La tête froide et les jambes en l`air

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La tête froide et les jambes en l`air
Emmanuel Wallon
paru dans Arts de la piste n°16, mars 2000, p.12 à 15,
dossier « Faire école»
La tête froide et les jambes en l'air
Pour une pédagogie du mouvement
Une première, la rencontre internationale des 28 et 29 janvier 2000 à
la Villette et à la Ferme du Buisson en constituait bien une. En Europe, les
établissements d'enseignement artistique commencent à se structurer en
réseaux depuis un peu plus de dix ans. Hormis celle de Moscou, née en
1927, la plupart des écoles supérieures de cirque qui ont pris le relais de la
transmission familiale atteignent à peine cet âge. Leurs responsables
tentent de trouver des principes communs dans la mêlée des tentations
esthétiques.
Lorsque l’empereur de Rome adopta la foi chrétienne, les dévots ne purent
plus compter sur les supplices du cirque pour leur assurer le chemin du paradis.
Certains résolurent de s’infliger par eux-mêmes des épreuves, tel Siméon le
Stylite qui, juché au sommet d’une colonne, prêcha trente-sept durant sur cette
étroite plate-forme pour gagner sa sainteté. Il fit école, inspirant de nombreux
ascètes.
Malgré leur sens de l’équilibre, les gens du cirque font d’assez mauvais
stylites. Ni l’agitation de la glotte ni l’immobilité du séant ne sont leurs numéros
favoris. Aux débats de théorie éducative où l’intellectuel sédentaire s’épanouit,
les pédagogues de la piste semblent moins rompus. Mais le spectaculaire
développement des écoles de cirque dans le monde, du Québec au Hunan,
appelant de leur part réflexions et commentaires, le moment est venu
d’accomplir ce que le clown-jongleur-acrobate Nikolaus appelle « un exploit
corporel relatif » en opérant, comme un arrêt en plein élan, un point fixe sur le
mouvement de la transmission dans les disciplines du saut, du jeu et du jet.
Pour tenter cela, il serait commode de prendre appui sur une solide pile de
références empruntées à une bibliothèque d’homme honnête. Celle de Michel de
Montaigne, par exemple. Chacun souscrit quand, dans les Essais (1588), il
souhaite aux écoliers de posséder "plutôt la tête bien faite que bien pleine".
Mens sana, d'accord. Et corpore sano, alors ? Pour l'entretien du corps, quel
crédit accorder à cet amateur de médocs et de siestes - et d'ailleurs sa retraite
douillette autorise-t-elle les itinérants à solliciter ses conseils ? Bien sûr, on peut
fouiller le cabinet de travail de Jean-Jacques Rousseau, qui confessait sa
confiance envers la nature et les lois de la physique. Pourtant le précepteur de
l’Émile (1762) ne semble pas le mieux indiqué pour instruire les éducateurs de
saltimbanques, lui qui reprochait aux citoyens de Genève d’entretenir un théâtre,
lieu de perdition pour la jeunesse et pour l’âge mûr. Restent les œuvres
complètes d'André Gide. Quoique le fameux « Nathanaël, à présent, jette mon
livre. Émancipe-t-en. Quitte-moi », qui clôt Les Nourritures terrestres (1897),
volontiers cité par les maîtres chérissant la liberté de leurs pupilles, ne convient
pas si bien aux habitués des chapiteaux. Imagine-t-on le jongleur Jérôme
Thomas dire cela à son élève moscovite, Timour Kaibjanov ? Tout objet de
savoir lancé par un garçon qui jongle avec ses pieds aussi aisément qu’avec ses
mains rebondira en parabole sous la toile.
La contradiction du jongleur
Nommons ce problème : contradiction du jongleur. De même que l'artiste
doit défier la pesanteur et retomber sur ses pieds, il s'agit pour les jeunes écoles
de concilier la discipline du métier avec l'indiscipline de la création, de combiner
d'antiques disciplines du spectacle avec les techniques pédagogiques
d'aujourd'hui, d'intégrer la plus ancienne des exigences sociales, la transmission,
avec la plus récente des politiques culturelles, qui prend enfin le cirque en
considération. La quadrature du cercle, en somme : encore un exercice familier
aux manieurs de balles.
On pourrait croire de prime abord qu'aller à l'école, pour l'apprenti
circassien, ne consiste pas à suivre à un itinéraire balisé comme un cursus
d'apothicaire mais à emprunter ces chemins folâtres que les augustes frayent à
monocycle. L'idée d'école paraît aussi éloignée du cirque que le chapiteau se
garde à l'écart du collège. Pour le cancre authentique, même la leçon de Prévert
résonne d'accents trop sévères. C'est en se balançant sur sa chaise qu'il s'évade
de la salle de classe et crève l'écran noir du tableau. Afin de ramener ce potache
sur le plancher des vaches savantes, le professeur tient prête sa pique : "Élève
Machin, vous vous croyez au cirque ?" - car l'instituteur a pris le relais de
l'aumônier pour emplir les têtes et façonner les pensées.
Comme l'Église jadis, l'instruction publique se fit fort de corseter les corps et
d'ignorer les sens. Mais à peine les interdits se sont-il relâchés dans les
enceintes scolaires que des institutions ont grandi au dehors pour encadrer les
matières que le désir travaille et les pratiques qui lancent un défi aux normes.
Comment peuvent-elles guider le geste sans brimer l'énergie, former les esprits
sans canaliser l'invention ? Toutes les écoles d'art connaissent peu ou prou cette
contradiction. C'est de leur côté qu'il faut chercher des éléments de comparaison
et non seulement entre maisons de cirque de statuts différents.
Avant de les dispenser, les écoles codifient les savoirs et les consacrent.
C'est vrai de toutes, qu'elles aient pour cadre la famille de forains, l'atelier du
patron, la corporation d'artisans, l'académie royale, le conservatoire municipal ou
un établissement supérieur d'État. De là découle l'expression : faire école.
Chaque cénacle mis en position de hisser ses protégés au seuil de la carrière
tisse sa filière et secrète son esthétique. Il y a là, pour un milieu professionnel
donné, un impératif de reproduction, une sorte d'assurance sur l'avenir. C'est le
dernier privilège de la gloire que de superviser la reconnaissance des héritiers.
Cet usage n'a pas disparu avec les grandes dynasties du cirque. Les écoles ont
simplement contribué à le socialiser.
Il n'est pas de pédagogie de l'art qui ne prétende confier aux candidats le
secret de la maîtrise et ne sache le présenter comme un gage de liberté. Le
programme d'une école dépasse donc en ambition l'énoncé de connaissances et
le catalogue de procédés. Il implique une définition de la discipline enseignée qui
tend à exclure les conceptions alternatives. Un professeur ne peut à la fois
délivrer tout son savoir et fournir le moyen de l'employer. S'il ne veut se
contenter de proposer des tours ou des recettes, il doit dessiner des épures,
esquisser des modèles à imiter. Ensuite les pédagogues accomplis - ils sont
rares - enhardiront leurs élèves à s'affranchir de l'exemple dès qu'ils l'auront
assimilé.
Le pluralisme seul (si l'on peut dire) permet d'échapper à la prétention
normative qui habite le cœur de tout projet éducatif. La puissance publique n'a
pas de meilleur moyen de l'assurer que de favoriser la multiplication des écoles,
ainsi qu'elle partage ses subsides et répartit ses commandes entre des courants
d'expression concurrents. Sitôt épanouie dans la société, cette diversité
contamine les grands établissements sous l'appellation d'éclectisme, à condition
que leurs espaces soient assez vastes et leurs cadres assez solides pour tolérer
la combinaison d'orientations diffuses. Ainsi le jazz, élevé en cave et mûri au
soleil des festivals, a fini, de cours privé en stage associatif, par pénétrer les
conservatoires et les écoles nationales de musique.
La polyvalence au programme
Former ne signifie pas formater. Dès lors que l'école admet en amont des
itinéraires variés, qu'elle autorise en son giron des parcours complexes, qu'elle
conduit en aval à des destinations divergentes, elle promouvra des personnalités
au lieu de produire des instruments. Les écoles chinoises, dont le fondateur du
Festival mondial du cirque de demain, Dominique Mauclair, concède en expert
que l'excellence technique est payée d'astreintes insoutenables, servent de
repoussoir aux institutions occidentales qui s'ingénient à enseigner la liberté du
sujet. Peu d'établissements poussent aussi loin ce principe que le Centre
national des arts du cirque, lequel postule la préparation d'interprètes sensibles.
Cependant les critiques qu'il doit parfois essuyer indiquent combien la notion
d'interprète est elle-même propice à interprétation. Certains reprochent à son
directeur Bernard Turin d'amener les élèves de dernière année à se plier aux
intentions de chorégraphes ou de metteurs en scène extérieurs au monde de la
piste. Pour ceux-là, l'artiste individuel, unique propriétaire de son talent, semble
mieux en mesure d'acquérir son indépendance. A moins, rétorquent les autres,
que l'exploitation d'un numéro ne les assujettisse à vie à un procédé.
A défaut de prévoir le destin des élèves, on peut discuter la valeur de leurs
certificats. A la sortie des écoles des beaux-arts, le diplôme semble suffire à
conférer la qualité d'artiste. Les collectionneurs ont beau observer que la
maturation d'une œuvre occupe plusieurs décennies, les critiques noter qu'une
existence de peintre ne suffit pas à contenir les métamorphoses d'un style, les
historiens constater des accidents dans les circonstances de la production et des
tournants dans l'aventure de l'auteur, le sociologue est bien obligé d'enregistrer
l'irruption du lauréat dans la sphère des artistes patentés, pourvu du titre de
"jeune" qui, loin de minimiser son mérite, annonce d'avance ses coups d'éclat.
Les responsables de formations supérieures de cirque ne se font pas
d'illusions sur ce point. Ils conviennent de ce que leurs pupilles ne deviendront
pas géniaux par la grâce d'un examen. On ne compte pas plus de créateurs à la
sortie des institutions de toile que d'hommes d'État à l'issue du concours de
l'École nationale d'administration. Du reste, aucune école, à ce stade, ne
s'estime capable d'initier à la mise en piste. La France ne représente pas une
exception. Le ministère de la Culture, ne patronnant pas de cours de mise en
scène ou de chorégraphie, considère que l'art de la composition recèle trop de
mystères pour être exposé dans un système d'enseignement - et cela bien que
Jean-Michel Guy le classe comme le septième des arts du cirque.
En revanche il arrive que des compagnies se fondent aux portes des
écoles, voire en leur sein. Aucune de ces dernières, pas même le CNAC malgré
l'année d'insertion professionnelle durant laquelle ses élèves font l'apprentissage
collectif de la production sous la direction d'intervenants extérieurs, n'affiche une
vocation de pépinière d'entreprises. Mais une promotion de dix à vingt inscrits
fonctionne déjà comme un groupe, dont les membres espèrent prolonger les
liens d'affection et de solidarité au moment d'affronter le marché du spectacle.
Les bons camarades ne construisent pas toujours des compagnies solides. Les
responsables pédagogiques doivent en prendre conscience pour mieux les
avertir des avantages et des inconvénients d'un tel choix.
On a coutume de parler de bagage, pour englober le lot d'acquis dont les
élèves doivent être lestés à la fin de leur scolarité. Quelle discipline en dehors
des arts nomades illustre mieux la portée de ce terme ? Un parcours d'artiste doit
être aussi long que possible, avec autant d'étapes qu'il en pourra effectuer et de
rencontres qu'il en pourra souhaiter. Un bon degré de polyvalence est à ce
compte un atout plus convaincant qu'une étroite spécialité, aussi pointue soitelle.
Comme ces comédiens russes, qui savent chanter, danser et jouer d'un
instrument, les artistes issus des écoles de cirque doivent maîtriser les bases de
l'acrobatie et du jonglage, sinon de la voltige ou du fil, mais aussi être capables
d'effectuer des entrées clownesques, de dire un texte et de suivre une
chorégraphie, enfin de tenir leur rôle dans un spectacle où toutes les disciplines
ont leur place. On mesure la virtuosité qu'il faut au responsable des programmes
d'études pour concilier autant d'exigences, surtout s'il s'avise, comme il serait
inspiré de le faire, d'y ajouter une initiation aux fonctions de technicien, de
régisseur, d'administrateur, d'animateur et de formateur que l'intermittent itinérant
devra assumer tôt ou tard et tour à tour. Et ne s'agit-il pas encore de lui délivrer
des éléments d'histoire des arts de la piste ainsi que des rudiments d'anglais ou
d'espagnol pour compléter ses compétences professionnelles ? A supposer que
le corps enseignant les détienne, la somme de ces connaissances ferait craquer
n'importe quel volume horaire.
Priorité à la mobilité
C'est pourquoi il importe de désigner le principe pédagogique qui permettra
de hiérarchiser les choix : dans le bureau du directeur de même que dans la
salle d'exercice, sous le chapiteau et dans le convoi de la troupe, un
commandement unique : privilégier la mobilité. Le mouvement seul articule entre
elles les énergies du cirque.
Le déplacement s'opère d'abord entre des degrés de formation distincts :
du primaire au secondaire, puis au supérieur - c'est-à-dire en gravissant les
paliers superposés de l'initiation, du perfectionnement et de la spécialisation.
Cette progression requiert des solutions de continuité. Les écoles elles-mêmes
réclament un meilleur enchaînement des séquences éducatives, notamment à
l'amorce et à l'issue du cycle intermédiaire, durant lequel la future orientation
professionnelle se décide. Bien qu'ils désirent préparer de manière intensive leur
entrée dans des établissements de prestige, il serait contraire aux intérêts des
élèves de leur infliger des entraînements au détriment de leur formation
générale. La vie continue au dehors du chapiteau et ils n'ont pas encore vendu
leur âme à l'art, ni leur corps au cirque… Ce cycle, qui coïncide peu ou prou avec
la fin des études secondaires, devrait donc bénéficier du développement
d'options cirque dans les lycées, avec des possibilités d'alternance comme il en
existe parfois à l'intention des sportifs de haut niveau, des musiciens ou des
danseurs.
La tentation du voyage pointe dès l'issue des premières qualifications. Celui
qui l'amorce ne saurait dire s'il emprunte un raccourci ou un détour. Une chose
semble sûre : il passe l'épreuve de la route. Un établissement peut être qualifié
de national pour signifier l'importance que lui accorde un État. Mais il ne mérite le
label d'école supérieure que s'il accueille des élèves de diverses nationalités et
s'il attire des professeurs de tous horizons. Telle la marine à voile, les grands
vaisseaux de toile ont toujours emmené des équipages bigarrés. L'Europe de la
piste tournerait en rond sans les Canadiens et les Péruviens, les Guinéens et les
Caucasiens. Cela vaut aussi pour la danse ou le cinéma : afin d'activer le
frottement des esprits, il faut que les gouvernements, si nécessaire avec l'aide de
la Commission européenne, encouragent un système de bourses accessibles
aux candidats des pays tiers. Les institutions artistiques d'aujourd'hui devraient
ressembler aux universités du Moyen-Âge ; la pérégrination des étudiants
affermit leur endurance et leur exigence, celle des professeurs entretient leur
curiosité et leur disponibilité. Avec le concours de la Fédération européenne des
écoles de cirque et le soutien du programme Connect lancé par l'Union cette
année, le réseau animé par Circus Space à Londres, les Halles de Schaerbeek
à Bruxelles et Hors les Murs à Paris y contribuera, en permettant la circulation
des informations, l'échange de matériaux pédagogiques, la confrontation des
programmes et des méthodes, la coopération entre les formateurs.
Se mouvoir, c'est encore évoluer dans la carrière. Les diplômes ne sont pas
que ces parchemins distinguant une élite épuisée par la rude sélection qu'elle a
subie. Ils font office aussi de passeports, pour franchir les frontières d'un pays à
l'autre, d'un établissement à l'autre, d'une catégorie de cirque à l'autre. On
devine en outre qu'ils serviront un jour de visas vers d'autres secteurs, pour les
artistes désireux de changer de métier. C'est pourquoi il importe que les États
reconnaissent leur valeur et la contrôlent, harmonisent leurs niveaux et
déterminent des équivalences.
Au même titre que leurs collègues des disciplines "majeures", les artistes
de cirque revendiquent la véritable mobilité, qui est d'ordre intellectuel. L'actuelle
génération n'est plus sommée de choisir entre la famille et la bande, entre le
cirque de papa et la nef des fous, entre l'académisme et l'invention, la tradition et
la contemporéanité. Elle veut effectuer ses aller-retour en toute liberté, ou bien
zigzaguer à sa guise entre les références et les modèles en dessinant son
propre chemin.
D'où son besoin de définir des parcours d'éducation permanente. De ce
point de vue, les gens du cirque n'accusent pas tant de retard qu'on pourrait
croire. En France, la loi instaurant le droit à la formation des salariés, dont on doit
l'initiative à un Européen du nom de Jacques Delors, ne date que de 1971. Il
reste à aménager le système à l'univers de la piste, non seulement en créant des
lieux de travail et en élaborant des propositions pédagogiques, mais aussi en
installant les circuits qui alimenteront son financement. Les régions, compétentes
en matière d'aménagement du territoire et de formation pour adultes, peuvent y
subvenir ainsi qu'elles s'apprêtent à le faire pour les projets de Bourg-SaintAndéol et de Pontempeyrat. Le CNAC espère du conseil régional, mais aussi du
ministère de la Culture, les moyens d'exercer sa compétence en ce domaine.
Les États gardent en effet la responsabilité de veiller à ce que ce secteur
s'appuie sur un dispositif cohérent, comme c'est déjà le cas en France pour les
comédiens et pour les techniciens de l'audiovisuel. Une fois encore le concours
de l'Union européenne paraît possible et souhaitable : la tâche répond bien aux
critères croisés de la subsidiarité, de la mise en réseau, du soutien à l'innovation.
Cependant il incombe aux artistes d'inspirer une politique à laquelle ils prennent
part en tant que partenaires sociaux. Personne ne peut deviner leurs besoins à
leur place. De même qu'ils s'assurent eux-mêmes à la longe, qu'ils vérifient leur
matériel personnel avant d'affronter le risque, les professionnels de la piste
doivent baliser leur itinéraire de formation continue.
La souplesse du cortex
L'évolution d'un artiste ne saurait prendre fin avec sa consécration dans un
numéro, un spectacle ou une pièce. Le ministère de la Culture français a attendu
le rapport Profession danseur en 1990 pour réfléchir au devenir des interprètes
guettés par l'arthrose ou simplement fatigués de la scène. Sous peine de leur
imposer le rôle du clown triste en guise de retraite, il est temps de prévoir les
filières qui, selon la règle posée par le décret du 18 octobre 1985 sur la validation
des acquis, permettra aux seniors de la piste de se préparer à devenir à leur tour
éducateurs de jeunes enfants, professeurs dans une école agréée, maîtres
entouré de compagnons qualifiés, ou alors metteurs en piste, administrateurs,
producteurs - à moins qu'ils ne préfèrent quitter la piste en beauté, sans douleur
ni déshonneur.
Aux États-Unis un ancien acteur de cinéma, cavalier passable par ailleurs,
a fini sa carrière à la Maison-Blanche. Parions que demain la reconversion des
artistes de cirque offrira un champ d'opportunités plus étendu, à condition qu'ils
aient reçu une formation ménageant leur souplesse.
Échauffement, musculation, assouplissement. De tels exercices intéressent
également la pensée. Les grandes écoles ne sont pas celles où l'on rentre coiffé
et d'où l'on sort en se poussant du col, tout en jurant qu'on n'y mettra plus les
pieds. Méritent ce label les établissements qu'on quitte avec le trac et où l'on
revient avec plaisir, parce qu'on y a appris le cogito sous le chapeau. Ca
n'empêche qu'on y a quand même un peu travaillé du chapeau (ou le chapeau,
voire au chapeau) : il ne faudrait pas confondre l'académie de cirque avec la
faculté de droit.
Emmanuel Wallon,
maître de conférences en science politique
à Paris X - Nanterre,
président de HorslesMurs.