Littératie en matière de santé dans la réalité des immigrants, sur le
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Littératie en matière de santé dans la réalité des immigrants, sur le
Littératie en matière de santé dans la réalité des immigrants, sur le plan de la culture et de la langue Margareth S. Zanchetta, Ph.D., inf. aut.1 Iraj M. Poureslami, Ph.D.2 RÉSUMÉ La Deuxième conférence canadienne sur l’alphabétisation et la santé portait sur la littératie en matière de santé, la culture et la diversité linguistique. Le présent article vise à présenter les idées des conférenciers, les rapports sur les discussions des apprenants et les recommandations des participants. On a également procédé à une analyse documentaire des liens entre la littératie en matière de santé et l’usage des services de soins de santé chez les nouveaux arrivants au Canada. Les immigrants au Canada sont rarement familiers avec le système canadien de soins de santé pour ce qui est de trouver les services nécessaires et/ou des renseignements sur la santé. Les professionnels de la santé signalent des difficultés à communiquer efficacement avec ces populations quant aux comportements à risque. Les ressources et les approches pédagogiques n’atteignent que partiellement les minorités culturelles. L’information sur la santé en ligne n’apporte que peu aux personnes limitées par la langue ou la littératie. Des obstacles d’accès à l’information, plus précisément lorsque l’information est écrite, sont largement signalés. En conséquence, de nombreux groupes ethnoculturels ne participent pas aux initiatives de promotion de la santé. Parmi les nouveaux arrivants au Canada, les problèmes d’adaptation à une nouvelle culture en matière de santé sont liés à la fois au manque d’information sur les nouveaux soins de santé disponibles et, par la suite, à leur expérience avec ce système de soins de santé. Il existe également un obstacle de structure. Il comprend le manque d’accès aux services préventifs de soins de santé et le manque de réseaux de soutien officiels et non officiels. Cette situation a pour conséquence un usage moins efficace de ces services préventifs. Les facteurs linguistiques, religieux et culturels contribuent à l’isolation sociale de l’immigrant. Des travaux multidisciplinaires pour améliorer la littératie en matière de santé et la sensibilisation à la santé et aux modes de vie sains permettront aux populations ethnoculturelles de développer leur potentiel et de bien profiter de leur vie au Canada. Parallèlement, les éducateurs sanitaires devraient avoir l’occasion de comprendre leurs limites et les défis à relever pour surmonter la complexité liée à l’éducation en matière de santé à ces populations. Il nous manque encore de l’information quant à l’accès et à l’utilisation des services de soins de santé par les sous-populations de différents groupes culturels. On pense entre autres au sexe, aux pratiques d’apprentissage, aux façons de rechercher les services et aux comportements de recherche d’aide. Mots clés : Littératie en matière de santé; société canadienne; nouveaux arrivants; culture; langue; utilisation des services; collectivité ethnoculturelle; diversité 1. Professeure adjointe, Faculté des services communautaires, École des sciences infirmières, Université Ryerson, Toronto (Ontario) 2. Professeur auxiliaire, associé de recherche, Faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser, Vancouver (C.-B.) Correspondance et demandes de tirés à part : Margareth S. Zanchetta, Faculté des services communautaires, École des sciences infirmières, Université Ryerson, 350, rue Victoria, Bureau 468E, Toronto (Ontario) M5B 2K3; tél. : (416) 979-5000, poste 4557, téléc. : (416) 979-5332, courriel : [email protected]. S28 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE ans le présent article, nous exposons les points clés sur la culture, les langues, et la littératie en matière de santé à l’aide d’idées des conférenciers, de rapports sur la discussion des apprenants et des recommandations des participants à la Deuxième conférence canadienne sur l’alphabétisation et la santé. Nous étudions les articles publiés sur la littératie en matière de santé et l’utilisation des services de santé chez les nouveaux arrivants au Canada. Nous discutons également des questions de langue comme outil de transfert du savoir culturel et populaire sur la santé et la science, et pour rendre manifeste le lien dynamique entre la littératie, la culture et la signification d’expériences personnelles et collectives1,2. L’exploration de la littératie en matière de santé dans le cadre des langues et des cultures nous donne l’occasion d’en apprendre davantage sur la perspective et les préférences des autres personnes. Dyanne Affonso a souligné l’importance d’une telle exploration3. Elle a renforcé la nécessité d’approfondir les quatre points susmentionnés puisqu’ils sont liés à la littératie en matière de santé. Selon elle, la littératie en matière de santé dans un contexte de plusieurs langues et cultures, en outre, englobe la compréhension des sources possibles d’impact sur les comportements et les connaissances futures en matière de santé des gens, et comprend la protection de leur liberté de choix selon leur compréhension de la santé, de la médecine et de la technologie. Le Canada est une société multiculturelle. C’est pourquoi l’anglais et le français ne constituent pas les seules langues visées, particulièrement en ce qui concerne la santé et les questions connexes 2. Dans le présent document, nous ne proposons pas une nouvelle définition de littératie en matière de santé. Le rapport sur la conférence corrobore notre déclaration – la littératie en matière de santé, dans le cadre de la diversité ethnoculturelle, est un problème sous-estimé. Les langues et la communication entre les fournisseurs de soins de santé et les consommateurs ont une importance particulière. Cette question représente un défi supplémentaire puisqu’elle signifie qu’il faut se préoccuper de différents aspects du monde, de la science et de la santé4,5. Une telle communication va au-delà du but d’aider les gens à décoder l’information sur D VOLUME 97, SUPPLÉMENT 2 LITTÉRATIE EN MATIERE DE SANTÉ DANS LA RÉALITÉ DES IMMIGRANTS la santé et à la transformer en connaissances en matière de santé, puis à développer des comportements plus sains1. Ce défi comporte plusieurs volets, dont celui de comprendre différentes réalités. Cela signifie qu’il faut porter une attention particulière aux symboles culturels et aux façons de s’approprier les connaissances selon les groupes ethnoculturels. Elles comprennent des pratiques telles que le chant, le toucher et le conte; l’utilisation efficace des sons, de la musique, de l’imagerie visuelle et des arts3; l’établissement de liens entre les valeurs culturelles, les scénarios et les métaphores considérées comme une expression de l’être, de la pensée, de la croyance, de la compréhension, de la vie et des gestes3,6; et la dynamique subséquente de l’interprétation des diversités et particularités de l’acceptation des interventions visant l’éducation en matière de santé 6 . Pour ces raisons, le présent article introduit la littératie en matière de santé telle qu’elle est vécue par les immigrants, et les défis posés aux professionnels de la santé des domaines des soins de santé, de l’éducation et de la recherche. Ce que nous savons : mettre à jour les connaissances canadiennes sur la littératie en matière de santé et la diversité culturelle La présentation de Lisa Merry7 a fait ressortir les aspects fonctionnels de la littératie en matière de santé des personnes nées à l’étranger lorsqu’elles doivent faire face aux demandes organisationnelles du système de soins de santé. À leur premier contact avec les services de santé, elles doivent habituellement remplir des questionnaires. De telles situations peuvent les forcer à révéler leur inexpérience relative aux instructions habituelles, aux choix énumérés par lettre et sujets et au fait de remplir des formulaires sur sa santé personnelle. Hughes8 a discuté des interactions des professionnels de la santé avec diverses populations ethnoculturelles. Elle a montré que les professionnels de la santé ont certaines difficultés à transmettre aux personnes moins alphabétisées l’idée de prendre des risques. Ce fait est particulièrement apparent lorsque l’on prodigue des conseils sur le contrôle du tabagisme et l’utilisation courante des médicaments d’ordonnance. De plus, la recherche de MAI – JUIN 2006 Ouellette et Geirson9 a élargi le concept de risque; ces chercheurs ont montré que la signification attribuée à la maladie d’une personne influence la décision de suivre le traitement prescrit. Dans un atelier, Pouliot 10 a souligné que les personnes ayant des difficultés de lecture et celles utilisant une autre langue avaient tendance à préférer que les professionnels de la santé utilisent des mots « courts » et parlent lentement, peu importe le moyen de communication. Fauchon a présenté de l’information détaillée11 sur les préférences quant à l’information générale et en matière de santé. Les gens préfèrent que l’information soit présentée de façon chronologique, avec des sous-titres, des paroles et des images avec des légendes de façon à mieux comprendre. Malgré l’information en matière de santé facilement accessible, les études montrent que cette information n’atteint habituellement pas les personnes ayant des problèmes de langue ou d’alphabétisation12. Par exemple, Ellen Balka1 a affirmé que l’information sur les sites Web, les DVD, les CD-ROM et la technologie de communication à distance avaient une incidence limitée sur les personnes moins éduquées ou n’ayant pas la peau blanche. En dernier lieu, les participants qui étaient des personnes apprenantes, les éducateurs en matière de santé et les professionnels ont critiqué le caractère inadéquat des ressources et des approches pédagogiques pour atteindre les minorités culturelles. C’est pourquoi ces groupes de population tendent à être exclus des initiatives de promotion de la santé, ce qui a pour effet de mettre en péril l’efficacité des services de soins de santé. Ce que dit la littérature : la littératie en matière de santé et l’utilisation des services chez les nouveaux arrivants au Canada – Les rôles de la culture et de la langue Pour de nombreux nouveaux arrivants au Canada, le problème provient d’un manque d’accès aux services de soins de santé préventifs et de la difficulté à s’adapter à une nouvelle culture en matière de santé, ce qui est particulièrement vrai pour les personnes ayant une connaissance limitée de l’anglais ou du français13-17. La capacité des immigrants d’accéder aux services de soins de santé dans les pays développés varie grandement. Elle dépend de leur statut d’immigrant, de leur pays d’origine, de leurs croyances culturelles et traditionnelles et de leur capacité à recourir aux services 16-23 . Bien que l’assurancemaladie soit universelle au Canada, les nouveaux immigrants manquent d’accès aux soutiens officiel et non officiel qui les aideraient à utiliser efficacement les services préventifs. On croit que le manque d’accès est lié à l’isolation linguistique, religieuse et culturelle 24-28. Les obstacles linguistiques et culturels signifient souvent que les immigrants ethniques ne sont pas vraiment au courant des services de soins de santé ainsi que de l’information en matière de santé qui leur sont offerts. De même, ils n’en connaissent pas les avantages. Ce problème a une incidence négative sur leur capacité à accéder aux services et à l’information13,29,30. Bien que la population canadienne se diversifie et qu’elle soit représentée en plus grande proportion par des personnes ayant des contextes ethniques et culturels différents, nous en savons peu sur l’incidence des obstacles socioculturels sur les taux d’utilisation et les résultats sur la santé de la population. Des facteurs comme les obstacles linguistiques et culturels, les croyances et pratiques traditionnelles, la discrimination, et les perceptions de honte qui peuvent contribuer au problème d’accès, n’ont pas été étudiés auprès des nouveaux arrivants au Canada4,28,31-35. De façon générale, la connaissance des modèles uniques de l’état de santé, des soins en matière de santé, de l’accès à l’information en matière de santé, et des obstacles à l’utilisation par les immigrants des services de soins de santé est limitée au Canada34,36. On en sait particulièrement peu sur le niveau de base en matière de littératie et de littératie en matière de santé dans les collectivités des nouveaux arrivants ayant divers contextes ethnoculturels15,25. En conséquence, il semble y avoir des lacunes fondamentales dans les connaissances fondées sur les recherches en ce qui concerne l’accès aux services de soins de santé et l’utilisation de ces derniers du point de vue des sous-populations désavantagées au Canada. La documentation indique qu’à leur arrivée au Canada, les immigrants sont généralement aussi en santé, sinon plus, REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE S29 LITTÉRATIE EN MATIERE DE SANTÉ DANS LA RÉALITÉ DES IMMIGRANTS Population cible : Les aînés japonais de première et deuxième génération42 Population cible : Noirs africains6 Buts : • Répondre aux besoins de services médicaux et d’information d’urgence dans leur langue. • Offrir une éducation et du matériel adaptés à la culture sur les maladies chroniques, les médicaments, la nourriture, la fraude et les loisirs. • Réduire l’isolation sociale avec l’occasion de partager la langue et la culture, et avoir une meilleure qualité de vie. Buts : • S’en prendre au « tueur silencieux » de la collectivité : le diabète. • Favoriser une discussion approfondie sur la maladie dans la collectivité. • Renseigner la collectivité sur une alimentation et un mode de vie sains ainsi que la gestion du stress. Collaborateurs : 43 employés multilingues, 550 bénévoles de la collectivité culturelle et 59 établissements de soins de longue durée, ainsi que d’autres institutions partenaires communautaires. Ce qui est fait : • Programmes de visites amicales avec des activités sociales, culturelles, pédagogiques et ludiques ainsi que des déplacements et des services. • Offre de soins de santé dans leur propre langue avec une traduction de l’information sur les services d’urgence, les maladies et les services communautaires. Fonctionnement : • Exercice, chants, groupes de discussion, présentation de vidéos, dîners japonais et soupers familiaux. • Services d’accompagnement aux rendez vous chez le médecin et aux évaluations. • Évaluations gériatriques par des spécialistes qui comprennent la culture japonaise. • Aide quant à la traduction de la posologie et du traitement. Signes de réussite : • Moins d’incompréhension quant aux médicaments et aux traitements. • Davantage de rapports de bonne/d’excellente santé. • Diminution du nombre de chutes et de cas de grippe. Figure 1. Collaborateurs : Enseignants, étudiants et bénévoles au sein des collectivités ainsi que les pasteurs. Ce qui est fait : • Mise en place d’un programme de prévention du diabète dans quatre collectivités noires. • Visite de la collectivité et demande aux gens de participer à un comité consultatif pour la collectivité. Fonctionnement : • Former des bénévoles, qui prépareront des repas sains, intéressants sur le plan culturel. • Démonstration dans la collectivité, par les bénévoles, de la préparation de repas sains. • Classes d’activité physique avec des mouvements « sur place », de reggae ou de calypso, du yoga, ainsi que du tambour spirituel et de la prière. • Distribution de documents « faciles à lire » et d’information orale. Signes de réussite : • Les bénévoles se consacrent à aiguiser la conscience du besoin du transfert des connaissances et des capacités entre eux et les collectivités. • Les bénévoles portent une attention particulière à la langue et fournissent des renseignements adaptés à la culture, principalement aux personnes ayant des difficultés de lecture et de rédaction. • Les partenaires sont essentiels au caractère adéquat des interventions pédagogiques quant au symbolisme et aux nuances sur le plan de la culture, ainsi que l’interprétation des gens. Travailler avec une minorité ethnoculturelle pour promouvoir la santé et la littératie des gens que les Canadiens de souche31,34. Toutefois, leur état de santé peut se détériorer au cours des années suivant leur immigration 36 . Leur bilan de santé général reflète des anomalies sanitaires importantes qui existent chez les populations pauvres et plus vulnérables34,36. En raison des barrières linguistiques et culturelles, ainsi que du manque d’information et d’expérience des immigrants quant au nouveau système de soins de santé5,12,37, leur santé se détériore avec le temps. Cette situation découle d’une sous-utilisation relative du système préventif de dépistage ainsi que d’un manque de diagnostics et de traitement des problèmes de santé25,36,38. Cette détérioration pourrait être atténuée si les services offerts par le système de soins de santé étaient plus accessibles, et le personnel plus sensible sur le plan linguistique et culturel. Toutefois, les immigrants récents, parmi d’autres populations vulnérables, ne cherchent généralement pas activement à utiliser le système de soins de santé du Canada18,21,35. En voici les raisons les plus courantes : 1. Obstacles à l’accès et à l’utilisation des services31; 2. Manque d’information sur certains services de santé disponibles39; S30 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE 3. Recours à des herboristes et à d’autres fournisseurs de soins parallèles en santé pour leurs problèmes de santé et ceux de leur famille22,40; et 4. Manque de services de santé adaptés à la culture ou acceptables pour les collectivités ethniques. Répondre aux conséquences collectives et distinctes de ces facteurs aidera les décideurs politiques et les fournisseurs de soins de santé à élaborer des systèmes de soins de santé adaptés et acceptables sur le plan culturel dans les différentes collectivités au Canada pour répondre aux besoins de ces populations en matière de santé. Il y a aussi d’autres obstacles. Certains immigrants font part de leur hésitation à discuter des pratiques traditionnelles avec les fournisseurs de soins de santé16 ou à leur demander des renseignements supplémentaires lorsqu’ils ne comprennent pas l’information qu’on leur a fournie 17,25. C’est pourquoi, lorsque l’on prévoit des stratégies d’intervention visant à créer des documents pédagogiques et d’autotraitement, il est essentiel de connaître l’âge, le sexe, l’appartenance ethnique ainsi que les croyances religieuses et culturelles du public cible et de s’y adapter20-22. Ce que nous devons faire Innovation des politiques nationales Les participants à la conférence s’attendent à ce que des changements importants soient apportés aux politiques touchant à la littératie en matière de santé et aident à élaborer une vision nationale plus large. Fairbairn41 a suggéré que les politiques aillent au-delà des limites géographiques, de l’appartenance ethnique, des conditions socio-économiques, de l’âge et du sexe. Les participants et les conférenciers ont suggéré une gamme de sujets à inclure dans les politiques, tels que : a) Définir des stratégies de collaboration entre le système de soins de santé et les organismes de service aux immigrants pour promouvoir l’intégration sociale à court terme des nouveaux arrivants à la culture et à la société canadiennes (c.-à-d. programme d’accueil); b) Appuyer la sensibilisation à des partenaires ethnoculturels pour établir une collaboration entre le Programme national sur l’alphabétisation et la santé de l’Association canadienne de santé publique et le Conseil ethnoculturel du Canada; c) Incorporer les profils d’alphabétisation et les préférences linguistiques des VOLUME 97, SUPPLÉMENT 2 LITTÉRATIE EN MATIERE DE SANTÉ DANS LA RÉALITÉ DES IMMIGRANTS consommateurs dans la section d’identification des dossiers médicaux personnels; d) Former officiellement les fournisseurs de soins de santé à utiliser un langage simple dans une perspective multiculturelle; et e) Élargir l’éducation en matière de compétence culturelle aux programmes de santé de premier cycle et supérieurs. Renouveler la pratique en collaboration Le rapport sur la conférence documente la perception commune qu’il existe au Canada un besoin d’une approche plus inclusive de la collaboration avec les collectivités culturelles particulières. Au nombre des collaborateurs, on compterait les informateurs clés et guides d’opinion des collectivités. Ces derniers discerneraient les facteurs sous-jacents qui influencent les taux récents de littératie en matière de santé des immigrants. Cette approche mènera éventuellement à l’élaboration de mesures adaptées sur le plan culturel pour répondre aux questions de littératie en matière de santé et à l’utilisation des services dans ces collectivités. Elle aidera également les établissements de santé à créer des documents adaptés à la réalité culturelle, qui seront utilisés au cours de la formation en cours d’emploi des futurs médecins, infirmières et autres professionnels des soins de santé sur la diversité culturelle, l’équité et les habiletés de communication adéquates. Pour des exemples de collaboration avec les collectivités, consultez la figure 1; on y décrit les expériences pratiques de Robertson42 et Rossi6 avec les collectivités ethnoculturelles. Pour parvenir à la collaboration avec les collectivités, Rose et Moody43 appuient le partage des connaissances et des habiletés entre les éducateurs du domaine de la littératie et de la santé, en vue d’offrir des programmes de santé à une population multiculturelle. Il faudrait un partenariat avec des organismes de confiance et des dirigeants communautaires, tel que l’a illustré Rossi dans sa présentation 6 . Conjointement avec les collectivités locales, ils peuvent explorer l’existence des mots populaires utilisés pour parler de l’optique des gens sur la santé et les procédures médicales ainsi que les pratiques personnelles44. Dans leur présentation, Parisot MAI – JUIN 2006 et Berthiaume 45 ont mentionné que ces termes populaires convenaient particulièrement bien à l’élaboration de matériel pédagogique, adapté à la langue et à la culture, pour les personnes ayant une déficience visuelle ou de communication (p. ex. document sonore ou assisté par ordinateur). Ces ressources répondront aux besoins des gens provenant de minorités culturelles et linguistiques. Ils les aideront à décoder plus précisément l’information en matière de santé et à l’utiliser. Le suivi médical semble également être un problème majeur, particulièrement en ce qui concerne l’obtention et l’application d’information relative aux médicaments d’ordonnance. Un apprenant adulte a suggéré que des membres du personnel des organismes de santé gardent contact avec les nouveaux arrivants après leur premier rendez-vous chez le médecin. En tout, ces mesures visent à minimiser les quiproquos relatifs aux directives médicales et à l’information en matière de santé afin, éventuellement, de prodiguer des soins de santé sécuritaires et convenables sur le plan culturel, dans une perspective multiculturelle conséquente. Ce que nous devons savoir : sujets pour de nouvelles études Faire avancer l’expertise canadienne sur les questions de littératie en matière de santé, plus particulièrement pour notre société multiculturelle, pourrait renforcer le leadership international du Canada dans le domaine de la promotion de la santé. Les discussions démocratiques, la tolérance de la critique, la participation des apprenants communautaires et l’engagement des décideurs politiques constituent les caractéristiques importantes du mouvement de la littératie en matière de santé au Canada. Frankish 46 a souligné que l’importance croissante de la littératie en matière de santé pourrait exiger la création d’un centre d’information national pour appuyer les nouvelles études, initiatives et politiques. Toutefois, de nombreux conférenciers ont souligné le besoin de plus d’information pour répondre au manque de connaissances sur des questions précises, telles que les obstacles culturels et linguistiques à l’accès aux services et à leur utilisation. Les idées ci-dessous résument les commentaires et les suggestions des participants quant aux nouvelles études dans le domaine de la littératie en matière de santé. Ils tiennent compte des questions du sexe, de la culture et de la langue des souspopulations au Canada : 1. Étudier la perspective ethnoculturelle des hommes sur la littératie en matière de santé, leurs comportements culturels en matière de santé, y compris leur compréhension des affections courantes chez les hommes, la perception qu’ils ont de leurs besoins d’information et leurs pratiques d’apprentissage. 2. Proposer et évaluer un nouveau vocabulaire pour transmettre des idées sur la technologie médicale aux personnes qui n’ont pas l’expérience de termes technologiques. 3. Explorer les pratiques familiales selon la culture, associées aux comportements masculins et féminins en ce qui concerne la nourriture, les médicaments, la demande d’aide et la promotion du bien-être de l’individu et de la famille. 4. Analyser les effets de la pauvreté et d’un niveau peu élevé de littératie sur l’état de santé et les pratiques en matière de santé au sein des minorités culturelles et linguistiques. 5. Documenter la façon dont les gens des groupes ethnoculturels utilisent l’Internet pour obtenir de l’information en matière de santé. DISCUSSION ET CONCLUSION Les praticiens, les décideurs politiques et les chercheurs doivent unir les efforts pour concevoir des mesures novatrices permettant d’atténuer ou d’éradiquer les effets de détérioration de la santé des Canadiens qui ne maîtrisent pas la lecture de base pour bien fonctionner dans la société 13-15. La compréhension conceptuelle de la littératie en matière de santé semble plus complexe pour les immigrants puisque le Canada suppose la connaissance d’au moins l’une de ses deux langues officielles. Les minorités nées à l’étranger et les nouveaux arrivants ont de fait plus de difficulté à lire l’anglais ou le français, en comparaison avec un Canadien de souche 17,19-21 . Ils peuvent avoir reçu une très bonne éducation dans leur pays d’origine, mais en raison de leur difficulté à se faire comprendre dans l’une ou l’autre des langues officielles, ils sont parfois considérés comme peu ou pas REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE S31 LITTÉRATIE EN MATIERE DE SANTÉ DANS LA RÉALITÉ DES IMMIGRANTS alphabétisés. C’est pourquoi ils manquent d’accès à des soins de santé et à des emplois appropriés et qu’ils vivent dans la grande ville, dans des voisinages à faible revenu5,12,15,17. Par exemple, un immigrant allemand ayant un baccalauréat, mais une connaissance limitée de l’anglais ou du français, aurait une cote peu élevée sur l’échelle d’alphabétisation canadienne. Toutefois, le même individu aurait probablement eu une cote élevée sur l’échelle d’alphabétisation allemande2. De la même manière, on estime qu’un nombre disproportionné de minorités et de nouveaux arrivants ont des problèmes sur le plan de la littératie en matière de santé. Ces problèmes limitent leur capacité à profiter complètement des programmes et des services de soins de santé. De plus, la protection et l’amélioration de l’état de santé des membres de leur famille peuvent être compromis24,47. Les obstacles à la littératie en matière de santé des nouveaux arrivants sont un faible niveau d’éducation, la langue, la culture, les croyances et les facteurs institutionnels. Les solutions proposées pour vaincre ces obstacles vont de la compétence culturelle entre les professionnels de la santé et la sensibilité à la culture des systèmes de soins de santé et un plus grand recours aux fournisseurs de soins de santé biculturels. La documentation probante et l’état des connaissances, tels que présentés lors de la conférence, indiquent que les obstacles linguistiques et culturels, la collectivité et la discrimination institutionnelle, les écarts de salaire et le faible niveau de littératie en matière de santé sont interreliés. Ensemble, ils influent sur l’accès des minorités et des immigrants aux services de santé et éventuellement sur leur état de santé2,28,35,48. Les résultats liés aux personnes, à la famille et à la santé collective devraient faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre d’un futur programme de collaboration des décideurs politiques et des professionnels de la santé et de la littératie pour élaborer un système de soins de santé adapté et acceptable sur le plan culturel au Canada. Les défis sont nombreux, mais il existe aussi de nombreuses occasions de travailler, de créer, d’innover et d’apprendre ensemble sur la littératie en matière de santé, les langues et les cultures. Les efforts pour améliorer la littératie en matière de santé au Canada ont un double effet positif. S32 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE Premièrement, ils aident les gens à vivre de façon plus satisfaisante en utilisant de l’information sur la santé pour améliorer leur compréhension de leur corps, leurs comportements sociaux et leur potentiel. Deuxièmement, ils aident les éducateurs du domaine de la santé à reconnaître leurs propres limites et les défis en offrant des solutions simples et efficaces au problème complexe d’éduquer les gens sur la santé, le bien-être et la qualité de vie. Somme toute, la complexité de la littératie en matière de santé est un phénomène ethnoculturel indéniable. Il faut poursuivre l’exploration des avenues de la langue, de la culture, du sexe, de l’âge, de la situation économique, ou de la littératie en général, de même que l’exploration des synergies entre tous les déterminants de la santé et de la littératie en matière de santé. RÉFÉRENCES 1. Balka, E. Technology and Health Literacy. 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