GLASS HOUSE - Antoine Schmitt

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GLASS HOUSE - Antoine Schmitt
Maisons d’architectes
El-Wakil Leïla
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Schmitt Antoine
Mai 2015
BA7
Philip Johnson
GLASS HOUSE
1949
Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
Philip Johnson
GLASS HOUSE
1949
Introduction
« Philip, je dois retirer mon chapeau ou non ? Je suis dedans ou dehors ? »1 C’est ainsi
que s’exclame Franck Lloyd Wright lorsqu’il découvre pour la première fois, au début des
années 1950, la Glass House (ill.1).
En 1936, Philip Johnson avait quitté son poste de directeur du département d’architecture
et de design du Museum Of Modern Art pour entreprendre des études d’architecture alors
qu’il avait déjà passé trente ans. A Harvard, il suit les enseignements de Marcel Breuer et
de Walter Gropuis qui ont fuit le régime nazi un an plus tôt. Il se lie à Mies van der Rohe
qui s’est lui aussi réfugié aux Etats Unis et avec lequel il collabore à la réalisation du
Seagram Bulding à New York en 1958, un bâtiment emblématique du maître allemand.
Philipp Johnson a quarante ans, il est riche, cultivé et admire les bâtiments de Mies van
der Rohe. Depuis son passage au «MOMA», il est aussi devenu un grand collectionneur
d’art contemporain qu’il a l’intention de mettre en valeur et de montrer au public. C’est
avec ce bagage qu’il se lance en 1946 dans la cinquième et la plus connue de ses réalisations, la Glass House.
L’édifice adopte la forme d’une boite de dix mètres par dix-sept mètres dont les façades
sont entièrement constituées de verres. Aucun mur, aucun pan massif n’est présent.
Seule la structure métallique soutient le toit et des immenses baies vitrées créant ainsi
« une interférence maximale entre l’espace interne de la maison et le paysage environnant ».2 On comprend mieux la phrase pleine d’ironie de Frank Lloyd Wright mais qui
souligne bien la démarche de Johnson ; créer une maison totalement ouverte sur l’environnement.
Véritable chef-d’oeuvre architectural pour certains, pâle copie de la Farnsworth House
de Mies van der Rohe pour d’autres, la Glass House suscite admiration ou rejet dès sa
construction. Les nombreux articles écrits à son sujet mais surtout l’essai que Philippe
Johnson rédige en 1950 pour expliquer ses sources d’inspiration3 alimentent le débat
architectural et assurent la renommée de son oeuvre.
Quelles sont donc les caractéristiques de cette maison qui fait tant parler ? Quelle place
occupe-t-elle dans la carrière de son créateur ? En quoi se distingue-t-elle de ses autres
réalisations ?
Pour répondre à ces questions, ce travail propose une étude progressive de la maison
de verre à partir de l’extérieur vers l’intérieur. Ce parcours permettra de s’arrêter sur des
thèmes chers à Johnson comme la « procession architecturale », le volume, le plan ou
le rapport à la nature. Enfin, ce travail se terminera par une comparaison de la Glass
House avec d’autres réalisations de l’architecte permettant de situer son oeuvre et de
comprendre sa pensée architecturale.
1
2
3
Scully, Vincent, «Philip Johnson: The Glass House Revisited», in Architectural Digest, Novembre 1986.
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
Johnson, Philip, « Glass House », in Philipe Johnson : La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
3
Procession architecturale
Pour Philippe Johnson, l’architecture se conçoit et se ressent en premier lieu en dehors
d’un édifice, avant même qu’on ait pu le distinguer. Ainsi, dans un article de 1956 s’intitulant « D’où et vers où : de la procession en architecture »4, l’architecte américain accorde
une place aussi importante à l’approche d’un bâtiment qu’au bâtiment lui-même. Pour
imager sa pensée, il confronte deux édifices, le Parthénon et la cathédrale de Chartres
dont les approches seraient diamétralement opposées. Dans le premier cas, selon Johnson, le visiteur apprécie le Parthénon car il doit en escalader la colline par des chemins
en lacets. Plus il monte, plus il sent qu’il s’approche du but. A Chartres, au contraire,
un bus dépose les touristes au pied de la cathédrale. Aucune approche pour le visiteur,
aucun effet de surprise. L’architecture pour Philip Johnson n’est donc pas statique mais
temporelle. Comme il l’écrit dans le même article, la beauté d’un édifice se révèle par la
manière dont on l’aborde et dont on se déplace en son sein. C’est dans l’optique d’une
approche dont on ne sait pas quand elle va s’achever pour enfin atteindre l’objet final que
l’architecte va concevoir l’accès à sa maison.
Lorsque Johnson achève la Glass House en 1949, il ne possède que deux hectares
de terrain et la route d’accès, trop directe, n’est pas du goût de l’architecte qui déclare :
« L’automobile est un tel problème que son sort est aujourd’hui la première considération
que l’on prend en compte dans les plans de n’importe quel type de construction. J’ai
dû acheter le terrain voisin pour empêcher ce monstre de regarder vers ma maison de
verre »5. Il peut ainsi modifier au début des années 1960 la voie d’accès au sud en lui
donnant la forme d’un « S ». Dorénavant, le visiteur progresse sur une route plus longue
et pittoresque mais surtout, il n’aperçoit à aucun moment la maison qui est cachée par
des rangées d’arbres préexistants ou que Johnson fait planter (ill.2).
L’approche voulue par l’architecte se prolonge par un parking devant lequel un mur d’un
mètre quatre-vingt fait face au visiteur (ill.3). Le parking, situé à quelques dizaines de
mètres de la maison, est un moyen pour Johnson d’obliger le visiteur à sortir de son véhicule puis de contourner l’obstacle du mur pour enfin découvrir la maison selon un angle
de vue voulu par l’architecte (ill.4). Un angle à 45°. Philip Johnson explique dans l’article
relatant ses sources que le choix de cet angle d’approche serait dû à Auguste Choisy et
de son étude de l’architecture grecque.6 Dans son livre sur l’histoire de l’art de ce pays,
Choisy analyse le parcours voulu par les constructeurs à travers l’Acropole d’Athènes
(ill.5) et en conclut que, mis à part l’entrée et ses propylées, aucune approche d’un édifice
ne se fait de face. Leur approche en biais permet une vision en profondeur des édifices
et fait ressortir leur volumétrie (ill.6).
4
Johnson, Philip, « D’où et vers où: de la procession en architecture », in Philip Johnson: La mai
son de verre, Paris, Gallimard, 1997.
5
6
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
Johnson, Philip, «House at New Canaan, Connecticut», in Architectural Review, Septembre 1950.
4
Johnson soigne également l’approche pédestre car ce qui l’anime c’est, comme il le dit ,
« la façon dont l’espace se déroule du moment où j’aperçois un bâtiment jusqu’à ce que
– avec mes pieds – je l’ai approché ou pénétré et que je sois arrivé à destination ».7 Le
parcours voulu par Johnson est matérialisé par un chemin de gravier qui se détache sur
une pelouse verte toujours tondue à la perfection (ill.7). Le contraste entre verdure et sol
granuleux permet à l’architecte de diriger très sûrement les pas du visiteur. « J’ai volontairement exagéré des aspects processionnels, qui ne sont en réalité pas très évidents
pour le visiteur non informé. Le visiteur n’est ainsi jamais perdu, il sait d’où il vient et vers
où il va ».8 En hiver, la neige recouvre toute la pelouse ainsi que le passage destiné aux
visiteurs. Pour y remédier, Johnson fait passer les tuyaux de la chaufferie – qui se situe
dans le bâtiment d’en face – sous le chemin de gravier. Ils permettent, grâce à la déperdition de chaleur, de faire fondre la neige et de libérer ainsi l’accès à la maison (ill.8).
Philip Johnson ne se contente pas de construire un chemin pour guider le visiteur. Il fait
également construire en 1953 une maison pour les hôtes – la Guest House (ill.9). Elle
permet d’accueillir des invités, mais sa position vise aussi un autre objectif pour l’architecte. Placée en face de la Glass House mais légèrement décalée elle est, au contraire
de cette dernière, visible depuis le parking. Cet emplacement, selon son créateur, lui permet d’être « le premier point d’accroche »9 pour les hôtes. Elle doit les inciter à contourner
le mur du parking et les aider dans les premier pas de leur parcours.
Un effet de volume
La Glass House a la forme d’un parallélépipède de dix mètres par dix-sept mètres et de
trois mètres vingt-trois de haut (ill.10). Les côtés les plus longs accueillent au Sud Est
l’entrée et donnent au Nord Ouest sur un vallon. Huit piliers forment la structure d’ensemble. Ils sont disposés aux quatre angles ainsi que sur les deux grandes façades de
manière symétrique. Chaque façade comporte en son milieu une porte s’ouvrant sur
toute la hauteur du bâtiment. A soixante centimètres du sol environ, une fine barre métallique court le long des vitres et joint les différents piliers les uns aux autres. Elle crée
un joint entre les panneaux de verre qu’il aurait probablement été impossible à réaliser
d’une seule pièce. Aucun mur, aucun autre élément porteur ne vient s’ajouter à la structure métallique (ill.11).
En 1932, après un voyage en Europe avec Henry Russel Hitchcock durant lequel ils
avaient découvert l’architecture moderne, Johnson devenait le premier directeur du dé7
8
9
Johnson, Philip, « D’où et vers où: de la procession en architecture », in Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
Johnson, Philip, Writings, New York, Oxford University Press, 1979.
Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
5
partement d’architecture et de design du Museum Of Modern Art à New York. Afin de
promouvoir l’architecture moderne européenne sur le continent américain, il organise
avec avec Alfred Barr Junior et Hitchcock l’exposition « Modern Architecture : International Exhibition ». Les travaux d’Aalto, Lurçat, Oud, Albers, Mies van der Rohe, Gropuis
ou Breuer y sont alors présentés. La même année, Henry Russel Hitchcock et Philip
Johnson publient « Le Style International : Architecture depuis 1922 ».10 Les deux auteurs
donnent pour la première fois un nom à ce mouvement mais surtout le codifie à l’aide de
trois principes qu’ils jugent fondamentaux : le volume plutôt que la masse, la régularité
par opposition à la symétrie et le refus de l’ornementation.
Philippe Johnson et Henry Russel Hitchcock estiment dans leur livre, que les constructions traditionnelles en maçonnerie n’ont plus lieu d’être. Les murs doivent devenir de
simples éléments subordonnés et être disposés comme des panneaux entre les supports.
Ainsi, le bâtiment est comme un bateau ou un parapluie avec à l’intérieur une armature
solide et à l’extérieur une enveloppe continue. L’objectif est, comme le dit Johnson, « de
supprimer l’effet de masse et de solidité statique qui était jusqu’à maintenant la qualité
première de l’architecture et de la remplacer par un effet de volume ».11
Pour qu’un bâtiment ne soit pas soumis à l’effet de pesanteur, les deux auteurs soulignent que les surfaces doivent donner l’impression d’être ininterrompues telle une peau
tendue sur l’ossature. Les piliers de la Glass House sont logiquement plus larges que la
structure des fenêtres mais la finesse de cette dernière et une même teinte appliquée à
tous les éléments métalliques évitent toute rupture de continuité de la façade. Johnson
se distingue ici des architectes fonctionnalistes qui, le plus souvent, différencient visuellement les éléments porteurs et les ouvertures.
Du toit plat émerge un cylindre en briques de trois mètres de diamètre. Il est le seul élément à dépasser du volume rectangulaire de la maison. Il permet de rigidifer la construction qui se coucherait au moindre coup de vent si elle n’était tenue que par les poteaux
métalliques. Pourtant, lorsque Philip Johnson parle de ce cylindre, ce n’est pas pour
souligner sa fonction constructive mais plutôt pour évoquer d’où lui est venu l’idée de
réaliser une telle forme. Toujours dans son essai relatant ses sources, il explique que
« le cylindre, fait de la même brique que la plate-forme dont il surgit, en formant le motif
principal de la maison vient d’un village en bois incendié que je vis un jour et dont rien
ne restait, si ce n’est les fondations et les cheminées de briques ».12 Johnson ne révèlera
jamais le lieu exact où il aurait eu cette vision mais, ayant participé à la seconde guerre
mondiale, il est fort probable qu’il ait pu traverser des villages incendiés.
10
11
12
Hitchcock, Henry-Russel, Johnson, Philip, Le style international, Marseille, Ed. Parenthèses, 2001.
Idem
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
6
Pour Peter Eisenman, architecte et théoricien américain, la maison de verre préfigure
l’anxiété de l’architecture au sortir de la deuxième guerre mondiale. « Elle est le geste
pure, le geste final d’une croyance en un humanisme affaiblit par les atrocités de 19391945 ».13 Toujours selon Eisenman, elle contient avec l’image de cette ruine, le germe
d’une nouvelle conception architectonique qui n’a pas pour objet la réification d’un homme
anthropocentrique mais plutôt d’un homme ouvert. La maison de verre serait, si l’on en
croit les références de son auteur, le monument que Johnson élève face aux atrocités de
la guerre.
Le plan
Le plan de la maison comprend six espaces distincts et égaux répartis selon un ordre
symétrique (ill.12). Le premier, au centre en entrant est le hall d’entrée. La cuisine se situe à gauche et face à elle, la salle à manger (ill.13). Ensuite, vient le salon (ill.14) et de
l’autre côté de la maison se trouve la chambre à coucher que jouxte un petit espace de
travail (ill.15).
L’architecte parvient à délimiter les espaces non par des murs mais à l’aide d’écrans. Dans
l’ouvrage « Le Style International : Architecture depuis 1922 », les deux auteurs expliquent
que grâce à la construction d’ossatures porteuses légères, de nouveaux intérieurs ont
vu le jour. Remplacer les murs en maçonnerie par de simple écrans, disent Hitchcock
et Johnson « permet à la fois de créer des espaces fonctionnels distincts mais aussi de
souligner l’unité et la continuité des différents espaces les uns avec les autres ».14 Qu’entendent les deux auteurs lorsqu’ils évoquent des écrans autonomes ? Il s’agit dans leur
pensée de pans qui se distinguent par leur taille, leur épaisseur, leur matérialité ou leur
couleur de la structure porteuse du bâtiment. Ainsi, le long plan de travail de la cuisine de
la Glass House, fait de bois et de linoléum, sert aussi bien à délimiter l’espace qu’à préparer à manger ou accueillir les appareil électroménagers. L’armoire en bois d’un mètre
quatre-vingt de haut entre le salon et la chambre à coucher permet de ranger des habits
mais aussi de délimiter les deux lieux de vie. En l’interrompant avant le plafond et en ne
la faisant pas rentrer en conflit avec la baie vitrée, Johnson parvient à garder l’aspect
ouvert de l’ensemble. Le cylindre de briques accueille une cheminée et la salle de bain
mais permet encore une fois de séparer deux parties de la maison, celle de l’entrée d’un
côté et du bureau de l’autre.
Deux écrans sortent de l’ordinaire ; une plante et un tableau attribué à Poussin qui repose
sur un chevalet métallique spécialement conçu par l’architecte (ill.16). Philip Johnson explique ce choix dans « Le Style International : Architecture depuis 1922 ». « La meilleure
13
14
Eisenman, Peter, «Sans titre», in Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
Hitchcock, Henry-Russel, Johnson, Philip, Le style international, Marseille, Ed. Parenthèses, 2001.
7
façon de donner de la vie à des intérieurs, consiste à y placer des plantes et des beaux
tableaux ».15 Les deux « objets » ont donc comme fonction de donner vie à cet intérieur
mais permettent, une fois encore, de distinguer les espaces. La plante sépare la salle à
manger du salon tandis que la toile sépare la chambre du salon. La taille et la matérialité
variée de ces écrans permet, selon le désir de Johnson, de contraster avec la régularité
de l’ossature symétrique de la maison. En ce sens, l’espace ne devient pas monotone
mais crée « une sorte de mélodie sobre ou lyrique en fonction du désir du créateur ».16
Tous ces écrans permettent aussi à l’architecte, comme à l’extérieur de sa maison, de
mettre en place une procession. En entrant, le rapprochement entre le cylindre de briques
à droite et le plan de travail de la cuisine à gauche oblige le visiteur à se diriger vers le
salon ouvert qui lui fait face et qui fonctionne, dans la pensée de l’architecte, comme le
point d’arrivée de son parcours architectural.
Si Johnson a varié les matériaux des écrans, le soubassement extérieur et le sol de la
maison de verre sont entièrement constitués de briques. Disposées en épis, elle forment
un motif régulier qui donne vie au sol. Le créateur de la Glass House parle de ce revêtement comme d’une mer pleine de vaguelettes sur laquelle, le tapis du salon flotte comme
un radeau. Le point d’arrivée voulu par Johnson prend ici tout son sens. Si l’architecte
a trouvé une dimension symbolique à son sol, l’utilisation de la brique plutôt qu’un autre
matériau est également et surtout dû à sa praticité. « La brique et son traitement en épis
était tout à fait clair dès le départ dans mon esprit. Cela permet de donner du relief au sol
et ne demande pas d’entretien particulier. Uniquement une couche de graisse de temps
en temps et un simple polissage suffit à lui rendre tout son éclat et à éviter que les joints
ne s’effritent ».17 Le cylindre est lui aussi en briques. Le traiter avec le même matériau que
le sol était pour Philip Johnson un moyen de lui donner de l’importance puisque, selon
ses dires, il est « l’élément qui fixe la maison au sol, l’ancre de la maison ».18
Tout le mobilier - chaises, canapé, table basse et armoire de rangement - ainsi que la
manière de l’agencer provient des créations Ludwig Mies van der Rohe (ill.17). Le seul
élément qui n’aurait pas pu sortir des mains de Mies van der Rohe et qui provoqua une
discorde entre les deux architectes est le cylindre. Alors que l’architecte allemand traite
l’espace sanitaire, cheminée et cuisine par une forme rectangulaire dans la Farnsworth
House, Johnson décide de se distancer de son mentor. Le choix porté sur un cylindre et
son emplacement décentré lui serait venu en examinant une peinture de Kasimir Malevitch. L’oeuvre « Cercle noir » (ill.18), aurait fait prendre conscience à l’architecte qu’un
espace agréable et beau pouvait être crée uniquement par la manière dont un rond est
disposé dans un espace rectangulaire.19
15
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18
19
Hitchcock, Henry-Russel, Johnson, Philip, Le style international, Marseille, Ed. Parenthèses, 2001.
Idem
Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
Idem
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
8
Philip Johnson travaille à New York durant la semaine et passe uniquement ses week
ends dans la Glass House jusqu’à sa mort en 2005. Plus de cinquante ans après la
construction de sa maison, rien n’avait changé. Chaque meuble était resté à la place
que lui avait réservé l’architecte en 1949. Une anecdote rapportée par Vincent Scully
permet de se rendre compte de la maniaquerie de l’architecte.20 Un jour, une invitée a
la maladresse de déplacer un fauteuil et d’y poser son sac à main. Immédiatement, une
autre convive habituée du lieu, s’empresse de remettre le fauteuil à sa place avant que
Johnson ne s’aperçoive qu’on a touché ses meubles.
Dans la pensée du créateur, son bâtiment était une oeuvre figée, terminée. Il déclara
même qu’il n’avait jamais songé à en modifier le moindre détail. En ce sens la Glass
House peut être vue comme un musée, comme un lieu où Philip Johnson aimait recevoir
et faire visiter son édifice mais dans lequel, il était bien difficile d’y vivre ou d’y travailler.
Rapport à la nature
L’idée de concevoir une maison aux parois entièrement de verre ne découle pas de la
pure imagination de Philip Johnson. En 1945, Ludwig Mies van der Rohe avait parlé de
son projet de construire une telle maison à l’architecte américain. Sceptique au départ
quand à la faisabilité d’un tel édifice, ce n’est qu’après avoir vu les premiers plan de la
Farnsworth House (ill.19) que Johnson s’est lancé lui aussi dans son projet. Il ne cachera
d’ailleurs jamais sa dette envers Mies van der Rohe, citant l’architecte allemand comme
sa première source d’inspiration.
Bien que les deux maisons soient constituées de verre, leur rapport à la nature n’est
pas le même. Mies van der Rohe, fidèle aux concepts de l’architecture moderne et pour
éviter les inondations engendrées par la rivière Fox, a surélevé son édifice à l’aide de pilotis (ill.20). Celle de Johnson, au contraire, est quasiment à même le sol. La Farnsworth
House « est flottante, alors que la mienne est assise sur le sol »21, explique l’architecte
américain. Pour se faire, il fait ressembler la plate-forme de la maison au sol naturel qui
l’environne. Robert Dell Vuyosevich, dans un article de 1987 déclare à ce sujet, « La dalle
de béton est revêtue par des briques disposées en épis à l’intérieur et orientées vers le
bas à l’extérieur. La base en brique adhère au sol et sa couleur souligne son lien avec la
terre ».22
Une différence de rapport à la nature est également marquée par le traitement des structures. Mies van der Rohe fait en sorte de dissocier très nettement le toit et ses supports
de l’enveloppe, pose un toit en porte-à-faux en retrait des colonnes, puis exprime la structure en la peignant en blanc et en la détachant des murs de verre. L’espace est comme
20
Scully, Vincent, «Philip Johnson: The Glass House Revisited», in Architectural Digest, Novembre 1986.
21
Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
22
Dell Vuyosevich, Robert, «Semper and Two American Glass Houses», in Reflections: The Journal of The School Architecture, 1987.
9
pris en sandwich entre le toit et le sol. Dans la Glass House, la structure est au contraire
« supprimée », les piliers métalliques sont insérés dans la paroi de verre, sauf aux angles
peints de couleur noire (ill.21, ill.22). Ce choix permet à Johnson d’éviter, au contraire de
la Farnsworth House, toute ombre de la structure sur les parois de verre. Ainsi seul le
paysage apparait, par transparence au travers de la maison ou par reflets.
Le rapport à la nature, dans la pensée de Johnson, ne se conçoit pas uniquement par la
manière dont l’édifice se fond dans le paysage. Pour que la vue soit agréable il fait déraciner des arbres, ne préservant que les plus hauts. Les troncs des chênes devenant trop
sombres à son goût sous l’effet de la pluie tandis que ceux des érables restaient clairs,
l’architecte taille certains arbres pour obtenir une composition qu’il juge satisfaisante et
agréable au regard. Pour mettre en valeur sa maison la nuit et donner un effet théâtral,
il installe des projecteurs qui éclairent la nature environnante (ill.23). Le choix de faire
figurer une oeuvre de Poussin, alors qu’on aurait imaginé une peinture contemporaine
dans un tel intérieur, peut également être vu comme de la scénographie. Les arbres de la
toile rappellent fortement ceux du domaine. Les nouveaux murs de la maisons, ceux sur
lesquels le regard s’arrête sont ainsi ceux des éléments du paysage proche et lointain.
Johnson ne s’arrêtera jamais d’arranger ce paysage à son goût. En 1962, il creuse un
étang en contre bas de la maison dans lequel, un jet d’eau de trente mètres jaillit lorsqu’on appuie sur un bouton (ill.24).
La nature environnante est pour l’architecte un espace qu’il faut maîtriser et agencer
aussi bien que l’intérieur de la maison. Elle est le prolongement de son espace intérieur
si ordonné. Le paysage doit non seulement être agréable à la vue depuis la Glass House
mais doit aussi servir cette dernière tantôt en la cachant de la vue des visiteurs, tantôt en
la mettant en valeur.
Autres réalisations de Johnson
Entre 1949 et 1950, l’architecte réalise à New York la Rockefeller Guest House (ill.25).
La maison doit permettre à Blanchett Rockefeller, femme de l’entrepreneur John Davison
Rockefeller, de recevoir des amis et de stocker une collection d’oeuvres d’art.
Johnson récupère un entrepôt situé entre deux immeubles qu’il démolit presque entièrement, ne gardant que la façade de briques du rez-de-chaussée qui donne sur la rue. La
parcelle est longue et étroite, coincée entre deux maisons (ill.26). Conserver les murs sur
rue au rez-de-chaussée permet d’assurer l’intimité des utilisateurs. Au dessus, Johnson
superpose un étage de métal et de verre qui permet de capter le maximum de lumière.
Ce dispositif est loin d’être suffisant pour éclairer les locaux sur la grande profondeur du
terrain. Philip Johnson ménage alors une cour partiellement recouverte d’une verrière et
aménage des panneaux de verre pour séparer les pièces (ill.27). Il obtient ainsi, dans
10
des conditions difficiles, un résultat analogue à celui de Glass House; la séparation des
différents espaces, tout en faisant circuler la lumière et en assurant une vue d’ensemble.
L’espace cour dans le bâtiment permet à l’architecte d’introduire un peu de la nature qui
lui est chère. Il aménage ainsi un petit étang que l’on franchit en sautant de pierre en
pierre pour se rendre à la chambre à coucher.
Trois ans plus tard, Johnson réalise la maison de Robert Wiley, elle aussi à New Canaan
(ill.28). Sur une pente, l’architecte conçoit une maison dont le niveau inférieur en pierres
est surmonté d’un parallélépipède de verre. Encore une fois, l’architecte cherche à créer
deux espaces distincts; privé au niveau inférieur avec les chambres et les salles de jeux
(ill.29) et public au dessus avec le salon et la salle à manger (ill.30). Pour marquer la différenciation des deux lieux, il place le parallélépipède de verre à nonante degrés par rapport au niveau du dessous. La séparation des pièces dans la partie inférieure de l’édifice
rompt avec les positions prises par Johnson dans ses précédentes réalisations car elles
sont délimitées par des murs massifs. Au contraire, l’étage supérieur est complètement
ouvert. Seuls les escaliers servent d’écrans entre la cuisine et le salon. On peut également observer que la façade du parallélépipède de verre n’est plus « la peau tendue »
défendue par Johnson quelques années plus tôt et qu’elle est au contraire fortement marquée par les éléments verticaux de la structure métallique, auquel s’ajoutent des stores
extérieurs inclinés et très visibles.
Ce qui frappe par dessus tout c’est la position de la partie supérieure, perpendiculaire à
celle du dessous et qui dépasse des deux côtés (ill.31). L’habitant, s’il se trouve dans la
cuisine, n’a plus rien sous les pieds, il est en dessus du vide. L’architecte tente une nouvelle fois de mêler l’espace de l’habitat à celui de la nature. Une idée qu’il développera
en 1956 lors de la réalisation de la maison de Robert Leonhardt à Lloyd’s Neck sur l’ile
de Long Island (ill.32).
La maison, divisée en deux bâtiments longilignes surplombe une baie. Dans l’un d’eux se
trouve la chambre à coucher et dans l’autre, la cuisine et le salon. Cette deuxième partie
de la maison se prolonge au dessus d’une pente (ill.33). L’idée d’une maison ouvrant d’un
côté sur un terre plein et de l’autre se prolongeant au dessus d’un sol qui se dérobe est
probablement inspirée d’un croquis que Mies van der Rohe avait réalisé en 1934 (ill.34).
L’architecte allemand avait esquissé le projet d’une maison sur une colline qui ne sera
finalement jamais réalisé. Johnson, fidèle à ses principes, ouvre entièrement l’espace de
vie par de grandes baies (ill.35) alors qu’il cloisonne les lieux privés situés dans le second
bâtiment.
Ces trois maisons nous montre un Johnson qui, après l’élaboration de la Glass House,
chercha encore à développer les principes qu’il avait mis en place dans sa propre maison. En s’adaptant aux exigences des différents lieux et à ceux de ses commanditaires,
11
il persévéra à travailler sur la séparation des espaces mais surtout sur le rapport entre un
bâtiment et sa nature environnante.
New Canaan
Certains voient la Glass House comme une oeuvre indépendante, d’autres comme Arthur
Drexler considèrent le domaine de Johnson comme un tout.23 Il est donc intéressant et
nécessaire d’évoquer certaines des autres constructions réalisées par l’architecte sur
son domaine de New Canaan pour comprendre sa pensée architecturale.
Le deuxième bâtiment à faire son apparition est la Guest House (ill.36), que Johnson
réalise en 1953. Sa fonction principale, comme déjà relevé dans le passage sur la procession architecturale, est de cadrer l’arrivée des visiteurs. Positionnée en face de la
Glass House mais légèrement décalée, elle doit également répondre à cette dernière.
Pour ce faire, Johnson réalise tout son contraire. L’une est complètement vide alors que
l’autre, avec des façades de briques est totalement pleine. L’intérieur abrite une chambre,
un espace bureau, une petite cuisine et deux salles de bains (ill.37). La chambre à coucher est décorée de voûtes tandis qu’un tissu granuleux recouvre les murs. L’intérieur
de la Guest House fait de voûtes et d’arches (ill.38) s’éloigne des principes prôné par
l’architecte quelques années plus tôt. Comme il le dira dans ses écrits, « cet édifice était
le premier bâtiment avec lequel j’ai voulu jouer et m’éloigner du Style International ».24
Johnson, premier et plus grand fervent défenseur de l’architecture moderne est pourtant
le premier à s’en détacher.
En 1962, la même année que la construction de l’étang, Johnson réalise un pavillon sur
ce dernier (ill.39). Nouveau pied de nez aux fonctionnalistes de l’époque, l’architecte
tend vers des formes classiques avec l’utilisation d’arches comme dans la maison des
invités tout en y apportant une touche personnelle. Le pavillon, divisé en quatre espaces
est assez grand pour s’y asseoir mais trop petit pour s’y tenir debout. L’édifice n’est pas
rattaché à la rive, il faut sauter de l’un à l’autre pour y pénétrer. Pourquoi réaliser un bâtiment avec de telles proportions et qui s’éloigne tant de l’architecture de la Glass House ?
Johnson donne des réponses toutes simples. « Tout enfant devrait disposer d’une maison
dans un arbre. Tout enfant devenu adulte devrait posséder sa version d’une maison pour
jouer, et ce pavillon remplit exactement cette fonction à mon égard. Mon pavillon, aux
dimensions totalement faussée, est une plaisanterie inoffensive et amusante aux dépens
de l’architecture sérieuse. J’ai conçu et construit ce pavillon pour deux motifs : le premier,
parce que le lieu avait besoin d’un belvédère et le second, parce que je voulais délibéré23
Drexler, Arthur, «Architecture Opaque and Transparent», in Interiors & Industrial Design, 1949.
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Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
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ment m’écarter de la tradition moderne de l’architecture fonctionnaliste et me relier à la
tradition plus ancienne et plus noble de l’architecture de jardins ».25 Ce bâtiment vaudra à
Johnson les foudres de la critique qui, comme Kenneth Frampton, « n’arrive pas à croire
que le même homme ait conçut et construit la fameuse Glass House et que quelques
années plus tard, il ait pu dessiner des formes aussi débiles ».26 Johnson se défend des
critiques en expliquant « qu’il fallait quelque chose qui arrête le regard depuis la Glass
House et, dans l’autre sens, je ressentais la nécessité d’un but de promenade à partir de
la maison et d’où l’on puisse la regarder ».27
En 1965, l’architecte et grand collectionneur d’art contemporain qu’est Johnson depuis
son passage au MOMA, conçoit la Painting Gallery dont la forme épouse celle d’un trèfle
(ill.40). Bien que surnommée le « kunstbunker » et que son entrée donne l’impression
qu’on pénètre dans la terre (ill.41), la galerie des peintures n’est pas souterraine. Elle se
trouve au niveau du sol mais a été recouverte, lui donnant ainsi la forme d’une petite butte
verte émergeant du paysage. Ne pas percer d’ouverture permet à l’architecte de contrôler la lumière par des spots positionnés sur des rails amovibles. Johnson accroche ses
toiles sur des panneaux disposés en rayons et suspendus sur des rails fixés au plafond.
Le diamètre de chaque « pétale » est différent, ce qui permet de disposer des oeuvres
aux dimensions variées. Johnson choisit un système qu’il nomme « tourniquet pour cartes
postales »28 comme dispositif d’accrochage afin de limiter le nombre d’oeuvres exposées
à la vue (ill.42). Il considère en effet que l’on se fatigue trop vite dans un musée où l’on
nous dévoile trop de choses à la fois.
En 1970, Philip Johnson inaugure la Sculpture Gallery (ill.43). Contrairement au principe
de l’approche selon un angle oblique qu’il avait utilisé pour la Glass House, l’approche
est ici directe et sans détours. Elle est faite d’une allée d’érable longue de 90 mètres qui
conduit jusqu’à l’entrée (ill.44). L’intérieur, bien qu’il ne s’agit que d’une seule surface est
divisé en quatre travées qui forment chacune une salle à trois murs (ill.45). Avec ce système, il parvient à créer un grand espace ouvert mais dont les sous espaces ont chacun
leur intimité propre. Comme pour la galerie des peintures, ce dispositif sert à isoler les
sculptures pour mieux les contempler. Des escaliers permettent d’organiser l’intérieur et
d’atteindre les différents espaces qui sont tous à des niveaux différents (ill.46). Une idée
qu’il dit avoir tiré des villages grecs, où les escaliers qui vont dans toutes les directions
mènent partout. Enfin, un éclairage zénithal est assuré par une vaste verrière qui couvre
tout l’édifice.
En 1980, Johnson n’arrive plus à travailler dans la Glass House car il est trop souvent
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26
27
28
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
Frampton, Kenneth, «Sans titre», in Catalogue, Octobre 1978.
Wagner, Walter, «Architect’s Retreat», in Architectural Record, Juillet 1983.
Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
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dérangé par les écureuils qui grimpent aux arbres.29 Pour palier à ce problème majeur, il
construit le Studio (ill.47). De couleur terre et dépouillé, il s’agit d’un cube qui se dresse
au milieu d’un champ (ill.48). Un occulus et trois ouvertures rectangulaires au plafond
éclairent l’unique pièce du bâtiment. Une fenêtre rectangulaire et disproportionnée permet, selon les voeux de son créateur, de contempler la nature environnante (ill.49). Les
parois intérieures sont occupées par des bibliothèques que l’architecte a intégré aux
murs (ill.50). Dans un coin, une cheminée a été installée. Elle se prolonge bien au dessus du bâtiment et sa forme rectangulaire rentre en opposition avec la forme conique de
l’occulus qui se prolonge lui aussi. Certains comme Hilary Lewis et John O’Connor y ont
vu une influence islamique au vu de la forme allongée de la cheminée qui pourrait faire
penser à un minaret. Johnson répondra que sa seule source d’inspiration avait été celle
d’un monastère mexicain dont la visite l’avait marqué. Aucun accès ne mène au Studio,
pour s’y rendre il faut traverser un champs d’herbe. Cette absence, dans le raisonnement
de l’architecte, est un moyen de ne pas inciter les gens à s’y rendre. «Le lieu doit être un
endroit de travail, sans aucune distraction ».30
La construction du Studio trahit les défaillances de la Glass House. L’architecte s’était
construit une maison dans laquelle il était bien difficile d’y vivre et encore plus d’y travailler. Pourtant, jusqu’à sa mort, Johnson évoquera la Glass House en disant «ma maison».
Cet attachement est en définitive bien normal car il devait être fier d’avoir réalisé un ouvrage qui était devenu un symbole de l’architecture moderne, une sorte de monument.
On ne vit pas dans un monument, on l’admire.
En 1986, Johnson lègue sa propriété au National Trust for Historic Preservation qui l’ouvrira au public peu après son décès survenu en 2005. Conscient que de nombreux touristes viendraient admirer ses créations, il construit en 1995 le pavillon des invités appelé
Da Monsta (ill.51). Le bâtiment permet d’accueillir les visiteurs et de donner des conférences. Voulant réaliser l’édifice comme s’il s’agissait d’une énorme sculpture, Johnson
tord les formes, penche certains pans de murs et réalise d’innombrables courbes pour
obtenir un ensemble qu’il considère comme le plus anti-géométrique possible (ill.52). Le
bâtiment est également pour lui le moyen de tester une nouvelle méthode de fabrication
que son ingénieur, Ysrael Seinuk a découvert en Europe. Celle du béton projeté sur un
treillis métallique, comme l’utilisait par exemple Daniel Grataloup dans notre région.
Ces édifices réalisés par Johnson sur sa propriété nous amènent à une conclusion; la
liberté architecturale de leur créateur. Aucun bâtiment n’adopte les mêmes principes que
le précédent. Chaque édifice est unique et répond aux désirs d’un architecte en perpétuelle remise en question, en perpétuelle recherche de nouvelles formes. A ce titre, la
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30
Stern, Robert, «The Evolution of Philip Johnson’s Glass House», in Oppositions, Automne 1977.
Hilary, Lewis, O’Connor, John, Philip Johnson: The architect in his owns word, New York, Rizzoli, 1994.
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propriété de New Canaan peut être vue à la fois comme un terrain de jeu d’un architecte
soucieux d’expérimenter de nouvelles solutions mais aussi comme le dit Johnson lui
même, « le journal d’un architecte excentrique ».31
Conclusion
Johnson, au contraire d’un Ludwig Mies van der Rohe, n’a pas eu une ligne de conduite
architecturale stricte et fidèle. Il n’a jamais non plus cherché à être un fonctionnaliste
comme Walter Gropuis. Ce qui l’animait c’était de concevoir de belles architectures qu’il
s’imaginait bâtir comme des sculptures. C’est de ce point de vue là, à mon avis, qu’il a
conçu la Glass House. Comme un bel objet qui s’ouvre sur la nature. Un édifice où il a
exprimer pleinement ses idéaux de l’époque – procession, plan libre et rapport à l’environnement entre autre– à leur extrême limite.
Des principes et des choix que l’architecte ne pouvait pas forcément se permettre lorsqu’il travaillait pour des particuliers. Dans ses écrits, il déclare que tous les projets qu’il
a pu faire pour des clients se sont butés à trois problèmes : le désir du client, la fonction
du bâtiment et l’argent. « Alors que moi dans ma propriété, je n’ai jamais rencontré un
seul de ces problèmes ».32 C’est bien là où Johnson est parvenu à être créatif, il a sans
cesse renouvelé ses sources d’inspiration, faisant ainsi évoluer son style au gré de ses
constructions. Ses édifices les plus significatifs se trouvent presque tous dans sa propriété, ce qui fera dire à David Whitney et Jeffrey Kipnis que « Philip Johnson était son
meilleur client ».33
Si l’histoire de l’architecture a retenu le nom de Philip Johnson, c’est en particulier parce
qu’il a réalisé la Glass House. Sa maison reflète les idéaux qu’il prônait au début de sa
carrière, une architecture qui puise sa source dans celle des grands maitres de l’architecture moderne mais pas uniquement. En parlant de sa démarche, Philip Johnson ne se
dévoile pas comme le créateur de nouveaux concepts mais comme quelqu’un qui puise
son inspiration dans toute l’histoire de l’art.
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32
33
Owens, Craig, «Philip Johnson; History, Genealogy, Historicism», in Catalogue, 9, Octobre 1978.
Johnson, Philip, Writings, New York, Oxford University Press, 1979.
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard, 1997.
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Sources iconographiques
(ill.1) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
(ill.2) Plan de la propriété de Philip Johnson, New Canaan
16
(ill.3) Philip Johnson, Glass House et Guest House, 1949 et 1953, New Canaan
17
(ill.4) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
(ill.5) Auguste Choisy, Plan de l’Acropole, Athènes, in Histoire de l’architecture, Paris, Gauthier - Villars, 1899.
(ill.6) Auguste Choisy, perspectives de l’Acropole, Athènes, in Histoire de
l’architecture, Paris, Gauthier - Villars, 1899.
(ill.7) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
18
(ill.8) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
(ill.9) Philip Johnson, Glass House et Guest House, 1949, New Canaan
(ill.10) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
19
(ill.11) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (élévation)
(ill.12) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (plan)
(ill.13) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (salon et cuisine)
20
(ill.14) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (salon)
(ill.15) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (chambre à coucher et bureau)
(ill.16) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (salon)
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(ill.17) Philip Johnson, plan d’étude de l’agencement
du salon de la Glass House, 1947-1948
(ill.18) Kasimir Malevitch, Cercle noir, 1923,
Saint-Pétersbourg, Musée d’Etat Russe
(ill.19) Ludwig Mies van der Rohe, Farnsworth House, 1950, Plano (plan)
(ill.20) Ludwig Mies van der Rohe, Farnsworth House, 1950, Plano
22
(ill.21) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan (plan)
(ill.22) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
(ill.23) Philip Johnson, Glass House, 1949, New Canaan
23
(ill.24) Philip Johnson, Etang, 1962, New Canaan
(vue de l’étang depuis la Glass House)
(ill.25) Philip Johnson, Rockefeller Guest House, 1949-1950, New York
(ill.27) Philip Johnson, Rockefeller Guest House, 1949-1950, New York
(ill.26) Philip Johnson, Rockefeller Guest House, 1949-1950,
New York (plan du rez-dechaussée)
24
(ill.28) Philip Johnson, Whiley House, 1953, New Canaan
(ill.29) Philip Johnson, Whiley House, 1953, New Canaan
(plan du niveau inférieur)
(ill.30) Philip Johnson, Whiley House, 1953, New Canaan
(plan du niveau supérieur)
(ill.31) Philip Johnson, Whiley House, 1953, New Canaan
25
(ill.32) Philip Johnson, Leonhardt House, 1956,
Lloyd’s Neck
(ill.33) Philip Johnson, Leonhardt House, 1956, Lloyd’s
Neck
(ill.34) Ludwig Mies van der Rohe, étude pour une
maison sur une colline, vers 1934
(ill.35) Philip Johnson, Leonhardt House, 1956,
Lloyd’s Neck
(ill.36) Philip Johnson, Guest House, 1953, New Canaan
(ill.38) Philip Johnson, Guest House, 1953, New Canaan
(chambre à coucher)
(ill.37) Philip Johnson, Guest House, 1953, New
Canaan (plan)
26
(ill.39) Philip Johnson, Pavilion, 1962, New Canaan
27
(ill.40) Philip Johnson, Painting Gallery, 1965,
New Canaan (plan)
(ill.42) Philip Johnson, Painting Gallery, 1965, New Canaan
(ill.41) Philip Johnson, Painting Gallery, 1965,
New Canaan
(ill.43) Philip Johnson, Sculpture Gallery, 1970, New Canaan
28
(ill.44) Philip Johnson, Sculpture Gallery,
1970, New Canaan
(ill.46) Philip Johnson, Sculpture Gallery, 1970, New Canaan
(ill.45) Philip Johnson, Sculpture Gallery, 1970,
New Canaan (plan)
(ill.47) Philip Johnson, Studio, 1980, New
Canaan (plan)
(ill.48) Philip Johnson, Studio, 1980, New Canaan
29
(ill.49) Philip Johnson, Studio, 1980, New
Canaan
(ill.50) Philip Johnson, Studio, 1980, New Canaan
(ill.51) Philip Johnson, Da Monsta, 1995, New
Canaan (plan)
(ill.52) Philip Johnson, Da Monsta, 1995, New Canaan
Bibliographie
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The Journal of The School Architecture, 1987.
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1997.
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Automne 1977.
Tomkins, Calvin, «Forms Under Light», in The New Yorker, 23 mai 1977.
Wagner, Walter, «Architect’s Retreat», in Architectural Record, Juillet 1983.
Whitney, David, Kipnis, Jeffrey, Philip Johnson: La maison de verre, Paris, Gallimard,
1997.
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