À la mémoire du père Vachon

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À la mémoire du père Vachon
À la mémoire du père Vachon
Hommage au père P.E.Vachon lors de ses
ses funérailles,
Présentation du Seigneur et journée de la vie consacrée, le 2 février 2013
Parents et amis,
Qu’est-ce que de nous? Aimait répéter le père Vachon en ces temps difficiles.
Oui, qu’est-ce que de nous?
Le père Vachon prenait, ces derniers temps, davantage conscience de notre fragilité humaine, de
notre finitude, lui qui ne s’attendait pas à vivre ces événements de façon si rapide et précipitée.
Rapide, le mot est faible… Les événements se sont bousculés et nous étions tous très inquiets, autant
que lui. « Je ne m’attendais pas à partir de cette façon si rapidement », m’a-t-il dit lundi dernier.
« C’est la fin, ajoutait-il; je ne croyais pas non plus que c’était si dur de mourir » et encore,
sereinement : « Le Seigneur nous donne tout ce dont on a besoin. »
Qu’est-ce que de nous?
Pour oser parler de ce grand homme, il me faut beaucoup d’humilité, car ce maître n’acceptait pas la
demi-mesure. Pardonnez-moi de ne pas être à la hauteur. Il est difficile de parler d’un être qui
appartient à la catégorie des grands. Soyez indulgents.
L’homme de foi
Arrêtons-nous d’abord sur l’homme de foi. Quelle foi exceptionnelle!
Lors de son séjour au CHUL, il disait souvent que les psaumes du bréviaire lui étaient particulièrement
destinés : « ils ont été écrits pour moi; ils s’adressent à moi… Je ne les avais jamais compris comme
cela ». Les psaumes lui revenaient à l’esprit le jour comme la nuit, dans ses moments d’insomnie….
« Dans la nuit, je me souviens de toi
Et je reste des heures à te parler;
Oui, tu es venu à mon secours,
Mon âme s’attache à toi,
Ta main droite me soutient… »
Et encore : « l’amour du Seigneur n’est pas épuisé;
Sa compassion, chaque matin, se renouvelle… »
Jamais je n’ai vu cet homme douter; positif, optimiste, il savait trouver les bons mots pour encourager,
regardant l’avenir avec confiance et ne désespérant jamais.
Sa foi s’exprimait de multiples façons : tout son être traduisait la Paix et la douceur, une paix qu’il
puisait dans la prière et ses visites à la chapelle, dans le silence et la quiétude d’esprit.
Une foi qui s’exprimait également par ses paroles. Il lui arrivait souvent de citer lors des discussions
autour de la table, un passage de la bible pour confirmer telle ou telle opinion ou encore de citer une
sage parole sur l’inspiration du moment.
Une foi qui s’exprimait par son regard : un regard d’accueil et de grande bonté. Il avait compris ce que
c’était que d’être un instrument de la miséricorde. Marie lui avait enseigné et il avait été sagement à
l’écoute, comme tout bon élève sait le faire.
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Religieux mariste, il en était fier. Fier d’être associé à Marie, son modèle de foi, qui lui a également
enseigné une façon d’être présent à notre monde d’aujourd’hui. Il savait parler de Marie, disait
monseigneur Couture, hier soir. C’était une foi sans cesse renouvelée et grandissante par son
incessant désir d’être à jour. Il lisait beaucoup et, de ce temps-ci, il était plongé dans les livres de
Benoît XVI. Il était impressionné par les écrits du pape. Il disait : « je ne sais pas où il va chercher
toutes ces idées-là; je n’avais pas vu ça sous cet angle…. ». Pour lui, c’était du nouveau et par
surcroît, un enrichissement dont nous profitions tous.
Parlons de l’homme de lettres et de l’éducateur
Un vieillard qui nous quitte, c’est une bibliothèque qui s’en va. Vieillard, ce n’est pas un mot qu’on
entendait à la maison, même si parfois le père Vachon se disait valétudinaire et cacochyme. C’était
plus beau et plus poétique et un peu à la blague…
Le père Vachon, nous quittant, il n’est pas exagéré de dire que c’est une bibliothèque qui s’en va.
Quel homme de lettres! Quel esprit cultivé et raffiné! Et quelle mémoire! Il n’était pas rare de
l’entendre citer quelques vers qui ont bercé sa jeunesse et marqué ses années d’enseignement qui
ont duré plus de 25 ans. Je l’ai connu comme professeur et, quelques années plus tard, nous étions
collègues dans l’enseignement du français. Il n’est pas d’auteurs qu’il ne connaissait pas. Que ce soit
Ronsard : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »; ou Boileau, qu’il citait souvent à ses élèves :
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage; Polissez-le sans cesse et le repolissez;
Ajoutez quelquefois et souvent effacez…
Ou encore Lamartine et Verlaine… des vers qui nous parlent plus aujourd’hui:
« Ô temps, suspends ton vol et vous heures propices, suspendez votre cours.». Il pleure dans
mon cœur comme il pleut sur la ville…
Et que dire des auteurs québécois? Les Durocher, Savard, Vigneault et son humble participation avec
« Le temps des villas » sans parler de ses nombreux écrits spirituels.
J’ouvre une parenthèse : le jeudi 31 janvier, fête de saint Jean Bosco dont on dit que c’était un
éducateur exceptionnel, je célébrais l’eucharistie avec quelques jeunes au Séminaire et à l’homélie je
leur ai parlé d’un autre éducateur exceptionnel qui avait fait confiance aux jeunes, le père Vachon. En
union de prières avec lui, il décédait 15 minutes après la messe. C’était le début des cours pour les
élèves, le début d’une nouvelle vie pour lui.
L’homme passionné
De plus, le père Vachon était un homme passionné. Tout l’intéressait et quand il parlait, il était écouté
et entendu parce que ses paroles étaient teintées d’expérience et de grande sagesse. Oui, nous
pouvons le classer dans la catégorie des sages… Le livre de la Sagesse nous le confirme d’ailleurs.
« La sagesse renouvelle toutes choses; elle se répand au long des âges dans les âmes saintes; elle
en fait des amis de Dieu, car Dieu n’aime que celui qui vit avec la Sagesse. Cette Sagesse qui se
laisse découvrir par ceux qui la cherchent. Qui la cherche dès l’aurore n’aura pas à peiner; il la
trouvera assise à sa porte ». La Sagesse était pour ainsi dire, son épouse.
Le père Vachon inspirait la paix. C’est ce que les jeunes remarquaient chez lui : une sagesse paisible
et une grande confiance en l’avenir de l’Église, malgré les turbulences, ainsi qu’une grande confiance
dans la jeunesse qu’il considérait comme le moteur de l’Église de demain. Il était un modèle
remarquable pour éveiller l’intérêt des jeunes qui veulent travailler dans une Église humble. Il les
inspirait à être présent, dans cette Église, comme le levain dans la pâte pour dire Dieu à notre monde
d’aujourd’hui.
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Finalement, il était un témoin véritable de l’amour de Dieu.
Il me venait à l’esprit ces vers d’Alfred de Musset. Pour De Musset l’amour est une vertu qui ennoblit
ceux qui en vivent et qui en meurent.
J’aime! Voilà le mot que la nature entière
Crie au vent qui l’emporte, à l’oiseau qui le suit!
Sombre et dernier soupir que poussera la terre
Quand elle tombera dans l’éternelle nuit!
Oui, le père Vachon a aimé : la Société de Marie (qu’il remerciait, mardi, pour tout ce qu’elle avait fait
pour lui); il a aimé sa famille; les jeunes et l’enseignement; son travail d’aumônier chez les Sœurs du
Bon Pasteur où il a travaillé pendant 32 ans; ses divers ministères, en l’occurrence ici à St-Michel. Il a
aimé point.
Sombre et dernier soupir qu’il a poussé; il est entré dans l’éternelle nuit pour y voir la lumière qui luit et
être accueilli par Marie, sa bien-aimée.
Cher père, que ces derniers mots que vous avez écrits, il y a deux semaines nous inspirent, chaque
jour : (il a écrit ces lignes dans la carte de Noël envoyée par Sœur Andrée, où St-Joseph est en
évidence).
« Grand Saint-Joseph! Par ton fidèle serviteur le saint frère André, tu as manifesté la puissance de ton
intercession pour les petits, les pauvres, les malades. Mets-moi sur la liste de tes protégés et gardemoi confiant que Dieu ne cesse de veiller sur nous et de prendre soin de nous par nos frères et
sœurs, spécialement du monde infirmier. Garde-moi un cœur de confiance et de reconnaissance. Toi
qui as veillé sur le Fils que le Père t’avait confié, veille maintenant sur l’Église tout entière et
spécialement sur le segment le plus vulnérable quant à la santé de l’âme et du corps. Amen »
Père Vachon, un merci sincère jaillit de nos cœurs en ce 2 février, avec une éternelle reconnaissance.
Reposez en paix.
Jean Martel, s.m.
31 janvier 2013
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Homélie pour les funérailles du père PaulPaul-Émile Vachon, s.m.
(Cf : Lc 2,22-35 ; He10, 19-25)
Le 20 janvier dernier, le père Paul-Émile Vachon était de retour à la Villa Beauvoir pour célébrer
avec ses confrères son quatre-vingt-deuxième anniversaire de naissance. J’ai eu l’occasion ce jour-là
de lui parler au téléphone pour lui offrir mes vœux. Dans la sérénité qui était la sienne, il m’avait
répondu en toute franchise : « C’est peut-être mon dernier anniversaire en ce monde! » Comme s’il
avait senti au dedans de lui que le temps se faisait court, que le Seigneur et la Vierge le préparaient
doucement au grand passage, à la Pâque à laquelle nous sommes tous et toutes conviés, à ce
passage à travers la mort pour entrer dans la vie, dans la vie éternelle avec le Christ, par la grâce de
Dieu et la force de l’Esprit.
Pour celles et ceux qui demeurent, ses parents, ses confrères et ses amis, ce passage vers la vie
éternelle est synonyme de peine. Deux jours à peine après son départ, le père Vachon nous manque.
Nous avons beau être hommes et femmes de foi, la douleur de la séparation nous afflige. Nous ne
devons pas avoir honte des larmes qui, tout naturellement, coulent de nos yeux. Mais ces larmes
risquent fort d’obstruer notre vue, de nous empêcher de vivre dans la foi, dans l’espérance et dans
l’amour ce moment de la séparation.
Pour permettre à nos larmes de sécher, pour permettre à l’espérance de renaître, il importe de
fermer les yeux un instant et de laisser monter à notre mémoire croyante toutes les délicatesses que
le Seigneur a fait goûter à notre frère Paul-Émile dans les derniers jours de sa vie. Il y en a sans doute
plusieurs. J’en retiendrai quatre.
Au jour de son anniversaire, d’abord, après m’avoir dit que c’était peut-être son dernier, le père
Vachon s’est empressé d’ajouter qu’il rendait grâce à Dieu pour les moments de souffrance qu’il
venait de connaître. « Grâce à eux, disait-il, j’ai beaucoup appris sur ma foi… » Je me suis dit alors :
quand nous laissons le Christ prendre place sur notre croix, il la transforme en arbre de vie…
Je retiens en second lieu la grâce que le Seigneur a faite à Paul-Émile en le rappelant à lui au
dernier jour de janvier, au jour où l’Église célèbre la mémoire d’un grand éducateur, saint Jean Bosco.
Pour l’éducateur plein de fougue qu’a été le père Vachon, y avait-il un meilleur jour pour passer de ce
monde au Père ?
La troisième délicatesse que lui a faite le Seigneur pendant les derniers jours de sa vie, je la trouve
dans un courriel que notre provincial nous faisait parvenir la veille du décès de Paul-Émile, le 30
janvier à 22 h 40. Jacques écrivait : « À la tête de son lit, une image avec ces mots : « Ils s'appelleront
maristes ». Au cours des derniers jours, le père Vachon a répété une courte phrase: « Le Seigneur est
bon! » Voilà deux rappels pour ses confrères : le Seigneur veille sur nous et la Vierge nous a fait une
faveur: porter son nom ». Pour le mariste convaincu qu’était Paul-Émile, quelle grâce!
Au matin du 31 janvier, une religieuse de la communauté des Augustines de la miséricorde de
Jésus veillait auprès de lui. Elle a prié l’office du matin à ses côtés et lui a lu la première lecture de la
messe de ce jour, le passage de l’épitre aux Hébreux que nous avons nous-mêmes entendu il y a
quelques instants. La dernière parole de Dieu qui parvint aux oreilles de notre frère était donc
empreinte d’espérance : « C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel
grâce au sang de Jésus : nous avons là une voie nouvelle et vivante qu’il a inaugurée en pénétrant
au-delà du rideau du Sanctuaire, c’est-à-dire de sa condition humaine » (He 10,19-20). Pour
l’aumônier fidèle des Sœurs du Bon Pasteur qu’a été Paul-Émile, pour celui qui anima tant de retraites
dans les communautés religieuses, cette parole de consolation proclamée par une petite religieuse
n’était-elle pas une autre marque de la tendresse de Dieu ? Quatrième délicatesse.
Il y a une autre délicatesse que le Seigneur réservait à Paul-Émile, mais aussi à nous qui sommes
rassemblés par Dieu autour de sa dépouille mortelle. Ce n’est pas un hasard si le jour des funérailles
du Père Vachon est celui de la fête de la Présentation du Seigneur au temple. J’y vois plutôt une
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marque de la providence. Fête du Christ et fête de Marie, la Présentation est aussi la journée de la vie
consacrée. N’est-ce pas là l’appel auquel Paul-Émile a voulu répondre tout au long de sa vie ?
En nous laissant toucher le cœur par la tendresse de notre Dieu, sa tendresse pour Paul-Émile et
sa tendresse pour nous, nous pourrons passer de la tristesse à la joie, de la mort à la vie. Avec le
père Vachon et pour lui, nous pouvons reprendre le cantique de Syméon : « Maintenant, ô Maître, tu
peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu
as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël
ton peuple ».
Le cantique de Syméon nous permet d’entrer dans l’espérance de la résurrection. Il nous invite
également à nous laisser guider par l’Esprit. « L’Esprit Saint était sur lui. » (v. 25), nous dit saint Luc à
propos de Syméon. « L’Esprit lui avait révélé qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Messie du
Seigneur. » (v. 26) Et c’est « poussé par l’Esprit [que] Syméon vint au Temple » (v. 27) Comme Marie,
comme Syméon et comme Paul-Émile, laissons aujourd’hui l’Esprit Saint nous pousser.
Nous laisser pousser par l’Esprit ne peut que conduire à la vie. Mais c’est aussi un chemin qui
passe par la souffrance et par la mort. N’est-ce pas ce qu’a appris Paul-Émile à travers ses
souffrances ?
Sur le chemin de l’Évangile, comme Marie, nous aurons nous aussi à vivre nos difficultés. Au
moment où Marie présente son Fils au temple pour le consacrer au Seigneur, l’Esprit Saint, par la
bouche de Syméon, lui annonce : « Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de
beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. – Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une
épée. – Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre ».
Cette division, Paul-Émile en a été témoin. Je me souviens du discours qu’il tenait à l’occasion du
cinquantième anniversaire de son ordination presbytérale en 2006. Comme l’Église a changé pendant
ces cinquante ans! Combien de gens l’ont quittée! Comme le monde que nous avons connu est
maintenant divisé et fracturé. Loin de choisir le défaitisme, Paul-Émile, se laissant guider par celle
dont il portait le nom, a choisi de se tenir debout dans l’espérance. Une espérance qu’il n’a pas
manqué de communiquer à ses confrères. Une espérance qu’il aimait tant partager avec les jeunes
qui côtoient la communauté mariste de la Villa Beauvoir.
Si nous voulons accueillir l’héritage spirituel que nous laisse le père Vachon, nous nous laisserons
guider, comme lui, par Marie. Si nous nous laissons toucher par le choix d’amour gratuit de Marie, elle
nous aidera à nous tenir debout avec elle devant la croix de son Fils. Alors nos propres souffrances,
nos propres croix, nos difficultés et nos divisions et les divisions de notre monde se transformeront en
chemins de lumière. Car c’est sur la croix du Christ que nous pouvons contempler ce que chantait
Syméon : le salut, que le Seigneur a préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les
nations païennes, et gloire d’Israël son peuple.
Dans notre prière de ce jour, nous demandons au Seigneur d’accueillir notre frère Paul-Émile dans
son Temple de gloire au côté de Marie. Mais nous prions aussi pour nous. En cette heure de peine,
que l’Esprit vienne raviver notre foi. Que l’Esprit nous pousse vers la vie, vers la vie éternelle. Ainsi
nous pourrons témoigner à la manière de Marie de la foi, de l’espérance et de l’amour qui nous
habitent. Comme nous y invite la lettre aux Hébreux : « Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur
sincère, et dans la certitude que donne la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le
corps lavé par une eau pure. Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui
qui a promis. Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à aimer et à bien agir. » (He
10,22-24) Amen.
Samedi 2 février 2013, église Saint-Michel de Sillery
Yvan Mathieu, s.m.
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