (sous la direction de). Le handicap par ceux qui le vivent. Toulouse, Érès, 2009.
GARDOU, Charles (sous la direction de), avec le soutien de Tahar Ben Jelloun. Au nom de la
fragilité - Des mots d’écrivains. Toulouse, Érès, 2009.
GARDOU, Charles (sous la direction de). Pascal, Frida Kahlo et les autres... ou quand la
vulnérabilité devient force. Toulouse, Érès, 2009.
GARDOU, Charles (sous la direction de). Le handicap au risque des cultures - Variations
anthropologiques. Avec notamment la contribution pour l’Océanie de Patrice Godin. Toulouse,
Érès, 2010.
Zucman, Elizabeth. Auprès de la personne handicapée - une éthique de la liberté. Paris, Vuibet –
Espace éthique, 2007.
Handicap Mag Nouvelle-Calédonie 2011 – DASS-NC
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Annexes
Redéfinir précisément ce que le Collectif Handicaps souhaite voir y figurer ;
-
Note d’information à propos du dispositif Handicaps
Texte des lois cadre ?
textes ou références de textes sur la prise en compte dans l’éducation des besoins
éducatifs particuliers ?
textes divers sur la question du handicap ?
coordonnées des différentes structures ?
lexique des sigles, etc. ?
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NOTE D’INFORMATION RELATIVE
AU DISPOSITIF HANDICAP ET DEPENDANCE
Le nouveau dispositif Handicap et dépendance a été mis en place par deux lois du pays :
La loi du pays n° 2009-1 du 7 janvier 2009
La loi du pays n° 2009-2 du 7 janvier 2009
La Loi du Pays n° 2009/1 du 7 janvier 2009 relative à l’emploi des personnes en situation de
handicap
Délibérations d’application annexes
452 du 8 janvier 2009 relative à l’emploi des personnes en situation de handicap
457 du 8 janvier 2009 relative à l’emploi des personnes en situation de handicap au sein des
fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie et de leurs établissements publics
Public cible
Travailleurs reconnus handicapés par la CRHD
Victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles
Titulaires d’une pension d’invalidité
Les anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité
Entreprises concernées
Les entreprises privées
Les entreprises publiques
Plus de 20 salariés
Soit 420 entreprises sur le territoire dont 140 emploient 351 travailleurs handicapés (chiffres 2007).
Instauration d’une obligation d’embauche
Avec trois manières de se libérer de son obligation :
embauche de salariés TH/AT/MP (2,5% de l’effectif salarié)
passer des commandes aux ateliers protégés ou aux CAT
contribuer au fonds « dépendance »
. 400 fois le taux horaire du SMG: entreprises de - 100 salariés
. 500 fois le taux horaire du SMG : entreprises de + 100 salariés
Création d’un fonds pour l’insertion professionnelle
Fonds alimenté par les contributions des entreprises.
Fonds dont une partie peut alimenter le fonds du régime d’aide sur décision du Conseil du
Handicap.
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La loi du Pays n° 2009/2 du 7 janvier 2009 portant création d’un régime d’aides en faveur des
personnes en situation de handicap et de personnes en perte d’autonomie
Délibérations d’application annexes
453 du 8 janvier 2009 fixant les conditions de délivrance des aides du régime en faveur des
personnes en situation de handicap et des personnes en perte d’autonomie
454 du 8 janvier 2009 portant création du conseil du handicap et de la dépendance
455 du 8 janvier 2009 portant modification de la délibération 122 du 26 septembre 2005 relative
aux commissions pour les enfants et les jeunes en situation de handicap de la Nouvelle-Calédonie
456 du 8 janvier 2009 portant création de la commission de reconnaissance du handicap et de la
dépendance de Nouvelle-Calédonie (CRHD-NC)
Profil du public cible (Articles 1 et 2)
Personnes en situation de handicap dont le taux est supérieur ou égal à 50% (sans distinction d’âge).
Personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie (incapacité à assumer les conséquences du
manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental) – GIR 1 à 4.
Instauration d’une allocation personnalisée
Public cible : Personnes de plus de dix-huit ans ou émancipées en situation de handicap (taux
supérieur ou égal à 67%).
Allocation personnalisée normale
Les personnes en incapacité de travailler : jusqu’à 90 000 Francs mensuels.
Allocation considérée comme ressource et entrant donc dans le calcul de participation à sa propre
prise en charge.
Allocation personnalisée minorée
Les personnes en capacité de travailler : 50 000 Francs mensuels.
Cette allocation sera dégressive, voire supprimée si la personne ne remplit pas certaines
obligations :
a) être inscrit dans les services emploi
b) remplir les obligations pour maintenir son statut de demandeur d’emploi
c) avoir refusé 2 emplois dits « raisonnables » (proximité, capacités, etc…)
Prestations prévues par la loi
Aide à l’hébergement
Aide à l’accueil de jour
Aide à l’accompagnement de vie
Aide au transport
Aides spéciales enfants
Aides ponctuelles
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DETAILS DES PRESTATIONS
Hébergement
Les enfants : prise en charge complète jusqu’à 21 ans en cas de scolarisation.
Les adultes : prise en charge – ressources du bénéficiaire (reste à vivre de 10 000 F).
Les personnes âgées : prise en charge du forfait dépendance - participation du bénéficiaire selon
ressources
Accueil de Jour
Enfant : Gratuité complète
Adulte, personne âgée handicapée et personne âgée dépendante : prise en charge selon
ressources (conjoint compris) avec application grille
Accompagnement de vie
Aides à domicile : plafond de 60 heures / mois.
Auxiliaires d’intégration sociale et scolaire : Plafond de 120 heures/mois
Prise en charge : même mode de calcul que précédemment, gratuit pour les enfants.
Transport
Plafond de 12 trajets/semaine – 20 Kms dans Nouméa et agglomération et 40 Kms hors Nouméa et
agglomération.
Prise en charge financière : même mode de calcul que précédemment, gratuit pour les enfants.
Aides spéciales enfants
Aide aux familles pour frais supplémentaires : frais d’entretien liés à l’état physique ou mental
de l’enfant, non pris en charge par l’assurance maladie. Plafond : 30 000 F mensuels.
Aide aux Loisirs : prise en charge du supplément lié à l’encadrement pour la dépendance (secours
exceptionnel).
Aides ponctuelles (secours exceptionnels)
Adaptation du logement : prise en charge des frais d’aménagement du logement ou de ses accès,
voire des équipements spécifiques, rendus nécessaires pour permettre à la personne en situation de
handicap ou de dépendance d’y vivre en préservant au maximum sa sécurité et son autonomie. Elle
est plafonnée à 1 million sur une période de 5 ans.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
Aménagement poste de travail : prise en charge du surcoût généré par l’employeur par
l’embauche d’une personne handicapée, pour adapter à ses besoins spécifiques, les lieux de travail
et/ou le poste de travail ou pour mettre à sa disposition du matériel spécifique. Elle est plafonnée à 1
million par salarié sur 5 ans.
MESURES ADOPTEES PAR LES AUTRES SECTEURS DU GOUVERNEMENT
FORMATION : Inscription de programmes pour la mise en œuvre de formations adaptées
AIDE AU LOGEMENT : Les aides liées à la dépendance ne seront pas incluses dans le calcul de
« l’aide au logement »
FISCALITE : Exonération de la TGI sur les matériels individuels nécessaires au mieux vivre des
personnes dépendantes (véhicules et accessoires), hors matériel médical
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CREATION DU CONSEIL DU HANDICAP ET DE LA DEPENDANCE (CHD)
Missions :
Fonctions exécutives pour les dépenses
Fonctions de prospection et d’analyse (élaboration de projets et du schéma directeur) avec
constitution de commissions par thème (personnes qualifiées)
Structuration :
Une section des prestations sociales : octroi des aides sociales.
Une section de l’insertion professionnelle : mesures en faveur de l’insertion professionnelle des
personnes handicapées
Composition :
Gouvernement
Trois Provinces
Associations des Maires
CAFAT
Entreprises
DRH services publics
Syndicats
Associations
Financement du régime
Contribution correspondant à 10% du produit annuel de la taxe sur les services
Contribution de la Nouvelle-Calédonie
Contribution des provinces, sous réserve de leur accord (une convention triennale est prévue, sur la
base du budget actuel des provinces en matière de dépendance)
Revenus des placements des recettes du régime
Recouvrement auprès des bénéficiaires décédés
Possibilité d’affecter des sommes du fonds de l’insertion professionnelle
COMMISSION ENFANTS ET JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP
(CEJH)
La CEJH instruit les demandes d’aides pour les enfants et les jeunes
L’équipe technique de la CEJH élabore les propositions dont le plan d’accompagnement
personnalisé (PAP)
La CEJH valide les PAP puis les envoie aux familles avec une liste de prestataires à partir de
laquelle celles-ci effectuent leur choix avant de renvoyer le tout à la CEJH
La CEJH transmet ensuite les dossiers au CHD pour la décision finale.
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Document final – 05 octobre 2011 Collectif Handicaps/Anne Bihan
COMMISSION DE RECONNAISSANCE DU HANDICAP ET DE LA
DEPENDANCE (CRHD)
La CRHD instruit les demandes d’aides pour les adultes
L’équipe technique de la CRHD élabore les propositions dont le plan d’accompagnement
personnalisé (PAP)
La CRHD valide les PAP puis les envoie aux familles avec une liste de prestataires à partir de
laquelle celles-ci effectuent leur choix avant de renvoyer le tout à la CEJH
La CRHD transmet ensuite les dossiers au CHD pour la décision finale.
Remarque : les PAP des enfants ou adultes peuvent faire l’objet d’une demande de révision autant
que de besoin.
Collectif Handicaps Avril 2011
source : documentation GIP/UPH
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Lexique des sigles
Vérifier les sigles / Voir s’il convient de les mettres systématiquement ou pas en note de bas de
page à leur première occurence.
AVI/AVS : Auxiliaire de vie ; auxilliaire de vie scolaire
APAD :
CAFAT-NC : Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de
prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie.
CAMSP : Centre d’action médico-sociale précoce.
CAT : Centre d’aide par le travail.
CCEP2 : Commission de circonscription.....
CCF :
CED : Commission...
CEJH : Commission...
CHD :
CHS : Centre hospitalier spécialisé.
CHT : Centre hospitalier territorial.
CLIS : Classe d’intégration scolaire.
CORH : Commission d’orientation et de reconnaissance du handicap.
CRHD : Commission de reconnaissande du handicap et de la dépendance.
DAMSP : Dispositif d’accueil médico-social précoce.
DTASS-NC : Direction territoriale des affaires sanitaires et sociales - Nouvelle-Calédonie.
DPASS-NC : Direction provinciale es affaires sanitaires et sociales - Nouvelle-Calédonie.
FOL : Fédération des oeuvres laïques.
IME : Institut médico-éducatif.
IMPRO : Institut médico-professionnel.
INSERM : Institut national d’études et de recherche médicales.
MDP : Maison du polyhandicap.
MEDEF-NC : Mouvement des entreprises de France - Nouvelle-Calédonie.
SCORH :
SEGPA : Section d’enseignement général et professionnel adapté.
SESSAD : Service d'éducation et de soins spécialisés à domicile.
TED : Troubles envahissants du développement.
TSA :Troubles spectriques autistiques.
ULIS : Unité localisée d’inclusion scolaire.
UPI : Unité pédagogique d’intégration.
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SOMMAIRE
À finaliser avec Christine Rousselle en fin de montage pour la pagination
Avant-Propos
Refonder une société plus humaine, rien qu’humaine, toute humaine
par Charles Gardou, professeur des Universités, organisateur avec Julia Kristeva des premiers États
généraux nationaux du handicap à Paris en 2005
Texte en attente de réception
par Sylvie Robineau, rapporteur des lois cadre du 7 janvier 2009 et Harold Martin, Président du
Gouvernement
Une aventure citoyenne
par Stéphanie Vigier, présidente des premiers États généraux du handicap en Nouvelle-Calédonie en
2007
LIVRE I – L’AVENTURE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DU HANDICAP EN NOUVELLECALEDONIE
A / 2002 – 2007 – Un processus démocratique et modélisant
B / Juin à octobre 2007 - Le pari d’un état des lieux embrassant tout le pays
C / 10 novembre 2007 – Sur le seuil d’une prise de conscience
LIVRE II – FRAGMENTS D’UNE PAROLE EN CONSTRUCTION
A / 9 juin 2007 – Forum de la province Nord
B / 21 juillet 2007 – Forum de la province Sud
C / 6 octobre 2007 – Forum de la province des Îles Loyauté
D/ 10 octobre 2007 – Journée de synthèse des Etats généraux
LIVRE III – D’UNE CULTURE DE LA CHARITÉ À LA LOI-PROGRAMME
ET DES LOIS CADRE À UNE CULTURE DU DROIT
A / Elaboration d’un cadre juridique : entre confiance et vigilance
B / Avancées, limites, obstacles
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C/ À l’horizon de la loi
LIVRE IV – ÉDUQUER AU PARTAGE DE NOS FRAGILITES
Transfert de compétence du système éducatif : un contexte favorable ?
LIVRE V – ÉCRITURES DE LA FRAGILITÉ : PAROLES CROISÉES
A / Lecture anthropologique du handicap / Patrice Godin / en attente de réception
B / Paroles croisées
- Entretien Jacques W. / Stéphanie Vigier
- Entretien Michel W. / Catherine Poëdi
- Entretien Valérie K. / Stéphanie Vigier
- Entretien Noëlla B. / Catherine Poëdi
- Entretien Jean R. / Stéphanie Vigier / en attente de réception
C / Les lois ont besoin des hommes : Maison du polyhandicap, une aventure
modélisante - Entretien avec Catherine Poëdi.
EN GUISE DE CONCLUSION
L’horizon d’une société calédonienne solidaire et fraternelle
Bibliographie (à compléter par Catherine et Stéphanie)
Annexes (à finaliser en fonction demande du Collectif)
Textes des lois programme ?
Listing des principales associations et structures ?
Lexique des sigles ?
Cet ouvrage
a été achevé d’imprimer
en (préciser le mois) 2011
pour le compte du Collectif Handicaps
Nouvelle-Calédonie
sur les presses
de (préciser le nom et n° imprimeur)
Conception graphique
Passion graphique
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Dépôt légal – 1ère édition : (préciser le mois) 2011
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