Asie du Sud-Est - Rivages du Monde

Transcription

Asie du Sud-Est - Rivages du Monde
Le Magazine de RIVAGES DU MONDE n°1/ 2015
Asie du Sud-Est
Vers de nouveaux
horizons ?
Puerto Toro est le village habité toute l’année le plus au sud de la Terre.
Ce sont principalement des militaires chiliens avec leur famille qui vivent ici.
Une vingtaine de maisons aux façades colorées, une école et son gymnase
ainsi qu’une petite église font ainsi face au pole Sud.
Édito ¬
Luxe, calme et volupté. Ce premier numéro de RDM le magazine de Rivages du monde est une invitation au voyage. Comme un bateau mis à flot
pour la première fois, toute l’équipe du magazine – des rédacteurs venus d’horizons divers, historiens, artistes et journalistes de tous pays,
ainsi que des photographes – s’est jetée à l’eau pour hisser haut les exigences de découvertes, de rencontres, d’inattendus… D’escale en escale,
vous qui êtes toujours plus nombreux à partir en croisière selon les récents chiffres du secteur, nous vous accompagnerons dans votre quête de
nouvelles destinations et de sérénité. En donnant du temps au temps. Celui de lire et désirer l’ailleurs.
« En voyage, il faut être ouvert d’esprit », me confiait assez justement une guide birmane. Cette ouverture au monde, aux autres, au tourisme, à la
modernité, c’est celle de l’Asie du Sud-Est, fil conducteur de ce numéro. Du Mékong aux temples de Bagan, de la chorégraphe Ea Sola à
Margueritte Duras, d’une pagode au Cambodge à l’indolence du lac Inle… Rendez-vous est pris tous les quatre mois à la rencontre du bout du
Sébastien Righi
monde.
RdM
003
N° 1 / 2015
Dans la vague ¬
N° 1 / 2015
© Pcruciatti
Numéro 1/2015 juin-septembre
SOMMAIRE
Billets d’humeur ¦ 008
Questionnaire bateau… Stéphane Bern ¦ 009
L’invité… Duras Song par Frank Smith ¦ 010
Économie : Le textile-roi en Asie du Sud-Est ¦ 012
Politique : Présidentielles Argentine/Birmanie ¦ 015
Seniors en vacances ¦ 016
L'actualité des expositions ¦ 017
La chronique théâtre de Charlotte Lipinska ¦ 021
La chronique danse de Florian Gaité ¦ 023
Ea Sola, danser la mémoire du monde ¦ 024
Une sacrée Nana ¦ 026
L'actualité littéraire ¦ 027
Dossier ¬
Asie du Sud-Est, vers de nouveaux horizons ? ¦ 028
Croissance économique et ouverture politique ? ¦ 030
Grand Mékong, colonne vertébrale de l’Asie du Sud-Est ¦ 034
L’Irrawaddy, « fleuve-mère » de Birmanie ¦ 039
Bangan et Angkor, deux sites de pèlerinage rivaux ? ¦ 042
Portfolio ¬
Les quatre saisons, la Patagonie chilienne ¦ 046
Le Cap Horn, au cœur du mythe ¦ 057
004
n a n a7 2 6
L’OURS
RIVAGES DU MONDE
at t a
©N
19 rue du 4-Septembre, 75002 Paris Tél. : +33 (0)1-49-49-15-50
Internet : www.rivagesdumonde.fr
Président-directeur général - ALAIN SOULEILLE
Corporate - SÉVERINE MOREAU- BERTRAND DELAUNAY
Directeur de publication - DAVID DIBILIO
Coordination générale - FLORIAN CHAVANON
Escales ¬
Le Québec : Les chutes du Niagara ;
Les indispensables de la ville de Québec ¦ 066
Cambodge : Le Wat Kampong Tralach Leu ;
La place de la Poste de Phnom Penh ¦ 070
Vietnam : Sadec ¦ 071
Birmanie : Le lac Inle ; La laque birmane ¦ 073
Chili : Valparaiso, mythe poétique ¦ 076
Patagonie : Les Yagans ¦ 077
En vrac ¬
Icône : Estela de Carlotto ¦ 078
Portrait chinois de la Birmanie ¦ 079
Michel Rolland, le Napoléon du vin ¦ 080
Rafael Arenas Fuentes, cuisiner l’ailleurs ¦ 081
Recette traditionnelle : la pho vietnamienne ¦ 082
Le thanaka, nouvelle mode cosmétique ¦ 084
Le chinlon : sport des rois ¦ 085
EMBARQUEZ
Toute l’actualité Rivages du monde et plus ¦ 086
Les croisières Rivages du monde
automne-hiver-printemps 2015/2016 ¦ 096
Rédaction
F+S ÉDITIONS
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Direction artistique et studio XIMENA RIVEROS ET RIÉ HIRAI
Infographie RIÉ HIRAI
Rédacteur en chef adjoint FLORIAN CHAVANON
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Secrétariat de rédaction STUDIO LES CORRECTEURS
Collaborent également à ce numéro
TINA BESSE, FLORIAN DELISLE, DAVID DIBILIO,
IVAN FACANO, FLORIAN GAITÉ, CAMILLE LAVOIX,
WHITNEY LIGHT, CHARLOTTE LIPINSKA,
AGUSTÍN PABLO MENCHÓN, ARMELLE PRIVAT,
MYRTILLE RAMBION, BETTIE SANS,
FRANCINE THOMAS, VINCY THOMAS.
REMERCIEMENTS CHALEUREUX À YVES BOCCUNI,
KEVIN IZORCE, LUCY MAGDO,
VÉRONIQUE ET RENÉ MUNARO,
ANNE-SOPHIE SCHAUPP, SYLVIE VAY
Fabrication IMPRIMERIE CENTRALE –
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Imprimé au Luxembourg.
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© F+S ÉDITIONS – La reproduction même partielle, des articles et
illustrations publiés dans RDM le magazine Rivages du monde est interdite.
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L’ensemble de la production de ce magazine est certifié PEFC.
L’ensemble du processus est garanti par les systèmes internationaux
les plus stricts de certification de gestion durable des forêts.
Les photographies de première
de couverture et d'intérieurs de couverture ont
été réalisées par Florian Chavanon
pour RDM le magazine Rivages du monde.
005
N° 1 / 2015
Ils ont participé à ce numéro
Samuel Bartholin
Samuel Bartholin, journaliste, diplômé du CFJ, vit en Asie du SudEst depuis 2003 où il a notamment
travaillé pour Cambodge Soir et a été
responsable des publications au
sein des Éditions du Mékong. Il est
aussi l’auteur de plusieurs ouvrages
sur l’histoire et les minorités ethniques de la région. En France, il
collabore avec le magazine web
Slate.
Éric Domergue
Journaliste et écrivain français résidant en Argentine depuis plus de
50 ans, ancien correspondant de
l’Agence France-Presse à Buenos
Aires, il collabore régulièrement
avec des médias en langue française. Il est actuellement producteur et rédacteur à la radio nationale argentine.
Marie Domper
« Certains parlent comme des
livres, moi on me dit souvent que
j’écris comme je parle. » Ça tombe
bien puisque parler, c’est son métier : journaliste radio depuis plus
de 10 ans. Accro à l’actualité, elle
est aussi une grande fan d’Asie et
de gastronomie.
Émilie Gentils
Formée à l’école hôtelière et
après 10 ans dans la restauration
à Londres, Émilie Gentils s’est reconvertie depuis 4 ans à la photographie culinaire dont elle a fait sa
spécialité.
Sa photographie reflète ses aspirations gastronomiques : simplicité,
naturel et mise en valeur du produit sans artifices.
www.thefoodeye.com
Annie Mathieu
Après avoir flirté avec l’idée de
faire carrière dans la diplomatie
à la suite d’expériences professionnelles à l’UNESCO et à l’ambassade du Canada à Paris, Annie
Mathieu est rapidement revenue
à ses premières amours journalistiques. Originaire de Montréal où
elle a aiguisé ses armes dans une
agence de presse nationale, Annie
fait carrière depuis près de cinq
ans dans un quotidien de la ville de
Québec.
Frank Smith
Frank Smith est écrivain et vidéaste. Il a publié une douzaine
de livres, dont Guantanamo (Seuil,
2010, et Les Figues Press, USA,
2014), sacré meilleur livre de l’année par The Huffington Post. Il réalise également des « ciné-poésies »,
dont Le Film des questions, présenté
au Centre Pompidou (Hors Pistes
2015). Il est aussi directeur de la
collection de livres-CD « ZagZig »
qu’il a fondée aux éditions Dis Voir.
www.franksmith.fr
© Radio France / Christophe Abramowitz
Amaury Lorin
Amaury Lorin, docteur en histoire
de l’Institut d’études politiques de
Paris, ancien boursier de l’École
française d’Extrême-Orient, vit à
Rangoun depuis 2013. Il enseigne
l’histoire contemporaine à l’Université de Rangoun et contribue
notamment aux pages culture du
Myanmar Times. Il a reçu le prix des
écrivains combattants 2006, le prix
Auguste Pavie de l’Académie des
sciences d’outre-mer 2006 et le prix
de thèse du Sénat 2012.
N° 1 / 2015
Nicolas Martin
Nicolas Martin est journaliste
chroniqueur pour la matinale de
France Culture. Passionné aussi
bien d’astrophysique et de biologie
que de littérature et de cinéma, il
mène par ailleurs une carrière de
scénariste réalisateur de courts
métrages de fiction et de clips musicaux.
006
☛ Croisiéristes
photographes, vous aussi, envoyez-nous vos photos à [email protected].
1
2
3
4
1 Birmanie - Bagan (croisière sur l'Irrawaddy)
René Munaro, 58 ans, chirurgien-dentiste, Chenières.
2 Vietnam - Sadec (croisière dans le delta du Mékong)
Rihanna Volfcan, 48 ans, programmatrice culturelle, Bordeaux.
3 Chili (croisière en Patagonie)
Kevin Izorce, 31 ans, accompagnateur, Nice.
4 Cambodge - Oudong (croisière dans le delta du Mékong)
Jacques M., 69 ans, retraité, Strasbourg.
007
N° 1 / 2015
Mon voisin,
sa parcelle et moi
Texte Nicolas Martin ¬
Les rizières inondées des berges du Mékong. Des travailleurs affairés, le dos courbé sous leur chapeau de
jonc tressé. La belle image de catalogue que voilà. Au
moins autant que le petit Français la baguette sous le
bras et le béret vissé sur la tête.
Ce qui frappe certainement le plus le visiteur occidental en goguette dans les contrées asiatiques, ce
n’est pas tant la jolie carte postale que l’étrangeté
du rapport à l’autre. On dépeint souvent la culture
occidentale comme individualiste, là où, à l’inverse,
les civilisations asiatiques nous surprennent par leur
dimension collectiviste. Et s’il y avait un lien entre
cette photo de carte postale et la nature si différente
de nos deux types de sociétés ? Si ces différences remontaient à notre lien ancestral à l’agriculture ?
Ce sont les conclusions d’une étude menée par un
chercheur de l’université de Virginie, aux États-Unis,
dont le postulat est le suivant : c’est la culture des
céréales qui a déterminé, il y a fort longtemps, notre
mode de rapport à l’autre.
En effet, en Occident, la principale céréale cultivée
est le blé. En Asie, c’est le riz. Et ce, depuis le Néolithique, c’est-à-dire il y a un peu plus de 10 000 ans,
quand les humains ont commencé à se sédentariser.
Dans son étude, ce chercheur compare les deux
types de culture : la riziculture inondée demande
une grande coopération entre les agriculteurs. L’eau
doit circuler entre les parcelles, d’amont en aval, et
il faut collaborer si l’on veut éviter que la parcelle du
voisin soit drainée ou noyée. Pour le blé, en revanche,
la traction par des bêtes a rendu la culture aisée, sans
véritable nécessité de coopération.
Pour éprouver cette hypothèse, ce chercheur a fait
passer un certain nombre de tests à des populations
chinoises vivant dans des régions qui cultivent soit le
blé, soit le riz.
Par exemple, au test des cercles, où il s’agit pour les
sujets de se représenter eux et leurs réseaux d’amis
par des cercles reliés les uns aux autres, dans les régions à culture de blé, le cercle par lequel les sujets se
représentent eux-mêmes est plus grand de plusieurs
millimètres par rapport aux autres cercles, tandis
que dans les régions rizicoles, le cercle est de même
taille, voire légèrement plus petit.
Même constat sur les statistiques du divorce, un des
marqueurs associés à l’individualisme. Le nombre
N° 1 / 2015
de divorces est inférieur de moitié dans les régions
rizicoles que dans celles où le blé est la culture dominante.
Reste bien sûr à interroger les autres sociétés, africaines et sud-américaines, qui se caractérisaient
respectivement par les cultures du millet et du maïs.
Le millet, avec un rendement faible, rendait la coopération plus nécessaire que le maïs. On peut donc
avancer l’hypothèse que les sociétés africaines se
sont structurées de manière plus collaborative, au
sein des villages, que les sud-américaines.
Quant au petit Français avec sa baguette et son béret, il est tout seul sur la carte postale. Contrairement aux ouvriers des rizières... Les vieilles habitudes ont la vie dure.
RdM
Flippant Flipper
Texte Marie Domper ¬
Je l’avoue, je n’ai jamais aimé les dauphins. Ils m’ont toujours renvoyé l’image un peu
gnangnan du gentil animal qu’on trouve sur les posters des chambres d’adolescents à
côté des poneys, ou pire encore, sur les carrelages de salles de bains des années 80. Oui
mais ça, c’était avant ! Avant de connaître le dauphin de l’Irrawaddy. Ce dauphin-là, il
est spécial. Il ne ressemble… à rien ! Pour le corps, passe encore : une nageoire sur le dos,
une sur chaque côté, il est certes un peu moins svelte et gracieux que son cousin, mais
si vous l’apercevez dans l’eau, vous n’y verrez que du feu. En revanche, s’il daigne vous
montrer autre chose que son postérieur, aucune chance de le confondre avec Flipper.
Sa tête ressemble à celle d’un beluga, ronde, énorme, sans bec, une bouche irrégulière
telle une cicatrice, des yeux minuscules, bref, vous l’aurez compris, ce dauphin-là n’est
pas très beau. Et pourtant… Peut-être parce qu’il n’est pas donné à tout le monde de le
rencontrer un jour, peut-être parce que je sais qu’il est amené à disparaître, victime des
filets de pêche, de la pollution et j’en passe, toujours est-il que ce dauphin moche, moi je
le trouve touchant. Et qui sait, peut-être qu’un jour, il se retrouvera sur le carrelage de ma
salle de bains.
RdM
008
QU
RE
IONNA
T
I
ES
AVEC
STÉPHANE
BERN
BA
T E AU …
Il est partout ! Télévision, radio, livres,
théâtre… Stéphane Bern est un homme
très demandé, même en croisière !
Il donne en effet des conférences sur des
bateaux. L’occasion de s’échapper un peu,
lui qui apprécie particulièrement la Méditerranée, une mer mais aussi une mère,
nourricière de notre civilisation, la « mare
nostrum ». Questions bateau...
Interview Florian Delisle ¬
Votre première fois
sur un bateau ?
J’étais enfant. Entre l’Allemagne et le
Danemark. Mais là où j’ai le plus profité, ma plus grande aventure en mer, ça
a été le Mermoz, un bateau mythique.
J’ai découvert la Turquie, la Grèce,
c’était absolument fabuleux !
Mal de mer
ou pied marin ?
J’adore les bateaux dans l’idée, mais
j’ai le mal de mer. Il n’y a que sur les
très gros bateaux, type transatlantique, que ça va. En fait, j’aime bien les
immeubles flottants comme le Queen
Elisabeth. Forcément !
Bateau ivre
ou bateau livre ?
Je suis bateau livre, moi ! Je vais en
croisière surtout pour faire des conférences, ce qui me laisse un peu de répit
pour lire et vérifier deux, trois éléments
dans mes ouvrages d’histoire pour ne
pas raconter des bêtises aux gens qui
ont la gentillesse de venir m’écouter.
Le cocktail parfait
pour une croisière ?
C’est d’avoir des croisiéristes extrêmement sympathiques ! Ça se déguste
sans modération. Si vous êtes avec des
gens merveilleux, vous pouvez vous
faire des amis pour la vie. Ça m’est
arrivé !
Un pêché mignon
en croisière ?
La gourmandise ! On mange beaucoup, surtout lors des croisières avec
de grands chefs à bord.
Un navigateur célèbre ?
Tabarly ! Il m’a fait rêver. Moi, les héros
de mon enfance, ce sont les grands explorateurs. Magellan, Vasco de Gama,
Christophe Colomb… Je me suis plongé dans leur vie. La mer m’a toujours
fasciné ! Je repensais à tous ceux partis
de Lisbonne. Comme le disait Luís de
Camões, ils y allaient « pour donner des
mondes au monde ». Pour moi, la mer
c’est ça, c’est l’invitation au voyage !
Conseils pour bien
réussir une croisière ?
Il faut pas mal de vêtements tout terrain pour pouvoir se changer ! Et puis
avoir de bons livres. Il faut aussi bien
préparer son séjour, se documenter.
Moi, je trouve que c’est formidable de
voyager comme ça : un jour vous êtes
là et le lendemain vous vous réveillez
ailleurs… Au fond les pays se visitent
mieux de la mer ou d’un fleuve.
009
N° 1 / 2015
L’INVITÉ
« Comme toi, je suis douée de mémoire. Je connais l’oubli. » La parole d’Hiroshima mon amour entête. Dès
qu’elle agit, impossible de s’en extraire. Marguerite Duras n’est jamais revenue sur les terres asiatiques de son enfance mais elle les aura hantées dans son œuvre jusqu’à l’épuisement de l’oubli.
Les traces vivantes de l’écrivain, on les poursuit aujourd’hui en route ou sur voies d’eau, le long
des rivières qui se jettent dans le Mékong, côté vietnamien, jusqu’aux rivages cambodgiens du
golfe de Siam. On y sent les paysages vaciller, les peuples encore frémir de l’insurrection, et il y aurait quelque chose comme une manière de planter. Non pas enfoncer les souvenirs, les buissons
de mots ou d’images, mais les dissimuler dans la terre, à faible épaisseur de sol, de bitume ou de
boue, pour les transporter ailleurs et les replanter encore. Une pratique du riz, en somme : aucun
enracinement mais des piqûres.
Texte Frank Smith ¬
Sur les hauts plateaux himalayens, lorsqu’il ne forme encore qu’un torrent, les Tibétains l’appellent Dza Chu, « l’eau des rochers ». Au Yunnan et au Sichuan, les Chinois le baptisent
Lan-Ts’ang Chiang. Au Laos, il devient Mae Nam Khong, puis Mékong au Cambodge. À
plus de 4 300 km de sa source, la masse ocre et puissante du fleuve court vers l’océan
pour nourrir les 18 millions d’habitants du delta. Ce sont les terres nourricières qui irriguent L’Amant et Un Barrage contre le Pacifique, les deux romans mythiques de Duras,
et c’est la réalité suspendue, une substance éthérée circulant entre les parois du réel,
qui, à l’instar de la « chaîne de l’Éléphant », n’opère pas par transformations mais
par sauts et zigzags. Un fragment de village flottant en désordre puis des bribes
brouillées de savane luxuriante, des morceaux de lacs, tous très mobiles, les uns
relancés dans les autres et tous s’enveloppant ensemble. Des chants khmers, le
cri aigu d’un engoulevent enfoui dans la mangrove… Duras Song.
Marguerite Duras est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une ville de la banlieue nord
de Saïgon, aujourd’hui Ho-Chi-Minh-ville, au Vietnam. On y trouve encore l’ancien lycée Chasseloup-Laubat où Duras étudia, il est toujours l’établissement le
plus réputé de la ville. Cholon, le quartier chinois dans lequel se nichait la garçonnière aux persiennes fermées de l’amant, demeure un grouillant carrefour
commercial, avec des marchandises en provenance des quatre coins du monde.
Le bâtiment des Messageries maritimes, maison coloniale à façade rose, abrite
désormais le musée Ho-Chi-Minh.
C’est la saison des moussons. On quitte la métropole pour se fondre dans
l’infini d’un ciel laiteux qui flotte jusqu’à Chau Doc, à la frontière cambodgienne, aux premières ramifications du delta du Mékong. À travers un tissu de
rizières et de fougères pâles sillonné par des silhouettes au chapeau conique, le
chemin file ses méandres au rythme intemporel des attelages de buffles. Au bord
du grand cours d’eau, c’est un vertige exact : « (…) jamais de ma vie entière je ne reverrai des fleuves aussi beaux que ceux-là, aussi grands, aussi sauvages, le Mékong et ses bras qui descendent vers les océans », écrit Duras dès les premières pages de L’Amant. On est en 1984 :
à soixante-dix ans, l’écrivain révèle sa rencontre avec un riche Chinois, alors qu’elle avait quinze
ans à peine, sur un bac entre Vinh Long et Sadec.
L’Amant, c’est le récit de cette relation scandaleuse mais c’est aussi la chronique d’une Indochine
où la mère de Duras, Marie Donnadieu, institutrice dans une école pour « indigènes », vit en
marge de la bourgeoisie locale.
Le fleuve, ample, charrie maintenant des îlots verdoyants de jacinthes d’eau. « Vinh Long, c’était un
poste de brousse de la Cochinchine, c’est déjà la Plaine des oiseaux, le plus grand pays d’eau du monde j’imagine. » Les débarcadères décatis pointent vers l’immense pont My Thuan, à haubans. Progressivement, on rejoint Sadec, bourgade aux accents vénitiens, où vit Marguerite dans les années 1930.
Sur le quai, là où tous les matins pullule un odorant marché, la villa coloniale de l’amant prend des
allures de temple bouddhiste. Mosaïques, hauts plafonds sculptés, mobilier antique, et au mur
des photographies de l’amant Huynh Thuy Le.
N° 1 / 2015
010
L’INVITÉ
La nuit tombe, les villages se succèdent, on passe la porte des pagodes au bois noir et on passe les
jours, aussi, le cours vivant de l’eau scintille immensément. Sur la route en direction du sud, la
terre rouge se fait aride, des phnoms (petites collines) percent au loin, découpant l’uniformité des
champs brûlés par le soleil. Des cabanes dressées sur pilotis, des huttes en pagaille, souvent, on
les voit. Puis la pluie vient : la terre recouvre les arbres aux troncs noueux, le toit des habitations,
les passants, on ne voit plus que ce qu’on doit voir, on n’oublie rien.
En 1924, la mère de Duras rompt avec son rythme de nomade urbaine en achetant des parcelles
que l’administration coloniale incite à posséder. C’est ici, à Kampot au Cambodge, que se bâtit la nouvelle vie de Marie Donnadieu et celle de ses trois enfants. « Le fleuve coule sourdement, il
ne faut aucun bruit, le sang dans le corps », note Marguerite. Partout l’espace est compté et dans
l’enchevêtrement des canaux, la population grossit. La plaine entière est vouée au riz : fascinante orchestration de bras, de rames, d’efforts chaque jour renouvelés, le fouillis inextricable des plantes aquatiques, des rumeurs, des nerfs à vif, des patiences, tout un monde
de vibrations. Un sampan glisse comme dans un songe, les membrures de la coque
craquent à chaque vague. La lumière fuit pour différencier les visages.
À Kampot, on est dans l’obsession nostalgique. Les cris recouvrent tout, la mer
de Siam, la végétation délirante et les racs. Plus rien n’a de sens et personne ne le
sait plus. La mère rit dans la nuit, elle suffoque ou gémit. « On habite le bungalow à
gauche de la piste en allant vers Kampot, au kilomètre 184. » À une dizaine de mètres de
la route qui longe la plaine de Prey Nup, une inscription tracée sur des blocs de
pierre indique que Marguerite Duras a résidé là de 1925 à 1933.
Ce sont les lieux de cristallisation du Barrage contre le Pacifique, publié en 1950, et
c’est la source des sentiments, des déterminations et de la langue de l’écrivain.
Elle y raconte sa mère qui construit des « barrages » avec des moyens de fortune
pour protéger ses terres de l’eau salée. Un jour, la mer finit par gagner la bataille et
la famille est perdue. Trompée dans son acquisition, elle en sort totalement ruinée. Cette expérience marque profondément Marguerite et lui inspire nombre
d’images fortes. La mésaventure de la concession, les jeux intrépides dans l’eau et
la forêt, l’appartenance à la race annamite : les épisodes tumultueux de l’enfance
indochinoise forment désormais un faisceau de lignes immuables. « Des centaines
d’hectares de rizières seraient soustraites aux marées. Tous seraient riches ou presque. Les enfants ne mourraient plus. On aurait des médecins. On construirait une longue route qui longerait les barrages et desservirait les terres libérées », écrit-elle alors, imaginant la revanche
impossible d’une mère tenace sur une administration coloniale corrompue.
90 ans plus tard, pourtant, le barrage contre le Pacifique a bien été édifié. Grâce aux initiatives conjuguées des pouvoirs publics cambodgiens et de l’Agence française de développement, 95 km de digues et 50 km de canaux protègent désormais plus de 11 000 hectares de
polders convertis en rizières, et sont gérés directement par les villageois. Ils nourrissent 8 000
familles tout en leur assurant un revenu complémentaire : un modèle innovant pour une irrigation durable. Le cinéaste cambodgien Rithy Panh, qui a adapté le Barrage en 2008 et tourné à Prey
Nup même, est particulièrement sensible à ce droit d’accès à la terre par les paysans : « Le grand
pari, c’est que ça dure. La réussite des polders de Prey Nup, c’est que les usagers peuvent se gérer eux-mêmes,
en coopération. » Lesquels polders sont appelés aujourd’hui « les rizières de la femme blanche », en
hommage aux stratégies insensées de madame Donnadieu pour repousser les eaux.
Chaleur pâle. On reflue vers Koh Kong, province reculée, dont les habitants ont appris à n’être
qu’eux-mêmes. Des vieilles femmes récoltent des mangoustans pour le déjeuner, des enfants
jouent au bay khom après l’école, des cueilleurs amoncellent des pyramides de ramboutans…
« L’histoire est déjà là, déjà inévitable, celle d’un amour aveuglant, toujours à venir, jamais oublié. » Le désir
de réel, c’est par ce fleuve métallique et ses reflets blancs qu’on saurait maintenant pouvoir le
réaliser. Une naissance au monde ?
RdM
011
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
ÉCONOMIE
2015, L’ANNÉE DU
GRAND MARCHÉ COMMUN
EN ASIE DU SUD-EST ?
Avec 630 millions de
consommateurs et potentiellement
la septième économie mondiale,
la future Communauté économique
de l’ASEAN (AEC) doit entrer en
vigueur à la fin de l’année 2015.
Cependant certains pays,
Cambodge et Birmanie en tête,
semblent très en retard pour
cette intégration.
Sur le papier tout est prêt. Les dix pays que regroupe
l’ASEAN s’apprêtent à former un marché commun d’ici
décembre 2015 : accord de libre échange, baisse des tarifs
douaniers, libre circulation des biens et des personnes
et, à terme, création d’une monnaie commune.
Cependant, la très forte disparité de développement et
des niveaux de vie entre ces différents pays met à mal ce
bel élan unitaire. Songeons que le Cambodge ou la Birmanie comptent parmi les pays les plus pauvres de la
planète alors que Singapour caracole en tête du peloton.
Aussi la libre circulation des individus sera-t-elle
surement restreinte aux seuls travailleurs qualifiés
d’après Surin Pitsuwan, l’ancien secrétaire général de
l’ASEAN, afin d’éviter une fuite des cerveaux et des
compétences. De même pour la monnaie unique : une
monnaie virtuelle calculée par la Banque asiatique de
développement, l’Asian Monetary Unit (AMU), composée d’un panier de 13 monnaies asiatiques, préfigure une
union monétaire, mais l’échéance semble davantage à
long terme.
Autre point d’interrogation en cette année 2015, l’instabilité politique de la Birmanie. Exclu en 2006, le pays
n’est revenu sur le devant de la scène qu’en 2014 lorsqu’il
a assuré la présidence tournante de l’ASEAN. Les élections de novembre diront si la normalisation du régime
se poursuit.
Enfin les réformes structurelles nécessaires pour un pays
tel que le Cambodge sont colossales à si courte échéance.
Selon l’AMU, « le pays doit avant tout éradiquer la corruption
et accélérer la réforme du domaine douanier pour promouvoir
la transparence ».
Que penser alors ? De toute évidence, l’échéance d’un
marché commun sur le modèle de l’Union européenne
devra être repoussée ou ne s’appliquera que de façon
partielle, secteur par secteur. Par Tina Besse.
N° 1 / 2015
MÉKONG :
LES BARRAGES ENRAGENT
Rebondissement dans la construction du barrage de
Cheay Areng au Cambodge construit avec l’aide de la
Chine : le premier ministre cambodgien, Hun Sen, a annoncé récemment qu’aucune approbation ne serait accordée avant 2018 et que les études d’impact se poursuivraient. Cependant, les villageois de la vallée d’Areng,
comme ailleurs en aval du Mékong, craignent que la destruction de leur écosystème et de leur mode de vie ne
soit que reportée. En effet, onze projets hydroélectriques
sont en attente au Laos et au Cambodge. Les opposants
soulignent que les barrages bloqueront le flux de sédiments nécessaires aux rizières du delta au Vietnam et
perturberont la faune et en conséquence toute l’économie de la pèche au Cambodge. Ultime paradoxe : seulement un dixième de l’énergie produite par ces barrages
bénéficiera à ces deux pays. Par Withney Light
REVIVAL LADA
Lada est un mythe au Chili. Importées en 1987 à des prix
défiant toute concurrence, les voitures soviétiques font
fureur. Dans les années 90, tous les taxis roulent en
Lada. Les publicités, aujourd’hui cultes, relaient cet engouement à travers toute la population et façonnent la
mémoire collective. Disparue en 1998, le retour de la
marque a été mille fois annoncé. En vain. Après 17 ans
d’absence, Lada semble bel et bien prête à reprendre sa
place. Reste à savoir si le nouveau design séduira encore
les Chiliens ! Par T. B.
012
DANS LA VAGUE
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ÉCONOMIE
LE FOOT, L’ARGENT
ET L’ARGENTINE
Conclusions de l’étude commandée par la fédération
argentine de football, l’AFA, à l’université des sciences
économiques de Buenos Aires, mesurant les implications économiques du football sur l’économie du pays :
si le ballon rond a généré directement 952 millions d’euros en 2013, les revenus indirects (presse, activité commerciale autour des matchs, tourisme…) ont atteint
3,5 milliards d’euros. Une bonne santé paradoxale quand
on connaît la situation financière des clubs argentins. Il
faut dire que la majorité de leurs recettes provient des
ventes de billets, alors que les droits audiovisuels ne représentent que 20 % de leur budget (contre près de 50 %
en Europe). Par T. B.
LEÇON DE
VOCABULAIRE MAFIEUX :
TOUT COMPRENDRE
DU CHANGE PARALLÈLE
Les arbolitos, ces vendeurs de devises à la sauvette, sont
plantés rue Florida tels des arbustes, qu’il pleuve ou
qu’il vente. Premier maillon de la chaîne, ces rabatteurs
conduisent vendeurs et acheteurs dans des cuevas. Littéralement cave ou grotte, une cueva est le lieu où vos
euros seront achetés au-dessus du taux officiel. Il peut
s’agir de l’arrière-boutique d’une pharmacie, d’une
banque, d’un lieu de culte… L’imagination des changeurs est sans limite. Par Camille Lavoix
013
LA FIBRE DE GUANACO
La nouvelle tendance fashion solidaire en Argentine se
tisse à base de fibre de guanaco, le lama sauvage, star de
la Patagonie. Un châle fait de ces fibres coûte près de
1 000 euros dans les grandes maisons de couture européennes alors que les petits producteurs argentins reçoivent 80 dollars par kilo de tissu. Traité comme un
animal indésirable ou juste bon à attirer les touristes,
diverses coopératives voient le jour pour réhabiliter
l’intérêt pour le guanaco et le savoir-faire indigène en
créant de beaux vêtements et en aidant les familles modestes de la région. Par C. L.
UN JEU VIDÉO CONTRE
LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Ciclania ! Le dernier né des jeux vidéo chiliens pour
enfants se met au vert. Migue, son jeune héros,
amoureux de la nature, assiste à la ponte des tortues,
saute au-dessus des précipices, puis finit par rencontrer
le « consubot », son pire ennemi, littéralement robot
du consumérisme, qui lui enfile un casque et lui fait
détruire les ressources naturelles. Game over ! « Sans
la participation des citoyens, et la transformation de nos
habitudes, le changement sera impossible », affirme Mariela
Szwarcberg Bracchitta, biologiste et rédactrice du livret
de ce jeu éducatif. Une manière ludique de sensibiliser
les enfants aux enjeux écologiques. Par T. B.
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
ÉCONOMIE EN IMAGES
Le textile-roi
en Asie du Sud-Est
• II •
« Travaille plus vite ou dégage »
CAMBODGE
• III •
In vivo
NORVÈGE-CAMBODGE
Avec plus de 700 000 ouvriers employés dans 1 200 entreprises, dont
90 % de femmes (chiffres du ministère de l’Industrie et de l’Artisanat),
la confection est devenue le premier
secteur manufacturier du pays. Les
grandes marques occidentales mais
aussi les sous-traitants chinois profitent d’une main d’œuvre à bas coût.
C’est l’intitulé du dernier rapport
d’Human Rights Watch qui dénonce
les bas salaires et les conditions de
travail des ouvriers du textile. Payés
58 euros par mois, certains se sont mis
en grève. Des grèves réprimées dans
la violence. Responsabiliser les donneurs d’ordre européens devient une
priorité selon l’ONG.
Sweatshop, traduisez « atelier de misère », est un documentaire diffusé au
printemps 2015 sur le site Internet du
quotidien norvégien Aftenposten. Un Vis
ma vie à la sauce scandinave qui plonge
trois blogueurs de mode dans la réalité parfois difficile des usines textiles
du Cambodge. Prise de conscience
garantie.
© DR
© Perfect Lazybones
© Gail Palethorpe / Shutterstock.com
•I•
Le nouvel atelier du monde
CAMBODGE
• IV •
Mark & Spencer à
Ho-Chi-Minh-ville
VIETNAM
Mark & Spencer a ouvert son premier
magasin à Ho-Chi-Minh-ville en septembre 2014. La célèbre marque britannique table sur la hausse du niveau
de vie, dopée par une croissance exceptionnelle, et l’intérêt pour la mode
occidentale des Vietnamiens. En effet, elle prévoit l’ouverture d’au moins
20 points de vente d’ici à 2020.
N° 1 / 2015
© DR
© Florian Chavanon
© Tang Chhin Sothy - AFP
Par Tina Besse ¬
•V•
Le nouvel eldorado du luxe
VIETNAM
• VI •
Rangoun revient dans la course
BIRMANIE
Toutes les grandes marques veulent investir au Vietnam où les échanges dans
le secteur du textile de luxe sont évalués
à plus de 10 milliards de dollars par an.
83 % des Vietnamiens de 30-55 ans déclarent « acheter des marques de bonne
qualité même si le prix est plus élevé », selon
une étude menée par Ubifrance. Hermès, Louis Vuitton, Chanel, Dior y sont
déjà implantés.
Dans les années 2000, la confection
représentait 40 % des exportations birmanes avec près de 300 000 ouvriers,
jusqu’à l’embargo américain de 2003
qui a étouffé l’économie dans son
ensemble, et plus particulièrement
ce secteur. Nouvelle donne avec la levée de l’embargo : GAP investit dans
une usine textile, avec à la clé plus de
700 emplois créés.
014
POLITIQUE
INCERTITUDES
ARGENTINES
Par Éric Domergue ¬
L’ élection présidentielle
en Argentine aura lieu
en octobre prochain.
La présidente actuelle
ne peut se représenter
pour un troisième mandat.
La succession est ouverte.
RdM
015
Des élections générales, souhaitées libres et transparentes, auront
lieu en novembre 2015 en Birmanie pour la première fois depuis vingtcinq ans. Elles feront suite aux élections partielles de 2011, qui avaient
enregistré un véritable raz-de-marée électoral pour la National League
for Democracy, le parti d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991.
Cette dernière, icône bien connue des médias en Europe, mais aussi
grâce au film The Lady de Luc Besson (2011), ne pourra toutefois pas être
candidate, toujours empêchée dans cette démarche par la Constitution
birmane qui interdit à un Birman de se présenter s’il est ou a été marié
à un étranger. Or l’époux d’Aung San Suu Kyi, Michael Aris, décédé en
1999, était de nationalité britannique.
Après quatre ans d’une transition multiforme et très complexe, sans
précédent et sans égal dans le monde, l’évènement, dont la préparation
est d’ores et déjà suivie de près par de nombreuses capitales, sera
historique en raison même de sa
symbolique, au-delà finalement
du résultat du scrutin.
À la veille de cette échéance
capitale, les évolutions suivies et
les réformes, tant démocratiques
qu’économiques, engagées par
ce pays de 51 millions d’habitants
sont-elles suffisantes ? Située
à la rencontre stratégique
de l’Inde et de la Chine, et
plus vaste que la France, la
Birmanie doit encore relever de
nombreux défis. Alors que les
tensions intercommunautaires
secouent notamment le pays en
Arakan et dans l'État Shan à la
Par Amaury Lorin ¬
frontière chinoise, l’annonce,
fin mars 2015, d’un projet
d’accord de paix historique
entre le Gouvernement et seize
groupes armés représentant des
minorités ethniques, en conflit
depuis des décennies, ouvre la
porte à un dialogue politique de
bon augure. Toutes les tentatives
précédentes de cessez-le-feu à
l’échelle nationale avaient en
effet échoué.
Interviewée le 10 avril dernier,
Aung San Suu Kyi a déclaré que
son parti était prêt à gouverner,
tout en menaçant de boycotter
les élections – « une option
ouverte », selon ses propres termes
– si la Constitution n’était pas modifiée à temps. Avant d’ajouter : « Ces
élections seront un vrai test pour savoir si la Birmanie est réellement engagée
sur la voie de la démocratie ou non. » L’enjeu des élections de 2015 dépasse
largement le seul cadre birman : il est, en effet, d’importance pour la
stabilité de toute l’ASEAN, un marché de 650 millions de personnes
parmi les plus prometteurs de la planète.
Depuis 2011 la junte
au pouvoir en Birmanie
revendique une volonté
de démocratisation.
Les prochaines élections
confirmeront ou non
ces louables intentions.
BIRMANIE :
L’ÉLECTION
TEST
© 1000 Words / Shutterstock.com
L’Argentine, qui fêtera le bicentenaire
de son indépendance le 9 juillet 2016,
reste aujourd’hui encore en quête
d’une stabilité politique après des décennies de guerres civiles et cinq coups
d’État militaires entre 1930 et mars
1976. Le retour à la démocratie en 1983,
avec l’élection du radical Raul Alfonsin,
semblait bien fragile. Et pourtant…
Pour la première fois de son histoire,
l’Argentine connaît plus de 30 ans de
démocratie ininterrompue malgré
quelques soubresauts – le plus critique
étant la grande crise de la fin 2001, qui
a vu défiler cinq présidents en une semaine et qui s’est soldée par 39 morts
lors de la répression des révoltes populaires. Le redressement qui s’ensuivit a
été difficile.
Bien que malmené par des accrochages
avec le monde de la finance, l’apaisement retrouvé est évident. Depuis 2003,
ce sont les péronistes Nestor Kirchner
(décédé en 2010) et son épouse Cristina
Fernandez, actuelle présidente, qui
gouvernent un pays polarisé à la veille
de la présidentielle qui se tiendra en octobre prochain. Après huit ans de gestion, madame Fernandez reste tout de
même la personnalité politique la plus
populaire mais elle ne peut briguer un
nouveau mandat. Qui sera capable de
lui succéder, dans un contexte où l’opposition de centre droit, l’unique force
en mesure de lui disputer le pouvoir, se
présente divisée ? Le deuxième centenaire de la République argentine
connaîtra un nouveau président… difficile aujourd'hui de savoir lequel.
DANS LA VAGUE
RdM
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
Seniors en vacances Par Ivan Facano ¬
Les seniors sont de plus en plus nombreux, on le sait. Ce que l’on sait aussi, c’est qu’ils sont en forme
et dynamiques beaucoup plus longtemps, qu’ils participent plus que jamais à la vie de la société et
ressentent de moins en moins le phénomène de déconnexion d’avec la vie active, grâce notamment
aux nouvelles technologies. Leur dynamisme et leur optimisme sont de nouveaux moteurs de comportements
de consommation. Boostés par un fort pouvoir d’achat, ils sont ainsi plus nombreux à partir régulièrement
en voyage, et pour des destinations éloignées du domicile. Leur crédo : l’exigence de découverte, d’originalité
et de confort. Les croisières en profitent grandement.
SENIORS EN FRANCE
MARCHÉ
DE LA CROISIÈRE
EUROPE
ALLEMAGNE
6,39
1
MILLIONS
DE PASSAGERS
EN 2014
PAYS AVEC
1,77 MILLION DE
CROISIÉRISTES
Le senior pour ses vacances :
le goût de la découverte et de l’aventure /
l’évasion /les activités /
le confort et le bien-être sans avoir
à défaire sa valise de nombreuses fois
FRANCE
+14 % 4e
DEPUIS 2013
=
70 000 NOUVEAUX
PASSAGERS
SENIORS
ET CROISIÈRES,
DES BESOINS ET
UNE OFFRE QUI
SE CONFONDENT
er
La croisière aujourd’hui :
un lieu différent chaque jour /
des prestations haut de gamme
de plus en plus variées et originales /
un niveau de confort
exigeant et moderne /
une sécurité
irréprochable
MARCHÉ
EUROPÉEN
590 000
CROISIÉRISTES EN 2014
DESTINATIONS
QUI AUGMENTENT
CROISIÉRISTES
FRANÇAIS
63%
MÉDITERRANÉE
10 % EUROPE DU NORD
+88 %
AMÉRIQUE
DU SUD
+82 %
ASIE
50-64 ANS
12,7
MILLIONS DE « PAPYBOOMERS »
DONT LA MOITIÉ SONT SALARIÉS
Clients de tous types
de voyages dont les croisières
(en augmentation). Valeurs :
rester dynamiques, dans le coup /
découverte / aventure.
65-74 ANS
6,2
MILLIONS DE JEUNES RETRAITÉS
Voyages où le confort et le bien-être sont privilégiés.
Importance accrue des croisières. Tourisme classique
avec apprentissage, quête de sens et de générosité.
Voyage de leur rêve (Asie, Amérique du Sud).
+ 75 ANS
6,1
MILLIONS DE RETRAITÉS
Privilégient le calme, la possibilité de se reposer et de prendre
leur temps, tout en souhaitant conserver le contact avec autrui
(voyages organisés).
CULTURE
L’actualité culturelle nous emmène
cet été à Buenos Aires, avec l’exposition
organisée à la Maison rouge, le focus
Argentine du festival d’Avignon
et la chanteuse Myriam. Mais aussi
au Vietnam avec la chorégraphe Ea Sola
et l’exceptionnelle exposition du musée
Guimet sur le théâtre asiatique.
Des suggestions à voir ou à visiter
partout en France de juin à octobre.
DANS LA VAGUE
EXPOSITIONS
My Buenos Aires, La Maison rouge, Paris
Du 20 juin au 20 septembre 2015
© DR, Maison Rouge
L’Argentine prend ses quartiers d’été à Paris. L’exposition
My Buenos Aires à la Maison rouge opère un focus sur la capitale
sud-américaine et en restitue le goût, le style et l’énergie. Avec plus
de soixante artistes, la sélection organise le dialogue entre espace
public et sphère de l’intime, entre appréhension politique de la ville
et investigation de son inconscient. Conçu comme une balade urbaine, le parcours de l’exposition fait voyager le visiteur entre des
morceaux de façades et d’échafaudages, un vieux canapé, des capots de voiture et des statues décapitées. Des artistes confirmés
(Guillermo Kuitca, Jorge Macchi) à ceux des jeunes générations,
les plasticiens argentins exaltent ici la sensualité, la folie et le mystère de leur capitale.
© DR
ARGENTINE
EN BALADE
L’ASIE DU SUD-EST
S’EXPOSE
Open Sea, Musée d’art contemporain de Lyon
Du 17 avril au 12 juillet 2015
MÉMOIRE YAMANA
© Jun NGUYEN-HATSUSHIBA, Memorial Project Nha Trang, Vietnam,
2001, Collection SingapourMuseum
LES OCÉANS
UTOPIQUES
Révélé par le prix Découverte des amis du Palais de Tokyo, Enrique Ramirez expose plusieurs œuvres à Marseille durant l’été.
Son dernier film, Une Histoire sans destin, une fable sur Magellan, le
fantasme de la Patagonie et l’utopie des explorateurs, est montré
en avant-première à l’occasion du Festival international du film
documentaire. Poétisation d’un épisode tragique de la dictature
chilienne, le triptyque Los Durmientes, présenté cet automne au
Palais de Tokyo, est quant à lui projeté à l’espace HLM, tandis
que la galerie HO accueille d’autres pièces. Notons également
qu’Enrique Ramirez participe à l’exposition Tu dois changer ta
vie avec son film contemplatif Océan dans le cadre de Lille 3000,
fin septembre. Festival international du film documentaire de Marseille,
Espace HLM/Hors-les-murs, galerie HO
Du 30 juin au 06 juillet 2015
À ne pas manquer cet été aux Rencontres d’Arles, le festival international de photographie, une exposition consacrée au photographe-missionnaire Martin Gusinde, qui a vécu avec les peuples indigènes de la Terre de feu au début du siècle dernier.
Durant six années, il a accumulé ainsi quelque 1 200 magnifiques clichés, qui restent à ce jour l’un des rares et précieux témoignages sur les Yamana et Selk’nam.
Terre de feu, Martin Gusinde, Rencontres d’Arles, du 6 juillet au 20 septembre 2015
N° 1 / 2015
© Enrique Ramirez DR
Dans le cadre de la célébration des cinquante ans de relations diplomatiques
entre Singapour et la France, l’art de l’Asie du Sud-Est est mis à l’honneur dans
les plus grandes institutions hexagonales. Le MAC de Lyon accueille ainsi
Open Sea, une exposition panorama sur la création sud-asiatique depuis trois
décennies. Tous médias confondus, les œuvres d’une trentaine d’artistes venus
de cette région carrefour, nourrie d’influences internationales, rendent compte
de son extraordinaire dynamisme. Le Vietnamien Jun Nguyen-Hatsushiba
y présente Memorial Project Nha Trang, une vidéo dans laquelle des rickshaws
(cyclo-taxis) évoluent sous l’eau avec difficulté, en hommage aux boat-people
morts en mer. On peut également y découvrir le travail d’Anida Yoeu Ali
et d’Uudam Tran Nguyen, deux figures montantes de l’art cambodgien et
vietnamien.
018
EXPOSITIONS
DANS LA VAGUE
LE RENDEZ-VOUS
SÉRÉNISSIME
2015 signe la tenue de la Biennale de Venise, l’un des plus grands
rendez-vous mondial de l’art. Le pavillon chilien présente les
œuvres de deux femmes, le duo Paz Errázuriz et Lotty Rosenfeld,
autour de la notion de dissidence, illustrant la difficile transition
de la dictature à la démocratie. De son côté, l’Argentine s’en remet à l’un de ses plus célèbres sculpteurs, Juan Carlos Distéfano,
qui revient aux fondamentaux du travail de la forme. À noter également : avec la sélection du pavillon italo-latin, mais surtout celle de
l’exposition centrale All the World’s Futures qui présente pas moins
de quatre artistes venus d’Argentine, le pays est le mieux représenté de cette édition. Enfin le Vietnam peut compter sur la participation de Danh Vo, représentant du Danemark, qui travaille sur les
implications sociales et culturelles de la colonisation.
Textes Florian Gaité ¬
© KHVAY Samnang, Sans titre, 2011. Courtesy de l’artiste
56e Biennale de Venise, Italie
Du 09 mai au 22 novembre 2015
LE CAMBODGE
EN ORBITE
À Paris, la Galerie nationale du Jeu de Paume accueille un nouveau volet du cycle Satellite 8, consacré à des artistes de l’Asie du
Sud-Est, avec l’exposition des travaux de Khvay Samnang. Entre
photographie, vidéo et performance, le plasticien cambodgien
intervient au cœur du quotidien, confrontant histoire actuelle et
cultures du passé.
Khvay Samnang, Satellite 8, Jeu de Paume, Paris Du
02 juin au 27 septembre 2015
© DR
JODOROWSKY
DANS TOUS SES ÉTATS
Le CAPC de Bordeaux organise la première rétrospective majeure
consacrée à l’œuvre du chilien Alejandro Jodorowsky. Réalisateur,
performeur, auteur et dessinateur de bande dessinée, tireur de tarot à ses heures, Jodorowsky s’est illustré autant aux côtés des Surréalistes et de Panique que dans les milieux underground. La grande
nef du CAPC regroupe des pièces historiques comme des archives
inédites, donnant la mesure de cette œuvre totale, philosophique
et ésotérique.
Alejandro Jodorowsky (rétrospective),
CAPC, Musée d’art contemporain de Bordeaux
Du 28 mai au 31 octobre 2015
019
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
ÉVÉNEMENT EXPOSITION
Ombres,
masques
et splendeurs
du théâtre
asiatique
Par Florian Gaité ¬
Théâtre de marionnettes, d’ombres
et de masques, l’extraordinaire richesse
et diversité du théâtre asiatique s’expose
à Paris au Musée national des arts
asiatiques-Guimet jusqu’au 31 août.
Costumes et parures mettent en
perspective historique un art millénaire.
1. Jeune femme : Manbi
Japon, époque d’Edo (1603-1868)
2. Opéra de Pékin, scène réunissant les personnages de l’opéra Troubles dans
le royaume du ciel, 1983
2
L’exposition événement au Musée national
des arts asiatiques-Guimet, Du nô à Mata
Hari, 2000 ans de théâtre en Asie, impressionne
par son ambition. Retraçant l’évolution d’un
art aux multiples formes sur pas moins de
deux millénaires à travers le plus vaste des
continents, ce projet est d’une ampleur inédite. Concentré sur la Chine, le Japon, l’Inde
et l’Asie du Sud-Est, son parcours retrace les
évolutions historiques du théâtre asiatique
depuis ses origines, liées au rituel et à la mort,
jusqu’à ses formes, épiques, historiques ou
plus proprement littéraires dans la modernité. Visuelle et prolifique, la sélection démontre toute la finesse esthétique de cet art,
en faisant la part belle aux costumes, aux accessoires et à leur codification.
Caractéristiques de l’Asie du Sud-Est et de
la Chine, le théâtre d’ombres et celui de marionnettes occupent un espace à part entière
dans l’histoire de la création théâtrale. La
scénographie évocatrice immerge le public
au cœur d’une foule de silhouettes, parmi
des jeux d’ombres empruntés aux collections du Musée Guimet et du Musée du quai
Branly. Les grands cuirs découpés du Cambodge laissent apparaître des figures complexes et des scènes très expressives, qui évoluent dans des formes proches de celles du
ballet royal et des sculptures d’Angkor.
L’Asie du Sud-Est est également représentée
par le khon, théâtre dansé de Thaïlande et son
pendant cambodgien, le khol, ainsi que les
différentes traditions de wayang en Indonésie.
Principalement inspiré du Mahabharata, du
Ramayana et du Reamker, sa variante khmer,
ce théâtre semi-masqué, extrêmement codifié, met en scène hommes, femmes, démons
et singes. L’exposition est l’occasion d’apprécier la richesse stylistique de ses parures
pailletées (tuniques brodées, pantalons drapés ou chasubles en soie brochée) comme
celle de ses masques (ornés de couronnes,
de morceaux de verre ou de miroir), découvrant toute la sophistication de l’art théâtral
asiatique.
RdM
1
Du nô à Mata Hari,
2000 ans de théâtre en Asie
Musée national des arts asiatiques-Guimet,
Paris
D u 15 avril au 31 août 2015
Ci-dessus : © RMN-Grand Palais (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier
Ci-contre : © Suzanne Held
N° 1 / 2015
020
LA CHRONIQUE THÉÂTRE
DANS LA VAGUE
LE THÉÂTRE ARGENTIN
À L’HONNEUR
Si Copi fut longtemps considéré comme l’auteur argentin le plus corrosif et farfelu, il est
aujourd’hui une génération d’artistes qui a fait de la scène indépendante de Buenos Aires
l’une des plus bouillonnantes qui soit. Le festival d’Avignon leur ouvre les bras avec pas
moins de trois spectacles programmés cet été. Un élan qui se poursuivra sur les scènes
parisiennes dès la rentrée.
© Bea Borgers
Par Charlotte Lipinska ¬
2
Dynamo de Claudio Tolcachir © DR
1
021
Chaque année au mois de juillet, Avignon palpite et bouillonne.
Des affiches colorées squattent chaque cm2, la foule sourit devant
les parades (plus ou moins élégantes, avouons-le…), les restaurants
doublent leurs prix (c’est de bonne guerre) et la Cour d’honneur
du Palais des papes entend les trompettes de Maurice Jarre chaque
soir à 22 heures pétantes. Oui, Avignon est l’un des plus grands festivals de théâtre du monde, et il compte bien le rester.
Pour cela, deux programmes cohabitent. D’un côté, le « off », soit
plus de 1 000 spectacles, tous genres confondus. Hormis pour
quelques salles, il n’y a pas de « programmation » proprement dite.
Qui veut, vient, pour le meilleur comme le pire. De l’autre : le « in »,
soit une quarantaine de créations venues du monde entier et coproduites par le festival que dirige Olivier Py.
Mais quelle est donc la recette pour qu’un tel évènement perdure
depuis 69 ans ? Citons pêle-mêle quelques ingrédients qui ont fait
leurs preuves : des metteurs en scène de renom, des acteurs investis, des lieux majestueux, des spectateurs à l’appétit insatiable et à
la curiosité aiguisée. Le tout sous un soleil de plomb.
Avignon, c’est un bouche à oreille toute ouïe, c’est la pensée qui
circule, c’est une ferveur qu’on partage. Pour rester à la proue de la
création mondiale, outre la présence de metteurs en scène confirmés, il ne faut pas oublier une chose : la jeune pousse d’aujourd’hui
sera la fine fleur de demain. Ce que le festival a parfaitement compris et honore plus que jamais. Ainsi, aux côtés des jeunes talents
repérés dans l’Hexagone, on trouve quelques pépites glanées aux
quatre coins du globe. Et s’il ne fallait cette année retenir qu’une
destination pour ce grand voyage : cap sur l’Argentine !
Avec pas moins de trois spectacles programmés dans le « in »
cette année, le festival met en lumière l’incroyable effervescence
de la scène indépendante de Buenos Aires. Depuis quelques années, faute de véritable politique culturelle, des dizaines de petites
salles de spectacles ont fleuri un peu partout. Les hangars, les garages, tout se transforme sous l’impulsion de jeunes artistes qui
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
LA CHRONIQUE THÉÂTRE
en veulent. La plupart sont nés dans les années 70. Ils ont grandi
sous la dictature militaire, ce qui n’est pas rien. Ils ont connu les
crises économiques et sociales qui ont suivi le rétablissement de la
démocratie, ce qui n’est pas rien non plus. Des temps difficiles où
les Argentins n’ont jamais déserté les théâtres, bien au contraire.
Art de la résistance, puis de la reconstruction, on assiste aujourd’hui au théâtre de la résilience. Chef de file de ce renouveau,
Claudio Tolcachir a fondé en 1998 Timbre 4, un espace culturel
protéiforme, lieu de travail, de représentations et d’apprentissage.
C’est là qu’est né Dynamo (1), sa dernière création. Il y raconte la
cohabitation explosive de trois femmes au parcours sinueux : une
ancienne tenniswoman décidée à reprendre de la raquette après
30 ans d’hôpital psychiatrique, sa tante ballotée entre sévères
gueules de bois et fulgurantes inspirations créatives et une immigrée venue d’un pays lointain qui se cache dans les armoires...
Quand on connait la propension de Tolcachir à dynamiter les rapports sociaux et familiaux, ça promet !
C’est à Timbre 4 également qu’ont été invités 14 élèves de l’École
supérieure de théâtre de Bordeaux en février dernier afin d’expérimenter de nouvelles méthodes de travail et de s’immerger totalement dans la scène indépendante de Buenos Aires. Avec eux,
le metteur en scène argentin Sergio Boris. Ensemble, ils créent
Le Syndrome ou l’histoire d’un groupe d’étudiants français venus
étudier le théâtre à Buenos Aires. Saisis d’un mal inexplicable, ils
restent sur place et décident de vivre sur les rives du delta...
Enfin, le troisième spectacle argentin est signé Mariano Pensotti (2) et son groupe Marea. Dans Quand je rentrerai à la maison je serai
un autre, il croise le destin de quatre protagonistes dont le passé
ressurgit avec la découverte d’une cassette de chansons enterrée
depuis des années, au temps de la dictature. Sur quoi reposent les
mythes familiaux ? Comment voyagent-ils de génération en génération ? En quoi ces mythes façonnent nos personnalités ? Autant
de questions qui traversent la pièce de Pensotti, très attendue.
Si les remparts d’Avignon font cette année écho à la scène argentine, l’élan ne s’arrête pas là. À la rentrée, trois autres spectacles
sont annoncés à Paris. Dans Les idées (3), Federico Leon interroge
le processus de création et la frontière ténue qui sépare la réalité de
la fiction. On y voit un metteur en scène et son collaborateur qui
échangent leurs idées en vue d’un prochain spectacle. Sachant que
Leon joue en scène, il s’agira donc de jouer à être soi-même. Une
mise en abîme que n’aurait pas renié Pirandello !
Alfredo Arias lui, le plus parisien des Argentins (et vice versa) prépare
Une comédie pâtissière au théâtre de la Tempête. Enfin, après plus de
six ans à l’affiche à Buenos Aires, Un Poyo Royo (4) arrive précédé
d’une rumeur enthousiaste. Sans un mot, deux hommes expérimentent toutes les façons d’établir une relation dans un vestiaire
de sport. Ils se toisent, se provoquent, se désirent ou se rejettent...
Du théâtre gestuel qui emprunte aussi à la danse, à l’acrobatie, au
clown et au burlesque. À l’image de la scène argentine, nerveuse
et inventive, que le public français est invité à goûter de toute
urgence.
RdM
4
3
© Paola Evelina 2014
©Ignacio Iasparra
Dynamo, de Claudio Tolcachir
Gymnase du Lycée Mistral,
festival d’Avignon
du 16 au 23 juillet 2015
Les Idées, de Federico Leon
Théâtre de la Bastille, Paris
co-production festival d’Automne de Paris
du 7 au 16 octobre 2015
Le Syndrome, de Sergio Boris
Gymnase du lycée St Joseph,
festival d’Avignon
du 8 au 11 juillet 2015
Un Poyo royo, mis en scène par Hermes Gaido
Théâtre du Roi René, festival d’Avignon (off)
du 04 au 26 juillet 2015
Théâtre du Rond-Point, Paris
du 18 septembre au 18 octobre 2015
Quand je rentrerai à la maison je serai un autre,
de Mariano Pensotti
La Fabrica, festival d’Avignon
du 18 au 25 juillet 2015
N° 1 / 2015
Une Comédie pâtissière d’Alfredo Arias
Théâtre de la Tempête, Paris
à partir de fin septembre 2015
022
LA CHRONIQUE DANSE
DANS LA VAGUE
Par Florian Gaité ¬
s
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Da
Da n se s
s
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tis
mé
mé tis se s
Tango ou danse traditionnelle vietnamienne, cirque ou création
contemporaine, l’interculturalité se danse sur toutes les scènes
de France cet été. Tour d’horizon des festivals et des institutions.
Dans le cadre du festival des Nuits de Fourvière, Tuan Le, Nguyen Nhat Ly,
Nguyen Lan Maurice et Nguyen Tan Loc présentent pour la première fois en
France À O Lang Pho, une série de tableaux spectaculaires retraçant les mutations
d’un hameau rural du Vietnam face à la société moderne. Avec pas moins de dixsept acrobates et cinq musiciens sur scène, la création, qui lie danse et cirque,
organise la balance entre chants traditionnels et battle de hip hop. Mettant le panier et le bambou à l’honneur, la pièce est l’occasion de découvrir les traditions
vietnamiennes et leurs adaptations dans la culture contemporaine.
Le métissage est également au cœur du travail d’Abdou N’Gom qui s’inspire de
ses voyages en Asie du Sud-Est (Laos, Cambodge) pour confronter, par la danse,
l’ici à l’ailleurs. Intitulée Same Same, une expression régionale équivalente au
kif kif d’Afrique du Nord, sa pièce questionne l’altérité culturelle, le sens de la rencontre et le rapport à soi qui s’y construit. Après des passages remarqués au festival « off » d’Avignon et aux Hivernales, la pièce est réécrite en 2014 et acquiert encore plus de force. On suivra également avec intérêt la nouvelle production d’un
éminent chorégraphe français d’origine vietnamienne, Thierry Thieu Niang,
collaborateur de Mathilde Monnier ayant également travaillé avec Patrice Chéreau. Il présente sa nouvelle création, Le Grand vivant, aux 41e Rencontres d’été de
la Chartreuse, une réflexion dansée sur la puissance de la nature et la vulnérabilité de l’homme, au son de la poésie de Patrick Autréaux.
Côté Amérique du Sud, l’année a été marquée par plusieurs échanges entre la
scène contemporaine française et les danses d’Amérique du Sud. Aussi faut-il
suivre avec attention les prochains spectacles du chorégraphe chilien José Vidal, récemment accueilli au Centre national de la danse de Pantin, et ceux de
Cécilia Bengoléa qui, associée à François Chaignaud, travaille au croisement des
cultures populaires et savantes. Les prochains mois verront sans aucun doute
se poursuivre la tournée de Motus Anima du duo Claudia Miazzo et Jean-Paul
Padovani et, espérons-le, la reprise de Milonga de Sidi Larbi Cherkaoui, deux pièces
contemporaines revisitant l’écriture du tango argentin. Cette dernière danse est
comme chaque année à l’honneur de plusieurs festivals dont le Printemps du
tango à Mulhouse et le Tangopostale de Toulouse. Enfin, la danse folklorique des
campagnes argentines est également présente avec la venue exceptionnelle en
France du Ballet Martin Fierro qui tourne dans tous les événements du réseau des
Festivals du Sud, consacrés aux arts traditionnels et populaires.
© Compagnie Tango Ostentino
RdM
L. Tuan Le, N.L. Nguyen,
L.M. Nguyen et T.L.
Nguyen, À O Lang Pho
Les Nuits de Fourvière
Les 17 et 18 juin 2015,
Le Printemps des
comédiens, Montpellier
Les 25 et 26 juin 2015
023
Abdou N’gom,
Same Same
Tarare, le 27 juin
Festival du Montpeloux
Le 2 juillet 2015
La Manekine,
Pont-Saint-Maxence
Le 9 octobre 2015
Thierry Thieû Niang,
Le Grand vivant
Rencontres d’été
de la Chartreuse,
Villeneuve-lez-Avignon
Du 20 au 23 juillet 2015
Tangopostale
Festival international du
tango de Toulouse
Du 26 juin au 05 juillet 2015
tangopostale.com
Le Printemps du tango
de Mulhouse
du 11 au 14 juin 2015,
leprintempsdutangomulhouse.fr
Festivals du sud 2015
25 événements en France
durant tout l’été
festivalsdusud.com/2015
N° 1 / 2015
© Cie Ea Sola
PORTRAIT
(c) Ea Sola
DANS LA VAGUE
DOSSIER
N° 1 / 2015
24
DANS LA VAGUE
PORTRAIT
Ea Sola,
danser la mémoire
du monde
Par Florian Gaité ¬
Fille d’un père vietnamien et d’une mère française, Ea Sola débarque seule à Paris en
1978. Jusque-là habituée aux paysages de campagne, elle vit comme un choc la découverte de la métropole. Dans ce monde mécanisé et anonyme, elle exprime sa différence en se tenant immobile dans la rue, des heures durant, réalisant sans le savoir ses
premières performances.
Autodictate, inlassable curieuse, Ea Sola se réfugie dans la littérature, s’adonne au
théâtre et à la musique, affirmant un goût pour l’expérimentation et la plasticité,
palpable dans le travail scénique de chacune de ses œuvres. Au
terme d’un long parcours, elle trouve dans la danse le moyen
d’une synthèse, devient interprète, puis chorégraphe et met en
scène ses propres pièces.
En 1990, elle retourne au Vietnam, désireuse de retrouver cette
terre désormais en paix. À son arrivée, elle est frappée par la
misère d’un pays qui porte les séquelles de son histoire tourmentée. Sa pièce maîtresse, Sécheresse et pluie, dont elle offrira
trois versions, rend hommage aux anonymes de la guerre et aux
fondamentaux de la culture vietnamienne. Ea Sola réfléchit ici
aux moyens de se réapproprier le récit d’une évolution vers la
modernité, de susciter un questionnement originel qui repense
l’individu et son rapport à l’histoire. Avec le compositeur SonX
(Nguyen Xuan Son), elle mène une réflexion sur les chants, la
musique et les instruments traditionnels (percussions, vièle,
luth) à partir desquels elle élabore des formes contemporaines
en lien avec l’environnement culturel traditionnel et l’histoire
du Vietnam.
S’en suivront Il était une fois, La Rizière dans la musique, Voilà, voilà
– un cycle sur les mémoires de la guerre, de l’individuel au collectif, dont elle atteint avec Requiem, en 2001, un point d’aboutissement. À travers ses travaux, Ea Sola y livre un message profond et poétique, y transcende la blessure, cherchant in fine à
donner « la mort à la mort même ». Il s’agit pour elle d’aller au-delà
de la cicatrice pour composer les moyens d’une résilience.
Depuis 2005, la chorégraphe se penche sur le monde contemporain. Airlines travaille les questions de nation, de frontière
et de migration. Dans ce solo, la chorégraphe installe une mer
sur scène, place l’Europe en horizon symbolique, évoque le vivre-ensemble et ses paradoxes. Avec Le Corps Blanc, elle mobilise La Boétie pour traiter des formes nouvelles
de tyrannie et de servitude, celles d’un monde dérégulé qui, entre technologie et finance, échappe au contrôle des hommes. Sans nul doute l’une des artistes francovietnamiennes les plus reconnues à l’international, Ea Sola danse l’humanité, pour résister à l’oubli de l’histoire et à l’étiolement du rapport à l’autre.
De son enfance passée
au Vietnam, Ea Sola reste
profondément marquée
par le souvenir amer de
la guerre, de la violence
et des formes de domination
qui n’ont cessé de l’interroger
et de nourrir sa danse.
De ce rapport à l’histoire,
la chorégraphe a tiré la
possibilité d’un dialogue
entre mémoires individuelle
et collective, et celle d’éveiller
la conscience au sens d’une
humanité partagée.
RdM
025
N° 1 / 2015
DANS LA VAGUE
MUSIQUE
UNE
SACRÉE
NANA
Par Camille Lavoix ¬
Photo Florian Chavanon ¬
Découvrir la culture argentine à travers
« Nana » et son groupe de musique francoargentin, c’est plonger dans un univers
à la croisée du tango, de la cumbia, des
classiques de Piaf et de Brassens et d’une
sacrée dose de folie. La chanteuse, Myriam dans la vraie vie, achève une tournée
en France et écume les scènes de Buenos Aire
où elle est installée depuis 10 ans. Chimichurri,
la fameuse sauce argentine, se transforme ainsi
en une délirante chanson assortie d’une mise en
scène très théâtrale. Nana se fait tour à tour danseuse de cabaret, chanteuse d’opérette ou ambassadrice de la pop d’outre-mer. La gastronomie, les
habitudes des Argentins ou encore les quartiers de
Buenos Aires : tout y passe dans un style sensuel et
fragile. Sur scène, à ses côtés, le guitariste argentin
Germán Tschudy est aussi le mari de Nana, avec qui
elle a concocté l’album Volée, dans les deux langues.
Myriam ne sait plus très bien quelle est la sienne,
mais aucun doute, elle transporte avec elle l’énergie
incomparable de son pays d’adoption. On ressort de
ses concerts avec la pêche.
RdM
www.nanaenada.com
Album Volée, disponible sur iTunes
En écoute sur Deezer
N° 1 / 2015
026
LIVRES
Good Morning
Steinbeck
L’auteur des Raisins de la colère a passé
six mois – entre décembre 1966 et mai
1967 – avec les forces américaines engagées au Vietnam. Les articles qu’il
publia dans le quotidien Newsday sont
maintenant rassemblés.
On dirait aujourd’hui qu’il fut
imbedded. Comprendre que l’armée
américaine a entièrement pris en
charge l’écrivain, a assuré sa sécurité
et organisé des rencontres avec ses
plus valeureux représentants. Il n’est
donc pas très étonnant que les récits
qui découlent de ce voyage tissent un
portrait glorieux de l’action américaine au Vietnam.
Mais au fil du voyage, le doute commence à poindre chez Steinbeck.
L’anticommuniste viscéral questionne le bien-fondé de l’engagement.
En privé, quelques semaines après son
retour et juste avant sa mort, il aurait
d’ailleurs milité pour la paix.
Au-delà de l’intérêt politique, l’écrivain, prix Nobel 1962, nous offre ici
une magnifique description des paysages du Sud-Est asiatique, du luxurieux delta du Mékong aux provinces
les plus reculées du Nord-Cambodge,
en passant par l’exquise Bali. Les
poètes sont les meilleurs correspondants de guerre au monde, disait
Steinbeck. Force est d’acquiescer.
Par Francine Thomas
Dépêches du Vietnam, John Steinbeck,
Les Belles lettres, 272 pages, 21 €
Aux brillants héros
de la mer
Naufrages faillit être posthume. Francisco Coloane publia cette anthologie
des tragédies maritimes quelques semaines seulement avant sa mort. Ne
cherchez pas dans ces courts récits
027
DANS LA VAGUE
LIVRES
un hommage aux victimes du Titanic,
ou des révélations sur les disparitions
de marins contemporains. Le poète
sud-américain s’intéresse davantage
aux horizons chiliens. De l’épopée
de Magellan à celle d’une expédition
dont le navire se retrouva brisé par
les glaces de l’Antarctique, ces tristes
destinées donnent raison à l’adage qui
assène : « Ne tourne jamais le dos à la
mer. »
Par F. T.
est émaillé de coïncidences, faits historiques et légendes yagans.
Selon Vincent est une invitation à voyager
dans le temps et « à l’envers du monde »,
jusqu’en Terre de feu. On largue ainsi
les amarres du côté de Punta Arenas
et l’extrême-sud de la Patagonie entre
fjords et sommets déchiquetés. Un univers froid, sans vie où « la puissante beauté
des paysages traversés » révèle un monde
« sauvage, puissant, indifférent ».
Par Vincy Thomas
Naufrages, Francisco Coloane,
Éditions Libretto, 208 pages, 8,10 €
Selon Vincent, Christian Garcin,
Stock, 312 pages, 19,50 €
Rouge vengeance
Que se passe-t-il quand une honnête
et discrète épouse retrouve dans les
affaires de son mari un cœur dessiné
au rouge à lèvres ? 170 pages et deux
cadavres plus tard, la jalousie, la duplicité et la folie sortent gagnants de
cette farce tragico-domestique.
Claudia Pineiro, brillante écrivaine
et scénariste argentine, dissèque les
faux-semblants au sein d’un couple de
la classe moyenne de Buenos Aires. Le
récit, féroce et incisif, rebondit au gré
des coups de bluff des deux protagonistes. Rira bien qui tuera le dernier.
Par F. T.
Voyage en terre de goût
Nathalie Nguyen n’est pas seulement
l’ancienne candidate d’une émission
télévisée culinaire. Elle et son foodtruck sont aujourd’hui devenus les
ambassadeurs des saveurs si particulières du Vietnam. Grâce à ses recettes
simplement expliquées et joliment
illustrées, on se lance sans complexe
dans la préparation de mini-nems aux
crevettes, de cabillaud au caramel ou
de perles du Japon au lait de coco. La
dégustation nous offre un voyage gustatif des plus dépaysants.
Par F. T.
À toi, Claudia Piñeiro,
Actes Sud, 176 pages, 18 €
Les recettes du camion Bol,
Nathalie Nguyen,
Éditions Mango, 144 pages, 15 €
Vingt ans de solitude
Se croyant possédé, Vincent, disparu
il y a 20 ans, vivrait en ermite près du
détroit de Magellan. À travers des récits aux styles variés – l’enquête de Rosario et Paul, les confessions de l’oncle
Vincent, le journal d’un ethnologue,
le carnet d’un soldat – le lecteur est
embarqué dans les captivantes tribulations de solitaires égarés. Ce jeu de
piste historique, psychique et familial
N° 1 / 2015
ASIE DU SUD-EST,
VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
© bikeriderlondon
Processus de démocratisation, boom économique et
touristique, l’Asie du Sud-Est s’ouvre au monde et à
la modernité. Sans perdre pour autant son authenticité,
ses traditions, sa culture ni son imprégnation bouddhiste.
Comment se développent le Cambodge, le Vietnam
et la Birmanie autour des axes structurants que
sont le Mékong et l’Irrawaddy ?
DOSSIER
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
CROISSANCE économique et
OUVERTURE
politique ?
Texte Sébastien Righi ¬
La doxa des économistes libéraux assène que le développement économique d’un pays le conduit inexorablement sur la voie de la démocratie. L’Asie du Sud-Est
dont on ne peut nier l’expansion économique récente,
notamment celle du « petit dragon » vietnamien, contredit franchement ce processus politique. Les indicateurs
économiques au beau fixe apporteront-ils démocratie
et libéralisme ? Étude comparée du Vietnam, du Cambodge et de la Birmanie.
N° 1 / 2015
030
A
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
utant le dire tout de
suite, ni la Birmanie,
ni le Cambodge, ni le
Vietnam ne sont des démocraties. Entre la monarchie cambodgienne,
la démocratie populaire
vietnamienne et le régime militaire birman,
les différences sont
grandes et les signes
d’ouverture
fragiles.
Point commun : un
communisme originel.
Si la répression des opposants, la censure et dans des proportions
variables la violence font partie du panel de l’exercice du pouvoir,
de nombreux espoirs sont nés ces dernières années, notamment
en Birmanie où les réformes politiques ont été incontestables.
Pays en pleine transition, la Birmanie et ses 65 millions d’habitants
connaît depuis la révolution de Safran de 2007, qui a vu les moines
défiler dans la rue parfois violemment, une relative ouverture.
Rappelons que pendant 23 ans une junte militaire parmi les plus
sanglantes de l'époque contemporaine a dirigé le pays, suite à sa
prise de pouvoir en 1988 et aux élections de 1990 qu’elle n’a jamais
voulu reconnaître. Ces militaires, qui ont assigné à résidence les
membres de l’opposition et contraint beaucoup d’autres à l’exil,
ont mis en place une feuille de route qui prévoit l’élaboration d’une
nouvelle Constitution. Il aura fallu 18 ans pour qu’elle soit soumise
à référendum en 2008.
2015, L’ANNÉE TEST
Aujourd’hui contestée, cette Constitution sert cependant de
cadre au prochain grand rendez-vous électoral de novembre
2015, une échéance test. Aung San Suu Kyi, figure majeure de
la contestation et prix Nobel de la paix en 1991, ne pourra pas
s’y présenter en raison d’une disposition sur la nationalité des
époux qui la vise indirectement.
Lors des élections partielles de 2012, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti de l’icône birmane élue députée à cette
occasion, avait raflé 43 des 44 sièges en lice. Cependant le pouvoir
est resté aux mains des militaires − le Parlement compte en effet
440 députés. Ils contrôlent toujours le Gouvernement et n’ont pas
encore abrogé les lois répressives. Nombre d’opposants politiques
restent à ce jour emprisonnés.
Récemment, Aung San Suu Kyi alertait la communauté internationale afin d’attirer l’attention sur la situation politique en Birmanie et les réformes qui semblent être au point mort. Selon certains
observateurs, les ex-membres de la junte, encore à la manœuvre
en coulisses, auraient dores et déjà verrouillé certains postes-clés,
notamment pour éviter l’ouverture de procès.
Autre problème endémique majeur, les relations entre les communautés qui composent la Birmanie. Divisée en différents États, elle
doit régulièrement faire face à des rébellions armées en lutte pour
leur autonomie, notamment dans les États Kachin et Shan. Violences, droits de l’homme bafoués, opérations militaires contre
des milices armées régionales, problèmes de corruption et de tra-
031
DOSSIER
fics organisés… Les négociations de paix ont récemment abouti
à un cessez-le-feu. Mais les tensions sont encore vives et l’un des
défis majeurs du pays reste l’unité nationale.
UN MARCHÉ IMPORTANT
La Birmanie, considérée il y a encore peu de temps comme la
nation la plus répressive du monde en matière de libertés fondamentales, semble changer et s’être engagée sur la voix de réformes
sérieuses. En atteste la reprise certes timide des relations diplomatiques, marquées notamment par la visite en 2012 et fin 2014
du président américain Barack Obama. La liberté de manifester
librement en Birmanie, la possibilité pour certains opposants,
libérés, de sortir du pays, ou encore une école de journalisme indépendante qui a vu le jour l’an dernier (voir encadré) sont autant
d’éléments encourageants.
D’autres indicateurs confirment que le pays est entré dans un processus de développement et d’ouverture des frontières. À commencer par la croissance économique (autour de 8,5 % en 2014)
qui reste soutenue malgré la crise économique mondiale. La fin du
boycott des multinationales a également fortement encouragé le
retour des capitaux étrangers et la mise en place de grands projets
d’investissement de plusieurs milliards de dollars dans la production d’énergie à destination des Birmans (avec le concours entre
autres de la Banque mondiale et des USA) semble vouloir marquer
une volonté de prendre en main la lutte contre la pauvreté. Des
programmes en matière de santé publique ont récemment été mis
en place, visant notamment un meilleur accès aux soins. À noter
aussi le nombre croissant de touristes qui visitent la Birmanie et
le développement d’infrastructures d’accueil, signes d’une ouverture des frontières et d’un apaisement politique.
Un contexte favorable qui semble satisfaire ses voisins. Le pays est
en effet stratégique à plusieurs égards : il possède de nombreuses
ressources naturelles (pétrole, gaz, bois, charbon, pierres précieuses), sa population vivant en majorité sous le seuil de pauvreté
et sa géographie en font un marché potentiel important en Asie du
Sud-Est. Selon un sondage récent, un quart des entreprises asiatiques souhaiteraient investir en Birmanie.
LE VIETNAM, NOUVEAU « MIRACLE » ASIATIQUE ?
Le Vietnam peut se vanter d’un développement économique
exemplaire en Asie du Sud-Est : apparition d’une minorité aisée, multiplication par cinq du PIB en 10 ans, pouvoir d’achat en
constante augmentation… Tous les indicateurs sont au vert.
Le pays s’est en effet engagé dans de grandes réformes de transition
économique amorcées en 1986 avec le programme Doi Moi, « le renouveau ». S’ajoute à cela la levée de l’embargo américain en 1994
qui a largement encouragé le développement du pays. En l’espace de
20 ans, ce sont près de 25 millions de Vietnamiens qui sont sortis de
la pauvreté et qui ont contribué à maintenir une croissance forte et
stable qui avoisine les 7% en 2014. Le PIB a franchi en 2010 les 1 500
dollars par an et par habitant, seuil qui lui a permis d’accéder au
statut de pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure).
Barack Obama se félicitait ainsi en novembre dernier des bons
chiffres de l’économie du Vietnam lors d’une rencontre avec le
Premier ministre Nguyen Tan Dung. Ce dernier rappelant que
la stabilité sociale et politique du pays avait été maintenue et la
N° 1 / 2015
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
N° 1 / 2015
© jethuynh / Shutterstock.com
« En l’espace de 20 ans
près de 25 millions de Vietnamiens
sont sortis de la pauvreté »
sécurité sociale accentuée. Si durant les années 80, la croissance
était tirée par des réformes d’État, depuis les années 90 ce sont les
exportations qui en sont le moteur.
Son intégration en 1995 au sein de l’ASEAN et la mise en place d’accords de libre échange bilatéraux participent ainsi à l’accentuation
de l’interconnexion du Vietnam aux réseaux de production régionaux, devenant le deuxième pays hôte le plus attrayant en matière
d’investissements étrangers directs (IDE) pour la zone Asie-Pacifique, après la Chine.
Selon le Financial Times, le pays a ainsi accueilli entre 2013 et 2014
plus de 200 grands projets étrangers pour un total de plus de
20 milliards de dollars. Pour le mois de janvier 2015, le montant
des IDE s’élevait à 663 millions de dollars, soit une augmentation
de 63 % par rapport à janvier 2014. Samsung, Canon, Procter &
Gamble (Gillette), Unilever font partie des multinationales qui se
tournent désormais vers le Vietnam et ses 90 millions d'habitants,
en raison notamment d’une hausse du coût de la main d’œuvre en
Chine et d’une législation vietnamienne favorable aux investissements étrangers.
La première école de journalisme indépendante en Birmanie fête son premier anniversaire le 14 juillet 2015.
Cocorico ! Cette belle initiative française est un véritable succès.
LES LIBERTÉS FONDAMENTALES
ENCORE À LA TRAÎNE
Ce développement économique se fait paradoxalement dans l’un
des derniers régimes communistes de la planète – un marxismeléninisme qui, à l’instar de la Chine, s’est adapté à l’économie de
marché. Installée en 1976, la démocratie populaire est fondée sur
la suprématie du parti communiste qui désigne ou élit l’ensemble
des dirigeants, Gouvernement, Premier ministre et Président. Bien
entendu, le parti communiste vietnamien (PCV) est le seul parti
autorisé et il n'existe aucune séparation entre le législatif, l'exécutif
et le judiciaire. L’avènement de la République socialiste du Vietnam
a contraint à l’exil de près de 3 millions de Vietnamiens notamment
aux États-Unis et en France. Cette diaspora joue actuellement un
rôle important par le biais des réseaux sociaux dans la lutte contre
la suprématie du parti. La surveillance de Facebook n’empêche pas
certaines informations de circuler. Les activistes jouant au chat et
à la souris avec la police. Un décret d’août 2013 interdit toute utilisation à des fins politiques des réseaux sociaux.
Le parti unique exerce ainsi son contrôle sur l’ensemble des médias et des peines d’emprisonnement sont prévues pour quiconque remettra en cause le régime. Aussi, télévision et presse ne
diffusent-elles que des informations officielles et positives sur l’action gouvernementale. Au niveau local, la police guète toute dissidence, immédiatement réprimée. Reporters sans frontières dans
son rapport sur l’Internet en 2014 le confirme : « Le pouvoir vietnamien ne tolère aucun débat politique en ligne. Il a déployé une force de
frappe judiciaire, administrative et technologique, centrée sur le ministère
de l’Information et des Communications. » Décollage économique et
démocratisation ne vont pas de paire.
Le MJI, Myanmar Journalism Institute, est une toute jeune
école de journalisme soutenue par la France, qui a pour vocation de proposer des formations aux journalistes birmans.
« Délivrer un enseignement du journalisme de qualité professionnelle - respect des règles d’éthique, de neutralité,
de pluralisme et de méthodologie de l’investigation - en
créant un pôle d’excellence pour l’enseignement du journalisme », telle est sa feuille de route. Depuis juillet 2014,
l’école a dispensé ses cours à 29 journalistes en exercie à
Rangoun et à Mandalay en formation continue à mi-temps.
Selon Éric Glover, l’un des initiateurs du projet, le bilan est
positif : « L’école est le fruit d’un consortium international
(7 partenaires, une première à ce niveau dans l’histoire des
medias) et se développe lentement mais sûrement. » En
effet, le projet est porté par plusieurs pays européens : la
France, la Suède, la Norvège, l’Allemagne et le Danemark,
en concertation avec les acteurs locaux.
Le Myanmar Journalism Institute forme actuellement les
journalistes birmans pour la couverture des élections de
novembre 2015, premières élections libres depuis deux
décennies. La formation thématique « Traiter les élections »,
mise en place au printemps dans cinq villes du pays, a été
entièrement financée par Canal France international. En
juillet 2015, le MJI lancera sa première promotion de formation initiale destinée aux jeunes Birmans désireux de se
lancer dans le journalisme. Avec bourse de l’ambassade de
France à la clé !
Beau programme en soutien à la démocratisation récente du
pays et bel élan solidaire de la communauté internationale.
BIRMANIE 1 BOUGIE ET 30 JOURNALISTES
032
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
LES ESPOIRS INCERTAINS DU CAMBODGE
Le cas du Cambodge et ses 15 millions d’habitants est à la croisée
des deux exemples précédents. Régime autoritaire, répression arbitraire et développement économique fragile, le pays panse encore la difficile période des Khmers rouges.
Les troubles sociaux de 2013 qui avaient catalysé une crise politique majeure semblent aujourd’hui apaisés. Fait atypique, le
Cambodge est une monarchie parlementaire dans laquelle le roi
participe, tout au moins symboliquement, de la stabilité du pays
depuis les Accords de Paris de 1991. Norodom Sihamoni a succédé
à son père Norodom Sihanouk après son abdication. Personnalité
plus effacée, fervent francophone, ayant vécu 20 ans en France, il
règne mais ne gouverne pas, conformément au cadre posé par la
Constitution.
Les tensions nombreuses entre Gouvernement et opposition l’ont
cependant obligé à jouer le rôle de médiateur. Lors des dernières
élections législatives du 28 juillet 2013, le Parti du peuple cambodgien (PPC), parti du Premier ministre Hun Sen actuellement au
pouvoir, a été talonné par son opposant Sam Rainsy qui en contestait les résultats. Des manifestations de grande ampleur ont traversé tout le pays avant d’être fortement réprimées par le pouvoir. Le
dissident en exil à Bangkok, Serey Ratha, a été condamné à 7 ans
de prison pour avoir distribué des roses jaunes le lendemain des
élections avec un autocollant enjoignant les soldats à « tourner leurs
armes contre le despote ». Un récent amendement à la loi électorale a
été voté en février dernier pour apaiser les tensions.
Parallèlement, la censure a libre court dans le royaume. En début
d’année, onze militants ont été condamnés à de la prison pour
avoir participé aux manifestations de 2014.
VERS UN DÉCOLLAGE ÉCONOMIQUE ?
Cité comme exemple de modèle de développement au milieu du
XXe siècle, le petit royaume peine cependant à égaler les performances économiques de son voisin vietnamien.
Le pays connaît une croissance forte depuis plus de dix ans (exception faite de l’année 2009) qui atteint 7,2 % en 2014, dopée par les
exportations textiles et le tourisme. Il reste toutefois dépendant de
l’aide internationale. Le climat social, agité ces dernières années,
s’est apaisé avec la hausse de 30 % du salaire minimum et la fin
des grèves dans l’industrie textile. Mais de grands défis en termes
d’éducation et de qualification de la main d’œuvre attendent le
royaume dont plus de la moitié de la population a moins de 21 ans.
Le Gouvernement a mis en œuvre un vaste plan de développement
des infrastructures notamment électriques de 27 milliards de dollars pour la période 2014-2018. Cette dynamique positive porte ses
fruits : d’après une étude menée par la Banque mondiale, le nombre
de Cambodgiens vivant dans l’extrême pauvreté (moins de 1,15 dollar par jour) a chuté de 53 % en 2004 à 20 % actuellement. Les réformes structurelles en cours en vue de l’intégration dans le futur
marché commun de l’ASEAN créent un contexte extrêmement
favorable à l’investissement. Les découvertes d’hydrocarbures,
quoique peu exploitées encore, laissent espérer de futures entrées
de devises.
Le tourisme reste un enjeu de développement majeur au Cambodge. Le tourisme fluvial, différents sites comme Angkor et l’écotourisme génèrent des investissements importants profitables à
toute l’économie du pays.
RdM
033
DOSSIER
1975 - 2015 : LE VIETNAM, 40 ANS APRÈS
C’est avec l’intervention japonaise en Indochine en 1945 que commence une
période de plus de trente années de guerres successives. Les armes ne se
tairont définitivement qu’après la chute de Saïgon le 30 avril 1975. C’était il y
a quarante ans. Le Vietnam se souvient et célèbre le chemin parcouru depuis.
Tout commence avec la déclaration d’indépendance par Ho Chi Minh à Hanoï le
2 septembre 1945. La domination française en Indochine a été mise à mal par l’invasion japonaise de 1945 et les indépendantistes communistes vietminh profitent de la
déroute du colonisateur pour s’affirmer. Un affrontrement débute en 1946 alors que
la France tente de rétablir son autorité. À partir de 1948, les indépendantistes sont
soutenus et armés par la Chine, dans un conflit devenu un enjeu de guerre froide.
C’est la bataille décisive de Dien Bien Phu du 13 mars au 7 mai 1954 qui obligera
la France au cessez-le-feu et à la signature des Accords de Genève, après plus de
500 000 morts vietnamiens.
Ces accords prévoient la partition du Vietnam : le Vietminh communiste contrôlant le
Nord du pays au-delà du 17e parallèle et le Sud sous contrôle occidental, la France
cédant la place aux États-Unis. Mais l’instabilité politique du Sud fait bientôt place à
une guérilla menée par le Viet-cong et soutenue par le Nord, si bien que la puissance
américaine s’engage militairement à partir de 1961 pour contrer l’avancée communiste jusqu’à une entrée en guerre officielle quatre ans plus tard. L’escalade militaire
sera incessante. 200 000 soldats américains en 1965, 500 000 fin 1967. Les succès
du Viet-cong, les exactions américaines, les morts innombrables rendent cette guerre
insoutenable et impopulaire. Des mouvements pacifistes se relaient dans le monde
entier et aboutissement au retrait américain de 1973 avec les Accords de Paris.
Cependant la guerre n’est pas finie et reprend cette fois entre le Nord et le Sud. En
1975, les troupes nord-vietnamiennes lancent une grande offensive jusqu’à la chute
de Saïgon qui leur donne le contrôle de tout le pays, débouchant sur la réunification
et l’instauration d’un régime socialiste encore au pouvoir aujourd’hui. Saïgon change
de nom et devient Ho-Chi-Minh-ville, l’économie est collectivisée et la répression est
brutale conduisant près d’un million de boat people à fuir le pays.
Le bilan de cette guerre est effroyable aussi bien sur le plan humanitaire qu’écologique. Près de trois millions de morts et autant de blessés, environ trois millions
d’hectares de forêts détruites par les défoliants américains, des milliers de personnes tuées depuis par des mines antipersonnelles… Rares sont les pays à avoir
connu un tel traumatisme.
En érigeant cette année un mémorial en hommage aux victimes de la guerre, un
autre à la mémoire d’Ho Chi Minh, le Vietnam panse difficilement ses blessures. Les
ravages écologiques dus au napalm sont encore visibles. Mais la guerre a surtout
forgé un sentiment nationaliste fort, célébré lors des commémorations par le Président et vécu comme l’un des piliers du redressement et du développement du pays.
Le 30 avril dernier, les commémorations ont été célébrées en grande pompe. Feux
d’artifices spectaculaires dans les sept plus grandes villes, parades militaires, drapeaux rouges étoilés de jaune, faucilles et marteaux hissés partout dans le pays. Tout
ce faste pour les « 40 ans de la réunification du Nord et du Sud, de la libération, de la
victoire », suivant les termes employés par le régime socialiste en place depuis cette
date (et qui fête par la même occasion son quarantième anniversaire). Étaient conviés
les dignitaires du régime et quelques rescapés du communisme international comme
le représentant du Parti communiste cubain. Dans son discours, le Président a notamment mis en avant les efforts et les réalisations menées par le pays durant quatre
décennies, avec des succès évidents tels que la sortie du sous-développement, la
croissance annuelle moyenne de près de 7 % et un PIB par habitant qui n’en finit plus
de progresser. « Sur le plan social, le taux de pauvreté a été ramené en deçà de 6 %
et plus de 98 % des foyers ont accès à l’électricité », a-t-il ainsi rappelé.
N° 1 / 2015
© Thanyapat Wanitchanon
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
LE MÉKONG,
colonne vertébrale de
L’ASIE DU SUD-EST
Texte Amaury Lorin ¬
Du 16 au 19 juin 2015 devait se réunir à Da Nang au Vietnam le Forum
du tourisme du Mékong (Mekong Tourism Forum) autour du thème :
« Libérer le potentiel de la région du Mékong par des partenariats
innovants. » Et le potentiel en effet est énorme. Les Français ont été les
premiers à le pressentir au XIXe siècle. Aujourd’hui le fleuve est un enjeu de
développement touristique, économique, énergétique et environnemental
pour les pays qu’il traverse. La clé semble résider dans les nouvelles
coopérations régionales qui se dessinent.
N° 1 / 2015
034
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
C
ertains chiffres en imposent.
Le Mékong se déploie sur
4 350, ou 4 909 km selon des
calculs toujours disputés,
dont une grande moitié coule
en Chine qui entend bien de
fait en contrôler son cours
entier. Bien plus significatives, la superficie couverte
par son bassin et la population qui y vit. La première ne
couvre pas moins de 795 000 km2, notamment utilisés pour l’irrigation, la pêche et la pisciculture, la production hydroélectrique
(grâce aux barrages), le transport et la fourniture d’eau. La seconde
regroupe environ 70 millions d’habitants. Son débit annuel est une
autre donnée marquante : 284 km3 d’eau en moyenne, attestant de
sa force, physique et, partant, économique.
035
DOSSIER
Dixième fleuve du monde et quatrième d’Asie, le Mékong, essentiellement connu en Europe pour ses habitations et ses marchés flottants, occupe une place à part dans l’imaginaire des Occidentaux.
Prenant sa source dans le Qinghai chinois sur les hauteurs de
l’Himalaya, à plus de 4 000 mètres d’altitude, le Mékong, fleuve des
six nations, également appelé « fleuve tumultueux » par les Chinois,
irrigue d’abord la Chine (la province du Yunnan), puis borde le Laos
à la frontière de la Birmanie et de la Thaïlande. Il coule de nouveau
au Laos aux confins du Triangle d’or et joue le rôle de frontière naturelle, désenclavant ce petit pays dépourvu d’accès à la mer. Il traverse
ensuite le Cambodge, où naissent les premiers bras de son delta, et
se prolonge enfin en plusieurs défluents dans le sud du Vietnam, où
il est appelé traditionnellement le « fleuve des neuf dragons ». Le
puissant débit de ses eaux boueuses, l’ambiance de son delta, grenier à riz de l’Asie, et de ses bacs ont été dépeints avec un esthétisme
envoûtant par Marguerite Duras, notamment dans L’Amant, son
roman célèbre.
N° 1 / 2015
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
Une vie rurale et traditionnelle
Les villageois riverains du Mékong cultivent, pêchent et vendent
inlassablement leurs produits sur l’eau. Quand son niveau varie,
ils changent simplement d’endroit. Leurs maisons flottantes leur
permettent ainsi de s’adapter aux caprices de ce milieu naturel
pouvant varier fortement au gré des saisons, sèche et humide, limitant les risques d’inondations dévastatrices et meurtrières.
Le delta du Mékong et ses bras labyrinthiques forment enfin un
gigantesque marché à ciel ouvert, vivant et extrêmement dynamique, où sont vendus mille produits frais de la région et de délicieuses soupes. Les femmes principalement, vêtues de leur tunique et de leur chapeau conique, pagaient et vendent à la criée
leurs récoltes et recettes du jour aux passants.
Fleuve nourricier, le Mékong est ainsi le poumon économique de
toute la péninsule indochinoise. Les chiffres attestent de son importance, non seulement pour le Vietnam, mais, plus largement,
pour l’économie de toute l’Asie du Sud-Est. Le riz vietnamien, produit majoritairement dans le delta du Mékong, est ainsi massivement exporté dans le monde entier, ce qui fait du Vietnam le troisième exportateur mondial de riz (6,3 milliards de tonnes en 2014).
La mission d’exploration du Mékong
Au XIXe siècle, les Français ont tenté de contrôler le Mékong et
de disposer ainsi d’une artère selon un axe méridien conduisant
jusqu’en Chine méridionale, objet de tous leurs fantasmes. Mais
les rapides du fleuve contrarièrent ces ambitions : ils révélèrent rapidement la nature peu favorable à la navigation du Mékong en raison d’un niveau des eaux variant trop fortement avec les pluies de
la mousson. Vingt ans avant la fondation de l’Union indochinoise
par Paul Bert (1886), la mission d’exploration du Mékong quitte
Saïgon en 1866 sous le commandement du capitaine de frégate
Ernest Doudart de Lagrée, accompagnée notamment de Francis Garnier, chargé des travaux d’hydrographie, de météorologie,
ainsi que du tracé de la carte du voyage. À la mort de Doudart de
Lagrée, Garnier prend la direction de la mission et rallie Saïgon en
1868. Il continue plus tard ses travaux de reconnaissance du cours
du haut-Mékong, auquel il consacre sa vie, et passe plusieurs mois
à explorer seul le Yunnan et le Tibet.
L’installation des Français sur les embouchures du Mékong (la Cochinchine est colonisée par la France dès 1862) les conduit tout naturellement à s’intéresser à son cours supérieur, aussi loin que possible. Celui-ci fut ainsi cartographié par les Français, alors que le
fleuve était auparavant redouté et considéré comme une énigme.
Une exploration scientifique que ces derniers n’eurent de cesse de
rappeler, notamment dans le contexte de la « course aux colonies »
qui les opposa vivement au Royaume-Uni pendant des décennies.
Les Français ont toujours accordé, dès lors, une attention particulière au fleuve, expliquant en partie leur intérêt touristique marqué
et ininterrompu pour cette région du monde.
La Mekong River Commission
Une commission internationale, le Comité du Mékong ou Mekong
River Commission (MRC), créée en avril 1995, est consacrée à une
gestion transrégionale des conflits et problèmes liés au fleuve,
dans une perspective affichée de développement durable. Elle
comprend quatre pays : le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le
Vietnam. S’ajoutent la Birmanie et la Chine qui ont le statut d’ob-
N° 1 / 2015
servateurs. Ses objectifs sont inscrits dans ses statuts : assurance
d’un usage raisonnable et équitable des ressources (du Mékong) ;
promotion et coordination d’une aide à la gestion et à l’exploitation
des eaux (du bassin du Mékong) et des ressources associées pour
un bénéfice mutuel et un bien-être des populations concernées ;
développement de programmes d’action planifiés ; fourniture de
données scientifiques et de règles de conduites environnementales. Son ambitieux programme concerne huit secteurs d’activité : transports, télécommunications, énergie et eau, tourisme, environnement et gestion des ressources naturelles, développement
des ressources humaines, commerce et investissements.
Ces défis résument finalement la problématique même de la région, liée à son histoire : sa velléité constante d’indépendance visà-vis tout à la fois de la tutelle de l’ancienne puissance coloniale et
de la mainmise chinoise (voir encadré). La MRC, dont le siège s’est
installé en 2005 à Vientiane (Laos), est-elle pour autant une vaine
tentative d’unification ?
Une zone d’influence majeure
Cette volonté n'est pas nouvelle. Faut-il pour autant, comme certains l'ont fait, envisager une « civilisation du Mékong », un concept
âprement disputé. Cela semble inapproprié. En effet, successivement colonisés par la France avant de former l’Indochine, une
construction coloniale parfaitement arbitraire, le Laos, le Cambodge et le Vietnam ont peu en commun, sinon d’avoir été modelés
par le bouddhisme, leur seul trait d’union. Le Mékong a finalement
peu uni les peuples qui le bordent. Les différences de niveau de vie
demeurent aujourd'hui encore importantes entre eux.
La MRC peine quant à elle, il est vrai, à exister sur la scène diplomatique en raison de la dissymétrie même de sa composition et de
la prégnance des intérêts nationaux de ses États membres, frein à
une vraie coopération transnationale. Si des réalisations concrètes
ont vu le jour – infrastructures routières et coopération énergétique (nombreux barrages), le développement du Mékong reste
encore très inégal, malgré son potentiel considérable.
Celui-ci est en effet un fleuve paradoxal : théâtre des pires horreurs
historiques, motivées par des volontés antagonistes de contrôler
son cours et ses rives, il a pourtant produit et continue de générer
des échanges permanents entre les États qui le bordent. Malgré
les tensions qui opposent toujours ces derniers, le Mékong est un
fleuve trait d’union, dont l’importance à tous égards dépasse largement l’échelle continentale.
Une géographie unique au monde
Parcourir ainsi le majestueux Mékong offre l’assurance de saisir
l’essence de la péninsule indochinoise et de voyager en son cœur
même. Traversant en effet de superbes paysages de montagnes, de
rizières et de palmiers à sucre, il est considéré parfois par ses riverains comme une véritable mer intérieure. Chacune des étapes, au
fil de sa longue descente, offre de superbes visites et découvertes,
certaines d’entre elles étant inaccessibles par voie terrestre.
Liées de longue date par des échanges et des flux quotidiens,
tant de voyageurs que de marchandises, Lijiang (Chine), Luang
Prabang (Laos), Vientiane (Laos) et Phnom Penh (Cambodge)
comptent parmi les plus belles villes d’Asie du Sud-Est, les deux
premières étant aujourd’hui protégées par l’UNESCO.
Luang Prabang, « la cité des mille pagodes », première capitale du
036
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
royaume lao lors de la constitution du pays (1353), reste un centre
artistique important, attirant des visiteurs du monde entier. Située au confluent du Mékong et de la rivière Nam Khane, « la belle
endormie » séduit par sa tranquillité anachronique, ses temples et
ses soieries. Des courses de bateaux-dragons, embarcations traditionnelles effilées en bois, sont régulièrement organisées sur le
Mékong. Des milliers de personnes se retrouvent alors sur les rives
pour encourager les participants.
Victime de son succès, le joyau du Laos est de plus en plus menacé
par les conséquences sur son environnement d’un tourisme croissant : 500 000 visiteurs étrangers auraient ainsi été accueillis en
2014 à Luang Prabang, qui compte une population de 50 000 habitants. Des programmes spécifiques ont été mis en place ces dernières années sous l’égide de l’UNESCO, du Fonds français pour
l’environnement mondial (FFEM) ou encore de l’Agence française de développement (AFD). Ils visent à soutenir les autorités
laotiennes dans leurs efforts pour la préservation de son extraordinaire patrimoine et
pour une transition vers un tourisme durable
et plus respectueux de l’environnement. Il en
va de sa pérennité.
En aval, Phnom Penh et Saïgon (devenue HoChi-Minh-ville en 1975). La première offre un
visage qui porte encore les marques d’une
histoire tourmentée. Surnommée au début
du siècle dernier et jusque dans les années
1970 « la perle d’Asie », dont subsistent encore quelques rares édifices, sa population
de 2 millions d’habitants fut chassée en une
seule journée le 17 avril 1975 par les Khmers
rouges, arrivés au pouvoir. Une période noire
et particulièrement sanglante s’ensuivit, qui
plongea le pays dans la terreur, l’ignominie et
le déclin, et dont il sortit exsangue quelques
années plus tard. Depuis le milieu des années 1990, le pays tente difficilement de se
redresser. Phnom Penh jouit de nouveau
d’un attrait touristique grandissant, soutenu
par l’afflux des étrangers venus admirer les
temples d’Angkor à quelques centaines de
kilomètres au nord-ouest.
Plus moderne et tentaculaire, la capitale économique du Vietnam s’est imposée comme
le pôle de gravité du bas-Mékong. Elle
compte aujourd’hui près de 8 millions d’habitants et 15 zones franches d’exportation regroupant notamment parcs industriels. Ses
ports représentent près du tiers du tonnage
national du Vietnam. Par effet d’entraînement, le commerce va ainsi croissant au fil
du Mékong et atteint son point d’orgue au
niveau de son delta. La capitale du Sud est le
véritable chef d’orchestre de toute la région,
qui entreprend depuis ces dernières années
une tertiarisation de son économie ainsi
qu’une modernisation de ses infrastructures
fluviales et industrielles.
DOSSIER
Des avancées dans la gestion de l'eau
Le delta dispose de ressources naturelles et d’atouts majeurs, au
premier rang desquels le Mékong, que le pays sud-asiatique tente
aujourd'hui de préserver. Ce dernier est ainsi devenu un axe prioritaire de développement pour le Vietnam, mais aussi pour tous les
pays baignés par les eaux du fleuve. L’importance des enjeux liés
au Mékong, notamment la sécurité alimentaire et l’indépendance
énergétique, non des moindres, concourent à la définition d’une
véritable zone d’influence à l’échelle de tout le continent asiatique.
Un ambitieux projet baptisé « Eau potable » a été lancé en 2007
par l’AFD dans six provinces vietnamiennes du delta du Mékong.
Il sera achevé cette année. En effet, alors que les sources d’eau y
sont innombrables, l’habitude d’utiliser l’eau puisée dans le puits
du jardin ou dans un canal à proximité de la maison pose de nombreux problèmes d’hygiène et de santé, en particulier quand l’eau
est destinée à la cuisine. Dès lors, le programme vise tout à la fois
© Galyna Andrushko
« (...) le commerce va ainsi
croissant au fil du Mékong et
atteint son point d’orgue au
niveau de son delta »
037
N° 1 / 2015
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
« Le plus grand
défi pour le
tourisme dans le
delta du Mékong
reste, toutefois,
de prolonger
le séjour des
touristes »
RdM
N° 1 / 2015
ia t ti / S h utt e rs t o c k .c o m
Un tourisme régional ?
Le Gouvernement vietnamien a également engagé, de son côté, diverses mesures pour développer les infrastructures touristiques dans le delta du Mékong,
une région qui revêt un caractère stratégique de premier plan pour lui et qui est,
de ce fait, devenue une priorité nationale.
Dans ce cadre, un colloque international intitulé « Programme de développement du tourisme responsable », financé par l’Union européenne, a eu lieu le
28 janvier 2015 à Phu Quoc (Vietnam). Deux objectifs lui étaient assignés. D’une
part, la mise en œuvre
d’une coopération accrue
dans la gestion des lieux
touristiques des trois provinces vietnamiennes d’An
Giang, Kien Giang et Can
Tho (delta du Mékong).
D’autre part, le soutien
au lancement de produits
touristiques nouveaux et
de plans destinés à promouvoir cette région, notamment à l’étranger. Un
accord de coopération
touristique avait été signé
à l’occasion d’une précédente conférence le 18 octobre 2014 à Rach Gia (Vietnam), comprenant trois
grands volets : création
d’une politique régionale
de développement touristique coordonnée par un
fonds commun, lancement
de produits marketing innovants et renforcement
des ressources humaines
dans ce secteur-clé. Autant
d’objectifs louables.
Le plus grand défi pour le
tourisme dans le delta du
Mékong reste, toutefois,
de prolonger le séjour des
touristes dont la durée
moyenne n’est actuellement que d’un jour et une nuit par touriste, en extension, en général, d’un séjour
principal sous la forme d’une excursion à la journée, ce qui est beaucoup trop
court pour que la région puisse bénéficier de retombées significatives.
Mais comment retenir les touristes sur le delta du Mékong ? L’amélioration du
parc hôtelier le long du fleuve, la création de produits et services touristiques
nouveaux et l’extension de l’offre de visites dans le domaine agricole, notamment
fruitier, ont été retenues comme autant de pistes prometteuses à explorer.
cr u c
©p
à apporter de l’eau potable à un maximum de foyers des villes du delta du Mékong, non reliés jusqu’à présent au réseau de distribution. Il entend également
améliorer le service pour ceux qui ont déjà la chance d’avoir accès à l’eau potable,
encourager la politique de décentralisation et d’équilibre économique dans le
secteur de l’eau en renforçant les compagnies des eaux provinciales. Enfin, il
cherche à développer une approche commerciale de l’eau afin de soutenir une
nécessaire politique d’investissement dans le secteur.
LA CHINE ET LA GREATER MEKONG
SUBREGION
L’aménagement du bassin du Mékong et l’interconnexion des infrastructures entre les États limitrophes constituent des enjeux stratégiques majeurs à
l’échelle du continent asiatique. Les cinq pays situés le
long du Mékong (à savoir le Vietnam, le Cambodge, le
Laos, la Birmanie et la Thaïlande) et les deux provinces
chinoises voisines, le Yunnan et le Guangxi, abritent
une population totale de 326 millions de personnes,
supérieure à celle des États-Unis, sur une superficie
de 2,6 millions de km². La « sous-région du grand-Mékong » (Greater Mekong Subregion), ainsi définie, désigne un projet conçu en 1992 par la Banque asiatique
de développement. Cette dernière, dont le siège est
basé à Manille, fut créée en 1962 pour soutenir le développement économique et social des pays d’Asie et du
Pacifique à l’aide de prêts et d’assistance technique.
Dans ce contexte, le cinquième sommet du Mékong,
tenu en décembre 2014 à Bangkok, a confirmé l’influence grandissante apparemment incontournable de
la Chine dans cette région. L’objectif ancien de Pékin
est en effet d’obtenir des débouchés sur l’océan Pacifique et de réaliser « la stratégie des deux océans »
(Pacifique et Indien) en vassalisant la Birmanie. Pour ce
faire, l’empire du Milieu investit des milliards de dollars
depuis plusieurs années pour construire des tronçons
de voies ferrées devant relier à terme Kunming (Yunnan) à Singapour, soit une distance totale de 3 900 km.
Ce projet pharaonique pourrait être réalisé dès 2022.
038
DOSSIER
© Don Mammoser / Shutterstock.com
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
L’IRRAWADDY,
« fleuve-mère » de BIRMANIE
Texte Amaury Lorin ¬
Depuis 2011, la Birmanie connaît une croissance annuelle du tourisme
de près de 50 %. La Banque asiatique de développement table sur un
objectif de 5 millions de touristes en 2015. Cette soudaine affluence
profite majoritairement au grand axe fluvial que constitue l’Irrawaddy,
porte d’entrée vers les grands sites du pays. Mais quels impacts le pays
peut-il espérer ou craindre de ce développement rapide ?
039
N° 1 / 2015
DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
D
escendre ou remonter l’Irrawaddy
(le nom du fleuve
vient du sanskrit
airavati, signifiant
« fleuve des éléphants ») permet
d’accéder à une Birmanie authentique
encore confidentielle et de renouer
avec une Asie hors
du temps, celle des
chars à bœufs et des pêcheurs. Le fleuve, appelé « fleuve-mère »
par les Birmans, long de 2 170 km, traverse la Birmanie du nord au
sud. Il prend sa source sur les contreforts de l’Himalaya dans le
Kachin tout au nord du pays, avant de se jeter dans l’océan Indien
sous la forme d’un gigantesque delta, formé de mangroves et de
marécages forestiers. Sa large vallée centrale constitue la Birmanie historique, où les capitales royales itinérantes furent fondées
puis pillées, alors que pendant de nombreux siècles, le fleuve fut
la seule grande voie de communication pour traverser le pays. Artère irrigant tout le territoire, son bassin fluvial est la région la plus
importante de Birmanie pour la culture vitale du riz. L’Irrawaddy
représente, en outre, le principal axe de développement touristique
du pays, d’autant plus que l’eau est un élément omniprésent dans
toute l'Asie du Sud-Est.
Des piliers blancs élevés sur chaque rive du fleuve indiquaient autrefois la ligne frontière des possessions anglaises et birmanes.
Quelques-uns subsistent ici ou là. Sur le rivage abondamment
boisé, les collines restent couronnées de blanches pagodes, accessibles par d’interminables escaliers. Flanqué tantôt de denses
jungles, tantôt de gorges encaissées, tantôt de rizières à perte de
vue, le fleuve offre des paysages dont nul voyageur ne saurait se
lasser. Parmi cocotiers, aréquiers, bambous et diverses essences
tropicales à larges feuilles, des stupas blancs omniprésents lancent
leurs flèches vers le ciel, souvent coiffés d’un hti, une sorte de parapluie avec de petites clochettes.
Les villageois saluent spontanément et joyeusement le passage des
bateaux depuis les maisons sur pilotis. Une excursion vers un village en haut d’une colline et des marchés trépidants, où des femmes
fumeuses de cheroots, des cigares birmans artisanaux, vendent de
superbes produits : moments mémorables d’interaction avec une
population locale accueillante et des enfants rieurs. Les commu-
nautés de Haute-Birmanie ont relativement peu de contacts avec le
monde extérieur, à la différence de celles de Basse-Birmanie.
Les villageois vivant sur les rives de l’Irrawaddy ne frappent cependant pas par leur pauvreté. L’abondance et la variété de produits
frais sur les marchés suggèrent au contraire une qualité de vie pouvant manquer dans les localités urbaines du pays.
DE MANDALAY À BAGAN
Une centaine de bateaux de toutes catégories y naviguent aujourd’hui. Essentiellement des répliques de steamers coloniaux en
bois des années 1930 à faible tirant d’eau pour éviter les nombreux
bancs de sable. Le tourisme fluvial, relativement peu entravé par
des contraintes légales, prospère en Birmanie. Les populations riveraines de l’Irrawaddy, dont le mode de vie traditionnel rythmé
par le fleuve aurait pu être perturbé par cette activité croissante,
ont su s’adapter et profiter de cette manne vertueuse.
Entre Mandalay, la capitale culturelle de la Birmanie, et Bagan, la
« plaine aux deux mille pagodes », une croisière sur le grand fleuve
permet de parcourir la tumultueuse histoire du pays en visitant
notamment ses anciennes capitales royales. Cette option indispensable à tout voyage en Birmanie offre un panorama de sa très
grande richesse culturelle.
« Les populations
riveraines de l’Irrawaddy
ont su s'adapter et profiter
de cette manne vertueuse »
Mandalay, deuxième ville après Rangoun, regorge de palais antiques et de sites religieux, comme la très élégante pagode Kutodaw, qui doit son surnom de « plus grand livre du monde » à sa
collection de 729 stèles de marbre blanc sur lesquelles sont gravés
les épisodes de la vie de Bouddha. Le temple Mahamuni, toujours
à Mandalay, est quant à lui considéré comme l’un des sanctuaires
les plus vénérés du pays. Il est aujourd’hui un site de pèlerinage
majeur pour les Birmans. Ateliers de sculpture sur bois, broderies,
argenterie et feuilles d’or animent aussi la ville pour le plus grand
bonheur de ses visiteurs.
Proche d’Amarapura, ancienne capitale birmane (1783-1821, 18421859), sur le lac Taungthaman, une immense passerelle de teck, la
plus longue du monde, s’étend sur 1,2 kilomètre. Les habitants et
les moines l’empruntent chaque jour. Très prisé des touristes, le
coucher du soleil y offre un spectacle de toute beauté.
Clou du voyage : Bagan, ancienne capitale, compte parmi les plus
grands sites religieux de la planète. La plaine, époustouflante, est
parsemée de plus de 2 000 temples et pagodes dont la plupart
datent du XIe siècle.
Créé en 2013, le FESTIVAL LITTÉRAIRE DE L’IRRAWADDY, premier festival international de littérature de Birmanie, parrainé
par la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, aujourd’hui députée, célèbre une liberté d’expression chaque jour un peu plus
grande dans ce pays en plein bouleversement, en rassemblant tout à la fois des auteurs étrangers et des écrivains et poètes
birmans. Un bel hommage de la nation birmane à son fleuve vénéré.
N° 1 / 2015
040
DOSSIER
UN « NIL ASIATIQUE » ?
En mai 2007, la junte birmane a signé un accord avec la China
Power Investment Corporation (société chinoise productrice
d’électricité) pour la construction de sept barrages hydroélectriques sur le haut cours de l’Irrawaddy dans le Kachin. Le barrage
de Myitsone, le plus grand des sept, se trouve au confluent des rivières May Kha et Mali Kha, à la source de l’Irrawaddy. Il est aussi le
plus controversé en raison de sa taille et de sa situation : son projet
de construction continue de soulever de sérieuses questions écologiques et sociales. Sans compter que l’électricité qu’il pourrait
produire serait essentiellement destinée à la Chine, sans profiter
d’aucune manière aux populations locales.
La Birmanie, récemment placée au troisième rang des destinations touristiques présentées comme « incontournables » par le
New York Times, risque-t-elle de ressembler à la Thaïlande voisine,
qui accueille chaque année près de 19 millions de visiteurs, avec le
risque de voir l’Irrawaddy se transformer en « Nil asiatique » ? Le
tourisme responsable – insistant largement sur la protection environnementale, l’implication des communautés locales, la réduction de la pauvreté et une gestion équilibrée de l’héritage naturel et
culturel – peut être un puissant outil de développement durable si
les voyageurs et les opérateurs font des choix informés. Ce truisme
est peut-être plus crucial en Birmanie que partout ailleurs. Sa situation de « dernier arrivant » sur le marché touristique mondial
est une chance historique pour le pays. Il est encore en mesure
d’éviter les erreurs qui ont pu se produire ailleurs avec l’afflux du
tourisme de masse.
Une croisière sur l’Irrawaddy pourrait confirmer le dilemme bien
connu des voyageurs : une quête d’authenticité versus un impératif d’accessibilité. Le voyageur d’aujourd’hui souhaite souvent
atteindre des fronts inconnus, afin de découvrir, comme le firent
les premiers explorateurs et voyageurs occidentaux, la quintessence d’un pays. Des espoirs impossibles, sans doute. Mais avec
l’Irrawaddy, cette aspiration contradictoire d’aventure et de confort
reste encore possible. Mais pour combien de temps encore ?
© Don Mammoser / Shutterstock.com
RdM
« Le tourisme responsable peut être
un puissant outil de développement durable »
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
LE TOURISME EN BIRMANIE
SELON UN EXPATRIÉ FRANÇAIS
Propos recueillis par A. L.
Jean-Yves Branchard vit depuis 12 ans en Birmanie. Il est le fondateur d’une plantation de café et
travaille à Rangoun dans le secteur du tourisme.
1. En matière de tourisme, quels sont les atouts et les
faiblesses de la Birmanie selon vous ?
L’accueil de la population, la diversité ethnique, la
culture fascinante, le niveau de développement du
bouddhisme et la possibilité, encore aujourd’hui, de
visiter des endroits quasiment vierges font de la Birmanie un pays unique, offrant quelques-uns des plus
beaux monuments et sites du patrimoine mondial. En
revanche, l’accès à la santé et à l’éducation reste une
cause d’injustice majeure pour les Birmans.
2. Quel est votre avis sur le développement actuel et
futur du pays ?
Les changements intervenus depuis 2011 sont globalement très positifs. Cependant, des difficultés
jusqu’alors inconnues sont apparues, provoquées
notamment par l’apparition d’une modernité nouvelle,
ayant engendré une avidité créatrice de besoins illusoires. Ce contexte nouveau percute une population peu préparée à une évolution aussi rapide. La
récente ouverture du pays a aussi fortement impacté
l’environnement. Or les Birmans sont peu sensibilisés à ces sujets environnementaux. Mais d’un autre
côté, l’ouverture du pays permet d’ores et déjà une
prise de conscience de ces effets négatifs, ainsi que
l’accès à des méthodes de gestion nouvelles.
3. Quelle part le tourisme peut-il jouer dans ce développement ?
Le tourisme a un rôle crucial à jouer. En effet, il est un
vecteur de formation très important pour une grande
partie de la jeunesse birmane, qui se forme activement à tous les métiers liés à la filière touristique
(guides, hôteliers, etc.). Le développement de ce
secteur doit, cependant, être réfléchi. Les Birmans
eux-mêmes doivent définir leurs objectifs de développement durable pour leur pays. Quoi qu’il en soit,
la Birmanie restera toujours une destination vraiment
magique pour le voyageur.
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DOSSIER
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ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
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ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
DOSSIER
BAGAN et
ANGKOR,
deux sites de pèlerinage rivaux ?
Texte Amaury Lorin ¬
Cambodge et Birmanie connaissent depuis
quelques années un boom touristique sans
précédent. L’ouverture et la normalisation
politiques de ces pays y est pour beaucoup.
Mais leur patrimoine archéologique, la résonance mythique des noms d’Angkor et
Bagan attirent des visiteurs sans cesse plus
nombreux. Une opportunité économique,
enjeu de rivalités ?
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DOSSIER
ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
Jusqu’à 200 000 personnes y vécurent. Contrairement à sa rivale
Angkor, vestige d’une civilisation perdue, le culte de Bouddha n’a
jamais cessé d’être pratiqué à Bagan. La ferveur religieuse a ainsi
traversé les siècles et tous les tourments de la tumultueuse Histoire
birmane. Le royaume de Bagan a cependant fini par s’effondrer en
1287 sous les
assauts répétés
des invasions
mongoles.
« Rêve d’archéologue à ciel ouvert,
Bagan offre ainsi une très grande
diversité architecturale »
P
armi les nombreuses raisons expliquant, s’il en
était encore besoin, l’attrait croissant de l’Asie du
Sud-Est pour les touristes
occidentaux, la découverte
ou la pratique du bouddhisme theravada (la doctrine des anciens, fondée
sur les paroles de Bouddha
lui-même, ou bouddhisme
du Petit Véhicule) génère
un tourisme tout à la fois
cultuel et culturel grandissant, alors que le nombre d’adeptes de
cette religion − davantage une philosophie, pour certains − ne
cesse de croître à travers le monde. Pour ce faire, la visite parallèle
des deux sites de pèlerinage bouddhistes les plus prestigieux d’Asie
du Sud-Est, Bagan (Birmanie) et Angkor (Cambodge), construits à
peu près au même moment, offre une fabuleuse entrée en matière
et une introduction grandiose au patrimoine bouddhiste, d’intérêt
mondial.
La seconde différence notable
entre Bagan et
Angkor provient du fait que la première n’est pas le seul fait des
puissants. Tous ses habitants, quel que soit leur statut social, y ont
construit des édifices religieux. Une tradition pluriséculaire impose en effet aux Birmans le financement de la restauration d’un
monument bouddhiste, apparentée à une action vertueuse favorisant une bonne réincarnation. Rêve d’archéologue à ciel ouvert,
Bagan offre ainsi une très grande diversité architecturale. Situé sur
une zone d’intense activité sismique, le site a beaucoup souffert de
tremblements de terre à répétition, notamment celui de 1975 (6,5
sur l’échelle de Richter), qui a fait tomber les sommets de nombreuses pagodes.
La candidature de Bagan à l’inscription très convoitée au patrimoine mondial de l’UNESCO a échoué en 1996, en raison des
dommages causés à l’intégrité du site par les fâcheuses restaurations conduites par la junte militaire alors au pouvoir. Les experts
ont notamment reproché aux autorités birmanes un respect insuffisamment porté aux styles architecturaux originels et une utilisation trop importante de matériaux modernes pour les réparations.
Malgré ce revers, Bagan reste le site touristique le plus fréquenté de
Birmanie. Y déambuler et s’y perdre, à pied, à vélo ou en calèche,
BAGAN, LA « PLAINE AUX DEUX MILLE PAGODES »
Berceau de la civilisation bamar, capitale d’un demi-million d’habitants qui abrita du IXe au XIIIe siècle la première capitale de la
Birmanie unifiée, cette vaste plaine archéologique de 50 km2 aux
milliers de temples dédiés à Bouddha a survécu à tout ou presque :
invasions mongoles, séismes, rénovations sauvages, etc. Un nouveau défi consiste maintenant pour le site à affronter le tourisme
de masse de manière responsable, alors que la Birmanie, redevenue fréquentable, attire un flot sans cesse croissant de touristes
internationaux depuis son ouverture politique en 2011.
Centre religieux ayant attiré des moines venus de toute l’Asie s’y
former, Bagan a compté jusqu’à 10 000 monuments religieux
de briques à son apogée, dont 1 000 stupas et 3 000 monastères.
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ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?
est sans doute la meilleure option. Un survol en montgolfière au
lever du soleil permet également de saisir toute la majesté du site,
dont l’authenticité a été préservée − pour le moment − en raison
même de son immensité.
ANGKOR, LE « VERSAILLES KHMER »
Classé en 1992 sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial
de l’UNESCO, à la différence de Bagan, l’ensemble architectural d’Angkor, étendu sur près de 400 km2, est un écosystème
aujourd’hui menacé par la surfréquentation touristique. L’achèvement de la restauration du temple du Baphuon, chantier archéologique le plus important d’Asie du Sud-Est, mené pendant
seize ans par l’École française d’Extrême-Orient, a été célébré
avec faste en 2011. Au même moment, l’exposition Indiana Jones et
l’aventure archéologique présentée par la National Geographic Society au Centre des sciences de Montréal érigeait le site d’Angkor,
l’ancienne capitale du royaume khmer (IXe-XVe siècle), au rang de
« grand mythe archéologique » considéré, avec Lascaux et Pompéi, comme partie intégrante du patrimoine archéologique mondial à sauvegarder.
Redécouvert en 1860 par le naturaliste français Henri Mouhot, le
temple d’Angkor Vat subjugue tous ses visiteurs, comme les écrivains Pierre Loti en 1901 ou Paul Claudel en 1921. Tous sont fascinés par les vestiges des temples khmers construits pour les divinités, les rois et leurs familles. La légende d’un « Versailles khmer »
(l’expression est anachronique) – le site est composé d’inquiétants
temples noyés dans une épaisse jungle réputée impénétrable, édifiés au temps où les Capétiens construisaient les cathédrales –,
connaît au XIXe siècle un retentissement mondial jamais démenti.
La conservation d’Angkor dut être fermée en 1973 à cause de la
guerre civile qui déchira le Cambodge de 1970 à 1975, du régime de
terreur instauré par les Khmers rouges jusqu’en 1979 et de la longue
DOSSIER
guérilla qui s’ensuivit. Depuis sa réouverture au début des années
1990, les chercheurs abordent le site sous un angle nouveau, interdisciplinaire, élargissant leur étude à la ville qui faisait vivre les
temples.
Les découvertes, les travaux d’inventaire et de restauration des
temples menés avant 1970 ont été remplacés, depuis vingt ans, par
de nouvelles préoccupations environnementales privilégiant la
dimension hydraulique de la cité, sous-estimée jusqu’alors. Enjeu
culturel majeur, le site est aussi un espace naturel vivant, notamment en raison de la présence de nombreux villages traditionnels. Les programmes de développement associent aujourd’hui à
Angkor la ville de Siem Reap, située à 8 km et porte d’accès aux
temples, le très poissonneux lac Tonlé Sap, véritable mer intérieure
cambodgienne, et la zone économique du grand Mékong.
L’Autorité pour la protection du site et l’aménagement de la région
d’Angkor (Apsara), créée en 1995, s’efforce de lutter contre les divers
risques qui pèsent sur l’équilibre du parc archéologique : la dégradation des structures endiguées, l’épuisement de la nappe phréatique, la déforestation sauvage ou l’abandon des terres cultivées
par les paysans. Ces derniers sont victimes d’expulsions foncières
et, paradoxalement, des réglementations qui, tout en préservant le
site, gênent leur mode de vie : l’interdiction de la coupe du bois les
empêche de cuisiner ou d’ériger des barrières pour protéger leurs
cultures. Surtout, Angkor, longtemps difficile d’accès, est devenue
une des destinations privilégiées du tourisme international (Siem
Reap possède désormais son propre aéroport).
Les Accords de Paris signés en 1991 ont abouti en 1993 à la tenue
d’élections aux termes desquelles le Cambodge est redevenu une
monarchie constitutionnelle. La paix rétablie sur la majorité du
territoire, le pays s’est petit à petit rouvert au monde. Il a connu un
afflux considérable de touristes étrangers : 50 000 visiteurs s’y rendaient à la fin des années 1960 ; ils étaient 300 000 en 2002 et 2 millions en 2010. Une vague de spéculation foncière a passablement
dénaturé la « ville-jardin » de Siem Reap autrefois célébrée, alors
que l’Administration cambodgienne peine à contrôler l’urbanisation galopante et les aménagements illicites qui se construisent de
plus en plus près des temples.
Pour valoriser la cité hydraulique, un nouveau circuit touristique
est en cours d’aménagement autour du baray nord, un des réservoirs d’Angkor : maisons-témoins traditionnelles sur pilotis permettant la résistance aux crues et la circulation de l’air sous le sol
(on habite le rez-de-chaussée et on dort à l’étage), aménagement
d’embarcadères, location de pirogues à rames ou encore développement d’un circuit botanique, présentant plantes médicinales,
libellules et papillons (plus de 168 espèces ont été recensées). L’eau
apporte une unité au vaste ensemble d’Angkor. Elle y reprend aujourd’hui toute sa place.
RdM
« L’Autorité pour la protection du site et l’aménagement
de la région d’Angkor […] s’efforce de lutter contre les divers
risques qui pèsent sur l’équilibre du parc archéologique »
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LES QUATRE SAISONS
Au cœur des vastes paysages du sud de
la Patagonie chilienne, les lumières composent
en l’espace de quelques heures les partitions les plus
somptueuses. La pluie, la neige, le soleil se succèdent
sur une même journée. Récit en images de six jours
de navigation dans les fjords de la Terre de feu
jusqu'à l'île d'Horn.
Photographies Florian Chavanon ¬
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CULTURE
Cap Horn
Au cœur du mythe
DANS LA VAGUE
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ESCALES
ESCALES OUVERTURE
MINI SOMMAIRE (à faire)
Escales aux quatre coins du monde,
à la rencontre de destinations riches et
originales. Un focus sur des villes, des lieux
culturels, des personnages historiques ou
encore des artisanats rencontrés par les
croisières Rivages du monde, comme des
fênetres ouvertes sur l’ailleurs.
ESCALES
QUÉBEC
Les chutes
du Niagara, grandiose fascination
Leur majesté nous rappelle
notre petitesse devant les
forces de la nature. Entre
le lac Érié et le lac Ontario,
les chutes du Niagara,
délimitent la frontière entre
le Canada et les États-Unis.
Impressionnant, ce site
naturel est l’un des plus
visités au monde.
Par Annie Mathieu ¬
Avec un débit moyen de 168 000 m3 d’eau à la minute
et une largeur de près de 800 mètres, les chutes du
Niagara offrent un spectacle unique au monde qui
est dû à la formation et à la fonte des glaciers. Et le
plaisir n’est pas que pour les yeux : le vrombissement
des cascades et les embruns qui s’en dégagent, assurent aux visiteurs qui s’en approchent une expérience sensorielle intense.
Composées de trois sites distincts – l’imposant Fer
à cheval (Horseshoe) du côté canadien, les chutes
américaines (American Falls) et le Voile de la mariée
(Bridal Veil Falls) – les chutes du Niagara plongent
dans la rivière du même nom d’une hauteur d’environ 52 m. Leur double paternité est revendiquée par
le Canada et les États-Unis qui ont tous deux nommé
leur ville qui borde les chutes, Niagara Falls. L’une se
situe dans l’État de New York et l’autre, dans la province canadienne de l’Ontario. Clinquante, cette
dernière est souvent comparée à Las Vegas, en version miniature, où les amoureux affluent pour y unir
leur destinée. Plus pittoresques, les campagnes environnantes hébergent de nombreux vignobles.
Depuis toujours, les chutes du Niagara ont fasciné
l’homme et attiré leur lot de casse-cous. Au moment
où le tourisme a commencé à s’y développer, le jeune
frère de Napoléon, Jérôme Bonaparte, y amena sa
fiancée, Élizabeth Patterson. D’autres ont tenté de
les défier, et certains même se sont jetés à bord d’un
tonneau fermé du haut de la falaise. Au début du
XXe siècle, ce type d’exploit qui a fait plusieurs victimes a été interdit. Cela n’a pas empêché récemment
un funambule de les traverser sur un fil et un grimpeur
américain d’escalader sa surface glacée. Particulièrement rigoureuse, la saison froide 2015 a d’ailleurs
offert des images du site à couper le souffle avec ses
sculptures dignes de l’ère glaciaire, un phénomène
qui n’avait pas été observé depuis près d’un siècle. À
l’hiver 1848, l’eau avait même cessé de couler pendant
plus d’une trentaine d’heures, créant un silence inhabituel et faisant craindre le pire à la population locale.
Mais rien ne peut les arrêter et leurs flots gigantesques
n’ont depuis plus cesser de vrombir.
RdM
© Neale Cousland / Shutterstock.com
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QUÉBEC
ESCALES
L’Antique Boat Museum,
le nautisme au musée
Premier musée d’Amérique du Nord consacré au
nautisme en eau douce, l’Antique Boat Museum,
regroupe une collection de plus de 300 bateaux
d’époque. Riche témoignage grandeur nature qui fait
la fierté de la ville de Clayton aux États-Unis.
Par Sébastien Righi ¬
Tout commence dans les années 60, lorsqu’un groupe de passionnés décide de
préserver l’héritage nautique et culturel du Saint-Laurent. Ils fondent à Clayton
(État de New York aux États-Unis) dans la région des Mille-Îles, le musée du
même nom qui deviendra plus récemment l’Antique Boat Museum. Pendant
50 ans, le musée a constitué une collection impressionnante de moteurs et de
bateaux anciens et, à force de rachats de terrains en bordure du fleuve, s’est
agrandi pour occuper un espace de près de 4,5 ha.
Le musée impressionne également par sa taille : près de 600 m de docks, 10 bâtiments regroupant 2 700 m2 d’exposition et 3 000 m2 d’archives et bibliothèque
auxquels s’ajoutent, à quelques mètres de là, 1 800 m 2 dédiés à la collection de
bateaux. À noter : le musée est accessible en fauteuil roulant (disponibles gratuitement en nombre limité) et dispose d’un circuit spécial qui serpente entre les
bâtiments, les pelouses et les jardins paysagers.
Le lieu retrace l’évolution des bateaux à moteur au cours du XXe siècle, évolution qui a profondément changé le paysage fluvial. Symboles de modernité et de
liberté, ils ont permis l’essor d’une véritable industrie. Une culture du bateau de
plaisance est née alors.
Lieu vivant avant tout, le musée, qui propose des programmes éducatifs, des salons nautiques et des promenades en bateau, profite de l’engouement des Américains pour le nautisme. En août 2016, il accueillera la 52e édition de l’Antique Boat
Show, véritable festival nautique annuel à la gloire des bateaux anciens.
Enfin, le bateau star, qui ravit le plus le public selon M. Folsom, l’un des responsables du musée : La Duchesse. Cette gracieuse péniche à deux étages a été
construite en 1903 pour l’hôtelier George Boldt (gestionnaire du célèbre Waldorf-Astoria de New York) et conçue comme une luxueuse résidence d’été.
Véritable plongée dans l’univers des bateaux de plaisance, l’Antique Boat Museum met en perspective plus de cent ans d’histoire du nautisme américain.
© DR
RdM
© DR
Antique Boat Museum,
750 Mary street, Clayton, NY
www.abm.org
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ESCALES
QUÉBEC
La ville de Québec
en 6 escales
L’AUTEUR
Annie Mathieu découvre chaque
jour de nouvelles facettes de la
ville de Québec qu’elle a adoptée
il y a quelques années. Friande
de patrimoine et d’histoire, elle
parcourt à pied et à vélo ses
moindres recoins, tant pour son
travail de journaliste que par
intérêt personnel.
La Montréalaise d’origine se
sacrifie régulièrement et avec
beaucoup de plaisir pour tester
les différents restaurants, cafés
et bistros afin de dénicher les
meilleures adresses du coin.
Voici une sélection de lieux
incontournables pour tomber
amoureux comme elle d’une ville
surprenante et attachante.
1
Par Annie Mathieu ¬
1
L’authentique
rue Saint-Jean
Sortir pour acheter une simple
pinte de lait1 au dépanneur2 est aussi
agréable pour les résidents de la rue
Saint-Jean que de magasiner3 dans
ses petites boutiques ou de visiter
l’église Saint-Jean-Baptiste pour les
touristes qui parcourent l’artère pour
la première fois. Confinée à l’intérieur
des fortifications de Québec, la partie
intra-muros de la rue qui s’étire sur
plus de 1,5 km regorge de commerces
et de restaurants habitués à accueillir les visiteurs étrangers. Son faubourg est aussi le témoin de la riche
histoire des premiers habitants de la
Nouvelle-France qui vivaient à l’extérieur des remparts, comme Jean Bourdon qui a donné son nom à la route
qu’il a aménagée. La place d’Youville,
dont la patinoire, l’hiver, rappelle en
version miniature celle du Rockefeller
Center à New York, l’ancienne église
anglicane de Saint-Matthews magnifiquement transformée en bibliothèque
municipale et le cimetière du même
nom valent le détour. Arrêt incontournable chez J.-A. Moisan, la plus vieille
épicerie d’Amérique du Nord, tandis
que les amateurs de bières et d’accent
québécois seront servis au Sacrilège
ou au Projet où la faune locale bigarrée
se donne rendez-vous.
2
Une bouffée d’air
sur la Promenade
Samuel-de-Champlain
À pied ou à deux roues, la promenade
Samuel-de-Champlain offre un têteà-tête privilégié avec le Saint-Laurent.
1
2
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Une bouteille d’un litre
Épicier
Difficile de croire qu’il y a plus de dix
ans l’accès au fleuve était malaisé
avec ses berges polluées et peu avenantes. Lorsque Québec a soufflé
ses 400 bougies en 2008, le gouvernement de la province lui a offert ce
parc d’une longueur de 2,5 km qui
accueille depuis plus de 2 millions de
visiteurs par an, dont l’auteure de ces
lignes qui les dévale régulièrement à
vélo. Parsemée de neuf œuvres d’art
contemporain, de plusieurs quais
et stations, la promenade est l’endroit idéal pour se délier les jambes,
pique-niquer, lire ou contempler l’horizon en amoureux. Tout au bout, la
tour du quai des Cageux offre une vue
imprenable sur le pont de Québec.
Lorsqu’on en redescend, des guédilles au homard et autres spécialités
locales vous attendent. À savourer en
regardant les pêcheurs locaux tenter
d’appâter leur souper.
3
Les plaines d’Abraham où l’histoire du Québec s’est jouée
Le sort de la Nouvelle-France y a été
scellé en moins de 30 minutes. Les
plaines d’Abraham, nom de l'immense parc surplombant le fleuve
Saint-Laurent, ont été le théâtre d’un
affrontement décisif entre les armées
françaises et britanniques le 13 septembre 1759 durant lequel les généraux
des deux armées, Wolfe et Montcalm,
perdirent la vie. La capitulation de la
France face à l’ennemi a laissé un goût
amer chez certains des habitants de la
colonie qui eurent le droit de conserver langue et religion. Le séparatisme
est toujours vivace alors que la plus
importante manifestation célébrant la
nation, qui a attiré son lot d’histoires
arrosées et de controverses idéolo3
2
Faire du shopping
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3
QUÉBEC
4
4
L’art québécois
au MNBAQ et
l’avenue Cartier
Quel musée dans le monde peut se
targuer d’avoir à la fois hébergé des
criminels et des œuvres d’art ? Lors
d’importants travaux d’agrandissement au début des années 1990, le Musée national des beaux-arts du Québec
(MNBAQ) décide d’intégrer l’ancienne
prison, dont les anciennes cellules
peuvent être visitées. Le premier musée créé par le Gouvernement du Québec, véritable vitrine de l’art québécois
du XVIIe siècle à nos jours, s’agrandit
encore. Cette fois, les artistes auront
droit à un tout nouvel espace conçu par
le célèbre architecte néerlandais Rem
Koolhaas. S’il est possible de se restaurer sur place, une petite marche sur
l’avenue Cartier à quelques minutes de
là vous permettra de prendre le pouls
du quartier Montcalm où les gens dits
de la « haute ville » font leurs emplettes.
Les fonctionnaires travaillant dans les
nombreux bureaux gouvernementaux
du secteur s’y réunissent pour le lunch
ou le « 5@7 ». Le Café Krieghoff jouit
d’une affection particulière de la part
des résidents du coin.
5
Histoire militaire et
décor à couper le souffle
à la Citadelle de Québec
Il y a deux excellentes raisons de passer quelques heures à la Citadelle
lors d’un séjour à Québec : l’histoire
de la plus importante forteresse britannique en Amérique du Nord est
fascinante et la vue sur la ville et le
fleuve Saint-Laurent imprenable. On
dit même que c’est du haut du Cap
4
Diamant, appelé le « Gibraltar d’Amérique », que l’on prend les meilleurs
clichés. Construite entre 1820 et 1850,
la Citadelle grouille toujours d’activités militaires alors que le 22e régiment
royal, le seul entièrement francophone de l’armée canadienne, y est
fièrement installé. L’été, ses membres
arborent leur plus bel apparat, la tenue
rouge écarlate et le fameux bonnet à
poils d’ours, pour la cérémonie de la
relève de la garde. Le musée, récemment restauré, relate les faits d’armes
du Canada. Anecdote intéressante,
William Lyon Mackenzie King, Winston Churchill et Franklin Delano
Roosevelt y ont tenu un sommet décisif au cours de la seconde guerre
mondiale.
6
Le quartier
Petit-Champlain
Autrefois grouillant d’activités avec le
port à côté et les marchants venant y
brasser des affaires, le quartier PetitChamplain n’était plus que l’ombre de
lui-même. La tentation fut forte de démolir les maisons abandonnées pour
rebâtir avec un look d’antan. Mais
deux visionnaires, l’architecte Jacques
de Blois et l’entrepreneur Gerry Paris
ont résisté et offert une cure de jeunesse aux immeubles existants.
Une coopérative formée d’artisans et
de petits commerçants rachetèrent
les bâtiments et s’y installèrent en
1985. Gage de ce succès, la rue du Petit-Champlain a récemment été nommée la plus belle du pays.
Descendez plus près de l’eau pour
vous rendre au Musée de la civilisation puis, sur la rue Saint-Paul où vous
trouverez antiquaires (attention aux
prix parfois gonflés) et restaurants.
Si la cuisine du Légende offre des
repas gastronomiques moyennant
une facture raisonnable, le Buffet de
l’antiquaire, beaucoup plus modeste,
permet aux touristes curieux et aux
Québécois nostalgiques de se régaler
de plats faits maisons typiquement
locaux comme le ragoût de boulettes
de pattes de cochons, la poutine ou le
cipaille.
5
6
LES ADRESSES D'ANNIE MATHIEU
◆ Épicerie Moisan : 699 rue St-Jean
◆ Bar Le Sacrilège : 447 rue St-Jean
◆ Bar Le Projet : 339 rue St-Jean
◆ Le MNBAQ : parc des Champs-deBataille
◆ Café Krieghoff : 1089 avenue Cartier
◆ La Citadelle : 1 côte de la Citadelle
◆ Musée de la civilisation : 85 rue
Dalhousie
◆ Restaurant Légende : 255 rue St-Paul
◆ Restaurant Le Buffet de l'antiquaire :
95 Rue St-Paul
Amoureux.
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© photos : 1_meunierd / Shutterstock.com 2_Ville de Québec, Chantal Gagnon 3_ Luc-Antoine Couturier
4_ Adrien Hébert, Rue Saint-Denis (détail), 1927. Huile sur toile, 190,6 x 138,2 cm. courtesy MNBAQ 5_ Citadelle 6_ Louis Vézina
giques au fil des années, se déroule tous
les ans sur les lieux de la défaite, le 23
juin. Un festival de musique attire l’été
des foules impressionnantes et des artistes de renom, dont Paul McCartney,
Céline Dion et les Rolling Stones. Les
plaines sont aussi le terrain de jeu idéal
des joggeurs pendant la période estivale, celui des fondeurs en hiver et des
jeunes bécoteux 4 de toutes saisons.
ESCALES
ESCALES
CAMBODGE
Chef-d’œuvre pictural
du Cambodge
La pagode de Kampong
Tralach fascine par ses fresques.
Un patrimoine historique
plusieurs fois menacé à
découvrir absolument.
© Florian Chavanon
© Samuel Bartholin
Par Samuel Bartholin ¬
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Vue depuis la rivière, Kampong Tralach offre le profil d’une petite bourgade dominant les berges de cet affluent du Mékong, reliant la capitale Phnom Penh à l’immense lac Tonlé Sap, plus au
nord. Une fois à quai, on découvre un environnement verdoyant,
dû à la présence des eaux qui baignent tout le terroir durant la
mousson. La hauteur des pilotis sous les maisons témoigne de
ces crues qui mêlent ensemble l’eau et la terre au profit des plants
de riz et d’une végétation vivace. Ici cohabitent en bonne entente
des fermiers khmers et des Chams, minorité musulmane proche
culturellement du monde malais et qui exerce de longue date les
métiers liés à la pêche.
C’est une ancienne pagode bouddhiste, le Wat Kampong Tralach Leu, qui retient
l’attention du visiteur, avec ses superbes peintures murales miraculeusement
conservées. Pour accéder à cet ensemble religieux, on emprunte le chemin partant de la grande arche en bord de route, bordée d’un massif de bougainvilliers.
Au bout, réside dans quelques bâtiments épars une communauté réduite de huit
moines. À l’écart se dresse le vihara, le sanctuaire où ces derniers viennent prier
quotidiennement. Il date du milieu du XIXe siècle, mais certains détails laissent
deviner une occupation beaucoup plus ancienne : la base repose sur une terrasse bordée de latérite, qui évoque les temples de pierre du Cambodge ancien,
comme à Angkor. La pagode bouddhiste a peut-être pris la suite d’une telle structure disparue.
L’intérieur du sanctuaire baigne dans la fraîcheur et le demi-jour, abri précieux
contre les rigueurs du climat tropical. Les statues de Bouddha sur l’autel tournent
leur regard serein vers l’Orient. Le nôtre se porte sur les fresques qui couvrent les
murs, trésor peint fourmillant de détails, dominé par les tons or, ocre et bleu. À
l’instar des vitraux des églises, les peintures murales visent l’édification des fidèles, mettant en scène la vie du Bouddha historique, ainsi que des épisodes tirés
des récits de ses nombreuses vies antérieures, les Jataka. Le style, daté du milieu
du XIXe siècle, début XXe, témoigne par sa qualité d’exécution de l’influence de
l’art de la cité royale d’Oudong, sise non loin de là, mais aussi de l’inspiration plus
populaire des campagnes. Le décor s’inspire du quotidien des auteurs : des personnages en sarong déambulent dans un paysage semé de maisons hautes et de
palmiers à sucre. L’expression soignée des visages et des attitudes donne vie à cet
univers. Et la patine du temps ajoute encore à l’envoûtement.
Mais il s’en est fallu de peu que ce patrimoine disparaisse. « En 1975, les Khmers
rouges avaient transformé l’endroit en dépôt de sel, ainsi qu’en prison », explique Pos
Searey, jeune professeur d’anglais et de pali (la langue de la liturgie bouddhique),
très attaché à la pagode. Dans tout le pays, des dizaines de peintures murales ont
ainsi souffert des outrages de la guerre. Au Wat Kampong Tralach Leu,
l’UNESCO a cependant lancé une opération de restauration dans les années
1990. Le chef de la pagode, le vénérable Men Thot, âgé de 68 ans, se montre aujourd’hui très soucieux de sa préservation. « Nous disposons d’un temple presque
unique dans le pays, qui fait l’admiration des visiteurs », explique-t-il. Un vestige
précieux, un sanctuaire hors du temps à découvrir au cœur de la campagne
cambodgienne.
RdM
070
ESCALES
© DR
CAMBODGE
S’arrêter place de la Poste centrale à Phnom Penh, c’est faire un saut dans le temps, à une époque où
la France exerçait sa tutelle sur le Cambodge. Malgré les affres du temps et quelques ajouts postérieurs, le quartier a conservé l’essentiel de son architecture coloniale. Ses bâtisses solennelles aux
teintes jaunes et aux stucs en chaux évoquent de loin quelque préfecture provençale. Les constructions ont été réalisées entre 1890 et 1920, période charnière au cours de laquelle le protectorat français façonne la capitale cambodgienne autour de boulevards ombragés qui lui valent le surnom de
« Paris de l’Orient ». Phnom Penh est alors divisée entre un quartier cambodgien, près du Palais
royal, un quartier chinois, autour du marché central, et enfin, le quartier européen, où l’administration coloniale se concentre autour de la colline du Wat Phnom, site légendaire de fondation de la
cité. « C’est l’endroit en ville où se concentrent les plus beaux bâtiments d’époque », explique dans un français
impeccable, Su Do, 47 ans, dont la boutique, à la fois agence de voyages et échoppe de souvenirs,
donne de plain-pied sur la place.
UNE PLACE CHARGÉE D’HISTOIRES
La Poste, de son imposante stature, domine la place avec ses ailes
et son corps central coiffé d’une horloge. À l’intérieur de l’édifice,
quelques photos en noir et blanc, sur lesquelles les usagers qui se
pressent aux guichets posent un œil à peine intéressé, rappellent
son passé. Règne ici une atmosphère compassée dont la fraîcheur
tranche agréablement avec la lourdeur du climat tropical au dehors.
À l’extérieur, au nord, le regard est attiré par la silhouette austère
d’un bâtiment aujourd’hui désert, mais qui abritait un commissariat de police sous le protectorat. C’est dans ses murs, ainsi que
dans le restaurant qui lui fait face, que fut tourné en 2002 City of
Ghosts, film de l’acteur et réalisateur américain Matt Dillon, venu
capter l’atmosphère convalescente du Cambodge à peine remis
de longues années de guerre civile. Gérard Depardieu y interprétait un rôle de tenancier d’hôtel un brin fantasque.
Place
de la Poste,
Phnom Penh
à l’heure
française
ANDRÉ MALRAUX, CLIENT INDÉLICAT
Juste en face de la Poste, on aperçoit la façade décrépite de l’hôtel
Manolis, qui fut pourtant dans les années 1920 un lieu de grand
standing. En piteux état, il est aujourd’hui divisé en habitations.
André Malraux fut en 1924 son résident le plus illustre. Le futur ministre de la Culture du général De
Gaulle était alors un jeune dandy peu scrupuleux, à l’origine d’une expédition rocambolesque en Indochine visant à s’emparer des bas-reliefs d’un temple angkorien près de Siem Reap. Pris sur le fait, il
dut séjourner quatre mois à l’hôtel en compagnie de sa femme, Clara, dans l’attente de son procès.
Condamné d’abord à six mois de prison ferme, puis à du sursis en appel, l’écrivain put repartir libre.
Les mauvaises langues prétendent qu’il ne régla pas la note à son départ...
Enfin, au numéro 5, à l’entrée de la place, se trouve une superbe villa occupée autrefois par une succursale de la banque d’Indochine. Une riche famille cambodgienne, les Van, était entrée en possession des lieux dans les années 1960, avant de se réfugier en France durant la guerre. Leurs enfants
ont pu cependant racheter les murs en 2003 et y ouvrir un élégant restaurant, le Van’s. Le cadre
parfait pour renouer le temps d’un dîner avec les fantômes évanouis de l’histoire tumultueuse de la
Par S. B.
capitale cambodgienne.
RdM
071
N° 1 / 2015
ESCALES
VIETNAM
© Vietnam Art
Par David Dibilio ¬
On accoste à Sadec depuis une portion paisible du Mékong. Vinh Long et
l’agitation de son marché central, distante de quelques kilomètres au sud, a
laissé la place à des paysages plus reposants et sauvages. Au nord, les terres
s’enfoncent doucement dans les méandres du grand fleuve jusqu’à se perdre
définitivement dans l’eau.
Depuis l’embarcadère, on pénètre immédiatement sur la place du marché,
dans le cœur même de la vie locale, animée ou parfois plus calme selon
l’heure. Comme partout dans le sud du pays le matin est le moment privilégié de l’activité humaine. Les échanges sont nombreux, le mouvement permanent et bruyant. À mesure que la chaleur et l’humidité deviennent pesantes, l’agitation urbaine tend à
s’apaiser progressivement.
Quand on vient de Ho-Chi-Minh-ville, située à 130 km au sud-ouest, on est surpris par le cachet défraîchi des
façades qui bordent l’immense place du centre. Des ruelles étroites où se faufilent avec agilité mobylettes et
fourgons de marchandises entourent le marché couvert, dont la structure ressemble à s’y méprendre à celle
d’une église. Sadec offre encore aux regards des visiteurs les traces d’une architecture coloniale qui tend à s’effacer partout dans le pays et un mode de vie à distance de la technologie et de la modernité des villes voisines.
Dès les premiers pas, c’est une immersion dans le commerce de rue encore typique et bruissant du delta. On
est saisi par la palette des effluves qui s’échappent des étals où se côtoient le poisson séché, les épices et la soupe
que l’on mange à toute heure. À quelques centaines de mètres, une maison aux couleurs vives attire les regards
curieux. C’est un hôtel-musée dont les murs de la cour intérieure affichent un bleu turquoise qui tranche avec les
nuances délavées des maisons attenantes. La demeure a été celle du Chinois, le personnage principal du roman
de Duras, L’Amant.
Le visiteur attentif remarquera la présence de nombreux marchands de fleurs. Sadec, connue en France
et en Occident pour avoir vu grandir l’auteure française, est également réputée pour son horticulture qui
alimente le marché mondial.
Pour voir les exploitations horticoles, il faut sortir du centre et emprunter les routes à la périphérie. Au plus
fort de la période de floraison, les couleurs des centaines de variétés de fleurs offrent un spectacle unique
qui s’étale sur des dizaines de kilomètres autour de la ville. Les nuances orangées des fleurs de da lat
narguent avec insolence les rouges vifs des pétales de roses et les jaunes éclatants de la fleur d’ochna.
Des hommes et des femmes entretiennent soigneusement ces plantes, alignées méthodiquement pour
former de longues allées de pots suspendus ou à même le sol. L’activité fait vivre plus de 1 700 familles,
fournissant 6 à 8 millions de bouquets par an et le chiffre d’affaires dépasse les 30 milliards de dongs annuels (1 milliard d’euros environ).
L’horticulture contribue ici de manière significative à la croissance économique de la région, grâce à
des conditions climatiques favorables. En témoigne, à quelques minutes à pied du centre, le jardin de
Tu Ton, célèbre pour ses cinquante variétés de roses.
RdM
Sadec
Joyau floral du delta
N° 1 / 2015
072
BIRMANIE
ESCALES
Le lac Inle
Nature, calme et volupté
Cadre idyllique, le lac Inle est le théâtre
d’une vie comme figée dans le temps.
Par Whitney Light ¬
© Jimmy Tran
À l’aube quand les premiers rayons du soleil illuminent les montagnes de l’État
Shan, une brume quasi irréelle se lève sur le lac Inle. C’est depuis le port de
Nyaung Shwe que les touristes et les habitants accèdent au lac. Il s’étend sur
21 km par 11 de large. « Les fils du lac », comme ils se nomment dans leur
dialecte, sont une des minorités ethniques birmanes, les Inthar. Friands de
baignades, on les voit naviguer sur leurs barques pour pêcher ou par plaisir,
immortalisés par les images de cartes postales. Enroulant une jambe autour
de leur rame, en équilibre à l’extrémité de leur pirogue, les pêcheurs utilisent
leurs mains libres pour balancer une cage en bambou bordée d’un filet.
Mais la magie du lac tient aussi à ses villages construits sur l’eau avec leurs
maisons en bois de bambou tissé, montées sur pilotis. À proximité, les jardins
flottants où poussent principalement des plants de tomates, l’aliment de base
des Birmans, étonnent par leur singularité : construits au fil des années sur les
berges par l’accumulation de jacinthes d’eau et de mauvaises herbes, ces amas
sont ensuite découpés en larges bandes et tirés dans l’eau pour être cultivés.
L’artisanat est l’autre activité principale du lac Inle. Dans le village Inn Paw
Khone, un atelier textile familial fabrique des tissus en lotus. On entrouvre
chaque tige de la fleur centimètre par centimètre et la résine collante est enroulée à la main autour d’un fil très mince. D’autres artisans roulent des cigares ou tissent du coton, fabriquent des bijoux en argent, des laques et des
poteries.
L’écosystème du lac est unique au monde. Mais le temps presse. Très peu profond, soumis à une pression touristique exponentielle, les experts craignent
sa disparition pure et simple à courte échéance. Le gouvernement commence
à prendre des mesures de sauvegarde et le droit d’accès de 10 dollars demandé
à chaque touriste permet de soutenir ces efforts.
© Elena Yakusheva
RdM
073
N° 1 / 2015
Coucher de soleil sur le pont d’U Bein à Amarapura, Birmanie
BIRMANIE
ESCALES
Laque birmane,
artisanat d’excellence
Pratique artisanale ancestrale, la laque requiert un savoir-faire
méticuleux, réputé en Birmanie. Les pièces réalisées à la main,
véritables œuvres d’art, ravissent les touristes. Encore faut-il savoir
reconnaître une laque de qualité parmi toute la production proposée.
Visite et conseils dans l’une des laqueries de Bagan.
Par Sebastien Righi ¬
Patience et minutie semblent être les maîtres-mots qui prévalent à la fabrication de cette multitude d’objets présents sur tous les marchés birmans.
Assiettes, bols, boîtes à bijoux, objets du quotidien ou pièces exceptionnelles,
dire que les laques birmanes sont faites main n’est pas un vain mot. Et quelle
dextérité ! Nous avons visité l’atelier Tun dans la ville nouvelle de Bagan.
Extraite du thit-si, un arbre de la famille des anacardiacées poussant dans la
région du lac Inle, la laque est une résine cuite qui, mélangée à des colorants,
sera appliquée en couches successives (entre 7 et 18 couches pour les laques
les plus raffinées) sur des supports en bambou. Dans l’atelier de madame Moe
Moe, atelier familial centenaire tenu par deux sœurs, nous suivons une dizaine d’ouvriers à chaque étape de fabrication : effilage du bambou à la main,
tressage des objets avec du crin de cheval, application de quatre couches de
mélasse noire – mélange de laque et de cendre – puis séchage dans une cave
pendant plusieurs mois, dessin des motifs au stylet à main levée, application
des couleurs, couche par couche, ponçage, puis application d’une laque incolore, une opération qui sera répétée pour chaque couleur. Un travail fastidieux
qui force l’admiration, tant il requiert du temps et des compétences de plus en
plus rares, nous confie la propriétaire du lieu.
Chaque atelier crée des motifs originaux généralement inspirés d’animaux ou
des peintures murales des temples de Bagan. Les supports en coquillage ou
coquille d’œuf sont la dernière mode en Birmanie. Il faut noter que les prix
abordables pour les locaux, qui achètent là aussi bien des boîtes à cigares que
des bols à offrandes pour les moines, sont multipliés par trois pour les touristes. Négocier fait ainsi
partie du rituel.
Les prix varient fortement
en fonction du nombre de
couleurs et de la minutie
du travail. « Une laque lisse,
sans traces ni irrégularités,
uniformément brillante, est
un gage de qualité. » Conseils précieux de madame
Moe Moe.
RdM
Quand
l’Éveillé
s’endormit
À la fin de sa vie, après avoir donné ses derniers enseignements,
le Bouddha se retira et s’absorba dans la méditation qui allait le
conduire au nirvana. C’est cet épisode particulier que représentent
les images du Bouddha couché, dans cette position si particulière :
allongé sur le côté droit, sa tête reposant sur sa main, il esquisse un
sourire serein et énigmatique. Simplement endormi ou déjà mort,
nous le devinons à la position de ses pieds : croisés l’un sur l’autre
ou parallèles.
On trouve des dizaines d’exemples de cette statuaire en Birmanie.
Celui de la pagode Chauk Htat Gyi, construit à la fin du XIXe siècle
et mesurant près de 60 m de long, compte parmi les plus riches
et les plus vénérés. La tête de Bouddha est surmontée d’une couronne de pierres précieuses et de diamants, son corps recouvert de
feuilles d’or. Il ne lui en fallait pas moins pour quitter son existence
physique.
Par S. R.
RdM
075
N° 1 / 2015
ESCALES
CHILI
Valparaiso,
mythe poétique
© Hugo Brizard
Valparaiso accueille chaque
année des centaines de
milliers de touristes venus
du Chili et de l’étranger.
La beauté et les charmes
de cette ville portuaire sont
innombrables.
Par Bettie Sans ¬
Ses maisons accrochées au flanc des collines,
ses ruelles qui semblent vouloir plonger dans
l’océan, ses toits pastel, ses façades aux couleurs
méditerranéennes et tagguées de slogans politiques, ses escaliers et ses funiculaires dignes
d’un San Francisco latin, tout ici concourt au
mythe et au charme de Valparaiso.
Jadis, son nom évoquait un havre de paix pour
les marins en provenance du Cap Horn. Pourtant ni les séismes, ni les incendies, ni même les
tsunamis n’ont épargné le Val Paradis, du nom
du village andalou dont était originaire Juan de
Saavedra qui découvrit la baie en 1536. Longtemps délaissée après l’ouverture du canal de
Panama, Valparaiso connaît aujourd’hui une véritable renaissance. Elle accueille les artistes de
tout le pays, qui fuient Santiago l’internationale,
et une vie étudiante trépidante avec pas moins
de cinq universités. Depuis 2003, la ville est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
RdM
N° 1 / 2015
Un air de tango, un parfum d’océan… Qui mieux que Pablo Neruda pour décrire la beauté frénétique et intangible de cette ville ? Toute l’ambiance et l’histoire mouvementée de la mythique
Valparaiso – les récents incendies n’en sont que le dernier avatar - se retrouvent dans cette Ode à
Valparaiso dont nous vous proposons une traduction.
VALPARAISO,
Quelle absurdité
Quelle folie
Tu es un port fou.
Quelle tête aux collines,
échevelées,
jamais tu ne te coiffes
jamais tu n’as pris le temps de te vêtir,
toujours la vie t’a surpris
et la mort t’a réveillé, en chemise,
en dessous à franges colorées,
nu avec un nom
tatoué sur le ventre,
et un chapeau,
le tremblement de terre t’a attrapé,
et comme fou tu as couru,
en te rompant les ongles,
les eaux et les pierres
se sont déplacées,
les trottoirs,
la mer, la nuit, et toi tu dormais à terre,
fatigué de naviguer,
et la terre, en furie,
déferla ses vagues
tempétueuses […]
Vite, Valparaiso, marin,
tu oublies les larmes,
tu accroches de nouveau tes maisons,
tu peins tes portes en vert,
tes fenêtres en jaune,
tu transformes tout en bateau,
tu es la proue rapiécée
d’un petit et valeureux navire.
[…]
Valparaiso, si petite
comme une frêle chemise
accrochée sur tes fenêtres en lambeaux
qui se balance au vent de l’océan,
en s’imprégnant de toutes les douleurs de ton sol
tu reçois
la rosée de la mer, le baiser
de cette grande mer colérique
qui de toute sa force
frappe ta pierre
sans jamais t’assommer
parce que sur ta poitrine australe
sont tatoués la lutte,
l’espoir, la solidarité et la joie
comme des ancres
qui résistent aux vagues de la terre.
076
PATAGONIE
ESCALES
Les Yagans, un peuple disparu
C’est aux indiens Yagans, appelés aussi Yamanas, que la Terre de
feu doit son nom. Les recherches ethnologiques et archéologiques
récentes en font les premiers habitants de ces îles du bout du monde.
Ils ont aujourd’hui tous disparu.
Quand Magellan arrive en 1519 dans le détroit
qui portera ensuite son nom, à la recherche d’un
passage vers les Indes, il rencontre sur sa route
les Amérindiens Yagans qui allument des feus
sur les rivages. Ce peuple nomade vit alors sur
l’eau et habite le sud de la Patagonie et les rivages
du canal de Beagle. Les feus qu’ils entretiennent
sur leurs canots leur permettent de survivre au
froid humide.
On considère qu’ils sont arrivés jusqu’au cap
Horn il y a environ 6 000 ans. C’est alors un
peuple de pécheurs au harpon qui vit sur ses canots. À terre, ils se nourrissent aussi de guanaco,
le lama argentin. Thomas Bridge, un anthropologue américain a étudié la langue yamana
et dénombré plus de 32 000 mots, une richesse
lexicale comparable au français.
L’arrivée des colons européens leur sera fatale.
Leur nudité, leur petite taille et leurs corps
peints font de ces indiens de véritables objets
de foire, allant jusqu’à être présentés en Europe
dans des cages comme des animaux. Sur place,
ils sont décimés par des maladies importées,
notamment une épidémie de rougeole, que leur
système immunitaire n’était pas en mesure de
combattre.
Surtout, le Chili et l’Argentine offrent des milliers d’hectares à quelques familles d’origine
européenne pour y élever des moutons et peupler la région. On massacra alors les troupeaux
de guanacos, nourriture de base des Yagans. Et
comme ces derniers se mirent à voler des moutons pour se nourrir, on les massacra également.
Les éleveurs, dont certains possédaient des millions d’hectares, payaient les chasseurs une livre
par paire d’oreilles d’indien. En 1900, ils avaient
déjà tous disparu.
Cette histoire sombre fait aujourd’hui l’objet
d’études au Chili après des décennies d’omerta. De ces indiens, il ne nous reste que des pho-
tographies et quelques témoignages précieux
d’ethnologues et de missionnaires et leur fantomatique présence dans les légendes de ces
terres de feu. Leur histoire est retracée dans le
musée Martin Gusinde à Puerto Williams et
une formidable maison-musée leur est dédiée
au sud de l’île Novarino. Par B. S.
RdM
Antoine de Tounens,
roi français de Patagonie !
Fou ! C’est ainsi que le déclare la cour de Santiago en 1862 avant de réclamer son internement. Grandeur et décadence d’un petit avoué français né à Périgueux qui s’autoproclama roi de Patagonie.
Mythomane ou illuminé ? Peu importe. Sa légende a survécu aux siècles. Il débarque au Chili en 1858 à
une époque où les indiens Mapuches sont en guerre contre le pouvoir central de Santiago. On ne sait
par quel miracle il arrive à convaincre le chef indien Quilipan de fonder un royaume mapuche dont il se
fait élire roi : Orélie-Antoine Ier, roi d’Araucanie ! Il obtient le soutien des indigènes, promettant de les
défendre dans leur lutte et dote son royaume d’une Constitution avant d’être arrêté deux ans plus tard.
Mais rien ne peut le détourner de son destin royal. Orélie-Antoine repart à la conquête de son royaume
en 1869 puis en 1874. Cuisants échecs dont il rentrera ruiné, laissant derrière lui son royaume d’opérette. Sur sa tombe en Dordogne, on peut lire : « Ci-gît Orelie-Antoine Ier, roi de Patagonie, décédé le
18 septembre 1878. » Qui pourrait croire qu’un tel royaume subsiste encore ? Et pourtant depuis 1878,
jamais le trône d’Araucanie n’aura été vacant. Pas moins de six rois et reines lui ont succédé jusqu’à nos
Par B. S.
jours. Les plus beaux royaumes sont souvent les royaumes imaginaires.
RdM
077
N° 1 / 2015
EN VRAC
ICÔNE
© DR
ICÔNE
ESTELA DE CARLOTTO
Par Camille Lavoix
Un fichu noué sur la tête, Estela de Carlotto fait le tour de la place de Mai, inlassablement, aux côtés d’un groupe de dames qui se réunit chaque jeudi depuis 1977. Ces mères et grands-mères ont commencé à occuper la place principale de Buenos Aires en pleine dictature (1976-1983) pour protester contre
l’assassinat de leurs enfants et l’enlèvement de leurs petits-enfants nés dans
les prisons. Donnés en adoption à l’entourage des militaires, ces enfants retrouvent petit à petit leur famille grâce à la lutte de leurs grands-mères. Ainsi, en août 2014, Estela de Carlotto, l’iconique présidente des Grands-mères,
retrouva-t-elle finalement son petit-fils après 36 ans de lutte acharnée, le 114e
« petit-fils récupéré ». La famille recomposée a ensuite été reçue par le pape en
novembre 2014.
Née en 1930, Estela était institutrice puis directrice d’école avant l’assassinat
de sa fille Laura en 1977. Deux mois avant, Laura avait donné naissance à Guido dans un centre de détention. Sa grand-mère Estela endossa alors le rôle de
militante pour le retrouver, encouragée par les Nations unies qui lui ont octroyé
le prix des Droits de l’homme en 2003. Estela et les grands-mères de la place de
Mai sont aussi soutenues par de nombreuses personnalités depuis leurs débuts.
« Le monde peut être tranquille avec autant de femmes braves », avait déclaré Bono
avant de les faire monter sur la scène du concert de U2 en 1998. Sting avait fait de
même en 1987 lors de sa chanson Elles dansent seules interprétée à Buenos Aires
mais inspirée de l’histoire similaire des femmes chiliennes et de leurs « disparus » sous Pinochet (le dictateur qui gouverna le Chili).
À Buenos Aires, vous trouverez un bar fondé par les mères de la place de Mai,
avec de nombreuses photos de leur lutte, mais attention à ne pas confondre.
Rien à voir avec Estela, il s’agit d’une autre association, car il en existe plusieurs : Madres de Plaza de Mayo présidée par Hebe de Bonafini, Madres de
Plaza de Mayo Línea Fundadora, présidée par Marta Ocampo de Vásquez et
Abuelas de Plaza de Mayo, présidée par Estela de Carlotto.
RdM
N° 1 / 2015
078
PORTRAIT CHINOIS
EN VRAC
Portrait chinois
Si la
Birmanie
était…
Réponses de Sylvie Vay, Strasbourg.
Croisiériste Rivages du monde ¬
Une couleur
Le rouge pour la couleur du kesa,
la robe traditionnelle des moines
bouddhistes birmans, et pour l’embrasement du soleil quand
il se couche.
Un trait de caractère
La résignation. Imprégnée
par-dessus tout de la pensée
bouddhiste, la Birmanie apprend
à vivre sans désir, sans ostentation,
pour ne pas avoir à supporter
la souffrance et atteindre à une
sorte de nirvana collectif.
Un sentiment La quiétude.
Une odeur
Un mélange d’épices.
Une musique Le tintement de la cloche
des pagodes mêlé au murmure
des prières.
079
Une peinture Sur soie brodée rehaussée de fils
d’or.
Une fleur
Le lotus.
Un animal
Le chat, le sacré de Birmanie,
aux yeux couleur saphir, mais aussi
le chat sauteur du monastère
de Nga Phe Chaung, au bord
du lac Inle.
Un poète
Tin Moe, originaire de Birmanie,
d’abord connu pour ses poèmes
pour enfants qui magnifient la
beauté de la nature birmane et
que l’on trouve dans les manuels
scolaires. Il consacre ensuite son
œuvre à lutter contre la dictature
jusqu’à connaître procès et exil.
Un personnage historique
Aung San Suu Kyi.
Un objet
Une pirogue de pêcheur
équilibriste du lac Inle.
Une pierre précieuse
Le saphir.
Un plat
Un mohinga de crevettes, mais
avec un bol de riz de toute façon.
Un sport
Nautique, car ce pays vit sur ou au
bord de l’eau qu’il apprivoise
et maîtrise.
Un monument
Une pagode.
Une devise
Je prie et ne romps pas. Dans toute
son attitude le peuple birman reste
digne et continue son combat souterrain contre la dictature.
N° 1 / 2015
VIN
EN VRAC
ÀBordeaux ou à Mendoza, en fait dans chaque fief vinicole de la planète, on ne le
présente plus. Michel Rolland fait la pluie et le beau temps dans ce petit monde,
un peu trop au goût de certains.
L’œnologue a été le protagoniste du documentaire Mondovino réalisé par Jonathan Nossiter (présenté au festival de Cannes en 2004) dont une partie a été
tournée en Argentine. Sur l'une des séquences de fin, on découvre la famille
Etchart qui a fait venir le spécialiste français à Cafayate, dans le nord du pays.
Ensemble ils créent le vin Yacochuya, du nom du fleuve qui traverse cette région montagneuse et signifie « eau claire » en langue quechua. Une évocation
paradoxale au regard des commentaires désobligeants des Etchart dans le documentaire : les indigènes seraient paresseux et refuseraient le progrès.
Toujours est-il que suite à l’appel des Etchard, Michel Rolland et Dany, sa
femme, se prennent de passion pour l’Argentine et y voient un sérieux potentiel.
Durant deux décennies, ils investissent avec d’autres propriétaires du Bordelais
dans la vallée de l’Uco, au sud de Mendoza, et fondent le Clos de los Siete. La
propriété qui s’étend sur 850 ha au pied de l’imposante cordillère
des Andes est divisée en plusieurs établissements viticoles dont
chacun contribue à l’élaboration de ce vin phare. Produit depuis
2002 à environ 1 000 m d’altitude, cette référence franco-argentine s’est fait une place solide sur toutes les cartes des grands restaurants et dans toutes les caves de renom.
Ce n’est pas un hasard, répliquent les détracteurs de Rolland, qui
dénoncent une véritable machine marketing broyant tout sur son
passage. L’amitié de l’œnologue avec le critique le plus influent
au monde, Robert Parker, n’est pas un secret. Dans son célèbre
guide (Le Parker), l’Américain décerne des notes sur 100 : autant
Yacochuya (qui a pourtant disparu des radars internationaux depuis) que Clos de los Siete ont été adoubés par l’expert.
Le style Rolland, on aime ou on déteste, mais même ceux qui ne
supportent pas « ce business man pédant qui méprise le terroir et les
paysans » admettent que personne n’assemble et ne goûte comme
lui. Flying winemaker et technicien hors pair, il conseille plus de
150 châteaux dans le monde, il est aussi une icône régulièrement
suivi par une nuée de fans chinois qui le photographient à tout-va
dans sa fameuse voiture avec chauffeur.
Une laborantine reconnaît : « Son labo a toujours eu 10 ans d’avance
sur les autres. » En Argentine, le vin Clos de los Siete est élaboré
principalement à base de malbec, le cépage-roi et la valeur sûre
du pays. Pour la complexité de l’assemblage, il est accompagné
de cabernet sauvignon, de merlot, de syrah et, dans une moindre
mesure, de petit verdot et de cabernet franc. Le tout à partir
d’une vigne travaillée comme pour un grand cru classé de BorMenchón ¬
deaux : vendanges vertes et effeuillage au menu.
Un maître de chai ayant dégusté en compagnie de Rolland renchérit : « Maintenant on est dans la course à l’armement, Rolland a dynamité le milieu du Bordelais et du vin en général. Ce n’est pas parce qu’un mec fait du vin comme il y a 300 ans, qu’il est super
sympa et qu’il t’invite à bouffer qu’il fait du bon vin. »
Rolland, le controversé, a sûrement compris qu’il n’avait pas que des amis dans le monde de la viticulture. « On
en entend moins parler, maintenant c’est redevenu plutôt une sûreté technique, moins une marque commerciale, il s’occupe
de beaucoup de châteaux en France, en Argentine et ailleurs sans en parler publiquement », conclut le maître de chai.
Ils sont en tout cas nombreux à lui reconnaître ce mérite : par ses positions singulières et parfois dérangeantes, il
contribue à faire bouger un milieu qui, en France, n’est pas toujours prêt à se remettre en question. Ajoutons qu’il
est aussi l’un de ceux qui ont fortement contribué à la coopération et aux échanges viticoles entre l’Argentine et la
France.
Michel Rolland, le Napoléon
du vin
Dans le microcosme du vin, il est le
flying winemaker français le plus connu
et probablement le plus respecté.
Ses collaborations et ses conseils sont
synonymes de réussites en France mais
aussi en Argentine. Loin de laisser indifférent,
l’homme suscite l’adoration chez certains
et l’hostilité chez d’autres. Portrait.
Par Camille Lavoix ¬
Photographie Agustín Pablo
RdM
N° 1 / 2015
080
GASTRONOMIE
EN VRAC
Rafael Arenas
Fuentes,
cuisiner l’ailleurs
Le chef d’origine chilienne,
Rafael Arenas Fuentes,
a ouvert son premier
restaurant en 2001 à Paris.
Nouveau nom, nouvelle
carte, nouveau concept.
Rendez-vous en Terres du sud,
du nom de son nouveau
restaurant.
Une curiosité boulimique et la volonté
de créer son propre langage culinaire,
voilà ce qui a poussé Rafael Arenas
Fuentes à parcourir en bus les routes
du Chili, du Pérou, du Brésil et de l’Argentine, trois mois durant en 2014, à la
découverte de nouvelles saveurs et de
savoir-faire. Il rentre à Paris des idées
Par Sebastien Righi ¬
plein la tête pour proposer une nouvelle
carte, inspirée de ce monde latinoaméricain qui est le sien.
Mais son horizon est plus complexe. À son image, il est le fruit d’un savant mélange de cultures.
Dans une recherche du « mieux faire » permanente, comme une volonté de se dépasser soi-même,
Rafael opère un métissage de sa cuisine, dans la vague de la cuisine fusion, établissant des parallèles, des mariages originaux. Ainsi revisite-t-il le fameux pastel de choclo, le hachis parmentier
chilien, en mariant du confit de canard allégé par un vinaigre de pomme à de la purée de maïs au
basilic. Rien d’étonnant alors à ce qu’à l’occasion d’un mariage franco-chilien, il ait eu l’idée d’une
pièce montée, archétype de la pâtisserie française, fourrée à la lucuma, ce fruit sud-américain,
inconnu en France.
Enfant déjà, il courait les pâtisseries de Santiago avec sa sœur. Leur mère, responsable d’un réfectoire communautaire pour ouvriers, lui a enseigné cette cuisine chilienne et ses riches produits,
fruits d’une agriculture et d’une viticulture prospères, qu’il envisage d’importer aujourd’hui. Mais
cette enfance baignée dans l’ambiance des cuisines prend fin avec le coup d’État militaire. La famille doit s’exiler en 1976. Il a 17 ans. Une vie rocambolesque digne d’un personnage de roman le
voit alors conduire les siens dans l’exil, apprendre le français à Bordeaux, travailler comme informaticien, devenir père de famille… jusqu’à ce qu’un mariage change le cours de sa vie.
Celui de son frère cadet, pianiste professionnel. Le père de la mariée, regardant Rafael cuisiner devant lui un canard à la cerise, l’enjoint tout à coup : « Laisse tomber l’informatique et lance-toi dans la
cuisine ! » Il a face à lui Jean François Decraene, l’auteur du Tour de France par un gourmand. Ce sera
le déclic. Rafael s’associe avec un restaurateur colombien auquel il propose ses empanadas, ces fameux chaussons à la viande chiliens qui rencontrent un tel succès qu’il ouvre dans la foulée son premier restaurant, typiquement chilien. En guise de plat du jour, il lance un plat du monde, un voyage
culinaire quotidien. Cette quête d’un ailleurs par la cuisine le suivra toujours, lui qui affirme : « Il faut
que je puisse m’évader par ma cuisine. »
081
© F. Chavanon
Terres du sud, son nouveau restaurant, joue la
carte de ce dialogue gastronomique, dans une
recherche d’harmonie permanente. Le chef se
mue en chef d’orchestre. « La cuisine a beaucoup
à voir avec la musique. Les ingrédients sont comme
des notes de musique, des nuances de goût. Chaque
cuisinier est un interprète. Un toucher plus appuyé,
c’est une cuisine plus épicée, un toucher plus doux, c’est
une cuisine plus sucrée. » Le frère pianiste n’est pas
loin. La carte met à l’honneur les vins du Chili
dont le fameux carménère, ce cépage français
disparu en 1892 après l’épidémie de phylloxéra.
Ne pas manquer le Tarapaca, son vin fétiche,
plus que centenaire, dont les vignes poussent
sur les pentes d’un volcan. Le Chili est ici partout. Le mal du pays ? Pas vraiment cependant.
Rafael a fait siens son pays d’adoption et sa gastronomie. L’endroit ne paie pas de mine mais ce
petit coin de Paris opère un métissage culinaire
inattendu.
RdM
Terres du sud
7 rue de Cadix, 75015 Paris
Tél. : +33 (0)9.81.99.14.85
Du mardi au samedi, de 11h30 à 14h30 et de 18h30 à 23h
N° 1 / 2015
EN VRAC
RECETTE
LA SOUPE PHO
Plat traditionnel vietnamien
Par Christine Pham ¬
Photographie Émilie Gentils ¬
Le mot du chef
Tous les vendredis, je sers ma fameuse soupe pho !
J’affectionne beaucoup ce plat. C’est pour moi « le » plat
national du Vietnam, le plus réputé, à la fois populaire
car il se mange à toute heure, dans la rue et en toute
circonstance. Il est aussi un plat de fête qui peut être
long à préparer... En tout cas, la pho fait toujours plaisir !
Elle résume à elle seule la cuisine vietnamienne : légère,
parfumée, fraîche avec toutes ces herbes, savoureuse
avec des textures différentes et les pâtes… al dente !
Niveau de difficulté :
Temps de préparation :
30 minutes
Temps de cuisson :
3 heures 30
Fourchette de prix :
Ingrédients
Pour le bouillon
· Os de bœuf (queue de bœuf,
1 crosse, os à moelle)
· 500 g de poitrine de bœuf
· 500 g de gîte
· 4 oignons
· 1 gros morceau de gingembre (150-200 g)
· 5 anis étoilés
· 5 bâtons de cannelle
· 10 g de graines de coriandre
· 10 g de fenouil
· 10 g de poivre en grains
· 10 g de sel
· 20 cl de sauce poisson (nuoc-mam)
· 20 g de sucre
Pour le dressage
· 600 g de pâtes de riz (banh pho)
· 400 g de rumsteck
· 1 botte d’oignons frais ou cébettes
· 1 bouquet de basilic thaï
· 1 bouquet de coriandre
· 1 bouquet de menthe
· 2 citrons verts
· 1 ou 2 piments frais
· Germes de soja
· Poivre du moulin
Préparation
Œ Mouiller les os, la poitrine et le gîte dans une
grosse marmite d’eau froide à hauteur. Porter
à ébullition et écumer toutes les impuretés afin
d’obtenir un liquide clair.
 Faire griller les épices, les oignons et le gingembre. Les ajouter au bouillon une fois que
celui-ci est devenu limpide, avec du sel, du
poivre en grains, du sucre et la sauce poisson. Laisser frémir à petit feu durant 3 heures
environ. Vérifier la cuisson de la viande, elle
doit être tendre mais ferme. Pour cela, la laisser refroidir et la découper en fines tranches.
Ž Couper le rumsteck le plus fin possible et le
réserver. Ciseler les herbes aromatiques et
l’oignon frais.
 Filtrer le bouillon avec un chinois, rectifier l’assaisonnement et le garder au chaud.
 Cuire les pâtes de riz al dente, environ 3 min.
‘ Les disposer au fond du bol, puis quelques
tranches de poitrine de boeuf, de gîte et par
dessus le rumsteck cru en fines lamelles. Parsemer d’oignons frais et fines herbes, ajouter
un tour de poivre du moulin. Arroser le tout de
bouillon brûlant qui va pocher le rumsteck cru
et accompagner de citron vert, de piment et
de germes de soja.
Chuc an Ngon* !
Chez Pham
Ancienne styliste, Pham a commencé à travailler dans le restaurant de son compagnon, Chez
Navarre, une table d’hôtes qui propose une cuisine traditionnelle française. Après avoir repris
le local mitoyen, une très vieille boucherie de
quartier, Pham l’a transformée en cantine vietnamienne. Le lieu fonctionne exactement comme
une table d’hôtes : les gens partagent les grandes
tablées, se servent eux-mêmes...
Menu unique : 3 salades en entrée, bouillon de
légumes, plat du jour et buffet de desserts.
La cantine vietnamienne Chez Pham
1 rue mage - 31000 Toulouse
Tel : +33 (0)5.62.19.12.36
Horaires : de midi à 14h, du lundi au vendredi
* Bon appétit !
N° 1 / 2015
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La soupe pho
Chez Pham
Toulouse
EN VRAC
BEAUTÉ
LE THANAKA
Un produit millénaire,
nouvelle mode cosmétique
Toutes les femmes birmanes
s’en enduisent le visage
quotidiennement. Et ce,
depuis plus de mille ans.
Le thanaka arrive enfin
en Occident, dans nos
instituts de beauté mais
aussi chez les industriels
de la cosmétique.
Usages et bienfaits
de ce produit naturel.
© Florian Chavanon
Par Armelle Privat ¬
N° 1 / 2015
En plein centre de Rangoun comme dans les villages les plus reculés
de Birmanie, vous ne rencontrez pas une femme ni un enfant dont la
peau ne soit enduite de thanaka. Cette poudre cosmétique couleur
or appliquée sur le visage est une tradition millénaire qui a traversé
les siècles et les océans jusqu’à atteindre récemment nos instituts de
beauté occidentaux.
Le thanaka est fabriqué depuis le XIe siècle à partir du bois du même
nom cultivé entre Bagan et Mandalay au cœur de la Birmanie, en zone
aride. Traditionnellement, les femmes râpent l’écorce du bois sur une
pierre mouillée pour en extraire une pâte légèrement citronnée qui,
mélangée à de l’alun, fait office de parfum, d’anti-moustique et de cosmétique. Le thanaka est multi-usage. Il prévient ainsi de la déshydratation et du desséchement de la peau en bloquant la sudation. Grâce
à ses propriétés astringentes et antiseptiques, il adoucit et soigne la
peau contre les mycoses ou l’acné. Appliqué sur le front et le visage,
il protège du soleil contre le brunissement de la peau (le bronzage est
généralement peu recherché chez les femmes en Asie du Sud-Est)
avec une efficacité presque comparable à celle
d’une crème solaire. Pour les plus coquettes,
c’est aussi un maquillage raffiné qui pare alors
le visage de dessins géométriques, striés, en
forme de fleurs ou de feuilles.
La cosmétique moderne s’en est saisie récemment et de nombreux instituts offrent des
soins au thanaka. « Le masque au thanaka absorbe
le sébum avec un effet liftant. Votre teint est reposé et
éclatant comme si vous reveniez de vacances », affirme Marie-Paule Puissegur, gérante de l’institut Matazen à Jouy-sur-Eure. Dans le commerce, Clarins propose un masque purifiant
qui en contient. Kenzo a élaboré son parfum
KenzoAmour à base de bois de thanaka.
Si vous optez pour la méthode traditionnelle, sachez que le thanaka se vend en
poudre ou en pain. Vous pouvez en acheter sur différents sites Internet pour à peine
10 euros le pain. Sur les marchés birmans, le
morceau de bois de 15 cm vaut 2 euros. Quant
à la préparation, rien de bien compliqué : deux
cuillères à café mélangées à de l’eau suffisent
pour appliquer un masque sur le visage dont
la senteur rappelle le bois de santal. Mesdames,
la beauté des femmes birmanes est désormais
à votre portée.
RdM
084
SPORT
EN VRAC
CHINLON,
le sport des rois
Par Myrtille Rambion ¬
© Kattiya.L / Shutterstock.com
Les rois birmans, déjà, en avaient fait l’un de leurs
passe-temps favoris. C’est dire combien le chinlon
est ancré de manière quasi immémoriale dans l’imaginaire et la culture de la Birmanie. Pour preuve, des
archéologues ont même retrouvé une balle de chinlon dans la chambre des reliques de la pagode Baw
Baw Gyi. Mais en argent, celle-ci. Car sinon, traditionnellement, la balle de chinlon est constituée
d’osier ou de rotin tressé. Un matériau naturel dont
la Birmanie regorge grâce à ses forêts.
Mais quelle est donc cette discipline, aussi physique
dans sa pratique que gracieuse et spectaculaire à
l’œil, qui amène des hommes et des femmes à jongler balle au pied, à se désarticuler, à sauter et plonger
dans les airs, semblant obéir à la fois à une routine
très chorégraphiée et à une inspiration divine ? Le
sport national birman, tout simplement ! Ou plutôt
un jeu, en tout cas dans son esprit fondateur, qui se
situe exactement à la croisée de la danse et du sport,
entre football de rue et arts martiaux.
Lorsqu’il était pratiqué il y a 1 500 ans, il n’obéissait pas
encore à des règles précises, mais devait avant tout
guider l’individu dans sa recherche de perfection et
d’harmonie, tant au niveau du corps que de l’esprit.
Si cet objectif de départ est toujours aussi présent – le
chinlon est à sa façon également une forme de méditation –, le cadre de sa pratique a en revanche été
formalisé depuis, notamment pour l’organisation du
championnat professionnel national. La discipline a
même été introduite au programme des Jeux d’Asie
du Sud-Est. Khin Maung Win, le sélectionneur national, ajoute : « C’est un jeu complexe, délicat et difficile. Je
crois que le monde va mieux connaître la Birmanie à travers le chinlon. »
Le chinlon peut se pratiquer en individuel – la performance solo est alors réservée aux femmes – mais il se
joue surtout par équipe de cinq ou six personnes qui
doivent, ensemble, maintenir le plus longtemps possible la balle en rotin en l’air, à l’aide du pied (orteils,
dessus et dessous du pied, talon, plante) ainsi que
du genou. Originellement, une partie se joue pieds
nus, mais des chaussures spécialement dédiées à
sa pratique existent aujourd’hui : elles sont conçues
de manière à laisser les sensations prédominer. Et
si le pied est bien la clé du geste réussi, il n’est pas le
seul : le haut du corps est lui aussi essentiel, certains
coups se jouant même en tournant le dos à la balle en
attendant de la frapper. Un peu comme un coup de
pied retourné au taekwondo, par exemple. Le point
prend fin lorsque la balle touche le sol mais la beauté,
et donc l’efficacité d’un mouvement de chinlon, est
également jugée au positionnement des mains, des
bras, du torse et de la tête du joueur pendant son exécution. Enfin, le son produit
au moment de l’impact sur le corps par
la balle – plutôt de l’ordre du cliquetis –
fait lui aussi partie de la dimension esthétique de l’ensemble.
En compétition, le chinlon se pratique
sur un terrain circulaire de 6,7 m de
diamètre, mais sa grande force et sa
popularité résident bien entendu dans
le fait de pouvoir se jouer absolument
n’importe où, dans la rue comme sur
la place en terre battue des villages, et
même au-dessus d’un filet de volley-ball
ou d’une simple corde. Lors des fêtes traditionnelles,
des parties de chinlon sont mises en scène tels de véritables spectacles, et même les moines bouddhistes
y participent. Le sport national, on vous disait !
Sport national en Birmanie, le chinlon
est pratiqué depuis des millénaires.
Extrêmement populaire, il a récemment
intégré les compétitions internationales.
Voici quelques clés pour y jouer.
RdM
085
N° 1 / 2015
CULTURE
EMBARQUEZ
EMBARQUEZ
N° 1 / 2015
Rd
86
Alain Souleille
Président-directeur général
Rivages du monde
dM
Chères lectrices,
Chers lecteurs,
Voici le premier numéro de RDM le magazine de Rivages du monde. Vous y trouverez une série de reportages sur les nombreuses destinations desservies par nos croisières. Parce que nous concevons nos
voyages comme des épopées et que nous aimons aller à la découverte des civilisations, nous avons pensé
que ce magazine serait un juste et utile complément à nos programmes.
Nos croisières, largement ouvertes sur le monde, se conjuguent dans le temps, au singulier comme au
pluriel. Elles sont ouvertes sur une multitude de cultures, un océan de paysages et d’instantanés et se
renouvellent en permanence : du Mékong au Saint-Laurent, de la Volga au Danube, on ne compte plus les
nouveautés que nous avons eues à cœur de proposer depuis de nombreuses années.
Aussi, pour orienter nos voyageurs, ce magazine mettra-t-il à l’honneur nos destinations dans toute
leur diversité sous des angles originaux, variés et complémentaires. Il annoncera aussi les nouveautés
Rivages du monde ainsi que toutes nos exclusivités.
Bonne lecture à toutes et à tous !
EMBARQUEZ
L’actualité
de Rivages du monde
RIVAGES DU MONDE SE
LANCE DANS LE MARITIME
N° 1 / 2015
Avec 17 croisières maritimes en 2016, Rivages du monde confirme son entrée sur ce
marché, fort de sa notoriété sur les croisières
fluviales. Même formule qui a fait sa réussite :
un esprit culturel et francophone. À bord
du M/S Astoria, des conférenciers francophones de renom interviendront sur des sujets variés en lien avec les pays visités et des
artistes de talent animeront les soirées. Récemment rénové, le petit paquebot conserve
le charme de l’ancien et le confort d’un navire
à taille humaine avec seulement 500 passagers. Espaces détente, restauration de
qualité et intervenants de haut niveau, voilà
le cocktail réussite des croisières maritimes
Rivages du monde. En 2016, le M/S Astoria
croisera successivement de mai à septembre
– chaque croisière dure environ dix jours et
peut s‘additionner – autour de l’Irlande, des
îles britanniques, des fjords de Norvège, en
mer Baltique, en Islande, au Groenland, puis
en Adriatique, en mer Égée puis au-delà du
Bosphore en mer Noire.
Toutes les croisières sur le site :
www.rivagesdumonde.fr
DEUX RENDEZ-VOUS
SUR DES SALONS
Rivages du monde s’est considérablement
développé ces dernières années en tissant
notamment de nombreux partenariats. L’entreprise participe ainsi à des salons ou organise
les siens afin de rester au plus proche de sa
clientèle.
Rivages du monde sera présent sur le stand
E224 du 31e Salon international du tourisme et
des voyages qui aura lieu à Colmar du 6 au 8
novembre 2015. Avec plus de 30 000 visiteurs
en 2014, ce salon s’est affirmé comme l’un
des plus importants en France. Un avant-goût
de vacances pour choisir sa future destination.
Le 15 octobre 2015, Rivages du monde organisera à Paris la 8e édition du Rendez-vous
de la croisière. Ce sera l’occasion de présenter les nouvelles destinations 2016 et
les croisières automne-hiver 2015-2016.
Une opportunité également pour rencontrer
l’équipe de Rivages du monde.
Restez informés en vous inscrivant à la newsletter. Chaque client recevra également une
invitation par email pour chaque événement.
VARIETY CRUISES :
RIVAGES DU MONDE
DEVIENT
AGENT GÉNÉRAL
La compagnie Variety Cruises a décidé de
confier à Rivages du monde sa représentation pour la France, la Belgique, la Suisse romande et le Québec. Cette petite compagnie
de croisières grecque exploite actuellement
sept navires de 40 à 60 passagers en Amérique, dans l’océan Indien, en mer Rouge et
l’été en Grèce. Elle propose une déclinaison
de croisières inédites. Durant tout l’hiver, des
croisières relient La Havane jusqu’à Casida.
Le M/S Voyager, jeune fleuron de la compagnie, est positionné au Costa Rica et croise
sur le canal de Panama. Dans l’océan Indien,
le M/Y Pegasus propose toute l’année des mini-croisières de 4 ou 5 jours aux Seychelles
et deux croisières à Madagascar. Durant l’hiver, le Harmony V relie les îles Canaries. Enfin
entre l’Egypte et la Jordanie, le Harmony G
proposera un programme régulier tout l’hiver
prochain. Durant l’été, la plupart des bateaux
sont rapatriés en Grèce pour croiser en mer
Égée : Cyclades, Péloponnèse, Pergame,
Éphèse, la Crète… De petits navires pour des
croisières intimistes largement ouverts sur la
mer et qui grâce à leur petite taille peuvent accoster dans des ports inaccessibles. Le tout
en conformité avec les normes Eurosolas. Variety Cruises et Rivages du monde partageant
la même philosophie du voyage, ce partenariat était donc tout à fait naturel.
Salon international du tourisme et des voyages,
Colmar, parc des Expositions,
du 6 au 8 novembre 2015
Rendez-vous de la croisière, Paris,
hôtel Intercontinental Paris le Grand, 2 rue Scribe,
le 15 octobre 2015 de 14 heures à 18 heures
088
EMBARQUEZ
Sinjun, un partenariat
harmonieux
À quelques kilomètres au nord de Mandalay, sur les rives de l’Irrawaddy,
le village de Sinjun a su garder toute son authenticité alors qu’un récent
confort et de nouvelles constructions ont vu le jour grâce au concours du
R/V Ananda, le bateau affrété par Rivages du monde. Un partenariat de
développement réussi.
Quand le bateau accoste sur les berges du
petit village de Sinjun, des dizaines d’enfants
au sourire rieur accourent à notre rencontre,
comme sortis de nulle part. C’est sous cette
escorte joyeuse, gambadant à nos côtés,
que nous parcourons le chemin de terre qui
conduit aux maisons. Une charrette tractée
par deux imposants zébus déporte notre
troupe sur le bas-côté. Rires sonores des
enfants devant notre étonnement.
Ici les premières maisons, charmantes cabanes en bambous tressés, juchées sur
pilotis. Au rez-de-chaussée, une étable. À
gauche, une échoppe. Les familles – 250 environs pour 1 060 habitants – vivent à l’étage.
Au loin, des silhouettes de femmes s’affairent
dans les champs, leur chapeau de paille défie l’horizon. À chaque maison, son lopin de
089
terre et ses pieds de ricin, ses haricots et ses pois qui grimpent le long des tuteurs. Le sol fertile est ici généreux.
Les enfants se sont rassemblés sur les marches de leur école. Le bâtiment en bois
massif est flambant neuf. Ils entonnent l’hymne national birman puis un étonnant
Frère Jacques. Applaudissements.
Depuis 2014 et sa construction dans les chantiers navals de Rangoun, l’Ananda
mène de nombreuses actions pour aider au développement de ce village. Identification des besoins au plus proche des attentes des habitants, telle est la philosophie de ce partenariat, inscrit dans la durée. Et les réalisations sont nombreuses :
nouvelle école, bibliothèque, mairie, maison des enseignants, groupe électrogène
qui fournit pour 2 dollars par mois et par famille de l’électricité de 18 h à 9 h, murs
en bambous des maisons peu à peu remplacés par du bois massif, paille des toits
supplantée par de la tôle… Le maire qui reçoit directement l’aide financière, nous
accueille avec son sourire rougi au bétel.
Sur le chemin du retour, une maison affiche fièrement son drapeau bouddhiste.
C’est une maison d’hôtes pour les pèlerins qui feraient ici escale. À la sortie du
village, nous croisons la maison du Nat, son génie protecteur. Il semblerait que ses
vœux aient été exhaussés par l’Ananda.
N° 1 / 2015
« En voyage,
il faut être ouvert d’esprit »
NANG, GUIDE EN BIRMANIE
N° 1 / 2015
90
Int
EMBARQUEZ
Nang, parlez-nous
de votre parcours...
J’ai 38 ans. J’ai commencé à travailler dans
une agence de voyages en 1996. Mais
j’adore étudier ! Alors en 2007, j’ai changé de
métier et suivi une formation de guide pour
me laisser du temps libre pour apprendre
une langue étrangère, autre que l’anglais.
Je me suis mise à l’espagnol. Impossible de
rouler les « r » !
C’est pour cette raison que
vous avez appris le français ?
En fait je voulais apprendre avec des gens
du pays. Or en Birmanie, seul le français
est enseigné par des professeurs venus de
France. Les cours sont donnés par l’Institut
français de Rangoun où j’ai étudié pendant
quatre ans. Cette langue m’a beaucoup plu
et j’ai lu énormément de livres disponibles à
l’ambassade de France. C’est vraiment une
belle langue.
rview
Vous avez étudié à Toulouse,
racontez-nous cette expérience.
C’était une expérience merveilleuse ! J’y
suis restée trois ans. Je voulais voir la vraie
vie des Français. J’habitais chez une famille
d’accueil, dans leur appartement à Toulouse.
J’ai rencontré des étudiants étrangers dont
beaucoup ont choisi de ne pas rentrer dans
leur pays. Moi j’ai toujours eu le projet de revenir en Birmanie dans ma famille.
091
Vous avez connu une époque
mouvementée…
C’est certain. En 1988, j’étudiais la physique
nucléaire à l’université de Rangoun. En Birmanie, on n’a pas de centrale ! Passons…
Cette année-là, la ville a connu une révolte
étudiante. L’université a fermé pendant quatre
ans ! Du coup, j’ai travaillé pendant dix ans.
En 1998, quand j’ai commencé à apprendre
le français, d’abord à l’université des langues
étrangères, une nouvelle révolte étudiante a
eu lieu. Encore une fermeture de l’université !
C’est pour cette raison que j’ai étudié à l’Institut français.
Comment se passe
votre travail de guide ?
Quand on part en croisière, on part quinze
jours minimum. Ce qui me plait surtout, c’est
de partager la connaissance. Je rencontre
des gens de tous horizons et de tous les
pays, ce qui me permet de connaître pas mal
de coutumes.
En général, la période des croisières s’étend
entre novembre et avril. Et de mai à septembre, je retourne dans mon village pour
mes projets.
Quels sont ces projets ?
Depuis l’an dernier, à côté de Mandalay, nous
avons acheté avec mon mari un grand jardin
pour planter des bananes et du thanaka,
cultiver un potager, afin de donner du travail
aux villageois. Comme il est très difficile pour
eux de trouver un travail, nous avons décidé
de les aider. Personnellement, je n’aime pas
habiter à Rangoun. Peut-être parce que je
suis née à côté du lac Inle ! Nous avons également ouvert une petite école où mon mari
enseigne l’anglais. Les Birmans apprennent
cette langue à l’école mais n’osent pas la
parler à cause de leur accent. Nous leur permettons de s’exercer à l’oral. L’anglais est
une langue qui est capitale, notamment pour
le développement du pays dont le tourisme
est l’un des axes prioritaires depuis ces dernières années mais aussi pour la population.
Quels sont vos rapports
avec les croisiéristes ?
Chaque voyage apporte son lot de rencontres uniques et intéressantes. D’ailleurs,
je garde le contact avec certains voyageurs.
Il se tisse parfois des relations particulières et fortes. Peut-être parce que j’essaie
de répondre à leur curiosité et leur soif de
connaissance. Il m’arrive parfois de leur proposer de visiter des artisans par exemple. En
2007, j’ai voyagé avec un groupe niçois avec
qui j’ai gardé contact jusqu’à maintenant.
Y a-t-il encore une censure
en Birmanie pour les guides
touristiques ?
Aujourd’hui non. J’ai commencé après l’ouverture politique et de toutes façons, je suis
assez libre de ce que je dis. Je suis quelqu’un
de libre. Je dis toujours ce que je pense.
Un mot sur Rivages du monde ?
Oui. C’est le voyage de luxe, sur un bateau
somptueux.
N° 1 / 2015
EMBARQUEZ
Le R/V Ananda,
un nouveau bateau
de grand luxe
Du nom du plus beau et du plus vénéré des temples
de Bagan, l’Ananda est un somptueux bateau
construit avec art et savoir-faire dans
les chantiers navals de Rangoun en 2014.
Caractéristiques techniques
Longueur : 61 m - Largeur : 11,7 m
Tirant d’eau : 1,2 m
Stabilisateurs antiroulis
Vitesse de croisière : 18 km/h
4 Ponts : Navigation, Principal, Supérieur et Soleil
Cabines : 21 - Passagers : 42 maximum
Membres d’équipage : 39 - Courant : 220 v.
Monnaie à bord : Euro - US dollar
Pavillon birman
Activités culturelles sur le bateau Le matin sur le pont Soleil méditation et yoga avec un professeur.
En journée atelier de cuisine asiatique.
En soirée spectacles dans le salon du bar.
Espaces communs
Abrité sous un dais protecteur, le pont Soleil se partage entre
un espace équipé d’une petite piscine, de chaises longues
confortables et le Lounge bar.
Pont Principal, la salle de restauration très chaleureuse se
prolonge par un salon précieux et cosy.
Bibliothèque, salon de massage (prestations payantes)
et salle de fitness pour votre bien-être.
N° 1 / 2015
Restauration
Chaque repas, petit déjeuner et déjeuner, seront composés
de riches buffets et de plats chauds à la carte. Le soir venu, le
personnel du restaurant aura le plaisir de vous accueillir pour
le dîner servi à la carte, dans la salle à manger particulièrement
élégante et confortable.
Les personnels de salle à manger et du service de cabine, d’une
amabilité extrême, sont majoritairement de nationalité birmane.
Les cabines
Les suites Deluxe d’une superficie de 27m2, sont situées sur
les ponts Supérieur et Principal. Lits jumeaux qui peuvent être
rapprochés.
Les suites Luxury de 31m2 se trouvent sur le pont Soleil. Lits
jumeaux.
La suite Aloungpaya de 67m2. Lit king size. Le large balcon
privatif est aménagé avec une chaise longue pour des moments
de contemplation. La salle de bain comporte une douche et une
baignoire, des toilettes et une double vasque. Possibilité de
dîner sur la terrasse privée.
092
8e édition
des
rendez-vous de la
CROISIÈRE .
Croisières francophones et culturelles
Jeudi 15 octobre 2015
de 14h à 18h
Hôtel InterContinental
Paris le Grand, 2 rue Scribe
Salons Berlioz, Bizet et Gounod
© Volt Collection
5 % de
réduction pour toute
inscription effectuée sur
place + 1 croisière
à gagner par tirage
au sort
L’équipe de Rivages du monde sera heureuse de vous accueillir afin de vous présenter ses
croisières automne-hiver 2015/2016 et les nouvelles destinations 2016.
Renseignements : [email protected]
Le Club Privilège
EMBARQUEZ
N° 1 / 2015
Des services personnalisés, un interlocuteur exclusif et
de petites attentions qui rendront votre expérience de
voyage plus exceptionnelle encore… Le Club Privilège
est un tout nouveau service destiné à la clientèle la plus
fidèle de Rivages du monde. Parce que le lien qui s’établit avec le croisiériste est précieux, l’entreprise a souhaité rendre cette relation encore plus unique et durable.
Convaincue que la confiance ne s’acquiert qu’avec des
preuves et sur la durée !
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EMBARQUEZ
Logé dans un immeuble haussmannien cossu
du 1er arrondissement de Paris, à deux pas de la
place Vendôme et du Palais Royal, un nouvel espace vient d’ouvrir ses portes : décoration épurée
et contemporaine, surface spacieuse, moulures
au plafond et fenêtres imposantes qui donnent
sur la rue des Pyramides et l’avenue de l’Opéra…
Le bureau privatif qui accueille les membres du
Club Privilège, un service de conciergerie de luxe
pour l’offre de voyages Rivages du monde et pour
ses clients les plus fidèles, affiche un caractère
intimiste et chaleureux.
Maria Faria Da Silva, spécialiste de longue date
du voyage très haut de gamme, reçoit chaque
nouveau membre autour d’une collation. Aujourd’hui, Pierre-François M., client depuis plusieurs années, souhaite offrir un voyage surmesure à sa femme. Ils fêteront dans quelques
mois leurs noces de perle… Cap sur la Birmanie !
La destination les fait rêver depuis longtemps et
ils n’imaginent pas franchir ce nouveau cap sans
marquer le coup : la croisière sur l’Irrawaddy,
une extension sur le lac Inle bien sûr. Mais aussi
le Laos.
Maria connaît sur le bout des doigts la région,
comme toutes celles d’ailleurs qui accueillent les
croisières Rivages du monde. Et ça tombe bien.
Elle se lève, fouille dans une pile de documents
et sort une brochure qu’elle dépose sur la table
basse. « Luang Prabang ! Vous devez absolument
y aller. C’est l’un des plus beaux endroits au Laos
et dans toute l’Asie du Sud-Est. » Le client sourit,
il n’y avait pas pensé.
La discussion se poursuit, ils réfléchissent à
d’autres options : VTC (voiture avec chauffeur)
pour se rendre à l’aéroport, vol en classe affaires,
guide personnel pour les excursions à terre, hôtels de charme, quelques jours de farniente sur
les plages encore préservées du sud de la Birmanie, restaurant gastro à Rangoun avant leur départ... 45 minutes plus tard, l’entretien se termine
avec une poignée de mains chaleureuse et un
échange de sourires confiants. Maria lui enverra
d’ici quelques jours un document récapitulant les
étapes de ce futur voyage d’exception qui durera
près d’un mois. Certaines demandes formulées
nécessitent un minutieux travail de recherche.
Comme Pierre-François M., les clients sont de plus
en plus exigeants et nombreux à souhaiter un service personnalisé. L’expérience de voyage est en
effet devenue un élément déterminant. Il ne s’agit
plus de « faire » une destination, mais de vivre un
moment unique. Fruit de cette nouvelle façon d’envisager la croisière et de la demande de flexibilité
et d’adaptation, le Club Privilège entend accroître
cette exigence en offrant à ses clients les plus fidèles (voir conditions en encadré) un lieu et une
personne spécialement dédiés à cet effet.
095
Une expérience unique
Le Club s’envisage ainsi comme un service personnalisé qui s’adapte aux besoins de chaque client
et qui l’accompagne dans toute la phase préparatoire de son voyage. Mais pas uniquement… Être
membre du Club Privilège, c’est bénéficier également de nombreux avantages tels que des cadeaux,
spécialement pensés pour rendre le voyage encore
plus agréable. À bord, ce sont des attentions discrètes comme une place réservée au restaurant.
Au retour, Maria recueille les impressions et les remarques, afin de satisfaire encore davantage les
clients pour leur prochain départ. Une ligne téléphonique dédiée et directe est également mise en place
pour ce service.
Enfin, tout au long de l’année, le Club Privilège aura
le plaisir de proposer des places ou des invitations
à des événements culturels (opéra, concert, visite
privée d’exposition), afin que l’évasion se prolonge
au-delà des croisières Rivages du monde et afin de
partager des moments uniques. Alors, prêts pour
une expérience de voyage unique ?
LE CLUB PRIVILÈGE
Rivages du monde récompense ses clients
directs les plus fidèles. Au-delà de trois
croisières effectuées avec les bateaux Rivages
du monde, vous accédez automatiquement au
statut de membre du Club Privilège. Un courrier vous est alors personnellement adressé avec
la pochette d’accueil explicative contenant votre
carte de membre. Certains voyages particulièrement longs permettent également aux clients
de faire partie du Club.
N° 1 / 2015
EMBARQUEZ
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LE TOUR DU MONDE
DES CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
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N° 1 / 2015
EMBARQUEZ
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
Patagonie
Croisière au cœur
de paysages uniques
Moments forts
• Valparaiso
• Glacier Pia
• Cap Horn
• Buenos Aires
• Chutes d’Iguazú (extension en option)
• Faune sauvage : dauphin de Peale,
baleine à bosse, otarie, condor,
manchot de Magellan,
martin-pêcheur,
albatros…
Santiago – Buenos Aires
et croisière en Patagonie
14 jours / 13 nuits
N° 1 / 2015
098
Valparaiso, Ushuaïa, le cap Horn… autant de noms évocateurs que vous découvrirez au cours de cette croisière.
L’aventure commence face au Pacifique, à la rencontre des
villes colorées de Santiago et de Valparaiso. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, magnifiée par Pablo Neruda,
cette dernière envoûte le visiteur. Ses funiculaires légendaires qui montent à l’assaut des collines, offrent des perspectives pleines de poésie.
La navigation débute à Punta Arenas à bord du Via Australis.
Ce bateau construit en 2005 offre un grand confort et des
espaces intérieurs aménagés avec goût et élégance pour
une capacité maximale de 128 passagers. Glaciers bleutés
se jetant dans l’océan, fracas des packs de glace, majesté
de la cordillère qui découpe l’horizon, compose l’infini labyrinthe de terres et d’eau, entre le détroit de Magellan et le
canal de Beagle, face à l’extraordinaire nature antarctique.
Des Zodiacs affrétés pour chaque excursion permettent de
s’approcher des glaciers, d’observer au plus proche la danse
incessante des baleines à bosse avec lesquelles semblent
jouer les lions de mer, mais aussi de rejoindre les rives pour
s’enfoncer à pieds au cœur des forêts luxuriantes et denses
du détroit de Magellan. Après la traversée de la sublime
« avenue des glaciers », la découverte de ce rocher mythique
qu’est le cap Horn et une dernière escale à Ushuaïa, vous
vous envolerez pour Buenos Aires. Des larges avenues bordées de jacarandas aux maisons colorées de La Boca, tout
ici distille un art de vivre latin, un parfum d’ancien monde qui
se danserait sur un air de tango. Vertigineux contraste !
099
EMBARQUEZ
En option après
la croisière au cœur
de paysages uniques
3 jours / 2 nuits
Les chutes d’Iguazú qui marquent la frontière
entre le Brésil et l’Argentine sont en réalité
un ensemble de 275 cascades réparties sur
à peine 2,5 km de largeur. Cet écran géant
d’eau bouillonnante s’étend au cœur d’une
jungle tropicale particulièrement luxuriante.
Vous visiterez deux parcs nationaux, l’un brésilien, l’autre argentin, afin d’appréhender les
chutes de façons très différentes : vue panoramique d’un côté et proximité de l’autre,
jusqu’à l’impressionnante « gorge du diable »
qui tombe sur plus de 90 m de hauteur. Plusieurs circuits de passerelles sont aménagés
au cœur de la forêt et permettent de s’approcher à seulement quelques mètres des
chutes. Cette scénographie grandiose achèvera en beauté votre voyage aux sources des
merveilles du monde.
© Martin Bisof
© prophoto14 / Shutterstock.com
ESCAPADE
aux chutes d’Iguazú
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
N° 1 / 2015
EMBARQUEZ
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
Croisière sur
le Saint-Laurent
De Québec
aux chutes du Niagara
Québec – Trois-Rivières – Montréal – Toronto – Chutes du Niagara
11 jours / 10 nuits
© Songquan Deng
Moments forts
Laissez-vous surprendre
par la beauté pure et
sauvage des paysages
qu’offrent le Saint-Laurent
et le lac Ontario. Des paysages extraordinaires, des
sites uniques au monde et
des forêts d’érables couleur de feu se détachant
du fond vert des résineux
offrent des contrastes sublimes.
Vous embarquerez à bord
du M/V Saint-Laurent
Prestige, un bateau haut
de gamme à l’élégance
classique qui a été rénové
en 2014. Spacieux, d’une
capacité de 216 passagers, ce petit paquebot
dispose
d’équipements
luxueux et confortables. La
N° 1 / 2015
navigation vous emmènera dans la splendide région
des Mille-Îles, un archipel
de plus de 1 800 îles, véritable jardin lacustre entre
le Canada et les ÉtatsUnis.
Une autre merveille vous
attend : les chutes du Niagara. Frissons garantis !
Sur les rives du lac
Ontario se dessine la célèbre skyline de Toronto,
la plus grande ville du
Canada. Ses quartiers
pittoresques aux façades
de couleurs, ses boutiques à la mode, sa tour
CN qui culmine à plus de
550 m vous convaincront
de la vitalité toute américaine de la ville.
• Québec
• Montréal
• Toronto
• Les Mille-Îles
• Chutes du Niagara
• Paysages de nature
grandioses
Montréal n’est pas en reste !
Gratte-ciels et petites
maisons aux escaliers en
fer forgé, parcs immenses
où sautent les écureuils,
le quartier du Plateau et
le Mont-Royal d’où l’on
admire l’une des vues les
plus spectaculaires sur la
ville et le Saint-Laurent.
Enfin Québec, la seule
ville fortifiée d’Amérique
du Nord, a fière allure, perchée au sommet d’une falaise dominée par le monumental château Frontenac.
Véritable coup de cœur
pour celle qui fut la capitale de la Nouvelle-France,
à la rencontre de l’éclatante joie de vivre de nos
cousins francophones.
100
EMBARQUEZ
© Mong Multiply
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
Au fil du Mékong
Angkor – Phnom Penh – Saïgon
13 jours / 12 nuits
Moments forts
• Temples d’Angkor
• Oudong
• Phnom Penh
• Kampong Tralach
• Sadec
• Luang Prabang Laos (extension
en option voir page 102)
• La baie d’Halong (extension
en option voir page 103)
101
Le Mékong, fleuve nourricier, fleuve sacré, a su préserver les traces grandioses de ses royaumes et les traditions de ses religions qui, de l’hindouisme
au bouddhisme, ont érigé un art majeur que vous allez découvrir à bord du
Mékong Prestige, un petit bateau de grand confort et intimiste avec seulement
32 cabines. Les visites se succèdent alors au gré des marchés flottants, des
ateliers, des fabriques artisanales et des temples. Naviguer de Siem Reap à
Saïgon, c’est partir à la rencontre des anciens royaumes khmers et de leurs
sept capitales successives. Deux jours sont consacrés à la découverte de
l’exceptionnel site archéologique d’Angkor enfoui dans la végétation tropicale.
Le bateau se dirige ensuite vers le plus vaste delta du monde jusqu’à Saïgon
et son effervescence, métropole dont subsistent quelques merveilleux spécimens d’architecture coloniale et des marchés typiques.
Au Vietnam comme au Cambodge, la vie intense des villes et villages, pour
certains flottants, est une expérience sensorielle forte. L’extraordinaire élan
de modernité se fraye un passage à travers les traditions ancestrales, les
cultes, les superstitions, la profusion des aliments, les commerces les plus
étonnants, le va-et-vient incessant des deux roues ou des barques… Une
fresque colorée d’un monde qui se réveille après une histoire récente tragique
et douloureuse. Le Mékong est un fleuve-roi, dont vous traverserez des univers si différents.
N° 1 / 2015
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
ESCAPADE
Hanoï et la baie d’Halong
© Jayspy
EMBARQUEZ
N° 1 / 2015
En option après
la croisière
Au fil du Mékong
4 jours / 3 nuits
Au cours de cette extension, vous découvrirez deux images incontournables du Vietnam : la
sublime baie d’Halong et la capitale Hanoï. Plus sereine et pittoresque que Saïgon, ses lacs
et ses parcs magnifiques se conjuguent au charme de ses vieux quartiers où se concentre
un patrimoine colonial incomparable.
À 170 km à l’est de la capitale du Nord, dans le golfe du Tonkin, la baie d’Halong est sans
conteste l’une des plus belles cartes postales de l’Asie. À bord du M/S Paradise, un magnifique bateau de style impérial aux services ultramodernes, on navigue entre les pitons
rocheux. Ce site naturel, véritable parenthèse aussi atemporelle qu’enchanteresse, s’étire sur
1 500 km2 environ et comprend plus de 3 000 îles et îlets aux reliefs karstiques recouverts de
végétation et creusés de grottes merveilleuses. Il révèle un univers marin unique au monde
et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un moment de grâce et de toute beauté !
102
Le Laos est le troisième pays traversé par le Mékong. À
l’instar du Cambodge, c’est un pays où le bouddhisme
theravada rythme les vies au quotidien. Le pays conserve
encore ses traditions ainsi qu’une richesse d’âme exceptionnelle et se compose de très nombreuses minorités
ethniques qui ont su garder leur culture et leurs costumes traditionnels. De Luang Prabang, l’ancienne capitale royale, la ville au Bouddha d’or, classée au patrimoine
mondial de l’UNESCO d’où se dégage une atmosphère
harmonieuse et presque hors du temps, aux superbes
paysages de forêt dense et de montagnes, du Mékong
à la rivière Name Khan, le royaume du million d’éléphants
dévoile avec sagesse ses traditions bouddhistes et les
sourires de ses multiples ethnies. Moment inoubliable,
les chutes de Kuangsi et leurs cascades qui creusent
des petits bassins de couleur turquoise.
© Yojik
En option après
la croisière
Au fil du Mékong
4 jours / 3 nuits
EMBARQUEZ
© lkunl
ESCAPADE
Les trésors du Laos
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
103
N° 1 / 2015
EMBARQUEZ
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
Croisière
sur l’Irrawaddy
Au cœur de la civilisation birmane
Rangoun – Bagan - Mandalay
12 jours / 11 nuits
Moments forts
• Temples de Bagan
• Mandalay
• Coucher de soleil
sur le pont d’Amarapura
• Survol en montgolfière des temples
de Bagan (en option)
• Le lac Inle (extension en option
voir page 105)
L’Irrawaddy compte parmi les plus grands fleuves navigables
d’Asie du Sud-Est. Il prend sa source dans l’Himalaya et se
jette dans le golfe du Bengale après 2 200 km. Lien essentiel entre le nord et le sud du pays, la plupart des capitales
royales de Birmanie s’édifièrent sur ses rives, déplacées et
reconstruites au gré des conquêtes, des guerres et des astrologues royaux. Le fleuve est donc la voie la plus naturelle
pour pénétrer ces contrées mythiques. La beauté de ses
rives, ponctuées de monastères – il en existe dit-on plus de
50 000 en Birmanie – en fait un espace de rêve.
Vous naviguerez à bord de l’Ananda dans un environnement
fluvial immense et intemporel dont le calme contraste avec
l’incroyable vitalité des escales. Construit en 2014, ce bateau est un véritable hôtel flottant de grand luxe, largement
ouvert sur le fleuve. Intimiste et néanmoins très spacieux, il
peut accueillir 42 passagers auxquels il offre un très grand
confort et des espaces propices à l’observation des rives de
l’Irrawaddy pour profiter des somptueux paysages.
Un coucher de soleil sur les temples de Bagan, les toits dorés
des pagodes, les tissus séchant sur les berges, les enfants
qui courent au bord de l’eau, les fines barques des pécheurs,
des villages où la vie s’écoule comme il y a 1000 ans…
L’Irrawaddy envoûte quiconque navigue sur ses eaux sereines.
Derrière cette lumière soyeuse, le peuple de Bouddha respire la sagesse et la sérénité. Un contraste fascinant s’opère
avec les grandes villes : Mandalay et Rangoun surprennent
par leur énergie, leurs marchés, leurs moines innombrables,
leur richesse architecturale… Vous irez à la rencontre de ce
peuple si hospitalier, dont l’ouverture récente au tourisme révèle des richesses culturelles et humaines surprenantes.
N° 1 / 2015
104
En option après la croisière en Birmanie
3 jours / 2 nuits
ESCAPADE
Le lac Inle
CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE
EMBARQUEZ
Ce grand lac aux eaux calmes de 22 km de
long et 11 km de large, prolongé par de nombreux marais, constitue un écosystème réputé pour ses pêcheurs et ses agriculteurs. Ils
y cultivent fleurs, tomates, courges et autres
fruits sur de petits treillis à fleur d’eau formant
autant de tapis de végétation flottante. Une
atmosphère irréelle se dégage de ces lieux
où le temps semble comme aboli.
Comment ne pas tomber sous le charme
inouï de ces paysages de rêve et de ce
peuple merveilleux… La nature et les traditions qui s’y rattachent créent sur le lac Inle
un monde à part, une sorte de paradis où tout
semble pouvoir pousser et se récolter au gré
des jardins flottants. Ce labyrinthe lacustre,
ponctué de villages dont les maisons en teck
se dressent sur de hauts pilotis, se parcourt
en bateau. À bord d’une barque traditionnelle à fond plat, vous pourrez observer des
scènes de la vie quotidienne typique : debout sur leur embarcation, les pêcheurs capturent des bancs de poissons à l’aide d’une
nasse et d’un trident. Les habitants vivent ici
en autosuffisance grâce à la générosité de
la nature : un véritable jardin d’Eden. Entrez
dans un coin de paradis !
C’est l’un des plus vastes sites religieux du monde : la plaine, parsemée de quelque 2 000 temples
et pagodes, inspire respect et
admiration. Vous aurez l’occasion
de visiter les temples les plus importants dont beaucoup remontent
au XIe siècle. Une promenade en
calèche traditionnelle permet de
relier les temples d’une façon originale, singulière et qui ne manque
pas de charme. Pour prendre un
peu plus de hauteur, le survol à
l’aube en montgolfière des temples
est une expérience à couper le
souffle (en option) pour envisager
la beauté grandiose du site dans
toute son immensité. Moments magiques et inoubliables !
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© nattanan726
BAGAN, LA VILLE SACRÉE
N° 1 / 2015
DESTINATIONS FLUVIALES 2015-2016 :
DESTINATIONS MARITIMES 2016 :
AU FIL DU SAINT-LAURENT
À BORD DU M/V SAINT-LAURENT
PRESTIGE
Du 24 mai au 03 juin 2016
Du 02 au 12 juin 2016
Du 11 au 21 juin 2016
Du 20 au 30 juin 2016
Du 29 juin au 09 juillet 2016
Du 31 août au 10 septembre 2016
Du 09 au 19 septembre 2016
Du 18 au 28 septembre 2016
Du 27 septembre au 07 octobre 2016
Du 06 au 16 octobre 2016
ENTRE MYTHES & LEGENDES
CROISIÈRES DANS LES HIGHLANDS
D’ECOSSE
À BORD DU M/V LORD OF THE
GLENS
Du 16 au 23 mai 2016
Du 19 au 26 septembre 2016
Du 11 au 19 mai 2016
Tour d’Irlande
9 jours/8 nuits
Du 03 au 15 août 2016
Groenland-Islande
13 jours/12 nuits
Du 19 au 29 mai 2016
Îles Britanniques
11 jours/10 nuits
Du 15 au 28 août 2016
Groenland-Islande-Irlande
14 jours/13 nuits
L’OR DU DOURO
À BORD DU M/S DOURO CRUISER
Du 10 au 17 juillet 2016
Du 29 mai au 05 juin 2016
Fjords du sud de la Norvège
8 jours/7 nuits
Du 02 au 13 septembre 2016
Tutta l’Italia
12 jours/11 nuits
DE LA BOHÈME À LA SAXE
À BORD DU M/S FLORENTINA
Du 08 au 16 juin 2016
Du 14 au 22 septembre 2016
Du 05 au 15 juin 2016
Îles Britanniques
11 jours/10 nuits
Du 13 au 22 septembre 2016
Escales en Croatie
10 jours/9 nuits
Du 15 au 28 juin 2016
Baltique
14 jours/13 nuits
Du 22 septembre au 01 octobre 2016
Odysée grecque
10 jours/9 nuits
Du 28 juin au 07 juillet 2016
Norvège
10 jours/9 nuits
Du 01 au 10 octobre 2016
Au-delà du Bosphore, la mer Noire
10 jours/9 nuits
Du 07 au 15 juillet 2016
Grand Nord russe
9 jours/8 nuits
Du 10 au 18 octobre 2016
Istanbul et îles de la mer Égée
9 jours/8 nuits
Du 15 au 25 juillet 2016
Spitzberg et îles Lofoten
11 jours/10 nuits
Du 18 au 30 octobre 2016
Sur les traces de Saint Paul
13 jours/12 nuits
Du 25 juillet au 03 août 2016
Cap sur l’Islande
10 jours/9 nuits
Du 30 octobre au 05 novembre 2016
Tour de Corse
7 jours/6 nuits
POUR NOS CONTACTS
www.rivagesdumonde.fr/contact
POUR TOUT AUTRE
RENSEIGNEMENT
[email protected] AU FIL DU DANUBE
À BORD DU M/S AMADEUS
BRILLIANT OU ELEGANT
SENS BUCAREST-MUNICH
du 19 au 30 mai 2016
du 24 mai au 04 juin 2016
du 10 au 21 juin 2016
du 15 au 26 juin 2016
du 19 au 30 septembre 2016
du 25 septembre au 06 octobre 2016
SENS MUNICH-BUCAREST
du 08 au 19 mai 2016
du 13 au 24 mai 2016
du 30 mai au 10 juin 2016
du 04 au 15 juin 2016
du 08 au 19 septembre 2016
du 14 au 25 septembre 2016
LE DANUBE MUSICAL
À BORD DU M/S AMADEUS ROYAL
SENS MUNICH-BUDAPEST
du 31 mai au 07 juin 2016
du 14 au 21 juin 2016
du 08 au 15 septembre 2016
du 22 au 29 septembre 2016
SENS BUDAPEST-MUNICH
du 07 au 14 juin 2016
du 21 au 28 juin 2016
du 15 au 22 septembre 2016
du 29 septembre au 06 octobre 2016
JOYAUX DE RUSSIE
À BORD DU M/S KANDINSKY
PRESTIGE
SENS MOSCOU-ST PETERSBOURG
Du 18 au 28 mai 2016
Du 07 au 17 juin 2016
Du 27 juin au 07 juillet 2016
Du 17 au 27 juillet 2016
Du 06 au 16 août 2016
Du 26 août au 05 septembre 2016
Du 15 au 25 septembre 2016
SENS ST PETERSBOURG-MOSCOU
Du 28 mai au 07 juin 2016
Du 17 au 27 juin 2016
Du 07 au 17 juillet 2016
Du 27 juillet au 06 août 2016
Du 16 au 26 aout 2016
Du 05 au 15 septembre 2016
CROISIÈRE EN CHINE
SUR LE YANG TSÉ
À BORD DU M/S YANGZI EXPLORER
Du 26 mars au 09 avril 2016
SANTIAGO, BUENOS AIRES ET
CROISIÈRE EN PATAGONIE
À BORD DU M/N VIA AUSTRALIS
du 12 au 25 janvier 2016
du 23 février au 07 mars 2016
du 22 mars au 04 avril 2016
CROISIÈRE AU FIL DU MÉKONG
À BORD DU R/V MEKONG PRESTIGE
DE SAÏGON AUX TEMPLES
D’ANGKOR
Du 29 septembre au 11 octobre 2015
Du 13 au 25 octobre 2015
Du 27 octobre au 08 novembre 2015
Du 10 au 22 novembre 2015
Du 24 novembre au 06 décembre 2015
Du 08 au 20 décembre 2015
Du 22 décembre 2015 au 03 janvier 2016
Du 05 au 17 janvier 2016
Du 19 au 31 janvier 2016
Du 02 au 14 février 2016
Du 16 au 28 février 2016
Du 01 au 13 mars 2016
Du 15 au 27 mars 2016
Du 29 mars au 10 avril 2016
DES TEMPLES D’ANGKOR À SAÏGON
Du 05 au 17 octobre 2015
Du 19 au 31 octobre 2015
Du 02 au 14 novembre 2015
Du 16 au 28 novembre 2015
Du 30 novembre au 12 décembre 2015
Du 14 au 26 décembre 2015
Du 28 décembre 2015 au 9 janvier 2016
Du 11 au 23 janvier 2016
Du 25 janvier au 06 février 2016
Du 08 au 20 février 2016
Du 22 février au 05 mars 2016
Du 07 au 19 mars 2016
Du 21 mars au 02 avril 2016
Du 04 au 16 avril 2016
CROISIÈRE AU CŒUR
DE LA BIRMANIE
À BORD DU R/V ANANDA
DE MANDALAY À BAGAN
Du 06 au 17 janvier 2016
Du 10 au 21 février 2016
DE BAGAN À MANDALAY
Du 22 septembre au 03 décembre 2015
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À Buenos Aires, la musique et la danse sont omniprésentes. Le tango surtout.
Il permet de réunir notamment sur les mêmes planches toutes les générations qui s’essaient
à quelques pas de danse. Ici à La Catedral, lieu phare pour voir et apprendre le tango, situé
dans le quartier Almagro.
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Le lac Inle
Bagan et la laque
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La pagode de Kampong Tralach
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Valparaiso, mythe poétique
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Sadec, joyau floral du delta