Le Faubourg Saint-Honoré… et les passages cachés du luxe !
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Le Faubourg Saint-Honoré… et les passages cachés du luxe !
Palais et jardin des Tuileries à la fin du 17ème s. Le Faubourg Saint-Honoré… et les passages cachés du luxe ! (sortie régionale Paris Ile de France Mardi 9 octobre 2012) Aujourd’hui 9 octobre 2012, notre groupe a pour premier objectif un repas au restaurant "Welcome Café", près de la station Tuileries. Les bavardages sont nourris, la chère est bonne, la bonne humeur générale. Madame Peyrat, notre conférencière, nous rejoint et nous emmène au Jardin des Tuileries ; sur ce site royal, elle entreprend l’historique du luxe français. C’est au début du 15ème siècle que Charles VII, inspiré par Agnès Sorel, introduisit en France le luxe des vêtements, chapeaux, traînes, fourrures et pierres précieuses. Quand François Ier s’installa au Louvre, ébloui et inspiré par l’Italie, il modernisa le Louvre médiéval car l’influence italienne se manifeste aussi dans l’architecture. Il soutint le luxe vestimentaire, y ajoutant celui des arts de la table et de la joaillerie. Après lui, Colbert eut les mêmes préoccupations ; puis la Cour quitta Paris … Nous admirons l’axe E.O. de Paris avec la Cour Carrée du Louvre, l’arc du Carrousel, l’obélisque de la Concorde, l’arc de triomphe de l’Etoile, et plus loin l’arche de la Défense, l’ensemble se prolongeant jusqu’à Cergy-Pontoise. Le nom de "tuileries" provient de la terre glaise qu’on exploitait en ce lieu. La forêt de Rouvray couvrait alors cet espace ; François Ier y fit édifier un hôtel particulier pour sa mère, Louise de Savoie, et Catherine de Médicis y eut plus tard un château. Louis XIV y fit percer une allée jusqu’aux grilles de la Concorde. Et le temps passa. Sous le premier Empire, on traça la rue de Rivoli et on la borda d’hôtels particuliers mitoyens, à arcades, où seuls les produits de luxe pouvaient être vendus. Sous Napoléon III, on couvrit leurs toits de zinc, afin que cette rue de prestige devienne une vitrine du zinc français ! Dès 1825, Jean Paul Guerlain s’installa dans un de ces hôtels, et dans un autre une poste à chevaux, essentielle au commerce. Nous entrons par permission spéciale à l’Intercontinental, rebaptisé Westin, qui appartient à l’histoire de Paris. Le Café de Paris et son hôtel, proche de l’opéra Garnier, datent du second Empire. Mais sous la troisième République, l’hôtellerie de luxe capable d’accueillir d’illustres personnalités, était maigre. Il y avait eu la Commune dont il convenait de faire oublier le souvenir. L’incendie de la Cour des Comptes et d’anciens relais de poste ayant libéré bien à propos un vaste espace, on construisit donc cet hôtel qui comprenait six cents chambres dont cent cinquante suites, et où descendaient les élites du monde entier, permettant de fructueuses rencontres entre hommes politiques, industriels et financiers ; en 1884, c’est là que Victor Hugo reçut l’hommage de ses éditeurs lors d’un banquet de mille couverts ! L’impératrice Eugénie y séjourna tous les étés après 1880, et y reçut même Clémenceau qu’elle n’aimait guère, pour lui remettre en 1919 un document qui évita à la France un plébiscite risqué en Alsace. L’impératrice était, par ailleurs, une féministe et décora Rosa Bonheur de la légion d’honneur. Les vastes salons de réception où nous pénétrons communiquent par de larges portes, afin d’agrandir encore l’espace si nécessaire ; ornés de colonnes de stuc, éclairés par de hautes fenêtres et d’énormes lustres, ils se veulent un hymne à la richesse et au confort, avec leurs cheminées, leurs tapis, leurs plafonds décorées de peintures allégoriques. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises louent ces salons pour leurs séminaires. La cave de cet hôtel est hors-pair à ce qu’il paraît. Nous voici à présent Place Vendôme. Louis XIV confia à Louvois, son ministre de la guerre l’ordonnancement d’une vaste place d’armes, sans arbres, pour de grandioses cérémonies militaires. Ce fut une place octogonale, dessinée par Jules Hardouin-Mansart, et édifiée sur des terrains ayant appartenu au duc de Vendôme, triste sire que Saint Simon "assassine" dans ses mémoires, et qui donna pourtant son nom à une des plus belles places de Paris ! Seules les façades furent construites, elles sont à présent classées puis vendues à des investisseurs libres de construire leurs hôtels à leur guise ; la statue équestre du roi, édifiée au centre de la place, et détruite en 1789, fut remplacée par la colonne d’Austerlitz, faite du métal des canons autrichiens confisqués ; l’empereur trônait au sommet en César. A son tour, la colonne fut jetée à bas par les communards ; la troisième République la restaura en signe d’apaisement. Au 18ème siècle, les habitants de la place étaient des financiers. C’est ainsi que Monsieur Law acheta plusieurs façades ; il créa la banque du Mississipi puis le papier-monnaie, prêta de l’argent au Régent, se présenta comme le sauveur de l’économie … avant de la ruiner ! Mais revenons au luxe. Le joailler de Marie-Antoinette s’appelait Etienne-Marie Nitot ; parce qu’il avait secouru Bonaparte victime d’un accident d’attelage, Napoléon Ier reconnaissant l’aida à s’installer place Vendôme. En 1888, les Nitot, vraie référence en joaillerie, vendirent leur hôtel qui allait devenir le Ritz, l’hôtel de luxe qu’on connaît, et qui est en pleine restauration. Ils vendirent à Chaumet l’héritage Nitot, c'est-à-dire les secrets de fabrication de bijoux de prestige. La maison Chaumet s’installa place Vendôme ; aujourd’hui encore les bijoux vendus là sont fabriqués sur place dans les étages, et les joaillers vont chercher directement dans les mines, les pierres les plus parfaites dont ils ont besoin. Ajoutons que le département des pierres précieuses du Louvre est sous leur surveillance, ce qui n’est pas rien. Sur cette place s’est installé aussi le ministère de la Justice, dans un hôtel construit par Mr Poisson de Bourvallais, qui embastillé pour malversations conclut avec le régent un pacte inédit. Après deux ans à la Bastille, il recouvra la liberté en échange de son hôtel. Une idée à creuser en période de vaches maigres ? Disons enfin que cette place Vendôme est superbement décorée en période de Noël, parce que le Comité Colbert qui la gère comprend les enseignes de luxe les plus prestigieuses du quartier, celles de beaucoup d’orfèvres, joaillers, horlogers surtout, et tient à préserver leur cadre. La mesure du mètre, réalisée par Jean-Baptiste Delambre en 1793, fut adoptée par la France le 7 avril 1795 comme mesure de longueur officielle. De février 1796 à décembre 1797, seize mètres-étalons gravés dans du marbre furent placés dans Paris et ses alentours, pour familiariser la population avec cette nouvelle mesure. Aujourd'hui, il n'en subsiste que quatre : • l'un est au 36 de la rue de Vaugirard, à droite de l'entrée ; • le deuxième, replacé en 1848, est au 13 de la place Vendôme, à gauche de l'entrée du ministère de la Justice, • le troisième est à Croissy-sur-Seine (Yvelines), dans un mur de la rue au Mètre, • le quatrième à Sceaux (Hauts-de-Seine). Arrivés rue St Honoré, nous passons devant un nouvel hôtel de grand luxe, le Mandarin oriental, dont la conception est de parfaire le confort et le goût en se gardant de tout tape à l’œil. Au numéro 374 de la même rue, nous entrons dans la cour d’un hôtel où vécut au 18ème siècle madame Geoffrin qu’on appelait "la reine de la rue St Honoré" parce que son salon fréquenté par les philosophes était un lieu de contre pouvoir redouté. La rue contient de nombreuses enseignes de haute couture, sans clients visibles ; en effet, ceux-ci font venir dans leur chambres d’hôtel les vêtements où objets qui les tentent ! C’est rue de la Paix que l’impératrice Eugénie lança la haute couture, en même temps que le prêt à porter de luxe se développait dans le quartier du Caire. Ensuite, Jeanne Lanvin, styliste de la fin du 19ème siècle créa un magasin de chapeaux rue Boissy d’Anglas, puis la première collection de vêtements pour enfants, et la plus ancienne maison de haute couture de Paris. Coco Channel lui succéda. Nous arrivons dans la rue Royale, percée sous louis XV. En 1900, au moment de l’Exposition universelle de Paris, vint l’idée d’installer des vitrines de luxe dans ses cours et à l’arrière de ses hôtels. Ainsi s’implanta l’unique boutique de la si célèbre cristallerie Saint Louis qui existait déjà au 16ème siècle en Lorraine ; elle devint manufacture royale de cristal, célèbre pour sa taille en pointe de diamant, ses lustres et ses coupes. Elle fut en concurrence avec les cristalleries de Venise en 1830, et la première à introduire la couleur dans son cristal. Elle eut pour client attitré Napoléon Ier puis aujourd’hui l’Elysée et les ministères. Elle voisine avec Lalique, fournisseur jadis des paquebots Normandie et France, avec Daum spécialisé en objets de décoration d’intérieur. Pour les arts de la table citons ensuite Christofle, présent dès 1830 et depuis huit générations ; il fournit l’Elysée, les ministères et les grandes tables, et possède son musée à la Plaine-SaintDenis. Egalement Bernardaud pour les porcelaines. Dans la Galerie Royale, nous trouvons encore bien d’autres enseignes, et une qui est nouvelle par son concept, l’Eclaireur, ne vend que des pièces uniques, de mobilier, vaisselle ou vêtements ; une autre n’offre que des des objets de grande classe mais qui ont déjà servi, fort peu en général ! Ajoutons que c’est dans le même secteur que vers 1830 encore démarra Vuitton avec sa bagagerie de luxe ; Hermès également qui utilisa les manufactures de sellerie implantées sur les grands boulevards, construisit des éléments élégants pour voitures à chevaux, s’intéressa au voyage en général et déposa le brevet du zip. Trouvaille essentielle qui l’aida à se diversifier sans cesse. On lui doit le premier sac muni de deux courroies et de poches zippées, promis à un bel avenir, mais aussi en 1830, la jupe-culotte prisée des femmes cyclistes. Nous n’avons pas tout cité ; environ 70 grandes enseignes sont regroupées dans le secteur et nous n’avons pas parlé de l’horlogerie, de la parfumerie… Nous débouchons devant l’église de la Madeleine dont le parvis est couvert de fleurs, chaque année de juin à la fin octobre. Son style néo-classique la fait ressembler à un temple grec. C’est une église assez peu visitée, dont l’histoire fut très troublée ; elle succéda à une autre église plus modeste, et Louis XV en posa la première pierre. En 1806, Napoléon Ier décida de la transformer en temple maçonnique à la gloire de sa Grande Armée, puis revint au projet initial en 1811. En 1837, on envisagea d’en faire la première gare ferroviaire. Depuis 1845, c’est une église, celle des paroissiens les plus riches de Paris, et de l’Elysée. Là eurent lieu les funérailles de bien des personnages illustres, et parmi eux le président Félix Faure, Chopin, Saint Saëns, Fauré, etc… Le luxe réside aussi place de la Madeleine et pour preuve citons les magasins Hédiard et Fauchon. Nous nous arrêterons sur cette note gourmande, pensifs devant un tel déploiement de richesse et un tel raffinement, rêveurs devant ces trésors qui nous sont inaccessibles ! Textes et commentaires : Jocelyne Bernard Photos : Annie Gauchet