1.3 Le modèle de moniteur Le modèle de moniteur - portail-du
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1.3 Le modèle de moniteur Le modèle de moniteur - portail-du
G. Schlemminger (1996) : La pédagogie Freinet et l'enseignement des langues vivantes : approche historique, systématique et théorique, Bern, Peter Lang, pp. 53 - 56 1.3 Le modèle de moniteur Le modèle de moniteur (de l’anglais “Monitor Model”), développé par S. D. KRASHEN pour l’apprentissage d’une langue étrangère, se situe dans le prolongement du schéma de communication développé par les cognitivistes. La démarche de S. D. KRASHEN se fonde sur la distinction de deux notions fondamentales, l’apprentissage et l’acquisition : - l’acquisition de la langue cible signifie la mise en place de modes opératoires non conscients et non réfléchis ; - l’acquisition se fait par la communication même, à l’instar de l’enfant qui apprend sa langue maternelle ; - au niveau de la production linguistique, une acquisition accomplie se manifeste à travers la maîtrise d’automatismes langagiers ; - “L’acquisition est plus orientée vers la signification que vers les formes.” (J. JANITZA 1989 : 184) - - Par contre : l’apprentissage se base “sur le savoir, la connaissance explicite, réfléchie et consciente chez l’apprenant du système de règles de la langue.” (J. JANITZA 1989 : 183) ; “Il s’attache plus à l’aspect formel de la langue qu’à la signification.” (J. JANITZA 1989 : 184). Ces deux façons d’assimiler une langue étrangère sont indépendantes l’une de l’autre et ont un statut différent dans l’acte de parole. La maîtrise d’une langue (étrangère) est due aux stratégies cognitives d’acquisition. Toutefois, d’après S. D. KRASHEN, elles peuvent être complétées dans l’acte d’énonciation par des règles apprises. Celles-ci jouent alors le rôle d’un filtre ou d’un moniteur face aux automatismes acquis et, si besoin est, interviennent en tant que correcteur au niveau de la construction progressive de l’interlangue. L'activité de ce moniteur a pu être observée plus à l'écrit qu'à l'oral dans le langage écrit et cela davantage chez l'adulte étudiant. S. D. KRASHEN, comme tous les cognitivistes, donne donc une place très faible à l’apprentissage guidé. C’est pourtant à ce niveau que l’enseignement scolaire a sa seule chance d’intervenir… Cela dit, ce modèle cognitif a l’avantage d’expliciter certains problèmes auxquels est confronté l’enseignant en langues étrangères : la réactivation du principe fonctionnel des stratégies cognitives et la mise en place d’automatismes langagiers correspondant à la structure et aux régularités de la nouvelle langue. Les travaux les plus récents cherchent à élaborer des stratégies d’enseignement pour soutenir le “monitoring”, c’est-à-dire l’activité du moniteur et pour connaître davantage les stratégies de communication de l’apprenant1. Le concept d’interlangue et le modèle de moniteur sont des notions qui jouissent actuellement d’une grande adhésion parmi les didacticiens de langues étrangères2. Mais l’approche très dichotomique du modèle de moniteur subit aussi des critiques, par exemple celles du groupe de recherche allemand “Sprachlehr- und Sprachlernforschung” (Recherche en enseignement et apprentissage des langues)3, ou celles des praticiens qui voient leur rôle réduit à suivre passivement le développement des stratégies cognitives innées d’acquisition d’une langue. Il y aurait alors peu de valeur à accorder à l’influence des méthodes d’enseignement et du contexte institutionnel sur l’apprentissage. La question est de savoir si le processus d’automatisation des structures linguistiques se réalise tout à fait indépendamment de celui de l’apprentissage des règles et si ce dernier ne peut pas être intégré progressivement dans le préconscient pour être automatisé. En ce qui concerne les études du champ d’investigation des cognitivistes, souvent effectuées sur des facteurs isolés du processus d’apprentissage et d’acquisition, elles demeurent très empreintes d’une méthodologie et d’objectifs issus de la linguistique structuraliste4. Rappelons que l’apprentissage guidé d’une seconde langue est soumis à des contraintes spécifiques qui nécessitent une démarche méthodologique propre. Déduire du modèle cognitiviste de l’apprentissage, des stratégies d’enseignement et des actes pédagogiques dans un cadre scolaire reste, pour le moment, hypothétique tant que la spécificité de l’apprentissage guidé et son influence sur l’acquisition d’une langue étrangère ne seront pas davantage éclairées. 1 2 3 4 Voir sur ce sujet les très intéressants travaux de recherche, regroupés in : C. FÆRCH / G. KASPER (s. l. dir. d. : 1983) ; cf. aussi J. GIACOBBE (1992). Ne donnons que l’exemple de R. GALISSON (1980), H. G. WIDDOWSON (1981), A. KNAPPPOTTHOFF / K. KNAPP (1982), C. FÆRCH / G. KASPER (s. l. dir. d. : 1983), etc. Voir par exemple : A. KNAPP-POTTHOFF / K. KNAPP (1982) et J. WAGNER (1983). Pour une présentation plus ample de la discussion actuelle, voir : C. KRAMSCH (1984). En ce qui concerne une critique approfondie de la didactique des langues étrangères s’appuyant sur le paradigme de la linguistique structurale, voir aussi : K.-R. BAUSCH / G. KÖNIGS (1983).